5 George Hervai

5.6.12.5 George Hervai (1814-1889), 5e génération

Le 14 novembre 1814, Marie Julie Mignaud (1786-1857) accouche donc d’un autre garçon.  Cette fois-ci elle et Louis (1784-1863) ne forceront pas la chance; l’enfant est baptisé le jour même et portera le prénom de George.  Le curé Pierre Thomas Boudreault prénomme la mère de l’enfant «Emératianne» à son registre; il l’avait prénommée «Emérance» lors du précédent baptême.  Qu’à cela ne tienne! Cela n’empêchera pas «George Hervai» de vivre soixante-quinze ans.  Marie Anne Tremblay (1768-1846) l’épouse d’Augustin Dufour (1765-1834), l’oncle de Louis, le père, est la marraine[1].

George unira sa destinée à Elisabeth Bergeron (1819-1911) le 1er août 1837 dans la chapelle de l’île alors qu’il aura près de vingt-trois ans[2]Élisabeth n’a pas encore dix-huit ans au moment du mariage[3].  Elle est l’aînée de Thomas Bergeron (1793-1872) et de défunte Marthe Desbiens (1794-1836) .  La mère d’Élisabeth est décédée des suites de la naissance de son frère cadet Épiphane (1836-post.1881) l’année précédente et son père s’est remarié dans les mois qui ont suivi[4].  La cohabitation avec sa belle-mère était peut-être difficile pour qu’Élisabeth quitte le toit de son père à dix-sept ans alors qu’à l’Isle, comme on l’a vu, les jeunes gens se marient généralement vers vingt-quatre ans.  Le père d’Élisabeth aura quatre autres enfants avec sa nouvelle femme, les sœurs de l’aînée Élisabeth seront toutes marraines de ces enfants, mais pas elle; George ne saura dire non et sera parrain trois ans plus tard de sa belle-sœur Denyse Bergeron (1840-1918)[5]

Tout comme son frère Joseph (1809-1869), George aura de nombreux enfants, onze en tout.  Chacun des enfants de George et Élisabeth survivront, se marieront à l’île et la plupart y vivront leur vie.  Seules trois de leurs filles quitteront l’île après s’y être mariées; Marie Julie vivra à Baie-Saint-Paul, Marie Georgie dite Georgina et sa sœur Marie Victorine élèveront leur famille à La Malbaie pour finir toutes deux leur vie à Montréal.

Dans la famille, la gestion de la municipalité de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres ne s’arrêtera pas au père de George qui en deviendra maire; les fils de ce dernier, Épiphane et Louis seront longtemps conseiller, Épiphane l’aîné pour Les Fonds et Louis pour la Pointe de roche où il est établi alors que le cadet Joseph sera d’abord gardien des enclos publics puis estimateurs dans la même période[6].

Comme George est navigateur tout comme son père, il n’a pas besoin d’une terre lui étant propre; il vivra donc avec sa famille toute sa vie sous le toit du père qui deviendra sien.  Il se fera alors un peu cultivateur alors que ses fils Joseph et Grégoire prendront la barre sur la mer[7]

C’est George qui livrera à Québec et dans les autres ports sur le fleuve les produits de la ferme familiale.  Il possédera plusieurs goélettes, dont L’Aigle et la Louise.  En 1863, il construit avec George Dufour (1817-1905), son beau-frère marié avec la cadette Madeleine, la goélette la Marie Vigilante; elle fait un peu plus de quarante et un pieds avec une capacité de dix-neuf jauges[8]. Il en sera propriétaire avec le beau-frère  (construction d'une goélette)

Les résidents de l’île, tous issus de la vingtaine de familles françaises arrivées au XVIIIe siècle, subviennent à leurs besoins sans passer par le marché.  Les rares sorties de l’île avaient lieu principalement en automne lorsque les insulaires allaient acheter à Québec leurs provisions pour la saison froide tout en y vendant leurs maigres surplus.  De tout temps à l’île, par une belle journée d’automne, les femmes de capitaine de goélettes accompagnaient ces derniers vers la «grand ville».  Les produits de la ferme qui était vendue au marché de Québec étaient souvent troqués pour les produits essentiels à la vie sur l’île qui n’y étaient pas produits.  Elisabeth Bergeron et ses filles devaient sûrement ne pas rater cette occasion de sortir de leur isolement comme le faisaient la plupart des femmes de l’île en cette unique sortie annuelle.  Il faudra faire vite, car dans quelques années (1898), le curé aura l’audace de faire défense aux femmes de se rendre à Québec en goélette, tentant de briser ainsi une tradition séculaire au nom de la vertu[9].  L’interdiction sera-t-elle suivie?

C’est en 1885 que George se voit confronter à des tiraillements familiaux avec certains de ses neveux.  Le curé a l’idée de se bâtir une nouvelle église.  L’ancienne chapelle a de l’âge et nécessite de nombreuses réparations régulièrement.  Cette idée ne fait pas l’unanimité et si les marguilliers comme son neveu Nérée Harvé (1833-1925) soutiennent leur curé, le projet est l’objet de nombreuses contestations de la part d’insulaires.  De tout temps, les paroissiens du «bout d’en bas», de La Baleine et de la pointe des Roches devaient parcourir une grande distance pour se rendre à la chapelle et le projet d’une nouvelle église ne changerait en rien cette situation ce qui n’aidait pas à rallier les ouailles du curé derrière une même cause.  Ils alléguaient ne pas pouvoir toujours se rendre aux messes célébrées en la chapelle Saint-Louis, plus au sud-ouest, durant la saison hivernale.  L’éloignement n’était pas la seule récrimination des opposants.  Pour George qui demeure au Cap à Labranche, tout comme son frère Maxime (1822-1892), la rénovation de la chapelle existante pouvait suffire comme le pensait plusieurs dont deux de ses fils francs tenanciers Épiphane qui demeure aux Fonds et Louis qui est de la Pointe de roche.  En revanche, son fils Joseph signe la requête de construction envoyée à l’évêque le 25 mai 1885 avec soixante-trois autres francs tenanciers.  Il faut dire que la belle-famille de Joseph, qui est marié à Clarisse Harvay (1866-1933), milite du côté du curé; Clarisse est la petite-fille du cousin Germain (1808-1902)[9a].   Dans la famille, son fils Joseph n’est pas seul parmi les Harvey à appuyer la démarche; tous les enfants et petits-enfants (francs-tenanciers) de son défunt frère Joseph sont signataires : outre le marguillier Nérée et son fils Majorique (1854-1931) de l’Anse de l’église, on compte Jules dit Jude (1837-1912) de la Baleine, ainsi que Désiré (1839-1920) et Joseph (1856-1934) des Fonds.  On ne peut donc trouver un sujet aussi clivant que celui de l’église chez les Harvey comme dans toute la paroisse.  Finalement, une majorité de francs tenanciers supporteront le projet et les travaux débuteront en août de la même année.  Onze ans plus tard, le nouveau curé manifestera son regret «qu’il n’y ait pas plus d’ententes dans la paroisse»[9b].  Les gens du «bout d’en bas» devront attendre encore quarante-cinq ans avant d’avoir leur propre église.   



On retrouvera régulièrement le nom de George comme capitaine de goélettes livrant les produits de l’Isle aux Coudres au Havre du Palais de Québec[10].  Plus que tout autre dans la famille, ce sont ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants qui assureront la tradition familiale de navigateur chez Louis

Son fils Grégoire sera d’ailleurs trouvé mort noyé dans le bassin Louise du port de Québec le 27 août 1888.  George décède le 31 octobre 1889 à près de soixante-quinze ans[11].  Sa femme Élisabeth décédera quant à elle en 1911 à l’âge de quatre-vingt-douze ans[12].

Le nom de George nous est rappelé par la commission de toponymie du Québec.  En effet, en 1972, cette commission donne à un ruisseau de l’Isle, jusque-là connu comme le ruisseau des Pruches, le nom de «Ruisseau Georges-Harvey».  Ce ruisseau coulait sur la terre de Louis, le père de «George Hervai».  Cette terre située sur le début des hauteurs du Cap à Labranche était traversée par le ruisseau des Pruches.  Jacques Rousseau, botaniste et ethnologue québécois, remarque en 1942, l’absence de cette variété d’arbres qu’est la pruche sur l’île aux Coudres; il suppose alors que les insulaires utilisaient ce nom pour désigner les épinettes.  Conséquemment, la commission de toponymie renommera donc ce petit cours d’eau qui se jette au nord de la Pointe de L’Islet du nom d’un des propriétaires de la terre sur lequel il coule.  Le premier fut Joseph Simon Savard, le second, son gendre Sébastien Dominique Hervé, le troisième, Louis Hervé.  La commission de toponymie du Québec a retenu le nom du quatrième propriétaire parce qu’il rappelle cet habitant de l’île, George Hervai, que l’abbé H.-R. Casgrain rencontre, en 1875, durant son pèlerinage autour de l’île aux Coudres[13]

George Hervai, ses enfants, données généalogiques - 6e génération

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[1] Ibid., 14 novembre 1814.

[2] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 1er août 1837.

[3] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 20 septembre 1819.

[4] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 26 mars et 18 octobre 1836.

[5] Ibid., 21 mars 1840.

[6] COLLECTIF. «Chronique de l’Isle-aux-Coudres», Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 6, novembre et décembre 2008, page 2. 

[7] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, pages 20 et 22.

[8] B.A.C., G., Immatriculation des navires (1787-1966), 1863, numéro d’enregistrement 74281.

[9] HARVEY, Francine. Hier… un siècle. Sherbrooke, Comité du centenaire de l’église Saint-Louis, H.L.N. inc., 1985, page 58.

[9a] Requête des paroissiens de l’Isle-aux-Coudres faite à l’évêque de Chicoutimi, Mgr Racine, 25 mai 1885.  Citée dans HARVEY, Francine. Hier… un siècle. Sherbrooke, Comité du centenaire de l’église Saint-Louis, H.L.N. inc., 1985, pages 96-98.

[9b] Archives de la fabrique de la paroisse Saint Louis de l’Isle aux Coudres, Onésime Lavoie, 1896.

[10] COLLECTIF. «Arrivages au Havre du Palais», Le Journal de Québec. Québec, volume XXII, N0. 72 et 78 (23 juin et 7 juillet 1864), page 3.  Son nom apparaît plusieurs fois par été dans les journaux de Québec tout au cours de sa vie active.

[11] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 2 novembre 1889.

[12] Ibid., 6 juillet 1911.

[13] CASGRAIN, Henri Raymond. Op. cit., page 81 et COMMISSION DE TOPONYMIE DU QUÉBEC.  Ruisseau Georges-Harvey. [En ligne]. http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=25112 [page consultée le 14/12/2014].