10 Étienne Hervé

5.6.5.10 Étienne Hervé (1811-1889), 5e génération

Marie Catherine Kimper a quarante et un ans quand elle enfante de nouveau le 29 mai 1811.  Comme d’habitude, la sage-femme en arrache avec l’accouchement de Marie Catherine et ondoie le nouveau-né, craignant pour la vie de ce dernier.  Pourtant, des neuf enfants qu’elle a mis au monde à ce jour, seul Pierre n’aura vécu que huit mois, les huit autres auront tous filé jusqu’à leurs majorités et bien au-delà.  Joseph Sébastien voit naître un troisième fils et le deuxième qui survivra.  Étienne Hervé est baptisé le lendemain et a pour parrain Étienne Ouellet.  Mais de quel Étienne s’agit-il ?  À l’époque, on compte une quinzaine d’Étienne Ouellet entre Saint-Roch-des-Aulnaies et Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Même en éliminant les trop jeunes ou trop vieux, on ne parvient pas à l’identifier.  La marraine est Marie Geneviève, la sœur aînée de l’enfant née près de vingt ans plus tôt.

Étienne aura une vie beaucoup plus stable que son frère Adolphe.  Il épouse Marie Constance Bélanger, aussi prénommée Marie Anastasie, le 14 juillet 1840 en l’église Notre-Dame de Bonsecours de L’Islet, dans le fief et la seigneurie de Bonsecours.  Constance a pour arrière-grand-père le troisième seigneur de Bonsecours, lui-même fils du second et petit-fils du premier François Bélanger (1612-1685), l’ancêtre de ma mère Marie Mai Bélanger.  Elle est la fille de Bonaventure Bélanger (1796-1882) et de Marie Geneviève Lemieux (1796-1844).

Quelques mois après la mort de son mari survenue au printemps, la mère d’Étienne se donne à ses deux fils le 25 août 1834[1].  Bien que les deux frères doivent assumer conjointement l’entretien de leur mère tout en profitant de la terre familiale, Étienne renonce à la terre familiale le jour même de la donation contre une compensation financière de son frère Adolphe[2].  Faute de terre encore disponible, Étienne sera journalier. 

Après le départ d’Adolphe pour Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1839, sa mère refait son testament en faveur d’Étienne à qui elle se donne à nouveau[3].

Étienne et Constance auront sept enfants connus qui verront tous le jour dans la seigneurie de Bonsecours, mais peu d’entre eux survivront.  La première prénommée Caroline Harvé naît le 11 août 1841 ; bien que née à L’Islet, elle sera la seule à avoir été baptisée en l’église du Cap Saint-Ignace, car tous les autres l’ont été en l’église Notre-Dame-de-Bonsecours de L’Islet[4].  Puis suivront Joseph Ambroise Harvay, le 19 octobre 1844 qui décède en 1846[5], Michel Harvey, le 9 septembre 1847[6], Marie Sophie Harvey, le 18 juin 1850 qui décède deux mois plus tard[7] et Joseph Harvey né le 7 août 1851[8].  

À l’hiver 1852, Étienne et Constance demeurent toujours dans la même seigneurie de Bonsecours avec leurs trois enfants Caroline, Michel et Joseph, les seuls survivants, lors du passage du recenseur[9].  Puis naissent, André Harvey le 25 mars 1853 qui décède l’été suivant[10] et enfin Hermine Harvé qui voit le jour le 20 octobre 1855[11]

En 1855, peu de temps après l’abolition du régime seigneurial au Québec, la municipalité de Notre-Dame-de-Bonsecours se constitue sur les territoires des anciennes seigneuries de L’Islet-Saint-Jean et de Bonsecours où Étienne et Constance tiennent toujours feu et lieu en 1861.  Caroline, Michel, Joseph et Hermine sont toujours avec eux[12]

C’est en 1868 que l’on crée la municipalité de Saint-Eugène sur les terres de la municipalité de Notre-Dame-de-Bonsecours, là où se trouve la maison d’Étienne le journalier.  C’est également en 1868 que son cadet Joseph, qui n’a pas encore dix-sept ans, commence une longue série d’allers-retours vers les manufactures de coton de la Nouvelle-Angleterre où il travaillera périodiquement.

Étienne et Constance vivent toujours dans la municipalité de Saint-Eugène en 1871, mais Caroline et Michel ont quitté le toit familial.  Il ne reste plus qu’Hermine avec eux alors que Joseph y fait des visites ponctuelles entre ses séjours dans la manufacture de textile où il travaille toujours à Salem au Massachusetts.  Étienne a maintenant soixante ans et est toujours un journalier, ne sachant ni lire ni écrire[13]

L’aîné Michel avait quitté la résidence familiale pour partir travailler comme journalier à Saint-Pierre de Malbaie en Gaspésie un peu après sa majorité en 1868.  Il s’y mari en 1871 et sera pêcheur jusqu’à la mort de sa femme Marie Rail en 1877[14].  Déjà en 1881 il n’est plus au Québec et on perd sa trace par la suite ; peut-être est-il parti rejoindre Joseph, son frère puîné qui a lorgné du côté de la Nouvelle-Angleterre, car un départ n’attend pas l’autre dans la famille d’Étienne et de Constance.

Les prochaines années seront difficiles.  Caroline qui avait quitté Notre-Dame-de-Bonsecours dans la dernière décennie pour s’établir dans le quartier Champlain à Québec, se marie en 1874 à Pierre Turcot, un veuf-hôtelier de dix-sept ans son aîné qui en est à son troisième mariage.  Son père qui est qualifié de journalier résidant de la paroisse de L’Islet n’assiste pas au mariage[15].  C’est l’hôtelier Jean Baptiste Dery qui lui sert de père.  Étienne est donc toujours à L’Islet.  Caroline ne reviendra pas à L’Islet et fera sa vie à Québec où elle décédera dans la paroisse Saint-Charles de Limoilou en 1915[16]

En 1877, Étienne voit ses espoirs disparaître quand son poteau de vieillesse, le cadet Joseph quitte définitivement le nid familial pour aller tenter sa chance à Salem dans le Massachusetts, comme tant d’autres de sa génération qui se sont expatriés aux États-Unis.  Il y épousera une anglophone, Mary J. Hall, en 1879 et y demeurera toute sa vie durant[17].

La santé de ce qui reste de la famille d’Étienne est chancelante comme on le verra et il décide de s’approcher de sa fille aînée et des hôpitaux à Québec puisqu’il n’a plus d’aide à la maison pour s’occuper de ses malades.  En 1881, il réside dans le faubourg Saint-Jean à Québec[18] avec sa femme Constance et sa fille Hermine.  Ces dernières sont toutes deux déclarées atteintes d’aliénation mentale.  Certains détails de la vie de Constance peuvent nous laisser croire que son état n’est pas nouveau.  Alors qu’Étienne était au travail, lorsque des recenseurs étaient passés à la maison, cette dernière n’a jamais été en mesure de préciser les années de naissance de ses enfants qui varieront dans ses déclarations d’un recensement à l’autre.  Il en est de même des déclarations quant à son âge, trente-trois ans en 1852, trente-huit ans en 1861 et cinquante-cinq ans en 1871. 

En 1881, Étienne ne travaille plus et on peut présumer qu’il est à la maison lors du passage du recenseur alors que l’âge déclaré de Constance est de soixante ans[19]Constance n’a pas uniquement perdu la raison, mais aussi son nom ; madame Étienne Harvey s’éteint le 19 octobre 1886 à l’Asile des aliénés de Québec située alors à Beauport.  Elle y était venue de Québec depuis un certain tempsElle est inhumée dans le cimetière de l’asile une semaine plus tard à l’âge déclaré de soixante et onze ans[20]

Étienne est hospitalisé à son tour à l’Hôtel Dieu de Québec en 1889.  Il s’éteint à l’hôpital trois ans après son épouse le 23 octobre de la même année.  Il est inhumé au cimetière Belmont, le lendemain, à l’âge déclaré de quatre-vingt-cinq ans.  Comme il a soixante-dix-huit ans à son décès, on peut présumer qu’Étienne ne savait pas compter non plus. 

On peut présumer qu’Hermine qui travaillait comme servante était demeurée avec son père ; elle est placée à l’Asile des aliénés de Québec le 19 mai 1890.  Elle avait été condamnée à quinze jours de prison pour avoir été trouvée errante et désordonnée le 16 mai ; elle ne restera écrouée à la prison de Québec que trois jours quand on réalise son état mental[21]Hermine finira ses jours à l’Asile des aliénés où elle décède le 17 août 1898 et est inhumée sept jours plus tard[22].

Étienne Hervé, ses enfants, données généalogiques - 6e génération

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[1] A.N.Q., GN. Minutier Amable Morin, no 3859 et 3860, 25 août 1834.  Donation de Catherine Denis veuve de Sébastien Arvé à ses fils Adolphe et Étienne. 

[2] Ibid., Minutier Amable Morin, no 3861.  Quittance par Étienne Harvé à Adolphe Harvé. 

[3] A.N.Q., GN. Minutier Amable Morin, no 4805, 13 août 1839. 

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Cap-Saint-Ignace, 12 août 1841. 

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Bonsecours de L’Islet, 19 octobre 1844 et 30 mai 1846. 

[6] Ibid., 11 septembre 1847. 

[7] Ibid., 19 juin et 19 août 1850. 

[8] Ibid., 7 août 1851. 

[9] B.A.C., G., Recensement de 1851, district du comté de L’Islet, sous-district de L’Islet, page 54. L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852. 

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Bonsecours de L’Islet, 25 mars et 27 août 1853. 

[11] Ibid., 21 octobre 1855. 

[12] B.A.C., G., Recensement de 1861, district du comté de L’Islet, sous-district de la paroisse de L’Islet, page 93-69.  Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861. 

[13] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1871, district du comté de L’Islet, sous-district de la paroisse de Saint-Eugène, page 59. 

[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre de Malbaie, Barachois, 21 janvier 1871 et 14 novembre 1877. 

[15] A.N.Q., GN. Minutier Jean Baptiste Hamel, 23 novembre 1874.  Et BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 25 novembre 1874. 

[16] BAnQ., Registre du cimetière Saint-Charles de Québec, 27 juillet 1915. 

[17] Dossiers de naturalisation fédéraux et d’État, Massachusetts, 1798 à 1950, Joseph Harvey, 3 octobre 1889.  Arrivé aux États-Unis une première fois le 15 février 1868 pour y travailler, il s’y établira de façon continue à compter de 1877. 

[18] Le faubourg Saint-Jean est l’un des plus anciens quartiers de la ville de Québec. Il existait lors du Régime français, avant la conquête de 1759 par les Anglais. Le nom faubourg Saint-Jean s’explique par deux faits historiques. Tout d’abord, le terme faubourg désignait à l’époque la partie d’une ville située à l’extérieur de son enceinte. Ensuite, Monsieur Jean Bourdon, cartographe et ingénieur-arpenteur qui vivait sur une terre dans l’actuel quartier Montcalm décida en 1667 de construire le chemin Saint-Jean, qui reliait sa terre aux fortifications de Québec.  Bien que connu comme quartier Saint-Jean-Baptiste depuis un certain temps, ce n’est qu’en 2017 que le faubourg Saint-Jean prend officiellement le nom de Quartier Saint-Jean-Baptiste.  Le quartier actuel est par contre d’une superficie beaucoup plus grande que le faubourg original. 

[19] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Québec, sous-district du quartier Champlain, page 56. 

[20] BAnQ., Registre de l’asile des Aliénés de Québec. 27 octobre 1886. 

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 24 octobre 1889 pour la sépulture d’Étienne.  Et, BAnQ., Registre d’écrou (prisonniers admis) de la prison de Québec (femmes et hommes), 1881-1903 (03Q, E17, S1, P10) pour l’incarcération d’Hermine et son transfert à l’asile. 

[22] BAnQ., Registre de l’asile des Aliénés de Québec. 24 août 1898.