3 Michel Harvey

6.6.5.10.3 Michel Harvey (1847-post.1877), 6e génération


Le premier descendant du migrant français à s’établir en Gaspésie est sans doute Michel Harvey.  Il est né le 9 septembre 1847 en Chaudière-Appalaches et baptisé deux jours plus tard à l’église Notre-Dame de Bonsecours de L’Islet dans le fief et la seigneurie de Bonsecours[1].  Il est le fils d’Étienne Hervé (1811-1889) et de Constance Bélanger (1815-1886).  Michel a comme généalogie patrilinéaire Sébastien Hervé (1767-1834) à Sébastien Dominique Hervé (1736-1812) à Sébastien Hervé (1695-1759) chez le migrant Sébastien Hervet (1642-1714).

En 1855, peu de temps après l’abolition du régime seigneurial au Québec, la municipalité de Notre-Dame-de-Bonsecours se constitue sur les territoires des anciennes seigneuries de L’Islet Saint-Jean et de Bonsecours où Michel grandit.   Le passage de l’énumérateur en 1861 sera la dernière apparition de Michel en Chaudière-Appalaches.  À quatorze ans, il vit toujours chez ses parents, de même qu’un frère et deux sœurs, mais plus pour très longtemps.  Son père est journalier et pour autant que ce que l’on a déclaré à l’énumérateur soit véridique, Michel ne travaille pas et ne va pas à l’école[2].   

La famille vit difficilement.  Sa mère éprouve des problèmes mentaux de même que l’une de ses sœurs.  Lui et son frère cadet Joseph (1851-1928) auront quitté la maison avant le tournant de la décennie.  Son frère partira travailler dans une manufacture de la Nouvelle-Angleterre dès février 1868; il sera d’ailleurs le premier Harvey à participer à l’exode des nôtres vers les États-Unis.  On peut présumer que Michel, quatre ans plus âgés que son frère, a quitté le nid familial depuis belle lurette.

Michel Harvey à Saint-Pierre de Malbaie en Gaspésie

On retrouve Michel en Gaspésie à la Pointe-Saint-Pierre au début de 1871.  Il y est depuis un certain temps.  À l’époque, des Charlevoisiens et des gens de la Côte-du-Sud se dirigeaient vers le golfe du Saint-Laurent, comme travailleurs, car des compagnies comme la Robin et d’autres entreprises anglo-normandes embauchaient des pêcheurs et des graviers pour leurs activités de pêcherie[3].  C’est une goélette qui l’aura conduit dans ce secteur de pêche.  Lorsqu’il débarque dans cette baie du golfe, Michel sera d’abord journalier pour un certain temps auprès de membres de la communauté jersiaise qui domine l’industrie de la pêche dans la région à cette époque.

À l’arrivée de Michel dans la baie de Malbaie, l’endroit a toujours une certaine importance dans la pêche commerciale de la région grâce à son havre naturel et sa grève de galets propices au séchage de la morue. La baie de Malbaie est privilégiée, car elle est particulièrement riche en poissons de toutes sortes dont est friande la morue. Trois rivières s’y déversent formant un barachois à la rencontre de l’eau douce et de l’eau de mer.  L’endroit se reconnaît par son banc de sable abritant le marais salé.  Plus de quatre cents hommes y prennent la mer chaque jour sur près de deux cent cinquante embarcations[4].  Les prises sont bonnes et Michel y voit un endroit où se tailler un avenir puisque l’emploi ne manquera pas. 

C’est vers la fin de la décennie 1860 que Michel courtise Marie Rail.  Le premier Rail à mettre les pieds au pays fut Julien Rehel (1715-1774). Arrivé de France un peu avant 1743 et établi à Saint-Roch-des-Aulnaies il s’était épris d’une autochtone avec qui il avait eu un enfant.  Il quittera Saint-Roch-des-Aulnaies pour le Bas-Saint-Laurent avant que les Hervé ne débarquent dans ce village de Chaudière-Appalaches.   La présence de l’ancêtre Rehel à Saint-Roch n’a donc rien à voir avec la relation qu’entretiennent Michel et Marie.




Michel épouse Marie Rail le 21 janvier 1871 dans la petite église du village de Saint-Pierre de Malbaie en Gaspésie.     Saint-Pierre de Malbaie est situé à vingt-cinq kilomètres derrière Percé, le chef-lieu, en direction de Gaspé.  Il est l’un des nombreux villages de pêche de cette côte; le village de Saint-Pierre de Malbaie partage la baie avec Pointe-Saint-Pierre et Grande-Grève.  À une telle distance de chez lui, son témoin est un confrère de travail alors que la sœur de la mariée agit comme telle pour Marie (1847-1877).  Les deux époux ont tous deux vingt-trois ans.  La mère de la mariée est décédée en 1857; son père se remarie peu de temps par la suite.  Le père Pierre Rehel dit Rail (1823-1874) qui est pêcheur du lieu, n’assiste pas à la cérémonie[5].




Vingt-neuf semaines plus tard naît le premier enfant du couple.  On pourrait penser avoir trouvé ici le motif de l’absence du père à la cérémonie.  Cela est peu probable, car Marie Rail elle-même était née six mois après le mariage de ses parents.

«Michel Harver» fils, né le 16 août, sera baptisé trois semaines plus tard.  Parrain et marraine «... ainsi que le père n’ont pu signer» [6].  On a ici la confirmation que Michel, le père n’a jamais fréquenté l’école.

La famille vivra du fruit des pêches de Michel.  Six ans après son premier accouchement, Marie Rail met au monde un second fils le 6 novembre 1877.  Elle ne se relèvera pas de ce dernier accouchement.  L’enfant est baptisé le 12 novembre et portera le nom de «Pierre Harvey»Michel est absent de la cérémonie du baptême.  Il est auprès de Marie qui agonise.  Elle succombe cette même journée[7].

Déjà en 1881, Michel n’est plus au Québec.  Peut-être est-il parti rejoindre Joseph, son frère cadet, qui vit à Salem au Massachusetts avec sa nouvelle épouse et travaille comme réparateur de métiers à tisser dans une importante filature.  Il est probable qu’il est franchi la frontière bien que l’on n’en trouve aucune trace.  Sa dernière apparition dans les registres civils ou religieux au pays fut lors de l’inhumation de sa femme.   Il en est de même de ses deux fils.  S’il les a donnés en adoption, ce n’est à aucun parent de sa défunte femme.  

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Bonsecours de L’Islet, 11 septembre 1847.

[2] B.A.C., G., Recensement de 1861, district du comté de L’Islet, sous-district de la paroisse de L’Islet, page 93-69.  Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861.

[3] DESJARDINS, Marc, Yves FRENETTE, Jules BÉLANGER et Bernard HÉTU, Histoire de la Gaspésie. Sainte-Foy, Les Éditions de l’IQRC, collection «Les pays du Québec», no 1, 1999, pages 167.

[4] University of Saskatchewan, Canadian Historical Geographic Information System, St. Pierre de la Malbaie – 1881.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre de La Malbaie, 21 janvier 1871.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre de Malbaie, Barachois, 8 septembre 1871.

[7] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre de Malbaie, Barachois, 14 novembre 1877.