Chapitre 06 

Sébastien Hervé (1695-1759)
2e génération

2.3 Sébastien Hervé, défricheur et colonisateur en Nouvelle-France (1695-1759)

L’histoire de notre premier ancêtre, né en Nouvelle-France, commence le dix-neuf janvier 1695 quelques heures avant la cérémonie qui lui fut consacrée sur les fonts baptismaux de la paroisse Notre-Dame de Québec, un événement immortalisé dans le registre par le curé François Dupré.

 « Le vingtième jour du mois de janvier de l’an mil six cent quatre vingt quinze a esté baptisé par moy françois Dupré curé de québec, Sébastien né le jourd’hyer et fils de Sébastien hervé et françoise philippeau sa fe ; le parain a esté nicolas Joseph de Servigny fils de Monsieur De champigny intendant dans toute l’estendue de ce pays et la maraine dlle angélique Comporté lesquels ont signé.   S hervet Nic. Jos. De Servigny Angélique comporte françois Dupré » [1]

Sébastien naissait dans une famille bourgeoise jouissant manifestement d’excellentes relations avec la noblesse dirigeante de la colonie.  Il est peu probable que le jeune Sébastien ait connu son parrain, car les intendants et leur famille ne résidaient que temporairement en Nouvelle-France et Bochart de Champigny[2] se vit confier l’intendance maritime du Havre sept ans plus tard.   Au moment de la naissance de Sébastien, il était en poste à Québec depuis neuf ans et il était considéré comme un chrétien exemplaire alors que sa femme édifiait les religieuses par sa piété et ses pénitences[3].  

Il n’est donc pas surprenant de voir fréquemment leurs noms associés à des cérémonies religieuses.  En ce qui concerne le fils, Nicolas Joseph Bochart de Servigny, arrivé en Nouvelle-France avec son père, sa mère et un frère en 1686, on ne trouve de lui que cinq ou six apparitions dans les registres religieux entre 1692 et 1701.  Il a les grades de lieutenant et capitaine en 1701.  Il est peut-être retourné dans la Métropole avant son père qui ne quitta la Nouvelle-France qu’à l’automne 1702.  Quoi qu’il en soit, sa présence au baptême de Sébastien témoigne d’une certaine considération pour la famille Hervet.

Sa marraine, Angélique, était la fille du sieur Philippe Gaultier de Comporté qui fut lieutenant du régiment de La Fouille, commissaire des magasins du Roi, prévôt de la maréchaussée, membre du Conseil Souverain et propriétaire de la seigneurie de la Malbaye[4] de 1672 à 1687.

Un an après la naissance de Sébastien, Angélique Gaultier de Comporté (1680-post1717) épousera Denis Riverin qui sera, membre du Conseil Souverain de Québec, receveur général des droits du Domaine du Roi et directeur de la compagnie des pêches en Nouvelle-France[5]L’entremetteur dans cet arrangement de mariage ne sera nul autre que son tuteur, François Hazeur, un ami de ses parents décédés tous deux en 1687.

Jacques Harvey (1935-)

Ce chapitre est le résultat du travail de Jacques Harvey, professeur de sciences à la retraite au Petit Séminaire de Québec, auteur et généalogiste.  Ce cousin de sixième lignée est devenu, au fil de nos rencontres, un ami sincère.

Jacques avait mis en ligne au début du siècle le site internet, les «Harvey de Nouvelle-France».  On y décrivait la vie du premier ancêtre à être né en Nouvelle-France de la plupart des Harvey d’aujourd’hui.

Son travail de recherche colossal se retrouve au présent chapitre.   Des corrections et des ajouts ont été apportés au cours des vingt dernières années.   

Sébastien avait donc une marraine de prestige en dépit des démêlés passés du sieur de Comporté avec la justice du Roi[6] et le scandale qui affligera la famille de Comporté lorsque la jeune sœur d’Angélique, devenue veuve après un an de mariage à cause d’une épidémie de petite vérole, se laissa séduire par Jacques Barbel qui l’abandonna enceinte pour épouser Marie Anne Le Picard (1680-1717) ; ce domestique dans les magasins du Roi fut gratifié d’une charge de notaire et ne fut pas inquiété par les poursuites, car il était protégé par le gouverneur Vaudreuil[7].


Bien malin l’oracle qui, sur le berceau de Sébastien, aurait prédit à l’enfant une destinée de défricheur aux confins de la plus grande seigneurie de la colonie, celle du Séminaire de Québec.  Une carrière urbaine était beaucoup plus prévisible pour ce fils d’artisan-commerçant-bourgeois, né sous l’aile de la noblesse dirigeante par son parrain et à l’ombre du milieu judiciaire par sa marraine.  Lui qui était déjà un peu apparenté au monde militaire par son père qui l’avait été brièvement[8], il le sera bientôt encore plus par le mariage de sa sœur Marie-Renée.

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[1] BAnQ., registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 20 janvier 1695.  Alors que le patronyme est inscrit sous la forme Hervé dans le texte, on peut remarquer qu’en marge la forme Hervet est utilisée comme l’écrivait le père de l’enfant, le migrant.  Il y avait donc encore une hésitation concernant la prononciation du patronyme à cette époque comme le reflètent les écrits du curé François Dupré. 

[2] « Jean Bochart, Sieur de Champigny, fut nommé intendant de la colonie le 24 avril 1686. On dit de Champigny qu’il était un homme bon, humain et populaire. Il est celui qui fit construire la Fontaine de Champlain qui était face au logis des Hervet.  Il est également celui qui fit installer le buste de Louis XIV sur la Place Royale dans la basse-ville. »  Dans : LE JEUNE, Louis. Dictionnaire général du Canada. Ottawa, Édition de l’Université d’Ottawa, 1931, 2 volumes, p. 341 et 810. 

[3] DUBÉ, Jean-Claude. Les intendants de la Nouvelle-France. Montréal, Fides, 1984, 328 pages. Voir aussi les « Relations des Ursulines de Québec », dernier chapitre, pour les visites de madame de Champigny.

[4] Samuel de Champlain surnomma cette baie vaseuse, la malle baye.  Le nom utilisé par la suite sera la Malbaye, nom donné à la seigneurie qui s’étendait des Éboulements jusqu’à Saint-Siméon sous le Régime français.  Après la conquête, l’envahisseur créa la seigneurie de Murray Bay à l’ouest de la Rivière-Malbaie et la seigneurie de Mount Murray à l’est de cette même rivière.  L’appellation la Malbaye continuera d’être utilisée longtemps par la suite par ses habitants francophones.  À compter de 1845, Saint-Étienne de la Malbaie est fondée.  Ce n’est qu’en 1896 que le nom de La Malbaie apparaîtra. 

[5]  NISH, Cameron. « Riverin, Denis ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 15 volumes, volume II (Décès de 1701-1740). Et DROUIN, Gabriel, Dictionnaire national des Canadiens français 1606-1760, Institut Drouin, 1958, 3 volumes. Et TALBOT, Éloi-Gérard, B.A., B.P., mariste. Recueil de généalogie des comtés de Charlevoix et Saguenay, 1940, 2e édition, Château-Richer. 

[6] De famille noble, Philippe Gaultier s’engagea dans le Régiment de Carignan-Salières avec lequel il vint au Canada.  Il arriva à Québec le 18 juin 1665, mais dès le 10 mai, une cour de justice du Poitou l’avait condamné à la peine capitale par contumace pour la mort de deux personnes (assez en vue dans la région) décédées des suites d’une rixe à laquelle il avait pris part pour venger une insulte faite à son régiment. Ce n’est qu’après 15 ans que l’on découvrit, dans la colonie, la condamnation dont il avait été l’objet. C’est en raison de sa vie honorable et grâce à l’intercession des autorités civiles et religieuses que le roi lui accorda, en juin 1680, des lettres de rémission. Après avoir quitté l’armée, Gaultier de Comporté joua un rôle assez important dans l’administration de la colonie. 

[7] VACHON, André. « Barbel, Jacques ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 2003, 15 volumes, volume II (Décès de 1701-1740). 

[8] LE MAUFF, Ghislaine. « Des Hervet blésois aux Harvey québécois », Mémoires de la Société généalogique canadienne-française, Volume 62, numéro 2 (été 2011), cahier 268, pages 141.