3. Gabriel Hervet et Marguette Laurillau

Une rencontre importante pour les Harvey de Nouvelle-France

Gabriel (1596-1660) a déjà beaucoup de métier et environ trente-deux ans lorsqu’il rencontre sa belle et jeune Marguette Laurillau (1611-1650) Gabriel demeure toujours chez ses parents à Mer et exerce son métier de potier d’étain dans l’atelier de son père, tout comme son frère Sébastien de quatre ans son cadet.  Bien que ces jeunes gens soient du XVIIe siècle, ils épousent parfaitement ce que les sociologues qualifient aujourd’hui de phénomène social alors que les jeunes adultes tardent à se séparer du domicile familial, le phénomène Tanguy.


On ne sait pas où et comment Gabriel rencontra sa dulcinée qui n’a que dix-sept ans.  Pouvait-elle être venue à Mer sur les bords de la petite Tronne? En raison du métier de Gabriel, on peut croire qu’il devait se déplacer à Blois fréquemment où sa clientèle se trouvait. Son père maintenant âgé de soixante ans confiait assurément à son fils le soin des déplacements ce qui a pu lui donner la possibilité d’une rencontre fortuite.  Il est plus probable cependant qu’il s’agisse d’un mariage arrangé grâce à l’un des nombreux parents de la mère de Gabriel, commerçants prospères de Blois. Marguette est orpheline de père depuis peu et sa mère doit utiliser tout le réseau de connaissances de feu son mari, qui était également dans le commerce, pour trouver un bon parti à sa fille.

Les Laurillau 

C’est sur les bords de la Loire, à Blois, que prospère le marchand voiturier par eau, Anthoine Laurillau, né vers 1575 et sa jeune épouse Catherine Verger.  Anthoine est un marin d’eau douce ce qui est sans doute la meilleure définition du métier de voiturier par eau.  Loin de ressentir cette appellation comme une insulte, il en est fier comme tous les mariniers de son temps. Depuis des siècles, ils parcourent la vieille Europe en remontant inlassablement fleuves, rivières et canaux.

Anthoine profite du fait que le transport fluvial prospère et que la Loire est alors un fleuve très navigué puisqu’il est le plus long fleuve de France avec ses mille kilomètres et qu’il débouche sur l’océan Atlantique. C’est la voie principale par laquelle transitent passagers et marchandises depuis les ports de l’Atlantique jusqu’au sud du Bassin parisien ou vers le sud aux confins du Massif central. Les affaires d’Anthoine prospèrent et la famille est passablement à l’aise.

En février 1611, Catherine Verger accouche d’une fille. Comme la famille est résidante de la paroisse Saint-Nicolas, l’enfant est baptisé le 22 février à l’église Saint-Nicolas de Blois sous le prénom de Marguette.  

Anthoine décède avant de voir Marguette se marier.

L’engagement 

Quoique fut la romance entre les tourtereaux, si romance il y eut, c’est le 3 juillet 1628 que Gabriel et Marguette[1] unirent leurs destinées, probablement en l’église Saint-Nicolas de Blois qui est à l’origine l’église abbatiale d’un monastère construit au XIIe siècle[2]

La veille de leur mariage, comme le feront nos ancêtres en Nouvelle-France, Gabriel et Marguette se présentent devant Philippe Bernard, notaire royal à Blois pour la signature de leur contrat de mariage. Ils sont accompagnés d’un grand nombre de témoins, car à l’époque, la signature de ce contrat avait aussi une fonction sociale à laquelle les futurs époux désiraient faire participer le plus de monde possible. Laissons Ghislaine Le Mauff nous parler des participants à l’événement :

«Les témoins de l’époux du côté paternel viennent de la vallée du Cher. Parmi eux, Sébastien Hervet, marchand mégissier de Selles-sur-Cher, son oncle, Louis Saugé, marchand à Mennetou-sur-Cher, son grand-oncle, et Jacques Saugé, greffier ordinaire de la justice de Mennetou-sur-Cher, son cousin.

Par sa mère, Renée Dierse, l’époux cousine avec les Dupuy, une famille de marchands potiers d’étain établit depuis fort longtemps à Blois où Guillaume (ou Guillemin) Dupuy fait partie des signataires d’un accord et convention entre les potiers de Blois pour l’exercice de leur métier, le 2 juin 1536.

La famille Dupuy est représentée par un cousin germain, François Dupuy accompagné de son épouse Catherine Gentil, ainsi que Barbe Marcault, veuve de Claude Dupuy, frère du précédent. Sont également présents, Françoise Landier, épouse de François Guymont, receveur du Grenier à Sel, accompagnée de sa fille Marguerite, et Salomon Mondy, sieur de la Tousche, avocat au siège présidial de Blois.»

La future épouse est accompagnée de sa mère Catherine Verger, veuve d’Anthoine Laurillau…

«La famille proche de l’épouse est représentée par ses sœurs Marye et Jehanne épouses respectives de Philippe Gaultier et de Nicolas Bernard. Son oncle maternel, Ollivier Verger, marchand à Tours[3] assiste avec quelques autres parents et amis à la signature du contrat.»[4]

Marguette Laurillau apporte une dot de mille livres en argent ainsi qu’un trousseau de deux douzaines de draps de grand lit et une demi-douzaine de nappes de valeur. 

L’histoire ne nous apprend pas si le couple part s’installer à Mer, mais on peut le penser. Gabriel y pratique son métier et c’est là que se situe l’atelier familial. Il n’était pas rare à l’époque pour un nouveau couple d’emménager chez les parents pour un temps et comme Gabriel est l’aîné, il prendra donc la relève de son père sous peu.

En 1630, Marguette Laurillau enceinte d’un premier rejeton Hervet a probablement beaucoup d’ascendant sur son beau-père et sa belle-mère ainsi que sur le fils, son époux. Veut-elle se rapprocher de sa mère et de la ville de Blois avec ses vingt mille habitants? Comme on l’a vu, Mer ne compte pas plus que deux mille âmes, une bien petite commune pour une jeune fille élevée dans une grande ville. Grand bien lui fasse, car cette même année, la famille Hervet quitte Mer pour se fixer définitivement à Blois.


Le 12 décembre 1630, les parents Gabriel Hervet et Renée Dierse acquièrent de leur cousin François Dupuy une maison située rue des Balletz (aujourd’hui rue des Orfèvres) dans la paroisse Saint-Martin de Blois[5].

Les désirs possibles de Marguette ne sont pas le seul motif qui amène les Hervet à Blois. Son château, qui n’était plus que lieu de passage et de captivité pour certains personnages de l’entourage du Roy depuis quelques années, est redevenu une place centrale du pouvoir de la famille royale depuis qu’en 1626, Louis XIII alloue le comté de Blois à son frère Gaston d’Orléans en guise de cadeau de mariage. C’est toute une cour qui s’installera sous peu à Blois. Par le fait même, la prospérité économique de la commune est assurée et la demande en produits d’usage courant comme ceux fabriqués par les potiers d’étain Hervet explose.

Blois

La ville de Blois s’élève en amphithéâtre sur le penchant d’une colline au pied de laquelle coule la Loire que l’on passe par un pont de pierres datant du XIIIe siècle reliant ainsi Blois à son faubourg de Vienne. 


Les Hervet n’étaient pas les premiers à franchir ainsi la Loire pour atteindre la rive gauche ; un pont existait déjà au temps du Haut-Empire romain. 

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[1] Bien qu’on trouve aussi Marquette sur certains actes, le prénom est bien Marguette, un diminutif de Marguerite.  Il existe de nombreuses variantes orthographiques du patronyme Laurillau : Lorillot, Laurillot, Lorilleau, etc.  Marguette signe «Laurilaux».

[2] Le mariage a probablement été célébré en l’église Saint-Nicolas, paroisse de l’épouse, mais les registres de mariage de cette époque ne sont malheureusement pas parvenus jusqu’à nous.

[3] Tours est situé à soixante kilomètres au sud-ouest de Blois sur la Loire.

[4] LE MAUFF, Ghislaine. «Des Hervet blésois aux Harvey québécois», Mémoires de la Société généalogique canadienne-française, Volume 62, numéro 2, (été 2011), cahier 268, pages 135-136.

[5] LE MAUFF, Ghislaine. Op.cit., pages 136.