16. Dernières années à l’Isle

Ses dernières années à l’Isle (1745 à 1750) 

Un événement important survint en 1745 : la prise de Louisbourg par les anglais.  Les habitants de l’Isle aux Coudres se souciaient probablement fort peu de la guerre de Succession d’Autriche, de l’entrée de la marquise de Pompadour dans le lit de Louis XV et du manque d’intérêt pour les colonies dans l’opinion française, mais les rumeurs d’invasion et de guerre refaisaient surface en Nouvelle-France.  L’intendant Hocquart fit parvenir aux habitants de l’Isle aux Coudres et de Baie-Saint-Paul, en particulier aux nombreux pilotes, la défense de se rendre à bord d’un navire autre que français, même sous la menace des boulets de canon.  Pour s’en assurer et pour défendre la colonie, on posta des soldats français à l’Isle.  Bien entendu, les insulaires durent les loger et les nourrir.  D’ailleurs, l’un d’eux s’éprendra de Brigitte Debien, la nièce de Sébastien, et l’épousera.

Un nouvel habitant du nom de Jean Gonthier (1714-1749) vient de s’installer sur les hauteurs du Cap à Labranche[1], près de sa sœur et son beau-frère Étienne Gagnon (1722-1784); Marie Josephte Gagnon (1718-1806), son épouse, est la sœur d’Étienne Gagnon qui lui est marié à sa sœur Marie Madeleine Gonthier (1722-1744).  L’arrivée de cette jeune famille pose le premier jalon du destin qui sera celui de Marguerite Rosalie, la deuxième fille de Sébastien.  Elle a dix-sept ans lorsqu’elle est la marraine de Joseph Louis Gonthier (1745-1810) dans l’église de l’Isle aux Coudres le 12 avril 1746[2].  L’enfant était né le 7 décembre de l’année précédente et avait dû, comme tant d’autres, attendre le passage printanier d’un missionnaire pour recevoir le baptême.  Quelle fut l’influence de Marie Josephte Gagnon, la mère de l’enfant sur l’avenir de Marguerite Rosalie? Ce n’est probablement pas un hasard si, moins de trois ans plus tard la jeune fille semble vivre à Baie-Saint-Paul et qu’elle est à nouveau marraine[3], cette fois en compagnie de Joseph Gagnon (1730-1815) frère cadet de Marie Josephte, un jeune homme que Marguerite Rosalie épousera en 1750[4].

L’année 1746 se poursuit et l’arpenteur Ignace Plamondon, père, à la demande de Jean Baptiste Pellet procureur du Séminaire, vint à l’Isle aux Coudres pour arpenter les terres.  Le vingt-trois de juin il écrit :

«… étant à la ligne et borne qui Sépare au sud est la terre de Joseph Tremblay et Dicelle Jai chaîné alant au Sud est Seize Degré sud deux arpens trois quart de terre de front pour Sébastien hervé et ensuitte neuf arpens trois quart pour etienne Debiens lesquelles terres ainsi chaînées que Jay allignés par Des lignes courant au nord est Seize degrés est Sur lesquelles Jay posé deux bornes de pierre ou Jay enterré Des morceaux d’assiette de plats de terres pour savoir à perpétuité a reconnoitre les Dittes Lignes et les prolonger quant besoin sera fait et passé en présence des Dits Debiens et hervé de etienne et joseph Tremblet lesquels ont Déclaré ne sçavoir écrire ny signer à Lexeption Du dit hervé qui a avec mon Dit sieur pellet procureur Dudit Séminaire signé…»[5]

Il est peu probable que des fouilles archéologiques permettent un jour de retrouver les morceaux d’assiettes cassées, mais, à l’époque, cet arpentage mettait fin à une certaine approximation qui durait depuis plus de vingt-cinq ans.  La veille d’ailleurs, soit le 22 juin 1746, Étienne Debien et Sébastien Hervé avaient réglé un problème avant l’arpentage définitif.  Devant le notaire Michel Lavoye (1699-1779) Étienne reconnaissait «… que de sa terre de cinq arpens il y avait un quart d’arpens joignant Sébastien hervé qui appartenait au dit Sébastien hervé…»[6].  Le total de dix arpents que devait mesurer le domaine total formé de sa terre initiale ajoutée à celle qu’il avait acquise de Charles Pilote (ancienne concession de Thomas Laforest dit Labranche) était donc réduit à neuf arpents et trois quarts pour corriger une vieille erreur d’évaluation.

Devant le notaire Michel Lavoye (1699-1779) Étienne reconnaissait:

« … que de sa terre de cinq arpens il y avait un quart d’arpens joignant Sébastien hervé qui appartenait au dit Sébastien hervé… »[6].   

Le total de dix arpents que devait mesurer le domaine total formé de sa terre initiale ajoutée à celle qu’il avait acquise de Charles Pilote (ancienne concession de Thomas Laforest dit Labranche) était donc réduit à neuf arpents et trois quarts pour corriger une vieille erreur d’évaluation. 

Dans la maison de Sébastien, il n’y aura pas de nouvelle épouse.  Maintenant âgée de vingt-trois ans Marie Anne assume la responsabilité de l’intérieur depuis le décès d’Agnès Bouchard il y a déjà trois ans et, à dix-neuf ans, Zacharie a toute la maturité nécessaire pour remplacer son père au besoin sur la ferme. À mesure que Sébastien cheminera dans la cinquantaine, la nouvelle génération prendra progressivement sa place.

Zacharie, maintenant au début de la vingtaine, commence peu à peu à éclipser le père dans les registres qui nous sont parvenus.  C’est lui par exemple qui sous le nom de «Sébastien le fils» est parrain au baptême de Pierre Grégoire Gontier (1747-1807)[7] et témoin au mariage de sa cousine germaine Brigitte Debien (1728-1810)[8].  Quant à l’aînée Marie Anne, responsable de la maisonnée, alors qu’elle atteint son vingt-cinquième anniversaire, elle se laisse progressivement devenir vieille fille et continue à jouer régulièrement le rôle de marraine, mais c’est désormais pour les enfants des filles de sa génération dont beaucoup sont maintenant mariées.  C’est, entre autres le cas pour le fils de Marie Louise Bonneau (1718-1755), l’épouse de son oncle Étienne Tremblay (1710-1755) en 1748[9] et celui de Marguerite Bouchard (1720-1799), l’épouse de son oncle Joseph Tremblay (1720-1758) en 1749[10].

Tout comme en 1748, l’année suivante la «pêche à marsoin» à l’île « est affermée à des associés»; le bail de cette pêche est renouvelé encore une fois

«… à Dominique Bonneau et ses associés, Sébastien Hervé, Étienne Debiens, François Tremblay, Joseph Tremblay et Étienne Tremblay…»[11]

Comme on le voit, la «pêche à marsoin» est une affaire de famille entre frères et beaux-frères qui protègent jalousement leur bail.  Bien que Sébastien soit, à cinquante-quatre ans, détenteur du bail, ce sont certainement Zacharie, Pierre et Dominique qui ont les pieds dans l’eau à poser les harts.  Le bail d’affermage[12] précise que les associés peuvent tendre et cultiver la «… pêche à marsoin... près leurs habitations... à leurs frais généralement quelconques avec charges par les susdits de donner au Séminaire de Québec le tiers de l’huile que la dite pêche produira.»[13]  L’huile doit être livrée à ces messieurs du Séminaire, mais ces derniers s’engagent à défrayer les coûts du fret et des barriques «… pour son dit tiers seulement.»[14]   Le libellé du bail suggère que les censitaires vendent une partie de l’huile à des acheteurs à Québec.  Ces Messieurs du Séminaire se sont toujours pris le tiers du produit net des huiles provenant de la «pêche à marsoin»; ils n’y fournissaient aucune paire de bras, mais en récoltaient le labeur des censitaires. 

L’année 1749 fut sûrement une année d’abondance chez Sébastien.  Outre le revenu d’appoint fort appréciable que procurait déjà la «pêche à marsoin», venant du nord, il arriva un nombre incroyable de ces pigeons que l’on nomme tourtes voyageuses, aujourd’hui disparues[15].  Elles sont présentes à l’Isle depuis toujours, mais la nuée qu’elles formaient en vol ce printemps-là s’étendait sur une longueur de trois à quatre kilomètres et d’une largeur de plus d’un kilomètre.  Elles étaient si nombreuses que le ciel et le soleil en étaient obscurcis, la lumière du jour diminuant sensiblement sous leur ombre.  

Les grands arbres aussi bien que les petits en étaient tellement envahis qu’il était difficile de trouver une branche qui n’en était pas couverte.  Quand ils s’abattaient sur les arbres, leur poids était si élevé que non seulement des grosses branches étaient brisées net, mais que les arbres les moins solidement enracinés basculaient sous la charge. Le sol sous les arbres où les tourtes voyageuses avaient passé la nuit était totalement couvert de leurs fientes, amassées en gros tas.  D’un seul coup de fusil, Sébastien aidé de ses fils purent en abattre plusieurs.  Les habitants qui en ont toujours fait des pâtés, purent se régaler cette année-là.  Cependant, les tourtes, en si grand nombre, détruisent les récoltes.  

«Le curé du temps, Charles Maugue Garaut dit Saint-Onge (1724-1795)[16], organise une procession du Saint-Sacrement tout autour de l’île en vue de freiner la menace.  Dès le lendemain, une averse épouvantable s’abat sur toute l’île et tue des centaines de tourtes.  Pour donner suite à cet événement, poussés par leur curé, les insulaires érigent des croix un peu partout le long du chemin de ceinture en guise de remerciement.»[17]  

Sébastien est encore actif, mais il commence à se sentir fatigué et il se prépare à passer la main.  Il devra assurer l’établissement de trois fils.  Au cours des dix années qui suivent le décès de Rosalie Tremblay, aucune transaction immobilière n’est effectuée par SébastienCependant, en 1749, ont lieu quatre transactions notariées qui sont liées à un éventuel mariage entre l’aîné de ses fils, Zacharie Sébastien et Marie Charlotte Tremblay, de la Petite-Rivière[18].  Avec cette intention de passer la main, il demande au notaire Michel Lavoye de Petite-Rivière-Saint-François de venir procéder à l’inventaire de ses biens[19].  Cet inventaire est le prélude à un partage de la terre de Sébastien entre ce dernier et ses enfants mineurs issus de son mariage.  Selon la Coutume de Paris, aucune succession ne peut être réglée sans qu’un inventaire ait été effectué.  C’est pour nous l’occasion rêvée de nous introduire, tels des voyageurs venus du futur, pour visiter les lieux et voir agir les acteurs, malgré le brouillard de l’éloignement temporel que l’imagination n’arrive pas à chasser totalement.

Les événements et les descriptions qui suivent nous sont rapportés par le texte du notaire Michel Lavoye, rédigé à l’Isle aux Coudres, le 28 juillet 1749.  Tous les mots en italique sont extraits du document sans aucune correction des nombreuses fautes que commettait ce notaire de campagne né en Nouvelle-France, à Petite-Rivière-Saint-François.  De très rares petits bouts de phrases ont été imaginés pour ajouter un peu de couleur à la description :

En cet après-midi de juillet 1749, il y a beaucoup de monde dans la petite maison construite comme les autres en billots de bois couchés pièce sur pièce.  En plus des enfants et du notaire, Sébastien a invité plusieurs membres de la famille afin de procéder à l’élection d’un tuteur et de son suppléant pour les enfants mineurs qui sont nés de sa première épouse Rosalie[20].  Sept personnes vont procéder à cette élection : trois frères de la défunte, François, Étienne et André Tremblay, son beau-frère Étienne Debien et trois cousins des enfants, l’aîné de la famille Savard, Pierre, de même que Gabriel Dufour (1717-1781)[21] et Jacques Bouchard (1713-1772)[22].

Dans un coin, le Suisse Jean Marc Boulianne attend son tour, car il est là pour une autre fonction.

Quelques participants sont debout ou assis sur des bûches, car les quelques meubles de fabrication artisanale, même pas dignes de figurer à l’inventaire, sont insuffisants pour une telle assemblée.

Une marmite est accrochée dans l’âtre qui fume encore et, à côté, une autre qui semble trop vieille pour servir a été retournée et sert de siège à un enfant. Près de ce mur on peut observer une grande chaudière et, pendue à un crochet, une poille de fer.  Finalement, le grille semble être, à côté de la tasse de fer blan et une cuilers[23] l’un des derniers éléments de cette batterie de cuisine rudimentaire.  Pourvu qu’on puisse la voir, la vaisselle se limite à une assez grande quantité de vieu estin[24] et de quelques terreries[25].

Les murs sont garnis d’outils de travail : un siot, quatre fers à cheval, un chanvre davalloir, une cheville de collier, deux vieux hache, trois fausille et une vieille plene. Trois cruches de terre traînent dans un coin et au mur du fond est accroché solidement un beau fusil, le trésor de la pièce, prisé estimé à vingt livres.

Après une brève discussion nécessaire pour la légalité de l’exercice, la plupart des électeurs sont sortis de la petite cuisine surchauffée.  Parmi les personnes qui sont restées sur place il y a d’abord les élus, Étienne Tremblay et Gabriel Dufour, tuteur et subrogé tuteur qui on accepté ladite charge et on prêté serment enlamaniere acoutumée defaire enleur ame et conssiance chacun leur devoir.  Le notaire a retenu également Jacques Bouchard; lui et Jean Marc Boulianne ont été choisis comme estimateurs assermentés pour agir au cours de l’inventaire qui commence immédiatement après l’élection des tuteurs.  L’homme de loi recueille d’abord le sermant enlamaniere acoutumée du dit sebastien ervé et zacaris ervé son fils éné et de mariane sa grande fille… Ces derniers devront livrer à la connaissance du notaire et de ses assistants estimateurs et sans rien dissimuler tout et chacun des dits bien meubles et immeubles titre et papier délaissé apres ledécès d laditte deffunte et dependant dela ditte communeauté.

Zacharie est un homme qui aura vingt-trois ans dans moins d’un mois.  Même s’il est toujours mineur, comme tous ses frères et sœurs, il a l’assurance tranquille du droit d’aînesse et il sait bien que la démarche entreprise fera de lui le maître des lieux dans quelques jours.  Sa future épouse est déjà choisie et elle fera son entrée dans la maison au cours de l’été prochain.  Marie Anne cependant doit avoir des pensées moins réjouissantes.  La grande fille, qui sera majeure à l’automne, car elle aura vingt-six ans, a sacrifié sa jeunesse pour ses frères et sœurs.  Il est difficile d’imaginer qu’elle pourra demeurer, vieille fille, dans une maison qui sera celle de son frère, une demeure bientôt dirigée par une belle-sœur plus jeune qu’elle-même.  Son avenir est certainement problématique.

L’inventaire de la cuisine révèle bien peu de valeur : à lui seul, le fusil représente près de vingt-trois pour cent des quatre-vingt-neuf livres inscrites par le notaire.  Dans la chambre, les trois lits garny et les deux coffre avec leur ferrure ont été prisés estimés le plus justement possible à cent livres.


L’autre pièce attenante, lalétri[26] où on trouve trente livre de beurre, le baril de lard salé et quelques contenants offre une valeur totale de trente et une livres seulement.  L’inventaire aurait probablement donné un résultat différent en hiver à cause des viandes et du poisson congelés.  En été c’est à l’extérieur, dans l’étable, l’écurie et la grange qu’est étalée toute la richesse de ces «habitants».

La basse-cour est composée de sept poule, unemaire dinde[27] avec trois petits et vingt ouest[28] qui sont prisés à dix-sept livres. La «fortune»[29] véritable se trouve composée des gros animaux : vingt mouton (120 #), quatre grand cochon et trois petis (45 #), une paire de beuf de boucherie (130 #) un autre jeune beuf (50 #) cinq vache maire[30] (150 #) quatre vos yvernee (72 #) deux vos bon a lait (20 #) et un jeune cheval (50 #).

Notons au passage que la charrue garnis du coudre en chenne vaut vingt livres et que les réserves de blé, (douze minos) et de farine (dix minos) sont estimées à cinquante-cinq livres.  Il y a aussi quatre quartier de pau de marsoins dont la valeur totale est de vingt-deux livres et dix sols.

Il est remarquable de constater que les bâtiments valent beaucoup moins que les animaux.  On estime la maison et la grange à soixante livres chacune, l’étable à vingt-cinq, l’écurie à dix et la laiterie à quinze livres.  Toutes ces bâtisses valent donc quatre fois moins que les animaux, les produits de la ferme et les peaux de marsoins qui constituent presque mille livres.  Les peaux de marsoins sont très prisées parce qu’utilisées dans certaines pièces de sellerie et de cordonnerie.

La récolte prochaine, la terre qui pousse du blé, est estimée à cinquante livres.

Après ce tour du terrain assaisonné par les discussions et les compromis des évaluateurs tout le monde se retrouve dans la petite cuisine. Sur la table, le notaire déplie soigneusement un document et note les détails de la concession rédigée par son confrère le notaire Joseph Jacob le dix-sept juillet 1728 puis il termine ainsi son inventaire.

Toute la famille est réunie et le moment devient solennel, car la séance de «loterie» est imminente.  Le tuteur découpe deux morceaux de papier qu’il place dans un chapeau, lequel est bien brassé et le notaire Lavoye dévoile le résultat :

« le premie biet[31] tiray ausor alamaniere accoutuméé a etchu a sebastien ervé père qui est lebor dunord qui joint a joseph Tremblay lecegond biet a etchus au mineur qui est le bord qui joint à la terre d etienne debien. »

On vient ainsi de partager la terre de Sébastien en deux parties égales sur toute sa profondeur pour respecter la communauté de biens.  La moitié de la défunte épouse qui revient aux enfants, celle qui est voisine de la terre cultivée par Étienne Debien, devra maintenant être partagée en sept bandes étroites, une pour chacun des enfants.  Cette fois c’est autant de billets identifiés au nom des héritiers qui sont déposés dans le chapeau « … les mineur ont tiray entreux enlamaniere accoutumée au sord le premier biet aechû a rosalis erver… »  et, progressivement, la terre de Sébastien se retrouve morcelée de la façon suivante :

Zacharie devra racheter plus tard chacune des portions attribuées à ses frères et sœurs[33].  Cette mesure cadre tout à fait avec les règles successorales de la Coutume de Paris en vigueur à l’époque[34].  Dans la loi comme dans les mentalités du temps, l’égalité entre les enfants est primordiale.  Il est même défendu aux parents de tenter d’avantager un enfant plus qu’un autre.  C’est pourquoi le notaire procède au tirage de la moitié de la terre revenant à feu Rosalie dans la communauté de biens.

Le notaire Lavoye passe la nuit à l’île et le jour suivant il est encore présent dans la maison des Hervé.  Autour de la table avec lui, les personnages importants de la nouvelle réunion sont Sébastien, son fils aîné Zacharie, François Xavier Tremblay et Jean Marc Boulianne dit le Suisse, ces derniers agissant comme témoins.  Le notaire a commencé à écrire l’acte de donation[35] et continue...

«… sébastien ervé habitant delile aux coudre lequel sevoyant dun age avancée et presque hors detat defaire valoir saterre aproposée a acari son fils dedemeuré avec luy pour faire valoir sonbien et lesoulagé tan sain que malade…»

Sébastien donne à son fils un arpent de la portion de terre qui lui revient du partage effectué la veille.  Pour le reste, un morceau d’un peu plus de trois perches, Zacharie devra, à la mort de son père, remettre quatre-vingts livres en héritage à ses frères et sœurs, et ce, « en argant monais du pays.»

Par ce document qui est en cours de rédaction et même s’il devra plus tard remettre progressivement leur héritage aux autres membres de la famille, Zacharie devient le maître du domaine.  Tout cela n’est cependant pas gratuit, car il y a des charges dont certaines sont très aléatoires et qui découlent de la suite du document. 

Le père restera sur place et «s’il arive que la fantaisis luy prene de se marié quil sera toujour maitre de mene une fâme avec luy sans que le donataire[36] luy repette[37] rien…»

Il est impossible de savoir ce qui pouvait se passer dans la tête de Zacharie à ce moment, mais il espérait peut-être la réalisation de la clause suivante :

«… s’il luy plais de se mariay ailleurs le dit donataire sera obligé de luy fournir ses besoins savoir que le dit donnataire lui fourniras ases frais… douze mino de blé… pour chaque année… un cochon gras trente livres de beurre bien sales et bien conditioné quinze livre en argant pour son besoin.»

En somme, la donation fait que Zacharie prend la place de son père et, pour les responsabilités attachées à ce transfert il aura, en plus de ce qui lui appartient de droit, l’usufruit de l’héritage des autres en attendant de pouvoir le leur distribuer en argent lorsqu’il le pourra.  Le contrat de donation se termine justement par l’obligation qu’il aura de payer à chacun de ses frères et sœurs «quand besoin sera la somme de soixante sept livre six sols» représentant leur part des meubles et bâtiments, en respectant l’évaluation qui a été réalisée le jour précédent.

Le 1er novembre 1749, Sébastien assiste comme témoin au mariage de sa nièce Félicité Debien (1731 — ) qui épouse Joseph Nadeau dit Belhair (1729-post.1756) un capitaine de navire de passage[38].  La fille de feu sa belle sœur Marie Dorothée Tremblay (1692-1734) quittera le pays avec son beau capitaine originaire du bourg Saint-Paul, une commune du sud-ouest de la France, dans la province de Guyenne d’alors[39].  L’oncle ne reverra pas sa nièce qui est présumée morte en France.  Le dit Belhair en question, fils de chirurgien, y serait décédé également[40].  Le père pouvait sans doute se consoler avec ses sept autres filles toujours vivantes.

Sébastien fera une dernière sortie publique avant de prendre le chemin de l’ermite pour ses quartiers d’hivers.  Le 12 décembre 1749, il assiste comme témoin à la sépulture d’un enfant de sa nièce Clothilde Debien (1724-1775).   Cette autre fille de feu sa belle sœur Marie Dorothée Tremblay (1692-1734) qui avait déjà donné naissance à deux enfants en perdait un[41].

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[1]  A.S.Q., M. Concession à Jean Gontier, Seigneurie 46, pièce No 2.

[2]  BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 12 avril 1746.

[3]  BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 4 juillet 1748, Baptême de Pierre Coté.

[4]  DROUIN, Gabriel, Dictionnaire national des Canadiens français 1606-1760, Institut Drouin, 1958, 3 volumes, p. 531.

[5]  A.S.Q., Seigneuries 46, No 12B.

[6]  A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 22 juin 1746.

[7] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 13 octobre 1747.

[8] Ibid., 18 novembre 1748.

[9] Ibid., 14 mars 1748.

[10] Ibid., 3 septembre 1749.

[11] DESJARDINS, Louise. La transmission du patrimoine à I’Isle-aux-Coudres au XVIII siècle. Hamilton, Éditions de l’Université de Mc Master, «Open Access Dissertations and Theses», No.7928, 1992, page 141.

[12] L’affermage est un type de contrat de délégation d’exploitation en échange d’un loyer payable le souvent en nature, dans ce cas-ci, en huile de marsoins.

[13] A.S.Q., Manuscrit 435, p. 155, 2 juillet 1749.

[14] Ibid.

[15] La toute dernière tourte voyageuse mourut dans sa cage au zoo de Cincinnati dans l’Ohio le 1er septembre 1914.  TOURTE VOYAGEUSE.| Ectopistes migratorius. [En ligne].       http://www.cosepac.gc.ca/fra/sct1/searchdetail_f.cfm?id=11&StartRow=1&boxStatus=All&boxTaxonomic=All&location=All&change=All&board=All&commonName=tourte&scienceName=&returnFlag=0&Page=1 [page consultée le 10/01/2014].

[16] Son patronyme est aussi orthographié Garreau et Garo dit Saint-Onge.  Il fut le premier curé de l’Isle-aux-Coudres (1748-1750).  Né Charles Garrau, il signait C. Garrault à l’Isle et C. Gareault plus tard dans sa vie.  Certains auteurs le méprennent avec son frère l’abbé Pierre qui fut également curé de diverses paroisses, mais qui ne fut pas le premier curé de l’Isle-aux-Coudres contrairement à ce qui est inscrit en page 490 du «Dictionnaire biographique du clergé canadien-français; Les anciens» publié à Montréal en 1910. 

[17] Ce fait explique la présence de nombreuses croix sur l’île et aussi pourquoi les habitants de l’Isle les préservent avec respect depuis toutes ces années.  L’Isle-aux-Coudres est la municipalité qui compte le plus grand nombre de croix de chemin avec dix-sept croix recensées en 1990.  Dans : GAUTHIER, Serge et al. Les croix de chemin dans Charlevoix : un héritage à conserver. Pointe-au-Pic, Conseil régional de pastorale de Charlevoix, 1990, 75 pages.

[18] DESJARDINS, Louise. Op.cit., pages 241-242.

[19]  A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 28 juillet 1749. Inventaire des biens de la communauté de Sébastien Ervé, veuf de Rosalie Tremblay, précédé de l’élection d’un tuteur et d’un subrogé tuteur.

[20] L’inventaire des biens de la communauté entre Sébastien et Rosalie, morte neuf ans auparavant devait normalement avoir eu lieu à la mort de la défunte; comme dans de nombreux cas, on le retarde jusqu’à ce que la nécessité l’impose.

[21] Gabriel Dufour est l’époux de Geneviève Tremblay qui est la fille de François Xavier Tremblay, le frère de Rosalie, notre ancêtre.

[22] Jacques Bouchard est l’époux de Françoise Rousset qui est la fille de Louise Tremblay, la sœur de Rosalie, notre ancêtre.

[23]  Il s’agit probablement d’une cuiller à pot.

[24]  Assiettes, tasses et cuillers en étain.

[25]  Il s’agit probablement de terrines.

[26]  «Cette pièce, la laiterie, pouvait être un peu éloignée de la maison et traversée par un petit cours d’eau, naturel ou dévié, afin de conserver quelques aliments à la fraîche. Cette “cabane” était le garde-manger de l’époque et se retrouvaient encore attenantes à presque toutes les maisons jusqu’au milieu du 20e siècle, surtout pour conserver les viandes gelées en hiver.» Dans : COLLECTIF. Inventaire des bâtiments agricoles de la MRC de Charlevoix-est. Québec, Patri-Arch, 2011, 127 pages.

[27]  Un dindon femelle.

[28] Au lieu de «ouest» il faut lire «oies».

[29]  Le signe # désigne la livre au même titre que $ désigne le dollar.

[30] «Mère : femelle d’un animal qui a eu des petits». Dans : COLLECTIF. Petit Larousse illustré. 2012, Paris, Éditions Larousse, 2011, 1910 pages.

[31] Billet.

[32] Marie Magdeleine épousera Jean Baptiste Debien en 1756 et elle décédera en 1758.  Aucune inscription aux minutiers des notaires de la région n’a été trouvée montrant la vente par elle ou par son mari après sa mort de la portion de terre lui revenant.  

[33] Certains des contrats spécifient que les parts sont achetées «en pièces d’or et d’argent».  Toutes les terres sont quittes d’arrérages.

  A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 8 octobre 1757; Dominique 60 livres. 

  A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 7 août 1758; Pierre 134 livres (héritage du père - rente de sa terre).

  A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 3 juillet 1763; Pierre 100 livres (héritage de la mère).

  A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 22 juillet 1764; Rose 150 livres.

  A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 22 juillet 1764; Marianne 12 livres et 6 sols (elle ne vend que 6 pieds par cinquante de profondeur).

[34] DESJARDINS, Louise. La transmission du patrimoine à I’Isle-aux-Coudres au XVIII siècle. Hamilton, Éditions de l’Université de Mc Master, «Open Access Dissertations and Theses», No.7928, 1992, page 244.

[35] A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 29 juillet 1749.

[36] [36] COLLECTIF. Petit Larousse illustré. 2012, Paris, Éditions Larousse, 2011, 1910 pages. «Donataire : Personne à qui une donation est faite».

[37] Ibid., «Répéter : Droit. Réclamer ce qui a été versé sans être dû.» 

[38] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 1er novembre 1749.

[39] Aujourd’hui commune de Saint-Paul dans le Sud-Ouest de la France, dans le département de la Gironde, en région Nouvelle-Aquitaine.

[40] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 330028. NADEAU/BELAIR, Joseph.  

[41] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 1er novembre 1749.