Wilfred Harvey 

(1875-1917) 

Wilfred, de la septième génération, quittera son village natal de Charlevoix en janvier 1900 alors qu’il a vingt-quatre ans[1].  Né le 19 septembre 1875 à Saint-Irénée[2], il est parmi la douzaine de célibataires chez les Harvey à trouver le chemin vers les États-Unis et l’un de ceux qui allaient ensuite y attirer d’autres membres de sa famille.  En effet, Wilfred, qui tente l’aventure à Salem, convaincra Joseph Harvey (1886-1961), l’un de ses demi-frères, à faire de même cinq ans plus tard.  Louis Wilfred Harvey est le quatrième fils et septième enfant de Guillaume Harvai (1835-1913) à Denis Hervé (1803-1887) à David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812).  

Wilfred n’a pas encore sept ans lorsque meurt sa mère Delphine Tremblay (1844-1882).  Son père se remarie l’année suivante à Philomène Duchêne (1854-1892).  C’est cette dernière qui verra à son éducation et, comme on le verra, lui fournira sans doute son passeport pour les États-Unis par l’entremise de sa sœur.

En 1900, il quitte donc Saint-Irénée pour aller travailler à Salem dans l’État du Massachusetts.  Dès son arrivée, il se trouve un emploi de livreur de charbon tout comme le propriétaire de la résidence où il loge et auquel il volera une fille dans moins de douze mois.  La famille où il loge est originaire de Saint-Irénée tout comme lui.  Elle est établie à Salem depuis cinq ans et est loin d’être étrangère à Wilfred.  En fait, le chef de famille Jean Marc Demeule est marié à Joséphine Duchêne (1855 — ), la demi-sœur puînée de Philomène, belle-mère de Wilfred.  Comme on l’a vu, les Harvey tout comme les autres expatriés sont rarement partis tête baissée à l’aventure.  Il y eut bien les premiers, mais peu de temps par la suite, ce sont les réseautages familiaux ou villageois qui ont fait le travail et ont recruté des gens de chez eux.  Si la tante de Wilfred et sa famille sont à Salem, c’est en raison de la présence de d’autres Saint-Irénéens qui y étaient venus avant eux.  Ils sont nombreux sur la rue Palmer du quartier de La Pointe à être originaires de ce village de Charlevoix, on y compte entre autres deux familles de Gauthier, des Guérin et des Tremblay tous arrivés à Salem dans la dernière décennie[3].



C’est donc le 7 janvier 1901 que Wilfred épouse sa demi-cousine Odiana Desmeules dans l’église Saint-Joseph de Salem[4].  Odiana, née Marie Antonia Demeule le 3 février 1880, aura vingt et un ans dans moins d’un mois [5]; elle travaille à la filature de la Naumkeag Steam Cotton Company comme opératrice de machine.

Pendant un certain nombre d’années après leur mariage, Wilfred et Odiana feront des allers-retours entre Salem et Saint-Irénée.  Ainsi allait la vie des journaliers expatriés en Nouvelle-Angleterre.  Le jeune couple quitte Salem peu de temps après leur mariage pour revenir vivre à Saint-Irénée chez le père de Wilfred.  Ils y sont déjà au début d’avril[6], mais pour très peu de temps, car Odiana, enceinte, retourne retrouver les bons soins de sa mère à Salem et y accouche de leur premier fils, Alfred, en novembre de la même année[7].  Le printemps suivant, ils repartent pour Charlevoix.  Au milieu de l’été 1902, Alfred décède à Saint-Irénée[8] alors qu’Odiana est de nouveau enceinte.  Elle accouchera de Marie Joséphine, leur second enfant, à cet endroit en décembre 1902[9]

Sans emploi à son retour, les revenus de Wilfred comme journalier à Saint-Irénée n’étaient peut-être pas suffisants et Odiana, qui avait vécu son adolescence à Salem, s’ennuyait peut-être de la vie américaine où elle pouvait travailler.  Quelle qu’en soit la raison, on constate qu’en 1903 le couple repart en Nouvelle-Angleterre avec la petite Marie Joséphine, laquelle sera prénommée à l’occasion Exantine, mais le plus souvent Blanche aux États-Unis.  Ils habiteront chez les parents d’Odiana pour un bon nombre d’années[10]

Au cours de cette décennie, Odiana mettra au monde quatre autres enfants : Ernest (1904-1906) Joseph (1906), William (1907-1908) et Eliodore (1909).  Deux d’entre eux décéderont en bas âge, l’un d’empoisonnement et l’autre d’une pneumonie. 

Lors de son retour à Salem, Wilfred fut journalier à tout vent puis, vers la fin de la décennie, il se trouve un emploi dans l’une des usines de chaussures de la ville.  D’ailleurs, la situation financière de la famille n’est guère mieux que du temps où elle était retournée à Saint-Irénée.  En 1910, Wilfred n’a travaillé que sept mois dans toute l’année et Odiana ne peut y retourner à cause des enfants qui se succèdent rapidement.  Avec sa femme et leurs trois enfants, Wilfred vit toujours sous le toit du beau-père[11].

En 1910, l’appartement où Wilfred demeure est à moins de cent mètres de celui de Joseph Harvey (1851-1928), le premier des Harvey descendants du migrant français à s’être expatrié volontairement vers la Nouvelle-Angleterre, dans l’espoir de vivre le rêve américain.  Se connaissent-ils? Probablement, mais comme un fleuve et vingt-cinq ans soit une génération les avaient séparés, il y a peu de chance pour qu’ils se soient reconnu un lien de parenté.  Wilfred est né et est toujours demeuré à Saint-Irénée du temps où il vivait au Québec; Joseph de son côté, avant de s’établir à Salem, avait fait sa vie à Notre-Dame-de-Bonsecours, petite municipalité de la rive sud du Saint-Laurent.  David Hervé, l’arrière-grand-père de Wilfred était le frère de Joseph Sébastien Hervé, le grand-père de Joseph.  Comme David avait quitté la Rive-Sud vers 1803, les contacts entre ces deux lignées de Hervé devaient avoir été très limités.

Selon l’un de ses descendants américains, Wilfred travailla pour la compagnie de chemin de fer comme journalier pendant quelques années[12].

Comme tous les résidents du quartier La Pointe de Salem, Wilfred et sa famille perdirent tous ce qu’ils avaient lors du Grand feu de 1914.  Le quartier se vida alors des deux tiers des Canadiens français qui y habitaient.  Plusieurs migrèrent dans d’autres villes de la Nouvelle-Angleterre, mais la majorité revint au Canada.  Comme son frère Joseph arrivé à Salem en 1905, Wilfred sera parmi le tiers de cette population qui affrontera la misère et attendra la reconstruction du secteur pour continuer d’y vivre.

Wilfred a tout juste le temps de voir La pointe reconstruite, qu’il est emporté par la tuberculose en 1917, à l’âge de quarante-deux ans, et est inhumé au cimetière Saint Mary de Salem[13].  Il laisse derrière lui cinq enfants.  C’est avec son frère Edgard qu’Odiana et ses enfants partageront un appartement durant plusieurs années[14].  La veuve ne se remariera pas et s’éteindra à son tour cinquante-deux ans plus tard dans la maison de sa fille Blanche à Salem[15]

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[1] 1900, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Salem, page 6.

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 19 septembre 1875.

[3] 1900, Recensement fédéral américain, op., cit.

[4] State of Massachusetts, Record of Marriages for the city of Salem, 7 janvier 1901.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge des Éboulements, 4 février 1880.

[6] B.A.C., G., Recensement de 1901, district Charlevoix, sous-district paroisse de Saint-Irénée, microfilm z000132056.

[7] State of Massachusetts. Record of Birth for Salem, 20 novembre 1901.

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 22 juillet 1902.

[9] Ibid., 6 décembre 1902.

[10] 1910, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Salem, page 13 A.

[11] Ibid.

[12] Je n’ai pu trouver aucune documentation supportant cette information obtenue de l’un des descendants de Wilfred.

[13] Index to deaths in Massachusetts in 1917.

[14] 1920, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Salem, page 6 A.

[15] 1964, Salem, Massachusetts, City Directory. Et : confirmation de résidence au décès par la petite fille d’Odiana, Janice Pariseau, 16 mai 2022.