1. Marie Anne Hervé

3.1 Marie Anne Hervé (1723-1809), 3e génération

De l’union de Sébastien Hervé et Rosalie Tremblay naîtront sept enfants.  Marie Anne Hervé sera la première à voir le jour.  Elle naît le samedi 23 octobre 1723, mais ne sera baptisée sous condition que quatorze jours plus tard, soit le 7 novembre.  À cette époque, et pour longtemps encore, les enfants de l’Isle étaient ondoyés à la naissance pour la plupart faute de curé ce qui entraînait nécessairement des baptêmes sous conditions le temps venu.  Le baptême est inscrit au registre de Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul qui est le seul registre paroissial ouvert dans la région en 1723. 

Par contre, c’est probablement dans la petite chapelle[1] de la nouvelle paroisse de Saint François Xavier de la Petite Rivière[2] que le baptême de Marie Anne eu lieu puisque c’est à cet endroit qu’est situé le noyau villageois où demeure le père de Rosalie.  La baie Saint-Paul de l’époque compte peu d’habitants ; elle est surtout le domaine de la ferme du Séminaire de Québec avec sa scierie et ce qui reste de la goudronnerie royale où Monseigneur de Laval avait assis l’emprise de l’Église de Nouvelle-France.  De plus, le célébrant déclare procéder au baptême « .,.en l’absence du curé de la paroisse Saint-François Xavier de la petite riviere ».  Il faut présumer que Sébastien et Rosalie y ont amené la petite se faire baptiser puisque le parrain et la marraine y sont résidents.  Louis Tremblay fils, le frère cadet de Rosalie, agit comme parrain.  Comme l’enfant est une fille, la coutume aurait voulu que la marraine soit sa grand-mère, mais cette dernière est morte depuis dix-sept ans et le grand-père en est déjà à sa troisième conjointe.  Le couple choisira quelqu’un d’autre, probablement parce que Rosalie a très peu connue et s’est très peu attachée à cette deuxième belle-mère.  La marraine Marguerite Bouchard (1665-1731) est l’épouse de René de Lavoye (1657-1731) le capitaine de la milice de la baie Saint-Paul.  Marguerite Bouchard est aussi la mère de Rosalie de Lavoye (1686-1717), la première épouse de François Rousset un confrère de travail de Sébastien à la ferme du Séminaire à Baie-Saint-Paul qui est devenu l’un des premiers colons à l’Isle.

Comme on l’a vu, Marie Anne assumera son rôle d’aînée avec toutes les difficultés de l’époque sa vie durant.  C’est elle qui sera la bouée de sauvetage de son père en période de veuvage et qui sera son port d’attache à la fin de sa vie.  Cette Marie Anne Hervé n’est pas à négliger, car elle est un exemple typique de ces filles qui héritaient des responsabilités d’aînesse pendant que le frère jouissait du droit d’aînesse.  Sa vie d’aînée forgera son caractère de mère protectrice qu’elle étendra jusqu’aux enfants de son frère cadet Sébastien Dominique comme nous le verrons.   

En 1736, alors que son futur mari a déjà atteint sa majorité depuis cinq ans environ, Marie Anne pour sa part qui n’a que douze ans, fait sa première apparition dans le monde des grands en devenant la marraine de Louise Tremblay (1736-1758), une fille de son oncle Guillaume, alors que le parrain est un nouveau défricheur, Bonaventure Dufour (1713-1783).  Louis Chaumont de la Jannière, le curé de la région pourrait-on dire, ne sait plus où donner de la tête tellement son territoire est grand ; il célèbre le baptême le 3 juin 1736 « dans l’Eglise de St Louis de L’ille aux Coudres » et inscrit ce dernier dans les registres de deux paroisses, celle de Saint François Xavier de la Petite-Rivière Saint François et celle de Notre-Dame-de-l’Assomption-des-Éboulements avec cette même date du 3 juin.

Marie Anne a seize ans lorsque Rosalie Tremblay, sa mère, décède le 22 août 1740.  C’est assurément cette aînée qui doit veiller sur ses jeunes frères et sœurs, Marguerite Rosalie onze ans, Rose neuf ans, Pierre sept ans, Sébastien Dominique trois ans et Marie Magdeleine qui n’a pas deux ans.  Marie Anne prendra donc le rôle de femme et de mère très rapidement dans une île où, à cette époque, les jeunes gens s’épousent vers l’âge de vingt-trois ans en moyenne.

On ne connaît pas les sentiments de Marie Anne quand son père prendra une nouvelle épouse quinze mois après le décès de sa mère.  Rappelons qu’Agnès Bouchard, la nouvelle reine de ce foyer, était la jeune fille qui, a dix-huit ans, avait mis au monde un enfant dont le père, le fils cadet du seigneur des Éboulements, ne l’avait pas épousé.  Après un exil de plusieurs années sur la Côte-du-Sud elle revient et comble de scandale pour l’époque, elle qui a près de quinze ans de moins que son père, est enceinte de plusieurs mois lors du mariage en novembre 1741.  Il y a fort à parier qu’avec une belle-mère enceinte de six mois, Marie Anne est celle qui continuera de veiller sur la maison et les enfants pour encore plusieurs mois.

Outre le fait qu’elle porte un enfant, on ne connaît pas l’état de santé de la nouvelle épouse du père de Marie Anne.  Lorsqu’elle donne naissance à des jumeaux trois mois plus tard en février 1742 et qu’elle les perd à tour de rôle en avril puis en mai, on peut penser que le moral de la jeune Agnès Bouchard est affecté.  Comme elle décède moins d’un an plus tard au jeune âge de trente-trois ans, on peut aussi présumer d’une santé chancelante.  Il est donc évident que les responsabilités de maman et maîtresse de maison dont avait hérité Marie Anne au décès de sa mère ont continué d’être les siennes pour toute la période de la courte vie d’Agnès Bouchard sous le toit familial.  Dans la maison de son père, il n’y aura pas de nouvelle épouse.  Maintenant âgée de vingt ans Marie Anne continuera d’assumer ces responsabilités pour longtemps encore. 

Marie Anne se laisse progressivement devenir vieille fille, mais il n’est pas certain que ce choix fut de fait le sien.  C’est probablement plutôt celui qu’attribue aux aînées féminines cette société du début du XVIIIe siècle.  Bien qu’elle continue à jouer régulièrement le rôle de marraine, elle le fait désormais pour les enfants des filles de sa génération dont beaucoup sont maintenant mariées.  C’est, entre autres le cas pour le fils de Marie Louise Bonneau (1718-1755), l’épouse de son oncle Étienne Tremblay le 14 mars 1748 et celui de Marguerite Bouchard (1720-1799), l’épouse de son oncle Joseph Tremblay (1720-1758) le 3 septembre 1749.

Au cours de l’été 1749, Marie Anne qui a sacrifié sa jeunesse pour son père, ses frères et ses sœurs voit Zacharie son jeune frère de vingt-trois ans devenir le maître des lieux.  Dans ce monde d’hommes, même s’il est toujours mineur, il avait l’assurance tranquille du droit d’aînesse ce qui lui assurait la main mise sur la terre et la maison de son père une fois que ce dernier décida de passer la main.  La future épouse de Zacharie est déjà choisie et elle fera son entrée dans la maison au cours de l’été prochain.  Marie Anne est majeure depuis l’automne dernier, elle aura vingt-six ans bientôt.  Il est difficile d’imaginer qu’elle pourra demeurer, vieille fille, dans une maison qui est celle de son frère, une demeure bientôt dirigée par une belle-sœur de six ans plus jeune qu’elle.  Son avenir est tracé, elle doit trouver une porte de sortie. 

Comme on l’a vu, l’épouse de Zacharie, Marie Charlotte Tremblay fait son entrée dans la maison le 1er juillet 1750.  C’est probablement au cours de ce même été ou un peu avant en 1750 que Marie Anne quitte l’Isle pour Saint-Roch-des-Aulnaies.  Chez qui s’en va-t-elle vivre, on n’en sait rien ? Elle aura probablement déniché une place de bonne dans l’une des grandes familles de la Côte-du-Sud, peut-être chez les Soulard ce qui expliquerait qu’elle ait ouvert ses bras et sa couche un peu rapidement comme nous le verrons sous peu.  Quoi qu’il en soit, elle y passera l’hiver suivant, car elle y fait rapidement la rencontre d’un homme.  Après avoir un peu hâté les choses, il deviendra sous peu son mari.

L’hiver passe et Marie Anne vingt-sept ans épouse Jacques Soulard le 25 mai 1751 non pas dans sa paroisse comme le veut la tradition, mais à Saint-Roch-des-Aulnaies.  À vingt-sept ans, elle est enceinte de cinq mois et pas un parent de l’Isle n’assiste à la cérémonie.  Augustin Lemieux (1709-1755), les frères Pelletier, Bernard (1712-1803) et François (1713-1777), Augustin Caron (1714-1770) et Charles Louet (1708 — ), le fils du notaire royal et greffier de l’Amirauté de Québec Jean-Claude Louet et de Marie Anne Morin, une Acadienne, « tous amis de la fille » selon le curé qui en fait l’énumération.  Difficile de croire que Marie Anne en quelques mois à Saint-Roch-des-Aulnaies ait cultivé autant d’amitié masculine.  Comme ces amis ont tous à peu près le même âge de que l’époux, il est probable que le curé ait voulu écrire tous amis de la famille plutôt que de la fille.  Le couple était passé chez le notaire Joseph Dionne (1704-1779) neuf jours plus tôt question d’établir leur contrat de mariage[3]. Dionne, tout comme les missionnaires, est un notaire itinérant.  Il fut nommé par l’intendant Gilles Hocquart le 20 janvier 1743 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour être « notaire depuis le Cap Saint-Ignace jusqu’à la Rivière-du-Loup, et dans les autres seigneuries en descendant le long du fleuve »[4]

Âgé d’environ quarante-six ans[5], le « fils de deffunt Jacques Soulard (1672-1715) et de Marie Anne St Pierre » est le seul célibataire d’une famille de six enfants[6].  Son jeune frère Sébastien, le seul autre enfant de la famille toujours vivant, en est déjà à son second mariage depuis près de dix ans.  Ce mariage d’un célibataire en vue du village est couru.  Les oncles et les amis de Jacques sont nombreux à assister à la cérémonie de même que Jean Brisson (1683-1755), le toujours capitaine de milice de Saint-Roch-des-Aulnaies à soixante-huit ans[7].

Jacques Soulard avait peu connu son père décédé à la fin de 1715.  Il n’a pas douze ans lorsque le forgeron François Bidary (1680-1733) son beau-père arriva dans sa vie[8].  À la mort de son second mari en 1733, sa mère renonça à ses biens en faveur de son aîné Jacques et ses enfants, Jacques prendra soin d’elle[9]. En 1743, il possède une terre de « 4 x 42 arpents (…) où il y a une maison bastie en bois et une grange d’assemblage, et de terre labourable de quoi semer environ 20 minots de grains ».  Ses acquis de la Grande-Anse des Aulnaies et du Port-Joly sont entre autres ceux reçus de sa mère dix ans auparavant.  Entre 1720 et 1743, la terre de son père passa à Jacques, « par droit de succession et par acquisition par luy faite de ses cohéritiers et par donation à luy faite par Marie-Anne Saint-Pierre (1680-1756), veuve de Jacques Soulard père (1672-1715) et enfin par échange avec (Sé) Bastien Soulard (1709-82), son frère »[10].

Lors de son mariage huit ans plus tard, Jacques devait jouir de possessions encore plus imposantes, car il ne tardera pas à construire une belle maison de pierres d’inspiration française où Marie Anne vivra longtemps[11]

Étant l’aîné célibataire, Jacques a toujours hébergé sa mère après le décès de son père et son beau-père.  Bien que récemment marié, ce n’est donc pas surprenant de voir Jacques et Marie Anne accueillir sous leur toit Sébastien, le père de cette dernière qui traverse le fleuve pour aller rejoindre le nouveau couple.  Après tout, Sébastien malade et vieillissant n’a à peu près connu que les soins de son aînée Marie Anne au cours des douze dernières années.  La terre de son père dont Jacques avait hérité de sa mère en 1733 est située en plein cœur de la paroisse.  Sa maison d’inspiration française qu’il construit est voisine de l’église dont l’emplacement avait été donné par la veuve Soulard, sa mère, le 10 septembre 1724[12].   

Le 21 septembre soit quatre mois après son mariage, Marie Anne met au monde une fille.  La petite est baptisée le lendemain en l’église de Saint-Roch-des-Aulnaies et portera le prénom de Marie Angélique.  On choisit comme parrain et marraine de l’enfant ses deux grands-parents encore vivants, Sébastien le père et Marie Anne Saint-Pierre la mère de Jacques.

Marie Angélique Soulard

Marie Angélique vivra quelque temps à la Sainte-Anne de la Pocatière avant son mariage, probablement pour y travailler.  Elle épousera à Sainte-Anne de la Pocatière un garçon de la rivière-oüelle, Alexis Hudon dit Beaulieu le 20 janvier 1777.  Le registre du mariage nous en apprend assez long sur le tissu serré de la famille ; son oncle Sébastien Soulard (1709-1782), sa tante Rose Hervé, son frère et les cousins et cousines amond, les enfants de Rose y assistent[13].  Le couple aura six enfants tous nés à Saint-Roch-des-Aulnaies où il est établit : Alexis né le 2 novembre 1777, Angélique née le 21 décembre 1778, Antoine né le 17 octobre 1780, Marie Louise née le 30 juillet 1782, Jean né le 21 janvier 1784 et finalement Marie Victoire née le 24 avril 1785.  Marie Angélique ne survivra pas une année de plus après son dernier accouchement.  Elle décède le 23 décembre 1785 à l’âge de trente-quatre ans[14].  Son époux convolera en secondes noces l’année suivante et partira s’établir à Sainte-Anne-d’Yamachiche[15] comme d’autres de la famille Hervé comme nous le verrons sous peu dans l’histoire de Rose Hervé, la tante de Marie Angélique.

Marie Anne Saint-Pierre, la mère de Jacques vit sous le même toit que le nouveau couple, faut-il le rappeler.  À soixante-douze ans, elle est l’aînée de cette grande et nombreuse famille fondatrice de Saint-Roch-des-Aulnaies ; la visite de ses frères et sœurs devait être fréquente.  Le père de Marie Anne qui vit maintenant avec elle et son mari a bien dû remarquer l’une des sœurs de la veuve Soulard car il ne prendra qu’un hiver pour la séduire et en faire sa femme. En effet Marie Anne Saint Pierre a une sœur plus jeune, Marie Louise, veuve depuis presque trois ans.  Alors que les lilas ne sont même pas encore en fleur en ce printemps 1752, son père épouse la sœur de la belle-mère de Marie Anne et par le fait même il devient par alliance, son oncle au début mai.  Si la fille avait été rapide à se trouver un mari lorsqu’elle débarqua sur la Côte-du-Sud, le père fut aussi rapide à s’exécuter.  Jacques le célibataire qui vécut seul avec sa mère pendant si longtemps se retrouve maintenant avec six personnes sous son toit, car le nouveau couple formé de son beau-père et de sa tante semble s’être installé chez lui.  Cette belle-mère de soixante ans ne devait pas apparaître comme un fardeau pour Marie Anne elle qui en avait vu bien d’autres avec Agnès Bouchard, sa belle-mère précédente.

À la fin de juillet, Jacques et Marie Anne se présentent devant le notaire Joseph Dionne avec Zacharie, le frère de cette dernière pour recevoir les quarante-cinq livres qui lui permet d’acheter la part de terre dont Marie Anne avait hérité de sa mère[16].

Marie Anne n’est pas dépaysée sur la terre de son époux, car chaque jour elle peut se rendre au ruisseau qui y coule[17] comme elle le faisait sur la terre de son père pour aller puiser l’eau au Ruisseau de la Mare.

Marie Anne met au monde son fils Charles Amable le 29 juillet 1755.  Il est baptisé le jour même sous condition.  On peut penser que l’accouchement fut difficile et qu’on le croyait en danger pour que l’enfant soit ondoyé la journée du baptême[18]Charles Amable sera le seul fils qu’auront Jacques et Marie Anne.

Charles Amable Soulard

Charles Amable verra son prénom changé dans la vie de tous les jours après le décès de son père.  Il sera après cet événement le plus souvent prénommé Jacques Amable. Charles Amable dit Jacques Soulard épouse Marie Anne Lizot le 6 juillet 1778[19].  La méprise du curé quant au prénom de l’époux n’en est pas une, car les dizaines d’actes notariés enregistrés aussi bien à Kamouraska qu’à Montmagny montrent qu’il utilise aussi bien le prénom de Jacques[20], celui de Jacques Amable[21] et de Jacques Charles Amable[22].  Le prénom de Charles Amable ne sera inscrit qu’au registre de la paroisse de Saint-Roch-des-Aulnaies lors de son baptême et de sa sépulture[23].  C’est Sébastien Soulard, l’oncle de Charles Amable qui lui sert de témoin au mariage.  Jean Emond le beau-père de la mariée est celui qui la conduit devant l’autel[24].  Marie Anne Lizot, qui a vingt ans, est la petite fille de Guillaume Lizot (1644-1706) l’un des premiers habitants de la Grande-Anse et le premier de l’arrière-fief Pollet.  Il avait obtenu de la Seigneuresse de LaCombe une concession en 1675 ou 1676, la seule qui fut d’ailleurs concédée à cette époque dans l’arrière-fief Pollet ouautrement appelée Saint-Denis-de-Sainte-Anne.  Cent ans après l’arrivée de Guillaume Lizot dans l’arrière-fief Pollet, mais dans peu de temps pour notre histoire, nous verrons François Hervé, un neveu de Marie Anne s’y établir également.  La particularité de la terre des Lizot est qu’elle n’est séparée de celle de Jacques et Marie Anne que par la terre seigneuriale.  En effet, la terre de Lizot se situe au nord-est du domaine seigneurial alors que celle des Soulard est située au sud-ouest.  Joseph Lizot (1685-1768) le père de Marie Anne Lizot et sa mère Thérèse Lebel (1703-1787) s’étaient établis aux Aunaies[25]Charles Amable passera sa vie à vendre et acheter.  Le plus souvent, lorsqu’il se présente chez un notaire, c’est pour y régler plusieurs affaires.  Ainsi, les 5 et 6 mai 1796, il ne fait pas le déplacement pour rien, il signera six actes notariés.  Le couple aura plusieurs enfants, probablement plus de dix.  La plupart décède en bas âge.  De fait, leurs enfants sont d’ordinaire ondoyés à la naissance en raison des dangers qui les guettent.  Ainsi, le premier garçon, prénommé Charle Amable, ne survivra que quatre jours[26], Marie Angélique née le 16 décembre 1786 dont la grand-mère Marie Anne fut la marraine ne vivra qu’un peu plus d’un mois.  La file des enfants morts dans les heures ou jours suivants leur naissance s’allonge ainsi avec un enfant mort-né le 18 avril 1782, Jean François né le 17 avril 1791 et décédé un an plus tard, Marie Marguerite née le 24 janvier 1793 qui ne survécut qu’un mois, Marie Theotiste née le 12 et décédée le 14 mai 1794 et Marguerite Félicite née le 9 février 1802 et dont on ne trouve plus trace après sa naissance.  Trois seulement semblent avoir survécu Marie Anne Victoire née le 3 avril 1785, François Marie né le 21 janvier 1788 et Marie Angélique, la deuxième ainsi prénommée, née le 3 juillet 1796.  François Marie sera très connu non seulement aux Aulnaies, mais sur toute la Côte-du-Sud, ce pays qui va de Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy et Beaumont jusqu’à Kamouraska.  Capitaine de milice pendant une longue période, il sera reconnu pour son hospitalité et son amour des pauvres.  Celui qui fut l’un des habitants les plus considérés de Saint-Roch-des-Aulnaies est aussi le père d’Auguste Soulard (1819-1852), homme de lettres et avocat qui collabore à l’organisation de la Société Saint-Jean-Baptiste et à la fondation de la Société canadienne d’études littéraires et scientifiques. Auguste Soulard figure en tête d’une liste de citoyens favorables à l’annexion aux États-Unis, étant donné « les difficultés commerciales, politiques et sociales du Canada [...] et particulièrement le peu d’intérêt que semble lui porter la mère-patrie ».  Marie Anne n’aura pas la chance de connaître ce petit-fils brillant[27].  Après une vie active, Charles Amable s’éteint à l’âge de soixante-douze ans le 29 septembre 1827[28].

Mais revenons à Jacques Soulard et Marie Anne Hervé.  Le registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies révèle un nombre anormalement élevé d’enterrements d’adultes de tout âge de l’automne 1755 jusqu’au printemps 1756.  Or 1755, on s’en souviendra, est l’année de la grande picote, l’épidémie de petite vérole qui faucha si durement à L’Isle-aux-Coudres.  Saint-Roch-des-Aulnaies n’est pas en reste et avec une population encore plus grande le mal n’est que plus malicieux[29].  Parents et amis tombent les uns après les autres.  Le 27 mars, Marie Anne Saint-Pierre la belle-mère de Marie Anne est emportée elle aussi[30].  

Une année se passe puis à l’automne 1757, Marie Anne est encore choisie comme marraine d’un enfant de la cousine de son mari, Marie Françoise Thiboutot (1727-post.1760), fille d’Elisabeth Saint-Pierre (1682-1734), une tante de Jacques qu’elle n’a pas connue.  Le mari de la cousine, Pierre Roch Lebel (1720-1777) est un ami de la famille[31].   Encore une fois trois mois plus tard on fait encore appel à ses services, cette fois-ci, elle est la marraine d’un enfant de sa nièce Marie Catherine Soulard (1734-1800), une fille que le frère de Jacques eut avec la première de ses trois épouses[32].

Décidément, cette fin de décennie est difficile pour Jacques et Marie Anne.  Alors que s’assombrit le temps sur la Nouvelle-France, Jacques ayant perdu sa mère, c’est maintenant au tour de Marie Anne de voir la maladie emporter son père.  Sébastien Hervé, celui qui avait assuré la pérennité du patronyme en terre d’Amérique, s’éteint le 7 mars 1759 à Saint-Roch-des-Aulnaies.

Deux mois après la mort de Sébastien en mai, cent cinquante navires anglais et leurs dix-huit mille hommes remontent le grand fleuve.  On a peine à imaginer la réaction et la peur créer dans la population de la Côte-du-Sud à la vue de cette armada.  Il faut dire que la population de la colonie d’environ soixante mille habitants dont une grande partie était très jeune ne faisait pas le poids.  Sur la Côte-du-Sud par exemple où plus de la moitié de la population est composée d’enfants, le territoire regroupe le sixième de la population de la Nouvelle-France, mais il ne peut fournir qu’une poignée d’hommes.  Chez les mille six cent trente-cinq familles qui y habitent, c’est le branle-bas général.  La vue de la flotte anglaise était le présage d’une fin prochaine et du siège de la Capitale qui se préparait.  Personne par contre, ne pouvait présager de la terreur qui allait s’abattre sur cette fertile, la Côte-du-Sud, et ses quinze paroisses de l’époque.  Les miliciens reçurent l’ordre de se rendre à Québec pour défendre la ville et la plupart des hommes en âge de combattre se mirent en route.  Sans savoir ce qui attendait leurs familles, l’époux de Marie Anne et son beau-frère Jean Hamon, le mari de Rose Hervé, partent avec Chaussegros de Léry, le messager du Gouverneur Vaudreuil qui est venu faire le plein de milicien sur la Côte-du-Sud [33].

Marie Anne et ses deux enfants de deux et sept ans, sa sœur Rose et sa fille de douze mois comme toutes les femmes, les enfants et les vieillards quittent la seigneurie et s’abritent dans les bois avec les animaux qui peuvent y être abrités.  Pour Jacques Soulard et Jean Hamon, c’est comme la fin d’un monde à laquelle ils participent.  Soldats malgré eux, non entraînés et probablement peu enthousiastes, ces deux paysans, d’abord préoccupés par leurs semailles, puis par leurs récoltes ne sont pas au fait de ce qui se trame dans leur coin de pays.  Des centaines de maisons et de bâtiments sont brûlées, y compris les embarcations trouvées par l’anglais sur la côte.  On l’oublie souvent, mais les villages comme celui des Aulnaies comptent un grand nombre de pêcheurs du temps de la Nouvelle-France.  Des villages entiers y passent, les églises et lieux de culte étant seuls épargnés.  La guerre de Conquête anglaise n’est pas une campagne civilisée[34].  On brûle de Kamouraska à Saint-Thomas de la Pointe-à-la-Caille[35].

À la fin de l’été, lorsque les nouvelles parviennent de Québec et que femmes, enfants et vieillards se pointent le bout du nez hors des forêts où ils ont passé l’été, ce n’est que désolation, les récoltes ont été brûlées.  Les hommes ne sont toujours pas revenus de Québec, du moins un grand nombre d’entre eux.  Jacques Soulard ne reviendra jamais.  Depuis la bataille du 13 septembre sur les Plaines d’Abraham dont tous ont entendu parler, Marie Anne n’a aucune nouvelle de son mari.  Blessé lors de la bataille, il décède à l’Hôpital-Général dans la capitale le 6 octobre suivant.  À Québec, l’anglais ne permet pas à la population de l’extérieur des murs d’entrer dans la ville pour récupérer ses morts.  Quand bien même il l’avait fait, comment Marie Anne qui ne connaissait probablement rien de l’état de son mari aurait-elle bien pu se rendre le chercher avec deux jeunes enfants ? Jacques ne sera donc pas ramené dans son village et sera enterré dans une fausse commune de l’Hôpital Général de Québec[36].  Rose la sœur de Marie Anne aurait un peu plus de chance, elle reverra son mari quelque temps avant qu’il ne décède des suites de ses blessures subies lors de la bataille.    

Après la dévastation laissée sur la Côte-du-Sud, on peut donc imaginer la sorte d’hiver que Marie Anne, veuve à trente-six ans avec deux jeunes enfants à nourrir, doit passer.  Elle dut pouvoir compter sur le soutien de ses parents, son beau-frère Sébastien, sa sœur Rose et aussi le clan familial des Saint Pierre, car Marie Louise, la troisième épouse de son père, sa seconde belle-mère doit toujours être de la maison.  La vie étant ce qu’elle est, cette année 1759, qui avait débuté par le décès du père de Marie Anne, de la capitulation de Québec et de la mort de son mari, se termine le 20 décembre par la naissance du fils de sa sœur Rose dont elle est choisie pour marraine lors du baptême[37].  Faute d’hommes, c’est le curé Gareault qui agit comme parrain de Jean Baptiste Hamon (1759 — ) comme il le fait souvent ces derniers temps, car plusieurs hommes sont portés manquants.

À l’été 1764, Marie Anne et sa sœur Rose, les deux veuves des Plaines d’Abraham font la traversée ensemble pour se rendre à L’Isle-aux-Coudres afin d’y régler leurs comptes avec Zacharie Sébastien, le frère-héritier.  On se souviendra que les actes notariés du père de 1749 prévoyaient les montants que le frère-héritier devait éventuellement payer à ses sœurs représentant pour un, leur part des biens meubles et immeubles provenant de la succession de la mère (soixante sept livre six sols) et aussi le montant leur étant dus pour le morceau d’un arpent et trois perches appartenant au père devant être payé à la mort de ce dernier (quatre-vingts livres en tout).  Rose, qui n’avait jamais touché un pécule pour l’héritage de sa mère règle le 22 juillet avec Zacharie Sébastien pour un montant de cent cinquante livres couvrant les héritages combinés de sa mère et de son père.  Dans le cas de Marie Anne, son frère avait réglé avec elle, il y a une douzaine d’années, l’héritage de sa mère.  Vue d’aujourd’hui par contre, on ne comprend pas bien pourquoi Marie Anne ne vend à son frère que six pieds par cinquante de profondeur en cette même journée du 22 juillet 1764[38].  L’héritage du père était pourtant un morceau d’un arpent et trois perches, en mesure de Nouvelle-France, ce qui se traduisait pour chacun des enfants par environ trente-trois pieds par la profondeur de la terre de cinquante arpents.  Marie Anne, pour une raison qui nous est inconnue, se garde donc un pied à l’Isle, quoique petit, un passage d’une perche et demi sur la terre familiale.  Cette étroite bande de terre est située en plein centre de la moitié de terre revenant à sa mère dans le partage de 1749 de la communauté que cette dernière formait avec son père.  Par ce passage, Marie Anne pourra aller revoir son ruisseau de la Mare et si elle marche jusqu’aux profondeurs, elle pourra même s’abreuver à la rivière Rouge.  Son frère pourra toujours continuer à faire la loi sur l’ensemble de la terre familiale et d’en avoir l’usufruit, il n’aura jamais la main mise complète sur son fond de terre.   

Après la mort de son mari, il n’y aura pas d’autres hommes dans la vie de Marie Anne.  Elle élèvera ses deux enfants seules dans sa grande maison bien vide depuis tous ces départs.  Un peu plus de dix-sept ans passeront avant le premier mariage de l’un de ses enfants.  À la fin de janvier 1777, son aînée Marie Angélique épouse Alexis Hudon dit Beaulieu à Sainte-Anne de la Pocatière.  On ne sait pas exactement quand Marie Angélique quitta la maison de sa mère, mais dans une famille sans homme, on peut penser qu’elle fut placée comme bonne a un très jeune âge et comme les mariages sont généralement célébrés dans la paroisse ou l’épouse habite, elle n’est probablement plus aux Aulnaies depuis un certain temps.  À partir de ce mariage et pour les années qui lui reste à vivre, Marie Anne vivra de nombreux moments de joie grâce aux naissances de ses seize petits-enfants et de nombreuses peines lors des décès d’au moins sept d’entre eux.

Au cours de l’été 1777, Marie Anne qui fut elle-même le scandale d’un été à son arrivée aux Aulnaies, est témoin d’un autre scandale touchant également sa famille par alliance.  Celui-ci fera sans doute jaser dans bien des chaumières et pour longtemps.  Son beau-frère Sébastien Soulard, le seul survivant des enfants de Jacques père, qui est veuf de sa deuxième épouse depuis 1763, commet l’irréparable.  À l’âge de soixante-huit ans, il est forcé d’épouser Marie Luce Miville dite Deschênes (1749-1837) qui n’a que vingt-huit ans[39].  Cette relation qui avait été consommée bien avant le mariage entraînera la naissance d’Alexis Sébastien Soulard (1778-1837) au cours de l’hiver suivant.  Qui de mieux pour comprendre la situation et ne pouvoir refuser l’offre de devenir marraine que Marie Anne[40].  Il faut croire que le scandale n’emporta pas le beau-frère, car il vivra cinq autres années, donnera deux autres enfants à sa nouvelle épouse, dont le dernier alors qu’il a soixante-treize ans[41], avant d’être retrouvé noyé cette même année en face de l’église de L’Islet le 24 octobre.  Il fut inhumé dans le cimetière de Notre-Dame-de-Bonsecours de L’Islet le lendemain[42].  

La réaction des gens du village à ce presque septuagénaire qui met enceinte une fille qui vient à peine d’atteindre sa majorité ne nous est pas parvenue, mais qu’il suffise de mentionner que trois ans auparavant, au Port-Joly, le village d’à côté, on venait de vivre l’histoire de deux amoureux de ce village qui défièrent l’église.  Laurent Chouinard (1743-post.1800) tente d’épouser une jeune veuve, Claire Gagnon (1740-1815).  Or, le curé refuse, pour d’obscures raisons, de les marier.  Les deux jeunes gens décident de braver le clergé et s’unissent dans une cérémonie profane organisée avec l’aide d’amis.  Le scandale éclate ! C’est l’excommunication (et l’enfer) qui les attend ! C’est le début d’une longue et triste aventure pour ce couple qui tentera à plusieurs reprises de voir son union bénie par l’Église, mais qui devront s’exiler et vivre reclus de nombreuses années à l’Anse à Mouille-Cul près du Bic, à Rimouski, à Cap-Chat et à Rivière-Ouelle.  Vingt ans d’errance dans « les postes d’en bas », après quoi on perd leurs traces[43].  Heureusement, Sébastien Soulard est né d’une famille des familles fondatrices à la Grande-Anse.  Il dut se tenir penaud pour quelques années question de se faire oublier.  On peut penser qu’avec son expérience, Marie Anne dû sûrement lui prodiguer quelques conseils.  

En voyant le nombre de cas semblables à ceux d’Agnès Bouchard ou de Sébastien, le beau-frère de Marie Anne, qui sont répertoriés dans les registres des paroisses, aussi bien de la Côte-du-Sud qu’au nord du fleuve, on peut se questionner sur la réaction réelle des membres de ces petites communautés lorsque survenait de telles situations.  Certains ont voulu faire croire à une population soumise aux préceptes de ses curés réagissant avec véhémence aux écarts de conduite par des pratiques comme les charivaris[44], mais le poids du nombre d’événements semblables ne rendait aucune famille à l’abri.  Cela devait bien ralentir l’ardeur des commères de village et limiter le nombre d’enthousiastes à faire du chahut.  N’était-ce pas des amis du village qui organisèrent un semblant de mariage pour les exilés de l’anse à Mouille-Cul au Port-Joly trois ans plus tôt ?

À l’automne 1777, Marie Anne voit naître son premier petit-fils, Alexis Hudon dit Beaulieu[45].

L’été suivant, c’est au tour de son cadet Charles Amable d’épouser Marie Anne Lizot le 6 juillet 1778.  Marie Angélique, sa fille aînée, dut vivre ce que Marie Anne avait vécu en 1749.  Cette aînée avait bien dû elle aussi sacrifier un peu de sa jeunesse pour son jeune frère sans père qui aujourd’hui devient le maître des lieux par le seul fait qu’il est un homme.   Marie Anne ne sera plus seule avec son fils, sa bru Marie Anne Lizot fait son entrée dans la maison. 

Il semble que Marie Anne, l’aînée de sa famille, ait toujours gardé contact avec ses frères et sœurs de l’Isle-aux-Coudres.  À l’époque, les barques sont nombreuses à traverser entre le village et l’Isle puisque nombre d’enfants d’insulaires sont maintenant établis sur la Côte-du-Sud et certains garçons à l’Isle sont aussi traversés au Sud se chercher une épouse.  Parmi eux, son neveu Sébastien Gagnon (1755-791), le fils de sa sœur Marguerite, traverse vivre à Saint-Roch en 1777.  De plus, comme on l’a vu, lors du décès de sa mère en 1740, c’est assurément Marie Anne, la grande sœur, qui enveloppera de ses ailes et veilla comme une mère sur son frère Sébastien Dominique qui n’avait pas quatre ans et Marie Magdeleine sa sœur cadette qui n’avait que dix-huit mois environ.  Après avoir vu à leur éducation pour dix ans, elle a sûrement continué de leur rendre visite tout comme ils devaient aussi traverser la voir.  C’est ainsi que Marie Anne, la veuve Soulard, traversa à l’Isle à l’automne 1782 pour passer l’hiver auprès de Marie Magdeleine Dufour la deuxième épouse de son frère Sébastien Dominique et l’épauler pour son premier accouchement.  Le 16 décembre, lors du baptême de l’enfant, Joseph (1782-1867), Marie Anne qui a cinquante-neuf ans, est évidemment choisi comme marraine.  

Étant à l’Isle en cet automne 1782, Marie Anne n’assista probablement pas aux obsèques de son unique beau-frère, Sébastien Soulard, mort noyé à L’Islet en octobre comme on l’a vu.

Au printemps 1784, à Saint-Roch-des-Aulnaies, décède Marie Louise Saint Pierre, la troisième belle-mère de Marie Anne, avec qui son père avait passé les dernières années de sa vie chez elle.  On peut croire que Marie Anne, lors du décès de son mari en 1759, avait beaucoup compté sur le support du clan familial des Saint Pierre.  Après tout, n’avait-elle pas deux belles-mères du même clan ? La défunte mère de son mari, l’aînée de cette famille et sa sœur puînée Marie Louise qui décède cette année.  On ne sait pas si Marie Louise Saint Pierre était demeurée dans la maison de Marie Anne après le décès de Sébastien son père en 1759 et si cette dernière avait eu suffisamment de temps pour s’attacher à cette nouvelle figure maternelle au point d’être considérablement attristée de son départ. 

Chose certaine, elle doit être bouleversée lorsqu’à trente-quatre ans sa fille aînée décède le 23 décembre de l’année suivante.  Les causes de la mort de Marie Angélique ne nous sont pas parvenues.  Il ne pouvait s’agir d’un accouchement difficile puisqu’elle avait donné naissance en avril à son sixième enfant.  D’un autre côté, peut-être était-ce relié à cet accouchement duquel elle ne se serait pas relevée ? Quoi qu’il en soit, on peut s’imaginer la peine de Marie Anne.

Après les départs consécutifs de sa belle-mère en 1784 et de sa fille en 1785, Marie Anne, dès l’été suivant, se donne à son fils Charles Amable nommé Jacques Amable par le notaire.  Il lui reviendra donc de veiller sur sa mère, mais en échange il gagne la terre et la maison des Soulard[46].

Un an plus tard, la femme de Charles Amable accouchera d’une petite fille le 16 décembre.  Pour mettre un peu de baume sur la blessure de Marie Anne qui a maintenant soixante-trois ans, le couple la choisira comme marraine de l’enfant qui sera prénommée Marie Angélique à son baptême[47].  Comble de tristesse, l’enfant ne survivra qu’une année. 

C’est dans cette même période trouble que Marie Anne voit débarquer dans son patelin quatre autres de ses neveux.  Trois fils de son frère Sébastien Dominique de même que le fils aîné de sa sœur Marguerite viennent tenter leur chance sur la Côte-du-Sud et rejoindre le clan des tantes Hervé, Marie Anne et Rose[48].

Les années de la veuve des Plaines d’Abraham passent et se ressemblent toutes un peu.  Charles Amable continue de lui donner des petits-enfants.  Elle en verra naître six autres avant qu’un printemps ne l’emporte le 19 mai 1809… 

Le vingt deux de may mil huit cen neuf par nous pretre curé de st roch sousigné a été inhumé dans leglise dans lallée du milieu du coté de levangile le corps de marie anne hervé veuve à feu jacques soulard laboureur décédé le dix neuf de courant, agée de quatre vingt six ans muni de tous les sacrement de leglise. furent presents michel parent bedeau, charle caron, joseph caron, michel ouellet, joseph carier, françois ouellet amis dela décédée qui ont tous déclaré ne savoir signer de ce enquis suivant lordonnance joseph verreau ptre curé de st roch.[49]

Celle qui avait servi de mère à chacun est maintenant la troisième des enfants qu’eut Sébastien Hervé avec Rosalie Tremblay  à partir.  

Généalogie de Marie Anne Hervé (1723-1809) 

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[1] La première église, selon la tradition orale, aurait été construite en 1705 à l’endroit où est la grosse roche sur laquelle est plantée la croix de fer du côté ouest du quai. 

[2] MAGNAN, Hormisdas. Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la Province de Québec. Arthabaska, Imprimerie d’Arthabaska inc., 1925, page 390.  Les limites de la paroisse viennent tout juste d’être fixées par l’ordonnance du 3 mars 1722.  Dans : « Édits et Ordonnances », vol. 1, page 444.  Le territoire de cette paroisse comprend une partie de la seigneurie de la Baie-Saint-Paul.  

[3] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Dionne, 16 mai 1751.  

[4] ROY, Joseph-Edmond. Histoire du notariat au Canada depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours. Lévis, Revue du notariat, 1899-1902, volume 1, p. 189 et volume 2, p. 10. 

[5] En ce qui a trait à l’âge de Jacques Soulard, le registre de la paroisse de Notre Dame de liesse de la Bouteillerie ne contient pas l’inscription de son baptême, du mariage de ses parents en 1699 jusqu’en 1720.  L’état du registre qui nous est parvenu est tel que plusieurs pages sont manquantes, en particulier pour l’année 1705.  Certaines sources mentionnent le 20 mai 1703 comme date de baptême.  Il s’agit plutôt du baptême de sa sœur Marie Magdeleine.  Le curé de l’endroit avait l’habitude de mettre le nom du père de l’enfant sous le nom de l’enfant en marge.  La lecture de l’acte montre bien qu’il s’agit de Marie Magdeleine.  Comme la famille n’a pas déménagé, il est probable que l’inscription de son baptême se retrouve quelque part en 1705.     Les inscriptions des baptêmes de ses frères et sœurs, Marie Angélique (1708), Sébastien (1709) et Marie Barbe (1713) se retrouvent au registre. Le PRDH ne confond pas Jacques et celui souvent prénommé Sébastien Jacques. Le PRDH nomme ce dernier Sébastien Bastien.

[6] Il n’est pas le Jacques Soulard qui a épousé Marie Josephte Gosselin comme plusieurs sources le prétendent.  Le mari de Marie Josephte est plutôt son frère Sébastien Soulard né en 1709 lequel s’est marié avec cette dernière en premières noces et qui se mariera trois fois au total.  L’erreur vient du Dictionnaire généalogique des familles canadiennes depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours.  L’auteur Cyprien Tanguay lui associe le premier mariage de son frère Sébastien pour la même raison que certaines sources mentionnent qu’il serait né en 1703, c.-à-d. l’inscription du nom du père (jacques) en marge du registre.  Les inscriptions des baptêmes de Marie Magdeleine (1703), Jacques (1709), Marie Angélique (1708) et Marie Barbe (1713) se retrouvent au registre avec la même mention de Jacques sous leurs noms en marge.  Le PRDH ne confond pas Jacques et Sébastien Jacques. Le PRDH nomme ce dernier Sébastien Bastien. 

[7] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Roch-des-Aulnaies, 25 mai 1751.

[8] A.N.Q., GN. Minutier Étienne Jeanneau, 8 juillet 1716.  Contrat de mariage Marie Anne Saint Pierre et François Bidary. Le patronyme du mari est aussi écrit Vildary, Bidray et Nildary. 

[9] A.N.Q., GN. Minutier Étienne Jeanneau, 20 novembre 1733.  « Renonciation par Marianne St-Pierre, veuve Soulard, 1ères noces et veuve Bidary, son second mariage, à Jacques Soulard et autres, ses enfants. » 

[10] ROY, Léon. Les terres de la Grande-Anse, des Aulnaies et du Port-Joly. Lévis, Fortin & fils, 1951, page 232. 

[11] Plusieurs sources, dont la municipalité de Saint-Roch-des-Aulnaies, situent la construction de la maison Soulard, toujours existante, à 1733.  Le terrier de 1743 ne supporte pas cette affirmation.  Les responsables des Archives de la Cote-du-Sud et du Collège de Sainte-Anne consultés en mai 2016 sont d’avis que la construction s’est plutôt effectuée entre 1750 et 1759.   

[12] A.N.Q., GN. Minutier Étienne Jeanneau, 10 octobre 1724.  « Donation de l’emplacement de l’église St-Roch, seigneurie des aunes, par Marianne Saint-Pierre, veuve de feu Jacques Soulard. » 

[13] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de la Pocatière, 20 janvier 1777.

[14] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Roch-des-Aulnaies, 26 décembre 1785.

[15] DESAULNIERS, F.L. Les vieilles familles d’Yamachiche, vingt-trois généalogies. Montréal, Éditions A.-P. Pigeon imprimeur, 1908, Tome quatrième, page 19.

[16] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Dionne, 30 juillet 1752

[17] ROY, Léon. Les terres de la Grande-Anse, des Aulnaies et du Port-Joly. Lévis, Fortin & fils, 1951, page 63.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 29 juillet 1755. 

[19] Ibid. 6 juillet 1778.  Lors de son décès en 1827, il sera mentionné que Charles Amable Soulard est l’époux de Marie Anne Lizotte et qu’il est âgé de soixante-douze ans. 

[20] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Dionne, 8 novembre 1778 ; Minutier Louis Cazes, 5 et 6 mai 1796 (6 transactions) ; Minutier Augustin Dionne, 11 juillet 1799. 

[21] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, 12 janvier 1786 et 1er octobre 1797 ; Minutier Augustin Dionne, 30 janvier 1801 ; Minutier Simon Fraser, 17 juillet 1810, 15 novembre et 20 décembre 1812 et 19 janvier 1815. 

[22] A.N.Q., GN. Minutier Simon Fraser, 22 janvier 1811 ; Minutier Amable Morin, 16 janvier 1822 et BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 18 avril 1784. 

[23] Le registre canadien de généalogie 1600-1900 et le dictionnaire généalogique des familles canadiennes (collection Tanguay), Québec 1608-1890, deux manuscrits d’une autre époque, ont engendré l’erreur de l’existence d’un troisième enfant du couple. [24] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 13 novembre 1769.  Après le décès de son mari en 1768, Thérèse Lebel, la mère de Marie Anne, s’était unie en secondes noces à Jean Emond. 

[25] ROY, Léon. Les terres de la Grande-Anse, des Aulnaies et du Port-Joly. Lévis, Fortin & fils, 1951, pages138-141. 

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 12 et 18 avril 1784. 

[27] LORTIE, Jeanne D’Arc. « Soulard, Auguste ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1985, 15 volumes, volume VIII (Décès de 1851-1860). 

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, le 1er octobre 1827. 

[29] BARBEAU Michel. Généalogistes associés. Les épidémies au Québec. [En ligne].    http://genealogistes-associes.ca/histoire/epidemies.php [page consultée le 20/02/2013]. 

[30] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 28 mars 1756. 

[31] Ibid., 29 novembre 1757. 

[32] Ibid., 3 février 1758. 

[33] DESCHÊSNES, Gaston. L’année des anglais : la Côte-du-Sud à l’heure de la conquête. Québec, Les éditions du Septentrion, 1988, 180 pages. 

[34] Ce paragraphe et le précédent sont librement inspirés de GAULIN, André. « L’année des anglais », Québec Français. Numéro 73 (mars 1989), page 90. 

[35] Aujourd’hui Montmagny. 

[36] Lieu considérer aujourd’hui comme le Cimetière des Héros. 

[37] Ibid., 20 décembre 1759. 

[38] A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 22 juillet 1764; Marianne 12 livres et 6 sols (elle ne vend que 6 pieds par cinquante de profondeur). 

[39] Ibid., 26 août 1777. 

[40] Ibid., 10 février 1778.  Baptême d’Alexis Sébastien Soulard.  « … la marraine Marie Anne Hervé épouse de feu Soulard… » 

[41] Ibid., 15 février 1782.  Baptême de Marie Geneviève Soulard. 

[42] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-de-Bonsecours de L’Islet, 25 octobre 1782. 

[43] DESCHÊNES, Gaston. Les Exilés de l’anse à Mouille-Cul. Québec, les Éditions du Septentrion, 2009, 120 pages.

[44] Le charivari était un tumulte que l’on faisait à des mariés d’âge inégal, à un veuf ou à une veuve qui se remariait trop vite après le décès de sa femme ou de son mari. 

[45] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 2 novembre 1777. 

[46] A.N.Q., GN. Minutier Louis Caze, 6 août 1786. 

[47] Ibid., 16 décembre 1786. 

[48] François Hervé (1760-1843), David Gagnon ( 1751-1839), David Louis Dominique Hervé (1764-1837), Joseph Sébastien Hervé (1767-1834) (1786). 

[49] Ibid., 22 mai 1809.