Maxime Dubé (1799-1899), l’épouse de Jean Baptiste Hervé (1798-1862) accouche de son sixième enfant le 18 juillet 1836. Leur troisième fille sera prénommée « Marie Louise » lors du baptême qui a lieu le jour de sa naissance[1].
Marie Louise a treize ans lorsque ses parents décident de quitter Sainte-Anne-de-la-Pocatière, le village de son enfance, pour partir s’établir à plus de deux cents kilomètres au nord-est, à Sainte-Flavie dans le bas du fleuve, où elle vivra son adolescence. Comme il arrivait souvent à l’époque, on faisait usage de façon bien cavalière de ses deux, trois ou quatre prénoms donnés au baptême. Marie Louise qui n’en avait que deux, avait plutôt décidé de changer les siens et était devenue Élise lors de son arrivée à Sainte-Flavie[2].
C’est là qu’à seize ans, le 7 février 1853, elle épouse « Jérôme Gagnon » (1830-1910), fils d’un voisin[3]. « Jérôme Gagnon dit Belzile » est natif de Trois-Pistoles et il a vingt-deux ans[4].
Dans le Bas-Saint-Laurent, Élise accouchera de dix enfants et n’en perdra qu’un seul. Le dernier naîtra le 3 mars 1875.
La crise agricole bat son plein dans la province et la région n’est pas épargnée. Avec huit enfants à nourrir, Élise et son mari choisissent de partir pour la Nouvelle-Angleterre afin de fournir à leurs enfants la chance de travailler. Au cours de l’automne 1875, la famille part avec celle d’Agathe (1841-1877), une sœur de Jérôme.
Le départ pour les États-Unis de Joseph (1851-1928), un enfant de la sixième génération, fut le premier parmi les Harvey à s’expatrier volontairement vers la Nouvelle-Angleterre. Le départ d’Élise en 1875, avec son espoir de vivre le rêve américain, en fait la seconde à quitter le pays.
Le choix d’Élise et de Jérôme s’arrête sur Fall River au Massachusetts. Les moulins à coton y sont nombreux et bon nombre de familles de leur région d’origine est déjà là. Fall River est à la limite sud de l’État, tout près de la frontière nord du Rhode Island, laquelle n’est qu’à deux kilomètres de marche. La famille aura plus de mille kilomètres à parcourir en train, presque qu’une odyssée en 1875. Plusieurs villes manufacturières de la Nouvelle-Angleterre étaient assez près pour que les nôtres, partis y vivre, reviennent occasionnellement pour visiter la famille, ou tout simplement aller y travailler le temps d’une saison. Ce fut par exemple le cas de Lowell qui, à mi-chemin, attira bien des Harvey à la recherche de travail. Fall River est si loin que ce sera l’endroit d’où les Québécois reviendront le moins.
À leur arrivée dans le quartier Flint, Élise et Jérôme louent un logement de la manufacture de coton sur la rue Thomas, à un coin de rue du parc Lafayette. L’endroit est un quartier qui compte deux cent cinquante familles canadiennes-françaises, venant pour la plupart des environs de Rimouski et surtout de Sainte-Flavie. Élise et Jérôme sont donc en pays de connaissance. Au centre du quartier, presque exclusivement francophone, s’élève l’église de Notre-Dame de Lourdes.
Tous les enfants en âge de travailler se trouvent un emploi au moulin à coton. Cependant, les conditions de vie dans les logements du moulin sont exécrables. Leurs insalubrités, combinées aux mauvaises conditions sanitaires du quartier, entraîneront le décès du beau-frère et de la sœur de Jérôme, deux ans après leur arrivée[5].
Pendant que Jérôme et les enfants s’échinent au moulin soixante heures par semaine, c’est dans ce même logement de la compagnie que naît le dernier enfant d’Élise en décembre 1878.
Élise perdra deux de ses fils avant le tournant du siècle. Le premier emporté par une tuberculose pulmonaire en 1889 et le second par une pneumonie en 1898. Une troisième décédera aussi de la tuberculose en 1902[6]. En vingt-cinq ans, les exigences du travail et les conditions sanitaires dans les logements ne s’étaient guère améliorées.
Depuis quarante-deux ans, Élise n’avait plus qu’un frère de vivant, Éphrem (1824-1902). Au décès de ce dernier, un de ses fils, Anselme (1858-1921), vient tenter sa chance à Fall River avec sa famille. Pour Élise qui, depuis son départ, n’apprenait les nouvelles du bas du fleuve que par la poste, ce fut certainement un grand bonheur que de sentir les effluves de sa région, transportés par les propos de son neveu.
Au tournant du siècle, seuls trois enfants vivent encore dans le logement du couple dans le quartier Flint. Élise, qui a engendré onze enfants, n’en a plus que six de vivants. Même après vingt-cinq ans aux États-Unis, elle n’a toujours pas demandé sa citoyenneté[7]. Espérait-elle revenir sur les rives du Saint-Laurent avant sa mort ? Si tel était le cas, son vœu ne fut pas exaucé, puisqu’elle décède d’une sténose aortique le 18 août 1907. À soixante et onze ans, elle est morte dans son logement du 215 rue Thomas à Fall River[8].
Son mari s’éteindra trois ans plus tard.
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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 18 juillet 1836.
[2] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1851, district de Rimouski, sous-district de Sainte-Flavie, page 63. L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 n’a débuté officiellement que le 12 janvier 1852.
[3] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Flavie, 7 février 1853.
[4] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, 2 novembre 1830.
[5] State of Massachusetts. Record of Deaths for Fall River, 29 avril et 2 octobre 1877.
[6] State of Massachusetts. Record of Deaths for Fall River, 19 mai 1889, 5 décembre 1898 et 18 mai 1902.
[7] 1900, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, ville de Fall River, pages 16 et 17.
[8] Massachusetts Vital Records, 1840–1911, Fall River, Bristol County, Massachusetts, 18 août 1907.