09. Germain

6.6.11.3.09 Germain Harvay (1849-1925), 6e génération

Le cinquième fils et neuvième enfant de Germain et d’Archange sera celui qui assurera la pérennité du prénom du père. Germain fils naît le 17 décembre 1849 et est baptisé le même jour. Son parrain est un cousin, Élie Dufour (1818-1851), l’aîné de la tante de l’enfant, Luce Desbiens, sœur de sa mère. La marraine, Marie Reine Lajoie (1810-1880), est l’épouse d’un cousin du père, Joseph Tremblai (1811-1845). Le père du petit Germain fils est à l’Isle puisqu’il assiste à la cérémonie du baptême[1].

Germain fréquentera la maison d’école du Cap à Labranche assez longtemps pour l’époque, car en janvier 1861, alors qu’il est âgé de onze ans, il est toujours sur les bancs d’école[2]. Il semble qu’il n’y apprendra pas beaucoup autre chose que son catéchisme. Malgré un certain nombre d’humbles signatures tout au cours de sa vie, il déclarera tout de même parfois ne savoir lire ni écrire.

C’est le jour de Noël de l’an 1868 que l’on voit apparaître le nom de Germain pour une première fois dans les registres de l’île. Sa belle sœur Denyse Tremblay accouche d’un deuxième fils le 25 décembre. Germain sera le parrain de Joseph Théophane, fils de son frère Didier (1840-1871)[3]. Le curé, débordé par les fêtes de la nativité, s’est fait aider par Godfroid Tremblay (1800-1879), prêtre retraité et natif de l’Isle. Celui qui procède au baptême et qui estime que Germain ne sait signer est un petit-cousin par son père. De santé fragile, il était revenu à l’Isle-aux-Coudres pour y finir ses jours. On se rappellera qu’en 1832, alors qu’il était vicaire à Saint-Étienne de la Malbaie, il avait introduit dans les registres pour une première fois, la forme du patronyme Harvey. Adolescent, il avait travaillé chez un marchand de Québec où il avait pu rencontrer des Harvey britanniques qui l’écrivaient ainsi[4].

À vingt et un ans, Germain demeure toujours chez son père et est apprenti forgeron auprès de son frère Joseph (1842-1887), cultivateur-forgeron qui a vingt-huit ans[5]. Il n’en fera pas carrière, car en plus de travailler à la ferme de son père, il vivra surtout de son travail de débardeur au port de Montréal l’été. C’est à vingt ans également qu’il perd un premier membre de sa famille. Son frère Louis Didier décède le 17 avril alors qu’il n’était âgé que de trente et un ans. Il laissait sa veuve Denyse Tremblay avec trois orphelins.

Qu’y a-t-il de surprenant dans le fait que Germain sera appelé à agir comme parrain à quatre reprises dans la décennie qui s’entame, quand on est fils d’une famille de treize enfants qui procréent annuellement ! C’est d’abord au baptême de Marie Alma Tremblay en 1874. Marie Alma est la fille de François Elzéar, un ami d’enfance et futur beau-frère, mais pour l’heure, il est le neveu de Denyse Tremblay sa belle sœur. Puis l’année suivante, en avril 1875, il est de nouveau parrain de Joseph Alfred Harvay, le premier fils de sa sœur puînée Caroline, laquelle s’est mariée le printemps précédent à un autre porteur du patronyme de l’Isle. Marie Clarida Desgagné, la fille de sa sœur Phébée, naît en avril 1876 ; Germain est parrain encore une fois. Il le sera aussi en janvier 1877, au baptême de Marie Obeline Victorine Tremblay, la fille d’Alexis, un frère de Denyse Tremblay sa belle-sœur. Maintenant que le curé est de retour à ses tâches habituelles et que le petit cousin Godfroid est retourné à sa paisible retraite, Germain signe le registre lors de ces quatre baptêmes[6]. Il poursuivra son œuvre de parrain pour plusieurs autres neveux et nièces jusqu’à son départ de l’Isle.

Il s’était écoulé trois ans depuis la dernière fois où l’on avait fêté un mariage dans la famille. Avec tous ces baptêmes auxquels il avait participé ces dernières années, Germain devait bien avoir réfléchi à la question du mariage, mais surtout aux attraits de Marie Delphine Tremblay[7] que tous appellent Emma. Germain, qui a passé pas mal de temps chez ses lointains cousins et amis, les fils d’Abraham Tremblay (1794-1867) et de Basilisse Perron (1795-1875), devait y avoir remarqué Emma, la fille de Télesphore (1820-1892) le fils aîné du couple, qui a hérité de la terre familiale. Didier, le frère de Germain, avait lui aussi reluqué dans le jardin du bonhomme Abraham lorsqu’il y avait trouvé Denyse. La terre qu’occupe le père d’Emma est la terre originale des Hervé, celle de Sébastien, le premier à avoir mis les pieds sur l’Isle. Joseph, le grand-père de Germain décédé en 1867, qu’il a eu amplement le temps de connaître puisqu’il vivait dans la même maison, était, comme on l’a vu, très près de Basilisse Perron. Après le décès de la mère de cette dernière, le grand-père la traita comme sa nièce.

Emma a vingt-cinq ans lorsque Germain lui propose le mariage. Les épousailles ont lieu le 17 juillet 1877. Germain et Emma rompent donc avec l’habitude qu’on avait dans la famille de se marier pendant la saison morte pour ne pas déranger les travaux de la terre et pour permettre au plus grand nombre de parents d’être présents. Comme on le sait, bon nombre des jeunes hommes de l’Isle sont partis débarder au port de Montréal durant l’été. Les garçons étant partis pour l’été, seul Germain le père, son jeune frère Héli (1859-1919) et ses sœurs assistent à la cérémonie qui l’unit à Marie Adelphine Emma Tremblay[8].

C’est à l’automne 1878 que naît le premier enfant du couple. Louis Alexis voit le jour le 7 novembre. Lors du baptême qui a lieu le lendemain, on lui choisit son oncle Héli Harvay comme parrain et sa tante Arsène Tremblay (1857-1926) comme marraine[9]. Dans quelques années, vers la fin du siècle, Arsène et son futur mari (1883) Élie Bouchard (1859-1943) rejoindront Germain et Emma à Sainte-Anne de Beaupré où les deux couples finiront leur vie.

L’épouse d’Hercule (1856-1924) accouche de sa première fille le 11 novembre 1880. C’est encore Germain qui est choisi comme parrain de Marie Élise Harvey, l’aînée de son frère[10].

Germain, après avoir épousé Emma, n’avait pas les revenus suffisant pour faire l’acquisition d’une maison comme son frère Hercule l’avait fait ou pour se construire. Le couple et leur nouveau-né demeuraient donc avec les parents de Germain où ils cohabitaient avec les frères puînés Marcel et Héli, la sœur célibataire endurcie Denyse et l’aîné Paul avec sa famille. Vingt personnes au total sous cet unique toit. Heureusement que les garçons quittent l’île tôt au printemps pour le port de Montréal où ils y seront pour un bon huit mois[11].

Comme si l’on n’était pas suffisamment tassé dans la maison, Emma accouche de sa première fille le 13 mars 1881. Lors du baptême de Marie Louise Rosalie, les parents choisissent comme parrain Elzéar Tremblay, l’ami d’enfance de Germain, frère d’Aima. La marraine est Denyse Harvé (1833-1898) la sœur toujours célibataire. Malgré la protection des parents, la petite n’atteindra pas douze mois. Elle décède le 12 février 1882. Germain, grand-père de l’enfant et Germain le père, assistent comme témoins de la sépulture, comme les hommes à l’Isle ont toujours fait. Le fils signe le registre d’inhumation de sa fille[12].

Puis suivront trois naissances heureuses pour Germain et Emma. D’abord, Emma donne naissance à Joseph Evariste le 28 décembre 1882. Le baptême a lieu le jour même. Le parrain est Louis Adolphe dit Dolphice Bouchard, le fils de Marie Félicité Hervé (1818-1894), la cousine du grand-père de l’enfant. La belle sœur Denise Tremblay est la marraine ; l’ancienne maîtresse d’école est d’ailleurs la seule à signer le registre[13]. Le prochain à naître, troisième fils du couple, est Jule Sifroid. Il voit le jour le 8 mars 1885. Fidèle à son habitude, le curé Jean Alphonse Pelletier tort à nouveau la forme du prénom de la mère qu’il prénomme Aima. Comme la mère, qui se relève de son accouchement, n’assista pas au baptême, car on s’était encore une fois précipité à l’église pour la cérémonie comme le voulaient les représentants de Rome, Emma, bien qu’elle sache lire, ne s’en serait pas formalisée, car le curé faisait ainsi pour la plupart de ses âmes. L’enfant a comme parrain son oncle Alexis Tremblay, comme Germain l’avait fait pour l’un de ses enfants en 1877. La marraine est la sœur aînée du père, Justine Harvé (1831-1922). Ce sera Marie Denise qui complétera ce trio des naissances heureuses d’enfants en santé ; elle naît le 18 mars 1887. Une fois adulte, l’enfant qui vient de voir le jour prendra le prénom de Marie Louise, celui de sa sœur décédée en 1882. On pige encore une fois parmi les nombreux frères d’Emma pour choisir le parrain. Cette fois-ci, George Tremblay est parrain. Marie Marthe Harvé (1838-1917), une autre sœur de Germain, agit comme marraine. À l’automne, Germain, trente-huit ans déjà, perd sa mère. Archange Desbiens en avait soixante-quinze.

C’est l’automne suivant, lors des pluies diluviennes du printemps 1889 que la maladie s’installe dans la maison surpeuplée. Emma accouche de Joseph George son quatrième fils et sixième enfant le 2 novembre. Le nouveau-né de Germain ne survit que sept jours[14]. Quatre jours plus tard, c’est au tour de la belle sœur Hélène Martine Desgagnés, l’épouse de Paul, son frère aîné, de quitter ce monde. Cette dernière qui avait pris le rôle de maîtresse de maison au décès de sa belle-mère deux ans plus tôt, n’aura vaqué à ses fonctions qu’un court laps de temps. Emma et Germain s’inquiètent de leurs progénitures et ils prennent la décision de quitter la maison du père et l’Isle.

Au printemps 1890, Germain, Emma et leurs quatre enfants partent donc habiter à la limite de Sainte-Anne et de Saint-Joachim où il loue une maison. Ils sont probablement établis dans ce qui fut un court laps de temps appelé Notre-Dame-du-Saint-Rosaire, aujourd’hui Beaupré. Sur le lopin de terre où ils s’installent, il y a une deuxième maison qui est inhabitée. Si Germain avait l’intention d’y installer une forge, il ne le fera pas, car il continuera d’être journalier-débardeur saisonnier au bord de l’eau à Montréal[15]. Son frère cadet Héli et sa famille quittent également l’Isle avec lui. À Saint-Joachim, non loin de chez Germain, Héli ouvrira boutique et sera cordonnier-débardeur. À l’époque de leur arrivée dans le secteur qui deviendra Beaupré, le chemin de fer de la Bonne Sainte-Anne qui relie Québec à Saint-Joachima été inauguré l’année précédente. C’est probablement le P’tit train de Sainte-Anne qui est à l’origine du développement du secteur où la famille s’installe. Les entreprises forestières en bénéficient et comme ils ont recours à de la main-d’œuvre locale, Germain y voit sans doute la possibilité de travailler à l’année au nouveau village de Notre-Dame-du-Rosaire et délaisser le travail son travail saisonnier à Montréal. Ce fut probablement le cas occasionnellement, car pouvant travailler à gages dans la région qui venait de l’accueillir, on le retrouvera dans Charlevoix certains étés. Le 17 juin 1892, le père d’Emma partit sur une goélette le matin vers Tadoussac, y trouva la mort par noyade ; il était âgé de soixante-douze ans. Télesphore Tremblay était sans doute parti rendre visite à Victorine, la sœur aînée d’Emma, qui y fait sa vie depuis 1874. Informé de la tragédie, Germain assiste aux funérailles de son beau-père qui se déroulent trois jours plus tard. Germain y sera même témoin de la sépulture alors qu’il appose sa signature au registre. Emma qui est enceinte de sept mois n’a peut-être pas fait la traversée[16].

Le 14 août, Emma accouche d’une troisième fille que l’on prénommera Bernadette. Marie Bernadette Hervey est baptisée le même jour. Eugène Raymond et sa femme Anna Blouin, un couple de l’île d’Orléans demeurant aussi à Sainte-Anne, agissent comme parrain et marraine. Étant dans les mêmes âges que Germain et Emma, il pourrait s’agir d’ami du couple ou d’un confrère de travail de Germain, car ils ne sont pas parents[17].

Il n’est pas surprenant qu’à Sainte-Anne le patronyme de la famille fût orthographié ainsi. Germain le prononçait sans doute à l’ancienne, Hervé, comme le patronyme original en Nouvelle-France et il le signait également avec une orthographe révélant cette prononciation.

La mère d’Emma ne survivra à son mari que trois ans. Marie Antoinette Perron décède le 14 janvier 1895. Emma qui est enceinte ne fera pas la traversée en plein mois de janvier pour les funérailles[18].

Au printemps 1895, Germain ne part pas pour le port de Montréal ou, s’il est parti, il reviendra à la fin d’août pour l’accouchement de son dernier enfant. En effet, Marie Emma donne naissance à Marie Joséphine Antoinette le 28 août. Le couple aura choisi d’honorer la mémoire de la mère d’Emma en prénommant l’enfant. Lors du baptême le lendemain le père présent déclare ne pouvoir signer selon le curé. La famille n’étant plus à portée de main, c’est Louis, frère aîné de l’enfant et maintenant âgé de seize ans, qui agit comme parrain. La marraine, Délima Paré, est la fille d’une famille établie à Saint-Joachim du temps de la Nouvelle-France. Marie Joséphine Antoinette, leur dernier enfant, est baptisée dans l’église de Saint-Joachim, la nouvelle paroisse de la famille ou à tout le moins l’église la plus rapprochée du domicile, car le couple demeure en fait dans celle de Sainte-Anne de Beaupré[19].

Germain et Emma marient leur aîné en juillet 1899. Louis ne sera majeur qu’à l’automne lorsqu’il épouse Marie Delphine Gagnon qui a déjà trente ans. La famille de Delphine appartient aussi à la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré où le mariage est célébré[20]. Germain ne devait pas valoriser l’école comme son père l’avait fait, car son fils Louis ne l’a pas fréquenté. Seul Germain et l’épouse signent le registre[21]. Les nouveaux mariés n’iront pas vivre très loin puisqu’ils s’installent dans la maison du père de Marie Delphine, à deux pas de chez Germain[22]. Ce seront d’ailleurs Germain et Emma qui agiront comme parrain et marraine du premier enfant du nouveau couple l’an prochain[23].

Au cours de la décennie qui s’achève, Germain avait toujours été qualifié de journalier. La tradition familiale nous a appris qu’il fut débardeur certaines années avant 1900 et qu’il le sera encore plus tard. Au printemps 1901, on le sait « chartier »[24]. Est-il possible qu’il soit employé du chemin de fer tout comme son frère Hercule ? La compagnie de chemin de fer n’est sûrement pas la seule à employer des charretiers, mais comme nous le verrons plus tard, plusieurs membres de la famille sont ou seront à l’emploi du chemin de fer grâce à l’aide d’Hercule ou non. Son frère cadet Héli, qui avait quitté l’Isle avec lui en 1890 pour s’établir à Saint-Joachim, réside maintenant à Québec. Le fils aîné de ce dernier est également charretier pour cette même compagnie et, tout comme Germain, il a gagné deux cents dollars pour son travail de l’année. Son frère puîné Marcel (1854-1931) travaillera aussi pour le chemin de fer et l’un de ses fils y sera aussi charretier. Cela fait beaucoup de parents d’une même famille travaillant sur une même ligne de chemin de fer de quarante kilomètres. Quoi qu’il en soit, si la paye n’est pas bonne, à tout le moins le travail ne manque pas pour le charretier avec l’affût de tous les dévots qui envahissent Sainte-Anne de Beaupré. Germain vit humblement, mais réussit à subsister avec sa famille, grâce à ses gages combinés à ceux de deux de ses fils qui sont journaliers. Si son frère Héli est parti pour Québec, Germain pour sa part demeure toujours aux mêmes endroits comme plusieurs de ses voisins[25]. Comme il le fait souvent, même s’il sait signer, lui et Emma déclarent ne savoir lire et écrire lors du passage du recenseur en avril 1901. Les enfants par contre ont tous appris, à l’exception de Bernadette qui s’y efforce sur les bancs d’école et de Marie Joséphine Antoinette qui est trop jeune encore.

Germain ne conduira pas sa charrette aux alentours de la basilique mineure de Sainte-Anne de Beaupré encore bien longtemps puisque la famille part s’établir à Montréal où il travaillera comme journalier-débardeur à plein temps. Ils y sont déjà en 1905 alors que Marie Denise dite Marie Louise Hervez épouse, le 3 juillet, Adjutor Gagnon, un fils de l’île d’Orléans dont les parents ont aussi émigré à Montréal[26]. La cérémonie se déroule dans la paroisse Notre-Dame de Montréal où Germain travaille.

Germain avait connu la métropole, ou à tout le moins le bord de l’eau au cours des étés où il était venu y travailler. Il y avait sans doute vu les bons et mauvais côtés de la grande ville et aura jugé qu’il valait mieux donner une chance à sa progéniture de dégotter un boulot plus rémunérateur que celui de conduire une charrette à Sainte-Anne de Beaupré. L’avenir nous révélera que Germain et Emma n’étaient venus que déposer leurs enfants à Montréal. Pour eux, les liens affectifs avec leur coin de pays étaient trop grands pour les couper ainsi.

L’année suivante, le 4 septembre 1906, leur fils Évariste épouse une Harvey. Même bien loin de l’Isle-aux-Coudres, il faut encore demander une dispense pour consanguinité en ligne collatérale, car Marie Léda de son prénom, âgé de vingt-six ans, est la fille de Thomas Harvay (1857-1918) et d’Emélie Côté (1860-1936) de Saint-Siméon. Pour la petite histoire, Thomas est le fils de Benjamin Hervai (1825-1902) et Thimothé Hervé (1790-1867) est son grand-père, l’un des frères de Joseph (1782-1867), le grand-père de Germain. Léda, bien que native de Saint-Fidèle où ses parents ont aussi habité, est résidente de Montréal, car sa famille s’était établie à Verdun quelques années avant de retourner dans leur coin de pays alors que Léda était restée[27]. Germain et Emma quant à eux, demeurent toujours la paroisse Notre-Dame de Montréal au moment du mariage[28].

Avec les plus vieux, maintenant mariés, ils ne sont plus que cinq à habiter le logement de l’avenue Percheron dans le quartier du Mile-End[29] lorsque Jule Sifroid George, alors qu’il a vingt-quatre ans, décide de se marier le 22 février 1909[30]. Comme sa sœur l’avait fait, Jule Sifroid a maintenant pris le prénom de George, celui de son frère décédé en 1889. Il épouse Rosanna Saint-Onge, une veuve âgée de vingt-huit ans qui a perdu son mari il y a deux ans le jour de Noël en lui laissant deux orphelins[31]. Comme la jeune veuve demeure tout à côté du parc Lafontaine, la cérémonie du mariage se déroule donc en l’église Saint-Grégoire-le-Thaumaturge[32].

Deux ans plus tard, le 9 janvier 1911, c’est au tour de Bernadette de s’unir à François Uldéric Racine. Bernadette devait avoir connu François du temps de leur adolescence à Sainte-Anne de Beaupré où avait vécu ce mécanicien, qui habite maintenant Montréal. Germain consent au mariage de la mariée qui n’a que dix-huit ans. Les parents de François, qui habitent toujours Sainte-Anne, sont venus à Montréal pour le mariage. Après avoir signé le registre et célébré, Germain ramène sa fille et son gendre dans la même maison de rapport où il habite, car le couple y a trouvé un logement[33].

Comme le font généralement les Harvey lorsqu’il débarque dans une grande ville, Québec ou Montréal, ils se regroupent. En 1911, l’immeuble à logement où habitent Germain, Emma et Joséphine, leur adolescente de quinze ans, est bondé de parents et d’accointances et les alentours le sont aussi. Alors que le couple demeure au numéro 1 de l’avenue Percheron, leur fille Bernadette demeure au numéro 5. Leur fils Jule Sifroid, maintenant dit George, demeure quant à lui au coin de la rue au numéro 28 de la rue Carmel. Un frère d’Emma est tout à côté et ce dernier loge un Pedneault natif de l’Isle-aux-Coudres, lequel travaille au port. Germain œuvre toujours comme homme de quai au Havre de Montréal[34].

C’est le 6 juin 1912 que la dernière de la famille délaisse le logement de Germain et Emma. Marie Joséphine n’a que quinze ans lorsqu’elle épouse Arthur Girard âgé de trente-trois ans en l’église Saint-Denis de Montréal, après avoir obtenu une dispense de deux bans. Encore une fois, Germain consent à donner une fille en bas âge en mariage. Arthur réside dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste voisine de celle de Joséphine.

Leurs enfants maintenant établis, Germain et Emma retournent finir leur vie à Sainte-Anne de Beaupré, probablement en 1913 ou 1914, car leur fille Bernadette, son époux François Racine et leurs enfants reviennent également à Sainte-Anne avec eux et elle y accouche de son troisième enfant en 1914[35]. Malgré son âge, Germain continue de travailler comme journalier jusqu’à la fin de ses jours.

Emma est emportée subitement le 11 novembre 1923 à l’âge de soixante et onze ans. Germain aura eu le temps d’aviser tous les enfants du décès de leur mère, car lors des funérailles, trois jours plus tard, en plus de Louis et Bernadette qui demeurent à Sainte-Anne, George Sifroid, Marie et Joséphine, tous de Montréal, sont descendus. Evariste n’a pu faire le voyage[36].

Seul depuis deux ans, après le Nouvel An 1925, Germain est malade et reçoit les derniers sacrements le 14 février puis il s’éteint ; il avait soixante-quinze ans. Cette fois-ci, tous ses enfants sont présents lors de sa sépulture deux jours plus tard[37].

[1] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 décembre 1849.

[2] B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, page 137. Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861.

[3] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 25 décembre 1868.

[4] COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », op., cit.

[5] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, page 1. Ce recensement a débuté officiellement le 2 avril 1871. À l’Isle, il était complété avant le 17 avril puisque Louis Didier Harvé y apparaît et il est décédé à cette date.

[6] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 28 juin 1874, 14 avril 1874, 12 avril 1876 et 16 janvier 1877.

[7] Ibid., 11 mai 1852. Baptême de Marie Delphine Tremblay.

[8] Ibid., 17 juillet 1877.

[9] Ibid., 8 novembre 1878.

[10] Ibid., 12 novembre 1880.

[11] B.A.C., G., Recensement de 1881. Le recensement de 1881 a débuté officiellement le 4 avril 1881.

[12] Ibid. 14 mars 1881 et 14 février 1882.

[13] Ibid., 28 décembre 1882.

[14] Ibid., 3 et 10 novembre 1889. Baptême et sépulture de Joseph Georges Harvey.

[15] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Montmorency, sous district de Sainte-Anne, pages 33 et 34.

[16] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 20 juin 1892 et ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011, op. cit.

[17] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré, 14 août 1892.

[18] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 16 janvier 1895.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Joachim, 29 août 1895. Baptême de Marie Joséphine Antoinette Harvey.

[20] L’église et la paroisse de Notre-Dame-du-Saint-Rosaire de Beaupré ne seront inaugurées qu’en 1927. Avant, les paroissiens du coin appartenaient à la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré. Comme cette église était située à plus de six kilomètres alors que celle de Saint-Joachim était à quatre kilomètres et demi, on fréquentait souvent la seconde.

[21] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré, 18 juillet 1899.

[22] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Montmorency, sous district de Sainte-Anne de Beaupré, page 12.

[23] Ibid., 7 juin 1900. Baptême de Marie Aurélie Hervez.

[24] On trouve souvent, dans les textes anciens le mot chartier au lieu de charretier. Par exemple, dans La Fontaine, Fables. VI, 18. On peut lire « Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux ». C’était l’une des deux façons d’écrire le métier jusqu’à la fin du XIXe.

[25] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Montmorency, sous district de Sainte-Anne de Beaupré, page 14. Il a débuté officiellement le 31 mars 1901.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 3 juillet 1905.

[27] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame des sept douleurs de Verdun, 16 août 1904. Au moment du mariage de sa fille Olivine en 1904, Thomas est résident de Verdun.

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Jacques-le-Mineur, 4 septembre 1906.

[29] L’avenue Percheron dans le Mile-End, autrefois nommé Ray Street, n’existe plus. Cette portion du quartier a depuis été rasée.

[30] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-le-Thaumaturge, 22 février 1909.

[31] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Antoine-de-Padoue, Saint-Antoine du Richelieu, 25 décembre 1907.

[32] BAnQ., Gazette officielle de 1910, page 2263. Le nom primitif de la paroisse Saint-Grégoire-le-Thaumaturge ne fut changé en celui de l’Immaculée-Conception que le 25 novembre 1910.

[33] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 9 janvier 1911.

[34] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Maisonneuve, Montréal, sous district de Saint-Denis, page 4.

[35] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré, 11 novembre 1914. Baptême de Marie Ange Bernadette Racine. Et, B.A.C., G., Recensement de 1921, district de Charlevoix-Montmorency, sous district du village de Sainte-Anne de Beaupré, page 9. Je n’ai pu trouver l’inscription de Germain et Emma au recensement de 1921.

[36] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré, 14 novembre 1923.

[37] Ibid., 16 février 1925.