4. David Louis Dominique

4.6.4 David Louis Dominique (1764-1837), 4e génération


Dans peu de temps naîtra un quatrième enfant de Sébastien Dominique Hervé (1736-1812) et Geneviève Savard (1736-1781).  De tous les enfants du couple, il est celui qui aura la vie la plus trépidante pour ne pas dire la plus intrigante.  Parmi cette population de cultivateur, David Louis Dominique sortira du lot par ses nombreux métiers et sa bougeotte chronique.  De plus, il sera, avec Joseph, le premier enfant que son père eu avec sa deuxième épouse, le trait d’union entre tous ces vingt enfants issues de deux mères.

Celui que l’on appellera David dans la vie de tous les jours naît quelque part entre novembre 1763 et avril 1766.  Le registre de Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres pour cette période a été largement endommagé par l’eau.  Seules subsistent quelques inscriptions lisibles.  C’est le curé Louis Chaumont de la Jannière de Baie-Saint-Paul qui, faute de curé à l’île à l’époque, était celui qui y faisait le plus souvent fonction curiale.  On a dit de lui : «quant à l’écriture de M. Chaumont, elle est fort difficile à déchiffrer et le papier dont il se servait pour les registres est fort mauvais.»[1]  L’inscription du baptême de David Louis Dominique s’est effacée sur ce vieux cahier du missionnaire.  Bien que David laissa une longue lignée de petits et petites Hervay (1), Hervé (8), Arvé (1) et Hervey (5), personne n’a pu à ce jour percer le mystère de la date de la naissance ou du baptême de David [2].  Seuls un document de tutelle de 1781 et la mémoire de son épouse de soixante-huit ans, lors du décès de David en 1837, nous permettent d’estimer sa naissance.  Le document de tutelle des «mineurs de Dominique Harvey, pilote, habitant de l’île-aux-Coudres, et de feue Geneviève Savard» daté du 18 septembre 1781 nous apprend son prénom complet, «David Louis Dominique».  Quant à son patronyme, on peut affirmer qu’il s’écrivait Hervé puisque tous les missionnaires desservant l’Isle de 1750 à 1770, dont Chaumont, l’écrivaient ainsi[3].  Sa naissance se situerait vers la fin de 1763 et plus probablement au début de 1764 puisqu’il aurait eu dix-sept ans en septembre 1781 selon le document de tutelle et soixante-quatorze ans à son décès le 6 juin 1837.

À l’Isle, l’enfance et l’adolescence d’un garçon n’étaient pas très variées.  David cultiva la terre de son père à compter de sept ou huit ans comme tous les garçons de son âge.  Son frère aîné est l’apprenti de son père comme pilote sur la mer et c’est probablement David Louis Dominique qui dirige les opérations de la ferme.  Il est aidé de Joseph Sébastien (1767-1834) qui est à la tâche également.

En revenant de ses voyages à Québec, Sébastien Dominique Hervé, le père de David toujours «Pilote actif du fleuve St Laurent depuis le Bic jusqu’à Québec» rapporte les nouvelles de la colonie.  En 1775, David âgé d’environ onze ans dut s’intéresser au fait que la guerre était à nouveau à nos portes.  La dernière n’avait réellement pris fin qu’en 1663 avec le départ de dizaines de navires bondés de français retournant à la mère patrie.  David ne l’avait pas vécu, mais ses parents et tous les habitants à l’île de plus de trente ans en parlaient assurément encore.  L’armée continentale américaine après des victoires faciles dans les forts Britanniques au sud de Montréal en mai, venait de prendre le fort Saint-Jean sur le Richelieu en novembre et s’avançait avec le but avoué de prendre la province britannique de Québec et de convaincre les Canadiens de se joindre à la révolution aux côtés des treize colonies américaines.  Les Américains réussissent même à former un régiment de volontaire parmi les Canadiens.  En peu de temps les armées britanniques stationnées à Montréal avaient été défaites et avaient battu en retraite vers Québec.  À chacun de ses retours de Québec, le père rapprochait un peu la guerre.  Puis les glaces figent le fleuve.  C’est au compte-gouttes qu’en janvier on apprendra la nouvelle de la défaite américaine du 31 décembre.  David continuera donc d’habiter la «Province of Quebec», colonie britannique ainsi nommée un an avant sa naissance.   

La Côte-du-Sud

C’est le 22 septembre 1782 que «Louis David Dominique Hervé», comme le nomme le notaire Louis Cazes (1727-1798), acquière de Charles Pelletier (1728-1801)[4] une première terre de deux arpents dans la seigneurie des Aulnaies sur la Côte-du-Sud qui constitue l’un des territoires les plus anciennement colonisés du Québec.  Ce notaire originaire de Cahors dans la province française de Guyenne, bien qu’il réside à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, avait été nommé notaire pour le Cap-Saint-Ignace jusqu’à Kamouraska en 1780[5].  De fait, comme David Louis Dominique est encore mineur c’est son père qui l’établit et qui procède à la transaction au nom de son fils[6]Sébastien Dominique le père a ses entrées à la seigneurie des Aulnaies; deux de ses sœurs y font leur vie et l’une d’entre elles est une parente par son mariage avec le vendeur.  

David quitte probablement l’Isle pour Saint-Roch-des-Aulnaies en même temps que son frère aîné François (1760-1843) en 1785.  Depuis que l’âge de la majorité a été abaissé de vingt-cinq à vingt et un ans en 1782, les garçons des insulaires pour qui aucune terre n’est promise abandonnent le nid familial plus rapidement afin de s’établir.  C’est le cas de plusieurs parents et amis d’enfance qui quittent l’île également pour la Côte-du-Sud à la même époque que les trois frères Hervé, entre autres : les cousins André Couturier dit Sanschagrin (1767-1843), fils de la tante Catherine Savard (1731-1792), Jean Baptiste Joseph David Gagnon (1751-1839), fils de la tante Marguerite Rosalie Hervé (1728-1818), sa sœur Marie Charlotte (1760-1852) mariée à un autre cousin, Jean Baptiste Demeules (1759-1829), le fils de Charles (1724-1759), ce héros de la conquête pendu à la vergue d’un navire par l’anglais, marié à la tante Scholastique Savard (1723-1755)

En 1785, David est majeur depuis peu et on le sait déjà à Saint-Roch-des-Aulnaies en juillet 1786, puisqu’il procède à la vente de la moitié de son bien, cette terre acquise quatre ans plus tôt.  Il n’a pas encore cultivé ce lot puisque le notaire inscrit «un arpent de bois» au contrat de vente.  Tout comme en 1782, cette transaction se fait par le biais de la famille élargie.  L’acheteur Charles François Lizotte (1763-1841) est relié par sa mère à Marie Anne Hervé (1723-1809), la tante de David [7]

En décembre 1786, David est choisi comme parrain de Marie Félicité Hervé (1786-1823), le premier enfant de son frère François né à Saint-Roch-des-Aulnaies[8]

Comme David n’a toujours qu’une terre à bois d’un arpent à Saint-Roch-des-Aulnaies, on peut présumer qu’il y travaille comme journalier, peut-être sur la terre de son frère pour l’aider à s’y installer.  Quoi qu’il en soit, il ne passe pas ses temps libres à Saint-Roch-des-Aulnaies puisqu’il fréquente une jeune fille de la Grande-Anse.  Native de Sainte-Anne-de-la-Pocatière Marie Louise LeBreton dite Lalancette (1769-1865) est la fille du chirurgien de la place et d’Angélique Françoise Bouchard (1736-1822).  Son père Pierre-Henri LeBreton (1713-1796) s’est amené au pays vers 1732 comme soldat et aide-chirurgien de la compagnie d’Amariton des troupes de la Marine où il y a pris les noms dits de Dubois et de Lalancette.  Après son service militaire, il est devenu chirurgien d’où le nom dit de Lalancette[9]

Marie Louise est née le 8 octobre 1769[10], elle a donc dix-huit ans lorsqu’elle dit oui à David le 31 mars 1788 dans la troisième chapelle de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, construite en 1767«David Hervay, qui demeure à Saint-Roch-des-Aulnaies depuis quelque temps, s’unit donc à Marie Louise Dubois dite LeBreton (1769-1865)», l’aînée du deuxième lit de son père.  David qui a environ six ans de plus que Marie Louise a comme témoin son frère aîné François, car l’ancêtre Sébastien Dominique, qui d’ordinaire ne rate pas une célébration, n’est probablement pas en mesure de traverser sur la Côte-du-Sud en raison des glaces qui bloquent encore la navigation[11]

Une fois mariés, David et sa nouvelle épouse s’installent initialement à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, probablement chez les parents de Marie Louise comme cela était coutume à l’époque, quand les enfants n’avaient pas encore leur propre lopin de terre.  Son épouse y accouchera de leur premier enfant en janvier 1789.  De leurs quatorze enfants, un seul naîtra à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  David et Marie Louise ne perdront pas de temps; le 16 janvier 1789 naît leur premier enfant, un fils.  Nommé «Dominique Hervay», il sera baptisé le lendemain et portera l’un des prénoms du père, comme du grand-père.  Son parrain est «Pierre Denis dit Kimper», un futur parent.  La marraine Angélique Bouchard est la grand-mère de l’enfant[12].  Pierre Denis dit Quimper (1740-1819) deviendra sous peu le beau-père de Joseph Sébastien, le jeune frère de David, qui a probablement rejoint le clan des Hervé installé sur la Côte-du-Sud à sa majorité l’été précédent.  

Dominique Hervay

Dominique Hervay épousera Quirille Pulcherie Duchesne (1786-1872) le 5 novembre 1811 à Murray Bay.  Le couple aura huit enfants.  Dominique n’aura que trente-cinq ans lors qu’il décède le 13 septembre 1824. (Voir l’histoire complète de cet ancêtre à la section 5.6.04.01 Dominique Hervay (1789-1824), 5e génération).

Deux mois plus tard, en mars 1789, avec un enfant à nourrir et une famille à établir, David semble à la recherche de capital.  En mars, il vend à un certain Jean Ouellet la partie qui lui restait de sa terre en bois debout acquise en 1782[13].  Cette vente n’est pas faite sans intention, car l’été venu il acquiert la terre en culture, la maison et les bâtiments de François Caron (1759-1790) veuf de Madeleine Cazes (1767-1787), la sœur du notaire qui enregistre la transaction[14].  Le veuf part s’installer à Sainte-Anne-de-la-Pocatière avec sa nouvelle épouse; il ne se remettra pas de tous ces bouleversements, car il décédera tôt au printemps suivant[15].  

Bien que l’on n’en ait aucune preuve, le journalier David, en quittant Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies, s’était peut-être ainsi rapproché de son frère aîné François, le pilote qui se cherchait sans doute un équipage à cette époque.  En effet, les autorités britanniques avaient statué en 1788 que les pilotes iraient deux par deux, accompagnés d’un apprenti ou plus, lesquels ne devaient pas avoir moins de quatorze ans.  À partir de ce moment-là, il ne fut plus permis à personne de piloter sans subir un examen et obtenir un certificat de compétence, ce que François possédait.  David qui, comme ses autres frères, avait pris la mer plus d’une fois avec son père comme apprenti aurait pu ainsi trouver un revenu pour faire vivre sa famille en s’alliant à la «compagnie de deux pilotes», de son frère toujours comme apprenti[16]

C’est aussi en 1788 que l’on construit le deuxième moulin de la Rivière Ferrée à la seigneurie des Aulnaies.  Le cinquième seigneur, Antoine Juchereau Duchesnay II, veut remplacer le vieux moulin.  Il engage pour se faire le charpentier John Simpson qui devait livrer pour l’année suivante un nouveau bâtiment à trois étages, de trente-six pieds sur cinquante, en pierre, avec un toit en bardeau de cèdre et qui contiendrait deux moulanges[16a].  Simpson a recours à de nombreux journaliers de la région pour l’épauler.  Or on sait qu’André Couturier (1767-1843) construira des moulins dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray dans quelques années.  Son fils André (1796-1855) fera également de même plus tard, aider en autres de Pierre Lumina, un fils à venir de David.  Comme on l’a vu, André Couturier et David ont grandi ensemble à l’Isle aux Coudres où l’on ne construisait pas de moulin pendant leur adolescence.  Où donc ailleurs qu’à la seigneurie de la Grande-Anse de la Côte-du-Sud auraient-ils pu apprendre ce métier spécialisé.  Il ne faut donc pas exclure comme hypothèse que David, journalier, ait pu travailler sur ce chantier[17].

Parlant des Couturier, en octobre 1790, de nombreux insulaires parmi les parents traversèrent à Sainte-Anne du Sud pour le mariage du cousin André Couturier dit Sanschagrin à Marie Geneviève Ouellet[18].  Il ne fait nul doute que David et ses deux frères sont à la cérémonie puisque les vies de ces quatre parents ont été et seront toujours entrelacés. 

David, son épouse et Dominique leur seul enfant, ne vécurent donc que très peu de temps à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Maintenant établis à Saint-Roch-des-Aulnaies depuis probablement la fin de l’été 1789, ils y sont certainement déjà lorsque naît leur première fille en 1791.  «Marie Victoire Hervé» vient au monde le 9 février.  Elle est baptisée le jour même dans l’église de Saint-Roch et a pour parrain son oncle François Hervé et pour marraine sa tante «Marie Victoire Lalancette».  La mère Marie Louise LeBreton dite Lalancette a laissé son patronyme de LeBreton à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, puisqu’à Saint-Roch-des-Aulnaies elle porte maintenant uniquement celui de Lalancette[19]Marie Victoire ne vivra qu’un peu moins de trois mois.  Elle décède le 24 avril 1791 et est inhumée le lendemain dans le cimetière de la paroisse où elle est née[20].

À Sainte-Anne-de-la-Pocatière en juillet 1791, David Louis Dominique assiste avec son père Sébastien Dominique qui a fait la traversée et avec son frère aîné François au mariage de son jeune frère Joseph Sébastien, lequel épouse une fille de l’endroit[21].  Comme tout est une question d’entraide avec ces trois frères, pour lui permettre de s’établir, David cède au nouveau marié une portion de sa terre devant notaire trois mois plus tard[22].  La fratrie avait dû passer une partie de l’été à construire le toit du nouveau couple.  Il ne fait nul doute que le père Sébastien Dominique devait être traversé à Saint-Roch pour mettre son grain de sel et l’épaule à la roue avec Dominique Isaïe (1775-1851), son plus jeune, toujours à l’Isle.


David Louis Dominique et Marie Louise auront sept enfants à Saint-Roch-des-Aulnaies où ils vivront une douzaine d’années.  Ils n’y seront pas seuls, car ils sont entourés de François et Joseph Sébastien les frères de David, d’un frère et d’une sœur de Marie Louise et de plusieurs natifs de l’Isle aux Coudres venus faire leur vie sur la Côte-du-Sud.  Est-il besoin de rappeler que Marie Anne (1723-1809) et Rose Hervé (1730-1816), les tantes de David, y demeurent aussi, et cela, depuis près de quarante ans.

Le couple ne perd pas de temps, le 12 mai 1792 naît une autre fille.  «Marie Louise Hervé» est baptisée le même jour.  Elle a pour parrain «Michel Lagacé», un petit-fils d’une des premières familles de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, les Mignier dit Lagacé.  Sa tante «Geneviève Lalancette» est sa marraine[23].

Marie Louise Hervé

Marie Louise Hervé épousera Félix Brassard (1791-1841) en 1815.  Ils auront treize enfants dans la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie.  Marie Louise décédera dans sa paroisse d’adoption le 27 décembre 1846, cinq ans après la noyade de son époux. (Voir l’histoire complète de cette ancêtre à la section 5.6.04.03 Marie Louise Hervé (1792-1846), 5e génération).

Comme dans toute famille, chez les Hervé de Saint-Roch, on s’échange la politesse de parrainage des enfants.  Ainsi, en 1793, alors que la belle-sœur Félicité Perpétue Bouchard (1758-1843), l’épouse du frère François, met au monde sa quatrième fille, «Marie Louise Lalancette» est choisie pour marraine alors que son beau-frère Joseph «Sébastien Hervé» est le parrain[24].

Le 24 février 1794, David assiste comme témoin au mariage «d’André Couturier dit Sanschagrin, son cousin, veuf depuis cinq mois de Geneviève Ouellet».  Ce dernier épouse en secondes noces «Charlotte Lebret dit St-Amand (1764-1842) »De fait, «François, Sebastien et David Hervay cousins germain du marié» y sont tous les trois[25].

C’est dans ce même mois de février 1794 que le père de David acquière, pour son frère cadet Dominique Isaïe, une terre dans la seigneurie de Mount Murray sur la Rive-Nord du fleuve à l’endroit de ce qui est aujourd’hui le village de Cap-à-l’Aigle.  Son frère est alors encore mineur, mais l’occasion était trop bonne pour le navigateur-pilote qui n’avait plus que ce cadet du premier lit pour qui il n’avait pas encore assuré l’avenir.  Cette nouvelle acquisition de Sébastien Dominique Hervé sera de première importance pour la vie de David dans quelques années [26].

Une vingtaine de jours plus tard, Marie Louise donne un deuxième fils à David.  Le 16 mars 1794 naît à Saint-Roch-des-Aulnaies celui qui allait devenir l’un des premiers colons qui ouvriraient le Saguenay à l’encontre des volontés des autorités anglaises.  Encore aujourd’hui, on le confond avec un fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830), un cousin de David chez l’oncle Pierre Hervé (1733-1799)[27] et l’on en fait erronément le centenaire de la Société des Vingt-et-un.  L’enfant sera au Saguenay avant celui pour lequel on le confond et il vivra longtemps, mais ne sera pas centenaire comme on le verra.  Le lendemain de sa naissance est baptisé «Joseph François Hervé»Joseph, comme il sera prénommé dans la vie courante, a pour parrain, «Joseph François Lizote (1770-1836), un cousin et pour marraine sa tante Félicité Perpétue Bouchard», l’épouse de François Hervé[28]

Joseph François Hervé

Joseph François Hervé prendra part à la guerre anglo-américaine qui débutera en 1812 et qui opposera les États-Unis à l’Empire britannique.  Il sera d’ailleurs le seul Hervé dans les zones de combats de ce conflit.  Il épousera Marie Marthe Desbiens en 1825 avec qui il aura sept enfants.  La famille sera parmi les premières à prendre le chemin du Saguenay dès son ouverture en 1838.  Joseph François ne sera pas centenaire, mais il aura tout près de quatre-vingt-dix-sept ans à son décès en 1790.  (Voir l’histoire complète de cet ancêtre à la section 5.6.04.04 Joseph François Hervé (1794-1890), 5e génération).

Le 24 septembre 1795, David, toujours à la recherche d’une meilleure situation, échange une partie de sa terre avec celle du célibataire «Joseph Debien» (1764-1812), un voisin et presque parent.  Le Debien en question, Joseph Louis Abraham, est le beau frère de Marie Anne Hervé (1762-1805), sœur de David, laquelle est mariée à Henri Joseph Louis Debien(1759-1812); il avait fait partie des insulaires qui étaient traversés s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies quelques années plus tôt, dans la même période que la fratrie des Hervé[29]Il se joindra également à David et à André Couturier quand ces derniers quitteront la Côte-du-Sud dans quelques années.

Marie Louise apporte du bonheur dans la maison tous les deux ans depuis son mariage à David Louis Dominique.  En 1796, elle ne fait pas défaut à cette régularité puisqu’elle met au monde un cinquième enfant.  Celui qui se nommera «Pierre Lumina Hervé» naît le 17 mars 1796.  Le curé Joseph Verreau de Saint-Roch Sud le baptise le même jour, deux ans jour pour jour après le baptême de son frère Joseph François[30].  L’enfant sera tout simplement prénommé Pierre tout au cours de sa vie.  Son parrain est Pierre Lambert Richard (1758-1822), un voisin, mais surtout un ami des frères Hervé et de leur cousin André Couturier depuis leurs arrivées à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Lambert Richard et sa femme Josephte Martin furent souvent appelés lors de baptêmes dans la famille; c’est lui qui avait été le parrain du dernier enfant d’André Couturier et de Marie Geneviève Ouellet en 1793.  André Couturier avait perdu sa première femme suite à la naissance de cet enfant[31].  La marraine est Marie Madeleine Ouellet (1757-1841)David avait été parrain du premier enfant de son frère aîné François en 1786 avec une Marie Madeleine Ouellet qui était la marraine, mais celle-ci n’est pas la même.  Mariée à Jean Marie Aubert (1754-1831), Marie Madeleine a comme beau-père Jean Régis Milliard (1762-1845), le demi-frère de son époux.  Ce dernier jouera un certain rôle dans l’établissement à Sainte-Anne-de-la-Pocatière du frère aîné de David; il deviendra également le beau-frère de l’un des fils de Dominique Isaïe, son frère cadet.  Comme on l’a vu précédemment, les Ouellet se retrouvent souvent dans l’entourage des trois frères Hervé à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Le curé Verreau à son registre mentionne que David est «laboureur», qualificatif dont il affuble tous ses paroissiens sans métier.  L’acquisition de sa terre a modifié son statut de journalier qu’il était auparavant et c’est du titre de laboureur que les registres le qualifieront dorénavant dans son village d’adoption de Saint-Roch Sud[32].

Pierre Lumina Hervé 

Pierre Lumina Hervé épousera Geneviève Fortin (1791-1826) en 1820 à Murray Bay.  Ils auront six enfants.  Deux ans après le décès mystérieux de son épouse, il convolera en secondes noces avec Modeste Couturier (1798-1868) en 1828.  Sept enfants naîtront de cette deuxièeme union.  Un peu après l’ouverture du Saguenay, la famille s’établira à Saint-Alphonse-de-Bagotville où Pierre Lumina décédera en 1858. (Voir l’histoire complète de cet ancêtre à la section 5.6.04.05 Pierre Lumina Hervé (1796-1858), 5e génération).

Marie Geneviève Hervey

Marie Geneviève Hervey épousera un Duchesne tout comme son frère aîné Dominique l’avait fait en 1811 quand il épousa Quirille Pulcherie Duchesne.  Le nouveau marié Joseph Duchesne (1797-1879) est le frère de Quirille Pulcherie et donc le fils de René Abraham Duchesne et de Félicité Véronique Desbiens.  La cérémonie a lieu le 28 août 1819 à Saint-Étienne de Murray Bay.  Bien que Geneviève et Joseph ne soient pas natifs du même endroit, ils devront obtenir une dispense pour leur mariage puisqu’un lien de parenté existe entre les amoureux.  L’arrière-grand-mère de Geneviève et l’arrière-grand-père de Joseph ont le même père, Louis Tremblay (1667-1747).  Le couple qui vivra à Saint-Étienne de Murray Bay pour la majeure partie de leur vie active aura huit enfants connus.  En 1852, Joseph, qui aura cinquante-quatre ans aidé de Geneviève qui en aura cinquante-quatre cultiveront toujours leur terre avec trois de leurs garçons et une de leurs filles.  Ils abriteront même un orphelin de six ans, Sifroid Desjardins, le fils d’une parente de Joseph, Eulalie Duchesne[34].  Puis quand leurs vieux os commenceront à se regimber au travail un peu avant 1860, ils se donneront à leur cadet Joseph qui les hébergera jusqu’à la fin de leurs jours[35].  En 1871, dans ce pays de francophone, le gouvernement du nouveau Canada trouva un bon énumérateur «canadian», M. Warren qui déclara Marie Geneviève de descendance «Écossaise» comme tous les Hervé, Hervey, Harvay et Harvey qu’il put trouver; même ceux qui savaient lire n’avaient pas le privilège de regarder par-dessus son épaule pour vérifier ses écrits, ils étaient tous déclarés de descendance «Écossaise»[36].  L’époux de Marie Geneviève s’éteindra à la fin des années 70 et cette dernière continuera de vivre dans sa maison devenue celle de son fils.  En 1881, Marie Geneviève aura certainement vieilli, lors du passage de l’énumérateur, elle déclarera être âgée de quatre-vingt-sept ans, alors qu’elle n’en aura alors que quatre-vingt-trois[37].    D’ailleurs, lorsqu’elle sera inhumée trois jours après son décès du 30 mai 1881 le curé inscrira dans le registre qu’elle était âgée de quatre-vingt-sept ans[38].

Les liens qui unissaient les trois frères Hervé de la Côte-du-Sud commencent à se défaire puisque l’été suivant François, le frère aîné de David, quitte Saint-Roch-des-Aulnaies pour s’établir à Sainte-Anne-de-la-Pocatière où il a acquis une terre importante. 

Les années passent et se ressemblent toutes, David Louis Dominique revient des chantiers d’hiver où il a bûché et Marie Louise tombe enceinte quelques semaines plus tard.  Des quatorze enfants qu’aura le couple, tous seront nés à la fin de l’hiver ou tôt au printemps.  Marie Louise n’a que trente ans lorsqu’elle accouche de son septième enfant.  « François», le quatrième fils de David, naît le 9 février 1800, probablement à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Comme David est encore parti dans les chantiers pour l’hiver, il est probable que Marie Louise ait passé les dernières semaines sous les soins de sa belle-sœur Félicité Perpétue Bouchard et de son beau-frère François Hervé à Sainte-Anne de la Grande Anse du Sud, où ces derniers demeurent depuis l’été précédent, puisque le lendemain on apporte l’enfant à la nouvelle église de Sainte-Anne-du-Sud pour le baptême.  L’abbé Antoine Foucher, qui est à la cure de Sainte-Anne depuis 1795, vient de terminer avec ses paroissiens la construction de la quatrième église du village.  À propos des parents le célébrant note au registre : «demeurant dans la paroisse St-Roch» et «le père absent».  On peut être assuré de la naissance de l’enfant à Sainte-Anne, car il est peu probable que si Marie Louise avait accouché à Saint-Roch, rien ne l’aurait poussé a confié son enfant au parrain et à la marraine pour lui faire trotter douze kilomètres en plein hiver pour un baptême dans le village voisin alors que le curé Verreau de Saint-Roch Sud était disponible. «François Arvé», comme on écrit notre patronyme à Sainte-Anne à l’époque, a justement pour marraine sa « coussine (sic) germaine Marie Arvé».  Il s’agit de Marie Félicité (1786-1823), l’aînée chez François, la filleule de David, la seule des six Marie de François a être en âge d’agir à ce titre.  Le parrain est un dénommé Pierre Ouellet qui habite également Sainte-Anne-du-Sud.  Les Pierre Ouellet sont légion à Sainte-Anne, mais les plus probables sont les fils du capitaine de milice Sébastien (1732-1813), les frères Pierre et Pierre Sébastien.  La famille du capitaine de milice et celle de François, le frère aîné de David, sont proches; un autre des fils Ouellet épousera l’une des filles de François[39].

François Arvé

François Arvé sera avant tout navigateur.  Il possédera plusieurs goélettes.  Lui qui sera déjà cultivateur à Saint-Étienne de Murray Bay au moment de son mariage, épousera Antoinette Audet dite Lapointe (1806-1892), fille de François et de Josephte Raymond le 28 octobre 1823.  Antoinette mineure n’a que dix-sept ans[40].  Le couple aura dix enfants entre 1825 et 1849.  Un premier fils décédera en bas âge et par la suite, huit filles verront le jour.  François attendra vingt-six ans avant de voir naître un fils qui assurera la postérité de son patronyme.  Il n’est donc pas surprenant que François se soit fait navigateur comme son grand-père et un peu son père.  Le couple vivra voisin du père pendant longtemps puis dans la «Concession Joyeuse» sur une toute petite terre de quatorze perches et huit pieds de front par quarante arpents de profondeur bornée au trait carré de la première concession et par derrière à la profondeur de la dite terre avec au sud-ouest son frère Pierre Lumina et au nord-est par Louis Denis, un autre de ses frères[41].  À l’automne 1837, François s’associera avec son frère Louis Denis à Ignace Murray (1794-1854), actionnaire principal de la Société des Pinières du Saguenay aussi appelée Société des Vingt-et-un pour entreprendre la coupe du bois dans les Postes du Roi[42]François qui est navigateur n’aura sûrement pas l’intention de partir s’établir au Saguenay, mais il y verra là une occasion d’affaires tout comme ses petits-cousins les marchands de Saint-Étienne, André (1804-1893) et Pierre Hervé (1807-1872), fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) et Marie Boulianne.  L’idée de ces investisseurs membres de la «Société des Vingt-et-un» sera de faire le commerce du bois d’œuvre et comme François vit principalement du transport de marchandises, l’ouverture du Saguenay sera prometteuse pour celui qui est navigateur et possédera deux goélettes[43].  En 1852, François sera toujours navigateur à Saint-Étienne de Murray Bay[44].  Sa fille Rose Lumina après s’être mariée en 1857[45] quittera Saint-Étienne pour s’installer dans le secteur de Saint-Siméon, une nouvelle paroisse qui se formera en 1869 en se détachant de celle de Saint-Fidèle-de-Mont-Murray qui n’a pas encore vu le jour.  François finira sa vie hébergée chez sa fille à Saint-Siméon[46]Il décédera dans ce secteur vers 1871[47], probablement emporté par l’onde puisqu’aucun registre n’a encore révélé le lieu de sa sépulture. 

Murray Bay

La direction que prendra la famille au retour de David des chantiers dans deux ans donne probablement une indication de la région où il a bûché tous ces hivers.  Avant l’ouverture du Saguenay en 1838, les forêts de la Rivière-Malbaie sont le plus important secteur d’exploitation forestière à l’est de Québec; de l’embouchure de la rivière au fleuve jusqu’à la chute, tout est déjà largement déboisé.  Au-delà des Hautes-Gorges, l’exploitation forestière bat son plein.  C’est là que sont établis les camps de bûcherons où les censitaires de Charlevoix et de la Côte-du-Sud, leurs fils surtout, de même que les sans-terre de ces régions, viennent travailler l’hiver dans des conditions souvent pénibles.  Les gages sont maigres et l’exploitation forestière est si éloignée, à plus de soixante-cinq miles[48], que les hivers sont passés dans les campes, sauf pour les heureux qui demeurent dans le secteur de la Malle Baye; ces derniers, si l’hiver est clément, passeront les fêtes du Nouvel An dans leur chaumière puisqu’ils se sont installés dans les premiers camps sur la rivière plus près de la Malle Baye.  À l’époque où l’on présume que David est dans les bois, on commence à peine à faire la drave sur cette rivière rapide qui permet de faire descendre très facilement le bois sur de longs tronçons[49].

David discute sans doute depuis quelque temps avec ses cousins établis dans la région de la possibilité d’exploiter la forêt à leurs comptes; certains des fils de l’oncle Pierre Hervé (1733-1799) deviendront des entrepreneurs forestiers prospères.  

C’est ainsi qu’à l’automne 1801, «David Harvé obtient une concession dans la seigneurie de la Murray baye».  En effet, le 6 octobre, le seigneur John Nairne (1731-1802) l’autorise à travailler sur une terre dans la « Concession de  Terre Bonne».  Celle-ci fait trois arpents de front et est bordée dans sa devanture par «la cime des caps de la mer tout en longeant le côté ouest du Gros ruisseau sur plus de soixante arpents jusqu’à la ligne de ce qui deviendra la deuxième concession de Terre Bonne».  

En 1801, Nairne a déjà concédé toutes les terres disponibles de la rivière Mailloux et presque toutes celles qui ont un intérêt pour la culture à la pointe au Pic.  Il a largement occupé le sud-ouest de la rivière Murray[50], commençant tranquillement à entamer la montée vers le lac Sainte-Agnès.  Nairne ouvre maintenant la concession Terre Bonne en accordant la première terre de trois arpents à David.  Il continuera l’attribution de terres dans cette concession et vers la fin de l’an prochain il aura déjà accordé vingt-cinq arpents de front entre le Gros ruisseau et la rivière qui ne portait pas encore le nom de rivière Saint-Irénée (aujourd’hui rivière Jean-Noël)[51]

L’acte de concession pour cette nouvelle terre faisant face au fleuve est fait sous seing privé en présence du seigneur Nairne et de deux témoins importants, Malcom Fraser (1733-1815), le seigneur de Mount Murray et le major de milice Antoine Riverin (1745-1823)[52].  Dans plus de quarante ans, lors de la création de la paroisse de Saint-Irénée, ce sera justement cette terre que David vient d’acquérir au bord du gros ruisseau qui sera la limite est de cette nouvelle paroisse[53].  Les deux seigneurs écossais avaient une façon bien particulière de concéder leur terre.  À l’occasion, ils donnaient immédiatement un contrat de concession formel et dans d’autres cas ils pouvaient donner simplement une permission de travailler sur une terre le temps de voir si le censitaire remplirait ses obligations.  C’est cette dernière façon que prit Nairne dans le cas de David.  Peut-être ne le connaissait-il pas suffisamment étant donné que ce dernier était de la Côte-du-Sud et simplement de passage comme bûcheron durant les hivers.  Quoi qu’il en soit, bien qu’habituellement Nairne exige que la rente seigneuriale soit payée le 1er octobre de l’année suivante, ce jour-là dans le cas de David, il ne demande cette rente qu’après une durée de deux ans, soit le 1er octobre 1803.  David bûchera donc dorénavant pour lui-même et sa famille, car il semble bien que ce soit à cet usage uniquement qu’il réserve cette terre pour les premières années.  Bien que située sur un cap, la terre acquise est adjacente à une coulée; il pourra donc déplacer facilement son bois vers la côte et le charger sur une goélette en échouage pour le transporter au moulin le plus près[54].   

David et sa femme Marie Louise ne vivront pas encore bien longtemps à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Ils sont sur le point d’aller se faire une vie ailleurs, mais avant le grand départ, un enfant est à naître puisque Marie Louise est encore enceinte en cet hiver 1801-1802.  «André Hervé» vient au monde le 22 février.  Il est baptisé le lendemain et a pour parrain son oncle «André le Breton dit la lancette (1771-1847) et pour marraine Marie Louise Lisot (1780-1813) cousine issue de germain à l’enfant»[55].  La mère de l’enfant est encore seule pour cet accouchement, car David est à bûcher dans le bois à Murray Bay pour l’hiver.  Cette fois cependant c’est chez lui, dans la concession Terre Bonne.

Marie Louise vivra seule son deuxième deuil d’un enfant; «père absent» précise le curé comme à l’habitude pour David le bûcheron.  Tout comme Marie Victoire en 1791[56], André décédera peu de temps après sa naissance et sera inhumé avant le retour de David au printemps.  En effet, l’enfant, qui n’a vécu que quatre jours, s’éteint le vendredi 26 février 1802, jour de la naissance de Victor Hugo en France[57].

Mount Murray

Le dernier accouchement de Marie Louise devait avoir été difficile, car au retour de David au printemps, le couple ne zigonnera[58] pas très longtemps.  C’en est assez de la Côte-du-Sud pour la famille et David ne sera plus jamais absent lors de la naissance de l’un de ses enfants.  David, Marie Louise et leurs six enfants vivants partent s’établir sur la rive nord du grand fleuve, dans la seigneurie de Mount Murray.   David laisse donc ses frères François et Joseph Sébastien derrière lui.  On ne sait pas pourquoi David choisit de s’établir dans la seigneurie de Mount Murray plutôt que sur sa censive de la «Concession Terre Bonne» à Murray Bay.  On peut présumer que ses efforts sur sa terre ont été dirigés vers l’exploitation forestière puisqu’il doit nourrir une famille déjà fort nombreuse.  De plus, il est possible que Marie Louise, après les expériences vécues, ait voulu à tout le moins être entourée de parents plutôt que de se retrouver dans une nouvelle concession fort peu habitée, elle qui devait quitter sa Rive-Sud natale.  On sait que Dominique Isaïe est établi avec son épouse dans la «Concession du Cap à l’Aigle» depuis 1797.  L’avenir nous apprendra que c’est probablement ce dernier qui accueille son frère et sa famille chez lui à l’été 1802, le temps que David se construise.

David ne part pas seul.  Son cousin et ami d’enfance André Couturier dit Sanschagrin (1767-1843), le fils de sa tante Catherine Savard (1731-1792), part lui aussi avec sa deuxième épouse et leurs quatre enfants[59].  Arrivés ensemble et célibataires à Saint-Roch-des-Aulnaies il y a plus de quinze ans, ils repartent maintenant mariés pour améliorer le quotidien de leur famille respective dans la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie[60].  L’aïeul, André Couturier dit Sanschagrin (1736-1816), ce forgeron d’origine française arrivé à l’Isle aux Coudres tout juste avant la conquête[61], vit dans la seigneurie de Mount Murray depuis un certain temps.  Bien qu’il ne se soit établi à Mount Murray qu’après son second mariage en 1793, il s’était porté acquéreur d’une terre dans cette seigneurie dès que le seigneur Malcom Fraser commença à accorder des concessions en 1784[62]À Mount Murray, l’oncle Couturier construit des ouvrages depuis ce temps, des moulins entre autres.  Il semble avoir vécu à diverses périodes à cet endroit le temps des projets de construction pour lesquels il était engagé.  À l’été 1787 par exemple, il y est parrain d’un enfant du plus vieux de ses beaux-fils vivants à Murray Bay[62a].  Vieillissant, l’aïeul Couturier a probablement convaincu son cadet et son neveu de venir le rejoindre pour l’épauler.

David et Marie Louise auront sept enfants dans la seigneurie de Mount Murray, le dernier en 1817.  Ils seront tous baptisés à l’église de la paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie, la seule paroisse dont les registres sont ouverts et qui englobe les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray à cette époque. 

David n’y sera pas seul de sa famille puisqu’il rejoint son frère cadet et trois de ses sœurs déjà installées à la Malbaye depuis un certain temps : Marie Anne (1762-1805) depuis dix-sept ans, Félicité Sophie (1769-1846) depuis quatorze ans, Dominique Isaïe depuis quatre ans et Marie Geneviève (1781-1815), probablement depuis trois ans.  Il semble d’ailleurs que ce soit sur la terre de son frère cadet Dominique Isaïe que David s’établisse avec sa famille.    

La seigneurie où la famille s’installe fait deux cent trente-trois kilomètres carrés.  Profonde de trois lieues, elle s’étend le long de la rive nord du Saint-Laurent sur cinq lieues[63], entre la Rivière-Malbaie et la rivière Noire à l’est.  Le développement de la seigneurie où s’établissent David et sa famille n’a réellement débuté que depuis une vingtaine d’années, puisque son seigneur avait négligé les lieux depuis leurs acquisitions, peu après la Conquête jusque vers 1784.  Le hameau de la Malle Baye s’étant développé beaucoup plus rapidement sur le territoire de la seigneurie de Murray Bay appartenant à John Nairne depuis la même période, tout juste en face du côté sud-ouest de la rivière; ce sera là que les colons de Mount Murray, dont le seigneur est Malcom Fraser, iront combler beaucoup de leurs besoins, par exemple les services religieux.  C’est le lieu où la chapelle a été bâtie et où réside un curé depuis environ cinq ans.  Du point de vue des censitaires, outre le fait de payer leur cens à un seigneur différent, il n’y aura pas de division territoriale séparant les deux seigneuries.  Il y a bien la Rivière-Malbaie séparant les seigneuries, mais on la traverse aisément tous les jours et elle est «bien plus une route de pénétration vers les bonnes terres de la vallée qu’une frontière»[64].

Néanmoins, à l’arrivée de David dans la seigneurie, deux rangs sont déjà ouverts : celui du nord-est de la rivière Malbaie et le rang du Cap-à-l’Aigle.  Dans le premier, toutes les rives de la Rivière-Malbaie sont occupées jusqu’après la Chute de la Rivière-Malbaie (le village de Clermont d’aujourd’hui), soit environ un peu plus de six kilomètres.  Dans le rang du Cap-à-l’Aigle, celui de Dominique Isaïe et de David, le territoire est occupé à partir des limites du domaine seigneurial sur environ trois kilomètres et demi longeant le fleuve[65].  En 1802, déjà soixante et un arpents de front ont été concédés dans la «Concession du Cap à l’Aigle».  Considérant que les terres sont en moyenne de trois arpents de fronts, il n’y a donc qu’une vingtaine de censitaires essaimés le long du fleuve à son arrivée[66].

On peut penser que le couple est déjà installé dans cette seigneurie de Mount Murray à l’été 1802 puisque «Marie Louise Lebreton, la femme de David Hervé», y est marraine d’un enfant de son beau-frère Dominique Isaïe Hervé le vingt et un juillet[67].  On ne traverse pas le fleuve pour un baptême un mercredi de juillet au beau milieu de la semaine alors que l’on est au temps des foins, il faut donc présumer que David et sa famille demeurent déjà à Mount Murray. 

À la mi-novembre, David et «Dominique  Isaïe », son frère cadet, assistent au mariage de mon ancêtre, leur demi-frère Joseph Hervé (1782-1867) à l’Isle aux Coudres.  Leur métier étant moins demandant, tard en automne, alors que la glace n’a pas encore figé le grand fleuve, ils profitent de cette célébration pour faire un saut à l’Isle et y voir le père[68]

David, sous-voyer

Contrairement à Saint-Roch-des-Aulnaies où la population était constituée principalement de Canadiens, plusieurs écossais et anglais vivent à, Murray Bay surtout, mais aussi à Mount Murray.  David devra travailler dur dans son nouveau coin de pays pour y faire sa place, car les deux seigneurs écossais accordent contrats et faveurs d’abord aux gens d’origine écossaise, y compris les conjoints et les enfants.  En second lieu, ils favorisent les Anglais et les quelques Irlandais; viennent ensuite les Canadiens.  À quelques exceptions près, ce sont donc les McLeod, McLean, Davies, Ennis, Stuart, Hewett, Warren et autres qui se voient confier l’ouvrage, avant les Audet dit Lapointe, Savard, Tremblay ou Villeneuve.

Qu’à cela ne tienne! En 1803, le bureau du grand voyer du district de Québec nomme pour deux ans «David Harvé sous-voyer» des chemins et ponts pour Saint-Étienne de la Malbaie, tout comme son cousin Louis (1762-1842), le fils de l’oncle Pierre Hervé et le major de milice Antoine Riverin, lequel sera inspecteur.  On se souviendra que ce dernier, homme de confiance des seigneurs, avait été témoin lors de la signature de l’acte pour la terre de David dans la «Concession Terre Bonne»[69].  

Comment David a-t-il pu être choisi pour un tel travail devant la centaine de sans-terre de l’endroit, luiqui demeurait sur la Côte-du-Sud depuis dix-sept ans ? Il faut assurément que ce dernier ait passé déjà beaucoup de temps dans la région pour établir le réseautage nécessaire, car d’après la loi, les sous-voyers des paroisses sont élus pour deux ans par les censitaires.  Ses hivers dans les forêts avoisinantes ont pu contribuer à le faire connaître.  Il y a de grandes chances que David ait eu le caractère et le leadership de son père qui fut nombre de fois, au moins cinq connus, élu capitaine de milice à l’Isle aux Coudres.  Peut-être s’était-il lié d’amitié avec quelques notables influents qui fréquentaient la taverne opérée par Georges Ignace Ziliac dit Lessard (1762-1822), l’époux de sa cousine Catherine Couturier (1774-1822)[70] Quoi qu’il en soit, les deux seigneurs écossais n’ont rien eu à dire dans ces nominations. 

Ils seront seulement quatre sous-voyers pour couvrir toute l’étendue des deux seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray.  La tâche est énorme dans la seigneurie de Mount Murray en particulier, car maintenant que son peuplement va bon train depuis 1784, il faut remplacer les sentiers par des routes pour permettre aux censitaires de se rendre là où, ce qui prenait la forme d’un village à Murray Bay, on retrouvait la chapelle et quelques commerçants. 

David obtient sa nomination bien après la période trouble de 1794 alors que les colons s’étaient révoltés contre l’imposition de grands travaux.  Ils avaient refusé d’entretenir leur part de chemin et de faire des journées de corvée, même si leur contrat de concession les y obligeait.  Plusieurs grands chantiers décidés dans les années précédentes n’ont pas été complétés.  C’est le cas de la route de la rivière Mailloux et celle du ruisseau des Frênes dans la seigneurie de Murray Bay, alors que celui du chemin de la «Concession Terre Bonne» vient tout juste d’être entamé, là où David a une terre à bois[71].  Dans la seigneurie de Mount Murray, le chemin du Nord-est de la rivière n’est pas terminé sur toute sa longueur, surtout à partir du pied de la côte de la ferme de la Comporté au passage de la rivière, endroit crucial s’il en est un puisque s’y trouve l’unique moulin banal de toute la seigneurie.  La situation n’est guère mieux du côté de la pointe Fraser (pointe à Gaz).  Le plus gros des travaux que David devra diriger est celui du chantier du chemin le long du fleuve vers le Cap-à-l’Aigle; décidé en 1801, le chemin du roi devant ainsi longer le fleuve n’est toujours pas complété[72].

Une fois de plus, Marie Louise donne naissance à un enfant, son neuvième; cette fois-ci c’est un sixième garçon.  Celui que l’on connaîtra tantôt sous le prénom de Louis et plus souvent sous celui de Louis Denis voit le jour quelque part après le 7 décembre 1802 et avant le 6 septembre 1803.  La date exacte ne nous est pas parvenue, «les registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère»[73].  Considérant l’âge déclaré de Louis Denis Hervé à son décès, quatre-vingt-cinq ans le 5 septembre 1887, il est plus que probable qu’il soit né dans la seigneurie de Mount Murray où ses parents se sont installés en 1802[74].  Il n’apparaît pas aux registres de Sainte-Anne-du-Sud ni à ceux de Saint-Roch-des-Aulnaies.  Les détails de ce premier accouchement et premier baptême à la Malbaye nous sont donc inconnus.

Louis Denis Hervé

Avant que l’hiver 1826 ne prenne, Louis Denis Hervé épousera Geneviève Audet dit Lapointe (1810-1894) la sœur d’Antoinette sa belle-sœur mariée à son frère François depuis trois ans.  Les deux sœurs sont filles de François (1777-1858) de l’Isle aux Coudres[75].  On se marie jeune chez les Audet dits Lapointe; Geneviève viendra d’avoir seize ans, sa sœur en avait à peine dix-sept lors de son mariage.  Le couple aura quatorze enfants, sept garçons et sept filles qui naîtront tous à Saint-Étienne de Murray Bay.  Tout comme son frère François, il habitera la «Concession Terre Bonne» mais possédera également des terres à bois, dont l’une, dans la «Concession Joyeuse».  Louis Denis s’impliquera dans la Société des Vingt-et-un avec son frère François et Ignace Murray (1794-1854)[76].  Après quelques années, des déboires dans la production et la rupture inexpliquée de deux estacades leur feront perdre une bonne partie des coupes des hivers 1839 et 1840.  Les sociétaires se débarrasseront progressivement de leurs parts au profit de William Price qui, selon les historiens d’aujourd’hui, avait ourdi la manigance depuis le début.  Louis Denis, son frère François et l’associé Ignace Murray ne seront pas parmi les premiers à se départir de leurs intérêts dans la Société; sans doute avaient-ils encore espoir.  Les premiers, une dizaine de sociétaires renonceront à leurs droits en faveur de William Price en juin 1840, parmi eux, les petits-cousins, Jean (1808-1880), André et Joseph (1802-1852) Hervé[77].  Ce n’est que deux ans plus tard, le 25 juillet 1842, que Louis Denis, François et Ignace Murray, de même que le petit-cousin Pierre Hervé, se résoudront à vendre leurs parts en faveur de Price, mais l’acte signé ce jour-là prévoira qu’elle n’entrera en vigueur qu’à l’automne pour profiter de la saison de coupe jusqu’à ce que les moulins ne s’arrête pour l’hiver.  Bien que William Price prendra ainsi le contrôle de la foresterie du Saguenay et coupera l’herbe sous les pieds des sociétaires, ils n’y perdront tout de même pas au change, car de la part originale de quatre cents «piasse», ils en retireront l’équivalent de mille-trois cents.  Ils n’auront perdu que ce qu’ils auront investis pour maintenir les moulins à fleau.  Bien que l’acte passé devant notaire à l’été fera en sorte que Louis Denis et François se réserveront le droit de travailler aux pinières et aux chantiers du Saguenay, on ne sait pas si ces derniers se seront prévalus de cette clause[78].  Plus tard, bien après l’ouverture du Saguenay, mais un peu avant l’abolition du régime seigneurial, comme Louis Denis qui aura sept fils à établir et sept filles à marier, fera alors l’acquisition de lots dans ce qui deviendra en 1850 le canton Jonquière.  Louis Denis n’habitera jamais le Saguenay, il continuera à exploiter sa terre à Saint-Étienne de Murray Bay où il demeurera toute sa vie«Le 3 juillet 1848, il sera pris à partie au nom de la Société des défricheurs de la Rivière aux Sables (qui deviendra plus tard le village de Jonquière) sur l’acquisition du lot 7 du 13e rang du “township” de Chicoutimi.  Ce droit de propriété sera contesté par Onésime Hervai (1824-post.1871), le fils de son petit cousin Jean Thomas (1795-1832) à Louis chez Pierre, cultivateur et navigateur de la Rivière du Moulin qui soutiendra en être le propriétaire depuis cinq ans.  Onésime dira que la vente de ce lot par Éloi et François Gagné à Denis Harvey n’était pas légale puisqu’ils n’en détenaient pas les titres officiels de propriété»[79]. Louis Denis continuera d’investir pour l’avenir de sa progéniture, car il acquerra aussi deux autres lots dans le township de Jonquière, le lot dix-huit du cinquième rang en son nom et le lot vingt-deux du quatrième rang au nom de son fils Cyrille (1848-1925)Louis Denis sera élu maire de Saint-Étienne de Murray Bay dans les années 1850[80] et maintenant dans la cinquantaine n’aura sûrement jamais eu l’intention de quitter Saint-Étienne de Murray Bay pour s’établir au Saguenay, ces terres qu’il se sera réservées à son nom devait aussi être pour l’établissement de ses enfants.  C’est Louis Denis, alors maire de Murray Bay, qui en répondant à l’enquête de l’Assemblée législative du Canada-Uni de 1857 sur les motifs de l’échec de l’introduction des municipalités, un concept britannique, dira : «Nous sommes d’opinion que la loi municipale actuelle n’est pas en accord avec les mœurs et coutumes de notre peuple; elle ne fonctionne pas dans notre localité et le peuple, fatigué de tous ces changements qui l’obligent à étudier des lois qu’il ne peut comprendre et qui l’engagent dans des procès, demande l’ancienne loi de voirie.»  Louis Denis quatre-vingt-quatre ans, décède le 3 septembre 1887 et est inhumé deux jours plus tard dans le cimetière de Saint-Étienne de Murray Bay[81].  C’est son fils Georges qui prendra soin de Geneviève Audet dite Lapointe sa mère jusqu’à sa mort le 23 juin 1894[82].   

David Louis Dominique et Marie Louise ont un autre mystère à offrir.  En ce début de siècle, dans la seigneurie de Mount Murray, naîtra une jeune fille que l’on prénommera Elisabeth à son mariage.  On ne trouve cependant pas trace de sa naissance de ce dixième enfant du couple dans un registre.  Lors de son décès en juillet 1851, on dira qu’Elisabeth est morte à quarante-six ans et six mois.  Si cette information est vraie, elle serait née vers janvier 1805.  Or, on ne trouve aucune trace d’Elisabeth à cette époque dans quelques registres que ce soit.  On sait que le registre de Saint-Étienne de la Malbaie contenant les inscriptions notées entre le 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803 fut incendié avec le presbytère, mais entre cette dernière date et la naissance de sa sœur Angélique le 2 avril 1807, Elisabeth n’est pas inscrite dans les registres.  Aurait-elle pu voir le jour ailleurs qu’à La Malbaye? Son baptême n’est pas inscrit aux registres des paroisses Sainte-Anne de la Grande Anse du Sud, de Saint-Roch du Sud, de L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge des Éboulements ou de Saint-Louis-de-France de- l’Isle-aux-Coudres pour les années 1804 et 1805.  Comme on le verra pour son frère Joseph François, vraisemblablement mort à cent un ans alors qu’il n’en avait que quatre-vingt-seize, les erreurs d’estimation de l’âge au décès sont nombreuses lorsque le célébrant n’a pas accès au registre de naissance.  Elisabeth pourrait être une jumelle de Louis Denis, partageant avec lui le mystère de sa naissance.  Cette possibilité expliquerait que son registre de baptême n’ait pas été trouvé à ce jour.  Quoi qu’il en soit, ce mystère ne sera pas élucidé ici. 

Elisabeth Hervé

Elisabeth Hervé épousera Pierre Bilodeau le 11 janvier 1831 à Murray Bay.  Le couple aura huit enfants à Murray Bay.  Pierre sera navigateur et ne tardera pas à posséder une goélette qu’il nommera du nom de sa femme[83]Elisabeth Hervé n’aura pas cinquante ans lorsqu’elle décédera en 1851[84].


Comme on l’a vu, le presbytère-chapelle de Saint-Étienne avait brûlé le 21 octobre 1803.  Pour le remplacer, les paroissiens ont bâti à la va-vite une chapelle temporaire.  C’est en 1804 que le marguillier responsable Jean Brassard (1761-1834) entame les démarches pour obtenir la permission de construire une église en pierres.  La demande adressée à l’évêque de Québec comporte cent dix-sept noms, dont celui de David[85].  Peu de censitaires savent écrire, il n’y en a que neuf qui signent, dont son cousin Dominique Romain dit Joseph Hervé (1768-1830) et le cousin par alliance Ignace Lessard.  Une fois les autorisations obtenues, Jean Brassard prendra la direction des travaux de construction et la nouvelle église sera complétée avant la fin de l’été 1806[86].  

Trois ans après son arrivée dans la seigneurie de Mount Murray, une transaction du 23 décembre 1805 entre David et son frère cadet Dominique Isaïe, nous confirme qu’il s’est effectivement établi, malgré la pauvreté du sol, sur une portion de l’immense terre de son frère cadet qui lui en cède une partie[87].  Il faut dire que la pauvreté du sol pour un journalier qui vit essentiellement de la forêt n’a pas une grande importance.  C’est donc au Cap-à-l’Aigle que la famille avait trouvé son nid pour une terre située au nord-est de la pointe du Heu, au lieu dit de l’anse du cap à l’Aigle, près du gros cap, borné par devant au fleuve Saint-Laurent et par derrière au bout des trente arpents, courant nord-ouest et sud-est[88].

Lors de leurs passages chez le notaire François Sasseville (1760-1828), l’avant-veille de Noël 1805, les deux frères Hervé ne sont pas seuls.  Joseph Louis Abraham Debien celui-là même qui, en 1795, avait échangé sa terre avec celle de David, transige également avec Dominique Isaïe, de qui il acquiert également une partie de la terre[89].  Il faut sans doute présumer ici que Debien, le beau frère de Marie Anne, sœur de David, n’avait pas seulement quitté l’Isle aux Coudres pour la Côte-du-Sud vers 1785 avec trois frères Hervé et d’autres parents, mais qu’il a également suivi David et André Couturier dit Sanschagrin dans la seigneurie de Mount Murray.  À son arrivée dans cette seigneurie, les bonnes terres situées au nord-est de la Rivière-Malbaie ont largement été concédées et c’est le long du fleuve que se fait l’attribution des terres.

Ni Murray Bay ni Mount Murray n’auront de notaire avant 1813.  Il faut donc profiter de l’homme de loi quand il passe.  C’est ainsi que David se rend au manoir seigneurial de Murray Bay le 30 août 1806 pour déposer, devant le nouveau notaire Isidore Levesque (1782-1853), son billet de concession et faire enregistrer sa terre longeant le Gros ruisseau dans la seigneurie de Murray Bay[90].

David Louis Dominique a toujours gardé contact avec les enfants du deuxième lit de son père à l’Isle aux Coudres.  Il ne manque pas une occasion d’aller les revoir, eux et son père toujours vivant.  En novembre 1806, il assiste au mariage de Louis (1784-1863), le deuxième fils que son père eut avec sa deuxième épouse, Marie Magdeleine Dufour (1757-1832)[91]David étant parrain du marié, il prit donc la peine de traverser de la Malbaye dans le froid de l’automne.  Il faut dire que la route pour ce «sous-voyer» était une affaire qu’il connaissait.  Il n’est pas certain que sa femme Marie Louise ait fait le voyage, car cette dernière est enceinte à nouveau d’environ quatre mois.  La distance à couvrir n’est pas énorme, huit lieues environ[92], mais pour une femme enceinte, une route trempée par les pluies d’automne n’est pas toujours aisément carrossable, malgré les efforts des sous-voyers comme l’avait été David; dans sa condition, le fleuve n’est guère mieux en novembre s’il a plutôt choisi de prendre la mer. 

C’est le 2 avril 1807 que «Marie Breton», ainsi nommée par le nouveau curé qui n’a pris sa cure que depuis le 10 janvier, accouche de son onzième enfant. «Angélique Hervey» sera baptisée en présence de son père, une habitude qu’il prend bien vite depuis qu’il vit à Mount Murray.  « David Hervey est déclaré laboureur et habitant de cette paroisse de La Malbaye lors du baptême»[93].   Au registre, le curé François Gabriel Le Courtois (1763-1828)[94] indique que le parrain de l’enfant est «Jean Baptiste LeBreton dit Lalancette» (1779-1858) oncle de l’enfant.  Si David, comme on l’a vu, est bien entouré de membre de sa famille à la Malbaye, Marie Louise n’est pas en reste puisque ses deux frères et sa sœur tous issus du même lit qu’elle, le deuxième de son père ont migré à Saint-Étienne de la Malbaie à peu près à la même période qu’elle et David.   La marraine est «Marie Daler», probablement une cousine de David puisque du côté de sa mère, plusieurs de ses parents sont mariés à des membres de la famille Dallaire de l’Isle aux Coudres dont les enfants sont maintenant établis à la Malbaye.

Angélique Hervey

Angélique Hervey aura déjà trente-six ans lorsqu’elle épousera le veuf Pierre Leclerc (1806-1880) le 24 octobre 1843 à Saint-Étienne de Murray Bay.  Thimothé Hervé, demi-frère de feu son père lui servira de témoin.  Le couple partira tenter sa chance à Saint-Alexis de la Grande-Baie au Saguenay.  Ils y seront un peu plus de cinq ans et Angélique y accouchera de deux enfants.  Ils seront déjà de retour à Murray Bay en 1851 alors qu’Angélique accouchera d’un troisième et dernier enfant.  Peu de temps par la suite, le couple s’établira à la rivière-aux-Canards, près de la pointe aux Bouleaux à douze lieues de Murray Bay où résident une cinquantaine de personnes tout au plus vivant essentiellement de la forêt.  La famille y était toujours à l’automne 1869[95].  Au cours de la prochaine décennie, Angélique et Pierre quitte Charlevoix pour le faubourg Saint-Jean-Baptiste à Québec.  Pierre y décède en octobre 1880.  Malade, «Angélique Hervé» est hospitalisée à l’Hospice des sœurs de la Charité de Québec où elle décédera le 23 juillet 1891.  Elle sera inhumée le lendemain au cimetière Notre-Dame de Belmont par le gardien du cimetière et son fils en l’absence de quelconque parents[96].

David continue d’exploiter ses terres à bois dont le produit est destiné aux moulins de la région.  Il ne fait aucun doute qu’il n’était pas fermier, bien que c’est ainsi que les curés décrivent sa profession dans les registres ; il faut dire qu’outre les notables, ils utilisent ce qualificatif pour l’ensemble de la population, car la vocation agricole sera longtemps considérée comme plus noble à leurs yeux.  Un peu comme pour la pêche aux marsouins à l’Isle aux Coudres, l’exploitation forestière est une affaire de famille élargie.  David, avec le cousin André Couturier et leurs fils qui ont été élevés ensemble abattent la forêt rapidement et la production est facilement écoulée grâce au réseautage familial.  Rappelons-nous que l’aïeul Couturier construit des moulins dans les deux seigneuries depuis plus de vingt ans.  De plus, Jean Couturier dit Sanschagrin, l’aîné de la deuxième génération chez les Couturier, fils du migrant, devait être aussi une personne de confiance du seigneur, car il coupe du bois sur la terre de Malcom Fraser avec sa permission, au-dessus de la chute à l’hiver 1809-1810[97].

David le «laboureur» déclaré cultive donc très peu la terre de Mount Murray, car il travaille surtout dans les bois pendant que son épouse continue d’enfanter de façon régulière.  Marie Louise LeBreton dite Lalancette, devenue Louise Breton au nord du fleuve, donne naissance à une sixième fille le 17 mars 1809.  L’enfant est baptisé le lendemain et à pour nom «Sara Hervey».  Le parrain choisi est «Étienne Savard » (1773-1859), un cousin de David récemment migré de l’Isle aux Coudres à la Malbaye, avec sa femme et leur enfant.  « Quirille Pulcherie Duchesne», qui deviendra dans deux ans l’épouse de Dominique, l’aîné de David et de Marie Louise, agit comme marraine[98].

La vie continue pour David et Marie Louise et cette dernière, maintenant âgée de plus de quarante et un ans, donne naissance, le 23 juin 1811, à un treizième enfant, soit le septième garçon.  Le curé de la Malbaye devait être en mission, car sa dernière inscription au registre date du 17 juin et l’enfant prénommé «Abraham» ne sera baptisé qu’en juillet.  Joseph Brassard (1781-1848), le beau-frère de David puisqu’il est marié à Marie Geneviève Hervé (1781-1815), propriétaire de l’un des moulins à scie de la rivière Mailloux, est le parrain[99].  Comme marraine on choisira une petite cousine de David; il s’agit d’Émérentienne Savard (1778-1847) à François Louis (1733-1815) chez son oncle Pierre (1737-1809) qui vient de s’installer à la Malbaye avec son mari[100].

En novembre, l’aîné Dominique épouse Quirille Pulcherie Duchesne.  Quirille Pulcherie est enceinte lors du mariage; peut-être avait-on compris qu’une fois marier les hommes ne partirait pas à la guerre qui bouillonnent entre les Britanniques et les anciens sujets du roi au sud de la frontière.  Le mariage a lieu le 5 novembre 1811 à la chapelle Saint-Étienne.  Pulcherie est la fille de René Abraham Duchesne dit Samson (1760-1825) et de Félicité Véronique Desbiens (1769-1810) de l’Isle aux Coudres.  Félicité Véronique est la fille de Françoise Tremblay, la cousine de David [101].  Le fils de David s’unit donc à une famille établie à Mount Murray depuis longtemps.  En effet, le beau-père de Dominique était, en 1790, déjà bien installé sur une des premières terres concédées dans la seigneurie de Mount Murray «prenant sa devanture sur la rivière Mal Baye» ; il s’agissait de la seconde terre qui «coure au Nord Est» du moulin à scie, tout juste après la petite rivière longeant ce dernier[102].  Des huit enfants de René Abraham Duchesne et de Félicité Desbiens, quatre s’uniront aux Hervé; Dominique et Geneviève chez David de même que Madeleine (1797-1875) et Louis Dominique (1806-1890) chez son frère Dominique Isaïe.

La guerre de 1812

Selon les lois coloniales, David fait partie de la milice locale, comme tous les hommes ayant entre seize et cinquante ans, lesquels constituent la milice du Bas-Canada comptant à l’époque soixante mille hommes.  Néanmoins, bien que la milice soit mobilisée au printemps 1812 lui, tout comme ses frères d’ailleurs, ne sera pas appelé à aller combattre dans le conflit qui éclate entre Britanniques et Américains.  Comme l’exprime en octobre 1811 Malcom Fraser, le seigneur de Mount Murray, l’élite coloniale est inquiète puisque, selon ses dires, la majorité de la population du Bas-Canada est ingrate et ne reconnaît pas les bienfaits dont elle jouit sous le gouvernement britannique; le roi ne pourra donc compter que sur les troupes régulières dans cette guerre qui se dessine déjà[103].  

Qu’à cela ne tienne, dès le printemps suivant, on décide de lever une milice de deux mille hommes qui seront recrutés à même la milice sédentaire[104].  Cette milice sera composée d’hommes célibataires tirés au sort parmi ceux qui sont âgés de dix-huit à trente ans.  Six levées de miliciens seront ainsi faites avant la fin de la guerre.  Le premier tirage débute le 28 mai.  David est heureux pour les siens, son aîné est épargné en raison de son mariage l’automne précédent et Joseph François, son seul autre fils en âge d’être appelé est aussi épargné lors du premier tirage au sort.  Un total de trente-cinq hommes sont choisis et envoyés à la guerre au printemps 1812[105]

Le roi aura besoin de plus d’hommes de la région pour sa guerre contre les Américains.  Ils seront cent seize à être choisis lors d’un troisième tirage de conscription au début de 1813, mais d’ici là, la colère grondera parmi la population.  Des assemblées seront organisées contre la conscription.  Dès l’automne, Malcom Fraser, pour s’assurer du soutien des Canadiens de la région en qui il n’a guère confiance, demande aux miliciens de prêter allégeance au roi; plus du quart des miliciens visés, dont plus de la moitié célibataire et en âges d’être conscrits, s’abstiennent malgré les menaces à peine voilées de représailles.  Joseph François, le fils de David, s’est-il présenté pour signer son serment d’allégeance?   

Les liens de parenté sont nombreux entre les rebelles et les loyaux sujets.  Pour David et sa famille, ce devait être le déchirement.  Avec un fils en âge d’être conscrit, celui qui faisait rouler sa terre et sa production forestière depuis le départ de son aîné, David ne pouvait être insensible aux «prêches» des frères Brassard contre la conscription.  D’un côté, l’oncle André Couturier, âgés et très liés aux familles seigneuriales et Antoine Perron (1769-1822), fermier principal des Nairne, cousin et frère aîné de la femme de Dominique Isaïe Hervé, son frère cadet.  De l’autre, ceux que l’on nommait alors le parti des Brassard, les meneurs des assemblées révolutionnaires de Murray Bay, deux oncles par alliance de sa sœur cadette Marie Geneviève Hervé (1781-1815) qui avait épouser le fils aîné d’un frère Brassard décédé.  D’ailleurs, Marie Louise sa propre fille, épousera dans peu de temps un autre fils Brassard.  De plus, son beau-frère Joseph Louis Tremblay (1788-1864), marié à sa sœur Marie Josephe Hervé (1788-1854) et son père Joseph Honoré Tremblay, aussi mêler au parti des Brassard.  Quoi que pût être la position affichée de David face aux autorités coloniales anglaises à ce moment-là, les troubles perdurèrent tout l’hiver.  Une centaine d’hommes, tous descendants de colons français, participent ouvertement aux assemblées de révolte.  Plusieurs d’entre eux sont les mêmes ou issus des mêmes familles que ceux qui s’étaient levés contre les corvées de 1794 imposés par les seigneurs.

C’est le lieutenant-colonel de milice Riverin lui-même qui informe Fraser à la fin mars que les miliciens de la Malbaye ont fait provision de poudre et qu’ils ont l’appui de ceux des Éboulements comme celle d’une grande partie de la paroisse Saint-Étienne contre les volontés de conscription.  Si bien que le 2 avril 1813, Malcom Fraser fait lever un détachement de cent cinquante miliciens pour capturer les rebelles.  Il donne l’ordre suivant pour s’assurer de contraindre les miliciens qui ne voient pas du bon œil l’arrestation d’amis et de parents pour le Roi anglais : «tous milicien qui n’obéit pas aux ordres sera coupable de Haute-Trahison envers le gouvernement, le Roi et punis comme rebelles suivant la loi et à perdre leur honneur, leur vie et leurs biens.»  C’est ainsi que les oncles de celle dont David se faisait le protecteur, Marie Geneviève Hervé (1781-1815), seront arrêtés et conduits à la prison de Québec pour être jugés par les autorités anglaises.  La rébellion est ainsi étouffée.  Le cousin et enseigne de milice Jean François Gagnon (1774-post.1814), fils de la tante Marguerite Hervé (1728-1818), sera le seul officier de milice à subir les foudres des autorités anglaises, par la main de leur nouveau juge Laterrière, pour avoir refusé de conduire un accusé à Québec[106].  Nouveau seigneur des Éboulements, Laterrière a choisi son camp, celui de la petite bourgeoisie associée aux autoritéset deux de ses fils se sont portés volontaires pour participer à la guerre du roi d’Angleterre. 

Bien que son aîné ait été épargné de la conscription en raison de son mariage, David doit se résoudre à accepter que son second fils Joseph François soit ainsi recruté lors d’un troisième tirage à la fin de l’année 1813, même s’il qu’il n’est pas encore majeur.  Ce dernier, accompagné de quatre-vingts autres jeunes gens de la milice dite de Baie-Saint-Paul, rejoint en février 1814 son 1er bataillon pour prendre part à la guerre anglo-américaine qui oppose les États-Unis à l’Empire britannique depuis juin 1812. 

C’est sous les ordres du colonel du bataillon de milices de Baie-Saint-Paul Malcom Fraser, malgré son âge avancé, que seront conduits à Québec les miliciens dont fait partie JosephJoseph François.  Ce seigneur écossais de Mount Murray, quelques mois plus tôt, ne faisait pourtant pas confiance aux Canadiens[107].  Joseph François sera le seul Harvey québécois à combattre pendant cette guerre selon les Archives du gouvernement du Canada[108]David et Marie Louise commencent d’une curieuse façon à voir partir les leurs.

Alors que Quirille Pulcherie Duchesne, sa jeune bru, avait accouché d’un premier enfant en 1812, Marie Louise, qui a quarante-cinq ans et qui vient de voir partir à la guerre l’un de ses garçons, met au monde son quatorzième enfant le 24 mai 1814.  Lors du baptême, l’enfant est prénommée «Émérentienne».  Elle a pour parrain son oncle Thimothé Hervé (1790-1867) et pour marraine «Ursule Baret» (1790-1822).  Ursule est la femme de Joseph Marie Dallaire (1787-1833) dont le père fut marié à une des filles Savard[109]Émérentienne Hervey ne verra pas l’hiver.  Elle décède le 5 novembre 1814[110].

Les Hervé n’occupent pas encore une place bien importante à la Malbaie.  Il y a bien le capitaine de milice dans le 2e bataillon du comté de Saguenay, le cousin Louis Hervé (1762-1842), fils de l’oncle Pierre, qui s’est sorti la tête de l’eau, mais à part lui, aucun n’est encore marchand ou navigateur prospère; ils vivent tous aussi difficilement que l’ensemble des censitaires, journaliers ou cultivateurs.

Entre les mariages des plus vieux et les accouchements de sa femme, David continue de labourer ses champs et d’abattre ses arbres.  Au début de 1815, c’est au tour de sa fille Marie Louise de quitter la maison pour se marier.  Elle épouse Félix Brassard (1791-1841) fils de Charles Chrysologue (1756-1792) et de Marie Josèphe Girard (1755-1807), le 31 janvier 1815 à l’église Saint-Étienne de la Malbaie[111].

David, depuis son arrivée à Murray Bay, avait toujours vécu sous le joug du seigneur Malcom Fraser (1733-1815), celui-là même qui avait obtenu cette seigneurie en 1762, alors que la guerre n’était même pas encore terminée.  Ce dernier, qui vivait en concubinage à Mount Murray avec la jeune Marie Ducros dit Laterreur (1763-1837)[112] et à Québec avec Marie Allaire (1739-1822), deux filles du pays, se faisait seconder dans la gestion de la seigneurie par certains parents de David.  Bien que l’on ne connaisse pas les relations qu’il entretenait avec ces parents, la mort du seigneur le 17 juin 1815 dû tout de même bouleverser sa vie et celles des autres censitaires qui s’étaient habituées à un seigneur, aussi absent que l’avait été l’écossais.  Avec, comme héritiers de la seigneurie, deux fils mineurs que Fraser avait eus avec sa maîtresse de Murray Bay, les quelques années qui suivraient allaient être forts incertaines[113].

Exploitant forestier

L’agriculture n’est pas facile dans la seigneurie de Mount Murray où s’est établi David; il y a peu de bonnes terres cultivables.  Pour peu qu’il y en ait, elles sont surtout situées à l’extrême sud-ouest de la seigneurie, le long de la rivière de Malbaye sur une distance d’environ neuf kilomètres.  Les sols dans la partie de la seigneurie où vit David le long du fleuve sont plutôt montagneux.  En revanche, le bois de construction de toutes espèces est abondant et heureusement, le secteur est arrosé de nombreux petits ruisseaux qui suffisent à faire marcher des moulins à scie[114].

Outre le fait que les terres de la concession du Cap-à-l’Aigle ne soient pas très productives lorsqu’on les compare à celles du reste de la région, David doit composer avec le fait que les Fraser, seigneurs de père en fils, ont été fort avares dans l’établissement de moulins banaux.  Le moulin de la Comporté, datant de l’époque du Régime français et rafistolé à quelques reprises, demeure, et demeurera jusqu’au milieu du siècle, le seul existant dans toute la seigneurie qui s’étend maintenant jusqu’à Port-au-Saumon.  À la même époque, on en compte au moins quatre, dont trois sont en activité dans la seigneurie voisine de Murray Bay.  David doit donc prévoir un trajet de plus de sept kilomètres pour aller y faire moudre son grain.  Il n’a pas le choix, car le seigneur a permis au meunier de poursuivre quiconque irait faire moudre son grain ailleurs qu’au moulin de la seigneurie.  Dans de telles conditions, il n’est donc pas très surprenant qu’il se soit adonné à la foresterie avant tout[115].

David a toujours compté sur le bois pour vivre, d’autant plus que dans la seigneurie, les récoltes des dernières années ont été difficiles.  En 1815, les récoltes sont compromises alors par les gelées qui se font sentir dès le mois d’août.  La situation est telle que la Chambre d’assemblée vote des fonds pour nourrir les censitaires et leur permettre d’acheter des semences pour l’été qui vient.  Dans une telle période de disette, comme il faut faire vivre la famille, David chamboulera la vie de cette dernière encore une fois. 

Il procède à la vente d’un lopin de terre en février 1816 au profit de Joseph Tremblay (1795-1843)[116].  Il s’agit d’une bonne partie de la terre acquise de son frère Dominique Isaïe en 1805.  David s’est probablement uniquement garder la portion de sa terre où se trouve sa maison maintenant qu’il vit principalement de l’exploitation forestière, devenir «emplacitaire» tomberait sous le sens[117].  Joseph Tremblay vient tout juste d’épouser Olive Desbiens (1793-1855) un mois plus tôt.  Olive est la nièce de David, elle est fille de sa sœur défunte Marie Anne (1762-1805).  Curieusement, cette terre reviendra dans le giron familial après le décès de l’époux d’Olive alors que Pierre Lumina, l’un des fils de David, s’en portera acquéreur dans vingt-sept ans[118].  Par cette vente en 1843, Olive comblera alors son besoin d’argent tout en remerciant d’une certaine façon la famille de feu David pour le coup de pouce que ce dernier lui avait donné à son départ dans la vie.  Pierre Lumina, pour sa part, mettra la main sur la terre qui l’avait vue grandir. 

Un mois après, avoir vendu cette terre, David, cinquante-deux ans et sa femme Marie Louise se donne à leur fils Joseph François qui est de retour de la guerre.  David est-il malade, découragé de la situation économique dans la région ou veut-il tout simplement se concentrer sur ses activités forestières ? Cette donation entre vifs amène Joseph François à devoir loger, nourrir, entretenir et soigner ses parents pendant le reste de leurs vies[119].  Comme on le verra, cette donation n’empêchera pas David de poursuivre ses entreprises en foresterie avec l’aide de ses fils.    

C’est en 1816, l’année connue comme l’année sans été, que l’on constate une chute dramatique des températures sans que l’on sache pourquoi[120].  En fait, on rapporte des gelées pendant toute l’année et leurs effets sur les récoltes sont dévastateurs[121]David qui fut toujours un cultivateur et journalier polyvalent continuera d’exploiter la forêt comme source de revenus pour pallier l’agriculture décevante.

David et Marie Louise ne comptent sûrement plus avoir d’enfants, mais à l’automne 1816, cette dernière est encore en famille[122]Tout un aria[123] pour une femme qui aura quarante-huit ans à la naissance de l’enfant.  Le 25 avril 1817, Marie Louise accouche de sa nichouette[124], sa huitième fille, son quinzième enfant et enfin le dernier.  Comme c’est la tradition à l’Isle aux Coudres, on peut penser que David encourage Marie Louise à ce que cette fille soit nommée du même prénom que la dernière décédée; on a vu déjà, qu’un peu pour conjurer le sort, les couples faisaient ainsi.  L’enfant est donc baptisé «Emérentienne Hervey» tout comme sa sœur décédée en 1814.  Le parrain choisi est «Joseph Demeule» (1775-1863).  Joseph et David sont parents; Charles Demeules (1724-1759), le grand-père de Joseph et héros du débarquement des anglais à Baie-Saint-Paul en 1759, celui qui mourra scalpé par ces derniers, était marié à Scholastique Savard (1723-1755), une tante de David qu’il n’a jamais connu.  Comme c’est souvent le cas, la marraine «Rosalie Saint Gelais» (1792-1831) est un peu de la famille elle aussi, puisqu’elle est mariée à Louis Gagnon (1782-1855) de l’Isle aux Coudres ; la mère de ce dernier est la sœur de Félicité Perpétue Bouchard une belle sœur de David, celle qui est mariée à son frère aîné François[125].

Moins d’un mois plus tard, le 19 mai 1817, David, tout comme son beau-frère André LeBreton dit Lalancette (1771-1847), contracte une obligation auprès des marchands prêteurs, Casgrain et Dionne de la Côte-du-Sud.  On ne connaît pas les motifs de ces emprunts, mais comme plusieurs censitaires de Murray Bay en font aussi auprès des mêmes financiers dans les mêmes jours, il est possible que l’argent ait pu servir à permettre aux familles de survivre un an de plus suite aux misères et disettes des deux dernières années[126].  Par contre, dans le cas de David, il est fort probable que cet emprunt ait eu comme objectif de participer au financement de l’achat d’une terre à bois par son fils Joseph François, puisque ce dernier en fait l’acquisition en 1817 avec, en autres, son pécule accumulé par sa participation à la guerre[127].  C’est d’ailleurs en septembre que ce dernier, au nom du père et de ses frères, s’engage à livrer à Amable Bélair (1781-1841) du bois de pinière qu’ils auront bûché durant l’hiver[128].  Bélair, bien qu’il ne possède pas encore de moulin, est un marchand de la baie Saint-Paul, devenue depuis peu beau-frère des deux seigneurs de Mount Murray par son mariage à Anne Fraser (1792-1877), la sœur de ces derniers.  Elle est la fille aînée que le premier seigneur eut avec sa maîtresse des lieux, Marie Ducros.  Amable Bélair est également procureur général de la seigneurie de Mount Murray et il en brasse déjà large dans la région dans le domaine de l’exploitation forestière.

Depuis bientôt trois ans, les discussions à propos du projet de construction d’un pont qui enjamberait la rivière Murray entre les deux seigneuries soulèvent les passions.  Les contributions en argent et en corvées prévues pour les censitaires afin de réaliser cette œuvre engendrent plusieurs levées de boucliers et une forte opposition canalisée par Alexis Malteste (1754-1835). 

En janvier 1818, on avait finalement décidé de l’érection d’un pont entre les deux seigneuries afin de franchir la Rivière-Malbaie.  Il en sera dorénavant fini d’utiliser le bateau du passeur ou simplement de traverser à guet dans les périodes où le niveau de l’eau le permettait.  Comme tous les habitants des deux seigneuries, David devra donc contribuer monétairement à sa construction.  Il aura donc à payer, lui ou son fils Joseph François à qui il s’est donné, pour l’entretien du pont et sera tenu aux corvées et aux charrois pour sa construction[129].  

C’est aussi en 1818 que Thimothé, le cadet des garçons du deuxième lit du père de David, se remarie à la Malbaye.  Il avait perdu sa première femme en juin de l’année précédente.  Comme il le fait depuis son arrivée dans la région, c’est David qui lui sert de père[130].  



Comme on l’a vu, David a fait les cent métiers et celui de bûcheron a marqué sa vie.  À l’automne 1819, il signe un contrat de bois pour la vente de madriers au marchand Bélair avec qui la famille avait transigé deux ans plus tôt.  C’est un peu ce Bélair qui, à titre de procureur, dirige la seigneurie de Mount Murray dans cette période incertaine qui suit la mort du seigneur. 

Le commerce du bois continue d’être florissant, car depuis le blocus de Napoléon sur les routes des Britanniques pour leur approvisionnement, la colonie est devenue le principal fournisseur de bois de l’empire.  Amable Bélair possédera (ou sera à bail sur) plusieurs moulins dans la région avant de connaître la déchéance en 1825.  En 1819, Bélair ne possédait encore aucun moulin et il ne sera à bail qu’en décembre pour le moulin de Michel Gagné sur la rivière Mailloux, dans la seigneurie de Murray Bay où la famille a bûché en 1817[131].  Cependant, le bois de David est promis pour un moulin à scie au Bas-de-l’Anse, là où se jette au fleuve la rivière à la Loutre dans la seigneurie de Mount Murray entre le Cap-à-l’Aigle et ce qui allait devenir dans une trentaine d’années Saint-Fidèle de Mount Murray.  Ce moulin, dont le contrat de construction n’est accordé par Bélair qu’en janvier 1820, n’entrera finalement en activité qu’à la fin de l’été[132]

À l’instar de plusieurs autres cultivateurs, David profite de la manne qui, dans cette seigneurie, n’a vraiment débuté que depuis 1815.  Il s’engage donc à livrer, pour la fin du printemps ou au début de l’été suivant, des madriers au moulin au prix de six livres dix shillings le cent pour les trois pouces et de cinq livres deux shillings pour les deux pouces et demi[133]David y passera l’hiver, mais à l’âge de cinquante-cinq ans, on peut présumer qu’il s’agit là d’une entreprise familiale, puisqu’il ne manque pas de bras dans la maisonnée, avec probablement encore quatre fils qui y vivent toujours, dont Joseph François qui en a pris la direction.  À l’époque d’ailleurs, les contrats de bois étaient toujours une question d’équipe, un seul homme ne pouvant, à lui seul, abattre et transporter au moulin les quantités de madriers prévus aux contrats.  Comme le moulin ne sera prêt qu’à la fin de l’été, on ne sait pas si David livra ses madriers sur le terrain du moulin en construction ou s’il dut les acheminer au moulin de la rivière Mailloux.  Peu importe l’endroit, David ne manquait pas de moyens et de contacts pour livrer les madriers.  La goélette La Clara de son frère et voisin Thimothé dut avoir été mise à profit.

Plus à l’est, dans la seigneurie où l’on présume que la famille coupe ce bois, outre «un petit sentier, très peu pratiqué, partant de Port-au-Persil qui passe à travers les montagnes et qui se rend jusqu’aux premières maisons du Cap-à-l’Aigle», la route carrossable ne dépassait guère les dernières maisons du rang du Cap-à-l’Aigle.  De toute façon, on n’a aucune raison de croire qu’il ait, pour le moment, fait des affaires avec les moulins de Port-au-Saumon, Port-au-Persil ou de Rivière-Noire, ce qui l’aurait obligé à utiliser cette voie.  David, s’il n’a pas une autre terre dans Mount Murray, aura peut-être, comme cela se faisait couramment, gardé des trois de coupes sur cette terre qu’il a vendue en 1816, permettant ainsi à sa nièce et son mari d’agrandir leur domaine cultivable.  Les exploitants forestiers de l’époque offraient ainsi aux nouveaux couples, n’ayant pas encore d’enfants et de bras pour défricher, de le faire à leurs places en échange du bois coupé.    

Sara, l’avant-dernière fille du couple formé de David et Marie Louise, n’aura vécu que « onze ans, un mois et deux jours» puisqu’elle décède le 21 avril 1820[134].

Tout comme sa sœur Sara, la vie d’Abraham Hervey aura été courte.  Né en 1811, il décède à l’âge «de dix ans cinq mois et dix-neuf jours le 12 décembre 1821 à La Malbaye»[135].

David a beaucoup bougé au cours de sa vie.  À cinquante-neuf ans, il se rendra à Montréal à bord d’un vapeur, un bateau mû par des roues à aubes, en partance de Québec[136].  Qu’allait-il y faire? Peut-être ne s’agissait-il que d’un rêve de jeunesse enfin réalisé.  Le 5 juin 1823, dans le port de Québec, il s’embarque sur le New Swiftsure, un bateau à vapeur de cent trente-cinq pieds appartenant à John Molson (1763-1836) et exploité par la St. Lawrence Steamboat Co.  Fils de marin, David n’a probablement jamais craint les embarcations, puisqu’un an auparavant ce même vapeur avait été sérieusement endommagé par le feu dans le port de Québec[137].  

David a poursuivi son commerce de bois au cours des dernières années, mais il a besoin de liquidités.  À l’été 1824, il signe une obligation en faveur du marchand François Delagrave dit Duchesneau (1772-1841).  Cette année-là, Delagrave avait pris en location les deux moulins que possédait Amable Bélair, soit celui de la rivière Mailloux et celui de la rivière à la Loutre.  Bélair, avec qui David faisait affaire, connaissait de graves difficultés financières.  À l’époque, les marchands tenaient lieu d’institutions financières et nombreux sont les actes notariés de contrats de bois, témoignant du fait que le marchand de bois consent une avance substantielle avant les travaux d’abattage et de coupe des billots[138].   

Les départs des enfants qui se marient s’intensifient : après Dominique en 1811, et Marie Louise en 1815, c’est maintenant au tour de Marie Geneviève en 1819, de Pierre Lumina l’année suivante et de François en 1823.  David et sa famille vivent toujours à Murray Bay lors de ce dernier mariage, le 28 octobre 1823. 

Bouleversement dans le clan Hervé du Cap-à-l’Aigle

L’année 1824 sera déterminante pour la famille de David et celles de ses frères voisins.  Le 13 septembre 1824, David perd son aîné Dominique qui décède à trente-cinq ans, laissant à sa veuve six orphelins sur sa terre de la concession Saint-Charles de Murray Bay[139].

Deux mois jour pour jour après le décès de Dominique, Dominique Isaïe quitte définitivement la seigneurie de Mount Murray.   Le 13 novembre, il obtient de la seigneuresse Christiana Emery (1743-1828) la terre voisine de son neveu décédé dans la concession Saint-Charles.  Le frère de David et sa famille quittent donc le Cap-à-l’Aigle pour la seigneurie voisine de Murray Bay[140].  La bru de David, Quirille Pulcherie Duchesne, ne sera pas seule avec ses six enfants pour passer l’hiver.

À l’été 1825, David qui s’était pourtant donné à son fils Joseph François est toujours voisin de son demi-frère Thimothé et de François, un autre de ses fils, dont la femme a accouché de leur premier-né le 5 février[141].  C’était le lendemain de l’érection canonique de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, laquelle couvre toute la seigneurie de Murray Bay, le prêtre assumant aussi la déserte de Mount Murray[142]David est donc recensé comme chef de famille habitant la Malbaie.  Il faut probablement comprendre ici que l’acte de donation de 1816 confiait une intention, une façon de tenter de retenir ce fils, toujours célibataire et qui semble avoir la bougeotte comme on le verra.  Bien que le recensement regroupe les deux seigneuries, on sait que la vallée de la Rivière-Malbaie constitue, en 1825, la principale zone de peuplement.  Alors qu’ils sont plus de deux mille dans la seigneurie de Murray Bay, le village Nairne comme tel ne compte guère qu’environ cent cinquante habitants à cette date sur la rive droite de l’embouchure de la rivière.  Un autre petit hameau s’est développé sur la rive opposée dans la seigneurie de Mount Murray qui compte alors environ mille personnes réparties sur un immense territoire qui ne compte que cent vingt emplacements[143]David a environ soixante et un ans et Marie Louise en a cinquante-cinq.  Quatre autres personnes demeurent avec eux dont : Louis Denis et Elisabeth qui ont environ vingt et un ans, Angélique dix-huit ans et la petite dernière Émérentienne dite Mérence huit ans[144].  Celui à qui David et sa femme s’étaient donnés ne vit plus avec eux.  Ce fils célibataire de trente et un ans, Joseph François, tourne plutôt autour de Marie Marthe Desbiens à l’Isle aux Coudres[145] où il travaille probablement, car il n’est pas recensé à Saint-Étienne[146].  À l’automne, il épousera Marie Marthe, ce qui donnera une occasion à David de rendre visite aux siens à l’Isle, même si l’automne se fait tard.  Avec le père, l’oncle Joseph Hervé (1782-1867) agit comme témoin du marié lors de la cérémonie dans l’église de Saint-Louis-de-France.  Outre son père, Germain Desgagné (1780-1854), maître d’école et procureur de ces messieurs du Séminaire de Québec, les seigneurs de l’île, agit comme témoin de la mariée[147].  Les déplacements pour visiter la famille, à l’Isle aux Coudres ou sur la Côte-du-Sud, sont sûrement facilités par La Diligente, nouvelle goélette de son frère navigateur Thimothé.

Bien qu’il ait plus de soixante ans, David Louis Dominique, son frère cadet Dominique Isaïe, Thimothé, le cadet du deuxième lit et leurs familles fêteront, avec une bonne partie de la population de la paroisse Saint-Étienne, le 28 novembre 1826.  Cette journée-là, le curé Pierre Duguay (1786-1843), celui qui avait été curé à l’Isle aux Coudres de 1819 à 1822, célébra six mariages, dont ceux de «Louis Denis» le fils de David qui épouse Geneviève Audet dite Lapointe (1810-1894) et celui de «Louis Dominique», le fils de Dominique Isaïe.  Parmi les quatre autres mariages, on comptera celui de Jean Baptiste LeBreton dit Lalancette (1779-1858), le neveu de Marie Louise.  Les trois autres sont aussi ceux d’enfants de natifs de l’Isle aux Coudres ayant émigré dans la paroisse Saint-Étienne de Murray Bay[148].

David et Marie Louise ont maintenant marié tous leurs enfants, sauf Elisabeth et MérenceMalheureusement, leur deuxième Émérentienne, dite Mérence, décédera à l’âge de dix ans le 16 février 1827[149].   C’est à la même période que David et Marie Louise avaient perdu leur bru Geneviève Fortin, ce qui amènera Pierre Lumina son mari à reprendre épouse l’année suivante. 

À l’égard de l’exploitation forestière d’ailleurs, bien que je n’aie pu en trouver toutes les traces dans les archives notariales de l’époque, on sait que David a aussi possédé d’autres terres à bois que celle du Gros Ruisseau qu’il avait acquise en 1801 dans la seigneurie de Murray Bay.  L’une d’entre elles était située dans la seigneurie de Mount Murray, probablement au-delà de la concession Sainte-Mathilde à l’est, au tout début de la concession Sainte-Anne dans le secteur connu aujourd’hui comme Saint-Fidèle.  Lors de la promulgation de la «Loi declarant définitif le partage des biens de la succession de feu dame Angèle-Âpolline-Delphine Cimon», sanctionnée le 25 avril 1903, il est question de cette terre ayant appartenu à David et qui, à cette date, était toujours entre les mains de ses descendants[150].  Cette terre à bois est à proximité d’un coude de la rivière du Port-au-Saumon qui servait à descendre le bois jusqu’au moulin à scie de Port-au-Saumon, construit par le cousin André Couturier (1767-1843).  En effet, en 1829, Thomas Simard (1796-1862), lié à l’activité forestière le long du Saint-Laurent et qui deviendra l’un des membres fondateurs de la Société des vingt-et-un, fait construire le moulin de Port-au-Saumon par André Couturier et Moïse Dufour (1782-1852)[151].  Ils vont également construire une glissière sur la rivière pour alimenter le moulin et un quai à proximité permettant le chargement du bois sur les goélettes. 

David a probablement acquis cette terre pour ses fils peu après la construction du moulin, car les chantiers d’exploitation forestière sont créés à l’époque, et pour longtemps encore, sur une base familiale avec un entrepreneur, un scieur et un transporteur souvent apparentés.  Le nom du propriétaire d’une terre à bois n’est pas toujours celui qui l’exploite, surtout qu’à plus de soixante-cinq ans et avec quatre fils dans la force de l’âge travaillant dans l’exploitation forestière, David ne devait plus en mener très large sur le chantier[152].

C’est avant la fin de cette décennie que s’opère dans la famille un second changement majeur.  Après son frère Dominique Isaïe lequel avait pris le chemin de la concession Saint-Charles dans la seigneurie voisine en 1824, c’est au tour de David de laisser derrière lui le Cap-à-l’Aigle pour se réfugier avec Marie Louise chez leur fils Louis Denis dans la «Concession Terre Bonne» là où, près de trente ans plutôt, il avait acquis sa première terre sur la Rive-Nord du Saint-Laurent dans la seigneurie de Murray Bay.  On peut penser que dans la soixantaine avancée, David n’a plus les reins assez solides pour le dur travail forestier qui a occupé ses journées au cours de quatre dernières décennies.  Marie Louise avec ses quinze grossesses doit également apprécier la possibilité de se reposer un peu.  En quittant le Cap-à-l’Aigle, David a-t-il laissé derrière lui son jeune frère, Thimothé?  Rien n’est moins sûr, puisqu’il se retrouveront sous peu dans la «Concession Terre Bonne».  D’ailleurs, on ne sait pas qui des deux frères est parti le premier.  Tout ce que l’on sait c’est qu’ils l’on fait entre 1825 et 1831.  De leurs enfants, il ne restait plus qu’Elisabeth qui n’était pas encore mariée et elle convole en janvier 1831[153].  David et Marie Louise ne sont par contre pas seuls puisqu’ils demeurent maintenant avec leur fils Louis Denis et sa famille.  David qui approche les soixante-dix ans a laissé Louis Denis prendre la direction de la terre, car il n’apparaît plus comme chef de famille lors du recensement de 1831, alors que lui et sa femme demeurent chez leur fils[154].  Il est alors voisin de François, un autre de ses fils et de Thimothé, son demi-frère.  Il semble avoir aussi abandonné la coupe de bois depuis un certain temps aux mains de ses fils. D’abord Joseph qui fraye avec les Maltais et les Guay dans la coupe forestière depuis près de quinze ans maintenant, puis Pierre Lumina qui travaille sur des sites de moulin avec le petit-cousin André Couturier et finalement François, le navigateur, qui vend maintenant les billots des terres de la famille[155].

Les Hervé, depuis leurs arrivées dans les seigneuries de Murray Bay et Mount Murray avaient connu une grande stabilité, car leurs seigneurs respectifs avaient régné quarante et cinquante-trois ans.  Il n’allait plus jamais en être ainsi, jusqu’à la fin du régime seigneurial en 1854.  Les enfants des deux premiers seigneurs s’étaient partagé la tâche ou l’avaient confié à plusieurs reprises à des procureurs.  En 1830, David avait vu mourir William Fraser (1794-1830), le second seigneur de Mount Murray.  Son frère, John Malcom (1800-1860), celui qui n’aimait pas Murray Bay et qui n’y vivra pas puisqu’il est bien installé à Québec, prend bien malgré lui la relève.  Lui aussi assumera sa fonction de seigneur en la confiant à des agents et à des procureurs.  Néanmoins, malgré un seigneur effacé et avant de mourir, David verra les procureurs de ce nouveau seigneur accorder environ cent soixante nouvelles terres à des colons; il faut dire qu’il n’y avait pratiquement plus de bonnes terres disponibles dans la seigneurie voisine de Murray Bay où David vit maintenant.  Pour la plupart, ces nouveaux censitaires s’établissent le long du fleuve, dans le rang du Cap-à-l’Aigle qui se prolonge maintenant jusqu’à celui de Port-au-Saumon, avec une route reliant les deux endroits et qu’on avait commencé la construction en 1832[156].  Bien que la majorité du développement se fit le long du fleuve dans les rangs du Cap-à-l’Aigle et dans celui de Port-au-Saumon, cela n’empêcha pas ceux de Sainte-Mathilde, du troisième rang du Cap-à-l’Aigle, Mary-Grace, de croître en même temps que l’on ouvrait de nouveaux rangs derrière les premiers. 

Alors que, comme en 1815, une nouvelle crise agricole sévit depuis près de quatre ans et qu’il n’a plus les bras qu’il faut pour se tourner vers la foresterie, David Louis Dominique Hervé finit sa vie sur la rive nord du grand fleuve, dans la seigneurie de Murray Bay fort transformée depuis son arrivée trente-cinq ans plus tôt.  Il s’éteint le 6 juin 1837 à l’âge d’environ soixante-treize ans et est inhumé deux jours plus tard[157].  Il n’aura pas le bonheur de voir quatre de ses fils impliqués dans le soulèvement des colons à travers la Société des Vingt-et-un et l’ouverture du Saguenay réalisée grâce à eux.

Marie Louise LeBreton dite Lalancette survivra vingt-sept ans à son mari.  Tout ce temps, elle continuera de vivre dans sa maison sous les bons soins de son fils Louis Denis[158].  Elle décédera le 22 janvier 1865 à Saint-Étienne de la Malbaie et sera inhumée trois jours plus tard sous le nom de Marie Louise LeBreton[159].

Comme on le verra plus loin, les fils de David Louis Dominique et Marie Louise auront un impact important dans le peuplement du Saguenay.

David Louis Dominique Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

*******************************************************************************************

Pour passer aux enfants de David Louis Dominique Hervé de la 5e génération, cliquez ICI

*******************************************************************************************

*******************************************************************************************

Ou pour passer au prochain enfant de Dominique Hervé et Geneviève Savard, cliquez ICI

*******************************************************************************************

[1] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, page 58.

[2] BAnQ., Paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres.  Dans un index inventoriant tous les baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse Saint-Louis entre 1741 et 1864, le baptême de David Louis Dominique n’apparaît pas.  On peut présumer que les auteurs de l’index en 1865 ont eu accès au même registre illisible.

[3] BAnQ., Registre de Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 6 juillet 1750 au 15 octobre 1770.

[4] À l’époque, il y a plus d’un Charles Pelletier vivant sur les terres de la Seigneurie des Aulnaies.  Par contre, la situation de la terre de David Louis Dominique telle que décrite par le notaire amène à penser que la terre en question est une portion de celle du grand-père de ce Charles Pelletier, aussi prénommé Charles (1671-1748) qui était marié à Barbe Saint-Pierre (1685-1752), la belle-sœur en troisièmes noces de Sébastien Hervé (1695-1759), le grand-père de David.

[5] ROY, Joseph-Edmond. Histoire du notariat au Canada depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours. Lévis, Revue du notariat, 1899-1902, volume 2, p. 89.

[6] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 926, 22 septembre 1782.

[7] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 1928, 12 juillet 1786.

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 29 décembre 1786.

[9] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 242380. LEBRETON/DUBOIS/LALANCETTE, Pierre-Henri.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 8 octobre 1769.

[11] Ibid., 31 mars 1788.

[12] Ibid., 17 janvier 1789.

[13] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 2655, 28 mars 1789.

[14] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 2752, 22 août 1789.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 13 avril 1790.

[16] ROY, Pierre-Georges. «Le pilotage sur le Saint-Laurent», Bulletin des recherches historiques : bulletin d’archéologie, d’histoire, de biographie, de bibliographie, etc.  Volume XVIII, numéro 4 (avril 1913), page 114. 

[16a] Meule de moulin servant à moudre le grain de céréales. 

[17] COLLECTIF. «Le moulin banal de Saint-Roch-des-Aulnaies», Histoire Québec. Volume 2, numéro 2 (janvier 1997), pages 24-25.  Le moulin devait être livré le 1er août 1789.  Il s’agit du moulin qui a fonctionné jusqu’en 1842 et dont l’édifice actuel a conservé une partie des murs de pierre de ce deuxième moulin.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 4 octobre 1790.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 9 février 1791. 

[20] Ibid., 25 avril 1791. 

[21] Ibid., 18 juillet 1791.

[22] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 3344, 27 octobre 1791.

[23] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 12 mai 1792.

[24] Ibid, 22 juillet 1793.

[25] Ibid., 24 février 1794.

[26] BAnQ., Almanach de Québec, 26 février 1794, Dominique Hervé.

[27] Le membre de la Société des Vingt-et-un est Joseph Hervé (1802-1852), fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799).

[28] Ibid., 17 mars 1794. 

[29] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 4844, 24 septembre 1795.

[30] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 17 mars 1796.  Le curé au registre inscrit le père David Louis Dominique comme étant Joseph David et inverse le patronyme de la mère Marie Louise en le notant Lalancette dite Le Breton plutôt que LeBreton dit Lalancette.

[31] Ibid., 20 juillet et 5 août 1793, baptême et sépulture d’André Couturier fils. 21 septembre 1793, sépulture de Marie Geneviève Ouellet.

[32] Les habitants des régions avoisinantes ont longtemps désigné ainsi Saint-Roch-des-Aulnaies par opposition à la paroisse Saint-Roch de la Rive-Nord, Saint-Roch de Québec.

[33] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 30 janvier 1798. 

[34] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1851, paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie, page 43.

[35] B.A.C., G., Recensement du Canada-Est de 1861, paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie, comté de Charlevoix, page 210.

[36] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1871, district Charlevoix, sous-district Malbaie Division, page 58 et autres.

[37] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1881, district Charlevoix, sous-district Malbaie, page 39.

[38] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2 juin 1881.

[39] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 10 février 1800.

[40] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 octobre 1823.

[41] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, no 138, 8 janvier 1830.  Concession d’une terre quatorze perches huit pieds de front par quarante arpents de profondeur à la concession Joyeuse, seigneurie de la Malbaie.  Nouveau titre, François Harvey de Magdeleine Nairne McNicoll (Madie), seigneuresse.

Trait carré Sur les 50 arpents.  Doonald Maltais

[42] Les frères François Arvé et Louis Denis Hervé, fils de David Hervé et Marie Louise Lebreton dit Lalancette sont coassociés d’Ignace Murray. Ils sont parmi les trente-neuf associés et coassociés de la «Société des Vingt-et-un»

[43] PELLETIER, Louis, op. cit., pages 200 et 233.

[44] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1851, paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie, page 27.

[45] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 novembre 1857.

[46] B.A.C., G., Recensement de 1871, district Charlevoix, sous-district de Saint-Siméon, page 8.

[47] Bien que la paroisse fut desservie par le curé de Saint-Fidèle jusqu’en 1874, date de la nomination du premier curé résidant et de l’ouverture des registres de la paroisse.  Le registre de la paroisse de Saint-Fidèle-de-Mount-Murray ne contient pas l’enregistrement de sa sépulture, non plus que celui de Saint-Siméon par la suite.  Il n’apparaît plus au recensement de 1881.  Il n’est pas certain si François et Antoinette demeuraient dans le village de Saint-Siméon ou dans l’un des hameaux avoisinants Port-au-Persil, Rivière-Noire, Baie-des-Rochers ou Port-aux-Quilles; de toute façon, tous ces endroits étaient desservis par le curé de Saint-Fidèle-de-Mount-Murray.

[48] Près de cent cinq kilomètres.  Les unités de mesure utilisées par les exploitants forestiers anglophones sont maintenant celles de l’anglais.  Comme la région s’est largement anglicisée lorsque les soldats démobilisés du 78e régiment du roi, les «Fraser Highlanders» se sont vus donner la région de La Malbaie en récompense pour avoir combattu aux côtés des Anglais pendant la guerre de Sept Ans, les entrepreneurs sont surtout anglophones. 

[49] GAUTHIER, Serge et Guy GODIN.  Raconte-moi -- La Rivière-Malbaie.  Québec, Les Presses de l’université Laval, 2004, pages 74-77.

[50] Aujourd’hui la Rivière-Malbaie.

[51] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, pages 51-52.

[52] Acte de concession fait sous seing privé entre John Nairne et David Harvé pour la censive #133ième, 6 octobre 1801.  L’acte fut déposé au greffe du notaire Isidore Levesque le 30 août 1806.

[53] COLLECTIF.  Subdivision du Bas-Canada en paroisses et townships.  Québec, éditions E. R. Fréchette, 1853, page 172.  Proclamation du gouverneur général Charles Bagot, 8 mars 1843.

[54] Observations obtenues de Donald Maltais le 8 avril 2020.  Ce dernier, spécialiste de l’histoire des moulins dans Charlevoix et au Saguenay, a beaucoup écrit et publié sur le sujet.  Dans le cadre de ses recherches, il a visité la terre de David, car il y a déjà eu un moulin dans le fond du Gros ruisseau à une certaine époque dont la date de construction reste à être établie.  On ne peut donc pas pour le moment déterminer qui de David ou de ses héritiers l’aurait érigé.  Lors de la visite de Donald Maltais sur cette terre au début du siècle, elle était toujours largement boisée. 

[55] Personne ayant un arrière-grand-père ou une arrière-grand-mère communs (parenté au troisième degré).     

[56] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 25 avril 1791. 

[57] Ibid., 23 février et 1er mars 1802.  Baptême et sépulture d’André Hervé. 

[58] Parlure de l’Isle-aux-Coudres et de Charlevoix.  Zigonner : hésiter.

[59] Concession faite à André Couturier fils en 1802 citée dans PELLETIER, Louis, op.cit., pages 53 et 338.

[60] Desservi par voie de mission par les curés de la Baie-Saint-Paul et des Éboulements de 1774 à 1797, année de la nomination du premier curé résidant, les registres de la paroisse s’ouvrent en l’année 1774. L’érection canonique ne se fera que le 4 février 1825 alors que l’érection civile se fera le 5 mai 1837.

[61] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 241061.  COUTURIER/SANSCHAGRIN, André.

[62] PELLETIER, Louis, op.cit., page 47.

[62a] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 juillet 1787.

[63] Environ 14,5 par 24 kilomètres.

[64] PELLETIER, Louis, op.cit., page 24.

[65] Ibid. pages 51-76.

[66] La dernière terre concédée en 1801 se situait à la hauteur de la rue Fleurie d’aujourd’hui.  En présumant, que David a bel et bien acquis une partie de la terre de son frère Dominique Isaïe, sa terre devait se situer entre le début du rang du Cap à l’aigle et cette rue Fleurie.  Les concessions le long du fleuve se feront progressivement de la hauteur de la rue Fleurie au Bas-de-l’Anse à Saint-Fidèle de 1802 à 1815.

[67] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 juillet 1802. 

[68] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, le 15 novembre 1802.

[69] BAnQ., Québec, Fonds Grands voyers.  Liste des inspecteurs et sous-voyers des chemins et ponts, pour les paroisses des campagnes du District de Québec pour les années 1803 et 1804, paroisse de Saint-Étienne : Antoine Riverin, inspecteur, Louis Harvé, Joseph Claveau, David Harvé et Philippe Lessard, sous voyers.

[70] Le mari de Catherine Couturier est Georges Ignace Ziliac dit Lessard, ce mercenaire allemand qui avait été stationné à l’Isle-aux-Coudres pendant la guerre d’indépendance des États-Unis de 1775 à 1783 et dont il fut question au chapitre relatif au père de David.  Au moment de cette guerre, les Britanniques ont engagé environ trente mille mercenaires allemands.  Un tiers de ces mercenaires étaient basés dans la Province of Québec. Commandés par le général Friedrich Adolf Riedesel, ils sont intervenus contre les colons révoltés des treize colonies, principalement au début de la guerre, et ont passé sept hivers parmi la population canadienne. Plus de deux milles d’entre eux s’y sont finalement établis.

[71] BAnQ., Québec, Fonds Grands voyers.  Procès-verbaux des grands voyers, volume sixième, 1932, Malbaie, page 121.

[72] BAnQ., Québec, Fonds Grands voyers.  Procès-verbal qui fixe et règle le chemin royal de front de la première concession du fleuve en la seigneurie de Mount Murray, en la paroisse de Saint-Étienne de La Malbaie, dans le comté de Northumberland, 1801.

[73] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 octobre 1803.  En se basant sur l’année précédant l’incendie et celle qui suivit, au total, on peut estimer à environ soixante le nombre d’inscriptions de baptêmes, mariages et inhumations qui sont parties en fumée.  Louis Denis n’apparaît dans les registres de Saint-Étienne de la Malbaie qu’à son mariage en 1826 et nulle part avant.  «Les registres de la paroisse de la mal Baye entre 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803 ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère», on peut présumer qu’il soit né à l’intérieure de cette période.  Si l’âge déclaré à son décès est valide, quatre-vingt-cinq ans, il serait né entre la fin de 1802 et avant octobre 1803 puisque son frère André est le dernier enfant à être né à Saint-Roch-des-Aulnaies le 23 février 1802 et que son père était dans les bois pour l’hiver comme bûcheron.

[74] Prénom inscrit au registre lors de son mariage.  L’orthographe du patronyme par le curé de la Malbaye en 1802 et 1803 était Hervé.

[75] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 novembre 1826.

[76] BAnQ. Saguenay, Collection de la Société historique du Saguenay, P2-8-1, Histoire Québec, volume 19, numéro 1, 2013.

[77] A.N.Q., GN. Minutier Héli Hudon dit Beaulieu, 30 juin 1840.

[78] A.N.Q., GN. Édouard Tremblay, 25 juillet 1842.  Le contrat parle de 325 livres par part initiale, la conversion est donc approximative.

[79] BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi, Éditions du patrimoine, 2002, page 359.

[80] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 270.

[81] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 septembre 1887.

[82] B.A.C., G., Recensement du Canada de 1891, pour le district de Charlevoix, sous-district Malbaie, 1ère division, page 12.

[83] PELLETIER, Louis, op.cit., pages 235 et 317.   

[84] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 26 juillet 1851.

[85] Archives de l’Archidiocèse de Québec, Registre F, folio 128r.

[86] PELLETIER, Louis, op.cit., pages 79-80.  La grand-mère paternelle de Jean Brassard était la cousine du grand-père de David.  Elle était la fille de Jeanne Philippeau (1666-1708), sœur de Françoise, l’épouse du migrant Sébastien Hervet.

[87] A.N.Q., GN. Minutier François Sasseville, no 1504, 23 décembre 1805.

[88] BAnQ., Cadastre abrégé de la seigneurie de Mount Murray, appartenant à John Malcom Fraser. Clos le 18 juin 1859, par Siméon Lelièvre, écuyer, commissaire.

[89] A.N.Q., GN. Minutier François Sasseville, no 1503, 23 décembre 1805.

[90] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 119, 30 août 1806.   Isidore Levesque a débuté sa pratique le 3 mai 1806.

[91] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 5 novembre 1806.

[92] Quarante kilomètres.

[93] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 avril 1807.

[94] Le Courtois est l’un de ces prêtres français qui pendant la Révolution française, refusèrent de prêter le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé tel que l’Assemblée nationale constituante l’exigeait depuis le 1er octobre 1791.  Comme certains autres, il s’exila en Angleterre et fut envoyé dans la colonie devenue anglaise grâce à la connivence du clergé et des autorités anglaises qui s’accommodaient de prêtres plus favorables à la royauté quel qu’elle soit.  Dans : BABIN, Basile J. «Le Courtois, François-Gabriel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).

[95] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Croix de Tadoussac, 18 novembre 1869.

[96] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 24 juillet 1891.

[97] PELLETIER, Louis.  Op. cit., page 72.

[98] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 mars 1809.

[99] De fait, Joseph Brassard possède ledit moulin en copropriété avec Peter McNicoll.

[100] Ibid., 7 juillet 1811.

[101] Ibid., 5 novembre 1811.

[102] MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815.  Québec, les éditions Septentrion, 2006, page 185.

[103] B.A.C., G., Fonds Nairne, MG 23 G III 23.  Lettre de Malcom Fraser à James Ker, Murray Bay, 14 octobre 1811. 

[104] LACOURSIÈRE, Jacques.  Histoire populaire du Québec : 1791-1841.  Vol. 2.  Québec, Les éditions du Septentrion, 1996, page 146.

[105] CHRISTIE, Robert. The Military and Naval Operations in the Canadas during the late war with the United States.  New York, Oram & Mott, 1818, page 55.

[106] LALANCETTE, Mario. «Les ''assemblées révolutionnaires" de La Malbaie», Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 76-77, 2014, pages 10-22.

[107] DESLOGES, Yvon. «Fraser, Malcom». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801 à 1820).

[108] COLLECTIF. Statement showing the name, age and residence of militiamen of 1812-15 who have applied to participate in the gratuity voted by Parliament in 1875, with the name of the corps or division and rank in which they served.  Ottawa, Department of Militia and Defence, 1876, page 42. Et B.A.C., G., Base de données de la guerre de 1812 et patrimoine militaire de l’ère coloniale britannique.

[109] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 26 mai 1814.

[110] Ibid., 7 novembre 1814.

[111] Ibid., 31 janvier 1815.

[112] Aussi prénommée Marie Marguerite.

[113] PELLETIER, Louis.  Op. cit., pages 91-93.

[114] BOUCHETTE, Joseph. Description topograhique de la provice du Bas Canada. ditins W. Faden, Londres, 1815, pages 581-582.

[115] PELLETIER, Louis, op. cit., pages 148-149.

[116] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 20 février 1816.  Il n’est pas certain si cette vente ne comprend pas la totalité de la terre obtenue de son frère en 1805 ou s’il s’était uniquement gardé l’emplacement de sa maison comme plusieurs faisaient quand l’agriculture n’était plus leur principale source de revenus.  Si telle était le cas, il faudrait croire que David aurait quitté Mount Murray?

[117] À la campagne, propriétaire d’une habitation construite sur un emplacement détaché d’une ferme, d’une terre, d’une métairie, par opposition à cultivateur.  Le terme «emplacitaire» correspond au terme de journalier c’est-à-dire «un homme qu’a rien qu’un emplacement pi une maison d’sus». L’emplacitaire ne travaille pas nécessairement aux travaux agricoles, mais vend son temps de travail dans tout autre secteur : foresterie, construction, navigation, etc.

[118] A.N.Q., GN. Minutier Jean Gagné, no 1103, 4 janvier 1843.

[119] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, no 1913, 2 avril 1816.

[120] LE ROY-LADURIE, Emmanuel. Histoire humaine et comparée du climat II : disettes et révolutions (1740-1860). Paris, Éditions Fayard, 2006, 611 pages.  Aujourd’hui, on en connaît la cause, l’éruption du volcan indonésien Tambora en 1815 qui couvrit la terre de ses cendres a été la plus importante éruption volcanique depuis 10000 ans.

[121] BAnQ., Journal de la Chambre d’assemblée de 1816, appendice I. Et : LE ROY-LADURIE, Emmanuel. Histoire humaine et comparée du climat II : disettes et révolutions (1740-1860), op. cit.

[122] Expression vieillie signifiant être enceinte.

[123] Tracas d’antan.

[124] Parlure de l’Isle-aux-Coudres et de Charlevoix.  Nichouette : la dernière de la famille.

[125] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 26 avril 1817.

[126] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Deguise, no 29, 19 mai 1817.

[127] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 11 février 1820.  C’est cette même terre, pour laquelle je n’ai pas encore trouvé l’acte de concession, qu’il échange avec celle de son frère François dans une transaction devant le notaire Chiniquy en 1820.

[128] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 13 septembre 1817.

[129] PELLETIER, Louis, op. cit., page 114-119.

[130] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 septembre 1818.

[131] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 27 décembre 1819. 

[132] PELLETIER, Louis, op. cit., pages 110-111.

[133] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 22 novembre 1819.  Sx livres dix shillings équivalent à vingt-six dollars alors que cinq livres deux shillings valent vingt dollars et quarante cents.

[134] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 avril 1820.

[135] Ibid., 14 décembre 1821.

[136] Bibliothèque de l’université McGill de Montréal ; section Rare Books and Special Collections: Molson Coors Canada; St. Lawrence Steamboat Company Papers 1812-1892, MSS 475; Volume : 15, New Swiftsure (May 1 - Nov 15, 1823 - Passengers and Freight).  La St. Lawrence Steamboat Company transportait des passagers et des cargaisons le long du fleuve Saint-Laurent entre Montréal et Québec.  Cette collection contient les listes des passagers et des cargaisons pour les voyages entre 1819 et 1835.  À l’époque, un seul David Harvey est dans la colonie, le second arrivera des îles britanniques en 1835.

[137] Northeast Michigan Archive, New Swiftsure (1818, Steamer), history, 1822, Jun 7 Damaged by fire at Quebec.

[138] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, 29 décembre 1823 pour le contrat de location et 12 août 1824 pour l’obligation de David.

[139] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 15 septembre 1824.

[140] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1751, 13 novembre 1824.

[141] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 février 1828.  Baptême de François Hervai fils de François.

[142] ORIGINIS. La Malbaie (Saint-Étienne). [En ligne]. https://originis.ca/paroisses/p_alpha/p_l/paroisse_la_malbaie_saint_etienne/

[page consultée le 9/7/2013].  4 février 1825. Érection canonique de la paroisse Saint-Étienne.

[143] Archives du diocèse de Québec, op. cit.

[144] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1825, district Northumberland, sous-district Malbaie, page 1994. Ce recensement a eu lieu entre le 20 juin et le 20 septembre 1825.  Le microfilm C-718 comprenant tous les sous-districts du district Northumberland ayant été mal incorporé par Bibliothèque et Archives Canada à la base de données automatisée de ce recensement, certains ont pu croire que David résidait à l’Isle-au-Coudres.  De fait, les habitants de L’Isle-aux-Coudres au nombre d’un peu plus de six cents sont énumérés aux pages 1995, 1996 et 1997 du recensement.  La page 1994 où apparaît David appartient à la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie.

[145] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1825, district Northumberland, sous-district l’Île-aux-Coudres, page 1996.

[146] Ce recensement fut partiellement nominatif ce qui veut dire que seuls les noms des chefs de familles ont été répertoriés; les autres membres des familles ont été comptés et leur nombre total a été inscrit selon la catégorie d’âge à laquelle ils appartenaient.  Joseph François, n’apparaît pas sous le toit de David à Murray Bay.

[147] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 8 novembre 1825.

[148] BAnQ., Registre de Saint-Étienne de la Malbaie, 28 novembre 1826.  Sous la plume du curé Duguay, notre patronyme est orthographié Hervai. 

[149] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 février 1827.

[150] BAnQ., Les statuts de la province de Québec promulgués et publiés en vertu des lois 3 Ed. VII, chapitre 130, Sucession Cimon, Loi declarant définitif le partage des biens de la succession de feu dame Angèle-Âpolline-Delphine Cimon, et autres fins [Sanctionnée le 25 avril 1903], page 832.  «Cinq arpents de terre de front sur cinquante arpents, de profondeur, le tout plus ou moins, sis et situés partie dans la concession du Grand Fonds Sud de la seigneurie de Mount Murray, bornés par devant au fronteau de la concession Saint-Georges, et par derrière à la profondeur de la dite concession du Grand Fonds Sud, tenant au sudouest au terrain donné par la dite dame Frenette à la corporation épiscopale catholique romaine du diocèse de Chicoutimi, et au nord-est à David Harvey ou ses représentants; les cinq arpents de terre ci-dessus décrits étant et composant les deux tiers nord-est des lots 587 et 562 et les lots 588 et 561 du cadastre officiel de la susdite paroisse Saint-Fidèle.»  Le lot de l’église concédé au diocèse de Chicoutimi permet de situer approximativement la terre de David. Cette terre est à proximité du coude de la rivière et selon la description, il est en continuité avec le lot sur lequel est située l’église actuelle de Saint-Fidèle dont une partie avait été concédée pour la construction d’une première chapelle à cet endroit.  Le secteur de la terre de David fait toujours l’objet de coupes forestières sur la partie sud du mont Grand Fond aujourd’hui.

[151] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, 23 août 1830.  Il n’est pas certain que le cousin André Couturier soit l’associé dans cette construction.  Il pourrait s’agir de son fils, André Couturier (1796-1855), les deux étant maîtres charpentiers constructeurs de moulins.  Quoi qu’il en soit, comme ce type de chantier de construction était une affaire familiale, le père, le fils et sans doute le cousin, David Hervé et ses fils y ont été mêlés.  Dans peu de temps d’ailleurs André Couturier fils et Pierre Lumina Hervé, fils de David, s’associeront dans la construction d’un moulin à Port-au-Persil.

[152] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, 24 février 1830.

[153] Ibid., 11 janvier 1831.

[154] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le comté du Saguenay, sous-district de la paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie, page 45.

[155] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, no 212, 14 avril 1830.

[156] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, 23 juillet 1831.

[157] BAnQ., Registre de Saint-Étienne de la Malbaie, 8 juin 1837.

[158] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté Saguenay, Saint-Étienne de la Malbaie, page 45 et recensement de 1861 de la Province du Canada, Canada-Est, de la paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie dans le comté de Charlevoix, page 209. 

[159] BAnQ., Registre de Saint-Étienne de la Malbaie, 25 janvier 1865.