07. Le milicien

Sébastien le migrant, milicien 

Le 7 octobre 1690, la rumeur de l’arrivée prochaine de trente-trois voiles anglaises dans le but de conquérir la Nouvelle-France se répand dans la ville.  Dans les jours précédents, un messager abénaquis avait apporté la nouvelle qu’une flotte très nombreuse était partie de Boston depuis près d’un mois dans le dessein de venir attaquer et prendre Québec.  Il n’en fallait pas plus.  Chacun chercha un logement à la haute-ville en abandonnant les maisons de la basse[1].  Les Hervet sont parmi ceux-là.  Couvents, monastères et écoles sont rapidement convertis en logement où femmes et enfants s’entassent.  Une fois, leurs familles installées à la haute-ville, Sébastien et les deux cents autres hommes restants dans la ville rejoignirent la milice pour travailler aux fortifications et préparer la défense.  Depuis juillet, le gouverneur et l’intendant étaient partis avec les troupes à Ville-Marie pour résister à l’armée anglaise qui remontait vers la Nouvelle-France pour l’envahir.  Québec n’était plus défendu que par une poignée de soldats et la milice dont faisait partie Sébastien

Heureusement pour la Nouvelle-France, quelques jours avant l’arrivée de la flotte anglaise devant Québec, un revirement inattendu survint.  L’armée de terre anglaise, qui avançait vers Ville-Marie par le sud, perd l’appui de ses alliés les Agniers et doit rebrousser chemin[2]. Ce changement permet au plus gros des troupes françaises de revenir à Québec avant l’arrivée de la flotte anglaise.     

Sébastien et Françoise, avec Marie Renée dans les bras, sont au premier rang quand les batteries de Québec ouvrent le feu sur les navires de l’envahisseur anglais Phipps[3] le 18 octobre 1690.  Le gouverneur Frontenac avait repoussé l’offre de reddition de l’émissaire anglais par la phrase célèbre «La seule réponse que je ferai à votre général viendra de la bouche de mes canons et du feu de mes mousquets».  La ville haute est bien protégée par un mur entrecoupé de batteries et de véritables ouvrages défensifs avoisinant le château Saint-Louis, près du cap Diamant.  Dans la ville basse où résident les Hervet, on trouve deux batteries riveraines équipées de canons lourds de marine de dix-huit et vingt-quatre livres.  Du côté de la terre, une ligne de remblais ponctuée de onze redoutes couvre le côté ouest de la ville.  

Sébastien avait quitté Ville-Marie pendant l’orage iroquois; c’est pendant huit jours que lui et Françoise vivront l’attaque de la tempête anglaise.  Le 21 du même mois, l’anglais fit une honteuse retraite devant une poignée de Français et de Canadiens, comme on appelait à cette époque les gens nés en Nouvelle-France[4].

Même si pour cette fois-ci on avait réussi à déjouer l’anglais, le gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, savait bien que si le Cap Diamant protégeait Québec d’une invasion par le fleuve, son flanc ouest demeurait vulnérable.  Aussi, au lendemain de l’affrontement, il confia à l’ingénieur militaire Josué Dubois Berthelot de Beaucours (1662-1750) le soin de renforcer cette faiblesse.  Tous les hommes valides dont Sébastien furent mis à contribution pour la construction de la palissade.  En comptant les soldats, ils étaient près de cinq cents hommes qui taillèrent à la hache les pièces massives de cèdre qui la composait.  À l’époque de cette construction en 1693, Québec ne comptait qu’environ huit cents habitants[5].

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[1] MYRAND, Ernest. Sir William Phips : devant Québec : histoire d’un siège. Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & Frère bureau de l’Événement, 1893, page 85.

[2] Les Mohawks ou Kanien'kehá:ka (historiquement Agniers) sont l'une des Six-Nations iroquoises/haudenosaunees, lesquelles sont, d’ouest en est : les Tuscaroras, les Sénécas (Tsonnontouans), les Cayugas (Goyogoins), les Onondagas (Onontagués), les Oneidas (Onnéiouts) et les Mohawks.

[3] La gravure ci-haut du XIXe siècle est inexacte à certains égards, notamment dans le cas du château Saint-Louis, qui n’avait qu’un seul étage en 1690, mais elle donne une bonne idée du cours des événements. (Archives nationales du Canada, C6022).

[4] Les «Canadiens, sont des naturels de Canada nez de pere & de mere François» Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, 1703.

[5] RUSS, C.J. «Dubois Berthelot de Beaucours, Josué (Jean Maurice Josué)». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1974, 15 volumes, volume III (Décès de 1741 à 1770).