Ephrem Harvey

6.6.02.6.1 Éphrem Harvey (1824-1902), 6e génération 



Le 16 décembre 1824, Maxime Dubé (1799-1899) accouche de son premier enfant.  Jean Hervé (1798-1862) amène son fils pour le baptême le jour même. Le nouveau-né est nommé Ephrem Harvey.  Il a pour parrain son grand-père Jean Dubé et pour marraine sa tante Anastasie Arvé[1].

C’est donc à Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1824 que fut baptisé le premier enfant portant le patronyme contemporain de « Harvey ».  Ephrem Harvey, cet enfant de la sixième génération, est en effet le premier descendant du migrant Sébastien Hervet (1642-1714) à porter notre patronyme.  Lors des baptêmes ailleurs au Bas-Canada où les descendants sont présents, on utilise encore les formes du patronyme « Harvé » comme à l’Isle-aux-Coudres ou « Hervai » à La Malbaie.

Après son enfance et son adolescence passées à travailler sur la terre familiale comme l’avait fait son père avant lui, Éphrem épouse Desanges Litalien le 10 février 1846, trois ans avant de quitter Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour Sainte-Flavie[2].  Née Marie Anges L’Italien le 18 août 1821 à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, elle est la fille de François (1791-1876) et d’Elisabeth Pelletier (1801-1840), la première de ses trois épouses.  De fait, l’arrière-grand-père de Desanges était le voisin immédiat du grand-père d’Éphrem.  Jacques Bonaventure (1718-1777), ce navigateur génois arrivé au pays vers 1748, avait comme patronyme L’Étoile et il était surnommé l’Italien.  L’usage de L’Étoile fut progressivement abandonné pour être remplacé par l’Italien ou Litalien dans plusieurs lignées de ses descendants comme dans le cas de Desanges[3].

Le nouveau couple demeurera chez le père d’Éphrem à Sainte-Anne-de-la-Pocatière pour trois ans.  Desanges y accouchera de ses deux premiers enfants, Joseph le 27 août 1847 et Augustin le 8 octobre 1848.  

Lorsque son père et le clan familial quittent la Grande-Anse pour Sainte-Flavie en 1849, Éphrem, Desanges et leurs enfants sont également du voyage.  Desanges est de nouveau enceinte cet été-là et accouche à Sainte-Flavie de Marie Rosalie le 22 janvier 1850 ; faute d’église à Sainte-Flavie, la petite est baptisée à Sainte-Luce.  Suivront par la suite François le 30 mai 1853, Ephrem le 9 janvier 1855, Alfred le 15 mai 1856, Anselme le 15 mai 1858 et finalement François Xavier le 3 novembre 1861, tous nés et baptisés à Sainte-Flavie.

À la mort de son père en 1862, Éphrem et sa femme Desanges ont respectivement trente-huit et quarante et un ans.  Leurs huit enfants sont tous nés et force est de constater que la terre que son père lui a laissée ne suffira pas à établir ses sept fils.

La vallée de la Matapédia

Éphrem doit donc trouver une solution et celle-ci passe par une autre migration vers des terres plus nombreuses et non défrichées.  Dans l’arrière-pays, à plus d’une trentaine de kilomètres de Sainte-Flavie, vivent en ermite l’oncle et la tante de l’épouse d’Éphrem depuis 1855.  Malcom Fraser (1818-1896) et Céleste L’Étoile dit l’Italien (1830-1874) s’y sont installés en pleine forêt dans le but d’opérer un des quatre postes de garde pour les postillons et les voyageurs le long du chemin Kempt.  Ce chemin existait bien avant l’arrivée d’Éphrem et sa famille dans la région.  Après le conflit de 1812-1814 entre les britanniques et les Américains, les autorités coloniales cherchaient une route éloignée des frontières américaines pour relier leurs colonies du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse au Bas-Canada.  Le chemin Kempt, reliant Grand-Métis et la baie des Chaleurs, remplaçant le Portage du Témiscouata, fut donc construit et complété en 1833.  Malgré les quatre postes établies le long de son parcours, le chemin de plus de cent cinquante kilomètres en pleine forêt est difficile d’entretien et dangereux en raison des nombreux rivières et lacs devant être traverser ; les autorités coloniales décident d’abandonner le tracé du chemin Kempt en 1857, mais l’oncle et la tante continueront de vivre reclus à cet endroit.  Les autorités ont privilégié un nouveau tracé, celui du chemin Matapédia partant de Sainte-Flavie. 

Éphrem croyait probablement en l’avenir du nouveau tracé longeant la vallée de la Matapédia complété en 1867.  Il avait toutes les raisons d’espérer un avenir pour son chemin, car une des conditions de l’entrée du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard dans la nouvelle Confédération de 1867, était la construction d’une voie ferrée les reliant au reste du Canada.  La construction du chemin de fer de l’Intercolonial passant par la vallée de la Matapédia qui allait rejoindre le Grand Tronc à Rivière-du-Loup était sur toutes les lèvres depuis 1864.  Les possibilités d’emploi comme bûcherons ou journaliers afin d’ouvrir la voie à ce trajet ferroviaire ont pu aussi peser dans la balance sur la décision de migration d’Éphrem en pleine forêt.  Sa construction débutera en 1871 et sera achevée en 1876.  C’est ainsi qu’il demande et se voit octroyer une immense terre du département des terres de la couronne vers la fin de 1867. 

Lui, son cousin Georges Saint-Amand (1822-1891), le fils de sa tante Marguerite Hervé et d’Étienne Gagné (1830-1896), neveu de Daniel Ross, celui de qui le père d’Éphrem avait acquis ses terres de Sainte-Flavie, partent donc s’établir sur le chemin Matapédia à une trentaine de kilomètres dans l’arrière-pays à l’entrée de la vallée de la Matapédia sur la ligne de partage des eaux qui sépare le bassin du fleuve Saint-Laurent de celui de la baie des Chaleurs.  Éphrem avait d’abord vendu sa terre à Joseph Morissette (1821-1904) de Sainte-Luce en janvier 1868[4].  Le nommé Morissette était marié à une DuTremble dite Desrosiers reliée à Mérance Harvé, la cousine ou demi-sœur d’Éphrem, aussi mariée à un DuTremble[5].

C’est donc tôt au printemps que ces trois défricheurs après avoir suivi le chemin Matapédia, un sentier de bois large de neuf pieds, s’établissent sur un territoire qui deviendra le village de Saint-Moïse.  Ils sont aujourd’hui considérés comme les pionniers de Saint-Moïse. 

Après des tractations avec l’abbé Moïse Duguay, le curé de Sainte-Flavie, Éphrem et ses comparses construisent une chapelle en 1870 et la Mission Saint-Moïse est créée.  Avec l’arrivée, d’autres défricheurs provenant des paroisses de Sainte-Angèle-de-Mérici et de Saint-Octave, où les lots se raréfient, Éphrem et ses deux compagnons fondent donc en 1873 ce premier village de la vallée de la Matapédia, la porte d’entrée de La Vallée.  

Le premier curé, Joseph Ferdinand Audet dit Lapointe (1839-1895), arrive cette année-là et la mission devient paroisse alors que le lieu compte déjà une cinquantaine de familles[6]. Éphrem qui a acquis une certaine notabilité dans la paroisse par le simple fait d’en être l’un des fondateurs et défenseurs se liera si bien d’amitié avec le curé que ce dernier dans quelques années, alors qu’il avait quitté la paroisse depuis plus de trois ans, prêtera à Éphrem les fonds nécessaires à l’acquisition de nouvelles terres pour établir ses fils[7].  Comme il donnera sa propre terre en garantie et que son ami le curé lui chargeait huit pour cent d’intérêt par année, Éphrem réglera cette dette en moins de deux ans[8]



Qui dit nouvelle paroisse dit également un conseil de fabrique et Éphrem en fera partie dès sa constitution en 1873.

                                                     


Avec toutes les migrations que la famille connue et, conséquemment, les terres à défricher,  Éphrem et ses deux plus vieux n’ont pu fréquenter l’école.  Par contre, Desanges son épouse et tous les autres enfants ont appris à lire et à écrire.  En 1871, comme il s’y était engagé devant le notaire Joseph Roy lors de la donation le 3 février 1851, depuis la mort de son père, Éphrem héberge toujours sa mère Maxime Dubé dans sa maison du Chemin Matapédia et continuera de le faire jusqu’au décès de cette dernière en 1879[9].

En 1881, ses fils mariés, Joseph et François, se sont bâtis sur des lots qu’Éphrem leur a cédés à même la nouvelle acquisition financée par l’ancien curé.  Il continue de voir sa paroisse et son village grandir.  Un camp de bûcherons y est installé et plusieurs familles y déménagent ; Saint-Moïse compte déjà quatre cent soixante-cinq habitants[10].

Après son mariage en 1886, Xavier, le cadet, demeure dans la maison familiale alors que tous les autres enfants du couple ont quitté la maison avant 1881 ; Xavier et son épouse Zélie Saint-Pierre (1859-1933) s’assureront rapidement d’occuper les places laissées vacantes pendant qu’Éphrem continuera de cultiver sa terre pour une dizaine d’années[11].

En mars 1894, Desanges l’Étoile dit L’Italien décède[12]Éphrem ne semble plus avoir le courage de continuer seul, car en août, tout comme son père l’avait fait, il se donne à François qui prenait soin de lui depuis la mort de Desanges[13].  Il survivra tout de même à son épouse huit longues années et décède à son tour le 13 novembre 1902.  Il n’avait pas tout à fait soixante-dix-huit ans[14].

Les enfants d’Éphrem peupleront Saint-Moïse et la région.  Les nombreux Harvey de la vallée de la Matapédia, surtout ceux de la région de Saint-Moïse, sont pour la plupart ses descendants.  Vers 1918, la terrible grippe espagnole frappa Saint-Moïse et entraîna le décès de familles entières, épargnant pour une grande part les nombreux descendants d’Éphrem.

Éphrem Harvey, ses enfants, données généalogiques — 7e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 16 décembre 1824. 

[2] Ibid. 10 février 1846. 

[3] Bien que née Litalien, on retrouve certaines inscriptions où son patronyme est inscrit au complet L’Étoile dit L’Italien ; il y a aussi certaines inscriptions erronées où il est inscrit l’Italien dit L’Étoile plutôt que l’inverse.

[4] A.N.Q., GN. Minutier Octave Martin, 16 et 26 avril 1868. 

[5] Pour l’identification de Mérance, voir les sous-sections « Marie Madeleine Hervé (1793-1881), 5e génération » et « Jean Baptiste Hervé (1798-1862), 5e génération ». 

[6] DOMPIERRE Michel et Bertrand LEBLANC.  La Matapédia.  Amqui, édition MRC de la Matapédia, 2004, 215 pages. 

[7] A.N.Q., GN. Minutier Pierre Louis Gauvreau, 1er septembre 1880. 

[8] Ibid. 17 mai 1882.

[9] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Rimouski-Est, sous-district du chemin Matapédia, page 10. 

[10] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Rimouski, sous-district de Saint-Moïse, pages 2 et 3. 

[11] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Rimouski, sous-district de Saint-Moïse, page 17. 

[12] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Moïse, 21 mars 1894. 

[13] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Pelletier, 22 août 1894. 

[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Moïse, 15 novembre 1902.