1. À L’Isle-aux-Coudres

L’évolution du patronyme à L’Isle-aux-Coudres

Sébastien (1695-1759), de la deuxième génération, fut le premier à porter le patronyme « Hervé ».  Dès son arrivée à l’Isle-aux-Coudres vers 1722 et jusqu’en 1802, les missionnaires et curés utiliseront la forme « Hervé » du patronyme. C’est dans cette période que naissent les fils de Sébastien « Hervé », Pierre « Hervé » en 1733 et Dominique « Hervé » en 1736, les deux uniques géniteurs de la plupart des Harvey du Québec d’aujourd’hui[1].  Puis viendront leurs fils.  Tous les ancêtres nés de cette troisième génération portèrent donc le patronyme « Hervé ».  Pour ce qui est de mon ascendance, ce fut Joseph « Hervé » en 1782. 

Dans toute cette période de quatre-vingts ans, une seule exception, le cinquième curé de Saint-Louis-de-France de l’île-aux-Coudres qui décédera quelques mois après son arrivée à l’île en 1792, utilise la forme peu commune « Arvé ».  Charles Perrault, nouveau curé à l’Isle arrivé directement de Québec où il n’y eut aucun porteur du patronyme « Hervé » au cours de sa vie, ne connaît pas encore ses ouailles et il ne fait probablement que transcrire ce qu’il entend de la bouche de nos ancêtres.  On ne sait pas si Sébastien, de la deuxième génération, prononçait lui-même le patronyme ainsi ou si ce sont les gens à l’Isle qui ont commencé à ainsi prononcer le patronyme au cours de la génération de Pierre et Dominique.  Chose certaine, cette même façon d’écrire le patronyme sera également utilisée sur la Côte-du-Sud au tout début du XIXe siècle sous la plume d’Antoine Foucher (1741-1812).  Né au Pays des Illinois en Haute-Louisiane[2], ce curé aussi n’avait pas été exposé à notre patronyme et l’écrivait sous sa forme entendue d’Arvé.  Quoi qu’il en soit, on a une indication qu’à tout le moins au tournant du XVIIIe siècle, le patronyme, encore aujourd’hui prononcé Arvé par les habitants de l’Isle-aux-Coudres, avait déjà pris cette forme phonétique.  Partout où vous irez au Québec aujourd’hui, c’est ainsi que le patronyme «Harvey » sera prononcé ; les régions aux contacts fréquents avec la langue anglaise comme l’Outaouais feront généralement exceptions.

Mais revenons au début du XIXe siècle, alors que les curés à l’Isle-aux-Coudres, qui connaissaient la forme originale « Hervé », hésitent dans leurs façons d’écrire le patronyme.  Dans les vingt prochaines années, de 1802 à 1822, on verra passer plusieurs formes du patronyme, dont « Hervé », « Hervai », « Hervay » et « Harvé »,pour revenir à nouveau à la forme « Hervé » de 1819 à 1822.  Bien que six ecclésiastiques soient passés par l’Isle dans cette période, seulement trois d’entre eux sont responsables de ce remue-ménage de notre patronyme.  Germain « Hervé », mon arrière-arrière-grand-père, naîtra dans cette période tumultueuse de notre patronyme en 1808.

Trois curés se succéderont par la suite dans le berceau de notre patronyme et apporteront un peu de stabilité après tout ce tumulte en employant pour vingt ans la forme «Harvé » de 1823 à 1843.  Né en 1842, mon arrière-grand-père Joseph portera le patronyme « Harvé » que mon père et ses frères affectionnaient particulièrement et suffisamment pour l’avoir utilisé à divers moments dans leur vie respective.

Le quatorzième curé de Saint-Louis Jean-Baptiste Pelletier utilisera pendant trente-cinq ans la forme « Harvay ».   À son arrivée à l’Isle en octobre 1843 et cela jusqu’en août 1878, chaque inscription de notre patronyme respecte cette forme.  

Puis, arrivera l’apôtre du changement final en octobre 1878.  Tout au début, le quinzième curé, Jean-Alphonse Pelletier, écrivit notre patronyme comme son frère l’avait fait pendant tant d’années.  Puis, sans qu’on sache pourquoi ce même curé à partir du 25 mai 1879 lors du baptême de Marie Anne une sœur de mon grand-père adoptera la forme de notre patronyme actuel « Harvey » dans ses registres.  Il avait utilisé la forme « Harvay » à quatre reprises depuis son arrivée et une cinquième et dernière fois le 28 février 1879.  Pourtant son frère Jean-Baptiste qui avait été nommé grand-vicaire demeura au presbytère à l’Isle jusqu’à sa mort en 1892, ce conservateur légendaire avec sa constance dans la manière d’écrire notre patronyme, n’était tout de même pas celui qui avait soufflé à l’oreille de Jean-Alphonse ce changement de graphie.  Nos ancêtres à l’Isle baptisés « Harvay » continueront de signer les registres sous cette forme pendant que le nouveau curé baptisera la prochaine génération à sa façon. 

Les registres futurs de l’Isle ne verront plus notre patronyme prendre de nouvelles formes.  Ainsi, mon grand-père Georges né en 1884 fut le premier « Harvey » de ma lignée.

Le patronyme « Hervet » apporté de France connaîtra donc, à l’Isle, huit formes transitoires avant d’adopter sa forme actuelle « Harvey ».

L’évolution du patronyme sous la plume des curés à L’Isle-aux-Coudres, le berceau des Harvey d’origine française d’Amérique

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 [1] Il y a également des porteurs du patronyme Harvey originaires des îles de la Madeleine qui ne sont pas des descendants de Sébastien Hervet et de Françoise Philippeau comme la grande majorité des Harvey québécois.  Ils sont des Hervy et non des Hervet ce qui n’en fait pas moins des Harvey d’origines françaises.  Leur histoire se retrouve également dans le présent chapitre. 

[2] TANGUAY, Cyprien.  Répertoire général du clergé canadien : par ordre chronologique depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours. Québec, Édition C. Darveau, 1868, page 126.