5 Joseph Arvé

5.6.11.5 Joseph Arvé (1814-1904), 5e génération

À la fin de l’été 1814, le 19 août naît un troisième garçon au couple formé de Joseph Hervé et Marie Anne Tremblay.  Ils choisissent pour parrain Joseph Tremblay (1795-1867), le fils du frère aîné de Marie Anne.  On prénomme l’enfant Joseph comme son père et son parrain, une pratique assez commune à l’Isle aux Coudres.  La marraine est Marie Julie Migneau (1786-1857) la femme de Louis (1784-1863) le seul frère du père encore à l’Isle, qui demeure plus bas en direction de la chapelle.  Le curé de l’époque baptise l’enfant sous le nom de «Joseph Arvé»[1].  Il est l’un des rares descendants du migrant à porter cette forme du patronyme; de fait, ils ne sont qu’une douzaine à avoir été ainsi nommée entre 1791 et 1889.

L’enfance de Joseph est celle de tous les enfants à l’Isle; un peu de jeux et beaucoup de travail sur la terre du père. Joseph a peu d’intérêt pour la mer et il sait qu’il ne doit pas attendre la terre de son père puisque l’aîné Germain est en ligne pour la recueillir une fois que le père l’aura décidé.  Il travaillera malgré tout sur cette terre qui ne sera jamais la sienne pour très longtemps. On le sait toujours à l’Isle dans la maison de ses parents au printemps 1834 alors qu’il a près de vingt ans. Il s’agit là de sa dernière trace à l’Isle avant son mariage dans neuf ans[2].  On peut croire que comme la plupart des fils de l’île, l’hiver, Joseph travaillait dans les bois comme bûcheron dans l’arrière-pays des seigneuries des Éboulements, de Murray Bay, de Mount Murray ou peut-être même au Saguenay qui ouvrira ses portes avant la fin de la décennie.  On en aura bientôt la confirmation.  

Il quittera donc l’Isle pour défricher et s’installer sur une terre de quatre-vingts arpents à Saint-Irénée.  Il a sans doute acquis cette terre avec l’aide de son père puisqu’encore à l’époque, le père avait la responsabilité d’établir ses fils et ce dernier en avait les moyens.  La paroisse de Saint-Irénée n’existe pas encore à l’arrivée de Joseph sur sa terre.  Le secteur, encore à l’époque nommé Petite-Rivière-Malbaie du nom du cours d’eau qui le traverse, est encore desservi par le curé de Saint-Étienne de la Malbaie et est partie prenante de la seigneurie des Éboulements dont Marc Pascal de Sales Laterrière en est le cinquième et dernier seigneur.

À l’hiver 1841-42, Joseph Hervay est déclaré cultivateur dans le secteur qui deviendra sous peu Saint-Irénée; il est propriétaire du bien de fond.  Il cultive déjà soixante arpents de cette terre.  Joseph est l’un des voisins de son cousin Pierre Hervez (1799-1867), le fils de Dominique Isaïe Hervé, le demi-frère de son père, le plus jeune des garçons du premier lit de son grand-père.  Les autres voisins aux alentours sont pour la plupart des fils de l’Isle également de première ou de deuxième génération; c’est le cas des nombreux Gonthier dit Gauthier à Saint-Irénée.    La population n’est que d’environ cent quatre-vingts habitants.  Vingt-sept chefs de famille y sont établis et huit d’entre eux ne possèdent pas leur terre; ils y résident avec leur famille et travaillent comme journaliers.  Il y a également trois célibataires comme Joseph qui se défrichent une terre et vivent en autres moyens de la vente du bois coupé en hiver.  Benoni Gauthier (1784-1866) opère un moulin à scie depuis 1819 sur la Rivière-Malbaie qui ne portait pas encore le nom de rivière Saint-Irénée (aujourd’hui rivière Jean-Noël).  Plusieurs y travaillent et ceux qui ne le font pas y écoulent le bois coupé sur leur terre.  De plus, Benoni embauche des bûcherons et offre de couper le bois sur les terres des nouveaux colons pour leur permettre de cultiver celles-ci; une pratique courante à l’époque dans la région[3].  Benoni s’assure ainsi d’un approvisionnement en bois pour son moulin à peu de frais et le colon qui a souvent une famille à nourrir, peut rapidement commencer à cultiver sa terre.  Il ne faut donc pas se surprendre si en 1842, Joseph cultive déjà soixante des quatre-vingts arpents de sa terre.   S’il a récolté soixante boisseaux de Winchester[4] de seigle et vingt-quatre boisseaux de pois l’année dernière ce n’est sûrement pas pour sa consommation personnelle! Ainsi Joseph, autre que le bois, faisait aussi le commerce des produits de la terre[5].

L’été suivant, Joseph qui a maintenant vingt-huit ans revient se chercher une épouse à l’Isle.  Le 29 août 1843, Joseph Harvé épouse la jeune Séraphine Bergeron (1821-1844)Séraphine est la fille de Thomas (1793-1872) et de feu Marthe Desbiens (1794-1836)[6].  Le couple était passé chez le notaire pour la signature de leur contrat de mariage trois jours auparavant avec une kyrielle de témoins[7].  La mère de celle qu’il prend pour femme est la sœur aînée de sa belle-sœur Archange Desbiens (1812-1887) mariée à son frère aîné Germain (1808-1902). Joseph ramène donc sa nouvelle épouse dans sa maison de Saint-Irénée où il vivra comme cultivateur-bûcheron et entrepreneur forestier pendant sa vie adulte. 

Ce n’est qu’en mai 1840 que l’évêché de Québec accorde l’érection canonique de la paroisse de Saint-Irénée. Ce ne sera que quatre ans plus tard, alors que les habitants de la paroisse comme Joseph qui ont été chargés de construire une église obtiendront sa reconnaissance définitive par les autorités diocésaines.  Le territoire de Saint-Irénée est donc issu d’un morcellement de plusieurs paroisses, soit les rangs Saint-Pierre et Saint-Nicolas de la paroisse de Sainte-Agnès, celui de Terrebonne de Saint-Étienne de la Malbaie et ceux de Saint-Antoine, de Saint-Thomas et du Ruisseau-Jureux des Éboulements[8]

C’est le 23 octobre 1844 que Saint-Irénée accueille son premier curé résidant en la personne de l’abbé Charles Pouliot (1815-1897).  Quelques jours plus tard, le premier novembre, il baptise Marie Olimpe Harvey née le même jour.  Ainsi Séraphine donnait à Joseph Harvey son premier enfant.  

Marie Olimpe ne survivra probablement pas longtemps. Elle n’est plus dans la vie de Joseph lors du recensement de 1851.  L’aurait-il donnée en adoption à l’un de ses parents à la mort de sa femme quelques jours après l’accouchement? Chose certaine, elle n’est pas décédée à Saint-Irénée puisqu’elle n’apparaît pas dans les registres de la paroisse ni des paroisses de Saint-Étienne de la Malbaie ou de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres entre sa naissance et le recensement de 1851.  On la sait pourtant toujours vivante en 1848 puisque pour se marier à nouveau, son père devra demander au notaire d’effectuer un inventaire du patrimoine de la communauté qu’il formait avec sa défunte épouse[9].  Si elle fut prise en charge par une famille, chose fort probable, elle n’utilisa plus son patronyme de baptême puisqu’elle n’apparaît nulle part au Bas-Canada aux recensements de 1851 et 1861.  Mystère

Séraphine Bergeron ne survivra pas à son premier accouchement. Six jours plus tard, le 7 novembre 1844, elle décède des suites de la naissance de la petite Marie Olimpe à l’âge de vingt-trois ans.  Joseph enterre sa femme deux jours plus tard[10].  Le couple n’aura connu qu’un court bonheur d’un peu plus d’une année.

Joseph, trente-trois ans, qui a perdu sa première épouse depuis plus de trois ans maintenant et qui demeure toujours à Saint-Irénée rencontre une jeune veuve qui a trente ans, Flavie Girard (1817-1904); elle est la belle-sœur de deux des voisins de JosephFlavie avait perdu son époux Thomas Gontier dit Gauthier (1820-1846), mort noyé sur le fleuve à la hauteur de Château-Richer le 15 juin 1846[11].  La jeune veuve à deux enfants, Jean-Baptiste sept ans et Éléonore qui en a trois.  Après la signature du contrat de mariage avec parents et amis[12], Joseph épouse Flavie en l’église de Saint-Irénée le mardi 29 février 1848.  Son père qui a soixante-cinq ans traverse le fleuve en plein hiver pour assister au mariage de son fils[13].  Le père ne s’était pas amené seul, il avait fait la traversée avec son aîné Germain quelques jours plus tôt.  Ce dernier profite du voyage pour acheter à Joseph sa part du patrimoine familial dont il sera bénéficiaire comme aîné; Joseph lors de leur passage chez le notaire pour la signature de son contrat de mariage fournit à Germain sa quittance[14].   

Le couple formé de Joseph et Flavie aura six enfants qui naîtront tous à Saint-Irénée. Flavie accouche de son premier le 1er janvier 1849. Joseph Octave Harvey est baptisé le même jour. Son oncle Octave Girard (1829-1915) et sa tante Dina Gauthier (1830-1911) agissent comme parrain et marraine.

Joseph Octave épousera Marie Émilie Bouchard (1845-1935) le 26 janvier 1874 à Saint-Irénée. Marie Émilie aura un enfant qui décédera à la naissance le 27 février de l’année suivante.  Joseph Octave qui a vingt-huit ans décède le 20 janvier 1877.  Il est inhumé deux jours plus tard par Joseph son père et son beau-frère.

Vingt-deux mois plus tard naît Marie Jude dite Adélaïde Harvey.  L’enfant est baptisé quelques heures après sa naissance le 30 novembre 1850.  Le parrain est Isidore Gauthier (1822-1878), un frère du premier époux de la mère de l’enfant et également le mari de sa sœur Sara Girard (1822-1918).  Louise Dufour (1821-1890) est la marraine. Louise qui est également native de l’île aux Coudres et est l’épouse de Louis Tremblay (1818-1891) un cousin de Joseph, qui s’est installé à Saint-Irénée dans la même période que ce dernier.  Louis est le fils de tante Marie Josephe Hervé (1788-1854).

Marie Jude sera prénommée Adélaïde tout au long de sa vie.  Déjà, au recensement de 1851, elle est prénommée Adélaïde.  Elle épousera Georges Tremblay (1843-1926) le 18 août 1868 à Saint-Irénée.  Georges Tremblay est un cultivateur-commerçant de bois, tanneur de son métier et natif des Éboulements.  Le couple s’établit d’abord à Saint-Irénée et y demeure une vingtaine d’années où ils y auront une dizaine d’enfants[15].  La tante Danie Hervay, la sœur de Joseph emménagera en 1891 chez Adélaïde.  Elle n’y demeurera pas longtemps puisque le couple quitte Saint-Irénée quelques années plus tard pour s’établir à Saint-Patrice-de-la-Rivière-du-Loup à quelques kilomètres à l’est de Fraserville qui deviendra sous peu Rivière-du-Loup.  Marie Jude dite Adélaïde n’y vivra pas longtemps puisqu’elle y décède le 29 novembre 1898, et y est inhumée le 2 décembre suivant.

Une adolescente de seize ans, Marie Zénobie Bouret (1835-1910) dite Beauseigle, fait son entrée dans la maison comme domestique[16].  Les Leboeuf dit Beauseigle ou Bouret dit Beauseigle sont apparentés au cousin Pierre Hervez qui vit également à Saint-Irénée comme on l’a vu; deux de ses enfants ont marié des Beauseigle.  Flavie qui est enceinte pendant l’hiver 1851-1852 aura un peu d’aide pour s’occuper des six bouches à nourrir à la maison. 

Flavie a peu de repos, vingt mois se sont passés depuis la naissance de son dernier enfant quand elle accouche du deuxième garçon de JosephHéli Harvey dit Élie naît le 17 juillet 1852 et est baptisé le même jour.  François Gauthier (1835-1908) le voisin est le parrain alors que la domestique Zénobie Bouret dite Vaucelle pour l’occasion est la marraine[17].

Élie, comme il sera prénommé toute sa vie, épousera Marie Gauthier (1868-1893), fille de Sarathiel Gauthier (1836-1892) et de Pétronille Perron (1832-1912), le 14 avril 1885 à Saint-Irénée.  Ce n’est pas un hasard si Élie épouse une Gauthier.  Les Gonthier de l’Isle aux Coudres devenus des Gauthier à Saint-Irénée sont plus de cent cinquante à y vivre.  Ils constituent le patronyme le plus répandu dans la paroisse bien évidemment.  Héli dit Élie et Marie auront cinq enfants, Marie Émérentienne née le 22 mai 1886, Marie Emma Caroline née le 16 avril 1888, Joseph Élie né le 23 mars 1890, Joseph François né le 25 juin 1891 et Joseph Albert Élie né le 29 mai 1893.  Ce dernier deviendra un père blanc d’Afrique de renom[18].  Marie Gauthier décédera des suites de son dernier accouchement le 3 juin 1893.  En secondes noces, Élie épouse Pétronille Larouche (1857-1935) le 8 octobre 1894 en l’église L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge aux Éboulements.  Cette dernière donnera à Élie quatre enfants, Oscar le 7 mai 1896, Joseph Arthur Philippe le 5 avril 1898, Joseph Élie le 15 octobre 1899 et Albert le 11 juin 1901.  Après avoir perdu sa seconde épouse en 1935, Élie s’éteint le 2 janvier 1940 dans son village natal.

Comme bien d’autres, Joseph tirait une bonne partie de ses revenus du bois qu’il coupait en hiver et qu’il vendait au moulin.  Sa terre est par contre épuisée, lui qui n’avait plus qu’une vingtaine d’arpents en bois debout dix ans plus tôt.  Depuis que sa terre, comme les forêts de Saint-Irénée ont été grandement entamées, plusieurs jeunes de l’endroit commencent à reluquer vers le Saguenay et Joseph ne fait pas exception, car il y passe les hivers comme bûcheron.  

Les habitants du coin ont de nombreux parents sur le territoire du Saguenay à l’époque.  C’est le cas pour Joseph qui compte des beaux-frères s’y étant installés ou qui ont fait l’acquisition de terres dans le township de Chicoutimi.  Son beau-frère Octave Girard, le cadet des frères de Flavie et parrain de son fils Joseph Octave y possède une terre en bois de bout donnant sur la rivière Chicoutimi ou rivière du Bassin dans la onzième concession depuis un certain temps, car il en fut le premier occupant.  Alors que Joseph passe l’hiver au Saguenay, le 16 janvier 1854, à Chicoutimi, il achète la moitié sud-est du ce lot numéro quinze appartenant au beau-frèreL’autre moitié ira à son autre beau-frère Isidore Gauthier, voisin immédiat à Saint-Irénée et parrain de Marie Jude.  Octave, qui a d’autres projets, cède également à Joseph la grande quantité de bois coupés se trouvant déjà sur cette terre.    Il est probable que c’est à cet endroit que lui et quelques beaux-frères bûchaient depuis quelques années puisque la terre est voisine de celle d’un riche armateur de La Malbaie, Antoine Riverin (1808-1895) qui fait le transport et le commerce du bois.  De fait, Joseph et Isidore Gauthier s’associent dans une entreprise de sciage de bois[19].  Le montant de la transaction est de trente «louis argent courant de cette province» pour chacune des moitiés de terre que viennent d’acquérir Joseph et Isidore.  De plus, ils ne doivent verser que six louis chacun comptant lors de la transaction et la balance au cours de l’été.

Pendant l’hiver les deux associés font construire par Charles Dufour, maître charpentier de Chicoutimi, un moulin à scie avec ses dalles et écluses à cet endroit.  Le site est immense; au total plus de sept arpents de fronts sur la profondeur de la concession. Les installations leur coûteront quarante louis au total, mais il n’en verse que vingt au début des travaux.  On ne connaît pas réellement les intentions de Joseph, mais un déménagement à Chicoutimi n’est assurément pas en vue, car lui et son beau-frère se départissent de l’ouvrage et de leur terrain commun au beau milieu de l’été.  La vente se fait au profit du marchand de Chicoutimi Jean Johnny Guay (1828-1880) le 17 juillet suivant pour la somme de deux cents louis[20].  Guay s’engage à payer les vingt louis restants au charpentier de l’œuvre.  Après avoir payé à Octave les quarante louis restants sur la transaction originale de janvier, les deux comparses s’en tirent avec un bénéfice net de cent vingt louis.  De plus, ils ont vendu à un autre acheteur le bois qu’Octave avait déjà coupé sur sa terre en plus du bois qu’ils y ont bûché tout l’hiver.  Si lors de la vente chez le notaire ils déclarent ne savoir signer, ils savaient assurément compter[21]

Au début d’avril 1855, Joseph de Saint-Irénée est l’heureux père d’un quatrième enfant de sa deuxième épouse Flavie Girard.  Il honore la mémoire de Louis Didier, son frère cadet décédé l’hiver précédent, en prénommant l’enfant Louis Didier au lendemain de sa naissance lors du baptême le 2 avril.  Joseph Tremblay est parrain et la voisine, l’épouse de François Gauthier, Béatrice Girard (1833-1907) est la marraine[22].

Louis Didier épousera Laure Bouchard (1864-1940), une fille de Saint-Irénée, le 14 avril 1885.  Laure est la fille de Gilbert Bouchard (1828-1893) et de Catherine Bouchard (1832-1882).  Ils auront au moins sept enfants.  Les trois premiers naîtront à Saint-Irénée.  Puis, le couple partira s’établir à Saint-Bruno du lac Saint-Jean où Didier pratiquera son métier de tanneur et y tiendra commerce et où Laure y aura ses quatre derniers enfants.  Ils y étaient toujours en 1911 avec quatre de leurs enfants et un jeune pensionnaire de seize ans qui demeuraient sous leur toit[23]Didier décède le 12 décembre 1931 à Saint-Félicien[24].

Deux ans plus tard, Flavie assurera la postérité de son prénom.  Le 24 mai 1857, elle donne naissance à une petite fille que les parents prénommeront Marie Flavie au baptême le jour suivant.  Le parrain est Louis Tremblay, le cousin de Joseph.  On se souviendra que la femme de Louis Tremblay avait été la marraine de Marie Jude dite Adélaïde, le deuxième enfant du couple.  La marraine est la tante de l’enfant, Danie dit Marie Dorie Harvay.  Depuis le décès du docteur Louis Didier Hervay en 1854 où cette dernière travaillait et demeurait, elle est revenue vivre chez Joseph à Saint-Irénée.  La vieille fille de la famille demeurera un certain temps chez son frère puisqu’en 1861 elle y demeure toujours.  Elle agit probablement comme domestique puisque c’est ce qu’elle fit toute sa vie chez un parent ou l’autre.  D’ailleurs, dans quelques années, ce sera chez les enfants mariés de Joseph qu’elle s’établira.    

Marie Flavie demeurera célibataire toute sa vie.  À trente-trois ans en 1891 elle demeure toujours chez ses parents[25].  Elle décède à l’âge de trente-six ans le 19 mars 1894[26].

Joseph a beau demeurer à Saint-Irénée, cela ne l’empêche pas de faire la traversée et ainsi d’être de toutes les fêtes à l’île aux Coudres.  À la fin juillet 1858, il agit comme témoin au mariage de son neveu Pierre Célestin Leclerc (1832-1908), le fils de Marie dite Archange[27].

L’épouse de Joseph à quarante-deux ans lorsqu’elle accouche de son dernier enfant le 15 novembre 1859.  L’enfant est baptisé le lendemain au prénom d’Hippolyte Grégoire.  Bien que l’on soit à Saint-Irénée, le curé utilise le patronyme Hervé.  Le parrain est Hippolyte Girard et Marie Gauthier est la marraine. 

Hippolyte épousera Élise Taché (1870-1928), fille de Thomas (1844-post.1889) et de Marie Gilbert (1849-post.1889), le 20 août 1889 à Saint-Irénée.  En 1901 le couple avait déjà cinq enfants et Hippolyte Hervé, comme plusieurs Harvey dans Charlevoix, se croyait et se déclarait d’origine écossaise[28].  Il pratiquait le métier de navigateur comme son beau-père et habitait toujours Saint-Irénée.  Hippolyte et sa famille quittent le village en 1909 peu de temps après pour s’établir à Salem au Massachusetts et y trouver du travail puisqu’ils y recevront un numéro de sécurité sociale[29]Hippolyte, dit Paul aux États-Unis, ainsi que sa famille sont recensés à cet endroit en 1910[30].  Ce dernier y trouve un emploi de chauffeur.  L’aventure est difficile et la famille revient s’installer à Montréal vers 1912, sauf le fils aîné Edmond (1890-1950) qui demeurera aux États-Unis.  Ils vivront et finiront leur vie dans le quartier Hochelaga à Montréal où Élise décédera en 1928 et Hippolyte le 31 décembre 1950.  Ils sont tous deux inhumés au Repos Saint-François d’Assise que les Montréalais appellent encore le cimetière de l’Est.    

Joseph épaulera dans leur installation à Saint-Irénée les plus âgés des enfants de sa sœur Marie Anne (1803-1846) décédée, François Narcisse (1829-1922) et Germain Lajoie (1831-1891).

Joseph cultivera ses terres jusqu’au printemps 1878 et une partie de l’une d’elles, sise à Saint-Irénée, jusqu’à la fin de sa vie.  C’est en 1878, à l’âge de soixante-trois ans, qu’il passe le plus gros de la main.  Lui et sa femme se donnent à leur fils respectif Jean Baptiste Gauthier et Didier HarvezJoseph n’est pas sans le sou, les autres enfants n’ayant pas à soutenir leurs parents jusqu’à leur mort hériteront tout de même :   

Afin de s’assurer de son bien-être, de celui de sa femme et de ses enfants non mariés Joseph avait fait ficeler par son notaire un contrat de donation à toute épreuve gardant au-dessus des têtes de Jean Baptiste et Didier une constante épée de Damoclès; il avait pris une «hypothèque spéciale» sur l’ensemble des biens légués juste au cas où ses fils ne rempliraient pas leurs parts de la donation[31].  En cette même journée du 28 mars 1878, Joseph et Flavie rédigent leurs testaments respectifs dans lesquels ils nient toutes autres prétentions que leurs autres enfants pourraient avancer et exigent qu’ils se contentent de ce que l’acte de donation a stipulé pour eux[32].

Joseph vivra encore vingt-six ans sur cette terre qui était devenue celle de son beau-fils.  Flavie s’éteint le 26 septembre 1904[33] ; Joseph la suit peu de temps après alors qu’il décède à l’âge de quatre-vingt-dix ans le 27 décembre de la même année.  Il est inhumé trois jours plus tard au cimetière de la paroisse où il aura vécu sa vie adulte[34].

Joseph Arvé, ses enfants, données généalogiques — 6e génération 

[1] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 19 août 1814.  Les variantes orthographiques du patronyme utilisées dans le texte sont celles des documents consultés; elles reflètent un peu l’évolution de l’écriture du patronyme dans la région.

[2] Ibid., 30 mars 1834.  Baptême du neveu Paschal Lajoie, Joseph Arvé parrain.

[3] PELLETIER, Louis, op.cit., pages 95 et 97. 

[4] Deux sortes de boisseaux étaient en usage au Bas-Canada au XIXe siècle. Le plus ancien est le boisseau de Winchester (1 minot = 1,107 boisseau de Winchester).

[5] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de Saint-Irénée, microfilm C-725, page 7.  En septembre 1841 les autorités britanniques conviennent du besoin de tenir un recensement. Ce dernier devait être complété avant le 1er février 1842.  À Saint-Irénée, comme ailleurs au Bas-Canada, deux chefs de famille refusent de fournir l’information au recenseur représentant du gouvernement britannique.  La Rébellion de 1837-1838 et les difficultés que donnent aux colons du Saguenay les représentants de Sa Majesté britannique entraînent de nombreux refus à travers la colonie.  Cette tentative de décompte de la population n’est pas été couronnée de succès.  Le recensement est repris au cours des mois de mai, juin et juillet 1844.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 29 août 1843.

[7] A.N.Q., GN., Minutier John Kane, no 1006, 25 août 1843.

[8] MAGNAN, Hormisdas. Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la Province de Québec. Arthabaska, Imprimerie d’Arthabaska inc., 1925, page 445.

[9] A.N.Q., GN., Minutier Jean Gagné, no 1930, 26 février 1848.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 9 novembre 1844.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse de la Visitation de Notre-Dame de Château-Richer, 15 juin 1846.

[12] A.N.Q., GN., Minutier Jean Gagné, no 1931, 26 février 1848. 

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 29 février 1848.

[14] A.N.Q., GN., Minutier Jean Gagné, no 1932, 26 février 1848.

[15] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous-district de Saint-Irénée, page 22.

[16] B.A.C., G., Recensement de 1851, district de Saguenay, sous-district de Saint-Irénée, page 17.  Marie Zénobie est née Bouret; elle portera les patronymes de Beauseigle au recensement de 1851, Vaucelle au baptême d’Héli en 1852, de Leboeuf dit Beaucèdre à son mariage en 1858 et de Leboeuf du nom de son père lors de sa sépulture en 1910.  Cette dernière est la fille d’Antoine dit Beauseigle ou dit Vaucelle et de Marie Mercier.  Par contre, son vrai nom était plutôt celui de Leboeuf.  Cet Antoine Leboeuf épousa Marie Mercier le 7 janvier 1828 à Saint-Timothée à l’ouest de Montréal et se réfugia sous d’autres noms dans la région avec sa famille sans que l’on sache pourquoi.  Une fille a été baptisée à Saint-Timothée.  Leurs autres enfants ont été baptisés à Saint-Étienne de la Malbaie, Sainte-Agnès et Saint-Irénée entre 1831 et 1847 sous les noms de famille Bouret, Beauseigle et Vocelle. 

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 17 juillet 1852.

[18] Le fils d’Élie, le révérend père Joseph Harvey, père blanc d’Afrique, décédera à Montréal le 12 mai 1973, à l’âge de quatre-vingts ans, et sera inhumé dans le cimetière paroissial de Saint-Irénée.  On le revit dans la région aux noces d’or de Xavier Girard et Emma Tremblay célébrées à Saint-Hilarion en juillet 1930.  Il était cousin germain du jubilaire.

[19] A.N.Q., GN., Minutier Ovide Bossé, no 244, 16 janvier 1854.  Le moulin bâti pour Joseph Arvé sur la rivière Chicoutimi était en amont de l’actuel barrage Pont-Arnaud; la chute qui alimentait le moulin a disparu lors du rehaussement du lac Kénogami par un barrage et par celui du Pont-Arnaud appartenant à Hydro-Québec.  Elle est donc difficilement localisable.

[20] MALTAIS, Donald.  «Le clan Maltais et les premiers moulins du Saguenay», Saguenayensia, volume 58, numéro 3, 2017, pages 25 et 26. 

[21] A.N.Q., GN., Minutier Ovide Bossé, no 298, 17 juillet 1854.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 2 avril 1855.

[23] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Chicoutimi Saguenay, sous-district du village de Saint-Bruno, page 22.

[24] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Félicien, 14 décembre 1931.

[25] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous-district de Saint-Irénée page 25.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 21 mars 1894.  Sépulture de Flavie Harvez.

[27] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 27 juillet 1858.

[28] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Charlevoix, sous-district de Saint-Irénée page 12.

[29] Index de la Sécurité sociale, États-Unis.

[30] Thirteenth Census of the United States, 1910 population, Massachusetts, Essex County, Salem, 25 avril 1910.

[31] A.N.Q., GN., Minutier Élie Angers, no 1438, 28 mars 1878. 

[32] A.N.Q., GN., Minutier Élie Angers, no 1439 et 1440, 28 mars 1878. 

[33] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 28 septembre 1904.

[34] Ibid., 30 décembre 1904.