2. À La Malbaie

L’évolution du patronyme à La Malbaie

Il est important de mentionner que dès leur arrivée en 1784, dans ce qui est connu aujourd’hui comme La Malbaie, sur la terre ferme, les contacts des « Hervé » sont beaucoup plus nombreux avec l’anglais, car après la conquête, une bonne partie de cette région, les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray furent concédées à des Écossais ayant combattu sur les Plaines d’Abraham pour la couronne britannique. 

À la Malle Baye[1], par exemple, le patronyme « Hervé » prit la forme « Hervez » à consonance anglaise dès 1797, et cela sous la plume du premier curé résidant de l’endroit Joseph Benjamin Keller (1765-1836) arrivé cette année-là.  Ce dernier, bien que né à Québec, avait un père luthérien d’origine britannique qui était établi en Pennsylvanie avant de faire partie des troupes d’invasions lors de la Conquête.  Il se maria à une fille du pays, Marie Ursule Dupont[2].

 « La présence dans la seigneurie de Murray Bay et celle de Mount Murray de patronyme écossais tels, Nairne, Fraser, McNicoll, Blackburn, Hewett et Thomson à cette époque explique très bien la transformation phonétique du nom Hervé en Harvey, patronyme écossais particulièrement connu. » [3]

En 1825, pour les enfants de Pierre (1733-1799) et Dominique Hervé (1736-1812), les deux parents des Hervé de la Malbaye, leurs racines insulaires françaises sont bien loin.  Pères et mères sont décédés depuis longtemps et Sébastien Hervé (1695-1759), leur grand-père que nul d’entre eux n’a connu, est mort avant la conquête.  Aucun d’entre eux n’a connu la Nouvelle-France.  Coupés de leurs racines, on peut alors s’imaginer le peu que savaient les petits-enfants Hervé de leurs origines françaises.  Il ne faut donc pas se surprendre si certains d’entre eux associeront leurs origines aux quelques colons écossais venus s’établir dans la région avec John Nairne le seigneur, écossais lui aussi.  Curés, notaires et recenseurs croiront également de même, mais cela, nous le verrons à la section « Le mythe de l’origine écossaise »Toujours en 1825, lors du recensement, le même recenseur utilise les formes Hervé et Arvais pour inscrire tous ces cousins ; le curé de son côté les nomme Hervai, alors que le notaire penchera plutôt pour Hervey.  Faute d’aînés, porteurs de mémoire parmi les nôtres, on constate ici que l’élite sachant écrire, ne sait guère mieux.  

Bien que le frère Éloi-Gérard Talbot (1899-1976), généalogiste du siècle dernier, ait avancé que l’apparition du patronyme sous sa forme « Harvey » à La Malbaie s’était faite pour la première fois en 1792[4], les registres paroissiaux ne supportent pas cette affirmation.  François-Raphaël Paquet (1762-1836), alors curé des Éboulements desservant Saint-Étienne de la Malbaie, écrivait notre patronyme sous la forme « Erver » entre 1792 et 1795 comme il le faisait à l’Isle-aux-Coudres où il officia également pour une période de neuf mois en remplacement du curé décédé en 1793. 

C’est plutôt sous la plume de Godfroid (Godefroy) Tremblay (1800-1879) vicaire en 1832 qu’est apparue dans les registres de Saint-Étienne de la Malbaie la forme du patronyme « Harvey » pour la première fois[5].  Godfroid (Godefroy) Tremblay, natif de l’Isle-aux-Coudres, avant de faire sa prêtrise, avait travaillé dans le commerce maritime à Québec près d’une dizaine d’années où il avait pu rencontrer cette forme du patronyme.  Dans cette période, plusieurs militaires britanniques portant le patronyme « Harvey » s’y trouvaient en garnison dont certains de hauts rangs, de même que le cordonnier « James  Harvay »

Notre patronyme par les enfants de Pierre et Dominique, qui habitent les villages de la côte, dans ce qui est connu aujourd'hui comme la région de Charlevoix, y épousera donc progressivement, mais plus rapidement la forme « Harvey » dans le deuxième tiers du XIXe siècle passant là aussi par toutes sortes de formes transitoires.


L’évolution du patronyme sous la plume des curés à Saint-Étienne de la Malbaie

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1797.

[2] TANGUAY, Cyprien.  Répertoire général du clergé canadien : par ordre chronologique depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours. Québec, Édition C. Darveau, 1868, page 139.

[3] CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, page 166.  Bien que le Dr. Claveau ait tout à fait raison sur l’influence de la langue anglaise sur le patronyme Hervé, il associe par contre le patronyme Harvey à un patronyme écossais, alors qu’il est d’abord et avant tout d’origine bretonne.

[4] TALBOT, Éloi-Gérard, B.A., B.P., mariste. Recueil de généalogie des comtés de Charlevoix et Saguenay. 2e édition, Château-Richer, 1940, page 290.  Cette affirmation fut sans doute copiée et reprise par Nérée Tremblay en 1948 dans la rédaction de sa monographie de la paroisse Saint-Hilarion.  L’erreur vient de la lecture du patronyme de John Hewet marié à Mary McDougall.  Cet écossais converti au catholicisme a vécu dans la seigneurie de Murray Bay pour quelques années.  Son patronyme sous la plume des curés et notaires prit différentes formes, Hervé, Hervet et Harvey.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1832. 1ère inscription le 31 octobre lors du baptême de Thomas Harvey.