Joseph Harvey

 (1886-1961) 

Joseph Albert Harvey est né le 19 avril 1886 à Saint-Irénée dans Charlevoix[1].  Il est un autre fils célibataire de la septième génération de Harvey qui quittera son village natal de Charlevoix le 9 avril 1905, alors qu’il est sur le point d’avoir dix-neuf ans[2].  Il part rejoindre Wilfred Harvey (1875-1917), son demi-frère et sa tante, qui vivent tous deux à Salem au Massachusetts.  Joseph Harvey est le septième fils et onzième enfant de Guillaume Harvai (1835-1913) à Denis Hervé (1803-1887) à David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812). 

Avec son rang de onzième enfant, Joseph n’a rien à attendre de la terre familiale.  Il n’en jouira jamais.  Il sait donc depuis longtemps qu’il devra construire son avenir ailleurs que sur le lopin de terre de son père et il reluque probablement depuis des années son demi-frère Wilfred (1875-1917), parti faire sa vie aux États-Unis.  Ce dernier revient régulièrement se pavaner à Saint-Irénée et raconter comment la vie là-bas est différente.  Wilfred n’est pas le seul à rapporter les histoires de cette grande ville américaine de Salem, car de nombreuses familles du village ont un parent ou un enfant établi là-bas et qui se pointe le nez de temps en temps, rapportant des récits surréels sur la vie américaine.  Joséphine Duchêne, la tante de Joseph, y vit d’ailleurs depuis 1895.


Quand il traverse la frontière américaine le 10 avril 1905, il n’a dans ses bagages que de l’espoir bâti à partir des histoires racontées par les expatriés venus en visite au pays.  Joseph verra bientôt qu’il s’agissait largement de contes de fées et non de réalités.  Personne n’avait réellement parlé du travail de plus de soixante heures par semaine, debout derrière une machine.  Ils s’étaient bien gardés de mentionner que l’air respiré dans ces usines de la Nouvelle-Angleterre ne ressemblait en rien à celle du fleuve Saint-Laurent et qu’elle entraînait bien souvent toute sorte de maladies pulmonaires, dont la tuberculose qui en tuait plusieurs.

Qu’à cela ne tienne, Joseph ne reviendra pas en arrière et quand il le fera ce ne sera que pour rendre visite à la famille.  Il répétera alors aux siens les mêmes idéalisations qu’il avait lui-même entendu plus jeune.

Trois ans après son arrivée à Salem, le 2 mars 1908, Joseph qui a maintenant vingt et un ans épouse Marie Adelphine (dite Delphine) Tremblay, une fille de quatre ans plus vieille que lui.  Native des Éboulements, elle est arrivée aux États-Unis dans la décennie précédente, avec ses parents et les neuf autres enfants de sa fratrie.  Delphine travaille dans une manufacture de chaussures alors que Joseph est journalier[3].  Le couple aura cinq enfants qui naîtront tous à Salem : Simone (1909), Edna (1910), Laurencia (1912), Lionel (1913), Antonio Philipp (1915).

Dès 1909, Joseph travaille dans l’industrie de la chaussure, industrie dominante à Salem.  Il exercera ce métier toute sa vie[4].

Pour se loger, Joseph n’agira pas de façon différente que son demi-frère Wilfred arrivé en 1900; après son mariage et pour plusieurs années, il vivra chez son beau-père.  Lui, Delphine et leur premier enfant y sont encore en avril 1910.  Le logement de la rue Perkins où Joseph habite est à deux cents mètres de celui de son demi-frère Wilfred.  Les deux familles vivent dans le quartier francophone de La Pointe[5].

Le 25 juin 1914, les rêves de Joseph et de quelque huit mille autres compatriotes canadiens-français s’envolaient en fumée alors que se déclarait le Grand Feu de Salem.  L’incendie dévastateur détruisit la moitié de la ville dont l’entièreté du quartier Français de la ville, La Pointe, y compris l’église Saint-Joseph, nouvellement construite.  Quand les flammes s’éteignent, ils sont dix-huit mille sans-abri, soit près de la moitié de la population de Salem, incluant la famille de Joseph et celle de son frère Wilfred.  L’incendie avait détruit bon nombre d’entreprises et dix mille personnes perdront leur emploi.  On ne sait pas si ce fut le cas pour Joseph, mais c’est probable puisque quelques années plus tard il travaillera dans une ville voisine.  Chose certaine, bien que la population franco-américaine de Salem fût passée de quinze mille à cinq mille après l’incendie, Joseph ne reviendra pas au Québec et fera sans doute comme bien d’autres, allant voir dans une autre ville de la Nouvelle-Angleterre si on ne pourrait pas user de ces bras.

Bien sûr, la famille vécut un certain nombre de mois sous les tentes de fortunes qui avaient été montées pour l’occasion.  Lui, Delphine et les enfants se nourrissaient à même les six mille rations distribuées chaque jour par la garde nationale.  Après le vaste programme de reconstruction de la zone incendiée, en moins d’un an, Joseph et sa famille se relogèrent dans un appartement plus spacieux, à deux coins de rues d’où ils habitaient dans le quartier de La Pointe.  On avait alors remplacé les maisons de rapport immenses par des constructions ne logeant qu’une ou deux familles.  Si, depuis son mariage, il avait habité chez ses beaux-parents, l’inverse se produit.  Après l’incendie, les beaux-frères et belles-sœurs ayant tous quitté le logement familial ou simplement déserté la ville, les beaux-parents, maintenant septuagénaires, vinrent habiter avec Joseph et Delphine.

C’est à cette même époque que Joseph se fait fabricant de chaussures chez Leono Berry Shoe Co.  Bien qu’il habite toujours à Salem, l’endroit où il travaille est à une dizaine de kilomètres au sud-est dans la petite ville de Lynn.  On se souviendra que son demi-frère Wilfred avait également dégotté un emploi dans une usine de chaussures vers 1910[6]Joseph sera ainsi fabricant de chaussures toute sa vie. 

Dans les années vingt, la famille déménage à nouveau, cette fois légèrement à l’extérieur du quartier de La Pointe, sur l’avenue Jefferson; elle ne bougera plus.

Joseph et Delphine reviendront à Saint-Irénée, à l’occasion, pour rendre visite à la famille ou lors d’occasions spéciales.  C’est ce qu’ils feront entre autres en juillet 1931 alors qu’il traverse la frontière par train comme à l’habitude[7]



Joseph, qui mesurait cinq pieds et onze pouces avait les yeux gris, s’éteint le 29 juin 1961 à l’âge de soixante-quinze ans des suites d’une broncho-pneumonie dans sa ville d’adoption de Salem[8].  Comme son frère, il repose au cimetière Saint Mary de Salem.

Delphine continuera d’habiter le 196 de l’avenue Jefferson jusqu’à sa mort en 1967[9].

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Irénée, 20 avril 1886.

[2] U.S. National Archives and Records Administration, registre des passages à la frontière canado-américaine pour 1905.

[3] State of Massachusetts, Record of Marriages for the city of Salem, 2 mars 1908.

[4] State of Massachusetts. Record of Birth for Salem, 25 mars 1909.

[5] 1910, Recensement fédéral américain, État du Massachusetts, comté d’Essex, ville de Salem, page 31 A.

[6] U.S. National Archives and Records Administration, fiche de conscription de la première guerre mondiale pour Joseph Harvey, 12 septembre 1918.

[7] U.S., Border Crossings from Canada to U.S., 1895-1960.  Manifeste de passage à la frontière, 2 juillet 1931, Joseph Harvey.

[8] SCULLY, Thomas F. Memorial Find a Grave. [En ligne]. https://www.findagrave.com/memorial/149045561/joseph-albert-harvey [page consultée le 1/12/2021].

[9] The Salem Massachusetts City Directory for 1962, page 330.