2. Nérée dit Henry Harvey

(1864-1924)

Nérée dit Henry Harvey de la septième génération, quittera Saint-Jérôme au lac Saint-Jean en 1889.  Né le 19 avril 1864 au Grand-Brûlé[1], endroit qui prendra le nom de Laterrière plus tard, il travaillera comme journalier dans le nord de l’État de Pennsylvanie, à la frontière de l’État de New York.  Nérée dit Henry est le deuxième fils de François Harvay (1832-1901) à Joseph François Hervé (1794-1890) à David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812)[2].

Bien que prénommé Nérée au baptême, le fils de François et de Césarine Tremblay (1836-1910) sera toujours surnommé Henry.  On l’écrira Henri, Henrie ou Henry, cette dernière façon étant celle qu’il utilisera lorsqu’il écrira, car Henry ira à l’école et y apprendra à écrire[3].  Il vivra son enfance et une bonne partie de son adolescence au Grand-Brûlé.  Lorsque son père acquiert une terre au lac Saint-Jean vers 1879, Henry continuera de travailler la terre du père pour une dizaine d’années[4].

Pendant la décennie 1880, Henry verra partir plusieurs de ses parents vers les États-Unis.  Entre autres, deux tantes, Phébée Harvai et Louise Hervai, ainsi qu’un cousin Thomas dit Pierre HarvezHenry fut assurément influencé par ces parents et leurs histoires de vie meilleure.  

L'État de New York le temps d'un mariage

Il quitte le pays une première fois en 1889[5].  Bien que l’on ne retrouve aucun document permettant de l’affirmer avec certitude, il semble évident qu’il soit parti rejoindre son cousin Thomas dit Pierre Harvez (1858-1956), fils aîné de l’oncle Didié Harvé (1828-1868) et filleul de sa mère.  Thomas demeure alors à Bradford dans le comté de McKean en Pennsylvanie où l’épouse de ce dernier donne naissance à un fils en cette même année 1889[6].  Or, Henry se mariera au village à Limestone dans l’État de New York, lieu de résidence de sa future.  Limestone est à moins de dix kilomètres de Bradford et une ligne de trolley les relie.  Ces deux villages d’une même vallée chevauchent presque la frontière séparant les deux états où coule le « Tunungwant Creek », conduit important de l’exploitation forestière de la vallée, une vallée où on extrait aussi du pétrole.  Le premier puits commercial de l’État de New York y est exploité depuis 1865.  À l’époque du passage d’Henry dans cette région en plein essor, cette dernière attire une main-d’œuvre nombreuse due à la ruée vers le pétrole de Pennsylvanie de la fin du siècle.  Dans toute l’immensité du territoire américain, une telle proximité géographique des deux cousins ne peut être une coïncidence.

Henry reviendra peut-être au pays. On le dit au lac Saint-Jean en avril 1891 [7]; du moins, c’est ce qu’un membre de sa famille déclare lors du passage du recenseur en avril.  Il s’agit probablement de sa mère puisque dans les chaumières de l’époque, l’homme était le plus souvent aux champs ou dans les chantiers au moment du passage de l’énumérateur; même lorsque le père y était, la mère qui avait un meilleur souvenir des naissances de ses enfants était celle qui répondait aux questions du représentant du gouvernement.  Césarine Tremblay ne serait pas la première à ainsi déclarer un fils au recensement alors qu’à ses yeux il n’est absent que temporairement, faisant des allers-retours pour le travail et dont on espère toujours le retour permanent[8].  Par ailleurs, comme l’ont fait plusieurs de ses cousins, Henry a pu aller travailler aux États-Unis, le temps de quelques saisons, sa majorité l’ayant libéré de ses obligations envers son père, avant d’y faire le grand saut.

Si Henry est bien revenu au pays, il n’y est définitivement plus depuis un certain temps le 8 octobre 1899 lorsqu’il épouse Margaret (Maggie) Henyon, une Américaine de trente-deux ans, née de parents irlandais et mère de quatre enfants tous décédés en bas âge.  La cérémonie est célébrée dans la toute nouvelle église St. Patrick du village de Limestone de l’État de New York[9].  L’église n’a pas dix ans et a été construite par les Pères Franciscains d’Allegany pour répondre aux besoins de l’importante communauté de descendance irlandaise dans la région.  La famille de Margaret était assurément au nombre des immigrants irlandais arrivée du comté de Clare en Irlande dans les années 1850.  Ces Irlandais avaient formé une communauté agricole dans la région qui se nommait « Little Ireland »[10]. 

La Pennsylvanie

Plus personne ne retient Henry dans cette vallée qui l’avait accueillie; le cousin Pierre et sa famille ont quitté Bradford depuis quatre ans déjà.  Henry et Margaret partent donc s’établir à soixante-dix kilomètres plus au sud-ouest, dans le « Highland Township » du comté de Elk en Pennsylvanie.  La ligne de trolley reliant Limestone dans l’État de New York à Seneca en Pennsylvanie dont il a déjà été question les amène vers leur nouveau domicile non loin de la ville de Kane dans le comté voisin.  Henry, journalier de son état, y fait l’acquisition d’une maison.  La famille y est déjà le 1er juin 1900.  On ne sait pas en quoi consiste le travail de journalier d’Henry, mais la majorité de ses voisins travaillent dans le domaine pétrolier.  L’économie de son nouveau milieu de vie est également tributaire de cette industrie[11].

Dix ans après son mariage, Henry perd sa conjointe.  Margaret Henyon s’éteint en 1909 à l’âge de quarante-deux ans et est inhumée au cimetière Saint Callistus dans la petite ville voisine de Kane, seule paroisse catholique dans les environs.

Comme ses voisins, au cours de la décennie qui s’achève, Henry s’est trouvé un emploi régulier dans les champs pétrolifères de la région, il y est « rig builder » (constructeur de plates-formes).  Après le décès de sa femme, il a vendu sa maison et loge maintenant chez la famille Spady toujours dans le «Highland Township» du comté de Elk[12].

Maintenant veuf, Henry touche un salaire régulier et surtout décent dans l’industrie pétrolifère.  Il est probable que, malgré les distances, il ait effectué des visites dans sa famille au lac Saint-Jean, car il en a les moyens.  Son père est décédé depuis 1901, mais sa mère vit toujours, de même que plusieurs de ses nombreux frères et sœurs.

Dix ans plus tard, la situation d’Henry n’a guère changé.  La famille Spady a bien déménagé à Marienville dans le township voisin de Jenks, comté de Forest, mais Henry a suivi et il y est toujours le seul chambreur[13].  Âgé de cinquante-cinq ans au moment du passage de l’énumérateur, le 30 janvier 1920, ce sera parmi les dernières nouvelles que nous aurons d’Henry

Il est probablement décédé en 1924.  On retrouve un Henry Harvey inhumé cette année-là au cimetière North Forest de Marienville.  Il n’y avait pas d’autre Henry Harvey qui résidait dans ce comté au dernier recensement, il ne peut sans doute s’agir que de lui[14].

La tradition orale

Selon la tradition orale ayant cours dans la famille, Henry aurait possédé un «ranch» à Tioga dans le comté du même nom; rien à ce jour ne permet de le confirmer[15].  Tioga est situé à environ deux cents kilomètres au nord-est du lieu où vit Henry.  Une distance respectable à parcourir pour un travailleur de chantier pétrolifère employé à la semaine.  Nous sommes dans les années 1920.  Ce n’est cependant pas impossible puisqu’une ligne de chemin de fer reliait les deux endroits à une certaine époque[16].   

Cette même tradition orale suggère également que Nérée dit Henry serait décédé d’empoisonnement à Tioga.  Si cela fut le cas, bien qu’Henry n’eut plus de famille dans la région, quelqu’un aurait eu à se charger de ramener le corps à Marienville pour y être inhumé.  Son frère Alfred Hervé (1872-1949) se serait rendu en Pennsylvanie afin de rapatrier le corps d’Henry, mais cela lui aurait été refusé.  L’histoire ne dit pas si Henry avait déjà été inhumé à l’arrivée d’Alfred, étant donné que près de mille quatre cents kilomètres séparaient alors Saint-Coeur-de-Marie au lac Saint-Jean de Marienville en Pennsylvanie.  Il est impossible de savoir si le corps avait été gardé un certain temps pour déterminer les causes du décès. 

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception de Laterrière, 19 avril 1864.

[2] Je tiens à remercier M. Frances Harvey et Mme Diane Thibeault d’avoir identifié cet ancêtre disparu et de m’avoir fait connaître la tradition orale courant à son sujet dans la famille, de même que les photos le concernant.

[3] B.A.C., G., Recensement de 1871, District de Chicoutimi, paroisse de Laterrière, microfilm 4395491_00187.  Le recensement a débuté officiellement le 2 avril 1871.

[4] B.A.C., G., Recensement de 1881, District de Chicoutimi et Saguenay, paroisse de Saint-Jérôme, microfilm e008153040.

[5] 1900, Recensement fédéral américain, État de la Pennsylvanie, comté d’Elk, Highland Township, page 12 A.  Henry déclare qu’il est arrivé aux États-Unis en 1889. 

[6] New York State Archives, New York State Abstracts of World War I Military Service, 1917–1919, Adjutant General’s Office 1917, fiche de conscription américaine, Première Guerre mondiale, 27 mai 1919, George Harvey.  Sur la fiche de ses états de service militaire, George Harvey, fils de Thomas dit Pierre Harvez, déclare être né à Bradford.  Il fera de même sur sa Fiche de conscription de la Seconde Guerre mondiale le 27 avril 1942.

[7] B.A.C., G., Recensement de 1891, District de Chicoutimi et Saguenay, Saint-Hilaire, Dequen, Dablon, partie de Métabetchouan, microfilm 30953_148193-00714.  Le recensement de 1891 a débuté officiellement le 6 avril 1891.

[8] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, canton de Settrington, microfilm 4395454_00105.  Ce recensement a débuté officiellement le 2 avril 1871.  La mère de Napoléon Harvey déclare au recenseur lors de son passage à la maison que lui et son frère demeurent à la maison alors que les deux frères ont quitté pour le lac Saint-Jean en mars et ne reviendront jamais. 

[9] New York State Department of Health; Albany, NY, USA; New York State Marriage Index for 1899, 8 octobre 1899, certificat Nº 17912, Henry Harvey et Maggie Henyon.  Le recensement de l’année suivante nous apprendra que les quatre enfants de Maggie sont déjà décédés.

[10] Bradford Landmark Society.

[11] 1900, Recensement fédéral américain, État de la Pennsylvanie, op.cit.

[12] 1910, Recensement fédéral américain, État de la Pennsylvanie, comté d’Elk, Highland Township, page 12 A.

[13] 1910, Recensement fédéral américain, État de la Pennsylvanie, comté de Forest, Jenks Township, page 10 B.

[14] North Forest Cemetery Registry, Marienville, Forest County, Pennsylvania, Henry Harvey.  L’inscription de naissance sur la pierre tombale est 1865.  Il n’y a pas de quoi se surprendre de cette erreur, elle est fréquente, d’autant plus que les Spady qui durent voir aux funérailles n’étaient que des amis. 

[15] Les bases de données électroniques disponibles à ce jour ne placent pas Henry à Tioga.  Il faudrait pousser les recherches pour confirmer cette acquisition par Henry.

[16] Je n’ai pu confirmer si la ligne de chemin de fer était en service entre 1910 et 1924.