12. Saint-Jean de l’Isle d’Orléans, la fourrure et la France

Saint-Jean de l’Isle d’Orléans

 

En 1698, Sébastien Hervet possède une terre de trois arpents de front sur le fleuve Saint-Laurent à Saint-Jean de l’Isle d’Orléans, un peu à l’est du chemin du Mitan.  Si l’on en croit son jeune notaire, Charles Rageot de Saint-Luc (1674-1702) qui est également greffier de la Prévôté de Québec, cette terre se situe entre celle de Gabriel Thibierge (1654-1726) à l’ouest et celle de Pierre Filteau (1639-1699) à l’est[1].  La terre occupée par Gabriel Thibierge appartenait à feu son oncle Gabriel Hervet (1640-1675) et lui vient, par donation, de ses parents Renée Hervet et Hypolite Thibierge[2].  On se souviendra que Gabriel Hervet, de son vivant, possédait deux terres de trois arpents de front chacune, voisines l’une de l’autre, «au passage du sud dans l’île d’Orléans»[3], un lieu situé aujourd’hui dans la municipalité de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans[4].  La première de ces terres lui avait été concédée par «François de Laval, évêque de Pétrée, vicaire apostolique en la Nouvelle-France et seigneur de Beaupré et de l’île d’Orléans» en 1667 (J32)[5] ; Gabriel avait obtenu l’autre par échange le 25 août 1669 (J31)[6].  Ces deux terres étaient bordées à l’avant par le fleuve Saint-Laurent et par-derrière «sur la route qui traversera la dite Isle de pointe en pointe».  La route projetée ne fut jamais construite, mais le «passage du sud» (chemin du Mitan) fait au total huit kilomètres; les terres avoisinant le chemin ont toutes approximativement soixante-huit arpents de profondeur, soient environ quatre kilomètres.  Comme on le verra, le neveu Gabriel Thibierge occupait ces deux terres depuis près de vingt ans.

L’acte notarié de l’octroi de cette terre à Sébastien reste introuvable.  On aurait pu penser que Sébastien se soit porté acquéreur de cette concession de l’Isle d’Orléans à son arrivée en Nouvelle-France, alors que son frère Gabriel Hervet y vivait encore, mais il en est tout autrement.  Sébastien aurait acquis cette terre, probablement quelque temps après avoir quitté Ville-Marie, pour s’établir à Québec en 1687.  

Après le meurtre de Gabriel Hervet en 1675 s’entamèrent de longues procédures judiciaires par son beau-frère Hypolite Thibierge (1629-1700), au nom de sa femme Renée Hervet (1636-1702), pour recouvrer les avoirs du défunt.  Dans sa décision du 20 septembre 1677, le Conseil Souverain accepta d’adjuger l’habitation de feu Gabriel Hervet à sa sœur Renée Hervet, héritière présomptive et naturelle du défunt et au mari de cette dernière.  En revanche, le Conseil ne fait aucunement référence aux deux censives du défunt[7]

À l’époque de la décision du Conseil, Sébastien est en Nouvelle-France.  Il possède une terre dans la seigneurie de La Chesnaye où on le présume déjà mêlé au commerce de fourrures; les premiers habitants de cette seigneurie sont pour la plupart des engagés du domaine de la pelleterie pour le compte de Charles Aubert, Sieur de La Chesnaye (1632-1702).  Sébastien ne s’amènera à Québec que dans une dizaine d’années.  Avait-il été mis au courant du décès de son frère et des démarches de son beau-frère pour accaparer l’héritage? Quoi qu’il en soit, le Conseil souverain n’a jamais été mis au fait qu’il existait, en Nouvelle-France, un second héritier putatif du défunt[8].  Est-il possible que Renée, sans nouvelles de Sébastien, pensait ne plus revoir son frère dans la région de Québec, mêlé qu’il était au commerce des pelleteries alors que, parmi ces aventuriers voyageurs, nombreux étaient ceux qui ne revenaient jamais de ces voyages risqués?  

Le 30 janvier 1684, Hypolite Thibierge et Renée Hervet, se déclarant héritiers présomptifs et naturels du défunt Gabriel Hervet, font don à leur fils aîné Gabriel de la concession de Saint-Jean de l’Isle d’Orléans, celle de trois arpents de front (terre J31) sise entre la terre de Pierre Blaye (1641-1700) et celle concédée à feu Gabriel Hervet (J32) en 1667[9], laquelle est occupée par Gabriel Thibierge depuis 1679[10].  À l’été 1688, lors de l’inventaire des biens de Gabriel Thibierge et de feue Anne Perrot (1661-1687), sa première femme décédée le 29 novembre 1687 on trouve, dans les documents inventoriés concernant ladite communauté[11] :

Il n’existe aucun document juridique supportant l’acquisition de cette terre par Gabriel Thibierge; l’acte de donation de 1684 ne concerne que la terre J31.  Gabriel Thibierge acquerra la moitié de cette terre par donation en 1698. 

Cette terre n’apparaît sur aucune carte dressée à l’époque (celle de 1689 de Villeneuve, arpenteur du Roy, celle de Gédéon de Catalogne de 1709 ou les autres postérieures) et on ne trouve aucun document juridique postérieure à l’acte de concession qui en confirmerait l’existence ou son transfert.  L’auteur Robert Thibierge qui a écrit l’histoire de la famille de Renée Hervet et Hypolite Thibierge avance l’hypothèse que la terre au nom de Martin Cheron apparaissant sur la carte de 1709 (J35) serait cette concession accordée en 1669, qu’il présume avoir été donnée par Renée et Hypolite à leur fille Marie Anne Thibierge (1669-1705), l’épouse de Martin Cheron (1663-1717)[13].  

Cet inventaire confirme, hors de tout doute, qu’au décès de Gabriel Hervet, Hypolite Thibierge son beau-frère, au nom de sa femme Renée Hervet, s’était approprié la totalité des biens du défunt, y compris les deux concessions (J32 et J31) qu’avait acquises feu Gabriel Hervet.  Lors de cette prise d’inventaire en juin 1688, Sébastien Hervet, frère du défunt, est de retour à Québec après une quinzaine d’années d’absence.  Il assiste d’ailleurs, un mois plus tard, à la signature du contrat de mariage entre son neveu Gabriel Thibierge et sa seconde femme, Marie Madeleine Lepage devant le notaire Paul Vachon[14].   

Un héritage sans doute réclamé

Rien dans les annales de la colonie ne démontre que Sébastien Hervet soit revenu à Québec après son installation dans la région de Ville-Marie en 1672.  Lorsqu’il débarque à Québec en 1687, il apprend sans doute ce qui est arrivé des avoirs de son frère et réclamera sa part.  Ne l’avait-on pas fait pour lui au décès de son père en 1660 alors que, âgé de dix-huit ans et encore mineur, Sébastien s’en était remis à son curateur d’alors, lequel n’était nul autre que son beau-frère, Hypolite Thibierge.  Sébastien savait voir à ses affaires.  Comme nous le verrons plus loin, en 1708, Sébastien s’embarquera pour la France afin d’y réclamer une part d’héritage.  Commerçant qu’il était, il n’allait pas laisser l’une des plus belles terres de la Nouvelle-France lui passer entre les doigts.  On se souviendra qu’une grande part du pécule qu’il a amassé dans la région de Ville-Marie lui venait d’achats et de ventes de terres.

En l’absence d’un testament, quoi de plus naturel que les deux seuls parents du défunt en Amérique, Renée et Sébastien, eurent dû recevoir chacun une des deux terres de leur frère Gabriel à son décès.  L’affaire familiale entre l’aînée Renée et le cadet en Amérique Sébastien, au-delà des obligations légales de sa sœur, était une question de justice morale qui sera réglée sans aucun doute entre parents sous seing privé.  La description de la terre qu’en fera le notaire Charles Rageot de Saint-Luc en 1698 cadre avec la terre reçue en concession par feu Gabriel en 1667La localisation de cette terre peut paraître imprécise, mais il n’en est rien; elle se situe entre celle que possédait son frère et qui est maintenant occupée par son neveu Gabriel Thibierge (1654-1726) et celle de Pierre Filteau (1639-1699)[15].


L’Île d’Orléans, coté sud, secteur de Saint-Jean[16]

Depuis qu’il a repris ses droits sur cette propriété, Sébastien est un concessionnaire qui fait valoir sa terre sans y résider.  Au XVIIIe siècle, plusieurs censitaires ont recours à la mise à bail pour exploiter leur bien-fonds, car les autorités de la Nouvelle-France ne voient pas d’un bon œil qu’un habitant possède des terres non cultivées. Depuis 1682, l’intendant Duchesneau a restreint à deux le nombre de censives que pouvait posséder un habitant et à la condition qu’il établisse un fermier sur une des deux censives.  La possession d’une concession non exploitée est donc découragée.

Il est probable que le fils de Renée Hervet, Gabriel Thibierge capitaine de milice du sud de l’île travaille comme métayer pour Sébastien à l’entretien et la culture de sa terre et celle de son oncle; ce neveu de Sébastien habite Saint-Jean depuis 1679[17].  Gabriel Thibierge occupait depuis ce temps deux terres contiguës qui correspondent à celles qui avaient appartenu à feu son oncle Gabriel Hervet[18].  L’une de ces terres de trois arpents de front ayant été données par sa mère en 1684[19], quoi de plus naturel que de continuer à faire fructifier les terres qu’il a toujours occupées.

Le neveu, voisin et métayer de Sébastien, a toujours résidé sur l’île depuis son premier mariage[20].  Gabriel Thibierge est veuf d’Anne Perrault (1661-1687) qu’il avait épousée en 1676 et qui lui a donné six enfants.  Il s’est marié en secondes noces en 1688 à Marie Madeleine Lepage (1671-1754), l’aînée des filles Lepage qui lui donnera une douzaine d’autres enfants; il ne manque donc pas de main-d’œuvre et par le fait même, de bouches à nourrir.  Sébastien fait don de la moitié de sa terre à son neveu, le 15 octobre 1698.  En retour, ce dernier promet de lui livrer chaque année pendant dix ans, un cochon «nourritureau», quatre minots de blé et un minot de pois verts[21] :

«... fut présent, le sieur Sébastien Hervet, pottier destain demeurant en cette ville… lequel de son bon gré et volonté a reconnu et confessé avoir donné… au sieur Gabriel Thibierge, habitant de l’Isle et comté Saint-Laurent, paroisse Saint Jean son nepveu absent de cette ville… Cette donation ainsy faite par pure libéralité et bonne volonté que le dit donateur [Sébastien Hervet] a pour… Gabriel Thibierge, son neveu... quitte... par donation pure et simple... [lui donne] un arpent et demi de terre de front sur le fleuve St-Laurent, faisant la moitié de trois arpens de terre situé... audit lieu St-Jean, joignant d’un côté ledit Gabriel Thibierge, d’autre côté, le nommé Pierre Filleteau d’un bout par le devant le dit fleuve, d’autre bout par derrière, la profondeur qu’il peut avoir... et à la charge par iceluy douaire se dits hoirs et ayants cause de payer à l’avenir les cens et rentes que se trouvera devoir le ledit arpent et demy de terre au seigneur du lieu…

En présence de François Gescron et Philippe Cotteau, tesmoins.

(signé) Hervet, Cotteau, F. Gescron»[22]

La donation est très pratiquée à l’Île d’Orléans en cette fin de XVIIIe siècle[23].  En utilisant cette pratique, les parents veulent souvent assurer leurs vieux jours.  À cinquante-six ans, on peut s’interroger sur les intentions de Sébastien.  Il a toujours laissé cultiver cette terre par un autre et, maintenant qu’il a lui-même deux fils il veut, semble-t-il, les destiner vers un avenir autre que celui de cultivateur. 

On ne connaîtra jamais les motifs qui ont réellement poussé Sébastien à faire ce don à l’aîné de ses neveux.  Cette donation était-elle en considération de bons services rendus par Gabriel? La moitié d’une des plus belles terres de la Nouvelle-France à l’époque valait bien plus qu’une dizaine de tout-petits porcs.  En 1698, les terres de l’Isle d’Orléans étaient sécurisées, défrichées et, comme encore aujourd’hui, les plus performantes de la colonie. Il pourrait s’agir également d’un geste d’esprit de famille de la part de Sébastien.  Il se sentait peut-être en dette envers sa sœur Renée et ce neveu qui n’avaient sans doute pas fait d’esclandre quand vint le temps de lui restituer son dû?

On trouve peut-être une autre piste de réponse par l’acte de concession qu’ont signé le 14 novembre de l’an 1696, le gouverneur de la Nouvelle-France, Louis Buade comte de Frontenac et de Palluau, de concert avec l’intendant Jean Bochart de Champigny.  Ils accordent alors à Gabriel Thibierge et son beau-père Louis Lepage (1736-1710), une seigneurie contenant «le terrain qui se trouve entre la concession du sieur Pachot, marchand, et celle du sieur Lessard, située au lieu dit Rimouski sur le fleuve Saint-Laurent du côté du sud sur une lieue de profondeur» avec «droit de chasse, pêche et traite avec les Sauvages» [24].  Cette seigneurie est aux portes de la Gaspésie et on la nomme «Seigneurie Lepage-et-Thibierge» de l’Anse-aux-Coques.  Le 7 mai 1697, le gouverneur agrandira la seigneurie de deux lieues de profondeur[25].

Le gouverneur remercie ainsi le neveu, capitaine de milice, et son beau-père, oncle du seigneur de Rimouski, pour leur bravoure lors de la tentative de débarquement de l’anglais à l’Isle d’Orléans le 23 octobre 1690[26].  Bien que cette seigneurie fasse trois lieues de profondeur[27], il s’agit d’un coin de pays rude et austère; les récoltes y seront peu nombreuses, les routes inexistantes[28], et rares seront les colons qui s’y installeront, mais Gabriel ne le sait pas encore en 1696.

Renée Hervet, la sœur de notre ancêtre, avait toujours réussi à garder ses enfants près d’elle.  Tout à coup, son aîné qui semble avoir travaillé jusqu’à présent sur les terres de Saint-Jean de l’Isle d’Orléans depuis 1679 devient seigneur.  Il se voit ainsi attribuer la moitié d’un immense domaine, mais à des jours de déplacement à partir de Québec.  Gabriel ne parviendra manifestement pas à y établir un grand nombre de colons puisque cent ans plus tard, en 1790, il n’y en aura que quatre.  Le seigneur Thibierge semble avoir peu d’intérêt à quitter l’Isle d’Orléans pour défricher les terres rocailleuses du bas du fleuve où les contreforts des Appalaches commencent à toucher le fleuve, peu avant que les montagnes y plongent elles-mêmes directement, mais cela passé Matane.  Gabriel se contente surtout de chasse et de pêche[29] et utilise comme procureur René Lepage de Sainte-Claire (1656-1718), son cousin par alliance et seigneur de Rimouski[30].  La seigneurie ne sera pas habitée ni développée par ses concessionnaires et, vingt ans plus tard, Gabriel vendra sa part de seigneurie à Pierre Gosselin (1678-ca, 1728), deuxième censitaire de Rimouski, cousin de Gabriel et neveu de son beau-père Louis Lepage[31].

Après avoir visiter sa seigneurie et en constater l’aridité et l’éloignement, la donation de Sébastien a dû lui sembler une très bonne offre pour agrandir sa terre puisqu’il n’est jamais parti de l’Isle d’Orléans.  Ainsi, Renée gardait son aîné tout près et, surtout, Sébastien gardait son métayer.

Après cette transaction, Sébastien demeurera propriétaire de l’autre moitié d’une des plus belles terres de la Nouvelle-France.  Qu’a-t-il fait de cette terre d’un arpent et demi de front sur soixante et huit arpents de profondeur? Les archives de la Nouvelle-France ne nous l’ont toujours pas révélé, mais on a pris l’habitude maintenant de voir l’ancêtre faire commerce de fonds de terre et on lui fait confiance. 

La fourrure et la France

En octobre 1699, une assemblée d’environ quatre-vingt-dix bourgeois éminents fut convoquée par le gouverneur et l’intendant visant l’établissement d’une compagnie de négoce des fourrures de la Nouvelle-France.  Sébastien est du nombre.  L’assemblée met à la tête de la compagnie des directeurs dont les principaux sont Ruette d’Auteuil, Chartier de Lotbinière et Hazeur[32].  Parmi ces derniers, Hazeur, que fréquente Sébastien, est réputé comme habile marchand.  D’extraction plus modeste, il vient d’épouser en secondes noces une fille de chambre de madame de Champigny, l’épouse de l’intendant[33]

Le gouverneur ratifiera la création de la Compagnie de la Colonie en 1700. Ce sera la première fois que des intérêts de la Nouvelle-France parviendront à dominer le commerce des fourrures.  Plutôt que d’accepter, pour les peaux de castor, le tarif réduit proposé par les gens du Domaine d’Occident, compagnie française qui avait le monopole de l’achat des fourrures, la Compagnie de la Colonie obtiendra pour la Nouvelle-France le droit de vendre ses peaux, en toute liberté, sur le marché de la métropole.  Le ministre de la Marine décidera alors que la propriété de ces fourrures et la direction du commerce des peaux de castor devraient être confiées à une compagnie de Nouvelle-France, qui mettrait en vente des actions à prix modique pour permettre au plus grand nombre possible de colons d’en acheter. 

Sébastien sera fort actif au sein de la Compagnie de la Colonie puisqu’en 1705, il en sera Sergent d’armes[34]

Sébastien, potier d’étain et marchand fait donc maintenant dans le négoce de fourrures.  Il n’est pas certain que sa participation à la Compagnie de la Colonie soit sa première expérience dans le marchandage de fourrures.  On se rappellera ses expériences du temps où il habitait la seigneurie de La Chenaye et Ville-Marie.  Il faut garder en tête que François Hervet, ce possible parent, est commerçant de fourrures à La Rochelle et que ce dernier fait des affaires avec les marchands de la Nouvelle-France. 


Tard à l’automne 1698, Sébastien s’embarqua sur le dernier navire en partance pour l’ancienne France[35] et ne revint que l’été suivant.  Était-il parti pour voir aux intérêts de la Compagnie de la Colonie?

Quoi qu’il en soit, on ne le retrouvera dans les registres de la Nouvelle-France qu’à compter de l’été 1699.

*******************************************************************************************

Pour passer à la section suivante de la vie de l’ancêtre, cliquez ICI

*******************************************************************************************

[1] A.N.Q., GN. Minutier Charles Rageot de Saint-Luc, 15 octobre 1698. 

[2] THIVIERGE, Robert. 1662 de Blois à l’Île d’Orléans. Montréal, À compte d’auteur, 2021, page 98.  L’auteur mentionne que la terre occupée par Gabriel Thibierge en 1689 correspond au lot nos J31 et J32.  Il faut noter que lors du contrat de mariage passé entre Gabriel Thibierge et sa première femme Anne Perrot, Hypolite Thibierge et Renée Hervet, ses parents, avaient promis et s’étaient obligés de donner à leur fils «une concession size et située en ladite Isle et comté de Saint Laurens du côté du sud d’icelle».  Comme le contrat de mariage daté du 13 novembre 1676 au minutier du notaire Paul Vachon ne comporte pas plus de description de ladite terre et que l’on ne retrouve aucun autre document juridique soutenant ce don, il est probable en raison de la localisation de cette dernière qu’il s’agisse de la terre qui lui sera octroyée en 1684 par ses parents.

[3] Le chemin ou route du Mitan existe déjà à l’époque sous la forme d’un sentier qui fut aménagé pour permettre la communication entre les deux îlots de peuplement des côtés nord et sud de l’île.

[4] LANGLOIS, Lise. Reproduction sociale à l’Île d’Orléans : Stratégies, transmission du patrimoine et migrations sous le régime français. Sherbrooke, Les presses de l’Université de Sherbrooke, 1997, pages 24-25.

[5] A.N.Q., GN. Minutier Paul Vachon dit Pomerleau, 22 juin 1667.  Terre J32.

[6] A.N.Q., GN. Minutier Paul Vachon dit Pomerleau, 25 août 1669.  Terre J31.

[7] BAnQ., Registre no 2 des arrêts, jugements et délibérations du Conseil souverain de la Nouvelle-France (11 janvier 1677 au 25 avril 1678), f. 40-40v, le 20 septembre 1677.

[8] Le nom de Sébastien n’est mentionné dans aucune de la dizaine de décisions de justice rendue à Québec reliées au meurtre de son frère et aux démarches de reconnaissance d’héritage entamée par le beau-frère.

[9] Au pied du contrat de concession et d’échange passé devant le notaire Paul Vachon le 25 août 1669 entre Gabriel Hervet et Martin Poisson, on trouve une note de transport de cette terre J31 d’Hypolite Thibierge et de sa femme Renée Hervet à leur fils aîné datée du 30 janvier 1684. Le notaire Vachon dans sa note inscrit «l’aîné Hyppolite».  Hors l’aîné est Gabriel et c’est lui qui occupe cette terre et l’occupera toujours jusqu’à sa mort en 1726.  Hyppolite fils vivra pour sa part à Sainte-Famille sur l’île d’Orléans.  Cette erreur du notaire obligera les parents à reprendre la donation le 29 mars 1700 devant le notaire Étienne Jacob.  Dans «ROY, Léon. Les terres de l’Ile d’Orléans, 1650-1725 : édition revue et augmentée par Raymond Gariepy», page 237 et 240, l’auteur confirme qu’il s’agit là de la terre J31. Il faut noter que lors du contrat de mariage passé entre Gabriel Thibierge et sa première femme Anne Perrot, Hypolite Thibierge et Renée Hervet, ses parents, avaient promis et s’étaient obligés de donner à leur fils «une concession size et située en ladite Isle et comté de Saint Laurens du côté du sud d’icelle».  Comme le contrat de mariage daté du 13 novembre 1676 au minutier du notaire Paul Vachon ne comporte pas plus de description de ladite terre et que l’on ne retrouve aucun autre document juridique soutenant ce don, il est probable en raison de la localisation de cette dernière qu’il s’agisse de la terre ici octroyée par ses parents. 

[10] ROY, Léon. Les terres de l’Ile d’Orléans, 1650-1725 : édition revue et augmentée par Raymond Gariepy. Montréal, Éditions Bergeron, 1978, 1951, pages 242-243.  Gariepy y mentionne que le neveu Gabriel possède deux terres contiguës en 1681.  Gabriel entretient deux terres en 1681, mais ne les possède pas encore.  Par l’acte du 30 janvier 1684, il vient d’en acquérir une première.

[11] A.N.Q., GN. Minutier Paul Vachon dit Pomerleau, 25 juin 1688.

[12] Dans «ROY, Léon», déjà cité, l’auteur tente de réconcilier les contradictions relatives à cette terre.  Il y avance que Gabriel Hervet l’aurait remise à Mgr Laval, seigneur de l’île qui l’aurait reconcédée à Hypolite Thibierge.  Cette hypothèse ne tient pas la route puisque Gabriel Hervet a acquis cette terre LE 25 AOÛT 1669. Hypolite Thibierge s’était déjà vue concédée la sienne six mois plus tôt, LE 26 FÉVRIER 1669.    

[13] THIVIERGE, Robert. 1662 de Blois à l’Île d’Orléans. Montréal, À compte d’auteur, 2021, pages 208-209.

[14] A.N.Q., GN. Minutier Paul Vachon dit Pomerleau, 27 juillet 1688.

[15] ROY, Léon. Les terres de l’Ile d’Orléans, 1650-1725 : édition revue et augmentée par Raymond Gariepy. Montréal, Éditions Bergeron, 1978, 1951, pages 242-243.  En 1698, quand le notaire Rageot avancera que la terre que possède Sébastien est située entre celle de feu son frère et celle de Pierre Filteau (1639-1699), il le fera sur la base de la carte de l’arpenteur du Roy de 1689.  Sur cette carte inventoriant les bâtiments et les individus présents, 33 et 34 sont attribuées à Pierre Filteau. La terre J33 initialement concédée à Jean Jouanne (1640-post.1687) le 22 juin 1667 (J33) et qui fut vendue par Jouanne en 1681 est passée entre quelques mains depuis; en 1698, elle appartient à un habitant de Saint-François de l’Isle d’Orléans, Charles Campagna (1668-1737) qui n’y habite pas.

[16] La carte présentée est basée sur les données de celle rédigée en 1689 par Robert de Villeneuve, ingénieur du Roy.  Elle fut produite à l’aide des informations du Bureau d’Études Généalogiques Nico Lefrançois pour le Projet Patrimoine Québec © en interface avec le logiciel Google Earth.

[17] THIVIERGE, Robert. 1662 de Blois à l’Île d’Orléans. Montréal, À compte d’auteur, 2021, page 131.

[18] A.N.Q., GN. Minutier Pierre Vachon, 26 février 1669.  Robert Thibierge, déjà cité, avance que l’une de ces terres appartenait à Hypolite Thibierge, le père de Gabriel.  Cette terre, selon Robert Thibierge, située entre celle de Pierre Blay (1641-1700) et celle de Gabriel Hervet aurait été concédée en 1669 par monseigneur François de Laval.  Cette terre n’apparaît pas dans la carte rédigée par l’arpenteur du Roy en 1689 et n’apparaît pas non plus dans l’inventaire détaillée de «ROY, Léon. Les terres de l’Ile d’Orléans, 1650-1725 : édition revue et augmentée par Raymond Gariepy. Montréal, Éditions Bergeron, 1978, 491 pages».  Le nom d’Hypolite Thibierge apparaît au dernier document deux fois, mais uniquement et toujours comme voisin d’une autre terre pour Saint-Jean de l’Isle d’Orléans.  Dans les deux cas, il s’agit des terres ayant appartenu autrefois à Gabriel Hervet.  Il n’y a pas de trace de la terre qui aurait été concédée à Hypolite Thibierge en 1669 dans ce document. 

[19] ROY, Léon. Les terres de l’Ile d’Orléans, 1650-1725 : édition revue et augmentée par Raymond Gariepy. Montréal, Éditions Bergeron, 1978, 1951, page 428.  Gariepy y mentionne que le neveu Gabriel Thibierge possède deux terres contiguës en 1681.  Gabriel entretient et occupe alors deux terres, mais ne les possède pas encore. En 1681 ces deux terres sont toujours entre les mains de ses parents.  Gariepy qui a révisé le livre de Roy en 1978 n’a évidemment pas eu accès à l’acte de donation de Sébastien Hervet à Gabriel Thibierge, son neveu, signé devant notaire le 15 octobre 1698 puisqu’il n’en fait pas mention.

[20] LAFONTAINE, André. Recensements annotés de la Nouvelle-France 1681. Sherbrooke, A. Lafontaine, 1981, page 268. Sébastien est un concessionnaire qui fait valoir sa terre sans y résider.  Au XVIIIe siècle, plusieurs censitaires ont recours à la mise à bail pour exploiter leur bien-fonds.  Les autorités de la Nouvelle-France ne voient pas d’un bon œil qu’un habitant possède des terres non cultivées. Depuis 1682, l’intendant Duchesneau a restreint à deux le nombre de censives que pouvait posséder un habitant, à la condition toutefois d’y établir un fermier sur une des deux censives.  La possession d’une concession non exploitée est découragée.

[21] Un petit cochon de l’année. «Glossaire du parler français au Canada», La société du parler français au Canada.  Édition L’action sociale limitée, 1930.

[22] A.N.Q., GN. Minutier Charles Rageot de Saint-Luc, 15 octobre 1698, donation du sieur Sébastien Hervet à Gabriel Thibierge, son neveu.

[23] LANGLOIS, Lise, op.cit., page 60.

[24] FRÉCHETTE, Édouard-R. Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale, demandés par une adresse de l’Assemblée législative, 1851. Québec, Imprimerie E. R. Fréchette, 1852, pages 427-428.

[25] COMMISSION DE TOPONYMIE DU QUÉBEC.  Seigneurie Lepage-et-Thibierge. [En ligne]. http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/fiche.aspx?no_seq=265020 [page consultée le 14/12/2014].  Cette seigneurie est aussi connue sous l’appellation de seigneurie de L’Anse-aux-Coques (aujourd’hui Sainte-Luce).

[26] MYRAND, Ernest. Sir William Phips : devant Québec : histoire d’un siège. Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & frère bureau de l’Événement, 1893, pages 115 et 116.

[27] Plus de quatorze kilomètres de profondeur.  La concession accordée en 1696 mesurait une lieue de profondeur et s’étendait de la seigneurie de Rivière-Métis à l’est à celle de Pointe-au-Père à l’ouest.  Le 6 mai 1697, les concessionnaires recevaient une augmentation de deux lieues sur la profondeur.

[28] Anciennement, le territoire de la municipalité couvrait une superficie très grande s’étendant de Sainte-Luce à Métis et jusqu’à six rangs de profondeur.  Aujourd’hui, on y retrouve les municipalités de Sainte-Luce, Saint-Octave-de-Métis, de Saint-Joseph-de-Lepage, de Mont-Joli, de Price et de Saint-Jean-Baptiste. Le territoire couvrait aussi une partie de Saint-Donat de Rimouski et de Sainte-Angèle de Merici.  Dans : Rapport du Congrès de la colonisation tenu à Montréal les 22, 23 et 24 novembre 1898.  Société générale de colonisation et de repatriement (sic) de la province de Québec Montréal, La Patrie, 1900, page 313.

[29] SAINTE-FLAVIE.  Sainte-Flavie d’aujourd’hui... à hier. [En ligne]. http://www.sainte-flavie.net/adm-mun/9-non-categorise?start=5 [page consultée le 14/12/2013].

[30] CHASSÉ, Béatrice.  Rimouski et son île : les seigneurs Lepage, l’île Saint-Barnabé.  Rimouski, Société d’histoire du Bas-Saint-Laurent et le GRIDEQ, 2003, page 11.  Gabriel Thibierge était veuf d’Anne Perrot et l’acte de concession prévoyait que les enfants des deux alliances pourraient se partager également l’héritage de leur père dans L’Anse-aux-Coques.  Ni Louis Lepage, ni Gabriel Thibierge, seigneurs de L’Anse-aux-Coques, n’ont habité sur leur seigneurie.  Il faudra attendre la deuxième moitié du XVIIIe siècle avant que ne commence l’occupation de ces territoires. Les contrats de concessions, accordés par le gouverneur Frontenac et l’intendant Champigny avaient pourtant spécifié que les nouveaux seigneurs devaient établir des tenanciers pour «déserter lesdites terres».  De plus, ils avaient l’obligation de tenir feu et lieu, sous peine d’être exclus de leur seigneurie.  Mais les seigneurs pouvaient se libérer de leur obligation de résider sur leur concession en déléguant cette charge à un procureur. C’est ce qu’ont fait Louis Lepage et Gabriel Thibierge dans Sainte-Luce. Ils ne pouvaient trouver une meilleure personne pour représenter leurs intérêts que le seigneur de Rimouski, René Lepage, leur neveu ou leur cousin par alliance.

[31] A.N.Q., GN. Minutier Jacques Barbel, le 26 août 1716.

[32] Archives Canada-France, Fonds du secrétariat de la Marine et aux colonies, Archives nationales d’outre-mer (ANOM, France), COL, Corr. Gén. 18, 1700/folio 311.

[33] Archives Canada-France, Fonds du secrétariat de la Marine et aux colonies, Archives nationales d’outre-mer (ANOM, France), COL, Corr. Gén. 18, 1700/folio 97.

[34] HARVEY, Fernand. Histoire des ancêtres d’Alfred Harvey (1876-1948).  Montréal, Édition privée, 2001, page 96.

[35] A.N.Q., GN. Minutier Louis Chambalon, 1er décembre 1701, où il est fait mention du voyage de l’hiver précédent.  Le notaire se méprend d’hiver.  Ce voyage de Sébastien en France eut lieu au cours de l’hiver 1698-1699 et non 1699-1700.