14 Christine Hervey

5.5.6.14 Christine Hervey (1815-1894), 5e génération

Marie Boulianne accouche d’un dernier enfant le 23 février 1815.  Le lendemain Thomas Erver (1795-1832) chez Louis Hervé (1762-1842) et Victoire Gaudreau (1795-1848) sont marraine et parrain au baptême de l’enfant qui portera le nom de «Christine Hervey».  Victoire Gaudreau est la belle-sœur de Julienne (1794-1827), la sœur aînée de l’enfantLa maisonnée de Joseph Hervé (1768-1830) et de Marie Boulianne (1771-1828) comptera finalement neuf enfants, quatre garçons et cinq filles en incluant la cadette qui vient de naître.  Le parrain Thomas signe «Thomas Hervez».  C’est d’ailleurs ainsi que son oncle Joseph écrit le patronyme[1].

Dix jours après le baptême, le curé Le Courtois baptise un autre enfant du nom de «Christine Hervey» (1815-1879).  Lointaine cousine de la première, elle est la fille de Dominique Hervay (1789-1824) chez David Hervé (1764-1837), le cousin de Joseph.

La mère de Christine s’éteint en 1828 et son père en 1830.  Elle se marie deux ans plus tard, le 22 février 1832.  Cette cadette de famille épouse Grégoire Tremblay (1811-1872), un natif de l’Isle aux Coudres récemment débarqué à Murray Bay.  Ses frères Joseph (1802-1852) et André (1804-1893) lui servent de témoins ; le premier est entrepreneur forestier et le second est marchand[2]

Le mariage fut sans doute précipité puisque l’on avait obtenu «une dispense de deux bans de mariage» et que Christine accouche de jumeaux sept mois après la cérémonie.  Les petits ne vivront que trois jours.   Le père, que l’on sait instituteur, n’assiste ni aux baptêmes ni à la sépulture commune ; il est probablement parti enseigner ailleurs[3]Christine accouche d’un troisième enfant en janvier 1836.  Le père est encore absent lors du baptême[4].   

C’est probablement au cours de l’été 1836 que Christine et sa famille quittent Murray Bay. 

Avant l’ouverture du Saguenay, les Hervé avaient d’abord migré de leur Isle aux Coudres vers les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray et sur la Côte-du-Sud, principalement à Sainte-Anne de la Pocatière et Saint-Roch des Aulnaies dans les années 1780.  Aucun cependant n’était encore allé s’établir à l’ouest de la région de Charlevoix.  Christine Hervey est la première parmi les descendants du migrant Sébastien Hervet (1642-1714) à partir s’établir à l’ouest de Québec.  Elle fait donc le chemin contraire du migrant pour partir s’établir à Sainte-Mélanie, dans la seigneurie d’Ailleboust, à une trentaine de kilomètres au nord de Joliette et à une cinquantaine de kilomètres de la seigneurie de Lachenaie où son premier ancêtre s’était d’abord installé en 1673. 

Sainte-Mélanie n’est fondée que depuis quatre ans et les gens du coin se cherchent un instituteur.  On ne sait guère comment Christine et sa famille se sont retrouvées dans le petit patelin, si loin du berceau charlevoisien des Hervé.  En revanche, on sait que le couple n’est pas venu seul dans la seigneurie d’Ailleboust ; Julien Tremblay (1816-1872), jeune frère de Grégoire, les accompagne[5]Christine et Grégoire auront deux enfants à Sainte-Mélanie, le premier en 1839 et le second deux ans plus tard[6].  Puis en 1842, Grégoire met fin à son contrat d’enseignement à Sainte-Mélanie s’éloignant de son frère Julien qui est instituteur au village voisin de Saint-Ambroise. 

Christine et sa famille se dirigent alors vers la Rive-Sud du fleuve, dans le village de Saint-Pie, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Saint-Hyacinthe, en  empruntant le bac qui fait la traversée à partir de l’ile Dupas.  La famille est déjà à Saint-Pie en juin 1843 et n’assiste donc pas au mariage du beau-frère Julien à Sainte-Mélanie[7].  Saint-Pie est en pleine progression.  Dix ans plus tôt, un Américain avait acquis le pouvoir d’eau sur la rivière Noire (rivière Yamaska à partir de Saint-Hyacinthe) et avait fait construire de vastes tanneries et une scierie.  On recrute des cordonniers et des tanneurs, métiers qui, à l’époque, sont beaucoup mieux payés et plus stables que celui d’instituteur à la merci d’un conseil scolaire.  


À Saint-Pie, Grégoire n’enseigne donc plus, mais est plutôt cordonnier et chantre à l’église du village.  D’ailleurs Grégoire sera chantre partout où il passera.  Trois ans après leur arrivée à Saint-Pie, Grégoire est déjà maître-chantre.   Il faut dire que dès leur arrivée Christine s’était rapprochée de l’une des premières familles à s’être établi dans le secteur au début du siècle, les Denonville.  Deux des enfants du premier colon Jean Baptiste Denonville (1782-1868) seront d’ailleurs parrains et marraines des enfants de Christine[8]. Cette dernière en aura quatre à Saint-Pie[9].  En 1852, elle est encore la seule Hervé/Harvey à demeurer à l’ouest de Québec. Les trois cent soixante-cinq autres descendants vivants des migrants Sébastien Hervet et de Françoise Philippeau sont répartis dans Charlevoix, au Saguenay, sur la Côte-du-Sud dans les villages entre L’Islet et Rivière-Ouelle et à Sainte-Flavie dans le bas du fleuve; douze descendants demeurent dans le comté d’Aroostook au Maine.  En 1852, Christine, Grégoire et leurs sept enfants sont toujours à Saint-Pie dans leur maison construite en pièces sur pièces mais ce n’est plus pour très longtemps[10]

Suite à l’incendie des tanneries, en 1852, la famille de déplace encore plus à l’ouest et s’arrête au village de Saint-Philippe, à quelque quatre-vingts kilomètres de Saint-Pie et à moins de trente kilomètres au sud-ouest de Montréal.  Grégoire y sera de nouveau cordonnier, dans une nouvelle tannerie et, comme toujours, chantre du lieu.  C’est là que Christine donnera naissance à ses trois derniers enfants[11].  Elle et son maître-chantre marient leur premier enfant en 1859.  L’aînée épouse un instituteur du village de Saint-Philippe.  Comme la cérémonie se déroule à la cathédrale Notre-Dame de Montréal, les parents ne font pas le voyage[12].  De toute façon, les nouveaux mariés de vont pas très loin puisqu’ils habiteront avec la famille un certain temps.  Avec la naissance du petit-dernier en juillet 1861, la famille au grand complet est toujours sous le même toit, voisin du bedeau, au village de Saint-Philippe.  L’aînée et le gendre sont toujours parmi eux.  Outre quatre des enfants qui sont à l’école, tous les autres travaillent.  Christine et Grégoire ont donc onze bouches à nourrir[13].  Le marché du cuir s’effondre dans les années qui suivent et le peu d’industrie qui reste se déplace à Montréal.  Grâce à sa connaissance de l’écriture, Grégoire se fait huissier.  La famille vivra un autre dix ans à Saint-Philippe.  Les enfants travaillent comme couturière, boucher, marbrier et institutrice.  L’aînée et son époux ont quitté le toit familial.  Seul le cadet est encore aux études[14].  

La famille a vécu vingt-ans à Saint-Philippe lorsqu’en 1871 elle déménage dans la paroisse Saint-Jacques de Montréal[15].  L’air de la ville n’a pas convenu à Grégoire, car le maître-chantre, cordonnier et huissier à ses heures, s’éteint le 29 juin de l’année suivante[16]


Après le décès de son époux, Christine Hervé, car c’est ainsi que l’on écrira son patronyme à Montréal, voit ses enfants se marier et quitter son logement l’un après l’autre.  Elle consacre la majorité de ses économies à l’éducation de son cadet qui fait son droit.  Une fois reçu au barreau, Philippe Ernest, vingt-cinq ans, maintenant «Écuyer avocat», épouse Marie Antoinette Zélie MacKay le 25 mai 1887.  Celui qui sert de père et témoin à Philippe Ernest n’est nul autre que «l’Honorable Honoré Mercier, Procureur Général et Premier ministre de la province de Québec».  On peut imaginer la fierté de Christine lors de la cérémonie.  Comment la famille en était-elle venue à connaître le premier ministre de la province? Ça reste un mystère, mais comme Honoré Mercier était bâtonnier du Québec avant son élection, il est fort probable qu’il aura remarqué l’élève studieux[17].  Quoi qu’il en soit, cela n’enlèvera en rien la fierté de la mère[18].  

Le 27 juin 1894, «Christine Hervé, veuve de Grégoire Tremblay huissier» s’éteint à Montréal à l’âge de soixante-dix-neuf ans[19].


Celle qui avait poussé vers l’ouest les limites du territoire occupé par les Hervé, avait été rejointe par de nombreux autres depuis.

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Ceci termine la section consacrée aux enfants de Dominique Romain dit Joseh Hervé.  

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 février 1815.

[2] Ibid., 22 février 1832.

[3] Ibid., 1er et 6 octobre.

[4] Ibid., 19 janvier 1836.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Mélanie d’Ailleboust, 9 août 1839.

[6] Ibid.23 novembre 1841.

[7] Ibid., 5 juin 1843.

[8] VILLE DE SAINT-PIE.  Petite histoire de Saint-Pie. [En ligne]. https://www.villest-pie.ca/fr/petite-histoire-de-saint-pie [page consultée le 24/01/2025].

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pie, 19 février 1844, 26 décembre 1845, 7 février 1848 et 14 août 1850.

[10] B.A.C., G., Recensement de 1851 pour le Canada-Est.  Et : Recensement de 1851, Saint-Pie, microfilm e002317669.   La collecte de données pour le Canada-Est ne commence que l’année suivante. Ainsi l’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852. Et : National Archives and Records Administration Federal Population Schedules for the 7th Census of the United States, Madawaska, Aroostook, Maine, 30 Septembre 1850.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Philippe, 20 février 1853, 20 mai 1856 et 1er juillet 1861.

[12] BAnQ., Registre de la Basilique Notre-Dame de Montréal, 7 mai 1859.

[13] B.A.C., G., Recensement de 1861, Saint-Philippe, microfilms 4108782_00527 et 4108782_00528.   

[14] B.A.C., G., Recensement de 1871, Saint-Philippe, microfilm 4395472_00617.   

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Luc, 20 janvier 1874.

[16] BAnQ., Registre de la Basilique Notre-Dame de Montréal, 1er juillet 1872.

[17] Honoré Mercier possédait un bureau d’avocat à Montréal.  Peut-être que le fils de Christine y était employé.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Joseph de Montréal, 25 mai 1887.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 30 juin 1894.