Chapitre 14

Les Harvey originaires des Îles britanniques

Outre Sébastien Hervet et François Hervy d’origines françaises, il y a aussi eu quelques Harvey qui sont débarqués au pays, lors de la conquête et après, qui étaient originaires des îles britanniques.

Pour la plupart, ils étaient parmi les troupes anglaises d’occupations d’après la conquête comme James Harvey, un lieutenant de marine, mais ils ne sont pas demeurés au pays.  Parmi les quelques-uns qui sont restés, c’est dans le Haut-Canada qu’ils finiront leur vie. 

La majorité du petit nombre de Harvey originaires des îles britanniques que l’on retrouve au Québec est par contre venue avec les loyalistes arrivés dans les Cantons de l’Est et dans une moindre mesure en Gaspésie entre 1783 et 1791.  C’est d’ailleurs l’arrivée des loyalistes venus des États-Unis en grand nombre dans la colonie qui entraîne la scission de la Province of Quebec d’alors en un Haut-Canada anglophone peuplé de loyalistes [l’Ontario d’aujourd’hui], et un Bas-Canada francophone à l’est de la rivière des Outaouais. 

Par la suite, d’autres Harvey loyalistes viendront encouragées par la politique britannique de nouvelles implantations.  Cette politique est semblable à celle qu’ils avaient menée en Irlande afin d’y prendre le contrôle. Les autorités britanniques octroient des terres et une prime d’installation pour tous les nouveaux colons anglophones, dont les loyalistes.  C’est surtout encouragé par cette politique de 1807 que sont arrivés les Harvey majoritairement loyalistes des Cantons de l’Est.  Espérant sans doute un revirement de situation au sud de la nouvelle frontière, ils s’installent le long de cette frontière dans les townships récemment créés pour eux ; ceux de Dunham, Hereford, Compton, Newport et finalement légèrement plus au nord dans celui de Shipton.

Toujours en raison de cette même politique et de ses suites, les autres Harvey originaires des îles britanniques a vraiment débarquer dans la colonie pour s’y installer à demeure sont arrivés à Québec après être passées en quarantaine à la Grosse-Île comme tous les immigrants de l’époque.  Certains y sont morts et quelques-uns de leurs enfants furent adoptés par des familles du pays, à l’île-aux-Coudres en autres.  Ceux ayant survécu se sont installés plus tard dans la région de Montréal, mais surtout dans le Haut-Canada. 

En 1852, on ne compte pas à la tonne ces Harvey originaires des Îles britanniques.  Une poignée des loyalistes arrivées dans la première moitié du siècle sont encore au Québec.  Cinq familles de loyalistes sont encore aux environs de Dunham dont un couple âgé sans enfant, une dans Hereford, une dans Compton, deux dans Newport et deux dans Shipton.  L’autre vague d’immigration de la fin des années 1830, celle des famines, à amener trois familles de Harvey à s’installer en Montérégie près des frontières américaines également ; une d’Écosse à Saint-Anicet et deux autres familles, venus d’Irlande, établis respectivement à Saint-Jean Chrysostome et à Saint-Armand[1]

Mais d’où viennent donc ces Harvey des îles britanniques[2]

Les ancêtres de la famille Harvey anglaise ont émigré en Angleterre lors de la conquête normande de 1066.  Ils ont la même souche que les Hervet de Sébastien [1642-1714] de Blois en France et que les Hervy de François [c.1796-1881] de Saint-Pierre et Miquelon.  Comme on l’a vu, le nom de famille Hervé-Harvey tire sa source d’un prénom Breton Aeruiu ou Haerviu.  Il regroupe les éléments haer, c’est-à-dire au combat et viu ou vy, qui signifie digne ; une fois regrouper, digne au combat[3]

Le patronyme a été d’abord introduit en Angleterre dans sa forme gauloise Herve dans le Norfolk où la famille avait son manoir dans les temps médiévaux.  Ces terres et ce manoir furent accordés très tôt dans l’histoire de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, alors duc de Normandie et roi d’Angleterre, en remerciement des services rendus par Robert Fitz Herve et les siens lors de la conquête Normande de l’Angleterre à la bataille d’Hastings en 1066.   Robert Fitz Herve était un noble Normand[4].  Ses descendants sont devenus les premiers évêques d’Ely et ont fondé le monastère de Thorney dans le Cambridgeshire anglais. 

Comme de ce côté-ci de l’Atlantique bien plus tard, le patronyme en contact dès lors avec la culture anglo-saxonne évolua pour prendre la forme Harvey au siècle suivant.

L’environnement instable en Angleterre à une certaine époque des persécutions religieuses a amené de nombreuses familles Harvey à partir à la recherche de prospérité et de liberté cinq cents ans plus tard.  Fuyants à l’étranger, ils se sont établis en en Irlande, en Australie et aussi en Écosse.  Une branche écossaise de cette famille a longtemps été présente dans le comté d’Aberdeen, où ils ont possédé des propriétés considérables dès le XVe siècle. 

Ce sont donc ces cousins très lointains, les descendants de Robert Fitz Herve, ce normand qui accompagnait le duc de Normandie dans sa conquête de l’Angleterre en 1066, qui sont venus nous rejoindre après la conquête de la Nouvelle-France par l’Angleterre en 1759.

[1] B.A.C., G., Recensement de 1851, Canada-Est.  L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852.  Treize familles au total. 

[2] Mes visites en Angleterre et en Écosse m’ont permis de découvrir l’origine des Harvey (Herve) des îles britanniques, particulièrement ma première visite à la bibliothèque de l’Université d’Oxford en 1997. 

[3] HANKS, Patrick.  Op.cit. 

[4] LE PATOUREL, John.  The Norman Empire. Oxford, Clarendon Press, 1976, 416 pages.