3 Germain Hervé

5.6.11.3 Germain Hervé (1808-1902), 5e génération

Le survivant 

Cette partie de la petite histoire des Harvey commence sur l’île aux Coudres le 19 novembre 1808 alors que Marie Anne Tremblay (1774-1840), l’épouse de Joseph Hervé (1782-1867), met au monde le petit Germain.  Le nouveau-né est baptisé le même jour par Alexis Lefrançois (1767-1856), huitième curé de l’Isle.  Dans son registre[1], le curé Lefrançois orthographie le patronyme sous sa forme « Hervé », comme on l’écrit toujours à l’époque à l’Isle.

Germain a pour parrain, Germain Dufour (1793-1881), à qui il doit son prénom.  Ce Dufour est un cousin de son père et bien que la marraine soit assurément une épouse potentielle, comme il n’a que quinze ans, il est trop tôt pour penser le marier.  Sa marraine est l’une des plus jeunes de la famille chez son père, Marie Magdeleine (1794-1882) qui a maintenant quatorze ans révolus.  

Étant le premier garçon de la famille, il est l’aîné mâle avec tout ce que cela revêt d’importance à l’époque.   Germain, le temps venu, héritera donc de la terre familiale qui appartient à son père Joseph lequel l’avait reçu de son père Dominique. Ce dernier la possédait en partie grâce à son mariage avec une fille de Joseph Simon Savard, l’un des premiers censitaires de la Nouvelle-France à s’établir à l’Isle aux Coudres.  À sa naissance, Germain a déjà une grande sœur de cinq ans, Marie Anne (1803-1846) et une autre de deux ans, née Marie, mais que l’on prénommera toujours Archange (1806-1888).  Il vient tout juste d’avoir deux ans quand naît son frère Marcel le 18 février 1811.

Comme beaucoup d’entre nous, Germain ne connaîtra pas beaucoup son grand-père.  Il n’a pas quatre ans quant à soixante-quinze ans, l’ancêtre Sébastien Dominique décède le 8 mars 1812.  Deux jours plus tard, la petite famille se réunit pour les funérailles à la chapelle Saint Louis de France. 

Germain aura six ans à l’automne lorsque naît son deuxième frère Joseph, en août 1814.

Germain dut apprendre à lire et un peu à écrire au cours de son enfance puisque l’on retrouvera quelques exemplaires de sa signature[2].  Il n’y avait point d’écoles à l’Isle pendant l’enfance de Germain.  Par contre, François Leclerc (1776-1867), le serviteur du sixième curé à l’Isle qui avait appris à lire et écrire sous son égide et par la suite chez les Ursulines de Québec était revenu au Cap à Labranche depuis 1806 comme bedeau et sacristain.  Lui qui habitait une petite parcelle de terre prêtée par la fabrique à même le jardin du curé, y avait bâti une maisonnette de quinze pieds sur vingt pieds et enseignait à lire et écrire aux enfants[3].  Le grand vicaire Alexis Mailloux (1801-1877) connu pour avoir été le premier à écrire l’histoire de l’Isle aux Coudres et qui était à peu près du même âge que Germain avait appris à lire et écrire de François Leclerc.  Comme Germain habitait à deux pas au sud des Mailloux qui étaient voisins au nord de son oncle Louis Hervé, il dut sûrement apprendre lui aussi quelques rudiments de l’orthographe, mais surtout à lire, car on passait au plus important à l’époque quand on ne travaillait pas sur la terre et le plus important était de savoir lire.  L’écriture n’était pas vue comme très essentielle.  Une fois adulte d’ailleurs, Germain déclara le plus souvent, ne savoir signer. 

Dans son enfance lorsqu’il joue dans les bois à l’Isle, Germain ne s’aperçoit sans doute pas que, bien que cette dernière soit encore un peu boisée, elle a déjà perdu la forêt mixte que les premiers colons, comme son arrière-grand-père Sébastien ont connue puisque ce dernier et les trois générations qui ont suivis l’on défricher.  Les arbres à feuilles caduques, les arbres sempervirents et les conifères ont disparu et sur son Cap à Labranche comme ailleurs sur l’île « ... presque tout y est en labour ».  Les pentes escarpées de la côte de roches sont bien encore couvertes, mais simplement « d’arbustes épais et rempans ».  Il reste sur les hauteurs vers le milieu de l’île au fond de la terre de son père une petite quantité de bois, mais si les insulaires ne les ont pas encore abattus c’est que ces derniers y poussent très mal et qu’ils y sont très chétifs[4].  Cela n’empêche sûrement pas Germain d’y jouer pour encore un été ou deux avant que la réalité d’un fils de fermier ne l’entraîne dans les rouages du travail de la ferme.

La famille possède un cheval, mais comme pour les autres cultivateurs, on utilise encore le bœuf pour la tire dans les champs.  C’est probablement vers l’âge de dix ans, soit en 1818, que Germain est mis à contribution pour la moisson[5].  Avant cela, il fait quelques travaux autour de la ferme.  Son père lui fournit probablement sa première faux, une faucille ou une sape en août de cet été 1818.  Encore pratiquée à l’époque, la moisson manuelle consistait à confectionner des gerbes qui étaient entassées en meules, le temps que sèche la récolte avant l’opération suivante.  Ses sœurs, Marie Anne qui a quinze ans et Archange qui en a douze, devaient également participer puisqu’elles avaient atteint l’âge de la puberté qui marquait, pour les filles, le temps où elles devaient commencer à travailler aux champs.  Germain et ses sœurs participent également par la suite avec leur mère au battage du blé qui consiste à séparer le grain de la paille.  Comme toutes ces opérations étaient pénibles et coûteuses en main d’œuvre, les cultivateurs du Cap à Labranche, à peu près tous parents, se regroupaient pour les terminer avant septembre.  

Depuis son installation sur la petite chapelle originale entre 1733 et 1736, et par la suite dans le clocher de la petite église de bois construite en 1771, la cloche réglemente le temps et les activités à l’Île.  À midi, au moment où on sonnait l’angélus, Germain et toute sa famille qui sont aux champs pour la moisson arrêtent de travailler, se signent et prononcent une prière.  Par la suite, la famille mange au champ un petit goûter qu’a préparé la mère de Germain la veille.  Ceci me rappelle mon enfance alors que nous ne portions pas de montre.  C’est la cloche de l’église Saint-Vital, ma paroisse, qui rappelait, à mes copains et moi que nous devions entrer dîner.  Jamais je n’ai entendu une mère appelée ses enfants, la cloche faisait ce qu’elle avait à faire pour réglementer notre vie.

Les femmes de l’Isle qui avaient conservées, plus qu’ailleurs dans la colonie, les habitudes françaises, recherchaient un teint de lait[6].  Marie Anne, la mère et ses deux filles devaient donc porter un chapeau aux larges rebords sur la tête, un foulard au cou, de grandes manches aux bras, des mitaines aux mains et aux avant-bras, des jupes longues à moitié jambe avec des bas de laine en dessous.  Les produits de beauté à cette même fin se limitaient en général à une poudre blanche qu’ils obtenaient lors de la sortie d’automne à Québec.  Son utilisation se heurtait par contre à l’opposition de l’église ; changer la couleur naturelle de la peau, c’était « forcer la nature », mais, sur ce point, le curé Pierre Thomas Boudreault (1777-1822) n’avait pas prise. 

Archange Desbiens, épousailles et enfants (1823-1839) 

C’est à quinze ans, en 1823, que Germain est inscrit pour une deuxième fois dans les archives de l’Isle aux Coudres.  Il est choisi par sa tante Marie Josephe Harvé (1788-1854) et son conjoint Joseph Louis Tremblay (1788-1864) pour être le parrain de François Tremblay (1823-1904)[7].  Il récidive trois ans plus tard au baptême de Marie Denise fille de son cousin Joseph Marie Tremblay (1795-1867) et de Geneviève Bilodeau (1798-1873).  Joseph Marie est le fils de son oncle Louis Tremblay (1765-1819), le frère de sa mère.  Cette fois-ci par contre, l’événement semble plus sérieux pour le jeune parrain, car la marraine est du même âge que lui.  La pratique qu’avaient les gens de l’Isle au XVIIIe siècle d’introduire les jeunes gens dans la vie adulte et de peut-être un peu de leur forcer la main par un rôle de parrain et marraine se poursuivait donc encore au siècle de Germain.  La marraine Marie Archange Morin (1808-1887) est une cousine au troisième degré par sa mère, une Tremblay[8].  Germain ne s’entichera pas d’Archange Morin, mais s’amourachera d’une autre Archange sous peu.

C’est également en 1826 qu’Alexis Tremblay (1769-1844)[9] complète la construction du moulin hydraulique qu’il avait commencé en 1824 par une grande corvée des habitants qui s’étaient engagés à le construire « à leurs frais et dépens »[10] en 1815.  On détourne alors les eaux du ruisseau des Pruches et du ruisseau de la Mare dans la rivière Rouge pour en augmenter le débit et ainsi permettre au nouveau moulin hydraulique de fonctionner plus souvent.  Sébastien Hervé (1695-1759), le premier de la lignée à l’Isle, du se retourner dans sa tombe à voir son ruisseau de la Mare qui courrait sur sa terre ainsi détournée.  Il ne fait aucun doute qu’à son âge Germain accompagna son père qui participa à cette corvée et aux travaux qui suivirent les deux années suivantes. 

Ce n’est qu’en 1827 qu’a lieu l’érection canonique[11] de la paroisse de Saint-Louis-de-France après bien des requêtes[12] des habitants de l’Isle qu’avait signées le père de Germain.  La paroisse sera dorénavant connue sous le vocable de Saint-Louis de l’Isle aux Coudres.  Saint-Louis-de-France n’était plus, l’archevêché de Québec ayant probablement conclu que la référence à la France était devenue un peu dérangeante dans cette colonie aux nouveaux maîtres britanniques.

Alors que l’hiver 1828 bat son plein, Germain est à nouveau choisi comme parrain.  Cette fois-ci, c’est Germain Dufour (1793-1881), son propre parrain et son épouse Emerance Gagnon (1788-1865) qui lui demandent de remplir ce rôle lors du baptême de leur fils Joseph Octave (1828-1905).  Sa cousine Justine Harvé (1811-1829), la fille de l’oncle Louis est marraine de l’enfant[13].

Comme on l’a vu au chapitre précédent, les sœurs aînées de Germain, Marie Anne et Archange ont convolé en justes noces en 1828 et 1829 alors que lui semble toujours en recherche de l’amour.

Comme tous les jeunes hommes de l’Isle, Germain participe probablement vers la fin de l’été 1830 à la traditionnelle épluchette de blé d’Inde, un héritage de la culture amérindienne combiné avec une tradition de nos ancêtres.  Il tentera d’y dénicher une perle qu’il n’a toujours pas trouvée alors qu’il a vingt et un ans.  Les moissons donnant lieu aux corvées nécessaires à la préparation des réserves pour l’hiver, celle du maïs en autres, les familles à l’Isle organisent un jeu pour rendre plus agréable la besogne de l’épluchage.  On place donc une pile d’épis devant les jeunes hommes et une autre devant les jeunes femmes.  Un épi rouge est dissimulé dans chacun des tas.  En découvrant cet épi, on devient roi ou reine de l’épluchette. Le jeune homme aura droit à un baiser de la belle et le couple « royal » ouvrira la danse du soir en espérant que le curé Asselin aura permis l’événement.  

L’histoire ne dit pas si Germain fut couronné cet été-là, mais il a assurément trouvé l’amour, car le 4 février 1831, le surlendemain de la Chandeleur[14], un jeune couple d’amoureux traverse les glaces du grand fleuve pour se rendre chez le notaire Charles Pierre Huot (1790-1865) dans la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul où ce dernier exerce sa profession.  Le notaire est connu de Germain puisqu’il y avait épousé une cousine de deuxième degré, Charlotte Boudreault (1799-1821) le 24 août 1819.  La pauvre était morte en couche moins de deux ans plus tard.  Malgré l’hiver, le jeune couple ira sceller son union civilement comme c’est la coutume.

Cette traversée, Germain et sa dulcinée Archange Desbiens, ne la font pas seuls, les bateliers ne manquent pas, car plusieurs témoins signent le contrat de mariage[15].  C’est d’abord André Desbien (1807-1873) qui consent au mariage d’Archange comme tuteur puisque cette dernière est mineure.  Le père Joseph, qui avait déjà donné ses instructions au notaire, en profite pour signer d’un « x » le testament que ce dernier a rédigé.  Ce document fera de son fils aîné l’héritier de fait de la terre familiale.  Enfin, le père de Germain, qui est un cultivateur prospère, s’assurera d’établir ses autres fils et Germain devra dédommager ses frères et sœurs pour leurs parts d’héritage[16]. 

Une fois revenue à l’Isle aux Coudres par la batelée du p’tit canot croche, Germain vingt-deux ans, épouse Archange Desbiens dix-huit-ans, dix jours plus tard le 14 février 1831.  Archange est la fille de feu David Desbiens (1765-1817) et de feu Félicité Godreau (1770-1819), elle est née le 6 mai 1812.  Archange est mineure et elle est la benjamine de sa famille.  Son jeune frère de vingt-quatre ans est son tuteur.  Archange est aussi une enfant de l’île et dans une certaine mesure une parente éloignée puisque, pour se marier, le jeune couple a dû obtenir une dispense de quatrième degré de monseigneur Bernard Claude Panet, l’évêque de Québec.  Germain, par sa mère, a en effet le même arrière-arrière-grand-père qu’Archange, Louis Tremblay (1667-1747).  Il s’agit en fait d’une demi-dispense puisque Louis Tremblay a eu quatre épouses ; Germain et Archange ne sont pas de la lignée de la même épouse.  De plus, Vital Desbiens (1791-1861), le frère aîné d’Archange, est marié à Marie Madeleine Hervé (1794-1882), la tante de Germain.  Finalement, si ce n’en était pas assez de tout ce cousinage, Luce Desbiens (1797-1859), l’une des sœurs d’Archange, est mariée avec le voisin Augustin Dufour (1796-1880).  Luce est cette sœur qui a pris soin d’Archange lorsque sa mère est morte alors qu’elle n’avait que six ans, son père était décédé deux ans plus tôt.  Les tourtereaux voisins du Cap à Labranche se connaissent donc depuis la plus tendre enfance et avaient eu tout le temps de s’apprécier.

L’inscription du mariage au registre de la paroisse nous révèle la deuxième signature de Germain qui apparaît au bas de l’acte, «  G. Harvé »[17], la première ayant été lors de la signature du contrat de mariage.  

Lui qui nous montre un certain degré d’aisance dans sa signature le fera à nouveau en novembre comme parrain lors d’un baptême et curieusement, un mois plus tard, lors de la naissance de son premier enfant, il déclarera « ne savoir signer » et il fera ainsi tout au cours de sa vie sauf à un baptême en 1836 et à la naissance de son sixième enfant qui était son troisième fils.  Germain a-t-il simplement appris de celui que l’on appelait le père François Leclerc une mimique calligraphique de son nom pour l’occasion ? Il semble bien, car plusieurs autres de la famille feront la même chose par la suite.  De toute façon, qu’importe pour Germain de paraître illettré aux yeux du curé et des familles présentes à une cérémonie dans cette petite société où l’ignorance, comme partout dans les campagnes d’ailleurs, est la norme de l’époque.  Il ne s’agit pas de quelque chose que l’on s’efforce de cacher ni de montrer chez les insulaires.    

Puisque le père de Germain a fait de lui son héritier, le couple habitera avec Joseph et Marie Anne Tremblay, du moins pour l’instant.

Deux mois après ces moments heureux pour la famille, un drame se joue sur le fleuve qui allait entraîner la mort de l’un des frères de Germain.  Comme on l’a vu au chapitre précédent, vers la fin avril, Marcel (1811-1831) était parti avec un compagnon pour traverser à la Rivière-Ouelle.  Après six longues journées sans les revoir, Germain, son père Joseph et quelques autres bateliers traversèrent au Sud pour aller s’enquérir du sort des voyageurs.  On y apprit qu’une chaloupe avait bien été trouvée dans le bas de l’entrée de la Rivière-Ouelle, mais que ses occupants avaient vraisemblablement disparu sur le fleuve.  Germain et son père ne purent ramener le corps de Marcel puisqu’il ne fut jamais retrouvé[18].

Malgré un bien triste printemps, le temps de l’avent[19] allait assurer que la période des fêtes soit un peu plus joyeuse par deux naissances dans la famille.  D’abord, Marie Anne, la sœur de Germain, accouche d’un deuxième garçon à la fin novembre et il est choisi comme parrain de l’enfant.  Le 10 décembre suivant, Archange met elle aussi un peu de baume sur les événements en donnant naissance à son premier enfant, d’une longue lignée de treize.  L’enfant a pour marraine Marie Archange, l’une des trois sœurs de Germain.  Les parents choisissent Augustin Dufour, leur voisin et beau-frère, comme parrain.  Il est le fils du frère de « la grande Madeleine », la grand-mère paternelle de Germain et comme on l’a vu, il est également et surtout l’époux de Luce Desbiens où Archange a habité une fois ses parents décédés.  Marie Justine Harvé (1831-1922), la nouvelle addition dans la famille, est baptisée le jour même de sa naissance[20].  Tout comme son prédécesseur, Louis Marie Lefebvre, durant les treize ans que durera sa cure, Joseph Asselin, douzième curé de l’Isle de 1826 à 1839, imposera l’orthographe « Harvé » pour notre patronyme dans ses registres.  Martin Léon Noël qui lui succédera comme curé, à compter de 1839 jusqu’en 1843, imitera aussi cette façon d’écrire le patronyme.    

En plus de Marie Justine, Archange mettra trois autres enfants au monde avant 1840, Denyse, Paul et Marie Marthe.

En juin 1832, plus de sept mille immigrants irlandais tassés dans des vaisseaux surchargés, dont plusieurs sont victimes du choléra, remontent le Saint-Laurent.  Ils débarquent à la Grosse-Île où l’on a aménagé l’Hôpital des Émigrés, à moins de trente kilomètres de l’Isle aux Coudres.  Le spectre d’une épidémie refait surface.  Les insulaires, isolés comme ils le sont, n’en avaient plus connu depuis 1758 alors qu’une quinzaine d’entre eux avaient été emportés par la petite vérole.  Le 8 juin, le navire-Carrick qui a quitté l’Irlande avec cent trois immigrants arrive à Québec après avoir perdu cinquante-neuf de ses passagers morts du choléra pendant la traversée ; le même jour le navire Le Voyageur part de Grosse-Île vers Montréal avec quatre cent cinquante passagers à bord dont l’un mourra du choléra avant d’arriver à Trois-Rivières.  Un autre mourra le 9 juin dans une auberge de Trois-Rivières où on l’avait débarqué et un autre sur le quai en arrivant à Montréal ; c’est ainsi que débute la propagation du choléra à l’intérieur du pays.  En vingt-deux semaines, l’épidémie de choléra tue neuf mille personnes.  Pendant cette mémorable année, plus de cinquante et un mille migrants venus des îles britanniques débarquent dans la colonie qui compte cinq cent mille habitants.  Dès les premiers cas de choléra à Québec en juin, la panique s’empare des habitants et les parents fuient à la campagne.  Certains d’entre eux reviennent même à l’Isle.  Des vingt mille habitants de la ville de Québec, plus de mille ont quitté leur demeure.  Apeurés, les navigateurs de l’Isle et les cultivateurs ne se rendent plus au marché de Québec pour y vendre leurs produits[21].  Édouard Rodier, un membre du parti patriote dont il représente la relève et la tendance radicale, accuse l’Angleterre d’avoir délibérément exporté le choléra pour disséminer la population francophone du Bas-Canada[22].  Les tensions dans la colonie continuent de grimper.

Germain a vingt-trois ans lorsque sa grand-mère paternelle, « Marie Magdeleine Dufour veuve de feu Dominique Harvé » décède en juillet 1832 à l’âge de soixante-quinze ans.  Il la connaît bien, car cette grand-mère, « la grande Madeleine », l’a bercé longtemps puisqu’elle est demeurée sous le toit de la famille qui fut le sien depuis le décès de son mari ; Germain n’avait alors pas encore quatre ans.  C’est elle qui se sera assuré que les deux familles soient si proches, car comme on le verra, tout au cours de la vie de Germain, il y aura toujours un Dufour au détour des événements familiaux et de la vie quotidienne.  La cause du décès de la grand-mère ne nous est pas connue, mais le choléra n’y est pas relié, car l’épidémie ne rejoindra pas l’Isle sauf pour le corps d’une malheureuse jeune Irlandaise qui sera trouvée noyée sur le rivage du Cap à Labranche cet été-là. 

Denyse Harvé (1833-1898), le deuxième enfant de Germain et Archange, naît le 13 septembre 1833 à minuit et est baptisée le jour même.  Son parrain est George Harvai, le cousin de Germain, le fils de LouisDanie, la sœur cadette de Germain est la marraine[23]. 

Paul Harvé (1835-1902) qui assurera plus tard l’avenir de la terre familiale suit à son tour et naît le 18 juillet 1835.  Il est baptisé le lendemain et aura pour marraine Marie Félicité Hervai (1818-1894) et Ulric Bouchard (1811-1887) comme parrain, celui qui deviendra son époux l’été suivant.  Félicité est la fille aînée de Louis, l’oncle de Germain[24].

Entre-temps, une deuxième épidémie de choléra s’était abattue sur la colonie l’été précédent.  Introduit par un marin du navire Eleonor venu de Dublin en Irlande, il avait fait deux cent soixante-quatre morts à la Grosse-Île, deux mille quatre cents au Bas-Canada dont mille huit cents à Québec.  Encore une fois, les insulaires de l’Isle aux Coudres avaient été épargnés[25].

C’est au cours de cette décennie que Germain commence la construction d’une maison pour sa famille sur un petit lopin de la terre de « cinq perches de front sur cinquante arpens de profondeur bornés par devant au chemin à la haute marée du Fleuve St Laurent et par derrière au bout de la dite profondeur, joignant au Nord Ouest à Jacob Bouchard et de l’autre côté au Sud Est au terrain appartenant aux dits Sieur et Dame Germain Harvay. »[26]  Ce lopin de terre, son père le lui a concédé pour pourvoir à son établissement et, si la coutume perdure, Germain étant l’aîné, il lui cédera tout le reste lorsqu’il prendra la décision de se donner.  

La petite maison du père est vieillissante et ne suffit plus pour la famille grandissante de Germain.  La sienne sera en bois comme pour toutes les maisons de l’Isle construites à cette époque puisque le bois est encore une ressource disponible située à proximité, bien que de moins en moins abondante.  Germain avait appris, comme tous ses ancêtres à l’Isle avant lui, que les maisons de bois résistent mieux aux hivers du pays que celles de pierres dont les techniques de construction avaient été apportées par les ancêtres français.  D’ailleurs, il ne reste déjà plus que quelques maisons de pierres à l’Isle alors que l’on approche du milieu du XIXe siècle.  Le deuxième étage de la maison de Germain n’est plus simplement un grenier, il fournira toutes les chambres nécessaires à sa famille grandissante ; la chambre des garçons, la chambre des filles, la chambre des petits.  La chambre de Germain et d’Archange est au rez-de-chaussée pour l’instant puisque son père s’entête encore à demeurer dans sa vieille maison.  Quelque part avant la fin de la décennie suivante, le patriarche cédera et rejoindra le couple dans la nouvelle maison.  Germain et Archange prendront alors sans nul doute la direction de l’étage, cédant le rez-de-chaussée à son père[27]. 

Si Germain n’avait appris qu’à lire et si peu à écrire, il pouvait se consoler et être rassuré qu’il n’en serait pas de même pour ses enfants, car le curé Joseph Asselin faisait tous les efforts pour assurer l’éducation de la prochaine génération.  Il s’assura de faire ouvrir de petites maisons d’école dans toute l’île dont l’une était tenue par Pierre Didace Mailloux (1791-1877), instituteur-cultivateur.  Il alla jusqu’à faire construire une « maison d’école » près de l’église ouverte en 1836 où l’on y recevait l’instruction élémentaire.  Germain Desgagnés (1780-1854) était l’instituteur de l’école de l’église et les enfants de Germain en profiteraient en y passant un peu de temps. 

Jusque-là, depuis un peu moins de dix ans, l’école du douzième curé Joseph Asselin était d’abord située à même l’immense presbytère que s’était fait bâtir le curé Alexis Lefrançois en 1806.  Bien que les habitants s’entassent par dizaines dans de petites chaumières, on ne lésinait pas quand il venait le temps de loger son curé.  Outre le curé Asselin lui-même, Germain Desgagnés, premier instituteur laïque de l’Isle aux Coudres, y enseignait également.  

Le professeur avait sa maison à l’extrémité de la côte de la Baleine, aux environs du trécarré, une maison qui avait toujours appartenu aux Desgagnés[28].  Les enseignants ne tarderont pas à être remplacés par des enseignantes, un métier assumé par des jeunes filles de l’île en attendant de trouver un mari, comme ma grand-mère Élida Desgagné (1887-1969) qui enseigna à la petite-école de la Baleine quelques années.  Comme les garçons de Germain commencent à travailler à la ferme vers sept ou huit ans, il est peu probable que mon ancêtre ait complété plus d’une deuxième ou troisième année.  Dans une vingtaine d’années, les registres de la paroisse ne contiendront plus systématiquement la phrase des curés qui apparaît au bas de chaque acte « … qui tous ont déclaré ne savoir signer ».  Il aura fallu trois générations, celles de Sébastien Dominique, Joseph et Germain, et une centaine d’années de grande noirceur, pour que l’on retrouve quelques personnes à l’Isle qui pourront, sans passer par le curé ou le notaire en visite, lire ce qu’ils reçoivent et signer notre patronyme. 

La proximité des Dufour continue.  En avril 1836, Germain est une fois de plus choisi comme parrain.  Cette fois-ci, il le sera pour Éloi Dufour (1836-1910), un fils de son cousin et voisin Augustin Dufour et de sa belle-sœur Luce Desbiens.  Encore une fois, Germain signe le registre[29].  

C’est en avril 1837 que Marie Anne, la sœur aînée de Germain, perd son mari et se retrouve veuve à trente-trois ans, enceinte de quatre mois avec cinq orphelins sur les bras.  Toute la famille élargie contribue à amoindrir sa peine et son fardeau.

En ce mois de mai 1837, Germain et toute sa famille, participe à la procession de la Fête-Dieu qui est mémorable cette année-là en raison de la construction des chapelles servant de reposoirs.  Germain à participé aux corvées qui ont permis leurs constructions.  Les sites des nombreuses croix de chemin de l’Isle sont aussi autant d’arrêts et de prières lors de la procession.  Je me rappelle avoir participé à cette procession quand j’étais petit gars, avec tous les autres enfants de mon école.  Le curé, suivi des marguilliers et de toute la population disponible marchaient dans les rues principales de la paroisse jusqu’à l’église de mon patelin d’où nous étions partis après une grande célébration. 

Malgré l’apparition des chapelles de procession, les très nombreuses croix de chemin de l’Isle aux Coudres demeurent, durant bien des années, le lieu de rassemblements.  En plus du mois de Marie, elles sont utilisées en octobre pour le mois du Rosaire.  Il semble que ces réunions de prières autour de la croix soient aussi des occasions pour les jeunes de la paroisse de se rencontrer et même de se fréquenter : bien de futurs mariages se seraient même préparés autour des croix de chemin[30]. 

Alors que la population de l’Isle prie, la colonie bouillonne depuis quelques années.  D’abord, il y eut la Conquête et l’arrivée des britanniques, l’instauration de leurs institutions, l’implantation massive de « loyalistes » à la couronne d’Angleterre dans la décennie 1780 et les invasions américaines de 1775 et de 1812.  Tout au début, l’envahisseur britannique est prudent et conciliant, il ne peut attirer une immigration massive de colons anglais.  Conséquemment, outre un nombre important de militaires qui occupent la colonie, il n’y a que quelques centaines de bons et loyaux sujets anglais[31].  Avec l’arrivée massive des « loyalistes » fuyants la Révolution américaine, l’Angleterre tente de faire de cette ancienne colonie française la plus britannique de ses possessions.  C’est par dizaine de milliers que des émigrants des îles britanniques, débarquent dans la colonie, encouragés par les autorités de Londres.  L’Angleterre y impose maintenant en masse ses règles pour faire contrepoids aux colonies qu’elle a perdues au Sud aux mains de la Révolution américaine.  Dans les années 1830, la population d’origine française se sent menacée de renversement par l’accroissement fulgurant du nombre d’anglophones.  Par exemple, au recensement de 1825, on compte déjà au-delà de cent soixante-dix anglophones portants le patronyme Harvey, répartis dans vingt-quatre familles.  Les Hervé francophones, bien que légèrement plus nombreux, ne sont, à cette époque, qu’une quinzaine de familles[32].  Mais tout cela, Germain ne le sait pas, car ces nouveaux arrivants sont concentrés dans les nouveaux townships qu’on leur a aménagés le long de la frontière américaine, les Eastern Townships.  De toute façon, Germain plus ou moins analphabète, est de cette génération née Hervé qui n’a pas même vu que le « e » de son patronyme avait été changé en un « a » pour Harvé comme il a appris à l’écrire ; ces Harvey anglophones n’ont donc que peu à voir avec lui.  Germain est tout de même témoin de l’avènement de la Société Saint-Jean-Baptiste, de la montée de l’opposition à l’anglais et des discours nationalistes des politiciens canadiens-français.  Tous ces bouillons de révolte conduiront sous peu à un nouveau drame auquel participeront certains membres de la famille, mais avant, le 19 février 1837, « Archange Desbiens, femme de Germain Harvé » agit comme marraine au baptême de Jules Harvé (1837-1912), le fils du cousin Joseph (1809-1869) chez l’oncle Louis et de la petite-cousine Marie Émérentienne Dufour (1814-1883).

La Rébellion des Patriotes de 1837 et 1838

Il ne fait aucun doute que Germain et son père Joseph ont été sympathiques à l’égard du mouvement patriote et du Parti des Patriotes du début du siècle jusqu’à la Rébellion de 1837 et 1838.  Le mouvement de contestation du régime colonial mûrit depuis 1792.  Dominique, le grand-père, en parlait puisque ses fils, les frères de Joseph, et leurs fils, les cousins de Germain qui, on se rappellera, résident pour la plupart à la Malbaye sont très impliqués dans l’organisation du Parti des Patriotes.  Il en est de même des cousins de la lignée du grand-oncle Pierre (1733-1799) qui ont tous aussi dû s’expatrier à la Malbaye pour obtenir un lopin de terre ; seul le petit-cousin Michel (1791-1841) est encore à l’Isle sur la terre familiale, car André Laurent (1764-1831) son père était le seul à ne pas avoir migré à Murray Bay.

L’appui de Joseph et de Germain pour la cause est partagé par tous les pères de l’Isle qui désirent de bonnes terres rapprochées pour leur progéniture.  Comme on l’a vu précédemment, il n’y a plus de terre disponible sur l’île et les terres se font de plus en plus rares dans l’arrière-pays charlevoisien.  C’est donc dire qu’outre les aînés des familles, les garçons font face à l’obligation de s’expatrier… mais où trouver une terre, même la Malbaye n’en fournira bientôt plus. 

En 1835, une pétition avait circulé dans le comté demandant l’ouverture du Saguenay à la colonisation.  Le Parti Patriote est très critique à l’égard des monopoles comme ceux du Domaine du Roi sur le territoire de la région du Saguenay et celui de la Hudson’s Bay Company sur le Lac-Saint-Jean empêchant du coup la colonisation par des Canadiens.  Alors que le Parti Patriote organise les modes d’action comme le boycottage des produits anglais, dont l’alcool afin de faire bouger les autorités coloniales, le gouverneur Gosford interdit, le 15 juin 1837, la tenue d’assemblées publiques.  Cela n’empêche pas la tenue d’une assemblée patriote le 25 juin 1837, à la porte de l’église Saint-Étienne de la Malbaie après la messe dominicale.  Comme on l’a vu aux deux chapitres précédents, les frères et cousins de nos ancêtres sont parmi les participants[33].

Les habitants de l’Isle gardent à l’esprit que les grands-pères de cette petite île, comme Dominique, se sont battus contre l’anglais.  Comme une souffrance transmise de père en fils depuis déjà deux générations, une blessure difficile à cicatriser malgré le poids des années et que l’on n’oublie pas si vite quand son père n’est décédé que depuis quelques années. 

Les communautés religieuses et les grandes compagnies possèdent les plus belles terres du pays, des terres qu’elles ne se donnent même pas la peine de mettre en valeur alors qu’elles en interdissent l’accès aux « habitants ».  Trois millions d’acres de terre arable viennent d’être donnés par Londres au clergé protestant en 1837[34].

Alors qu’aux alentours de Montréal on se bat à coup de fusil contre les britanniques, le 23 septembre 1837 à la Malbaye, la Société des Vingt-et-un est officiellement formée par ceux qui se battent contre la Hudson’s Bay Company qui, avec l’anglais, leur refuse l’accès au Saguenay.  Les Hervé furent parmi les actionnaires principaux et les coassociés de la Société : André (1804-1893) et son frère Célestin (1812-1887), Joseph (1802-1852) et son frère Pierre (1807-1872). Jean (1808-1880), François (1800-1871) et son frère Louis Denis (1802-1887).  Les Vingt-et-un colonisent le Saguenay malgré les interdictions du gouverneur et la police privée de la Hudson’s Bay Company.  Les troupes britanniques, trop occupées dans la région de Montréal, ne pourront intervenir avant que les colons soient bien installés.  Les colons subiront tout de même des représailles face à ce défi de l’autorité anglaise, en perdant notamment leur poste dans la milice de leur paroisse.  Coïncidence probablement, en 1838, Londres prolonge de vingt et un ans le monopole de la Hudson’s Bay Company et étend son territoire de traite des fourrures[35].

L’oncle Louis (1784-1863), pilote sur le grand fleuve de son métier, était celui de la famille ramenant les histoires de la terre ferme à l’île.  Au retour de Québec en cet été 1839, il devait avoir appris que le 10 juin, au cours de la nuit le vapeur John Bull[36] de la Molson’s Steamboat Co, avait pris feu et que des dizaines de passagers, britanniques aisés et immigrants, s’étaient noyés.  Si près de la violence dont fit preuve l’armée anglaise un an plus tôt pour écraser la rébellion patriote de 1837-1838, les habitants ne s’étaient pas pressés de secourir les passagers que le feu avait poussés à se jeter à l’eau ni à tenter de sauver un navire qui appartenait à John Molson bien connu pour son association avec la cause loyaliste.  À l’époque des événements, quatre-vingt-dix-neuf patriotes avaient été condamnés à mort, douze avaient déjà été pendus au Pied du Courant, trois cent quatre-vingt-quatre hommes croupissaient toujours en prison en attente d’être exilés en Australie ou de subir un procès qui ne viendra jamais alors que des centaines d’autres s’étaient exilés aux États-Unis avec ou sans leur famille.  La guerre mène souvent à des énormités et chez les insulaires toute cette tourmente prenait des airs de déjà-vu[37].

Pour m’endormir le soir, Adrien (1921-1981) mon père, me chantait une chanson « Un Canadien errant »Je ne sais pas s’il savait que cette chanson aux accents patriotiques se voulait un rappel des Patriotes séparés de leur famille et expatriés.  Peut-être que son père Georges (1884-1958) l’avait appris de son grand-père, Germain, qui l’a bercé longtemps comme on le verra plus tard.  Mon grand-père Georges l’avait-il transmis à mon père ? Pendant longtemps, cette chanson écrite par Antoine Gérin-Lajoie en 1842[38] a été l’un des rares rappels du souvenir des patriotes puisque pendant longtemps on a caché cette période tumultueuse de notre histoire. 

Pour Germain et Archange, la vie avait tout de même suivi son cours puisque pour le couple, une dernière naissance était survenue en cette décennie mouvementée.  En effet, alors que l’on se battait contre le pouvoir britannique aux environs de Montréal et contre la Hudson’s Bay Company au Saguenay, le 17 février 1838, Marie Marthe Harvé (1838-1917) était arrivée.  Le lendemain, elle avait été conduite à la petite église de bois de l’Isle pour y être baptisée.  Marie Arsène Dufour (1815-1854) la marraine, portait l’enfant à l’autel pour le baptême.  Comme tous les résidents de l’Isle sont un peu parents, Arsène est une cousine de troisième degré du père de l’enfant, la fille du parrain de Germain, mais par l’union de ce dernier avec Archange, Arsène est depuis sa nièce, la fille de sa belle sœur Luce Desbiens ; Arsène deviendra bientôt la sage-femme du Cap à Labranche, mais pour l’heure, elle ne fut probablement que l’assistante d’Hélène Simard (1773-1852), la sage-femme du coin de soixante-cinq ans qui aida Archange lors de plusieurs accouchements[39].  L’enfant est sûrement prénommée en l’honneur de sa tante Marie Marthe Desbiens (1794-1836) la sœur aînée d’Archange décédée deux ans plus tôt, puisque le parrain est nul autre que son mari Thomas Bergeron (1793-1872).  Cinq des enfants de Thomas, le beau-frère, épouseront des Harvé.

En août, Germain et Archange assistent au second mariage de Marie Anne, sa sœur aînée, qui épouse Louis Marie Savard.  C’est sans doute un peu avant ce mariage que François Narcisse Lajoie (1829-1922), le plus vieux des enfants de Marie Anne, vient habiter chez son grand-père sur la terre familiale.

Encore des enfants (1840-1849) 

Archange continuera de procréer de façon régulière aux deux ans pendant toute la décennie de 1840 à 1850.

On vient tout juste de fêter la nouvelle année qu’Archange entre en douleurs vers la fin du mois.  Elle donne naissance à son cinquième enfant le 20 janvier 1840.  Marie Arsène Dufour (1815-1854), la cousine et nièce ayant remplacé Hélène Simard comme sage-femme au Cap à Labranche, est passée lui donner un coup de main.  L’enfant prendra le prénom de son oncle Louis Didier (1819-1854) qui est aux études à Sainte-Anne de la Pocatière.  Le couple lui choisit un cousin du père comme parrain, Maxime Hervai (1822-1892).  Maxime est le cadet des fils de l’oncle Louis.  Arsène Dufour qui, deux ans auparavant, a agi comme marraine pour Marie Marthe, la sœur du nouveau-né Louis Didier Harvé (1840-1871), occupe une nouvelle fois cette fonction au baptême qui a lieu le lendemain.  Il faut croire que son travail auprès de la mère devait avoir été précieux.  Germain, le père, est absent de la cérémonie[40].  Cette absence n’est qu’une première d’une longue série pour ce père.  Puisque l’on est en plein mois de janvier et que les glaces ont tout immobilisé pour l’hiver, Germain n’est donc pas sur le grand fleuve.  Il y a maintenant cinq enfants à nourrir à la maison et bien que l’on n’en trouve pas trace, Germain devait probablement être monté dans les chantiers pour l’hiver, comme les quelque sept à huit cents travailleurs forestiers de la région engagés entre autres dans les réserves du Saguenay[41].  Par contre, dans le cas de Germain, il y a fort à parier que ces chantiers sont sur la Côte-du-Sud comme on le verra plus tard.

L’été venu, Archange à son tour est choisi comme marraine du premier enfant qu’eut sa belle-sœur, Marie Anne Hervé, moins d’un an après son deuxième mariage.  La sœur de Germain donne naissance à Louis Octave le 25 juin 1840[42]. 

Deux mois plus tard, le 15 août, Germain perd sa mère, Marie Anne Tremblay qui décède à l’âge de soixante-six ans, le jour de l’Assomption[43]. 

À la mi-mai en 1841, la nouvelle d’une catastrophe arrive de Québec : trente-neuf personnes sont mortes écrasées suite à un glissement rocheux du cap Diamant, lequel entraîne la chute d’un mur des fortifications sur neuf maisons de la rue Champlain dans la Basse-Ville[44].  Le sinistre survient un lundi, alors que ce n’est pas jour de marché et, heureusement pour les insulaires, aucun de leurs navigateurs ou cultivateurs ne se trouvait sous les décombres.  

Le père de Germain se remarie à l’automne et Élisabeth Simard (1779-1861), la nouvelle épouse, débarque à l’Isle à soixante-deux ans aux environs du 9 novembre 1841.  Veuve également, Élisabeth a perdu son premier mari depuis plus de sept ans[45].  Le père était allé chercher sa nouvelle épouse aux « Éboulements d’en bas »Germain n’a pas assisté au mariage qui s’est déroulé aux Éboulements ; sans doute était-il déjà parti pour les chantiers d’hiver.  

Le 3 août 1842 naît le troisième fils de Germain, mon ancêtre, Joseph Harvé (1842-1887).  L’enfant doit son prénom à un homonyme parrain, Joseph Harvé.  Les curés de l’Isle dans leurs registres ont toujours eu le « Joseph » et la « Marie » facile.  Comme pour d’autres avant lui, le treizième curé, Martin Léon Noël de Tousignan (1808-1855) note simplement le prénom sans préciser un quelconque lien de parenté.  Qui est donc ce parrain ? On peut compter deux possibilités de Joseph chez les Harvé demeurant toujours à l’Isle ; Joseph le grand-père de l’enfant et Joseph (1809-1869) le cousin de Germain, le fils de l’oncle Louis.  On peut exclure la possibilité qu’il s’agisse du grand-père, car le couple, sans que l’on ne sache pourquoi, n’a pas suivi l’usage du temps de choisir les grands-parents lors de la naissance de leurs premier fils et première fille.  Comme le couple semble avoir choisi des voisins aux alentours pour chacun des baptêmes dont déjà trois des cinq enfants de l’oncle Louis, on peut présumer qu’il s’agisse de ce quatrième cousin.  On peut probablement exclure Joseph, le frère de Germain, puisqu’il trime déjà sur sa terre de Saint-Irénée depuis un certain temps.  Adélaïde Tremblay (1805-1870), la marraine est l’épouse de Pierre Savard, le couple demeure du côté nord de l’Isle. 

C’est lors de ce baptême qu’apparaît la troisième et dernière signature connue de Germain au cours de sa vie : 

Déjà la signature se fait plus brouillonne que lors de son mariage.  À trente-quatre ans, ce n’est pas la main qui manque de fermeté, mais l’absence de pratique d’un dessin appris il y a longtemps.  Il ne tentera plus jamais l’expérience et déclarera toujours « ne savoir signer » dans le futur[46].

En cette fin d’été 1842, la famille de Germain habite toujours la maison construite sur la terre du grand-père, Joseph qui est cultivateur-marguillier et qui, à cinquante-neuf ans, dirige encore sa ferme.  Germain, qui a l’assurance tranquille de l’aîné qui attend que la terre du père lui soit cédée, est pour l’instant journalier et travaille la plupart du temps à l’extérieur été comme hiver.  La petite maison familiale ne compte plus maintenant que cinq personnes : son père, sa belle-mère, son frère Louis Didier, sa sœur Danie et un inconnu, sans doute un parent comme Désiré Côté (1816-1872), l’un des fils de la nouvelle belle-mère, qui n’est toujours pas marié, ou François Lajoie, l’aînée de Marie Anne qui comme journalier supporte le patriarche sur la ferme.  Pour ce qui de la maison de Germain, outre sa femme, on y retrouve déjà six enfants[47]. 

La situation a bien changé depuis l’enfance de Germain.  Avec l’arrivée de la saison morte, les enfants de l’Isle pourront compter sur quatre maisons d’école pour apprendre ce qui a tant fait défaut aux générations précédentes[48].      

Alors que l’été n’est pas encore arrivé, les nouvelles ramenées à l’Isle ne sont pas bonnes ; la colonie est encore instable et le pouvoir colonial n’y va pas de main morte.  Le 12 juin 1843, l’armée anglaise est intervenue au village de Saint-Timothée à l’ouest de Montréal pour briser une grève de ceux qui étaient affectés au creusage du canal de Lachine et du canal de Beauharnois avec ses élévateurs de goélettes dont les navigateurs de l’Isle ne cessent de parler.  Le 74e Régiment et les dragons d’unité légère de l’armée britannique ont tués six grévistes et alors que de nombreux autres se sont noyés en s’engouffrant dans le fleuve pour échapper aux soldats ; pas moins de dix-huit personnes auraient succombé[49].  Devant ces actions du pouvoir colonial, les insulaires sont inquiets pour leurs enfants et parents installés d’abord à Murray Bay qui aujourd’hui ouvrent le Saguenay aux familles, prétextant la coupe de bois, ce qui va à l’encontre des volontés de Londres.  Germain y compte cinq oncles, deux tantes, dont le cadet et la cadette de la famille de son père qui ne cesse de se préoccuper de leur sort.  De plus, pas moins d’une douzaine de cousins de Germain bûchent déjà au Saguenay. 

Le 29 août 1843, Germain assiste, avec Archange son épouse, au mariage de son jeune frère.  Joseph, le fils, épouse Séraphine Bergeron une fille de l’Isle dans la chapelle Saint-Louis.  Joseph était parti s’installer comme cultivateur sur une terre de Saint-Irénée depuis quelques années.  Séraphine ne survivra pas à son premier accouchement le 1er novembre 1844 alors qu’elle donne naissance à Marie Olympe.  Le 7 novembre, elle décède des suites de l’accouchement.

Le lendemain, sans que l’on ne sache encore sans doute le drame qui vient de se jouer à Saint-Irénée, Germain agit comme parrain lors du baptême du dernier enfant de sa sœur Archange.  Paul voit le jour le 8 novembre 1844[50].  

Tous les enfants du patriarche Joseph ont maintenant quitté sa maison.  Seul Germain, l’aîné et héritier demeure toujours sur la terre familiale avec son épouse Archange Desbiens et ses enfants, dans la maison qu’il avait construite au cours des années 30.  Joseph a beau tenir bon à soixante-deux ans, il est grand temps qu’il passe la main à son aîné et c’est ce qu’il fait bien qu’il garde la main mise sur le fond de terre.  De plus, lui et son épouse Élisabeth Simard quittent leur petite maison pour s’installer chez Germain.  Ils seront donc entourés de toute cette marmaille qu’a mise au monde Archange Desbiens au cours des douze dernières années.  Les absences prolongées de Germain pendant les mois d’hiver seront donc moins nombreuses.  À trente-six ans, dans les meilleures années, il peut finalement gagner sa croûte comme journalier cultivateur sur la terre familiale qui deviendra sienne.   

Germain a le bonheur de voir naître un quatrième garçon qui pourra l’épauler plus tard sur la terre.  Joseph Ferdinand (1845-1928) est baptisé le jour de sa naissance le 7 avril 1845.  Louis Marie Savard, qui est le deuxième époux de Marie Anne, la sœur de Germain, est le parrain.  La nièce Marie Émélie Dufour (1829-1851) est marraine.  Émilie se mariera en juillet à celui que l’on prénommera Jacob, mais qui, pour l’instant, est toujours Jacques Bouchard (1815-1903) ; elle est la fille d’Augustin Dufour (1796-1880), le voisin, beau-frère et cousin de Germain.  L’enfant qui vient de naître, Ferdinand comme nous le verrons, se mariera en 1873 avec la fille de sa marraine.  Le quatorzième curé, Jean Baptiste Pelletier, arrivé à l’Isle en octobre 1843, écrit pour sa part notre patronyme « Harvay »Ferdinand sera donc le premier d’une longue série de Harvay puisque le curé demeurera à l’Isle pour plus de trente ans[51].  Le père qui n’a pas eu à partir aux chantiers pendant l’hiver assiste à la cérémonie.

Au début de juin, le curé organise une collecte de vêtements et de nourritures pour la population éprouvée du faubourg Saint-Roch à Québec, car le 28 mai 1845 un incendie y a fait cinquante morts.  L’église de la paroisse y a passé et plus de mille six cents maisons ont été détruites ; seuls deux édifices sont restés debout, le couvent et la chapelle des Morts.  Germain est probablement sensible à cet élan de générosité puisque sa cousine Marie Céleste (1797-1878) et sa famille demeurent dans ce quartier et qu’elle fait partie des douze mille personnes qui se sont retrouvées sans logis[52].  Céleste est la fille de l’oncle Joseph Sébastien (1767-1834).

Le 25 mars 1846, à quarante-deux ans, décède Marie Anne, la sœur aînée de Germain.  On ne sait pas de quoi l’aînée de la famille est morte ; un accouchement difficile à quarante-deux ans peut-être ? Ce décès viendra avec de lourdes responsabilités pour Germain puisque ce dernier devient le 7 septembre 1846 « tuteur dûment élu en justice aux enfants mineurs » issus du premier mariage de sa sœur avec François Lajoie[53].  Le second époux de Marie Anne qui s’apprête à se remarier a choisi de délaisser les six orphelins et ne conserve avec lui que les trois enfants que lui avait donnés Marie Anne[54].  Germain ainsi que ses frères et sœurs mettront l’épaule à la roue en prenant les neveux et nièces sous leur toit respectif.   

Les drames se suivent dans la famille.  Ainsi, le 5 septembre 1847 Marie dite Archange, la sœur de Germain, perd son deuxième enfant ; il ne lui reste plus que trois garçons.  Marie dite Archange avait-elle hérité des gênes de sa mère, elle qui n’a eu que quatre enfants alors que les femmes de l’Isle donnent naissance à neuf enfants en moyenne à l’époque[55]. 

Dix jours plus tard, Archange Desbiens donne naissance à Marie Phébé Harvay (1847-1902).  La quatrième fille et le huitième enfant d’Archange et de Germain sera prénommée Marie Phébé lors de son baptême qui a exceptionnellement lieu deux jours après sa naissance.  Comme on l’a vu, les baptêmes ont lieu le plus rapidement possible, le jour même ou au plus tard le lendemain, afin d’assurer à l’enfant la vie éternelle, comme on le croyait dans le temps.  C’est donc le 15 septembre 1847 que naît Marie Phébé.  Le registre du curé du 17 septembre n’explique pas la cause du retard pour le baptême, mais il nous informe sur le parrain et la marraine, Georges Dufour (1817-1905) et la couturière de la place, la veuve Josephte Boullières dite Laplante (1814-1879)[56].  Le parrain est le nouvel époux de Madeleine Harvé (1826-1882), une fille de l’oncle Louis.  Elle était la seule du cousinage dans la famille de l’oncle à ne pas avoir eu un filleul ou une filleule parmi les enfants de Germain.  La marraine est la veuve d’Abraham Savard (1811-c.1831), le beau-frère de feu Marie Anne, la sœur de Germain.  Le père est à l’Isle puisqu’il assiste à la cérémonie[57].

Même si on est en hiver, le 29 février 1848, Germain assiste au deuxième mariage de son jeune frère, Joseph.  Ce dernier s’unit cette fois-ci à Flavie Girard à Saint-Irénée où il habite.  Le patriarche Joseph, père, qui a soixante-cinq ans, fait la traversée pour remarier le plus jeune de ses deux fils.  Germain devait être celui qui, avec une équipée de six ou sept hommes, a traversé son père pour la noce.  On peut s’imaginer que l’hiver 1848 est doux et que l’état des glaces dérivantes permet au groupe de se rendre à Saint-Irénée puisqu’une fois la traversée accomplie, l’église de Saint-Irénée est à environ sept lieues[58] par le chemin de la grève des « Éboulements en-bas » où l’équipée a laissé son canot.  Germain est à Saint-Irénée avec son père depuis quelques jours puisqu’il se présente devant le notaire Jean Gagné (1808-1893) avec son père le 26 pour la signature du contrat de mariage de son frère.  Ce dernier en profite pour lui signer une quittance, car Germain vient de régler une vieille dette qu’il avait avec lui.  Comme Germain, l’aîné chez les garçons de la famille, était l’héritier de la terre du père, il se devait de rembourser à chacun de ses frères et sœurs la part qui leur revenait.  Il l’avait déjà fait à l’automne 1846 auprès de sa sœur Archange, remboursement pour lequel il avait obtenu une quittance de son mari Vital Leclerc[59].  Les instructions du père avaient été couchées sur son testament en 1831 et Germain avec l’importante famille qui est la sienne, n’avait pu s’acquitter plus tôt auprès de son frère ; tout vient à point à qui sait attendre[60].

À l'été 1848, Germain, tous les membres de sa famille et les autres résidents de l’Isle assistent à une messe en plein air à l’extrémité de la Pointe de L’Islet pour l’inauguration du monument du Père Labrosse[61].  La croix érigée par l’abbé Épiphane Lapointe (1822-1862), un prêtre natif de l’Isle aux Coudres, commémore le Père Jean Baptiste Labrosse.  C’est à cet endroit en 1765 que ce dernier avait célébré la première messe sur l’île après l’installation de colons[62].  Le grand-père Dominique Hervé et sa famille y avaient assisté comme le fait aujourd’hui Germain.

L’été suivant, les navigateurs de l’Isle et les cultivateurs se gardent bien de se présenter au marché de Québec pour y faire du transport ou pour y vendre leurs produits.  En effet, la nouvelle est parvenue aux insulaires qu’encore une fois une épidémie de choléra, en provenance des États-Unis cette fois, fait des ravages à Montréal comme à Québec.  À la mi-octobre 1849, on comptera mille deux cents personnes décédées à Québec seulement[63].  Les insulaires s’en étaient encore une fois tirés.

Germain fils (1849-1925) naîtra le dernier de cette décennie, le 17 décembre 1849.  Décidément, Germain et Archange sont très près de leurs voisins Augustin Dufour, le cousin de Germain et son épouse Luce Desbiens, la sœur d’Archange ; c’est maintenant au tour d’Élie Dufour (1818-1851), l’aîné du couple de servir comme parrain.  Élie est ce malheureux cultivateur-navigateur qui, dans deux ans, tombera à l’eau et se noiera dans le fleuve devant Saint-Germain de Rimouski, près de l’île Saint-Barnabé[64].  La marraine Marie Reine Lajoie (1810-1880) est la petite-fille de Charlotte Hervé chez Zacharie, le frère aîné de Dominique que l’on a connu à l’avant-dernier chapitre.  Elle est également et surtout l’épouse du cousin de Germain, Joseph Tremblai (1811-1845), le fils de sa tante Marie Josephe Hervé (1788-1854).  Ce cousin Joseph Tremblay et son frère Timothé (1829-1845) se noieront eux aussi en avril 1845, au milieu d’une tempête, en face du Cap-Tourmente, alors qu’ils se rendront à Québec en chaloupe[65].  Le père du petit Germain Harvay fils est encore à l’Isle puisqu’il assiste à la cérémonie du baptême[66].

Germain père a maintenant neuf enfants bien vivants après dix-huit ans de vie commune avec Archange.  La vie n’est pas de tout repos pour cette dernière avec une telle marmaille.  Par contre, avec le nombre de grandes filles dans la maisonnée, Archange ne manque pas d’aide, tout comme Germain sur la terre.  Il y a maintenant, treize personnes dans la maison de Germain puisque Joseph, son père et sa belle-mère Élisabeth Simard habitent avec eux.  Cette situation n’a rien d’inhabituel à l’Isle au XIXe siècle et se poursuivra longtemps au XXe également.

La première moitié du XIXe siècle a donc été marquante pour la paroisse de Saint-Louis et pour Germain.  C’est au cours de cette période que sont construits les principaux édifices qui marqueront le paysage de l’Isle au cours de sa vie : le moulin à eau en 1826, le moulin à vent dix ans plus tard et les chapelles de procession Saint-Isidore et Saint-Pierre en 1837[67].  C’est aussi dans cette période que de grands pans de l’histoire des Harvey disparurent comme lors de la démolition du moulin à vent de L’Islette de 1762, celui dont les matériaux avaient été utilisés par Thomas Tremblay (1802-1869) pour la reconstruction d’un moulin à vent près du moulin hydraulique.  C’est pour ce moulin si essentiel à la vie de nos ancêtres que Sébastien Hervé et ses fils Zacharie, Pierre et Sébastien Dominique travaillèrent lors de corvées organisées pour sa construction, ses radoubs lorsque le moulin était « en démence »[68] et sa remise en état après le passage de l’anglais en 1759.  Disparut également le moulin à scie de François Xavier Tremblay, l’oncle de Sébastien Dominique, situé au sud de l’extrémité ouest de la butte des chasseurs, sur la Pointe de L’Islette ; il était maintenant remplacé par celui de Louis Hervé, l’oncle de Germain, construit au même endroit[69].  C’est probablement à cette époque également qu’on avait décidé, en raison des marées qui l’avaient malmené à plusieurs reprises, de détourner le chemin qu’empruntaient les premiers colons du Cap à Labranche qui continuait le long de la grève pour se rendre au mouillage.  C’est celui que Germain suivait, mais c’est aux pilotes de l’Isle comme son frère et son grand-père que ce chemin était le plus utile.  Aujourd’hui, on devait couper le Cap à Labranche, ce qui obligeait les montures à forcer dans cette pente abrupte.  Bien plus souvent, Germain comme les autres, s’obligeait à monter à pied la côte du Cap à Labranche afin de ménager leur monture.

La fin d’une époque, adieu les Seigneurs (1850-1860) 

Les eaux de « la mer » ont toujours apporté sur les bords de l’île le « varech »[70], ce précieux engrais que les cultivateurs de l’Isle ont de tout temps ramassé, pendant les grandes marées d’automne.  Sébastien et Sébastien Dominique le faisaient au XVIIIe siècle, Joseph l’a aussi fait au début du XIXe siècle et maintenant c’est Germain qui le fait depuis bon nombre d’années.

Germain ne le sait pas, mais la récolte du « varech », qu’il croit, comme les autres cultivateurs, unique à l’Isle, est une tradition qui lui vient de ses ancêtres qui l’ont apportée des côtes françaises.  Quant à l’automne 1850, il récolte le « varech » à l’Isle aux Coudres, à quatre mille cinq cents kilomètres de là, sur les côtes de Bretonnes et Normandes en France on le fait aussi depuis des siècles.

La récolte du « varech » sur les battures de l’Isle aux Coudres est une activité communale.  Toute la population s’y met quand la manne passe.  C’est ce qui a permis jusqu’aujourd’hui que les sols de l’Isle ne s’appauvrissent pas.  Le varech est un mélange d’algues brunes, rouges ou vertes, laissées par le retrait des marées.  Les animaux en sont aussi friands.

Après avoir ramassé le « varech », le travail de Germain ne s’arrête habituellement pas là.  On se servira du bœuf pour haler le chargement, car lui aussi a été de tout temps la main droite des insulaires et il continuera de l’être, pendant bien des années, attelée à la charrette du père et ruminant tout en tirant sa charge[71]. Une fois remonté sur le rivage, Germain doit étaler le « varech » pour qu’il sèche, mais depuis quelque temps c’est sans aucun doute ses fils Paul, quinze ans et Didier dix ans, qui sont astreints à ces tâches.  Germain et ses fils en font bon usage autant comme engrais que comme nourriture pour les bêtes à cornes et les moutons.

Le service postal dessert l’Isle aux Coudres, Charlevoix et le Saguenay après toutes les autres régions.  Ce retard s’explique par l’absence d’une voie carrossable.  Le chemin reliant Baie-Saint-Paul à Saint-Joachim ouvert en 1820 est encore un sentier plutôt qu’une voie carrossable jusqu’en 1832.  De plus, l’efficacité du lien maritime assuré quotidiennement par les caboteurs de l’Isle et leurs pilotes retarde l’introduction du service.  Les lettres sont traditionnellement remises aux capitaines de bateaux qui les transportent « par faveur » à Québec.  En 1832, des bureaux de poste avaient été ouverts à Château-Richer, à Baie-Saint-Paul, aux Éboulements et à Murray Bay.  Ce n’est qu’au mitan du XIXe siècle, en 1850, qu’un bureau de poste est ouvert à l’Isle aux Coudres.  Germain et sa famille, comme la grande majorité des habitants de l’Isle bouderont ce service un certain temps, car qui n’a pas un navigateur dans sa famille.  Tout comme les autorités coloniales pour leur nouveau service des postes à l’Isle, la famille continuera d’utiliser les liens maritimes qu’assurent les Harvay caboteurs partout sur le fleuve, pour acheminer lettres et colis pendant longtemps[72].

Comme on l’a vu, les moulins de l’Isle étaient fréquemment en panne de vent ou d’eau et les censitaires en étaient bien incommodés.  Ceux-ci devaient alors aller faire moudre leurs grains aux moulins de Baie-Saint-Paul ou même à Petite-Rivière, s’exposaient ainsi au fleuve parfois impétueux.  Jusque-là, l’alimentation des habitants de l’Isle était largement basée sur les céréales comme leurs ancêtres français.  C’est vers 1850 que les cultivateurs de l’Île commencent donc à se tourner résolument vers la patate comme culture principale plutôt que le blé comme ils l’avaient appris de leurs ancêtres provenant majoritairement de la grande région de la Beauce française.  II est plausible que Germain et les autres cultivateurs ont été forcés de rompre avec la culture traditionnelle du blé en raison de la concurrence de l’étranger, du Haut-Canada et de l’épuisement des sols.  Par contre, tout porte à croire que l’agriculture est encore en large partie une agriculture de subsistance et que peu de produits agricoles sont vendus à l’extérieur de l’Isle[73]. 

Alors que s’achève le régime seigneurial, ces messieurs du Séminaire se débarrassent à fort prix de leurs possessions qu’ils perdront sous peu faute d’avoir la main-d’œuvre à bon marché qu’était le censitaire pour tenir leur commerce.  Le cadre seigneurial à l’Isle aura permis au seigneur, le Séminaire de Québec, de drainer à l’extérieur de cette île, sans rien y investir ou presque, une partie du produit des deux principales activités économiques des insulaires, l’agriculture et les pêcheries.  Ces messieurs du Séminaire qui avaient acquis la seigneurie en 1687 pour une somme de cent livres auront retiré en moyenne par année des habitants de l’Isle plus de vingt-cinq pour cent du revenu total du Séminaire[74]. 

Ainsi, le Séminaire de Québec vend ses deux moulins en 1850 à Augustin Dufour du Cap à Labranche qui en devient propriétaire et meunier du « bout d’en haut ».  Les deux moulins seront en fonction jusqu’au début des années 1900, l’un palliant les lacunes de l’autre.  Une richesse faite d’eau et de vent... La présence de deux moulins sur le même site tout près de la terre des Harvay traduit le vécu particulier de nos ancêtres sur une île.

Bien que le régime seigneurial s’achève, ces messieurs du Séminaire continuent à faire valoir leurs autorités.  Ainsi, même en 1850, il est toujours nécessaire d’obtenir la permission du seigneur pour ramasser le bois de grève.  Vital Desbiens (1791-1861), le frère aîné de mon ancêtre Archange Desbiens et l’oncle de Germain puisqu’il est marié à sa tante Marie Magdeleine Hervé (1794-1882), demande en décembre 1850 le droit de ramasser le bois qui « terrissait sur l’île en bas »[75]. 

En 1851, le parlement vote un acte pour défendre les enterrements dans les églises.  La loi présentée par un député d’origine écossaise protestante de stricte obédience presbytérienne vient une fois de plus bousculer les habitudes de la majorité.  Les Canadiens perdaient un autre élément de leur culture, cette fois-ci religieuse[76].  Comme on l’a vu, les insulaires et leur curé se traîneront les pieds plusieurs années avant de se plier aux volontés du pouvoir colonial ; seize ans plus tard, on enterrait encore sous la chapelle : « Le vingt huit janvier mil huit cent soixante et sept, nous prêtre soussigné avons inhumé dans la nef de l’Église sous la grosse cloche le corps de François Leclerc... » [77]  Près de trente ans plus tard, le conseil de fabrique décida qu’à l’avenir on enterrera à double rang lors des sépultures dans l’église.  Le parlement colonial britannique avait peu d’emprise dans l’église des insulaires[78]. 

En 1852, la population de l’Isle où habite Germain est encore très homogène.  Des sept cent dix-neuf habitants qui s’y trouvent, seulement soixante ne sont pas nés sur l’Isle aux Coudres et de ce nombre une douzaine sont des enfants de parents insulaires partis tenté leur chance dans de nouvelles concessions à l’extérieur et qui sont revenus avec leur famille.  Sur les sept cents restants, quinze sont de la baie Saint-Paul, la plupart d’une seule famille, douze sont de Malbaie, huit des Éboulements et autant de Saint-Roch-des-Aulnaies dont le curé et les trois membres de sa famille qui y sont originaire et quatre de Sainte-Agnès.  La douzaine d’autres proviennent d’une dizaine de villages de la région et de la Côte-du-Sud

Parmi les étrangers, il y a aussi quatre personnes originaires des îles britanniques qui vivent parmi les insulaires.  Trois sont de jeunes Irlandais adoptés en bas âges par des familles de l’Isle alors que leurs parents étaient décédés à la Grosse-Île ; deux sont des jeunes filles de moins de dix ans, Marie Harvay sept ans, dont la mère adoptive est Catherine Leclerc (1803-1874), la belle-sœur d’Archange[79], la sœur de Germain, Marguerite qui a neuf ans et dont on ne connaît pas le nom de famille et Han Mckente huit ans qui a été pris sous le toit de Zacharie Perron (1776-1862), le fils de Charlotte Hervé chez Zacharie Sébastien Hervet.  Finalement, Thomas Walters originaire de St.Martin en Angleterre ; domestique chez Augustin Dufour, le voisin, cousin et beau-frère de Germain ; ce dernier restera au service de la famille pour une trentaine d’années.  En plus de la vingtaine de domestiques et journaliers travaillant à l’Isle, on en compte une douzaine qui sont des épouses que les insulaires sont allées recruter dans les villages avoisinants et quelques jeunes cultivateurs venus se trouver une épouse héritant par le fait même d’un lopin de terre sur l’île.

En ce tout début d’année 1852 quarante porteurs de notre patronyme vivent à l’Isle aux Coudres en incluant Marie Harvay, l’Irlandaise adoptée par Archange Hervé en très bas âge. 

Il n’est pas surprenant que beaucoup de célibataires de Saint-Étienne de la Malbaie viennent se chercher une épouse à l’Isle aux Coudres dont ils sont souvent originaires, car on manque déjà d’hommes à l’Isle ; on y trouve près d’une cinquantaine de femmes de plus que d’hommes.

Le paysage n’a guère changé avec ses deux moulins à battre le grain mû par le vent, l’un à la Baleine et l’autre au Cap à Labranche et son voisin l’autre moulin que l’on voulait hydraulique, mais qui faute d’eau dans le présomptueux ruisseau qui a pris le nom de rivière rouge est mû par des chevaux. 

Les paroissiens ont encore leur petite chapelle construite en bois sur un solage de pierre en 1771.  Avec seulement cinquante-cinq bancs, il va sans dire que Jean Baptiste Pelletier, le curé, doit discipliner les insulaires pour qu’ils se répartissent entre les différents offices du dimanche matin[80].  Pour ce qui est de Germain et sa famille, c’est à la grand-messe qu’ils assistent puisque le père y chante[81].  Il n’y a plus que deux maisons d’écoles sur l’Isle.  Des enfants de Germain et d’Archange, seul Joseph neuf ans et Ferdinand qui en a sept fréquente celle du Cap à Labranche.  

Sur la table d’Archange, le cochon, le bœuf et les patates au pain, les pois et le chou ne manquent pas.  Germain et les garçons mangent bien une livre de lard chacun le midi.  Les Harvay ont de tout temps élevé des animaux et fait boucherie autant pour la famille que pour la revente.  L’ancêtre Sébastien l’a fait ainsi que son fils Sébastien Dominique.  Le père de Germain et son frère Louis font également un surplus d’élevage pour la vente aux navires en partance pour les vieux pays.  Avec un cheptel de près de huit cents têtes de bétail, les soixante-quinze cultivateurs de l’Isle ne manquent pas de pouvoir nourrir leur famille et ceux du Cap-à-Labranche, qui ont encore les plus grosses exploitations agricoles, ont suffisamment de quoi en faire le commerce.  Les vendredis on ne manque pas de poisson sur la table, car la ressource est abondante et les trois plus jeunes garçons sont chargés d’assurer que l’on n’en manque pas. 

On sait que Germain a l’usufruit des biens du patriarche Joseph et de sa terre située à quelques pas de la côte du Cap à la Branche depuis longtemps[82].  La coutume avait fait en sorte que cette passation, du père à l’aîné, se fasse au moment du mariage de ce dernier en 1831.  Le patriarche avait alors avantagé Germain et en avait fait son héritier.  On sait que Germain bénéficie du droit d’aînesse et que Joseph habite chez Germain en 1852 lors du recensement.  Germain est toujours cultivateur journalier puisque son père est toujours le censitaire propriétaire du fond de terre qu’il ne lui a pas encore cédé.   Il n’est pas le seul dans cette situation puisqu’il s’agit du lot de ses cousins, les fils de l’oncle Louis également.  Le recenseur mentionne Joseph comme cultivateur et Germain comme journalier, on peut donc, avec une certaine assurance, affirmer que la donation n’a pas encore eu lieu.  Un journalier c’est « un homme qu’a rien qu’un emplacement pi une maison d’sus »[83] et c’est précisément la situation de Germain.  Le journalier ne travaille pas nécessairement aux travaux agricoles, mais vend son temps de travail comme bûcheron, dans la construction, ou la navigation par exemple.  Dans le cas de Germain, sa présence à l’Isle lors de plusieurs événements familiaux laisse croire qu’il devait également travailler à la ferme familiale.  Le métier pratiqué par Germain explique sans doute son absence en hiver à l’occasion de plusieurs baptêmes.  On est habitant à l’Isle ou caboteur sur le fleuve.  Quand on est journalier, c’est hors de chez soi que l’on exerce son métier[84].

Archange Desbiens accouchera de cinq autres enfants entre 1850 et 1860.  Le 23 janvier 1852 naît Marie Caroline Harvay (1852-1935).  Baptisée le lendemain, elle a pour parrain, Pierre Célestin Leclerc (1832-1908), le neveu de Germain, fils de sa sœur Marie dite Archange.  Marie Adélaide Desgagnés (1828-1883) est sa marraine.  Dans trente-cinq ans, Adélaïde deviendra la tante de ma grand-mère paternelle Élida Desgagnés (1887-1969) puisqu’elle est la sœur de son père.  On peut soupçonner Germain et Archange d’être de connivence avec les parents du parrain et de la marraine puisque leurs enfants ont respectivement vingt ans et vingt-quatre ans et qu’ils ne sont toujours pas mariés.  Une cérémonie à l’église donne parfois des idées.  Si telle était le cas, le stratagème ne fonctionna pas puisqu’Adélaïde Desgagnés se mariera le 27 juillet 1858, le même jour que sa sœur prénommée Henriette Clovis dite Clarisse.  Adélaïde épousera Joseph Tremblay alors que sa sœur sera celle que Pierre Leclerc préférera et épousera[85].  Comme lors de baptêmes auparavant, Germain le père est encore une fois absent de la cérémonie en ce mois de janvier.  Deux naissances en janvier et deux absences aux baptêmes.  Avec une famille grandissante comme la sienne, il est certain qu’il doit travailler à l’extérieur de l’Isle l’hiver pour nourrir toutes ces bouches.   Sept de ses enfants auront été conçus alors qu’il revient au printemps après que les glaces lui permettre de rejoindre l’Isle après une saison de travail à l’extérieur.  C’est peut-être au Saguenay qu’il travaille comme bûcheron à l’exemple de beaucoup d’autres hommes de l’Isle aux Coudres.  Germain a des oncles, tantes et cousins en quantité dans cette région ; il est aussi possible qu’il bosse pour les Casgrain, une famille importante de la Côte-du-Sud[86]. 

Bien que ce ne soit qu’une hypothèse, il est possible que Germain pendant un certain nombre d’années ait travaillé pendant les hivers pour le seigneur de Rivière-Ouelle Pierre Thomas Casgrain (1797-1863) ou pour son frère le politicien Charles Eusèbe Casgrain (1800-1848).  Le fils de ce dernier, l’éditeur et historien, Henri Raymond Casgrain (1831-1904) à la suite d’une visite qu’il effectuera à l’Isle le 7 septembre 1875 écrira dans l’un de ses ouvrages « Germain est, en effet, de tout temps un ami de ma famille, dévoué et sincère... »[87].  Hors la famille de l’auteur a toujours demeuré à Rivière-Ouelle.  La présence en résidence au collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière de Louis Didier, le frère de Germain, tout comme le frère de l’auteur, Charles-Eugène Casgrain (1825-1907) aurait pu ainsi faciliter l’emploi de Germain pour cette famille, car comment expliquer autrement qu’un journalier de l’Isle aux Coudres puisse être un ami de cette famille seigneuriale connue pour sa loyauté à l’autorité coloniale.  On se rappellera que lorsque Marcel, le frère de Germain s’était noyé en 1831, c’était justement chez le seigneur de la Rivière-Ouelle Pierre Thomas Casgrain qu’il se rendait.  Le curé Asselin avait été vicaire à Rivière-Ouelle et lui aussi aurait pu intercéder auprès du seigneur afin de donner du travail à Germain qui en avait bien besoin pour nourrir sa famille.  

C’est à l’automne 1852 que s’amène peut-être le choléra à l’Isle pour la première fois.  On avait bien connu les épidémies de petites véroles au siècle précédent qui avaient fait tant de ravage, mais le choléra, ça jamais.  Même après avoir adopté quelques jeunes enfants irlandais dont les parents en étaient morts, la maladie ne s’était pas présentée dans les foyers des insulaires.  En octobre, Jean Baptiste Tremblay (1802-1852), un cultivateur de l’Isle était parti vers Québec avec le cousin et beau-frère de Germain, le voisin-pilote Augustin Dufour (1796-1880) à bord de la barque de ce dernier probablement pour y vendre les produits de sa ferme au marché d’automne.  Au retour le 22, à la hauteur de l’île d’Orléans, son passager fut pris d’un mal dont le début fut brutal, sans signes annonciateurs, Augustin s’arrêta à Saint-Jean de l’île pour le faire examiner.  Jean Baptiste Tremblay décéda peu de temps par la suite :

« Le vingt deux octobre mil huit cent cinquante deux, nous curé soussigné, avons inhumé dans le cimetière du lieu le corps de Jean Tremblay agriculteur de l’Ile aux Coudres époux de Marie Françoise Dallaire, âgé de cinquante ans décédé sait on du coléra et inhumé environ quatre heures après acause de la crainte de la contagion. ont été présens David Gingras soussigné et Augustin Dufour qui a déclaré ne savoir signer. - François Royer, David Gingras, Paul Dalleir,

Ant. Gosselin Ptre curé » 

À son retour, Augustin devait non seulement annoncer à la veuve Françoise Dallaire (1805-1855) et ses sept orphelins le décès, mais de plus, il devait mettre en garde les insulaires à l’effet de la présence possible du mal sur l’Isle.  Le voisin de Germain, père de douze enfants, avait côtoyé la maladie[88].  Plusieurs semaines se passèrent et le mal n’apparut pas. Les insulaires s’étaient sauvés du choléra encore une fois.  Comme en situation épidémique, il ne suffit que de quelques heures pour contracter la maladie, Jean Baptiste devait l’avoir chopé sur les quais de Québec, car une épidémie de choléra avait été introduite par le navire Advance en provenance de New York le 25 septembre et avait duré jusqu’au mois de novembre.  L’épidémie fera cent quarante-cinq morts à Québec sans compter Jean Baptiste qui avait été emporté tout comme son arrière-grand-père Guillaume (1707-1755), le frère de Rosalie Tremblay, l’ancêtre des Harvey du Québec, l’avait été de la petite vérole au siècle précédent[89].    

Dès le printemps 1853, les seigneurs de l’Isle, ces messieurs du Séminaire, continuent de se départir des avoirs de leur seigneurie de l’Isle aux Coudres.  Ils vendent cette année-là la pêche aux marsouins, dont ils avaient l’unique jouissance, à quarante-six insulaires. 

L’influence favorable du Saint-Laurent sur le climat à l’Isle fait que les récoltes ont trois semaines d’avance sur l’arrière-pays[90].  Cette situation a toujours été très avantageuse pour la famille et les habitants du Cap à Labranche qui s’adonnent à la pêche aux marsouins l’automne.  C’est donc en cette année 1853 que les associés de la seule pêche aux marsouins qui exploitent encore cette ressource, achètent les battures de l’ouest pour la somme de quatre cent quarante dollars de ces messieurs du Séminaire.  Germain est parmi le groupe de pêcheurs de marsouins dont le nombre diminue.  L’année suivante, Germain et ses associés capturent cent vingt-deux marsouins, ce qui leur permet d’acquitter leur dette envers le Séminaire[91].  

C’est également cette année-là que ces messieurs du Séminaire de Québec, qui sentent venir la fin du régime seigneurial et de leur mainmise sur l’Isle, vendent les grèves de l’Isle aux insulaires.  On se rappellera que les insulaires avaient toujours utilisé le « foin salé » des grèves pour nourrir leurs animaux, même si les messieurs du Séminaire se les étaient réservés.  Germain en profitera comme les autres habitants du « bout d’en haut ».

L’année suivante allait amener une autre personne à prendre place sous le toit de Germain alors qu’Archange Desbiens accouche d’un sixième fils.  Germain et Archange ont maintenant onze enfants.  Ils sont donc quinze à tenir dans la maison de Germain puisque le patriarche et la belle-mère y sont toujours.  Marcel Harvay (1854-1931) naît le 5 février 1854.  Joseph Dufour (1832-c.1875) un neveu et fils du voisin est le parrain et Domitilde Caron (1816-1885) la marraine.  Domitille est originaire de Saint-Roch-des-Aulnaies sur la Côte-du-Sud, marié à un Tremblay cultivateur du Cap-à-Labranche.  On ne lui connaît aucune parenté avec Germain ou ArchangeGermain assiste à la cérémonie en plein mois de février.

Le régime seigneurial a profondément marqué la société traditionnelle de l’Isle aux Coudres.  Après la cession de la Nouvelle-France à l’Angleterre en 1763, les Britanniques tentent d’implanter un nouveau système de distribution des terres, « les townships », qu’ils réussiront à mettre en place au sud et à l’ouest de Montréal uniquement.  La loi de 1854 abolit le régime seigneurial et permet au censitaire comme Joseph ou Germain de racheter les droits sur sa terre[92]. 

On peut penser que Joseph a pu profiter de ce changement de régime pour faire sa donation et laisser à Germain les soucis reliés au rachat des droits de terre.  Comme on l’a vu avec l’ancêtre Sébastien Hervé, autrefois, rendus à un âge avancé, les vieux se donnaient à l’un quelconque de leurs enfants, généralement à l’aîné.  Ce contrat de donation assurait ainsi aux patriarches que quelqu’un voit à s’occuper d’eux pendant leur vieux jour jusqu’à leur mort. 

Même si Germain n’est plus censitaire depuis la promulgation de la loi du 18 décembre 1854 qui marque la fin du régime seigneurial, cette loi oblige le censitaire à racheter sa tenure[93] et les droits seigneuriaux.   Germain doit donc payer le montant fixé par le gouvernement à son seigneur, ces Messieurs du Séminaire, afin de posséder sa tenure et se libérer de ses obligations envers eux.  Comme pour la plupart des cultivateurs de l’Isle, Germain s’acquittera des paiements de la rente sur de nombreuses années à coup de peaux et d’huile de marsouins.  Avec l’abolition du régime seigneurial, ces Messieurs du Séminaire n’ont plus de devoirs envers leurs censitaires, comme l’entretien du moulin, et les censitaires n’ont maintenant plus de devoirs envers leurs seigneurs[94].  Il faut donc conclure que Germain est maintenant propriétaire du fonds de terre puisqu’il en paye la tenure[95].

Après l’abolition du régime seigneurial, ce sera le 1er juillet 1855 que sera constituée en municipalité la paroisse Saint-Louis-de-l’Île-aux-Coudres.  On procède alors à l’élection d’un conseil municipal.  Après une période de cabale coutumière, l’oncle Louis Hervé (1784-1863) est élu premier maire, poste qu’il gardera jusqu’en 1858 alors que ses soixante-quatorze ans l’obligent à laisser la chance à un autre coureur.  Ce sera le beau-frère de Germain, son cousin Augustin Dufour qui le remplacera en 1858[96].  Germain a toujours été très près de son oncle Louis et de ses enfants ; on en a pour preuve que la totalité des enfants de ce dernier on agit comme parrain ou marraine aux baptêmes de l’un de ses enfants.

En février 1856, Germain, qui approche la cinquantaine, est choisi comme parrain pour une dernière fois.  Jean Baptiste Laforais (1816-1889) et Félicité Audet dite Lapointe (1821-1916) sont les parents[97].  Il s’agit sans doute d’un couple d’amis, car rien ne les apparente à la famille de Germain.  Le choix d’un parrain non apparenté est à peu près inexistant à l’Isle où on ne manque pas de parents pour ces fonctions.  La parenté du couple semble avoir migré vers Saint-Étienne de la Malbaie et le Saguenay.  Jean Baptiste Laforest à un ancêtre connu à l’Isle, Jean Laforest dit Labranche (1682-1733).  Il est celui qui a fait de son nom dit, le toponyme du cap où il habitait, le Cap à Labranche qui trop souvent aux siècles suivants sera écrit cap à la branche par des gens n’en connaissent pas l’histoire. 

À l’été, le 30 août 1856, Archange donne naissance à Joseph Hercule Harvay (1856-1924).  Le parrain et la marraine d’Hercule sont Éloi Dufour (1836-1910) et Olympe Harvay (1838-1921).  Éloi, le filleul de Germain, meunier du Cap à Labranche au moulin de son père Augustin Dufour[98], le cousin, voisin et beau-frère de Germain alors qu’Olympe (1838-1921) est probablement la fille de George Hervai (1814-1889), un cousin de Germain également[99].    

Finalement, le 19 février 1859 naît le dernier enfant de Germain Hervé et Archange Desbiens, le petit Héli Harvay (1859-1920) qui portera tout au long de sa vie le prénom d’Élie.  Épiphane Bergeron (1836-post.1881) est son parrain.  Il est le neveu du couple puisqu’il est le dernier fils de la sœur aînée d’Archange, Marthe Desbiens (1794-1836) qui décéda des suites de son accouchement.  Ce marchand de son métier qui a maintenant vingt-trois ans aura trois épouses, mais pour l’instant, il n’est toujours pas marié.  On se souviendra que ces Bergeron sont de la Baleine, ils étaient voisins de Pierre Hervé (1733-1799), le grand-oncle de Germain, l’un des deux géniteurs de la plupart des Harvey du Québec.  Marie Séraphine Dufour douze ans (1847-1911) est la marraine.  Elle est aussi liée à la famille Bergeron puisqu’elle est la fille de Louise Bergeron (1826-1889), la sœur du parrain.

L’épouse de Germain aura enfanté pendant trois décennies, à peu près tous les deux ans.  Archange, à près de quarante-sept ans, prend un repos bien mérité.  Elle a donné treize enfants à Germain qui à leurs tours peupleront la terre d’Amérique de petits Harvay.

Moins de trois mois plus tard début mai, décède, Luce Desbiens, la sœur d’Archange sa voisine et complice de tous les jours.  Elle était mariée à Augustin Dufour, le cousin de Germain[100].

C’est derrière le Cap de l’église que s’allonge la Pointe de L’Islet.  La maison de Germain est sise au-delà de cette pointe, plus au nord-ouest, au pied du Cap à Labranche qui l’abrite contre les vents du Nord.  En 1860, dans la maison de Germain « … l’ameublement n’a rien que d’ordinaire ;   les tables, les chaises robustes taillées en plein bois, accusent les fortes mains de nos ouvriers de campagne.  Les lits sont bons et confortables ; mais rien dans cet intérieur, ni sur les meubles, ni sur les personnes, ne rappelle le luxe des villes… Dans un coin de l’appartement, la grande horloge traditionnelle, haute comme tout l’étage et ornée de deux pommes de cuivre, marque les heures.  Elle ne se monte que tous les huit jours et sonne de ce timbre clair, agréable et sonore… Les maisons de l’île sont généralement bien peuplées ; un grand nombre d’entre-elles renferment deux et même trois ménages. [101]»  C’est le cas chez Germain « tout le monde est soumis religieusement à la grave autorité… de l’aïeul. »  Joseph son père croit y régner encore en maître.  Le vieillard de soixante-dix-huit ans « gouverne d’une main douce, mais ferme... » même si en réalité Germain l’a depuis longtemps remplacé.

La terre de Germain qui était celle de Joseph, et avant lui une partie de celle de Dominique n’est pas large, mais, comme la plupart elle est longue de cinquante arpents[102].  Germain a été prudent, il a gardé au fond de sa terre une grande portion de « bois de bout » qui protège des vents.  Pour garder son blé bien protégé des vents du nord, il l’a semé plus près de la maison.  C’est également assez près de la maison qu’est planté son champ de patates.  Entre son champ de patates et son érablière, il pousse du fourrage pour les animaux.

Les insulaires ont toujours compté sur la mer pour faire vivre leur famille.  Avec le transport de la pitoune qui sort des forêts charlevoisiennes, du Saguenay et de la Côte-Nord à la tonne, il est grand temps pour eux de se doter d’embarcations pour faire ce travail, car leurs voiliers ne suffisent plus.  C’est à compter du printemps 1860 que l’on construit une première goélette à l’Isle.  La navigation restera pendant longtemps liée à l’agriculture comme les premières embarcations à voile l’avaient été.  Les goélettes apportent aux marchés les produits de l’Isle et en rapportent les denrées qui manquent aux insulaires.  Il y a bien quelques parents qui ont fait des allées retour entre les îles Saint-Pierre et Miquelon et Québec en participants à la contrebande des alcools, mais personne ne s’en vante guère, on ne fait qu’en profiter[103].

À l’été, le patriarche ne va pas bien et c’est Germain qui doit le remplacer comme chantre aux funérailles et autres cérémonies à l’église.  Il en sera ainsi jusqu’en décembre alors que là seulement le patriarche reprendra son train-train quotidien alors que sa jument l’amène à l’église ou il l’amarre à l’arrière pour ne pas qu’elle grouille le temps de la cérémonie[104]Paul, Didier, Joseph et Ferdinand devaient déjà être ceux qui en menaient le plus large sur la terre ; cette absence du père passera bien inaperçue.    

Le mercredi 17 octobre 1860, l’automne est bien entamé.  Alors que Germain est à faire le train avec les plus vieux et qu’Archange boulange, vers six heures quinze le matin un premier tremblement qui dura près de cinq minutes en s’affaiblissant graduellement affole les bêtes à l’étable. Justine et Denyse, les aînées qui étaient dans la maison virent les meubles danser et la grande horloge du père valser.  Deux autres tremblements plus faibles furent ressentis dans les quinze minutes qui suivirent.  Comme la maison avait été construite en bois, on venait de s’en sauver avec quelques images et crucifix décrochés des murs.  Chez les Leclerc et les Bergeron et autres de la Baleine où les maisons de pierres étaient plus nombreuses, les cheminées et certains murs s’étaient lézardés, mais s’était là le plus de dommage que le tremblement avait provoqué.  Dans les jours qui suivirent, on apprit que tout cela venait de la Rivière-Ouelle où les dommages avaient été bien plus considérables[105].

Une maisonnée qui se vide (1861-1876) 

En ce début de décennie, la façon de vivre des insulaires n’a guère changé depuis cent ans, ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient en 1759 au lendemain de la capitulation de Québec.  Archange, maintenant aidée de ses plus grandes, Justine, Denyse, Marie Marthe et Phébé, continue de confectionner les habits pour « gréer »[106] sa famille avec la laine de ses moutons.  Elle s’assurera encore cette année de faire quelques bonnets de laine que Germain porte sur sa tête du matin au soir, même lorsqu’il est dans la maison[107].  Les filles confectionnent des « couvre-lits boutonnus » ou « paresses boutonnues » utilisant une technique propre à l’Isle-aux-Coudres qui s’est transmise de mère en fille depuis la France[108].  Les filles qui en confectionnent pour leur trousseau, réussiront bien à vendre le surplus lors de leur sortie annuelle au marché d’automne à Québec où les amèneront l’un de leurs cousins navigateurs, sans doute les fils de l’oncle Louis.  Cette sortie leur permettra de dériver la tête pour y voir quelques beaux prospects pendant que les cousins contemplent les créatures[109].

Tous deviendront un peu cordonniers dans la famille, Héli, l’enfant qui vient de naître, en fera même son métier. Pour l’heure, les chaussures que les Harvay portent sont la plupart du temps faites des mains de Germain ou de Paul l’aîné qui a sûrement appris comment se servir des peaux des animaux disponibles, le marsouin entre autres. 

Les insulaires, bien qu’ayant vécu sous le joug de leur seigneur depuis la colonisation de l’Isle, avaient été un tant soit peu indépendants du clergé jusqu’à la Conquête.  Cela tenait largement au fait de l’absence d’un curé permanent avant 1770, contrairement aux paroisses de la terre ferme.  Avec la domination anglaise, non sans heurts, ils s’étaient progressivement ralliés autour de leurs curés.  On se rappellera des prises de bec de Zacharie Hervet (1726-c.1813) avec le curé Compain à l’époque.  Maintenant, dans la famille de Germain, l’influence du clergé est grande.  La parole du curé y est fort écoutée.  Il faut dire que le patriarche, qui vit toujours sous son toit, aurait très bien pu choisir la chasuble plutôt que la mère de Germain puisqu’il a passé sa vie à l’église.  Être maître chantre pendant soixante-deux ans influence la façon d’éduquer ses enfants[110].  On dira de Germain qu’il « gouverne d’une main douce, mais ferme », comme il l’avait appris[111].

Dans les familles de l’Isle-aux-Coudres on se débrouille à peine pour lire et on sait peu écrire, mais il en sera tout autrement pour la prochaine génération.  Chez Germain, il n’y a guère que Paul  et Denyse qui ne savent écrire.  Marthe, Didier, Joseph et Ferdinand savent lire et écrire grâce aux enseignements acquis à la maison d’école du Cap à Labranche qu’ils ont fréquenté.  Pour l’heure, ce sont Phébé, Germain, Caroline, Marcel et Hercule qui sont toujours à l’école.  Pour ce qui est d’Élie, il est encore aux couches, mais il apprendra également et saura tirer profit de ses apprentissages.  Mis à part Marcel d’ailleurs, tous ceux qui auront fréquenté l’école auront appris à lire, écrire, calculer et surtout, dans ce siècle d’obéissance au clergé, ils posséderont de bonnes connaissances religieuses.  Germain et Archange devaient considérer l’instruction comme importante pour que Phébé qui a déjà treize ans et Germain qui en a onze, soient laissés à leurs âges sur les bancs d’école plutôt que de travailler au champ ou comme domestique dans une quelconque maison.  Il faut dire que la famille avait été très près du curé Asselin, celui qui avait inventé l’école à l’Isle et où il y fit établir quatre maisons d’écoles dont deux furent fermées après son départ.  La famille l’avait probablement défendu quand ce dernier avait eu d’assez graves difficultés avec plusieurs paroissiens lesquels lui causèrent beaucoup d’embarras parce qu’il avait réservé le quart des revenus de l’église pour le soutien de ses maisons d’écoles[112].  Ces initiatives d’instruction publique entamées dans la première moitié du siècle ont été fructueuses puisqu’en 1855 on estimait que quatre-vingt-dix pour cent des enfants de l’île fréquentaient l’école, un nombre insurpassé dans les autres villages de la côte, de Baie-Saint-Paul aux Escoumins[113].     

Dans la maison de Germain, on y parle correctement la langue, mais avec des clichés de « vieux français » que l’anglais n’a pas encore altéré.  Sauf pour les navigateurs et pilotes comme l’oncle Louis ou certains de ses fils, les insulaires n’entendent rien à l’anglais.  Encore là, les gens de la mer ne le comprennent qu’à peu près, sans être en état de s’exprimer autrement que d’une manière bien imparfaite[114].

En janvier 1861, la maisonnée de Germain et d’Archange est sur le point de subir quelques chambardements.  Alors qu’il aura cinquante-trois ans cette année et qu’elle en aura quarante-neuf, leurs premiers enfants quitteront leur toit.  Didier habite et travaille déjà chez la nièce d’Archange, Magdeleine Desbiens (1813-1907) qui est mariée à un important cultivateur, Joseph Gagnon (1802-1868). Magdeleine est la fille de Vital, le frère aîné d’Archange marié Magdeleine Hervé (1794-1882), la tante de Germain.  Leurs autres enfants, Justine, Denise, Paul, Marthe, Joseph, Ferdinand, Fébé, Germain, Caroline, Marcel, Hercule et Élie sont toujours avec eux, mais pas pour bien longtemps.  Le père et la belle-mère, Joseph et Élisabeth Simard, y sont également.  Tout comme Germain, à soixante-dix-huit ans, le père est encore enregistré comme cultivateur[115]. 

Les autorités britanniques de la toujours colonie du Canada-Est avaient, à compter de 1861, donné des instructions à leurs recenseurs d’utiliser le patronyme du mari dans l’inscription des épouses au recensement.  Faire prendre aux épouses le patronyme de leur mari est une pratique tout anglaise qui n’avait pas encore pénétré les registres civils de l’ancienne colonie française.  Dans plusieurs des paroisses rurales de Charlevoix, les recenseurs s’exécuteront alors qu’à l’Isle ils résisteront encore pour dix ans avant de se plier à la coutume anglaise. Les Canadiens avaient pourtant obtenu la restauration du droit civil français en 1774, par l’Acte de Québec, cela n’empêcha pas les autorités encore très anglaises d’imposer leurs coutumes après que la capitale soit transférée à Ottawa en 1866 et que la confédération qui approche soit constituée[116].  Cette pratique perdurera jusqu’au milieu du siècle suivant avant que le droit civil français ne reprenne le dessus. 

En mars de la même année, la belle-mère de Germain s’éteint.  Élisabeth Simard la deuxième épouse de son père décède « … subitement d’une cause inconnue telle qu’il appert par le certificat de Joseph Perron (illisible coroner)… »[117] à l’âge de quatre-vingt-un ans. 

Germain voit sa maison se vider.  Après le départ de sa belle-mère au printemps, on fêtera chez Germain et Archange, c’est d’abord Marie Marthe (1838-1917) qui a vingt-trois ans, la troisième fille du couple, qui épouse Joseph Octave Desgagné (1832-1915) à Éloi (1806-1893) chez Germain (1780-1854), un cultivateur de l’Isle le 23 juillet 1861.  Louis Didier (1840-1871) qui a presque vingt-deux ans s’unit à Marie Denise Tremblay (1837-1898) le 14 janvier 1862.  Cette même journée, en plus de son fils, ce sont quatre neveux et nièces de Germain qui se marient[118]. L’été suivant, l’aînée de la famille qui a vingt-neuf ans, suit dans les départs, Marie Justine (1831-1922) unit sa destinée à celle d’un veuf de trente-six ans, lui aussi un Joseph Octave Desgagné (1824-1877), mais cette fois-ci à Thimothé (1790-1876) chez Joseph Marie (1765-1842) le 12 août 1862.  Germain et le grand-père de la mariée Joseph lui servent de témoins.  Deux ans plus tard, Paul le plus vieux des garçons, épouse Hélène Martine Desgagnés (1836-1889) à Thimothé (1804-1880) chez Michel (1773-1846) le 4 juillet 1864 à l’Isle aux Coudres également.  C’est Marie Phébée (1847-1902) qui terminera les festivités nuptiales en épousant le frère de la nouvelle épouse de son frère Paul Harvay.  En effet, le 27 novembre 1866, la jeune fille de dix-neuf ans s’unit à Épiphane Desgagné (1838-1925) dans la toute petite chapelle qui a vu grandir cette famille[119].  Tous ces mariages sont célébrés dans la chapelle de Saint-Louis de l’île.  Tous ces Desgagné[120] s’unissant aux enfants de Germain sont des descendants de Nicolas Joseph Desgagnés (1699-1780) et Madeleine Royer (1699-1792) arrivés à l’Isle un peu avant la conquête.  Tous ces enfants de l’Isle, les Harvay de mon grand-père et les Desgagnés de ma grand-mère paternelle ont commencé à se lier.

C’est à cette période où le nombre d’enfants à l’Isle ne cessait de grandir que l’on instaure la « Municipalité scolaire de l’Isle aux Coudres ».  Tous ont maintenant pris conscience que les deux écoles ne suffisent plus et leur nombre, après la fin des disputes entre les insulaires, passe de deux à quatre.  Avant la fin de la décennie, cent soixante-neuf élèves y recevaient l’instruction élémentaire[121].  Au Cap à Labranche, on avait besoin d’un nouveau bâtiment qui allait remplacer la vieille maison d’école située au fond du terrain de l’église.  Germain autorise donc Alexis Desbiens (1824-1895), le président de la Corporation scolaire de l’Isle aux Coudres, à construire une maison d’école sur une parcelle de terrain lui appartenant.  Alexis est son neveu par sa femme, étant le fils de Vital (1791-1861), l’aîné des frères d’Archange et son cousin par sa tante Madeleine Hervé (1794-1882), l’épouse de Vital Desbiens.  C’est en 1865, bien après la construction, que Germain signe l’acte de cession « Par devant les notaires Publics dans et pour le Bas-Canada » qui s’étaient présentés à l’Isle pour finaliser la constitution de la corporation et la régularisation des états de fait.  Ainsi, le « Sieur Germain Harvay reconnaissait avoir cédé un certain lot de terre… de la contenance de trente cinq pieds de front sur quarante pieds de profondeur, borné par devant à une petite route dite route d’Augustin Dufour et en arrière au bout de ladite profondeur et des deux côtés au Nord et au Sud au dit Germain Harvay, cédant, sans autre bâtisse que la maison… d’école…, connue sous le nom de Maison d’école pour l’arrondissement No 1avec le droit par le dit cessionnaire et ses successeurs ainsi que toutes personnes… fréquentant ladite Maison d’école de prise de l’eau à son puits… »  Germain cédait donc, sans aucune rémunération, une portion de terre faisant partie d’une forte étendue de terre qu’il possède.  L’éducation, il l’avait compris, pouvait conduire à de grandes choses.  Jeune, pendant qu’il labourait la terre de son père, son frère Didier était devenu médecin à force d’études.  Pour s’assurer que son fond de terre serve pour toujours à l’éducation, il fit ajouter par le notaire une clause prévoyant qu’en cas d’abandon ou vente de ladite Maison d’école, l’acquéreur sera tenu de l’enlever et la propriété du terrain suscédé retournera au dit cédant comme auparavant » [122].  L’année suivante la corporation scolaire de l’Isle aux Coudres obtenait une subvention supplémentaire de vingt-sept piastres parce qu’elle était isolée et supportait quatre écoles[123].

À l’Isle, les mariages se sont principalement faits entre insulaires depuis sa colonisation ; il y avait bien quelques exceptions ou on allait se chercher une épouse à la baie Saint-Paul, aux Éboulements ou à Saint-Irénée, mais règle générale on préférait se trouver une belle insulaire.  Les jeunes gens qui quittaient l’Isle pour s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie depuis la fin du XVIIIe siècle revenaient souvent se chercher une épouse à l’Isle.  Après quelques générations, les liens familiaux entre l’Isle et Saint-Étienne sont maintenant brisés et cette période est révolue.  Le phénomène se répète maintenant plutôt entre La Malbaie et le Saguenay et le Saguenay et le lac Saint-Jean.  Pour Germain la situation n’a guère changé, seule la destination est différente.  Il voit maintenant partir les jeunes vers Québec et Montréal ; certains vont même jusqu’à s’expatrier aux États, mais une chose ne change pas, s’ils n’ont pas quitté l’Isle après un mariage avec une fille de l’Isle, ils sont nombreux à revenir s’y marier avec des insulaires[124].

En 1866, un peu après les fêtes, alors que tout un chacun s’est rencontré et a festoyé en famille, la maladie se présente à l’Isle.  Elle n’avait pas fait de ravage sérieux depuis les deux épidémies de 1755 et 1758.  Cette fois-ci, ce sont probablement les fièvres typhoïdes qui font leur apparition alors que cette maladie n’est pas encore bien connue, qu’il n’existe donc aucun remède et que l’Isle n’a toujours pas de médecin[125].  Aux dires de certains, soixante-huit insulaires seront emportés par la maladie au cours des quatre prochaines années avant que le mal ne quitte l’Isle[126].  Il est fort probable que le nombre soit plutôt d’environ une trentaine, mais cela est déjà beaucoup.

Le premier lieu d’infection à l’Isle se situe peut-être chez Germain puisque c’est sous son toit que la première personne décède cette année-là.  Marie Clarise (1865-1866), la fille aînée de son fils Paul s’éteint le 9 janvier 1866.  Les parents avaient vu la condition de Clarisse se dégrader rapidement au cours de la dizaine de jours qu’avait durée la fièvre[127].   Près de vingt personnes s’entassent dans la maison de Germain, faut-il le rappeler.  On peut facilement imaginer que pendant la période des fêtes cette petite population va jusqu’à tripler lors des festivités. L’hygiène, la cause principale de la fièvre, devait rendre la situation précaire.

Comme le taux de mortalité est de dix pour cent en l’absence des traitements antibiotiques inconnus à l’époque, on peut s’imaginer que beaucoup de familles d’insulaires furent affectées au cours de ces quatre années.  Onze porteurs du patronyme Harvey décéderont au cours de cette période.  Bien malin celui qui serait dire la cause de leur mort, car contrairement aux épidémies de 1755 et 1758, le curé n’a rien noté à son registre. 

Quoi qu’il en soit, la maladie n’a pas quitté la maison.  Le 9 mars de l’année suivante décède Joseph Desgagné, le fils de Justine, fille aînée de Germain[128].  Le mois suivant, le 4 avril, Joseph dit Cléophas Harvay, le fils de Didier s’éteint à son tour à l’âge de deux ans et neuf mois.[129]

Le père de Germain suit peu de temps par la suite.  Joseph Hervé décède à l’âge de quatre-vingt-cinq ans le 5 mai 1867.  Le chantre de la petite chapelle venait de s’éteindre ; les insulaires l’avaient entendu depuis le début du siècle.  Lui qui avait vécu toute sa vie à l’ombre du drapeau britannique est enterré le 7 mai 1867 dans le cimetière Saint-Louis de L’Isle-aux-Coudres.  En jetant un coup d’œil à la petite église dédiée à Saint-Louis, roi de France, où l’ancêtre a passé sa vie à chanter, on s’aperçoit bien qu’elle n’a rien de remarquable ; « son architecture toute simple est cependant convenable. La voûte et les bancs peints avec goût lui donnent un air de propreté ». Toute petite qu’elle est, au fil des années on n’a tout de même réussi à la doter de trois cloches[130].  Aujourd’hui, le bedeau a habillé les battants de ses cloches de cuir afin d’en étouffer le son qui sonnent le glas pour Joseph.  Il tinte trois coups par cloche en commençant par la plus grosse.

Bien d’autres décès dans la famille surviendront pendant cette présence de quatre ans de la fièvre typhoïde à l’Isle.  Ainsi, Phébé perdra son premier enfant en 1868[131], Didier y perdra un deuxième enfant, son aînée, celle-là âgés de six ans[132].  Finalement, Marie Marthe n’y échappera pas non plus, car elle perd sa troisième fille le 27 juillet 1869 vers la fin de l’épidémie[133].  Autour de la maison de Germain, on tombe de tous les côtés.  Sa famille élargie compte pour les deux tiers des décès.

En cette même année, Germain et Archange marient leur troisième fils, Joseph le forgeron.  Mon ancêtre, épouse Marie Georgina Leclerc le 26 novembre 1867 dans la chapelle Saint-Louis de L’Isle-aux-Coudres.  La maison est bien grande maintenant puisqu’il ne reste plus que sept enfants vivant avec Germain et Archange

De 1790 à 1870, la population de l’Isle s’est accrue très lentement[134], mais assez régulièrement, de cinq cent soixante et six à sept cent dix-huit âmes.  L’Isle n’a fait vivre que deux personnes de plus par année en moyenne.  Pourtant les naissances sont tellement nombreuses que la population aurait pu être de mille six cents habitants en 1870 et non pas sept cent dix-huit.  L’exode a constitué, au cours de cette période, un phénomène permanent.  C’est entre vingt ou vingt-cinq ans que les insulaires, forcés de partir, quittent généralement l’île.  Le mariage est l’occasion qui détermine le plus souvent le départ.  Ce fut le cas pour les oncles et les tantes de Germain qui ont à peu près tous quitté l’Isle pour s’installer dans Charlevoix d’abord, puis au Saguenay et au Lac-Saint-Jean qui sont maintenant ouvert à la colonisation.  Cela continuera d’être le cas pour ses propres enfants.

Il n’y a encore que soixante-dix familles à l’île en 1868 réparties entre dix-neuf patronymes. 

Évoquant le mouvement de la population, l’historien natif de l’Isle aux Coudres l’abbé Mailloux écrit :

« Le surplus de la population de l’île a émigré, en presque totalité, dans les paroisses du nord les plus voisines de l’île… »[135]  « … un petit nombre de familles ont passé à la Baie-Saint-Paul, à Saint-André et à Saint-Arsène ».[136]

Commotion à l’Isle. Dix ans après le dernier, le 20 octobre 1870, un autre tremblement de terre s’apprête à ébranler la maison de Germain.  Cette fois-ci, son origine est tout près, à Baie-Saint-Paul.  La journée avait pourtant bien commencé ; bien que le ciel fût sombre et couvert de nuages, la température était douce et humide pour cet automne déjà fortement entamé.  Vers onze heures vingt-cinq commence le mouvement d’oscillation qui créait sous les pieds un déplacement assez considérable pour faire chanceler.  Tous les animaux de Germain, encore aux champs à brouter en cette période de l’année, commencent à s’affoler.  La cloche de la chapelle se met à sonner d’elle-même.  Le poêle d’Archange, comme tous les autres d’ailleurs, se démonta ; les meubles furent renversés et plusieurs brisés.  Heureusement, Denyse eut la vitesse d’esprit de retenir l’horloge du père avant qu’elle ne s’effondre également.  Dehors aux alentours presque toutes les cheminées sont plus ou moins démolies.  La terre s’est fissurée à plusieurs endroits.  Sur le bord du Cap le sol s’est ouvert « à dix-huit pieds de profondeur ».  Sur la terre des parents de Georgina Leclerc la nouvelle épouse de Joseph, fils de Germain, « un bloc de six pieds sur la profondeur de la côte s’est séparé et s’est éboulé ».  Chez l’un des filleuls de Germain, François Tremblay dit Vorval (1823-1904) dans la partie nord de l’Isle à la côte des Roches, le chemin de descente « a été coupé vers le milieu et une partie s’est enfoncée de deux pieds ».   Chez le veuf David Desbiens (1799-1880) le frère d’Archange qui a hérité de la terre de Louis Desmeules (1783-1861) en épousant Theotiste Desmeules (1807-1848), lui qui y avait planté une quantité d’arbre le long de la côte, la terre « s’est éboulée sur une longueur considérable », emportant tous ses arbres dans sa chute.  Heureusement, à part un « certain nombre de cheminées démolies et quelques femmes évanouies »[137], il n’y a pas eu d’accidents bien fâcheux au Cap à Labranche et tout le monde en a été quitte pour une bonne peur avec quelques maisons sans fondation qui se sont légèrement déplacées.  À la Baleine, il en est tout autrement.  C’est là où la majorité des anciennes maisons construites avec les techniques françaises de pierre et de maçonnerie sont concentrées et les effets du sinistre sont importants.  La plupart de ces maisons subissent de gros dommages. Toutes perdent leur cheminée.  Sur les six maisons de pierres qui se trouvent toujours à l’Isle, trois furent en partie démolies et celle de la famille du beau-frère Thomas Bergeron s’effondre.  Heureusement, tous en étaient sortis avant le sinistre.  Seule la fondation reste debout[138].  L’ancêtre Pierre Hervé (1733-1799) à Sébastien avait aidé son voisin André Bergeron (1727-1801) à construire cette maison à l’origine.  Seules deux maisons de pierres sont encore habitables bien qu’elles aient perdu leurs cheminées, celle des Bouchard près des moulins et celle des Leclerc plus à l’ouest que celles en partie démolies[139].  Après le sinistre, on évalua les dommages à « six cents louis ».  Le tremblement de terre est perçu à l’époque, telle que rapportée dans les journaux de Québec, comme le plus violent qui se soit fait sentir, depuis nombre d’années[140].

Une décennie à tout changée dans la vie de Germain et d’Archange.  Des dix-sept personnes dormant sous leur toit, il n’en reste plus que neuf en cet hiver 1871.  Ferdinand vingt-deux ans, Marcel seize-ans, Hercule quatorze ans et Élie douze ans travaillent toujours à la ferme avec leur père.  Germain vingt ans, bien qu’il demeure chez son père, est quant à lui apprenti forgeron auprès de son frère Joseph le cultivateur-forgeron qui a vingt-huit ans.    De leur côté, Denise (trente-six ans) et Caroline (dix-huit ans) épaulent leur mère.  La terre de Germain se fera plus petite avec les subdivisions qu’engendreront les enfants.  Il y a déjà trois maisons sur sa terre.  L’une d’entre elles est bâtie face au fleuve au pied du Cap-à-Labranche.  On présume que cette nouvelle construction est celle que Germain aura décidé de construire avec l’aide de ses fils après l’épidémie de la décennie précédente.  Il aura alors cédé sa maison à Paul son aîné[141].  Outre sa nouvelle maison et son ancienne, qui est maintenant celle de Paul et sa famille, Didier s’est également construit sur la terre du père. 

La nouvelle maison qui les accueille, que l’on peut voir sur la photo ci-contre, borde le fleuve contrairement à l’ancienne qui était située de l’autre côté du « chemin royal »[142].  L’architecture de la maison est similaire à celle des autres maisons construites à l’époque au « bout d’en haut » de la paroisse.  La « maison est carrée de deux étages à toit mansardé, au pied de la côte du » Cap à Labranche[143].  Elle ressemble à la plupart des autres construites à l’époque au village de Saint-Louis et qui en majorité disparaîtront lors d’un grand feu en 1958.

En 1871, la population de l’île est maintenant de sept cent dix-huit habitants dont soixante-dix portent le patronyme Harvay, réparti dans onze familles[144].

Si la vie de Germain et d’Archange a changé au cours des dix dernières années, les bouleversements seront nombreux au cours des dix prochaines…

Le 15 avril 1871, Germain perd son premier fils.  À trente et un ans, Didier Harvay décède.  Louis Didier avait été le premier des garçons à quitter le nid familial pour se marier et il est aujourd’hui le premier à partir.  Outre son épouse Denise, il laisse derrière lui trois jeunes enfants, Olivine, quatre ans, Joseph un an et Louis Dominique seize jours.  Le curé Jean Baptiste Pelletier avait inscrit le baptême de Louis Dominique le 31 mars et l’inscription qui suivit fut celle de la sépulture du père de l’enfant[145].

Deux ans plus tard, le 11 février, on fête chez Germain et Archange.  Joseph Ferdinand (1845-1928), le quatrième garçon de la famille épouse à vingt-sept ans une fille de l’Isle, Zénobie Bouchard (1850-1934) qui en a vingt-deux.  On ne va pas chercher les épouses bien loin à l’Isle ; Zénobie est la petite-fille de Luce (1797-1859), la sœur d’Archange qui, de son vivant, était mariée au cousin de Germain, son voisin Augustin Dufour.  Ferdinand et Zénobie s’établissent d’abord à l’Isle chez le père de Zénobie où ils y auront six enfants puis ils partiront vivre dans le village de Roberval au lac Saint-Jean après 1891[146].  Joseph Ferdinand émigrera plus tard dans le quartier des Harvay à Montréal.  On le retrouve dans le quartier Hochelaga dès 1911 avec sa famille où il y travaille comme journalier et il y décédera en 1928.

Depuis quelques années l’économie au pays ne va pas bien.  En Europe c’est la crise et sur le continent les producteurs de blé américains font chuter les prix grâce à leurs élévateurs à grains, leurs trains et de grands navires de transport.  La « Panique de 1873 » s’installe.  C’est par milliers que les Canadiens français émigrent vers la Nouvelle-Angleterre pour y être la chair à usine et à manufacture.  On va même jusqu’à fermer la frontière pour un certain temps.  L’Isle aux Coudres n’est pas épargné cette fois-ci, car les maigres surplus des petites terres, qui ont été subdivisées au maximum, se vendent presque qu’à perte.  Est-il besoin de se rappeler que la terre dont avait hérité Germain est maintenant divisée en trois ? Que de tracas pour Germain ! À soixante-cinq ans, il réalise que ses plus jeunes, Germain, Marcel, Hercule et Héli qui ne sont pas encore installés vivent pour l’essentiel de leur travail de débardeur au port de Montréal durant l’été ; ils pourraient bien être tentés par l’aventure américaine.  Même Ferdinand qui vient tout juste de se marier cherche un avenir et Denyse, la veuve de Didier ne cesse de parler des gages que l’on peut faire dans les manufactures de coton à Lowell, là où il y a déjà plus de vingt mille Canadiens français.  C’est du moins ce qu’elle lit dans le petit journal que les cousins navigateurs apportent à leur retour de Québec.  Selon Germain, si quelque chose de bon peut sortir de cette crise, c’est qu’enfin, le gouvernement qui se traînait les pieds pour favoriser les grandes compagnies aura été forcé de lancer des projets de colonisation et d’accélérer l’ouverture de paroisses plus au nord, offrant ainsi des terres pour les jeunes.

À la veille de la Saint-Sylvestre, Germain agit comme témoin lors de la sépulture de Marie Pétronille Girard (1842-1873).  Pétronille est la première épouse d’Épiphane Bergeron (1836-post.1881), le fils de Marthe, sa belle-sœur décédée des suites de son accouchement d’Épiphane.  Il est également le parrain d’Héli.  Thomas Bergeron son père, aujourd’hui décédé, s’était remarié six mois plus tard.  On peut penser que son oncle Germain avait dû être assez présent au cours de son enfance.  D’ailleurs Épiphane épousera la sœur puînée de l’épouse de Paul dans six mois[147]. 

L’année suivante, c’est au tour de Marie Caroline (1852-1935), vingt-deux ans, de convoler en justes noces.  Elle épouse Louis Harvay (1848-1934) le 12 mai 1874.  Les mariages des enfants de Germain ont tous requis une dispense de consanguinité.  Celui-ci particulièrement pour deux empêchements de consanguinité du deux au troisième degré et du trois au troisième degré.  Louis est le fils de George (1814-1889) chez l’oncle Louis.  Le couple vivra dans la paroisse de Saint-Bernard sur mer à l’Isle et y sera enterré.

Au printemps 1875, la pêche aux marsouins dépassa les espérances.  Germain, qui était l’un des propriétaires de cette pêche, n’avait plus les pieds dans l’eau à soixante-six ans, mais avant d’aller travailler comme débardeurs à Montréal, l’aîné Paul et ses autres fils réussirent, avec les autres coassociés, à capturer cent cétacés.  Comme l’ont fait les générations de Hervé et Harvé précédents, ils les ont échoués et dépecés sur le sable de la grève juste avant la langue de terre qui joint le rocher de l’Islette[148].

Le 5 septembre 1875, une chute de neige hâtive de six à huit pouces d’épaisseur[149] coucha à plat les champs cultivés, lesquels n’avaient pas encore été récoltés en raison des semailles tardives ce printemps-là.  Plus aucune céréale ne tenait debout.  Le moissonnage s’avéra donc plus lent et plus ardu, car il fallait lever les tiges des céréales par petites poignées avec la pointe des faucilles.  Germain, Marcel et Hercule n’étant pas revenus du port de Montréal où ils travaillaient tous comme débardeurs, ce sont Germain, qui a soixante-sept ans, son aîné Paul, aidés de leurs épouses et des petits-enfants et du jeune Héli qui s’échinèrent à la besogne.  La famille s’estimait heureuse, car quelques jours plus tard, Germain et Paul apprirent qu’il était tombé une plus grosse bordée à Saint-Jean-Port-Joli sur la Côte-du-Sud, soit plus de dix-huit pouces[150].

Le 7 septembre 1875 Henri-Raymond Casgrain (1831-1904), dit l’abbé Casgrain est en visite à l’Isle. Bien que ce dernier ait abandonné le ministère depuis trois ans, on continue à le qualifier d’abbé.  À quelques pas de la côte du Cap à Labranche, vers l’heure du midi, il s’arrête chez Germain pour lui faire un brin de jasette et lui rendre ses amitiés.  Comme on l’a vu, Germain est un ami de la famille du curé.  Après avoir entendu l’attelage de ce dernier et le crie de son conducteur, Ulric Bouchard, Germain sort de sa maison, se présente sur son perron et se dépêche d’enlever son bonnet de laine par déférence, bonnet qu’il a toujours sur la tête.  On se souviendra qu’Ulric est l’époux de Marie Félicité sa cousine, l’aînée chez l’oncle Louis. Après s’être approché de la carriole celui qui est de vingt ans, son aîné serre la main du jeune ecclésiastique « avec effusion ».  Devant quelques insistances, une « chaleureuse invitation et la figure franche et ouverte » de Germain, il entre saluer Archange et ses enfants.  Paul et Héli étaient tout juste de retour des champs pour le repas alors que Denyse, la vieille fille qui a maintenant près de quarante-deux ans, est à donner l’aumône à un pauvre orphelin « maigrelet ».  Pendant « qu’il tient, entre ses dents et avec ses deux mains, l’ouverture d’un sac » elle y verse une mesure d’orge.  Germain ordonne alors à sa fille de lui donner également « une mesure d’huile de marsouin ». 

Casgrain, après avoir salué la famille, en profite pour s’instruire un peu plus sur la vie passée des insulaires.  C’était la croyance générale autrefois et surtout pour ceux de la Côte-du-Sud, comme Casgrain, que les navigateurs qui montaient et descendaient le fleuve par le chenal du nord devaient se tenir à distance, en passant devant le Cap-aux-Corbeaux et ne jamais s’aventurer dans ces courants.  Ce tourbillon des eaux qui se forme à la base du Cap-aux-Corbeaux par la rencontre des courants, redouté des anciens navigateurs et pilotes, a donné son nom à la Rivière du Gouffre.  C’était du moins ce que les nouveaux maîtres de la colonie avaient voulu laisser croire au début du siècle pour favoriser le chenal du sud.  On se rappellera comment le pilote et navigateur Louis Hervé, l’oncle de Germain aujourd’hui décédé, avait tenté de combattre cette croyance au comité de la Chambre d’assemblée, chargée d’examiner la question.  Casgrain qui s’intéresse aux légendes en profite pour interroger Germain à ce sujet.  Parce que sa maison fait face au Gouffre, Germain devait en être un spécialiste à l’avis de Casgrain.  Germain lui en donnera pour son argent.  En bons patriarche et conteur qu’il est, il ne se fait pas prier pour instruire le curieux abbé :

« Dam, M. le curé, ça dépend des embarcations.  Si vous y passez en goëlette ou en steam-boat, vous n’y penserez guère, mais ce n’est pas la même chose en canot ou en chaloupe.  Dans les temps calmes, l’eau n’est pas beaucoup plus tourmentée que dans les raz de marée, mais s’il fait du gros vent, il ne faut pas s’y hasarder.  Une chaloupe ne mettrait pas grand temps à se remplir.  L’eau bouillonne et la lame vient de tous les côtés.  Vous avez passé dans le raz de marée par un grand vent ? Vous savez comme la chaloupe est alors agitée.  On ne sait plus comment prendre les lames qui embarquent malgré vous.  La chaloupe ne veut plus obéir au gouvernail ; on n’avance presque plus.  Tandis qu’il fait une grande brise à quelques pas de vous, dans le raz de marée le vent est mort ; les voiles battent le long des mats.  Il faut toute l’habileté d’un bon pilote pour sortir sans accidents de ce mauvais pas.  Il n’y a cependant point de raz de marée qu’on puisse comparer au Gouffre.  Aussi nos chaloupiers ont-ils bien le soin de ne pas s’en approcher quand ils prévoient du vent. »

À la suite de cette tirade de Germain, Casgrain se remettra en route vers la pente raide du Cap à Labranche afin de poursuivre son pèlerinage autour de l’Isle, après que Germain l’eut accompagné au bord du chemin pour le saluer[151]

La fin d’un voyage de cinquante-six ans (1877-1887)

Justine, l’aînée de la famille perd son mari le 6 mai 1877[152].  Déjà âgé de trente-huit ans lors de son mariage avec Justine, le veuf Joseph Octave Desgagnés aura tout de même eu sept enfants avec elle pendant leurs quinze ans de vie commune.  Seul trois de ces enfants sont toujours vivants lorsqu’il décède. 

Trois ans se sont écoulés depuis la dernière fois où l’on avait fêté un mariage.  Les épousailles de Germain (1849-1925) le fils en donneront l’occasion.  Ce dernier, qui a vingt-sept ans, se marie avec Marie Delphine dite Marie Adelphine Emma Tremblay (1852-1923) le 17 juillet 1877 à l’Isle aux Coudres. 

Puisque les autres garçons partent tous les étés pour travailler au port de Montréal, progressivement, Germain confie progressivement sa terre et ses cultures à son fils aîné Paul

Justine, l’aînée de la famille qui a quarante-six ans maintenant, se marie pour une deuxième fois.  Elle qui a perdu son premier époux il y a à peine treize mois se consolera dans les bras de Boniface Tremblay (1835-1902) pendant vingt-quatre ans.  Boniface est le fils de Jean Baptiste Tremblay ; on se rappellera que dernier avait contracté le choléra lors d’un voyage à Québec en 1852 et était décédé sur le chemin du retour.  Le 4 juin 1878, ils unissent leurs destinées dans la chapelle Saint-Louis de l’Isle aux Coudres.  Marie Justine a sûrement hérité des gênes de longévités de son père puisqu’elle vivra jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans et dix mois alors qu’elle s’éteindra en 1922.

À vingt-deux ans, Joseph Hercule (1856-1924), forgeron et journalier, s’unit à Marie Émilie Tremblay le 27 août 1878 dans la chapelle Saint-Louis de l’Isle aux Coudres.  Le couple quittera l’Isle vers la fin du siècle après y avoir élevé dix enfants pour s’établir à Saint-Grégoire de Montmorency près de Québec, après un bref passage au Lac-Saint-Jean comme deux de ses frères.  Il deviendra forgeron pour les chemins de fer.  Après avoir perdu sa première épouse au printemps 1906, il se remariera à l’automne.   

Le patronyme prend sa forme définitive, « Harvey »

À l’île, l’évolution du patronyme se fait lentement.  Alors que depuis le début de la colonisation on l’orthographiait Hervé, depuis plus de trente-cinq ans, on l’écrivait Harvay.  Tout au début alors qu’il se pointe le nez à l’Isle-aux-Coudres en octobre 1878, le quinzième curé, Jean Alphonse Pelletier, écrivit notre patronyme comme son frère l’avait fait pendant tant d’années.  Puis, sans qu’on sache pourquoi, à partir du 25 mai 1879 lors du baptême de Marie Anne à Joseph, une petite-fille de Germain, ce même curé adoptera la forme de notre patronyme actuel   «Harvey » dans ses registres.  

Il avait utilisé la forme « Harvay » à quatre reprises depuis son arrivée et une cinquième et dernière fois le 28 février 1879 lors du baptême de Louis Martial Harvay[153].  Louis Martial (1879-1953) est le fils de Jude Harvé (1837-1912) chez Joseph Harvé (1809-1869).  Pourtant le frère du nouveau curé qui l’avait précédé à l’Isle, Jean-Baptiste Pelletier, qui avait été nommé grand-vicaire demeura au presbytère à l’Isle jusqu’à sa mort en 1892.  Ce conservateur légendaire avec sa constance dans la manière d’écrire notre patronyme, n’était tout de même pas celui qui avait soufflé à l’oreille de Jean Alphonse ce changement de graphie.  Nos ancêtres à l’Isle baptisés « Harvay » continueront de signer les registres sous cette forme pendant que le nouveau curé baptisera la prochaine génération à sa façon.  On se met donc à la mode de l’usage sur la terre ferme où l’on emploie la façon de l’écrire de l’anglais depuis au moins le début du siècle[154].  À compter du 25 mai 1879, l’orthographe « Harvay » disparaît des registres de l’Isle définitivement et les curés écriront dorénavant notre patronyme comme il est connu aujourd’hui « Harvey ».  Les curés ont dirigé la vie de cette petite communauté, mais ils ne se sont pas contentés de sauver les âmes.  

Le début de la fin

« Le vingt septembre mil huit cent quatre vingt, ont inhume dans la nef de l’église Saint-Louis du côté de l’évangile près de la balustre sous le banc de Germain Harvey le corps de Méricie Lapointe (1836-1880) épouse de Thadée Demeule… ».  Trente ans après la prescription, on inhume encore dans l’église à l’Isle.  Pour Germain, cette nouvelle voisine souterraine à l’église est connue puisqu’elle est la sœur de Valère Audet dit Lapointe (1831-1919), la belle-mère de son fils Joseph.

Sur la mer, de tout temps, on put facilement situer la maison de Germain au « bout d’en haut », car faute d’un phare régulièrement entretenu à l’Isle, la lumière du voisin Augustin Dufour restait allumée toute la nuit dans sa fenêtre pour les voyageurs qui voulaient entrer de nuit dans les anses du sud-ouest.  C’était « l’œuvre de charité quotidienne de cette bonne famille Dufour, pour les frères absents et en voyages ».  Augustin avait été navigateur et pilote toute sa vie avant de la finir comme meunier, il connaissait donc tous les dangers de l’onde qui forge le caractère.  Ce cousin et beau-frère s’éteint le 2 novembre 1880[155].  À partir de ce jour, le chemin menant à la maison de Germain ne fut plus éclairé[156] mais cela ne sera plus guère important dans peu de temps.  

Germain a maintenant soixante-douze ans alors qu’Archange en a soixante-huit ; se voyant vieillir, ils auront décidé de se donner, car au printemps 1881, Paul et sa famille demeurent maintenant avec eux.  Plutôt que de voir ses parents casser maison, l’aîné aura emménagé dans la maison du père face au fleuve qui de toute façon est beaucoup plus grande et plus récente que la sienne qui avait été construite dans les années trente.  Germain et Archange n’y demeurent pas seuls, car outre Paul, qui a maintenant quarante-cinq ans, leurs fils Marcel vingt-sept ans et Élie vingt-deux ans y sont toujours.  Par contre, comme chaque année, ces travailleurs saisonniers repartiront sous peu pour le port de Montréal et n’en reviendront qu’à l’automne.  La célibataire endurcie, leur fille Denyse quarante-sept ans complète la famille de Germain[157]. 

Il est difficile de comprendre après toutes ces années ce qui a bien pu se produire sur la terre de Germain et dans les maisons de ses enfants.  Alors que dix ans plus tôt Germain et sa famille ainsi que celles de ses fils Paul et Didier habitaient chacun leur maison respective, ils sont maintenant tous sous le même toit, à l’exception d’Hercule qui occupe vraisemblablement la maison de Didier, son frère décédé en 1871.  Il est possible que le tremblement de terre de 1870 ait créé des dommages suffisants qui auraient amené la famille à se reloger tous ensemble, mais il est plus probable qu’en raison de l’âge du couple vieillissant, l’aîné ait convaincu ses parents qu’il était temps pour eux de se donner.  De plus, après le décès de Didier en 1871 qui avait laissé sa veuve avec trois enfants et une maison, Denyse Tremblai avait cédé cette maison à Hercule après le mariage de ce dernier et elle s’était ramenée sous le toit de son beau-père avec ses enfants. 

Une des trois maisons a assurément été démolie puisqu’il n’y a pas de maison inhabitée sur la terre familiale[158].  Vingt personnes au total vivent sous ce toit unique, y compris la famille de Paul l’aîné et celle du nouveau marié Germain fils et sa femme qui ont déjà un enfant.  Il faut dire qu’à l’Isle on s’habitue depuis plus d’une vingtaine d’années à voir les maisons pleines en hiver alors que tôt au printemps la plupart des hommes partent pour le port de Montréal où ils y seront pour un bon huit mois.

Quoi qu’il en soit, Héli dit Élie (1859-1919), n’y sera que pour un certain temps puisque le cadet de la famille se mari à Marie Tremblay (1854-1918) le 27 novembre 1882 en l’église Saint-François-Xavier-de-la-Petite-Rivière-Saint-François.  Il sera le premier, chez Germain, à ne pas épouser une fille de l’Isle.  Même si elle est native des Éboulements, où son père demeure toujours, Marie Tremblay habite à Petite-Rivière Saint-François.  Il est certain qu’à soixante-quatorze ans Germain et son épouse Archange qui en a soixante-dix n’ont pas traversé en canot à la Petite Rivière par ce froid de fin de novembre.  Ni la famille de Germain, non plus que celle de la mariée, ne sont présents à la cérémonie de mariage.  Le couple habite assurément chez Germain et Archange pour un certain temps.  Qualifié de cultivateur à son mariage, il deviendra journalier à l’Isle dès l’année suivante où le couple aura quatre enfants, le dernier en septembre 1888. 

Germain montre les signes de son âge.  Lui que l’on retrouvait dans le registre du curé uniquement lors de rares baptêmes de certains de ses enfants quand il était à l’Isle, s’y fait de plus en plus présent plus les années avancent comme la plupart des vieux du village[159]. 

Dans cette décennie des années 1880, année après année. Germain constate que sa descendance est bien assurée.  En décembre 1884 par exemple, à l’approche de Noël, alors qu’il berce Georges, le petit de Georgina Leclaire à Joseph qui a huit mois, Germain jette un coup d’œil à la cuisine où les femmes sont avec Archange à préparer le repas traditionnel, il réalise qu’encore une fois cette année trois de ses brus lui promettent un petit rejeton.  Marie Tremblay à Élie en janvier, Marie Delphine Tremblay à Germain en mars et Marie Émilie Tremblay à Hercule suivra tout de suite après en avril.  D’autres viennent de contribuer.  Zénobie Bouchard à Ferdinand est justement en train de changer la couche d’Alfred son plus récent dans le coin de la cuisine alors qu’elle vient tout juste d’accoucher en décembre.  Denyse, la célibataire se promène avec Benoit dans les bras, le tout dernier de Marie Émilie Tremblay à Hercule qui n’a que huit mois[160].  Une larme coule sur la joue du patriarche.  Aura-t-il seulement le temps de leur gosser chacun un « pisse-drette »[161] avec lequel il pourra les voir joués avant de s’éteindre.

Le 3 août 1886, Mgr Dominique Racine, l’évêque de Chicoutimi, s’amène à l’Isle pour y bénir la nouvelle église.  La famille de Germain au grand complet est présente pour l’occasion.

En ce début d’année 1887, Germain règle de son vivant ses comptes avec Ferdinand comme il le fait avec chacun de ses fils.  Alors que Paul et Didier s’étaient vu offrir un lopin de terre.  Ferdinand reçoit « six cents piastres en argent courant ».  Parce que l’on n’a toujours pas de notaire à l’Isle, c’est Joseph Arthur Tremblay de la paroisse de Notre Dame de Bonsecours dite Les Éboulements qui se présentent en la demeure de Magloire Bergeron (1824-1893) pour faire signer une quittance à Ferdinand[162].  Germain a tardé à rembourser son fils Ferdinand.  Appréhendait-il un départ ? On sait que ce dernier demeurait avec sa famille dans la maison de son beau-père Jacques, dit Jacob Bouchard (1815-1903) depuis le début de son mariage.  La maison loge également la famille de son beau-frère et commence à se faire étroite.   Ferdinand a probablement quelques projets.  Est-il sur le point de se lancer à l’aventure et quitter son île pour le lac Saint-Jean ? Pas encore, car il se construit à l’Isle et devait sûrement avoir besoin de cet argent pour ses projets[163].  Une partie de l’argent que vient de recevoir Ferdinand servira à payer la taxe que s’apprête à imposer aux chefs de famille le conseil de fabrique de la paroisse avec l’assentiment de l’évêché.  Comme on l’a vu, on avait bien besoin d’une nouvelle place de culte, l’ancienne chapelle étant devenue trop exiguë pour la population de l’île.  Par contre, on n’avait peut-être pas les moyens des plans qu’avait imaginés M. le curé pour son église, car à la fin de sa construction on devait encore plusieurs milliers de dollars que la Fabrique était incapable de rembourser.  Ferdinand devra donc consacrer plus de quinze pour cent de son héritage pour rembourser la dette de la construction de l’église[164].  Cinq ans plus tard, les marguilliers seront autorisés à poursuivre les insulaires qui n’auront toujours pas payé leur contribution.

Le 10 avril 1887, Germain perd un deuxième fils.  Joseph mon ancêtre, décède à l’âge de quarante-quatre ans, alors que Louis Didier n’en avait que trente et un au moment de son décès.  Germain est inquiet ; on ne connaissait pas la mort à un si jeune âge dans la famille.  Il est certain que le 12 avril, le service funèbre de Joseph fut chanté dans la nouvelle église en pierres qui était en construction depuis 1885 et qui avait été complétée l’automne précédent.  Il décède avant son père et sa mère (… et avant que j’aie eu le temps de vous raconter sa vie que l’on ne verra qu’au prochain chapitre).

Germain, qui à près de soixante-dix-neuf ans, voit partir ses enfants l’un après l’autre.

Dans la même année, le 14 octobre 1887, Archange Desbiens, le grand amour de Germain, décède à l’âge de soixante-quinze ans.  C’est maintenant la fin du voyage qu’elle avait entrepris avec Germain cinquante-six ans plus tôt.  Elle aura mis au monde treize enfants :

Archange Desbiens est inhumée dans le cimetière de Saint Louis de L’Isle aux Coudres trois jours plus tard[165]. 

Généalogie D’Archange Desbiens

La dispersion des plus jeunes (1888-1902) 

Le neveu de Germain, Éloi Dufour, meunier du Cap à Labranche qui avait hérité des moulins d’Augustin, son père décédé en 1880, avait vendu ses moulins à Héli Bouchard (1862-1888) en 1887 un peu après avoir été élu conseiller municipal[166].  Moins d’un an plus tard, le 17 mars 1888 alors qu’Héli tente d’assujettir le frein sur le rouet du moulin à vent pendant une forte bourrasque, son écharpe se prend dans l’engrenage et la machine le happe et l’étrangle[167].  Sa carrière de meunier avait été de courte durée.

Germain n’en finit plus d’enterrer ses proches, c’est probablement le prix à payer quand on vit si longtemps.  Quelques mois après le décès de l’un de ses fils et de son épouse, Germain retourne encore au cimetière de la paroisse.  Cette fois c’est pour y inhumer, Marie dite Archange (1806-1888).  C’est sa seconde sœur qui décède le 16 avril 1888.  Elle n’était que de deux ans son aînée et sûrement la plus proche de Germain.  Cela faisait maintenant plus de trente-quatre ans que Germain n’avait pas perdu un membre de sa fratrie ; le dernier en liste fut son frère le docteur Louis Didier Hervé en 1854.

Après les pluies diluviennes du printemps 1889, quand vint l’automne, la maladie s’installe dans la maison surpeuplée.  L’épouse de Germain, le fils, accouche de leur sixième enfant.  Le nouveau petit-fils de son père ne survit que sept jours[168].  Quatre jours plus tard, le 14 décembre, c’est au tour d’Hélène Martine Desgagnés, l’épouse de Paul et maîtresse de maison, où habite Germain, de quitter ce monde[169]. 

Cela en sera assez pour plusieurs, car les brus s’inquiètent de leurs progénitures.  Si Archange avait retenu les plus jeunes jusqu’à ce jour, Germain n’y parviendra pas et le printemps 1890 sera fort mouvementé. 

Germain Harvay fils quitte le toit familial et l’Isle avec sa famille au printemps 1890 pour s’installer à la limite de Sainte-Anne et de Saint-Joachim[170].  D’ailleurs, leur dernier enfant sera baptisé dans l’église de Saint-Joachim[171].  Germain (1849-1925) y finira sa vie[172].  Le cadet Héli quitte l’Isle également avec sa famille pour Saint-Joachim le même printemps[173].  Alors que son frère est journalier-débardeur, il y est quant à lui cordonnier-débardeur.  Son épouse accouche de jumeaux en février 1891, lesquels décèdent le jour de leur naissance.  On retrouvera Élie Harvé et sa famille en 1901 dans le quartier Jacques Cartier à Québec où il poursuit son métier de cordonnier, alors que son aînée est charretier et son cadet, menuisier.  Sa femme décède en 1918 et Héli la suivra l’année suivante.

Hercule qui continue de voir sa famille grandir et afin d’aider les membres de la famille entasser dans la maison de son père agrandit la sienne au printemps 1890.  Bien que cet agrandissement ne sera terminé que l’année suivante, le reste de la famille de Germain se réfugie chez HerculeMarcel, le sixième fils de Germain, le vieux garçon de trente-sept ans y demeure ainsi que Denyse la vieille fille de la famille qui a cinquante-sept ans. 

Germain voit partir un autre de ses neveux.  Paul Leclerc (1844-1890) le navigateur est emporté par l’onde au cours de cet été 1890.  Son corps ne sera jamais retrouvé.  Il laisse son épouse avec neuf enfants sur les bras.  Paul est le fils de la sœur de Germain, feu Marie dite Archange Hervé, décédé il y a deux ans.

Germain n’est plus entouré d’un bien grand nombre de personnes; il n’y a plus que Paul avec trois de ses filles dans la vingtaine et son fils unique de quatorze ans.  Comme on l’a vu, Ferdinand pour sa part a maintenant sa propre maison[174].  Plus personne ne cultive la terre dans la famille.  Il faut dire que la terre de Germain est aujourd’hui bien petite avec toutes les subdivisions qu’elle a connues.  Chacun a bien l’emplacement pour un jardin, mais pas suffisamment grand pour qu’on en retire de quoi faire vivre une famille.  Même Paul, l’aîné, travaille à la maintenance des goélettes à titre de galfat ; il vaque à l’entretien des navires[175].  Finit pour lui les arias de la terre et les récoltes qui ne rapportent plus.

À l’Isle, les terres agricoles sont saturées et n’arrivent plus à faire vivre les grandes familles depuis un certain temps malgré l’émigration.  Sur les cent soixante et onze familles vivant à l’Isle, seulement quatre-vingt-dix sont encore agriculteurs.  En 1875, il n’y avait que cinq emplacitaires [176]; il y en a maintenant cinquante-six vingt ans plus tard en 1895 comme Paul, Ferdinand et Hercule[177].  Les autres vivent dans la maison d’un parent tout comme Marcel.  Chez Germain, à l’exception du plus vieux, ils ont tous un gagne pain commun : débardeurs au port de Montréal huit mois par années.  Malgré cet emploi, pour Germain, l’exode de ses enfants n’est pas encore terminé.

Germain qui s’est grandement rapproché de l’église avec l’âge doit s’accoutumer à un tout jeune et nouveau curé.  Onésime Lavoie (1858-1919) qui débarque à l’Isle comme seizième curé le 1er octobre 1895 est en fait le neuvième curé de la paroisse que Germain aura connu.





Pour Ferdinand, avec ses six enfants, la paye de débardeur ne suffit plus et il envisage quelques choses d’autre pour sa famille.  Lui, son épouse Zénobie Bouchard et leurs enfants partent coloniser le lac Saint-Jean.  Dans son sillon, il entraîne son frère puîné Marcel.  Ils durent s’embarquer sur une la goélette d’un parent au mouillage ou dans l’une des anses du sud-ouest où se trouvent les meilleurs ancrages et où il n’était pas rare qu’au départ, on aperçoive des marsouins.  Ce sera, pour cette partie de la tribu, la dernière fois qu’ils verront ces mammifères d’un blanc éclatant qui voyagent en bandes et viennent respirer à la surface autour de l’Isle.  Une fois rendus à Québec, avec les économies qu’ils ont ramassées, ils empruntent la nouvelle liaison ferroviaire de deux cent trente-huit kilomètres qui relie Québec à Roberval depuis 1888[178].  Alors que Joseph Ferdinand s’arrête à Roberval, Marcel ira défricher une terre à Saint-Félicien.  Cette partie de la tribu quitte l’Isle aux Coudres quelque part à la fin du printemps 1895.  Marcel a déjà défriché sa terre et est cultivateur à Saint-Félicien au moment de son mariage avec Adèle Morin le 8 novembre 1898 à l’église Notre-Dame-du-Lac–Saint-Jean à Roberval[179].  Adèle a aussi émigré avec sa famille au lac et il l’a probablement rencontrée lorsqu’il aidait son frère Joseph Ferdinand à s’établir à Roberval à leur arrivée dans la région.  Bien évidemment, Germain et sa famille de l’Isle n’assisteront pas au mariage ; c’est donc son frère Joseph Ferdinand qui lui servira de père et témoin. 

Après un répit d’une dizaine d’années, le 19 janvier 1898, Germain perd un autre de ses enfants.  Celle qui avait été célibataire toute sa vie, Denyse décède et est inhumée deux jours plus tard.  Cette vieille fille de soixante-quatre ans vivait chez son jeune frère Hercule depuis un bon nombre d’années, probablement depuis qu’Hercule s’était construit en 1890, peu après le décès de sa mère[180]. 

On ne sait pas quand Germain apprendra la mort de Darie qui avait quatre-vingt-trois ans.  Sa dernière sœur encore vivante demeurait chez un filleul à Saint-Irénée.  Saint-Irénée, ce n’est qu’à un jet de pierre de l’Isle, mais quand on a l’âge de Germain on ne voisine guère les membres de sa famille qui ont quitté l’Isle[181]. 

Au printemps 1901, alors que dans la famille on se prépare à célébrer les fêtes de Pâques, le portrait de la vie de Germain a fort changé.  En cette vieille du Vendredi saint, alors qu’il a maintenant quatre-vingt-douze ans, il habite avec son aîné Paul qui a soixante-six ans, chez le fils de ce dernier, Alfred (1876-1948), vingt-quatre ans et son épouse Marceline Dufour (1883-1957), dix-huit ans[182].  Paul gagne toujours sa vie comme galfat alors que son fils est débardeur comme la presque totalité des Harvey de sa génération à l’Isle. 

Il y a encore quatre-vingt-dix-sept Harvey vivant toujours à l’Isle aux Coudres.  Des onze chefs de famille Harvey, seuls les plus vieux ont une terre et sont cultivateurs.  C’est le cas des frères Jude et Désiré à Joseph (1809-1869) chez Louis (1784-1863) et des frères Majorique et Joseph à Nérée (1833-1925) aussi à Joseph (1809-1869) chez Louis (1784-1863) et finalement, Louis à Georges (1814-1889) toujours chez Louis (1784-1863) marié à Caroline chez Germain.  Il y a aussi la veuve Georgina Leclerc dite Harvay à Joseph (1842-1887) chez Germain ; elle cultive, à la Baleine, la terre de son défunt mari aidé de trois de ses garçons.  Mis à part Narcisse à Joseph chez Germain, le fils de Georgina, qui fait exception comme forgeron, tous les autres, comme Alfred à Paul, vivent principalement de leur travail au port de Montréal et des petits boulots qu’ils se dégottent parfois sur une goélette tôt au printemps ou tard à l’automne[183].

Germain le patriarche est, comme les autres.  Les « habitants de l’île sont d’un naturel jovial et causeur ; les francs éclats de rire, les saillies[184] gauloises qui jaillissent de leur conversation, rappellent l’ancien caractère français. »[185]

Il décède cependant le 4 juin 1902 et est inhumé le 6 dans le cimetière de Saint-Louis de l’Isle aux Coudres[186].  Les témoins sont nombreux aux funérailles du patriarche de la famille.  En autres, son fils Paul, son gendre Épiphane Desgagnés (1838-1925), l’époux de sa fille Phébé, Napoléon Harvey (1879-1960), le fils de son autre fille Caroline et aussi Ulysse Desmeules, le gendre de cette dernière témoigne de la sépulture.

A l’île, Germain aura été le seul de sa famille à voir le vingtième siècle puisqu’il aura vécu près de quatre-vingt-quatorze ans, ce qui lui méritera le surnom de survivant.  Son père, sa mère et ses trois sœurs sont déjà partis.  Sa femme est partie depuis près de quinze ans.  Dix de ses treize enfants, soixante-dix petits enfants et au-delà d’une quarantaine d’arrière-petits-enfants lui survivent.  Seul son jeune frère Joseph, qui a fait sa vie à Saint-Irénée, est toujours vivant et ne décédera que deux ans plus tard à l’âge de quatre-vingt-dix ans[187].  Germain avait les gênes solides puisque seulement 0,83 % des hommes nés entre 1801 et 1820 étaient toujours vivants à l’âge de quatre-vingt-dix ans[188]. 

Deux mois plus tard, en août 1902, décède sa fille Marie Phébé[189].  L’hécatombe de 1902 se termine alors que son fils Paul, qui avait veillé sur Germain les dernières années de sa vie, le suivra dans l’au-delà en novembre de la même année[190].

GermainHervé, marier Harvé et inhumer Harvey n’est plus…

Ces vieux de l’Isle que l’on voit sur l’image ci-contre ressemblent étrangement à l’idée que je me suis faite de Germain et d’Archange tout au long de la rédaction de ces lignes.  Comme avec mon grand-père et ma grand-mère, ils sont tous un peu ressemblants parce que tous un peu parents sur cette île.

La photo est tirée d’une prise de vue d’un film réalisé par Pierre Perrault en 1962 et sorti en 1963 intitulé Pour la suite du monde.

Le film consacré à la vie des insulaires, s’appuie sur les témoignages de deux ancêtres de l’île aux Coudres et fait une large place aux Harvey du lieu. Leur langue typique qui disparaît progressivement, leur évocation du travail en mer, la place des éléments et leur rôle dans la pêche au « marsouin » (Béluga) sont omniprésents dans tout le film. Leurs récits sont la voie d’accès privilégiée à la vie d’une communauté avec un sens poussé des traditions et un grand respect de la nature. Le film est l’occasion pour les jeunes hommes de revivre avec les plus vieux la pêche interrompue depuis 1924.

Germain, ses enfants, leurs histoires 

Les sous-sections suivantes tracent un survol de la vie de chacun des enfants de Germain

L’aîné Paul qui héritera de la terre familiale et les cinq filles de Germain feront leur vie à l’Isle.  Par contre, les cinq autres garçons ayant survécu ont tous émigré vers la terre ferme.  Leur histoire nous amènera entre autres, aux États-Unis, au Lac-Saint-Jean, à Sainte-Anne-de-Beaupré à Saint-Grégoire de Montmorency, à Limoilou et même à Montréal.

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 19 novembre 1808.

[2] Entre autres, lors de la signature de son contrat de mariage le 4 février 1831, à l’occasion de son mariage le 14 février 1831 et lors du baptême d’un seul de ses enfants, son fils Joseph Harvé, mon ancêtre, le 3 août 1842. 

[3] MAILLOUX, A. Promenade autour de l’Ile-aux-Coudres, op. cit., page 72 et 73. 

[4] BOUCHETTE, Joseph.  A Topographical Description of the Province pf Lower Canada.  Londres, Édition W. Faden, 1815, pages 560 et 561.

[5] En agriculture, la moisson est la récolte de plantes à graines, principalement les céréales. Le terme s’emploie préférentiellement pour les céréales à paille (blé, orge, avoine, seigle). 

[6] FROST, Peter. Femmes claires, hommes foncés : les racines oubliées du colorisme. « À fleur de peau : Le teint et son évaluation dans la psyché humaine ». Québec, Éditions Les Presses de l’Université Laval, 2010, 187 pages. 

[7] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 17 novembre 1823. 

[8] Ibid., 17 février 1826. 

[9] L’Alexis Tremblay du moulin hydraulique n’est pas Alexis Tremblay dit Picoté (1787-1859) de la Murray Bay.  À la fin du XVIIIe à l’extérieur de l’île, comme à la Malbaye, on qualifiera les descendants des Tremblay natifs de l’Isle du surnom de « Picoté » en raison de deux épidémies qui avaient sévi en 1755 et 1758 alors que les Tremblay composaient plus du tiers des personnes décédées.  À l’Isle aux Coudres, où le souvenir de ces épreuves était toujours présent, on se gardera toujours de ne pas employer cette épithète.   Le site La Mémoire du Québec® en ligne de Jean Cournoyer, dans sa section intitulée, L’Isle-aux-Coudres (municipalité) attribue erronément à Alexis Tremblay dit Picoté la construction du moulin.  Alexis Tremblay dit Picoté avait quitté l’Isle quand il était encore enfant avant le tournant du siècle précédent.  Ce sera le fils du véritable meunier Alexis Tremblay (1769-1844), Thomas Tremblay (1802-1869) qui relocalisera le vieux moulin à vent de l’Islette près de celui de son père. 

[10] A.S.Q. Paroisses diverse, 1815, op. cit.

[11] 24 août 1827.  Action d’ériger une paroisse conformément aux canons de l’Église catholique romaine.  Un canon est un recueil des règles et décisions solennelles émis par le pape.

[12] A.A.Q., « Requête des habitans de I'IsIe aux Coudres pour se faire ériger en paroisse ; 25 juin 1827 ». Registre des requêtes, vol. III C, fol. 154 v. et suivant. 

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 3 février 1828.

[14] La Chandeleur (Fête des chandelles) est une fête populaire d’origine païenne liée à la lumière. Elle correspond aussi à la fête religieuse chrétienne autrement appelée la Présentation du Christ au Temple.  Elle est fixée au 2 février, soit 39 jours après Noël. 

[15] A.N.Q., GN. Minutier Pierre Charles Huot, 4 février 1831, contrat de mariage entre Ger Hervay et M.A. Desbien. 

[16] A.N.Q., GN. Minutier Pierre Charles Huot, 4 février 1831, testament de Jos. Hervay. 

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 14 février 1831. 

[18] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules : Un pèlerinage à l’Ile-aux-Coudres et MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours, op. cit.  

[19] Dans les églises chrétiennes, l’avent (arrivée du Messie) est la période qui couvre quelques semaines précédant Noël.  Depuis l’instauration de ce temps liturgique par le pape Grégoire le Grand, l’avent représente la période où les fidèles de ces religions se préparent à la venue du Christ, c’est-à-dire à sa naissance. 

[20] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 24 novembre et 10 décembre 1831. 

[21] GIROUX, Sylvia. Le choléra à Québec, Bulletin du Musée des beaux-arts du Canada 20, 1952. [En ligne].   http://www.gallery.ca/bulletin/num20/giroux1.html [page consultée le 08/04/2013].

[22] CHABOT, Richard. « Rodier, Édouard-Étienne ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1988, 15 volumes, volume VII (Décès de 1836-1850). 

[23] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 13 septembre 1833. 

[24] Ibid. 19 juillet 1935. 

[25] HISTORICA CANADA. Choléra. [En ligne].   http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/cholera/  [page consultée le 08/04/2013].

[26] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Perron, 31 janvier 1873.

[27] B.A.C., G., recensement de 1831, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, page 655;  recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, page 8 et recensement de 1851, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, page 21.  Au recensement de 1831 qui eut lieu entre le 1er juin et le 1er octobre, il n’y a qu’une maison sur la terre du patriarche Joseph où résident Germain et son épouse.  Au recensement suivant qui a été complété entre la fin septembre 1841 et la fin janvier 1842, il y a deux maisons sur la terre du patriarche.  Germain et sa famille habitent l’une d’entre elles.  Au recensement de 1851 qui n’a débuté officiellement que le 12 janvier 1852, Joseph et son épouse ont rejoint la famille de Germain dans la même maison. 

[28] MAILLOUX, A. Histoire de l’Ile-aux-Coudres., op. cit., page 70.  Et BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 avril 1835. Et CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 161. 

[29] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 26 avril 1836.  Baptême d’Éloi Dufour. 

[30] BELLEMARE, Monique.  Les croix de chemin au Québec. [En ligne].   http://www.patrimoineduquebec.com/croix/Accueil.html [page consultée le 12/11/2012].  Les illustrations du montage-photos des croix de chemin proviennent en large partie du site de Monique Bellemare. 

[31] BAnQ., « Recensement du gouvernement de Québec en 1762 par Jean-Claude Panet », 5 avril 1721.  Rapport de l’Archiviste de la province de Québec pour 1925-26, 310 pages.  Environ soixante mille Canadiens, trois cents civils anglais et trois mille cinq cents militaires britanniques. 

[32] B.A.C., G., Recensement de 1825.  Les Hervé francophones ont été recensés sous plusieurs variantes orthographiques du patronyme ce qui n’est pas le cas chez les anglophones qui portent tous le patronyme Harvey.  Ainsi, pour arriver au compte chez les francophones, il faut considérer les Hervé (8), Harvé (1), les Arvais (4) et Arviez (1), pour arriver au compte.  Tous ces porteurs de différentes formes du patronyme sont des descendants de Sébastien Hervet (1642-1714).  À noter qu’à cette époque aucun francophone n’est encore porteur du patronyme orthographié sous sa forme connu aujourd’hui de Harvey ; à tout le moins lors de ce recensement.  Il faut noter aussi que François Hervy et sa famille des îles de la Madeleine, de l’autre souche de Harvey francophone, n’ont pas été recensés.  

[33] HARVEY, Christian.« Le mouvement patriote et la région de Charlevoix », Revue d’histoire de Charlevoix. Numéro 53-54, (Octobre 2006), pages 6-8.

[34] WILKIPÉDIA. Rébellion des Patriotes. [En ligne]. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9bellion_des_Patriotes  [page consultée le 10/12/2012].

[35] LA PRESSE CANADIENNE.« C’est arrivé un... », Le Droit, le 30 mai 2013. 

[36] John Bull est l’homologue anglais de l’Oncle Sam pour les États-Unis ou de Marianne pour la France. 

[37] HOWLAND, Southworth Allen.  Steamboat Disasters and Railroad Accidents in the United States. Worcester (Massachusetts), Dorr, Howland & Compagny, 1840, pages 156-157.   Les versions sont contradictoires quant au nombre de noyés.  Dans les journaux francophones, on minimise le nombre de victimes alors que dans les journaux anglophones on en exagère le compte.  Chacun se libre à une guerre de propagande. Le livre de Howland en mentionne une vingtaine alors que Le Quebec Mercury du 13 juin 1839 parle de quatorze personnes ayant péri et que le journal The Gazette estime le nombre de pertes approximatives à quarante.  Le capitaine n’ayant pas pris de compte du nombre de passagers, les spéculations allèrent bon train.  Des douze passagers en cabine, une seule personne manquait;  on a estimé à une soixantaine les passagers voyageant sur le pont pour lesquels on ne connaît pas le compte des noyés.

[38] À l’époque, le Canada désigne le Bas-Canada, le Québec d’aujourd’hui.  On se rappellera que les Français, à l’époque de la Nouvelle-France, appelaient les Français nés en terre d’Amérique, les Canadiens, les britanniques firent également de même à leur arrivée. 

[39] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 18 février 1838.   Au cours de la décennie 1830-40, Hélène Simard est citée dans les registres comme la sage-femme du Cap à Labranche.  Cette dernière était l’épouse en troisièmes noces de Joseph Marie Desgagnés (1765-1842) qui avait épousé en premières noces Marguerite Gagnon (1757-1801), la fille de Marguerite Harvey (1728-1818), la sœur du grand-père de Germain

[40] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 janvier 1840. 

[41] GAUTHIER, Serge et Norman PERRON.  Charlevoix, histoire en bref.  Québec, les Éditions de l’IQRC, 2002, page 78. 

[42] Ibid., 25 juin 1840.  Baptême de Louis Octave Savard. 

[43] L’Assomption de la Vierge-Marie est une fête liturgique qui, dans l’Église catholique, se célèbre le 15 août. 

[44] BEAUDET, Pierre.  Les dessous de la Terrasse à Québec : archéologie dans la cour et les jardins du château Saint-Louis. Sillery, les éditions Septentrion, 1990, page 186. 17 mai 1841. 

[45] BAnQ., Registre de la paroisse de L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge des Éboulements, 7 janvier 1834. 

[46] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 3 août 1842. 

[47] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, microfilm 004569589_00140.  Le recensement devait être complété entre la fin septembre 1841 et la fin janvier 1842.  Le climat dans la colonie étant ce qu’il était, cette tentative n’a pas été couronnée de succès.  À l’Isle, il fut finalement complété à la fin août 1842 et certifié le 24 octobre.  Joseph, le frère de Germain fut recensé sur sa terre de Saint-Irénée et chez son père à l’Isle. 

[48] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, op.cit.

[49] Centre de recherche et d’archives du Haut-Saint-Laurent.  TREMBLAY, Donald.  « Le Soulèvement des Irlandais », Au fil du temps, Valleyfield, édition juin 1993.

[50] BAnQ., Registre de Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 8 novembre 1844. 

[51] Ibid., 7 avril 1845. 

[52] DROLET, Antonio. La ville de Québec : histoire municipale. Vol. III. Cahiers d’histoire, 19. Québec, La Société historique de Québec, 1967. Page 86. 

[53] A.S.Q., Seigneuries 46, 33 a. 

[54] BAnQ., Registre de Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 17 novembre 1846.  Mariage de Louis Marie Savard et Elisabeth Leclerc. 

[55] PHILIPPE, Pierre et Jacques GOMILA. « Structure de population et mariages consanguins à l’Isle-aux-Coudres (Québec) ». Montréal, Éditions de l’Université de Montréal, In : Population, 26e année, n° 4, 1971, page 710.

[56] De son nom de baptême Marie Josephe Labourlière de la lignée des Labourlière dit Laplante de Kamouraska.  Elle est née le 16 novembre 1814 à Saint-Étienne de la Malbaie.  Au recensement de 1851, elle est nommée Josepht Laplante. 

[57] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 septembre 1847. 

[58] Environ vingt-huit kilomètres.  Même si le roi d’Angleterre George III a promulgué la loi intitulée « Acte pour mieux régler les poids et mesures de cette Province » en 1799 afin d’imposer le système de mesures anglaises, la population tarde à respecter sa loi et continue d’utiliser le système français.   

[59] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, 23 novembre 1846.  La femme n’ayant pas encore de statut juridique, c’est le mari qui agissait en son nom dans toutes transactions. 

[60] A.N.Q., GN. Minutier Jean Gagné., 26 février 1848. Quittance de Joseph Harvey à Germain Harvey. 

[61] COLLECTIF. Schéma d’aménagement et de développement de la MRC de Charlevoix. « Chapitre 9 — Les territoires d’intérêt (partie 4) ». Baie-Saint-Paul, 2012, page 9. 

[62] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, page 10.  Une première messe avait été célébrée en 1535 alors que Jacques Cartier avait résidé sur l’île.

[63] LEBLOND, Sylvio. « Le choléra à Québec en 1849 », Canadian Medical Association Journal. Volume 71 (1954), pages 292-296. 

[64] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 25 juin 1851. 

[65] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours, op.cit., page 90 et ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011. Baie-Saint-Paul, Imprimerie St-Paul, « Les grandes familles de Charlevoix », volume 9, 2011, page 361.  

[66] Ibid., 17 décembre 1849. Naissance de Germain Harvay, fils. 

[67] Toutes ces constructions sont toujours existantes au XXIe siècle. 

[68] Cliché de vieux français utilisé chez les insulaires depuis la colonisation de l’Isle.  Si un bris survint au moulin les insulaires se plaignaient que le moulin était « en démence ». 

[69] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, microfilm 004569589_00128.

[70] MARTIN, Yves. L’Île-aux-Coudres : Population et économie. Sainte-Foy, Éditions du Département de géographie de l’Université Laval, « Cahiers de géographie du Québec », vol. 2, n° 2, 1957, page 188.  Le varech est un engrais naturel qui favorise la culture des pommes de terre à l’Isle. 

[71] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 176.

[72] MORIN, Cimon. « Débuts de la poste dans Charlevoix, 1832 », Bulletin d’histoire postale et de marcophilie. Québec, Société d’histoire postale du Québec. No. 92 : 6-7, 1980-2008.

[73] MARTIN, Yves. L’Île-aux-Coudres : Population et économie. Sainte-Foy, Éditions du Département de géographie de l’Université Laval, « Cahiers de géographie du Québec », vol. 2, n° 2, 1957, page 177 et 178.  

[74] LALANCETTE, Mario.  La seigneurie de l’île-aux-Coudres au XVIIIe siècle.  Montréal, Les presses de l’Université de Montréal, 1980, page sommaire et 192. 

[75] A.S.Q., Lettres S, 2 décembre 1850, Vital Desbien.  Demande de ramasser du bois sur le terrain du Séminaire. 

[76] CORBETT, Michèle. Op. cit. William Henry Scott (1799-1851) fit la proposition. 

[77] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 27 janvier François Leclerc et 7 mai 1867, Joseph Hervé. 

[78] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, conseil de fabrique du 1er janvier 1878, acte concernant les sépultures dans l’église. 

[79] Marie Harvay apparaît parmi les habitants de l’Isle pour la première fois au décompte de la population de 1852.  Elle est probablement l’une des centaines d’orphelines de la grande migration irlandaise des années 1840 ? Durant l’été de 1847 en autres, plusieurs bateaux transportant les Irlandais qui se rendaient jusqu’à la Grosse-Île avaient perdu la majorité de leurs passagers et de leur équipage en chemin et encore plus moururent sur l’île de quarantaine.  La plupart des enfants orphelins, parce qu’étant de religion catholique, furent recueillis par des familles de la vallée du Saint-Laurent.  Ils adoptèrent la langue et la culture de la colonie tout en conservant leur propre patronyme quand ils en avaient un connu.  Quoi qu’il en soit, Marie Harvay l’Irlandaise quittera le toit de Catherine Leclerc pour celui de Marie dite Archange Harvay sous peu, car la première à une maison pleine et la seconde n’a vécu qu’en élevant les enfants des autres puisque les siens ne survivaient guère.

[80] COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 4, juillet et août 2008. 

[81] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 165. 

[82] Ibid., page 34.

[83] A.A.Q., Sillery, Lettres pastorales, CD 61 St-Louis, ch. 2, 1853-1895. 

[84] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté Saguenay, Isle aux Coudres.  L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852.  À l’Isle, il s’est déroulé avant le 23 janvier, car Marie Caroline Harvay, née à cette date n’y apparaît pas. 

[85] BAnQ., Registre de Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 27 juillet 1858. 

[86] Ibid., 24 janvier 1852. 

[87] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules : Un pèlerinage à l’Ile-aux-Coudres. Québec, Imprimerie A. Côté et Cie, 1876, page 112.

[88] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Jean de l’île d’Orléans, 22 octobre 1852. 

[89] LA MÉMOIRE DU QUÉBEC. Québec (province). Crises. Cholera. [En ligne]. http://www.memoireduquebec.com/wiki/index.php?title=Qu%C3%A9bec_%28province%29._Crises._Cholera [page consultée le 4/10/2014].

[90] BLANCHARD, Raoul. Op. cit., pages 320 et 343. 

[91] DES GAGNIERS, Jean. L’Île-aux-Coudres. Montréal, Leméac, 1969, page 40.

[92] Il faut se rappeler que la date exacte de donation entre Joseph et Germain ne nous est pas connue. 

[93] Terre concédée à un censitaire par un seigneur à titre de seule jouissance. Dictionnaire Larousse. 

[94] FRÉGAULT, Guy. L’abolition du régime seigneurial (1854), dans Histoire du Canada par les textes. Tome 1, Montréal, Fides, 1968, pp. 242-244.

[95] A.S.Q. Seigneurie.  Bien que le cadastre abrégé de la seigneurie de l’Île-aux-Coudres, appartenant aux messieurs du Séminaire de Québec clos le 16 juin, 1859, par Siméon Lelièvre, écuyer, commissaire montre toujours Joseph Hervé (soixante-douze ans) comme propriétaire du bien de fond, comme on retrouve des inscriptions de remboursement de Germain aux archives du Séminaire, on doit assumer que son père lui a maintenant concédé sa terre.  La fin du régime seigneurial l’aura probablement incité à passer la main laissant à son fils le soin de régler avec ces messieurs du séminaire.  La présence de Germain à l’Isle en plein mois de février nous donne également une autre indication qu’il ne travaille plus à l’extérieur à la morte-saison. 

[96] BAnQ., Institut généalogique Drouin, prosopographie des administrateurs dirigeants et répertoire des entités municipales du Québec, Saint-Louis de l’Isle aux Coudres. 

[97] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 2 février 1856. Baptême de Marie Monique Laforest. 

[98] Ibid., 28 septembre 1869, Éloi Dufour meunier. 

[99] Ibid., 31 août 1856.  Il ne peut pas s’agir de Marie Olimpe qui aurait douze ans, la nièce de Germain, fille de son frère Joseph, car elle ne survit probablement pas longtemps. Elle n’était plus dans la vie de Joseph lors du recensement de 1851.  L’aurait-il donnée en adoption à l’un de ses parents à la mort de sa femme quelques jours après l’accouchement ? À moins qu’elle n’ait adopté un patronyme d’adoption, on peut en douter puisqu’elle n’apparaît nulle part dans le district du Saguenay aux recensements de 1851 et 1861. Chose certaine, elle n’est pas décédée à Saint-Irénée puisqu’elle n’apparaît pas dans les registres de la paroisse ni des paroisses de Saint-Étienne de la Malbaie ou de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres entre sa naissance et le recensement de 1851.  Dans un cas comme dans l’autre, il est peu probable si elle a survécu qu’elle soit la marraine. 

[100] Idid., 3 mai 1859. 

[101] Description de la maison de Germain Harvey faite dans l’ouvrage : CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, pages 34-41. 

[102] 2,9 Kilomètres. 

[103] MARTIN, Yves., op. cit., page 190. 

[104] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 13 août 1860.  Funérailles de François Xavier Tremblay (1842-1859) et registre pour la période allant jusqu’au 7 décembre 1860. Amarrer pour attacher et ne pas grouiller pour ne bouger.  Les insulaires étant gens de mer, ils ont de tout temps incorporé au langage coutumier plusieurs termes de la vie maritime.  

[105] RESSOURCES NATURELLES CANADA. Séismes canadiens importants. [En ligne]. http://www.seismescanada.rncan.gc.ca/historic-historique/map-carte-fra.php [page consultée le 18/12/2013].  Le séisme de Charlevoix survenu le 17 octobre 1860 fut évalué sur l'échelle Mercalli (1931) d’intensité de VIII et d’une magnitude de 6,0 sur l’échelle de Richter  L’intensité de VIII signifie que les structures hautes, cheminées ou immeubles, peuvent se tordent et se briser. La structure des bâtiments solides ne souffre pas, contrairement aux autres qui en subissent de sévères.  Les branches des arbres se cassent.  Son épicentre était situé dans le fleuve Saint-Laurent au nord de l'embouchure de la Rivière Ouelle. 

[106] Gréer signifie habiller.  Les insulaires étant gens de mer, ils ont de tout temps incorporé au langage coutumier plusieurs termes de la vie maritime.  

[107] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 111.  

[108] Réseau canadien d’information sur le patrimoine, musée québécois de culture populaire, couvre-lit. 

[109] Clichés de vieux français utilisés chez les insulaires qui signifient détourner la tête et femmes. 

[110] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 165 : « Joseph Harvey, père de Marcel, le même dont vous avez entendu vanter la belle voix, et qui fut maître-chantre au cœur, pendant soixante ans ». 

[111] Ibid., page 115. 

[112] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Op. cit., page 70 et recensements de 1842 et 1851, comté Saguenay, Isle aux Coudres. Et B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, op.cit. 

[113] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 250. 

[114] Inspiré de GAULDRÉE-BOILLEAU, Charles Henri Philippe. « Le Paysan de Saint-Irénée », dans Paysans et ouvriers québécois d’autrefois. Québec, les Presses de l’Université Laval, Les cahiers de l’Institut d’histoire, 1968, pages 17-76.  Gauldrée-Boilleau fut ingénieur des mines et consul général de France au Canada et pour les Amériques lors de son passage à Saint-Irénée et dans la région de Charlevoix.  Sa monographie Le paysan de Saint-Irénée de Charlevoix a été publiée pour la première fois è Paris dans le tome cinquième, première partie, des Ouvriers des Deux Mondes en 1875. 

[115] B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, pages 137 et 144.  Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861. 

[116] B.A.C., G., Recensement de 1861 de la Province du Canada, Canada-Est, district de Charlevoix, Saint-Fidèle, page 278.

[117] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 11 mars 1861. 

[118] Le curé Jean Baptiste Pelletier bénit le mariage de cinq cousins et cousines ; Louis Didier Harvé à Germain chez Joseph, Marie Florentine dite Marie Florestine Harvay à Maxime chez Louis, Marie Rose Olympe Harvé à George chez Louis, Dosithé Desgagnés à Modeste Justine Lajoie chez Marie Euphrosine dite Marie Modeste Hervé et finalement, Étienne Desgagnés également à Modeste Justine Lajoie chez Marie Euphrosine dite Marie Modeste Hervé prennent époux et épouse. 

[119] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 23 juillet 1861, 14 janvier 1862, 12 août 1862, 4 juillet 1864 et 27 novembre 1866. 

[120] Les Desgagné à l’Isle ne verront leur patronyme prendre sa forme actuelle de Desgagnés que vers la fin du siècle. 

[121] MARTIN, Yves., op. cit., page 178.

[122] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Perron, 7 décembre 1865.  Cession par Germain Harvay à la Corporation scolaire de l’Isle aux Coudres. 

[123] CHAUVEAU, Pierre-Joseph-Olivier et al. Journal de l’instruction publique. Distribution de la subvention supplémentaire aux municipalités pauvres pour 1866. Québec, Département de l’instruction publique, volume 11, 1867, page 38. 

[124] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres de 1785 à 1875. 

[125] La fièvre typhoïde est la cause présumée de ces décès avancés a posteriori des évènements. 

[126] ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011. Baie-Saint-Paul, Imprimerie St-Paul, « Les grandes familles de Charlevoix », volume 9, 2011, page 360.  Les auteurs mentionnent soixante-huit décès attribuables à la fièvre typhoïde, donc presque la totalité des soixante-dix décès survenus dans cette période.  Deux personnes inhumées étaient décédées à l’extérieur de l’Isle.  Il s’agit d’une nette exagération puisque dans les sept années précédant le fléau, on comptait une moyenne de huit décès par année.  Si l’on soustrait les décès de causes naturels moyens, on arrive tout de même à environ trente-deux personnes qui pourraient avoir été emportées par la fièvre typhoïde.  Les auteurs ont sans doute basé leur estimation sur la tradition orale.

[127] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 4 août 1865 et 10 janvier 1866.  

[128] Ibid., 11 mars 1867. 

[129] Ibid., 6 avril 1867. 

[130] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., pages 184-185. 

[131] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 24 juillet 1868.  Sépulture de Marie Alanaïsse Desgagné. 

[132] Ibid., 18 décembre 1868. Sépulture de Marie Marthe Harvay. 

[133] Ibid., 29 juillet 1869. Sépulture de Marie Anne de Lima dite Marie Rose de Lima Desgagné. 

[134] MARTIN, Yves. L’Île-aux-Coudres : Population et économie. Sainte-Foy, Éditions du Département de géographie de l’Université Laval, « Cahiers de géographie du Québec », vol. 2, n° 2, 1957, page 174.

[135]  C’est-à-dire La-Malbaie, Sainte-Agnès, Saint-Irénée, Les-Éboulements et Saint-Hilarion. 

[136]  Saint-André et Saint-Arsène se situent dans le comté de Kamouraska sur la Côte-du-Sud du fleuve. 

[137] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, pages 28-30. 

[138] RÉPERTOIRE DU PATRIMOINE CULTUREL DU QUÉBEC.  Maison Bergeron. [En ligne]. http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=200643&type=bien#.Wtx5z4gbM2w [page consultée le 24/04/2018].   La fiche relative à cette maison mentionne erronément une destruction par un tremblement de terre qui serait survenu vers 1863.  Or il n’y a pas eu de tremblement de terre cette année-là et celui de 1860 n’avait pas été suffisamment puissant pour jeter la maison par terre.  La terre sur laquelle est située cette maison a été concédée par le seigneur de Québec à un Bergeron et depuis, elle a toujours appartenu à cette famille. Une première résidence en pierre a été construite sur ce site et a plutôt été détruite par le tremblement de terre de 1870.  De forme carrée, ses fondations en pierre sont toujours visibles au sous-sol de la maison actuelle. Cette dernière, construite vers 1870, a été habitée par six à sept générations de Bergeron.

[139] Ces deux maisons de pierres sont les uniques témoins de ce type de construction à L’Isle-aux-Coudres aujourd’hui. 

[140] RESSOURCES NATURELLES CANADA. Séismes canadiens importants. [En ligne]. http://www.seismescanada.rncan.gc.ca/historic-historique/map-carte-fra.php [page consultée le 18/12/2013].  Le séisme de Charlevoix survenu le 20 octobre 1870 fut évalué sur l'échelle Mercalli (1931) d’intensité de IX et d’une magnitude de 6,5 sur l’échelle de Richter, ce qui en fait le plus gros tremblement de terre au Québec depuis le séisme de 1663 dans Charlevoix.  L’intensité de IX sur Mercalli  signifie que tous les immeubles subissent de gros dommages. Les maisons sans fondations se déplacent. La terre se fissure.

[141] B.A.C., G., Recensement de 1871.  Le recensement a débuté officiellement le 2 avril 1871.  À l’Isle, il était complété avant le 17 avril puisque Louis Didier Harvé y apparaît et il est décédé à cette date.  L’énumérateur note que Germain fils ne sait ni lire ni écrire et pourtant on retrouve de nombreuses traces de sa signature.  Il pourrait avoir confondu avec Marcel à la ligne suivante qui lui ne sait ni lire ni écrire et qu’il n’a pourtant pas relevé. 

[142] A.N.Q., GN. Minutier Charles Boivin, 17 avril 1890.  

[143] HARVEY, Fernand. Histoire des ancêtres d’Alfred Harvey (1876-1948).  Montréal, Édition privée, 2001, page 107. 

[144] B.A.C., G., Recensement de 1871, op.cit. 

[145] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 avril 1871. 

[146] B.A.C., G., Recensement de 1881, 1891 et 1901. 

[147] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 30 décembre 1873 et 4 juin 1874. 

[148] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 80. 

[149] Quinze à vingt centimètres. 

[150] TREMBLAY, Nérée. Monographie de la paroisse de Saint-Hilarion. Québec, Édition Charrier & Dugal, 1948, page 188.

[151] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., pages 111-122.

[152] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 8 mai 1877. 

[153] Ibid., 28 février et 25 mai 1879. 

[154] Hélène Andrée Bizier et Jacques Lacoursière dans la revue « Nos Racines, l’histoire vivante des Québécois » de 1981, affirment, sans grande conviction il faut le dire, que la forme du patronyme « Harvey » aurait débuté sous influence anglaise et que dès 1754, Dominique Hervé l’écrivait de cette manière.  L’influence anglaise n’a jamais été vécue à l’Isle-aux-Coudres et nous savons aujourd’hui que Dominique n’a jamais su lire ni écrire. 

[155] Ibid., 4 novembre 1880. 

[156] CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 170. 

[157] B.A.C., G., Recensement de 1881. Le recensement de 1881 a débuté officiellement le 4 avril 1881. 

[158] Cette donnée est fiable, car l’énumérateur a noté des maisons inhabitées ailleurs sur l’Isle. 

[159] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, octobre 1822 à novembre 1884. 

[160] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 1er avril, 1884, 20 avril 1884, 10 décembre 1884, 25 janvier 1885, 8 mars 1885, 6 avril 1885. 

[161] Comme on l’a vu du temps de Dominique, un « pisse-drette » est un petit bateau de bois confectionné avec un couteau de poche. 

[162] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Arthur Tremblay, 19 janvier 1887.  

[163] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, page 9. 

[164] Diocèse de Chicoutimi, bureau des commissaires pour l’érection civile des paroisses et autres fins, Chicoutimi, 19 janvier 1889 cité dans COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 5, septembre et octobre 2008.  MARTIN, Yves. L’Île-aux-Coudres : Population et économie, op.cit., pour le nombre de francs tenanciers et la contribution individuelle. 

[165] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 octobre 1887. 

[166] COLLECTIF. « Chronique de l'Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 5, septembre et octobre 2008. 

[167] Ibid., 27 mars 1888.  Sépulture d’Héli dit Éli Bouchard. 

[168] Ibid., 3 et 10 novembre 1889.  Baptême et sépulture de Joseph George Harvey. 

[169] Ibid., 16 décembre 1889. 

[170] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Montmorency, sous district de Sainte-Anne, pages 33 et 34. 

[171] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Joachim, 29 août 1895.  Baptême de Marie Joséphine Antoinette Harvey. 

[172] BAnQ., Registre de la paroisse de Sainte-Anne de Beaupré, 16 février 1925. 

[173] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous district de Saint-Joachim, page 6. 

[174] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, pages 8 et 9.  Le recensement a eu lieu le 6 avril 1891. 

[175] TERMIUM Plus : En français l’orthographe est plutôt calfat ; marin ou ouvrier qui vaque à l’entretien des navires, mais le long du fleuve on prononçait galfat.  Le galfat rendait étanche les coques des goélettes en bois en bourrant d'étoupe les espaces entre les planches. 

[176] Homme qui n’a qu’un emplacement et une maison sans terre agricole ; ce terme correspond au terme insulaire de journalier qui loue ses services moyennant un salaire. 

[177] A.A.Q., Lettres pastorales, CD 61 St-Louis, ch. 2, 1853-1895.  

[178] Récit de famille. 

[179] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-du-Lac de Roberval, 8 novembre 1898. 

[180] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 janvier 1898.  

[181] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Irénée, 8 mai 1900. 

[182] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, page 2.  Le recensement a débuté officiellement le 31 mars 1901, mais eu lieu le 4 avril au Cap à Labranche. 

[183] Ibid., pages 2, 5, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 17 et 19.

[184] Trait d’esprit. 

[185] Description de Germain Harvey faite dans l’ouvrage : CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, page 37. 

[186] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 6 juin 1902. 

[187] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Irénée, 30 décembre 1904. 

[188] BOURBEAU, Robert et al. Nouvelles tables de mortalité par génération du Canada et du Québec, 1801-1991. Ottawa, Statistique Canada, « Documents démographiques » No 91F0015MIF, 1997, 94 pages.  

[189] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 20 septembre 1902. 

[190] Ibid., 17 novembre 1902.