5. Le mythe de l’origine écossaise

D'origine écossaise, vraiment ?


La grande majorité des Harvey du Québec sont de descendance française comme nous le verrons.  Malgré ce fait reconnu par les historiens depuis longtemps, une croyance erronée relative à une origine écossaise perdure. 

Dans son berceau de l’Isle-aux-Coudres d’où cette famille prit d’abord son envol, on se croyait toujours d’origine écossaise en 1939.  Le généalogiste beauceron Éloi-Gérard Talbot (1899-1976) qui a besogné en recherches généalogiques, à l’époque des fiches et des classeurs alors qu’il n’y avait pas encore d’ordinateur, fut un témoin de première ligne de cette croyance familiale.  Celui qui publia le «Recueil de Généalogies des Comtés de Charlevoix et Saguenay» en 1941 avait pour ce faire visité bien du pays.  En octobre 1939, alors qu’il était en visite à l’Isle-aux-Coudres, il écrivit :

«Ca fait beaucoup des discussion que j’ai avec les Harvey au sujet de leur origine.  Tous veulent avoir une origine écossaise.  A l’Ile aux Coudres, cette année, une dizaine se sont groupés dans une maison et me sachant dans les parages, on m’a envoyé chercher pour me prouver le fait.  Un vénérable de la tribu a pu remonter jusqu’à Dominique (1736-1812) marié à Madeleine Dufour.  C’est lui “qui est venu d’Ecosse” m’a-t-il assuré.  Eh bien, lui ai-je dit, c’est le grand-père de celui-là qui est venu de Blois et s’est marié à Québec.  Je ne crois pas les avoir convaincus.»[1]

Ce sujet a déjà été étudié au début du présent siècle par Jacques Harvey, professeur de sciences à la retraite.  Le texte qui suit reflète l’essentiel de son propos de l’époque :

À L’Isle-aux-Coudres, l’ancien restaurant la Mer Veille situé légèrement au sud du Chemin de L’Islet, était sur, ou très près de, la terre concédée par Mgr de Laval au nom du séminaire de Québec à l’ancêtre de la plupart des Harvey du Québec d’aujourd’hui, Sébastien Hervé (1695-1759), au début du dix-huitième siècle.  En 1998, lors d’une visite à l’Isle avec ma conjointe et notre fils nous y sommes allés souper.  C’est à ce restaurant l’été précédent qu’une serveuse unie par alliance à notre nom, dit à Jacques Harvey[2], avec assurance que les Harvey de l’île étaient d’ascendance écossaise.  Près de soixante ans après l’expérience du généalogiste Éloi-Gérard Talbot, Jacques fit le même constat.  Ceux qui se sont intéressés à la question, comme Jacques Harvey, ont réalisé jusqu’à quel point cette croyance erronée était tenace.  Mais parlons de l’expérience de Jacques Harvey :

Le 4 novembre 1999, je recevais un courriel d’un professeur de Toronto[3] qui manifestait sa surprise au retour d’un voyage dans la région de Charlevoix :

«...during our stay, we were constantly informed, particularly on l’Isle-aux-Coudres, that the Harvey family descended from a scottish soldier.  Even one of the attendants at Le Musée de l’Amérique Française in Vieux-Québec said the same thing. This was puzzling since the French origines of The family are quite clear, at least to me.»[4]

Dans ma propre famille, nous étions aussi convaincus que notre premier ancêtre canadien était un Écossais de naissance.  Cette erreur tint bon jusqu’en 1960, l’année où un démarcheur de l’Institut Drouin vint vendre à mes parents trois gros livres rouges et deux arbres généalogiques enluminés.  La révélation de ses origines françaises vint donner un élan définitif au nationalisme de mon père qui, après avoir été membre fondateur du Parti Républicain de Marcel Chaput, ira jusqu’à se présenter comme candidat du Parti Québécois dans le comté de Charlevoix en 1970.

La tradition relative à l’origine écossaise des Harvey qui était l’opinion générale dans Charlevoix et probablement partout où il y a des Harvey au Québec a des racines bien ancrées dans le passé. On en trouve un exemple dans la revue Saguenayensia d’avril-mars 1973 où un ancien, Napoléon Harvey, raconte ses souvenirs :

«Mon grand-père paternel, Pierre Harvey à “Ménic”, était un Écossais pur; (...) Le père de tous les Harvey s’appelait Aménic; il s’est marié avec une Canadienne du nom de Marie Tremblay “Calemin”; il est mort à L’Isle-aux-Coudres.»[5]

Les connaissances généalogiques de Napoléon ne remontaient vaguement qu’à son arrière-grand-père dont le prénom déformé (Dominique) devient celui du premier ancêtre en reléguant aux oubliettes les trois générations précédentes.  Il ne faut pas s’en surprendre lorsqu’il s’agit d’une tradition orale, car, à moins d’utiliser des ressources écrites adéquates, la plupart des gens ne connaissent même pas les noms de leurs arrière-grands-parents.  De plus, la colonisation qui éloignait physiquement les générations les unes des autres rongeait rapidement la toile des filiations. 

«Je suis né là (Saint-Hilarion); ça faisait rien que commencer. Il n’y avait pas de curé; c’est pour ça que je n’ai pas été capable de trouver mon baptistère; je ne sais pas où ils m’ont baptisé; ça doit être à St-Iréné, c’était le plus proche». [6]

Il est plus étonnant de retrouver l’erreur à propos de l’origine des Harvey sous la plume de Pierre-George Roy, celui dont l’œuvre est devenue si précieuse aux historiens québécois :

«Les seigneurs Nairn et Fraser amenèrent à La Malbaie un grand nombre de colons : les Warren, les Harvey, les McLean, les Blackburn, etc., etc.  Curieuse transformation; leurs descendants ont formé de nombreuses familles, écossaises de nom, mais canadiennes françaises de foi, de langue et de coutume.»[7] 

Mes propres recherches me permettent de confirmer et d’ajouter ce qui suit aux propos de Jacques Harvey.  Pierre George Roy fut d’abord archiviste au service des Archives du Canada puis archiviste-en-chef des Archives de la province de Québec.    Le frère de ce dernier, Joseph Edmond Roy, aide-archiviste à Ottawa, ne fit guère mieux en associant lui aussi les Harvey de Murray Bay aux Écossais, car en 1908, c’est lui qui fournira à l’auteur de «A Canadian manor and its seigneurs», George M. Wrong, l’information erronée de son frère plutôt que de consulter le «Dictionnaire généalogique des familles canadiennes depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours» qui était déjà disponible.  Cette erreur, lui et son frère la feront également pour les McLean qui n’arrivèrent au pays que plusieurs décennies après la conquête. 

Le seigneur John Nairne n’a jamais mentionné dans ses écrits le nom de ses cinq compagnons d’armes qui l’accompagnèrent à Murray Bay.  Tout au plus a-t-il écrit :

«Je suis venu ici (Murray Bay) pour la première fois en 1761 avec cinq soldats et quelques domestiques canadiennes dont nous avions obtenu les services.  Pendant plusieurs années nous avons cohabité tous ensemble dans une petite maison»[8].

Certains chercheurs et historiens, comme les frères Roy, n’ont fait que présumer de l’identité de ces individus par la consonance des patronymes d’apparence anglophone existant dans la région dans la première moitié du XIXe siècle, soit plus de quarante ans après l’arrivée de Nairne à Murray Bay.  John Nairne amena peut-être avec lui cinq soldats d’origine écossaise comme il l’a mentionné dans l’une de ses correspondances, mais pas un Harvey, ni un McLean.  Les auteurs qui se sont frottés à tenter d’identifier les cinq compagnons de Nairne jusqu’à ce jour ont tous commis des erreurs.  Le plus souvent en nommant des individus arrivés à Murray Bay des dizaines d’années après celle de Nairne; mais aussi quelques fois, en y introduisant le nom d’individus d’origines anglaises plutôt qu’écossaises.

Près de quatre-vingt-dix ans après l’erreur de Pierre-George Roy, dans sa rédaction de la biographie du seigneur écossais John Nairne pour le compte du «Dictionnaire biographique du Canada», Jacqueline Roy, rédactrice-historienne, dotée de beaucoup plus de moyens que Pierre-George Roy en 1895, ne fit que répéter la même erreur sans vérifications aucunes[9].  Celle qui a écrit pour la revue Cap-aux-Diamants, la revue d’histoire du Québec, aurait tout simplement pu consulter le registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie.  Elle y aurait constaté que «Pierre Hervé» (1759-1857) et son frère «Louis Hervé» (1762-1842) furent les premiers Hervé et non Harvey à s’installer «à la Murray Bay» en 1784, soit vingt-deux ans après l’arrivée des cinq Écossais que le nouveau seigneur John Nairne aurait amenés avec lui en 1761 dans sa seigneurie de Murray BayCes Écossais auraient été des soldats du 78e d’infanterie du régiment des Highlanders écossais qui avaient combattu pour l’Angleterre sur les Plaines d’Abraham avec John Nairne.  Les Hervé bien plus tard nommés Harvey n’en faisaient pas partie. 

Plus près de nous, la sérieuse revue Saguenayensia, dans l’éditorial de son numéro de juillet-décembre 1982, reprenait-elle aussi l’erreur en mentionnant : «Parmi les Tremblay, les Simard, les Gagnon, les Côté, les Bouchard ou les Bergeron venus de Charlevoix, se sont ajoutés les fils de la vieille Ecosse qui avaient épousé, après la Conquête, les filles de La Malbaie, comme les Blackburn, les Murray, les Harvey, les Fraser ou les Warren.»  Cette inexactitude peut apparaître surprenante de la part de la revue de la Société historique du Saguenay alors que ses fondateurs, Mgr Victor Tremblay et le chanoine Joseph-Edmond Duchesne connaissaient tous deux l’origine française des Harvey de Charlevoix.  Cette faute est pourtant commune chez les chercheurs qui ne font trop souvent que copier le passage du livre de George M. Wrong qui lui avait été soufflé en 1908 par Joseph Edmond Roy, l’assistant-archiviste d’Ottawa.

Plusieurs des enfants des frères Hervé, Pierre (1734-1799) et Sébastien Dominique (1736-1812), de l’Isle-aux-Coudres s’installeront dans la seigneurie de Murray Bay dans un quart de siècle, mais en 1761, il n’y en a que trois qui sont nés, ils sont à l’Isle-aux-Coudres et le plus vieux vient tout juste d’avoir quatre ans.  Le grand-père de ces trois enfants étant décédés assez jeune et ayant disparu de l’Isle-aux-Coudres vers 1750, conséquemment, aucun des vingt-neuf enfants de Pierre ou de Sébastien Dominique n’a pu le connaître et entendre les histoires de ce grand-père ou celles qu’il aurait pu conter à propos de son père venu de France.  De plus, les enfants du premier lit de Sébastien Dominique et tous ceux de son frère aîné Pierre auront quitté l’Isle très jeunes pour s’établir principalement à La Malbaie et sur la Côte-du-Sud, les coupant ainsi de leur origine française et cela dans un pays (Murray Bay) dont les Écossais étaient les dirigeants. Lorsque l’on comprend le cheminement de ces enfants de quatrième génération, on saisit la légitimité qu’avaient ces Harvey de se définir ou de s’inventer des racines.

Au moment de la rédaction de la biographie de Nairne en 1983, dans ce milieu d’historiens auquel appartenait Jacqueline Roy, l’historien et sociologue Fernand Harvey avait déjà confirmé l’origine française des Hervé du temps par ses recherches en France.  Le résultat de sa démarche avait déjà été publié par les historiens Hélène Andrée Bizier et Jacques Lacoursière dans la revue Nos Racines ainsi que par le père Gérard Lebel dans ses biographies d’ancêtres.  D’autres, avant Fernand, ayant vécu quand le papier était roi, au temps des plumes que l’on trempait dans l’encre, avaient établi les racines françaises des Harvey québécois.  Par contre, ils n’avaient pas fait le lien avec les Hervet français, car il croyait que le premier arrivant était un Hervé.  À l’époque où la communication d’information était plus ardue, Pierre George Roy, en 1895, n’avait pas tiré parti de la connaissance existante au sujet de l’origine française des Harvey. 

Le texte précédent doit être lu en notant que la conquête eut lieu en 1759 et que la migration des Hervé, issus de l’Isle-aux-Coudres, se fit en passant d’abord par «la Murray Bay», le milieu le plus anglophone de l’époque à l’est de Québec.

En conséquence, contrairement à l’évolution des patronymes français originaux qui affichent encore aujourd’hui plusieurs variantes, l’orthographe Harvey fut rapidement et définitivement cadenassée. Une tradition qui remontait à plusieurs siècles dans les îles britanniques mit rapidement fin à une hésitation due à l’analphabétisme des premiers colons de l’Isle-aux-Coudres.

Il ne faut donc pas s’étonner que ce phénomène, presque unique dans l’évolution des patronymes issus de la Nouvelle France, ait pu tromper si facilement de sérieux historiens.

Mais revenons à l’expérience de Jacques Harvey :

Cette erreur qui a échappé à Pierre-George Roy nous fournit peut-être l’explication de ce qui est devenu une tradition.  En effet, les premiers Hervé qui quittèrent le nid originel que fut l’Isle-aux-Coudres s’installèrent à la Malbaye peu de temps après la conquête.  C’est probablement par un lent phénomène d’osmose que l’origine écossaise des uns fut absorbée par les autres tandis que la culture, la langue et la foi accomplissaient le cheminement inverse.

Au recensement de 1871, bon nombre de Harvey de Saint-Étienne de la Malbaie se déclarèrent d’origine écossaise ou anglaise.  Étaient-ils de bonne foi[10]? Je serais porté à croire qu’ils l’étaient pour la plupart, car la généalogie n’était sûrement pas à la mode à cette époque et la tradition orale subit de fortes distorsions après plus de trois générations. Si quelques-uns d’entre eux avaient des doutes, ils ne devaient pas demander mieux que de croire à une origine britannique avantageuse sous l’égide de cette couronne et dans un milieu où ils côtoyaient des Warren, des Blackburn et des McLean.  Quoi qu’il en soit, un nom transmis phonétiquement par des porteurs dont la plupart étaient illettrés s’habilla sans gêne d’un modèle d’écriture connu des immigrants britanniques[11].

Une autre possibilité sur cette soudaine déclaration d’origine écossaise par les Harvey de Saint-Étienne de la Malbaie en 1871 qui m’apparaît plus probable est le fait que l’énumérateur ait été un écossais de descendance lui-même.  Aucun autre Harvey de l’Isle-aux-Coudres, de Saint-Irénée, des Éboulements ou de Sainte-Agnès ne se déclare écossais.  De même, les enfants de ceux déclarés Écossais à Saint-Étienne et qui sont établis à Grande Baie au Saguenay y sont déclarés d’origines françaises.  Par contre, les énumérateurs à ces endroits sont français d’origine.  La pratique des énumérateurs du temps était de passer aux maisons et d’inscrire pour la famille les noms et âges de chacun.  C’est l’énumérateur qui remplissait le formulaire.  L’énumérateur Zephir Warren est bien de descendance écossaise.  À Saint-Étienne de la Malbaie, le nom Warren est lié à une sorte de dynastie locale qui a vécu dans la région pour plusieurs générations.  John Warren le cordonnier était un bon ami du seigneur John Nairne, Zephir était son petit-fils. 

Comment expliquer le cas des Harvey de Saint-Irénée en 1881 autrement que par le fait que ce soit l’énumérateur qui ajoute le déterminant de l’origine.  En effet, alors qu’en 1871 ils étaient tous d’origine française, les Harvey de Saint-Irénée dix ans plus tard sont tous déclarés d’origine écossaise par l’«enumerator» dont ont à peine à lire le nom.  Dans l’un des cas, celui d’Élise Harvez, l’énumérateur en question à biffer l’origine française inscrite d’abord pour la remplacer par l’origine écossaise? En 1881 également, c’est maintenant la majorité des Harvey de Saint-Étienne de la Malbaie qui sont maintenant déclarés d’origine écossaise.  

Revenons aux trouvailles de Jacques Harvey :

En réalité, l’origine du patronyme des Harvey québécois, de même que celle du prénom Hervé, se retrouve dans la langue bretonne.  C’est le mot «haerveu» qui signifie : actif au combat.  Dans l’Ouest et le centre de la France, on trouve les variantes Hervé, Hervieu (x), Hervier et Hervet.  C’est cette dernière forme qu’on dit hypocoristique, qu’a importée notre premier ancêtre, Sébastien Hervet.

Ceux qui m’ont précédé dans l’étude biographique de cet ancêtre ont trop négligé le T final de son patronyme en l’identifiant par l’expression «Hervet ou Hervé».   À cause de cette ambiguïté, des erreurs historiques ont été commises. Ce T a pourtant son importance, car il identifie bien la famille et permet d’éliminer des événements concernant des Hervé qui n’ont fait qu’un passage temporaire en Nouvelle-France.  Toutes les signatures de Sébastien, le migrant, se terminent par cette lettre qui était caractéristique de la famille.  À l’époque on prononçait peut-être le T comme c’est encore le cas aujourd’hui pour d’autres patronymes comme celui de Paquet.   J’ai longtemps cherché un indice de cette prononciation et j’en avais finalement trouvé une preuve que je croyais incontestable dans un texte de la Prévôté de Québec.  Il s’agit d’un document relatif à la donation d’une terre d’Hypolite Thibierge à son fils Gabriel[12].  L’épouse d’Hypolite est une sœur de Sébastien Hervet et son nom y est mentionné à deux reprises de la manière suivante : Renée Hervette.  Je supposai que le greffier avait écrit le nom de Renée comme il l’avait entendu de la bouche de son fils, car, en 1703, Renée et Hypolite étaient décédés.

Au cours de l’été 2003, j’eus l’occasion de rendre visite à madame Ghislaine Lemauff, généalogiste de la ville de Blois et secrétaire général du Cercle généalogique du Loir-et-Cher en France qui m’assura qu’à cette époque on féminisait fréquemment les patronymes.  J’acceptai temporairement son avis, mais j’ai par la suite mené ma propre enquête en comparant la liste de nos ancêtres portant un nom se terminant par «et» avec les patronymes correspondants de l’annuaire téléphonique de la ville de Québec.

J’ai constaté facilement que c’est au Québec que, progressivement, un grand nombre de noms de famille qui se terminaient par «et» ont été modifiés et sont devenus les Audette, Barette, Beaudette, Blanchette, Bissonnette, Duquette, Fisette, Fradette, Guillemette, Ouellette, Paquette et ainsi de suite. Même si dans certains cas on a conservé l’orthographe originale, la prononciation demeure généralement la même malgré le fait que la terminaison «et» exige normalement la prononciation d’un «e» ouvert comme dans le mot paix. C’est d’ailleurs ainsi qu’on prononce aujourd’hui le nom Hervet en France.

Il y avait certainement une hésitation à l’époque de notre premier ancêtre concernant cette prononciation puisque le premier-né de Sébastien Hervet fut baptisé Hervé.  La démonstration qui précède montre cependant, par sa persistance chez nous, que la prononciation «ette» était encore très courante.

L’orthographe Hervet n’a pas survécu jusqu’à la génération suivante et la forme Hervé, probablement plus connue, s’est imposée pour plus d’un siècle à partir de la naissance de Sébastien fils en 1695[13].

L’anglicisation du nom commence au début du 19e siècle.  Ce n’est tout de même qu’en 1879 que s’installe définitivement le patronyme Harvey[14] chez les insulaires[15].

Ce n’est que beaucoup plus tard que des généalogistes furent en mesure de rétablir la vérité sur l’origine française de notre patronyme, une vérité qui demeure encore trop peu connue, avec la conséquence qu’on s’adresse souvent aux Harvey de chez nous en arrondissant le «ar» comme les anglais le font.

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[1] Société historique de Saguenay, fond Mgr Victor Tremblay. Source, Jean-Michel Harvey.

[2] Jacques Harvey est le fils de l’auteur et capitaine Gérard Harvey.  Il s’est aussi intéressé comme moi, à la généalogie des Harvey et plus particulièrement à celle de Sébastien, né en Nouvelle-France.

[3] David Harvey, Ryerson Polytechnic University.  David est d’ascendance britannique.

[4] Traduction libre : «... pendant notre séjour, on nous disait toujours, à l’Île-aux-Coudres surtout, que la famille Harvey était issue d’un soldat écossais. Même un des guides du musée de l’Amérique française dans le Vieux-Québec confirma cette opinion. C’était intrigant, car les origines françaises de cette famille semblent évidentes, du moins pour moi. ».

[5] Mémoire d’un ancien : Monsieur Napoléon Harvey, Saguenayensia, mars — 1973, Vol. 15, No 2, p. 56.  Référence de Jacques Harvey.

[6] Ibid., page 56.

[7] ROY, Pierre-Georges. Bulletin des recherches historiques : bulletin d’archéologie, d’histoire, de biographie, de bibliographie, etc.  Volume quinzième, numéro 1 (1er août 1895), page 124. 

[8] Correspondance de John Nairne citée dans : WRONG, George M., A Canadian manor and its seigneurs. Toronto, The MacMillan Company of Canada, 1908, pages 46-79.  Traduite de l’anglais.

[9] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801 à 1820).

[10] Un correspondent des U.S.A (Maine), Andy Laberge, descendant lui-même des Harvey du Québec par sa grand-mère paternelle, m’écrivait, le 30 août 1999 : “However, I believe the declaration to be of scottish blood was basicallay a way to improve their standing in the community and possibly in all of Canada as well. They must have thought this would elevate them socialy and economically.

[11] «Moi, j’ai resté à Saint-Hilarion, dans le township (...).  J’ai pas été longtemps à l’école; à peu près 5 ou 6 mois; ça fait que j’ai pas appris à lire.» (Napoléon Harvey).

[12] A.N.Q., Q. Prévôté de Québec, 1703, Vol. 38 p. 51 (recto).

[13] Outre le fait que les prêtres, intervenants majeurs dans l’évolution des patronymes, pouvaient venir de régions françaises où la forme Hervé était plus répandue, on trouve, en particulier dans les registres de l’Hôtel-Dieu, quelques Hervé qui ont effectué un passage éphémère à Québec; ils étaient des marins ou des militaires.  Parmi les marins il y eut entre autres un Jacques Hervé qui s’est noyé en 1724 et fut retrouvé sur les battures de Beauport.  Est-ce le même que celui qui fut hospitalisé en 1693?

[14] Prononcé Arvé par mon père Adrien Harvey, son père, sa mère, ses frères ses sœurs et tous les habitants de L’Île-aux-Coudres.

[15] Dans la revue «Nos Racines ou l’Histoire Vivante des Québécois» (fascicule 92, 3e couverture), l’auteur affirme ce qui suit : «Il semble, bien qu’on ait voulu expliquer l’évolution du patronyme Hervé jusqu’à sa forme actuelle, Harvey, par l’influence anglaise, que dès 1754, Dominique III Harvey l’écrivait de cette manière.»  Cette affirmation n’a aucun sens puisque cette année-là fut célébré le mariage du premier Dominique, fils de Sébastien II; ce Dominique a déclaré «ne savoir signer» lors de la signature de son contrat de mariage, à son mariage tout comme lors des baptêmes de ses vingt enfants.  De plus, au 18e siècle, tous les hommes de loi, arpenteurs, curés et prêtres du Séminaire de Québec écrivaient «Hervé».  La seule exception qui existe est l’orthographe [ervé], sous la plume du notaire Michel Lavoye qui écrivait «au son» dans le Grand livre des Comptes du Séminaire.