4. André Laurent Hervé

4.5.4 André Laurent Hervé (1764-1831), 4e génération 

André Laurent Hervé naît le 2 août 1764.  Il est le quatrième enfant et troisième fils de Pierre Hervé et Marie Madeleine Tremblay.  Les généalogistes d’un autre siècle ont longtemps cru qu’André Laurent était né le 12 août, mais les technologies modernes ont dévoilé les secrets du vieux registre abîmé de la paroisse Saint-Louis-de-France et ont permis d’établir que bien qu’il fut baptisé le 12, il était né depuis le 2.   Par contre, on ne connaît pas l’identité de son parrain et sa marraine.

Celui qui deviendra le père de la lignée qui mit au monde Pierre Harvey et son fils Alex, fondeurs de renommée internationale (voir la section Les Harvey Québécois les plus connus)‎ passera sa vie à cultiver la terre de son père, laquelle deviendra sienne au tournant du siècle.  André Laurent sera d’ailleurs le seul fils de Pierre et Madeleine Tremblay à demeurer à l’Isle-aux-Coudres.

L’enfance et l’adolescence de celui que l’on prénommera André toute sa vie a tout de l’ordinaire d’un insulaire de l’époque a une variante près, comme ses parents auront six fils travaillant sur une terre de dimension somme toute moyenne, André aura probablement pu se permettre un peu plus d’enfances que bien d’autres enfants à l’Isle. 

Dès l’âge de vingt ans par contre, André dû réaliser qu’il deviendrait le bâton de vieillesse de son père, car c’est à cette époque que ses frères les plus vieux, Pierre (1759-1857) et Louis (1762-1842), commencent à planifier leur départ pour la Malbaye, et ses autres frères qui suivront sont toutes ouïes.  Il faut dire que les fils du père devaient monter dans les chantiers l’hiver depuis un certain temps pour amasser le pécule nécessaire à l’acquisition d’une concession à La Malbaye puisque sur l’île il n’y a plus une terre disponible et que celle du père n’est pas assez grande pour être subdivisée.  Marie Magdeleine (1757-1792), la sœur aînée d’André, sera la première à quitter la maison lorsqu’elle épouse Joseph Bilodeau le 9 février 1784.  Tout comme André, elle sera la seule à demeurer à l’île, car son époux est d’une famille qui a de la terre.  Ce seront Pierre et Louis qui seront les premiers à quitter l’île au printemps 1784[1]Quelques autres insulaires partiront s’établir à la « Murray Bay » à la même époque, dont la cousine Marie Anne (1762-1805)Ils seront les deux premiers Hervé à prendre racine dans ce territoire où les seigneurs écossais ne demandent qu’à accorder des censives.

On trouve le nom d’André inscrit dans les registres à l’Isle pour une première fois vingt-trois ans après son baptême.  C’est alors qu’il s’unit à Marie Louise Martel qui a tout près de vingt-sept ans le 5 novembre 1787.  Le père de Marie Louise, le navigateur Jean Baptiste Martel (1714-1775) ainsi que sa mère Clothilde Desbiens (1724-1775) sont décédés depuis longtemps, ce qui explique la présence d’amis comme témoins.  Par contre, le père d’André qui n’est pourtant pas malade à ce que nous sachions est absent du registre.  D’ailleurs, aucun porteur du patronyme Hervé ne semble être présent à la cérémonie ? Un mystère que l’on n’est pas près de résoudre ! Tout comme André, Marie Louise est native du bout d’en bas où son défunt père y avait une terre de cinq arpents, l’une des dernières avant la pointe du bout d’en bas ; les nouveaux époux devaient donc s’être côtoyés depuis toujours.  André ne quittera pas la maison du père et y vivra avec sa famille jusqu’à ce qu’elle devienne sienne.

Marie Jeanne (1766-1831) la sœur puînée d’André, part s’établir à La Malbaye au printemps suivant, après son mariage en janvier 1788.  Puis à l’été, Marie Louise Martel met au monde son premier enfant.  Le 13 août naît Marie Modeste Hervé.  Baptisée le jour même de sa naissance, l’enfant à pour parrain un ami d’enfance de son père et voisin, André Bergeron (1769-1852) et pour marraine sa tante, la sœur cadette de son père Marie Magdeleine Hervé (1773-1817)[2].

Pendant qu’André s’échine aux champs, trois ans plus tard, Louise s’épuise en accouchant de son deuxième enfant.  Michel Hervé naît à son tour le 14 septembre 1791.  Il est conduit à la petite chapelle Saint-Louis-de-France à l’autre bout de l’île le lendemain pour y être baptisé.  Son oncle Jean François (1775-1813) est son parrain, alors que la cousine Judith Brisson (1773-1844) est la marraine.  Judith est la fille de Marie Rosalie Martel (1752-1832), sœur de la mère de l’enfant, mariée à un autre voisin, Ignace Lazarre Brisson (1745-1827)[3].

À la fin de l’été suivant, le 13 août 1792, André perd sa sœur aînée Marie Magdeleine qui n’est âgée que de trente-cinq ans[4].  Marie Magdeleine laissait derrière elle trois jeunes filles, toutes de moins de six ans.  André sera d’ailleurs fait subrogé tuteur de ses nièces[5]

Alors quAndré et Marie Louise vivent une vie d’insulaires, ses frères, dès qu’ils atteignent leur majorité, quittent un à un la terre familiale pour partir défricher leur concession à Murray Bay, si bien qu’à compter de 1794, il ne restera plus dans la maison du père que les deux cadets avec André et sa famille.

La famille d’André s’agrandit à nouveau le 28 décembre 1793 alors que Marie Louise Martel accouche de Thérèse Hervé.  L’enfant est baptisé le matin de sa naissance ; on pourra ainsi fêter tout de même le jour de l’an.  Louis Tremblay (1765-1819), le cousin d’André et son épouse Thérèse Lavoie (1772-1844) sont choisis comme parrain et marraine[6].           

Deux ans plus tard, Marie Louise Martel met au monde un enfant qui ne vit que peu de temps après sa naissance le 5 décembre 1795.  Le petit est inhumé le lendemain[7].

C’est à cette époque que Jean, le frère cadet d’André, parrain de son fils Michel et sa sœur cadette Marie, marraine de Marie Modeste, quittent l'île tous deux pour s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie.  Seul André et sa famille habitent maintenant avec les parents, mais pas pour longtemps puisque Pierre Hervé, le patriarche, s’éteint le 1er août 1799.  André prendra donc soin de sa vieille mère pour plusieurs années encore.

La situation a passablement changé dans cette dernière décennie.  À l’aube d’un siècle nouveau, André se retrouve seul a exploiter la ferme du père avec pour toute aide, son épouse et trois enfants dont la plus veille n’a que onze ans.  La ferme du père est de facto devenue sienne à son décès faute de preneurs dans la famille, car les autres sont tous déjà installés sur leur concession de Murray Bay.  Sa mère, par contre, n’a pas encore lâché prise sur les titres, car rien ne presse.

C’est au tout début du siècle que Marie Louise Martel accouche de son cinquième enfant.  Le 4 mai 1800 naît une troisième fille pour le couple.  Comme le curé n’est pas sur l’île, l’enfant est ondoyé à la maison.  Ce n’est que sept jours plus tard que l’on amène la petite Marie Monique Hervé pour son baptême à la chapelle Saint-Louis-de-France.  Monique a pour parrain Louis Turcot (1782-1881), un journalier natif de L’Isle-Verte, et comme marraine Dorothée Brisson (1775-1864), une autre fille de Marie Rosalie Martel, la sœur de la mère de l’enfant[8].  On se souviendra que la sœur de Dorothée avait été marraine de Michel en 1791.

L’année suivante, à la faveur du début de l’automne, Dorothée Brisson, marraine de Monique, épouse Louis David Tremblay (1776-1857) un cousin d’André.  Ce dernier agit comme témoin du mariage de son cousin et de sa nièce par alliance[9].

Même âgé de soixante-six ans au moment de son décès, Pierre le patriarche ne devait pas avoir vu venir la fin.  Il ne semble pas avoir laissé de testament ; peut-être pensait-il une telle précaution inutile puisque ses fils et ses filles avaient tous quitté l’Isle pour faire leur vie à Murray Bay.  Tous sauf André, qui de toute façon, était celui qui avait toujours veillé sur sa terre.  Quoi qu’il en soit, c’est en 1806 que sa mère procède au partage des biens de la communauté qu’elle formait avec son mari et se donne à son fils André comme tous les vieux le faisaient à l’époque pour assurer leurs vieux jours. 

La matriarche devait avoir convoqué un conseil de famille puisqu’à l’exception de Pierre et Jean, ses trois autres fils et ses deux gendres vivant à Murray Bay sont tous à l’Isle-aux-Coudres à la fin mai.  Le 28 mai 1806, devant le notaire Augustin Dionne, André rachète de ses frères Joseph, Louis et Michel leur part respective et en obtient quittance[10].  Le lendemain, il convoque ses deux beaux-frères pour également racheter les parts de ses deux sœurs toujours vivantes, Marie Jeanne et Marie.  Louis Boulianne et Jean François Savard signent les quittances requises après réception des argents aux noms de leur épouse respective[11].  Peu importe ce qu’ont été les arrangements pris par la mère d’André cette année-là, ce dernier a soudainement eu accès à des liquidités importantes pour s’acquitter aussi rapidement de tous ces rachats.  Avec nos yeux d’aujourd’hui, il peut paraître curieux que les transactions soient notariées à Saint-Louis de Kamouraska sur la Côte-du-Sud, mais à l’époque, les échanges des insulaires étaient tout aussi nombreux sinon plus avec la Rive-Sud qu’avec les villages de la Rive-Nord.  Le notaire Dionne était le notaire du Seigneur de Rivière-Ouelle à qui la plupart des censitaires de l’Isle-aux-Coudres vendaient leur grain et il se rendait à l’Isle régulièrement.

Il faudra attendre le 24 juillet pour qu’André règle l’achat de la part de son frère Jean et en obtienne quittance ; ce dernier ne s’était pas rendu à l’Isle en mai[12].  On ne retrouve aucun document notarié relatif à Pierre, le frère aîné.  On peut penser que ce dernier avec déjà reçu sa part en espèce au moment de son installation à Murray Bay vingt ans plus tôt, comme c’était l’habitude pour le père d’établir son aîné.

Pour André qui cultive toujours cette même terre de quatre arpents depuis qu’il en a la capacité, soit près de trente-cinq ans, il n’y a guère de changement.  Il continuera de cultiver cette terre, mais maintenant, elle est véritablement sienne et il n’est plus seul à s’atteler à la charrue ; son fils Michel a maintenant quinze ans et est en mesure de lui apporter son aide depuis plusieurs années.  Tout comme son père, il sera essentiellement cultivateur.  Contrairement à ses cousins, on ne trouve pas son nom dans les nombreux baux de pêches aux marsouins ou à l’anguille accordés par ces messieurs du Séminaire, les seigneurs de l’Isle.

C’est à la fin de cette décennie que survient ce qui doit être une surprise pour la famille.  Neuf ans après avoir enfanté de son dernier enfant, Marie Louise Martel, maintenant âgée de quarante-huit ans et six mois, accouche d’un autre enfant.  Le 7 juillet 1809 naît Vital Harvé.  Il est baptisé le jour même et a pour parrain Pierre David Desbiens (1765-1817) et pour marraine Elizabeth Savard Bergeron (1767-1837)[13].  L’inscription du nom de mariée d’Élisabeth Bergeron n’est pas ici l’introduction d’une pratique que nous ne connaîtrons qu’au XXe siècle.  Le huitième curé, Alexis Lefrançois, s’absente tous les ans à compter du printemps jusque tard l’automne, en mission dans la Baie-des-Chaleurs.  Pendant sa cure de six ans à l’île, il développa cette façon de décrire les épouses pour s’assurer de ne pas faire d’erreur, car il connaissait très peu ses ouailles.

L’aînée Marie Modeste qui a maintenant vingt-deux ans a probablement quitté la maison depuis un certain temps et l’on présume qu’elle travaille dans une famille à Baie-Saint-Paul.  Le 12 novembre 1810, dans l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de la Baie-Saint-Paul, elle unit sa destinée à Damase Moïse Gagné (1778-1813), veuf et cultivateur de la paroisse Saint-Étienne de la Mal Baye.  Damase a perdu sa première épouse depuis deux ans et élève seul quatre enfants dont le plus vieux a huit ans.  On ne sait guère ce que pense André du mariage de son aînée, mais quoi qu’il en soit, à quarante-six ans, il n’assiste pas à la cérémonie.  Son frère Jean qui habite tout comme le marié à Murray Bay agit comme père de l’époux alors qu’André Bergeron, le parrain de Marie Modeste, a fait la traversée et lui sert de père[14]

La grand-mère vécut suffisamment longtemps pour voir courir Vital, le petit dernier d’André, mais elle ne le verra pas partir pour l’école, car Marie Madeleine Tremblay, la matriarche, décède le 8 mai 1811 à l’âge de soixante-dix-sept ans ayant survécu à son mari près de douze ans.  Elle est inhumée le lendemain et l’on peut penser qu’avec la distance qui la sépare de ses enfants de La Malbaye, seul son fils André assista aux obsèques.

L’aînée Marie Modeste n’aura pas été très longtemps mariée ; Damase Gagné son époux s’éteint à l’âge de trente-quatre ans le 14 mai 1813, alors qu’elle est enceinte de huit mois.  Marie Modeste devra donc voir seule à la destinée de cinq enfants[15].  Elle quitte la Murray Bay et se réfugie chez son père André avec les enfants de Damase.

Après un tel drame, André est prévenant et veut à tout pris éviter que son épouse se retrouve dans la situation de sa fille ou celle de sa mère au décès de son père.  Le 20 mai 1813, alors qu’il n’a pas encore quarante-neuf ans, il fait rédiger son testament par un notaire et se donne à son fils aîné Michel qui vient d’atteindre sa majorité et qui est sur le point de se marier.  À vingt et un ans, ce dernier devient maître à bord, s’engage à prendre soin de ses parents jusqu’à leur décès et a rembourser ses frères et sœurs pour leur part une fois qu’ils atteindront leur majorité.  Michel profite de la présence du notaire Isidore Levesque (1782-1853), de ses parents et de sa future, Théotiste Demeules (1790-1831), pour signer un contrat de mariage[16].

Le 1er juin 1813, Michel s’unit donc à Théotiste Demeules, vingt-deux ans, dans la chapelle Saint-Louis-de-France de l’Isle-aux-Coudres.  Théotiste est la fille de Jean Marc Demeules (1748-1808) et la petite fille de Charles Demeules (1724-1759), cet insulaire héros de la guerre de Conquête qui était mort scalpé aux mains des anglais dirigés par le capitaine Joseph Gorham et ses « British imperial Rangers », à la pointe d’Aulnes sur les rives de Baie-Saint-Paul le 9 août 1759[17]

Le lendemain des noces, la sœur aînée de Michel, Marie Modeste, accouche de l’enfant conçu avec feu Damase Gagné.  L’enfant est conduit le jour même à la chapelle pour y être baptisé sous les prénoms de Jean Damas.  Théotiste Demeules qui venait de faire son entrée dans la famille la veille avait probablement assisté sa belle-sœur lors de l’accouchement.  Elle agit comme marraine alors que Joseph Louis Tremblay (1788-1864) est le parrain.  Louis est marié à la cousine d’André, Marie Josephe (1788-1854), l’une des douze filles de l’oncle Sébastien Dominique Hervé[18].

Les années passent et Marie Modeste est toujours à la maison avec son enfant et au moins l’un des enfants de Damase Gagné[19].  À la fin de juillet 1819, André célèbre les secondes noces de sa fille Marie Modeste.  Elle épouse Louis Bruno Duchêne.  Les deux époux ont le même âge et se connaissent depuis leur plus tendre enfance.  Louis Hervé (1784-1863) le jeune cousin d’André assiste comme témoin ; Marie Anne (1790-1825), la sœur cadette du marié est en fait sa belle-sœur puisqu’elle a épousé le frère cadet de son épouse[20].  Le couple part s’établir sur la concession de Louis Bruno aux Éboulements.  Le bonheur de Marie Modeste sera de courte durée puisqu’elle décède le printemps suivant, trois jours après avoir mis au monde son premier enfant[21] .

La cadette Monique n’attendra pas sa majorité pour prendre époux.  Le 20 février 1821, à moins de deux mois de ses vingt et un ans, elle épouse François Xavier Dallaire (1798-1851) un fils d’insulaire du bout d’en basAndré et Marie Louise voient ainsi partir leur deuxième enfant alors que le nouveau couple s’établit à Sainte-Agnès.  En octobre, Monique y accouchera d’un premier d’une longue série de dix enfants[22].

Pour sa part Thérèse continue de veiller sur ses parents et d’épauler sa belle-sœur Théotiste qui a maintenant quatre enfants.  Vital de son côté travaille à la ferme avec son père et son frère Michel.

En 1825, ils sont maintenant quinze personnes à demeurer sous le toit d’André et de Marie Louise.  Outre ces derniers, on peut imaginer quels sont les autres membres de cette tribu : les tout jeunes Narcisse et Médard qui n’ont pas encore six ans ainsi que Christine, Nathalie et Cléophas qui filent vers leur adolescence, Michel et Théotiste Demeules leurs parents, probablement Mélèce Duchêne et Jean Damas Gagné les enfants de défunte Modeste et aussi le cadet de la famille, l’adolescent Vital.  Il y a également deux hommes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans qui demeurent dans la famille ; il s’agit sans doute de journaliers employés sur la ferme avec un quelconque degré de parenté comme cela était d’usage.  Finalement on compte aussi une dame de plus de quarante-cinq ans qui peut-être la veuve Marie Constance Bilodeau (1757-1827), la mère de Théotiste.  Thérèse pour sa part à définitivement quitté la maison, car aucune femme de son âge ne vit chez André.[23]

Quand ces messieurs du Séminaire décident de faire le grand ménage dans leurs livres de comptes en 1826, ils obligent leurs censitaires à se présenter à la maison de Michel Desgagnés, leur agent sur l’île afin de démontrer devant le notaire Louis Bernier leurs titres de possession de leurs censives et les preuves de paiements des cens sur lesdites concessions.  Michel Arvé s’y présente le 10 de juin 1826 puisqu’on se rappellera que c’est à lui qu’appartiennent depuis 1813 les terres d’André.  L’enregistrement des titres nous révèle la position exacte de la terre familiale à La Baleine.  Cette terre est en fait composée de « deux lopins de terre »Le premier « de quatre arpens de front bornés par le sud au fleuve Saint Laurent à haute marée, vers le nord au dit fleuve Saint Laurent à basse marée vers le nord-est à Louis Tremblé et au sud-ouest à André Bergeron ».   Le second lopin de « Onze perches de front bornées vers le sud à haute marée, vers le nord à la basse marée, au nord-est au dit André Bergeron et au sud-ouest à Abraham Martelle. »  Michel confirme qu’il a obtenu lesdits lopins par donation de ses père et mère « André Arvé et Marie Louise Martelle », donation faite devant le notaire Levesque en 1813[24]

Thérèse, qui ne demeurait plus à la maison en 1825, ne devait pas être partie bien loin puisqu’elle est toujours résidente de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle-aux-Coudres lors de son mariage en janvier de l’année suivante.  Probablement travaillait-elle et demeurait chez une famille du voisinage.  Le 24 janvier 1826, à l’âge de trente-deux ans, elle épouse son petit-cousin le cordonnier Clément Tremblay (1796-1879) à l’Isle.  Clément est le fils de Guillaume (1759-1846) et de Madeleine Desbiens (1761-1836)[25].  Le grand-père de Clément et la grand-mère de Thérèse étaient frères et sœurs.  C’est André qui conduit sa fille au-devant de la chapelle et son frère cadet Vital lui sert de témoin.  Quatre ans plus tard, Thérèse accouche de son seul et unique enfant.  Il ne survivra pas quinze jours[26]Thérèse ne s’en remettra pas et le 13 février suivant elle décédera à l’âge de trente-sept ans[27].

Elle n’est pas la seule, deux jours plus tard, le 15 février 1831 son père André est emporté à son tour.  À soixante-six ans, le dernier enfant de Pierre Hervé (1733-1799) encore à l’Isle décède et est inhumé le lendemain[28]

Peut-être que la maladie s’était introduite sournoisement dans la maison puisque l’on n’en restera pas à deux décès dans la famille en ce long hiver.  Théotiste Demeules était à la fin d’une autre grossesse quand son beau-père est décédé.  Le 5 mars, elle donne naissance à un enfant qui ne survit pas.  Cinq jours plus tard, elle est emportée elle aussi[29]Michel se retrouve donc seul avec six orphelins dont la plus âgée a seize ans et la plus jeune n’a pas encore quatre ans.  Sa mère, la récente veuve Marie Louise Martel à beau avoir soixante-dix ans, elle devra maternée encore un peu.

À sa mort, André laisse derrière lui une exploitation agricole de cent arpens dont les trois quarts sont cultivés.  Dans la dernière année de la vie d’André, la famille avait produit cent trois minots de blé, quatre-vingt-dix-sept de seigle, quarante-neuf d’avoine et trente d’orge ; la production de légumes s’était limitée à soixante-dix-sept minots de patates et vingt-quatre minots de pois.  Son troupeau se compare à celui de ses voisins avec ses trois chevaux, onze bêtes à cornes et quinze porcs.  Il pouvait également compter sur trente-deux-moutons pour fournir la laine afin de vêtir la famille[30].

André, cultivateur toute sa vie, fut apprécié au bout d’en bas.  Bien que ses frères et sœurs aient quitté l’île, cela ne l’a pas empêché d’être choisi comme parrain d’une bonne douzaine d’enfants d’insulaires[31].

André Laurent Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

Ceux de la famille qui lui ont survécu 

Marie Louise Martel son épouse vivra encore quinze ans.  Elle demeurera un certain nombre d’années à l’Isle pour épauler son fils aîné devenu veuf puis elle partira finir ses jours à Saint-Étienne de la Malbaie chez son fils cadet Vital.  Elle s’éteint le 26 janvier 1846 alors âgée de quatre-vingt-cinq ans[32].

Seuls trois des enfants d’André lui ont survécu:

Michel

C’est son fils aîné Michel qui assurera à André la plus large part de sa descendance.  Outre sa sœur Monique, il est le seul à avoir engendré un certain nombre d’enfants.  Son frère Vital se mariera, mais n’aura pas d’enfant.  Michel et Théotiste avaient eu huit enfants dont six survécurent. 

Michel demeurera veuf six ans, élevant sa famille tant bien que mal à l’aide de sa fille aînée Christine qui le secondera jusqu’à ce que Michel trouve une nouvelle âme sœur.  Le 13 juin 1837, alors qu’il a près de quarante-six ans, il épouse à l’Isle la jeune Marcelline Gagnon qui a vingt-six ans[33]

Marcelline (1810-1854) n’aura pas le temps de donner beaucoup d’enfants à Michel puisque ce dernier décède le 6 décembre 1841[34]

Un peu avant le décès de Michel l’Acte d’Union avait créé la province du Canada, comprenant le Canada-Ouest et le Canada-Est.  Les autorités avaient alors décidé de tenir un recensement qui est complété vers de début de l’automne de 1842 à l’Isle.  De toute la descendance de Pierre Hervé (1733-1799), il ne reste plus sur l’île que le fils de Michel chez André, le célibataire Narcisse Harvai (1820-1892) qui habite sur la terre familiale et qui s’apprête à vendre pour partir s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie[35].  Au moment de la vente de la terre familiale à Anicet Dufour (1820-1906) en 1844, il était déjà installé sur sa concession de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie[36].  La terre familiale du patriarche Pierre Hervé demeure tout de même un peu dans la famille.  Marcelline Gagnon, seconde épouse et veuve de Michel s’était remariée le 12 septembre 1842 à Anicet Dufour[37].  Il s’agissait donc d’un arrangement de convenance avec son beau-fils Narcisse qui permettait à la veuve nouvellement mariée de demeurer dans sa maison.

Monique

C’est en 1844 que Monique accouchera de son dixième enfant.  Elle et François Xavier Dallaire avaient élevé leur famille à Sainte-Agnès.  Après avoir perdu son mari en 1851, elle s’éteint à son tour le 2 mars 1858 dans le village où elle avait fait sa vie.  Elle avait tout près de cinquante-huit ans[38].

Vital

Après avoir travaillé sur la terre familiale pendant de longues années, le cadet Vital obtint une concession dans la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie peu après 1831 où il part s’établir.  À cette époque, les échanges sont encore très nombreux entre les insulaires et leurs parents établis dans les nouvelles concessions des seigneuries de Murray Bay ou de Mount Murray.   Les filles natives de l’Isle et établies dans ces endroits reviennent accouchées de leurs premiers enfants à l’île sous les soins de leurs parents alors que leur mari défriche ; ainsi il est fréquent que le premier enfant d’un couple établi dans la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie soit baptisé à l’île.  Il est aussi commun de voir les jeunes hommes établis dans ces concessions revenir se chercher une épouse à l’Isle.  Le registre de la paroisse Saint-Louis est rempli d’exemples de telles alliances.  Vital fera partie du lot de ces jeunes gens.  Alors âgé de vingt-huit ans, il épouse à l’Isle le 21 novembre 1837 Geneviève Audet dit Lapointe une insulaire de vingt-huit ans qu’il ramène sur sa concession de Mont Murray[39].  Les deux tourtereaux avaient signé un contrat de mariage devant le notaire John Kane (1810-1875) qui était passé à l’isle-aux-Coudres trois jours plutôt[40].  Kane était ce fils de John Kane, capitaine du 103e régiment de lignes du roi de Grande-Bretagne, et de Stephany Mahon qui deviendra agent des terres de la couronne, agent de colonisation au Saguenay et maire de Bagot.  Il venait de recevoir une commission de notaire le 4 juillet 1836 et pratiqua en autres à l’Isle-aux-Coudres au début de sa carrière. Le couple formé de Vital et Geneviève n’aura pas d’enfant, mais prendra soin de ceux des autres.  Ainsi, ils accueilleront très tôt une jeune orpheline irlandaise Hélène Harly (1842 — ).  Puis, lors du décès en couche de Nathalie Hervé (1816-1853)[41] la nièce de Vital, la fille de son frère Michel, le couple prendra sous ses ailes la fille de Nathalie, Monique Bouchard, dont Geneviève Audet dite Lapointe avait été la marraine à son baptême[42].  Geneviève décédera le 19 août 1886 alors que Vital s’éteindra trois ans plus tard le 29 novembre 1889[43].

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[1] BAnQ., Greffe de l’arpenteur Ignace Plamondon, père, 19 juin au 8 juillet 1784.  Procès-verbal de chaînage, lignes et bornes de huit terres situées à l’ouest de la rivière de La Malbaie, dans la seigneurie de Murray-Bay. Et Procès-verbal de chaînage, ligne et bornes de la profondeur de deux terres, laquelle ligne pour servir de ceinture à la première concession et de front à la seconde concession, lesquelles terres étant situées à la première concession, dans la seigneurie de Murray-Bay.  

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 13 août 1788.  La marraine utilisera uniquement le prénom de Marie toute sa vie en raison de sa sœur aînée qui fut la première prénommée Marie Magdeleine. 

[3] Ibid., 15 septembre 1791. 

[4] Ibid., 14 août 1792. 

[5] BAnQ., Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Québec. Tutelles et curatelles, S1 Dossier Cote : CC301, S1, D7511. Tutelle aux mineurs de Joseph Bilodeau, habitant de Saint-Louis-de-l’île-aux-Coudres, et de feue Madeleine Hervé. 10 avril au 9 mai 1794. 

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 28 décembre 1793. 

[7] Ibid., 6 décembre 1795.[8] Ibid., 10 mai 1800. 

[9] Ibid., 29 septembre 1801. 

[10] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 28 mai 1806. Quittances à André par Joseph, Louis et Michel Hervé. 

[11] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 29 mai 1806. Quittances à André par Louis Boulianne et Jean Savard. 

[12] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, 24 juillet 1806. Quittance à André par Jean Hervé.

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 7 juillet 1809. 

[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul, 12 novembre 1810. 

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne-de-la-Malbaie, 16 mai 1813. 

[16] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, 20 mai 1813. Testament d’André Hervé, donation d’André à Michel Hervé et contrat de mariage entre Michel Hervé et Théotiste Desmeules. 

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 1er juin 1813. 

[18] Ibid., 2 juin 1813. 

[19] À tout le moins Marie Gagné (1804-1867) semble avoir vécu un certain nombre d’années chez André avant de partir travailler à Murray Bay. 

[20] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 26 juillet 1819. 

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-de-l’Assomption de la Sainte-Vierge des Éboulements, 9 mai 1820.

 

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne-de-la-Malbaie, 22 octobre 1821.  Baptême de Pierre Célestin Dallaire. 

[23] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1825, pour le district de Northumberland, sous-district Isle aux Coudres, page 1995.  Outre le nom des chefs de famille, le recensement n’est pas nominatif et ne permet donc pas d’identifier avec certitude les occupants de la maison.

[24] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 31D. 

[25] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 24 janvier 1826. 

[26] Ibid., 5 et 20 juillet 1830.  Baptême et sépulture de Paul Tremblay. 

[27] Ibid., 14 février 1831. 

[28] Ibid., 16 février 1831. 

[29] Ibid., 6 mars 1831, sépulture d’un enfant anonyme de Michel Hervé. Et 12 mars 1831, sépulture de Thotiste Demeules. 

[30] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le comté du Saguenay, sous-district de l’Isle aux Coudres, pages 654 et 654 b. 

[31] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 1795-1825. 

[32] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 janvier 1846. 

[33] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres, 13 juin 1837. 

[34] Ibid. 7 décembre 1841. 

[35] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit., microfilm 004569589_00140.  

[36] A.N.Q., GN. Minutier Jean Gagné, 27 juillet 1844. 

[37] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres, 12 septembre 1842. 

[38] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Agnès, 4 mars 1858. 

[39] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres, 21 novembre 1837. 

[40] A.N.Q., GN. Minutier John Kane, 18 novembre 1837. 

[41] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 février 1853. 

[42] Ibid., 10 novembre 1844. 

[43] Ibid., 21 août 1886 et 2 décembre 1889.