7 Suzanne Hervey

5.6.09.7 Suzanne Hervey (1808-1858), 5e génération

Vingt-quatre mois se sont passés depuis la naissance de son dernier enfant et Marie Magdeleine Perron (1771-1833), fidèle à son rythme, accouche à nouveau le 20 juillet 1808, mettant au monde la quatrième fille de Dominique Isaïe Hervé (1775-1851). L’enfant est baptisée le jour même, car le deuxième curé de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, François Gabriel Le Courtois (1763-1828), est maintenant sur place et y restera jusqu’en 1822. Nommée Suzanne Hervey l’enfant a pour parrain Joseph Dufour (1780-1867). Il y a deux Joseph Dufour à Murray Bay à l’époque. Il s’agit probablement du natif de l’Isle aux Coudres, celui qui est un cousin de Dominique par le second mariage de son père et qui, en plus, est inspecteur des chemins pour la paroisse en 1808, un métier qu’a occupé avant lui David Louis Dominique (1764-1837) frère de Dominique Isaïe. La marraine est une certaine Marie Anne Buteau.

On sait que Suzanne était l’Isle aux Coudres depuis un certain temps avant son mariage. Quatrième fille de la famille, elle a probablement été placée à un très jeune âge dans une famille de parents à l’Isle. On présume qu’elle y travaillait comme bonne. On se rappellera que son père est journalier. À l’époque les jeunes filles de familles pauvres sont souvent placées comme domestique vers l’âge de dix ans, parfois même plus tôt. À seize ans, lors du recensement de 1825, elle n’était déjà plus chez ses parents.

Sa sœur Marie Adelaïde (1802-post.1881) vient la rejoindre à l’Isle un peu après 1825. Suzanne quittera l’endroit dans quelques années, mais Marie Adelaïde y fera sa vie.

Susanne, à l’âge de vingt-quatre ans, épouse Jean Baptiste Girard qui en a vingt-six, le 3 juillet 1832 en l’église Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres. Jean Baptiste, originaire de l’île, est fils majeur de feu Agapit Girard (1753-1809) et de Rose Migneault (1767-1849). Bien que ses parents demeurent à Saint-Étienne de la Malbaie, Suzanne, comme on l’a vu, travaillait et résidait à l’île avant le mariage. Son père n’assiste pas à la cérémonie. Son oncle Louis Hervé (1784-1863) et son cousin George Hervai (1814-1889)[1] lui servent de témoins.

Le couple aura plusieurs enfants. Le premier Joseph Octave naîtra à l’Isle aux Coudres le 11 juin 1833. Puis suivront au moins six autres enfants connus tous nés à Saint-Étienne de la Malbaie. Thadée le 28 décembre 1835 et décédé en 1837, Jean le 19 décembre 1837, Louis George Philippe le 10 août 1840 et décédé l’année suivante, François le 8 octobre 1842, Marie le 2 octobre 1844 et Thomas le 1er novembre 1846.

Après avoir vécu une quinzaine d’années à Saint-Étienne de la Malbaie où Jean Baptiste était journalier, la famille prendra une autre direction sous peu.

Dès l’année suivante, en 1847, on retrouve Suzanne et sa famille aux alentours de Sainte-Anne-de-Portneuf sur la Haute-Côte-Nord dans la seigneurie de Mille-Vaches. Suzanne y rejoint ses trois sœurs Marie Madeleine (1797-1875) et Geneviève (1800-1867) qui y sont établies avec leurs familles depuis 1843. Sa sœur cadette Catherine (1814-1886) y est également, épaulant Geneviève.

La famille vit de la culture de la terre, du travail de journalier de Jean Baptiste, à la scierie «au quatre milles» sur la rivière Portneuf[2] et de la pêche.

Portneuf n’est colonisé que depuis 1843, année d’arrivée des sœurs de Suzanne. Une chapelle y avait été construite à l’embouchure de la rivière Portneuf en 1788. Cette dernière était dédiée à Sainte-Anne envers qui les Montagnais qui la fréquentaient entretenaient une profonde vénération. Desservie par les missionnaires venus des Postes du Roi et de Saint-Marcellin des Escoumains par la suite, la population de la région y recevait les sacrements.

Lorsque le missionnaire sera de passage dans la chapelle Sainte-Anne de Portneuf le 22 novembre 1847, il aura fort à faire. Il bénira d’abord l’union de la nièce de Suzanne, Marie Duchesne, fille de Marie Madeleine, au veuf Jean Moisan. Puis, on procédera au mariage de Catherine, la sœur cadette de Suzanne, qui épouse William Thomas Hopkins[3]. Malheureusement, ce qui aurait été une belle occasion de fêter fut assombri par un triste événement : cette même journée, Suzanne et Jean Baptiste assistent à l’inhumation de leur fille Marie, décédée le matin même, alors qu’elle venait tout juste d’avoir trois ans[4].

Au printemps 1853, un groupe de gens venus de Saint-Étienne de la Malbaie s’installent à Mille-Vaches. On voit arriver William Tremblay, qui a épousé Henriette Turcotte à Saint-Étienne de la Malbaie en 1831. Ils ont neuf enfants et l’aîné des garçons est lui-même marié. William s’établit à la Pointe alors que son fils, David, s’installe au Cran rouge. L’année suivante, deux autres familles viennent y prendre racine. Il s’agit de Pierre Tremblay de Sainte-Agnès et de son épouse Adélina Pilote ainsi que de François Desbiens de Saint-Étienne de la Malbaie, marié à Mathilde Tremblay. Un navigateur, Dosithée Gagnon et sa femme Sophie Fortin, arrivent des Éboulements. Les autres, dont Suzanne et Jean Baptiste sont cultivateurs à la Rivière à l’Éperlan (aujourd’hui Rivière-Éperlan).

Deux ans plus tard, Suzanne, son époux Jean Baptiste Girard et leurs enfants sont toujours installés à la Rivière à l’Éperlan[5]. Le hameau Rivière-Éperlan est situé dans la baie de Mille-Vaches où se déverse la rivière à onze kilomètres au sud-est de l’embouchure de la rivière Portneuf.

À l’automne 1855, on célèbre le premier mariage à Mille-Vaches. C’est le Père Charles Arnaud (1826-1914), missionnaire des Escoumains de passage, qui unit Jean dit Johnny, fils de Suzanne et de Marie, fille de William Tremblay[6]. Le mariage, ainsi que deux baptêmes se déroulent dans la maison du navigateur Dosithée Gagnon[7].

L’aire de la Haute-Côte-Nord n’aura pas été bénéfique pour Suzanne puisqu’elle s’éteint le 29 janvier 1858 une dizaine d’années après que la famille se soit installée à Mille-Vaches alors qu’elle n’a pas encore cinquante ans. Quatre jours plus tard, en cet hiver 1858, Jean Baptiste apportera le corps de Suzanne pour qu’elle soit inhumée dans le cimetière de Saint-Marcellin aux Escoumins à trente-cinq kilomètres plus au sud-ouest. Sa sœur Catherine Hervey (1814-1886) et son mari Thomas Hopkins (1823-1887) sont du voyage pour aller mettre en terre la défunte[8].

Avec la reprise par les autorités coloniales des droits de pêche autrefois accordés à la Compagnie de la Baie d’Hudson sur la Côte-Nord et ailleurs, les familles du hameau de la Rivière à l’Éperlan, obtiennent des autorités des permis de pêche et reprennent les rets de la compagnie. Après la mort de Suzanne, Jean Baptiste Girard continue de pêcher à la Pointe-à-Boisvert comme gagne-pain d’appoint. En 1860, il rapporte aux autorités avoir capturé vingt-deux saumons. L’année suivante, il fera cinquante-deux prises[9].

Jean Baptiste Girard survivra vingt-trois ans à son épouse. Il s’éteint à la baie de Mille-Vaches le 11 juin 1881[10].

Suzanne Hervey ancêtre d’Hugo Girard

Suzanne ne le saura jamais, mais par son union à Jean Baptiste Girard, elle deviendra l’ancêtre de l’homme fort des années 2000, Hugo Girard[11].

Hugo Girard

Né à Sainte-Anne-de-Portneuf sur la Côte-Nord, où son ancêtre Suzanne Hervey a vécu, en 1971, Hugo Girard grandit en rêvant de devenir l’homme le plus fort du monde. Le colosse de six pieds deux pouces et de trois cent trente livres participe à ses premières compétitions d’importance en 1998. J’ai pu le voir à l’œuvre à cette époque. Il est alors policier de la ville de Gatineau. L’année suivante, il tire un Boeing 737 de quatre-vingt-trois tonnes! Champion canadien de 1999 à 2004, il réalise son vœu le plus cher en 2002, en remportant la Super Série IFSA World Strongman. Girard est alors le surhomme des surhommes de la planète! Blessé en 2008, il se retire de la compétition.

[1] Georges Hervé est le fils de Louis. Il était un cultivateur de l’Isle. Le nom Georges-Harvey donné à un ruisseau de L’Isle-aux-Coudres autrefois nommé Ruisseau-des-Pruches recevra sa désignation officielle en 1972. La commission de toponymie du Québec dans sa description de l’origine et la signification du nom mentionne qu’il rappelle probablement cet habitant de l’île, Georges Harvey (sic), que l’abbé H.-R. Casgrain rencontre, en 1875, durant son pèlerinage autour de l’île aux Coudres. Ce que la commission de toponymie du Québec ne mentionne pas dans sa description, faute de le savoir, c’est que le ruisseau en question passait sur la terre de George Hervai (1814-1889).

[2] FRENETTE, Pierre. Pionniers et squaters de la Haute-Côte-Nord : les explorations de Duberger. Histoire Québec, (2009), 15 (1), pages 29–33.

[3] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Marcellin des Escoumains, cimetière de Port-Neuf, 22 novembre 1847.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Marcellin des Escoumains, cimetière de Port-Neuf, 22 novembre 1847.

[5] C’est grâce au cadastre abrégé établi à la fin du régime seigneurial que nous pouvons établir le lieu de résidence de Suzanne et sa famille.

[6] TOURISME CÔTE-NORD. hISTORIQUE. [En ligne]. http://www.tourisweb.com/longue-rive/historique.htm [page consultée le 20/10/2012]. Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Marcellin des Escoumins, 8 novembre 1855.

[7] TREMBLAY, Victor. Les Trente aînées de nos localités — Brefs historiques. Édition La Société historique du Saguenay, 1968, page 130.

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Marcellin des Escoumins, 1er février 1858.

[9] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, pages 246-247. La Pointe-à-Boisvert est faussement écrit Pointe Bonnest dans la référence.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Paul-du-Nord, 13 juin 1881.

[11] LE QUÉBEC UNE HISTOIRE DE FAMILLE. Hugo Girard, l’homme le plus fort du monde (2002). [En ligne]. http://lequebecunehistoiredefamille.com/stars/hugo-girard [page consultée le 16/10/2014].