04. La Conquête

La Conquête (1759-1762) 

Au printemps, Dominique et les autres censitaires de l’Isle aux Coudres découvriront et entendront probablement pour la première fois de vrais coups de canon, pas ceux qui avisent le pilote de se présenter au Mouillage des Français, mais ceux de la guerre.  Ils vivent leurs premières heures troubles de la « Conquête »... 

Les autorités savent que l’anglais attaquera Québec tôt en 1759.  L’été précédent, la ville-forteresse de Louisbourg, porte d’entrée de la Nouvelle-France, avait succombé à l’assaut de l’impressionnante armada du général Jeffrey Amherst qui comprenait près de seize mille hommes.  Les anglais s’étaient même engouffrés profondément dans le golfe et avaient ravagé les petits postes de traite et de pêches de Sept-Îles et de Portneuf.

Tôt au printemps Dominique et les autres miliciens de l’Isle aux Coudres sont requis à Québec pour travailler aux retranchements à construire de nouvelles batteries et palissades.  Ils eurent ordre de retourner dans leur île au début mai.  Le gouverneur avait spécifié : « Les hommes resteront à l’Isle aux Coudres… Aussitôt que l’ennemi sera à la vue et engagé dans le mouillage de la prairie, ils manœuvreront les cageux[1] de l’île et profiteront du désordre qu’ils produiront pour passer au nord (Baie-Saint-Paul), où, tous réunis, ils pourront harceler l’ennemi s’il veut mettre pied à terre, ayant toujours les caps pour se replier sans crainte d’être poursuivis. » [2] 

La marine anglaise quitte le port d’Halifax le 5 mai 1759 en direction de Québec.  Le Marquis de Montcalm est averti et attend l’anglais de pied ferme, mais crois que la Nouvelle-France manquera de vivres durant l’été.  Les récoltes de l’année précédente avaient été catastrophiques et l’imposante flotte ennemie risquait d’intercepter les vaisseaux français censés ravitailler la colonie.

Les résidents de l’Isle aux Coudres poussent donc un grand soupir de soulagement lorsqu’ils voient arriver, du 10 au 20 mai, quinze transports chargés de provisions du marchand de Québec Joseph Michel Cadet (1719-1781) à qui soit dit en passant l’île avait été affermée pour neuf ans par le Séminaire en 1750[3].  Les marins des navires, une fois ancrés au Mouillage, en profitent comme à l’accoutumée pour s’approvisionner en eau fraîche et laver leur linge au ruisseau de la Lessive[4]Dominique et les autres pilotes de l’Isle sont chargés de conduire les navires à Batiscan où les vivres sont stockés par mesure de prudence si par malheur, Québec tombait aux mains de l’anglais.

Le 19 mai, les habitants du Bic aperçoivent au loin des bateaux qui battent pavillon anglais.  Des feux sont allumés, tout le long du fleuve, pour annoncer aux villages plus au sud que l’ennemi est à nos portes.  Le mardi 22 mai, le marquis de Vaudreuil (1698-1778)[5], gouverneur de la Nouvelle-France, ordonne aussitôt l’évacuation des habitants de la Côte-du-Sud, de l’Isle d’Orléans et de l’Isle aux Coudres.  Le gouverneur envoie immédiatement à Baie-Saint-Paul un détachement de l’armée de Montcalm.  Commandée par Joseph Boucher de Niverville (1715-1804), la troupe était composée d’environ cent cinquante hommes des Compagnies franches de la Marine, auxquels s’était jointe une centaine d’Indiens abénaquis[6] dans le but d’y empêcher toute tentative de débarquement de la part des ennemis.   Les navires français, le Neptune et le Saint-Denis, jettent l’ancre au Mouillage, au pied du chemin des Prairies, pour y faire descendre hommes et munitions.  Tous les hommes, en état de porter les armes, sont mobilisés.   

C’est la stupeur générale dans la famille de Dominique et partout à l’île ! Geneviève prépare ses hardes à la hâte seule, car Dominique n’est sans doute pas revenu de Batiscan.  Pendant deux jours, les insulaires descendent le chemin escarpé jusqu’à la grève avec des charrettes à foin et des tombereaux surchargés de cage à poules, d’outils, de literie, d’ustensiles de toutes sortes, de vêtements et surtout de provisions qu’on ne voulait pas laisser à l’anglais.  Les femmes, enfants, vieillards et invalides doivent se rendre tous à Saint-Joachim.  Malgré l’ordre de rejoindre Saint-Joachim, la majorité de la population de l’île se réfugie plutôt à Baie-Saint-Paul où elle rejoint les habitants du secteur pour la plupart parents, qui sont abrités dans des cabanes, spécialement construites pour la circonstance, dans les bois du cap de la Baie.  Certains insulaires restent et se cachent dans les bois du haut du cap à Labranche, emportant avec eux leur bétail et leur mobilier de valeur[7].  Ils n’y resteront pas longtemps et rejoindront les camps de fortune du cap de la Baie.  Au plus fort de l’été, on y comptait près de six cents habitants terrés.  L’atmosphère est à la crainte. Les habitants ont peur que leurs installations à l’Isle, aux Éboulements, à la Petite-Rivière Saint-François et à la baie Saint-Paul ne soient entièrement détruites par l’anglais[8].

Le 23, une partie de la flotte anglaise jette l’ancre à environ une lieue au-dessus de l’Isle.  Deux chaloupes anglaises sont mises à l’eau et l’anglais tente de débarquer quelques-uns des siens à l’Isle.  Ces chaloupes à fond plat sont longues de trente à trente-six pieds, mues à la rame par une vingtaine de matelots et capables d’emporter de cinquante à soixante-dix soldats ou une pièce d’artillerie.  Le détachement de Niverville, aidé des miliciens de l’Isle et des « Sauvages », prend les choses en main et empêche l’anglais d’atteindre le rivage.  Leurs chaloupes sont forcées de retraiter[9].

Charles François Tarieu de La Naudière (1710-1776), officier dans les troupes de la Marine est envoyé avec trois cents hommes à l’Isle aux Coudres accompagnés des miliciens de l’Isle, pour construire des « cajeux » afin enrayer l’avance de la flotte anglaise qui remontait le Saint-Laurent.  Tarieu de La Naudière n’eut pas le temps de mener l’opération à bien[10].

Le dimanche 27 mai, le navire de guerre Princess Amelia jette l’ancre au Mouillage des Français à l’Isle aux Coudres qui deviendra sous peu le Mouillage de La Prairie faute de Français[11]

« … le 27 du présent, les vaisseaux anglois étoient venus mouiller à l’Isle aux Coudres, qu’ils y sont au nombre de 13 ou 14, mais qu’il ne sçait pas précisément s’il y a beaucoup de vaisseaux de guerre, qu’aussitôt que le dit M. de la Naudière les avoit vus venir à ce mouillage, il ne s etoit occupé que de sa retraite qui s’est faite avec beaucoup de précipitation, abandonnant armes, munitions, ainsy que du monde, sur la dite Isle, se retirant en cet ordre par le travers de l’église de la Petite Rivière, environ à 24 de lieue dans le bois où il est maintenant en observation » [12]

Tarieu, de La Naudière qui battit peu glorieusement en retraite, fait brûler les « cajeux » déjà construits et tout ce qui aurait pu être utilisé par l’ennemi devra « toutefois être détruits sur place, faute de temps ».  Les officiers de la milice de l’Isle qui devaient « lancer des radeaux chargés en direction des navires » anglais « attendus au mouillage de la Prairie » durent se charger du travail[13].

L’île est déserte et l’anglais fait descendre des troupes le lendemain[14].  De fait, les forces anglaises s’installent à l’Isle aux Coudres.  Les habitants de l’île, retranchés dans les bois sur les bords du fleuve, observent l’anglais débarquer chez eux.   Carleton, qui est colonel en Amérique du Nord pour les anglais est chargé d’établir une base avancée à l’Isle aux Coudres.  L’île sert donc durant tout le printemps et l’été d’avant-poste aux troupes anglaises avant la bataille des plaines d’Abraham à la mi-septembre et permet à l’anglais de bloquer toute arrivée de renfort par le fleuve.  De plus, l’île devient l’hôpital de campagne des troupes anglaises où sont soignés les centaines de soldats déjà atteints de dysenterie, de scorbut et de typhus à leurs arrivées.  Des tentes sont érigées dans la Prairie pour les recevoir.  C’est également à l’Isle que seront rapatriés les nombreux blessés pendant les quatre mois que durera la conquête.  Les habitants de l’île vivront donc « tout un été de guerre » hors de chez eux et même une année complète.

Dès qu’on apprend que l’anglais remonte le fleuve, chaque homme âgé de seize à soixante ans doit se rapporter à sa compagnie de milice.  La milice intègre officiellement l’armée régulière le 1er juin 1759.  Les miliciens de l’Isle aux Coudres, de Baie-Saint-Paul et de Petite-Rivière tentent de résister aux anglais, mais leurs moyens de défense sont dérisoires et leur nombre nettement insuffisant.  Le nombre de miliciens de la capitainerie de Baie-Saint-Paul est de quatre-vingt-quatorze à l’Isle aux Coudres, de soixante-treize à Petite-Rivière et Baie-Saint-Paul et de vingt-cinq aux Éboulements[15].  Les anglais leur opposent un navire amiral de quatre-vingts canons et toute une flottille de treize autres vaisseaux.

Certains miliciens, dont Dominique, qui connaissent l’Isle, s’y aventurent à quelques reprises à partir de Baie-Saint-Paul afin d’observer les activités des Anglais et d’y faire des prisonniers.  Ils veulent aussi constater si ces derniers ont fait des dégâts aux bâtiments de l’Isle.  Le 6 juin, Pierre Savard et Jean Marc Boulianne, tous deux capitaines de milice, se rendent sur l’île « qu’à nuit toute noir ».  Les miliciens les accompagnants sont, François Savard (1733-1815), Alexis Perron (1734-1807), Ignace Brisson, Nicolas Joseph Desgagnés (1699-1780), Charles Demeules (1724-1759), Dominique Hervé, Gabriel Dufour et Nicet Dufour en autres.  François Savard, le pilote, neveu de Geneviève, et Nicet Dufour[16] réussissent même à capturer trois soldats anglais lors de cette expédition[17].  Les prisonniers sont remis le jeudi 7 juin à M. de Niverville qui les ramène à Québec.  Ils fournissent des informations sur la flotte britannique qui arrive[18]

Deux jours plus tard, un groupe de miliciens dont François Savard et Étienne Savard, le cousin et le frère de Geneviève, Nicet Dufour, Dominique Hervé, Étienne Debien le fils (1719-1783), Michel Pednaud (1738-1810) et Bonaventure Dufour retournent à l’île et y font deux autres prisonniers qui sont par la suite conduits sous bonne garde à Québec pour y être interrogés[19]

Vers le 20 juin, le capitaine de milice Boulianne informe les miliciens qu’ils doivent se rassembler à Québec, car le gouverneur croit qu’au premier vent favorable, la flotte anglaise débarquera.  Boulianne qui avait été soldat dans la compagnie Saint-Vincent des troupes de la Marine bénéficiait de la confiance du gouverneur Vaudreuil.  Il était probablement celui qui avait conféré avec le Marquis de Montcalm lors de sa visite en 1756 pour préparer la défense de la région.  Jusqu’à sa mort en 1755, Joseph Simon Savard, le beau-père de Dominique, avait toujours été le capitaine de milice à l’Isle.  Il semble que par la suite, l’un de ses gendres, marié à son aînée Charlotte, ait pris la relève[20]Dominique et les autres hommes en âge de servir quittent donc femmes et enfants pour se rendre à Québec dans les jours qui suivent. 

Des vents défavorables retiennent le gros de la flotte qui a rejoint l’Isle aux Coudres[21].  Le samedi 23 juin, Wolfe rejoint l’amiral Philip Durell vis-à-vis de l’Isle aux Coudres où quelques bateaux se font tirer dessus par des Indiens[22].  Le lundi 25, la flotte du vice-amiral Charles Saunders arrive à son tour vis-à-vis de l’Isle aux Coudres[23].  Wolfe arrive devant Beauport le 26 juin.

Dominique conscrit comme miliciens défendra Québec et ses alentours des attaques et des bombardements incessants des anglais qui reprenaient chaque jour, pour les nuits où ils s’arrêtaient.  Ils défendront surtout les battures de Beauport contre les débarquements anglais.  Un insulaire y perdra la vie en juillet.  La cousine de Dominique, Brigitte Debien (1728-1810), ne reverra plus son mari François Lajoie (1725-1759) qui succombe à ses blessures à l’Hôpital général de Québec[24].  François, un Français d’origine, était soldat de métier et vivait à l’Isle lorsqu’il épousa Brigitte en 1748[25].  Alors que l’épidémie de l’hiver précédent avait multiplié les orphelins à l’Isle, c’était maintenant la guerre qui en faisait cinq de plus.

Vers la mi-juillet, au grand soulagement de la population réfugiée dans les bois, une partie de la milice de l’Isle aux Coudres et de Baie-Saint-Paul revint avec ordre d’observer et rapporter les allées et venues des anglais entre Québec et leur base de ravitaillement sur l’Isle aux Coudres.  Ils avaient pour mission également de faire d’autres prisonniers à être interrogés.  Le gouverneur manquait désespérément de renseignements sur les intentions de Wolfe.  En relâchant les miliciens le temps des récoltes, l’objectif principal du marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France, est de s’assurer que la colonie pourra se nourrir et nourrir les troupes au cours de l’hiver qui vient.      

Le 3 août, entre chien et loup, Jean Marc Boulianne, dit Suisse, Pierre Savard, Joseph Debien, Bonaventure Dufour, Augustin Lavoye (1729-1810), Charles Demeules et Guillaume Tremblay le fils (1738-1795) prirent la direction de l’Isle où étaient toujours cantonnés une partie de la flotte anglaise.  Arrivée sur l’Isle, Boulianne prit ses jambes à son coup et monta sur une frégate anglaise, la Good Will[26].  Comprenant la traîtrise de Boulianne le groupe retourna à leur embarcation. Dans les instants qui suivirent, des barques anglaises se mettaient inutilement à leur poursuite.  Pendant ce temps et pour toute la durée de la guerre de la conquête, Charlotte Savard, la femme de Boulianne est alors comme les autres infortunés de l’Isle dans les camps de fortune du Cap.

Les anglais dirigés par le capitaine Joseph Gorham (1725-1790) et ses « British imperial Rangers » ou simplement les « Gorham’s Rangers » débarquent à la pointe d’Aulnes sur les rives de Baie-Saint-Paul le 9 août 1759.  Ils n’en étaient pas à leurs premières rapines, car ils étaient débarqués auparavant aux Éboulements et aussi sur la Côte-du-Sud dans les villages de la Grande-Anse à Rivière-Ouelle et Sainte-Anne en autres.  Cette fois-ci, il ne s’agira pas d’une simple rapine ! 

Comme on l’a vu, Jean Marc Boulianne dit le Suisse, un huguenot ayant abjuré, le beau-frère de Dominique marié à la demi-sœur de sa femme, s’est retourné et a gagné le côté des anglais ; celui-là même qui a agi comme témoin en 1749 lors de la donation du père de Dominique sert de guide à Gorham.  Les miliciens, dont Dominique, leur opposent un feu nourri.  Les anglais pourchassent alors sans merci les miliciens qui se réfugient dans les bois avoisinants et qui se défendent comme ils peuvent. 

Les soldats anglais pillent les maisons et incendient toute la côte.  Gorham et ses hommes rasent le village de Baie-Saint-Paul[27].  Ils brûlent plus d’une cinquantaine de fermes et de granges ; il n’y en avait guère plus à brûler à cette époque.  Ils abattent porcs et veaux et les dépècent en quartiers pour ensuite les empiler sur des travois auxquels certains d’entre eux s’attellent comme des mulets.  Ils descendent ainsi leur butin aux chaloupes qui les attendent sur le rivage.  Ainsi, les troupes anglaises et leurs malades confinés à l’Isle aux Coudres auront de la viande fraîche pour quelques jours alors que les colons en manqueront pour une année complète.  Dans le but d’affamer la population, la plus grande partie du bétail restant qui ne peut être emporté est tué.  Cependant, les anglais ne font pas brûler l’église paroissiale et le manoir seigneurial de Baie-Saint-Paul. 

Ils font trois prisonniers : Charles Demeules de l’île qui meurt scalpé, Charles est le beau-frère de Dominique marié à la demi-sœur de Geneviève, Scholastique Savard ; aussi un dénommé Tremblay, pendu à la vergue d’un navire et finalement Jean Baptiste Grenon (1724-1779) surnommé l’Hercule du Nord dans son village de Baie-Saint-Paul[28].  Le curé et patriote Chaumont de la baie Saint-Paul note à l’acte de sépulture de Charles Demeules :

« Le dix août 1759, a été inhumé le corps de Charles demeule tué et la chevelure levée… à la pointe d’aulne par les anglais où ils firent descente et brûlèrent tout le bas de la bay St-Paul, agée de trente sept à quarante ans, plusieurs habitants de la paroisse de la baie St-Paul et le l’Isle aux Coudres ont assisté à ses funérailles. »[29]

Dans les jours qui suivirent, Gorham et ses hommes se rendront également dans le hameau de la Malbaye pour y dévaster le peu qui y existe à l’époque.  De fait, ils rasent tous les bâtiments à cet endroit et traversent le fleuve par la suite pour faire de même à Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Le même Gorham et le capitaine Montgomery avec leurs hommes débarqueront à Saint-Joachim et le 23 août, ils pilleront et incendieront tout le village, l’église et le presbytère.  « … une cinquantaine d’hommes de Saint-Joachim conduits par leur curé » essayeront de résister. « … huit seront tués et la chevelure levée », dont le curé[30].

Les résidents de l’Isle, réfugiés sur la côte, espéreront l’issue de la guerre tout l’été.

En plus d’avoir secrètement apporté son aide au général Wolfe et à son armée pour se rendre à Québec[31], le beau-frère de feu Charles Demeules, Jean Marc Boulianne dit suisse révélera à l’ennemi que le gouverneur avait relâché les hommes de la milice le temps des récoltes.

Tôt au mois d’août, les miliciens de l’Isle-aux-Coudres, de la baie Saint-Paul et des environs sont rappelés pour la défense de Québec où ils se joignent au régiment de Guyenne.

Le 13 septembre 1759, pendant deux heures, quatre mille cinq cents soldats réguliers, les miliciens de la Côte-de-Beaupré, de Baie-Saint-Paul et de l’Isle aux Coudres, ainsi que des alliés indiens, traversèrent un pont de bateaux qui enjambait la rivière Saint-Charles et se mirent en ligne devant les murs de Québec ; Dominique y était encore. Le sort de la Nouvelle-France allait se jouer dans les heures qui suivraient[32]

Après la bataille des plaines d’Abraham, les troupes françaises et la milice retraitent à l’ouest à l’embouchure de la Jacques-Cartier.  Une partie des premiers y passeront l’hiver dans l’attente d’une contre-attaque au printemps.  Les autres se répartiront dans la colonie pour passer l’hiver chez l’habitant.  Les miliciens qui n’avaient pas été tués ou blessés au combat sont renvoyés vers leur famille.  Dominique et les autres de sa région entreprennent donc le voyage de retour, accompagnés d’un certain nombre de soldats qu’ils devront héberger.  Comme ils devaient contourner Québec pour éviter l’armée anglaise, la marche de cinquante lieues leur parut fort longue.  En raison de la présence anglaise sur le fleuve, le sentier des Caps qu’ils avaient choisi d’emprunter, entre la ferme du Séminaire à Saint-Joachim et Petite-Rivière-Saint-François apparut interminable à ces miliciens démobilisés, après les semaines de campagne où ils étaient mal nourris et mal couchés, sans parler de l’effet sur le moral que leur faisait de la défaite.  Le 20 septembre 1759, alors que le plus gros du contingent se pointait une fois passé le Cap Maillard, Dominique pouvait enfin serrer Geneviève dans ses bras.   

Dans les semaines qui succèdent à la victoire de l’anglais sur les Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759, au lendemain de la capitulation de Québec, l’armée anglaise quitte l’Isle aux Coudres. 

« Au lendemain du conflit, il reste des Canadiens sans Canada », Dominique et Geneviève qui ont vingt-trois ans, et les autres habitants de l’Isle s’y rendent pour constater l’état de leurs domiciles, qui ont été habités et souillés par l’anglais tout l’été.  Pour ceux qui ont le bonheur d’en avoir encore un « … après les ravages qu’il (l’anglais) a fait commettre, brûler les maisons, emmener les bestiaux et piller les meubles »[33].  Tous les bâtiments de ferme ont été détruits.  Force est de constater pour une grande partie de cette petite population que le prochain hiver ne pourra se passer sur leur île.  Tout y est à reconstruire.  Par bonheur, peu de maisons du cap à Labranche ont été détruites puisque l’anglais y a vécu tout l’été ; seul leur contenu a été pillé ou détruit.  Malgré l’occupation de l’île par l’amiral Durell[34] et le passage du terrible Gorham, la chapelle presque neuve de Saint-Louis, dédiée à Saint-Louis, roi de France, est restée intacte[35]

Les céréales étant à la base de l’alimentation de l’époque au pays, on vivra donc une période de famine d’une année en raison des récoltes que l’anglais a pris soin de raser avant de quitter l’île.  Sans ces récoltes habituelles et sans toits pour le bétail, la vie ne reprendra vraiment son cours à l’Isle aux Coudres que l’été suivant alors que la population devra retrouver la force de reconstruire ce que chacun avait mis tant d’années à bâtir.  C’est donc dans leurs cabanes de fortune du cap de la Baie qu’une partie de la quarantaine de familles retournera passer l’hiver où quand on chauffera trop, l’air enfumé irritera les muqueuses et asséchera l’épiderme qui se fendillera, et quand le feu baissera à la faveur de la nuit, le froid et l’humidité s’infiltreront et recouvriront les murs de glace.  Que cet hiver passé dans la forêt dut être difficile pour cette population habituée au large horizon de l’Isle aux Coudres et aux vents marins.  Au profit de la chasse à tout le moins, ils pourront y trouver dans les bois, la nourriture qui leur permettra de passer l’hiver.

Le 17 novembre un spectacle saisissant s’offrit aussi bien aux insulaires dans les bois du Cap ou à ceux bravant l’automne sur l’Isle.  Dominique et Geneviève virent des dizaines et des dizaines de navires anglais de tout genre se suivant à la file descendant le fleuve.  Pour un instant, chacun eut un certain espoir.  L’armada anglaise ne faisait que fuir avant que les glaces ne l’emprisonnent devant Québec après avoir pris soin de laisser derrière elle une importante force d’occupation de plus de 7 000 hommes.

Malgré la désolation, certains insulaires dont les maisons n’ont pas été détruites choisissent tout de même de passer l’hiver sur l’île.  On en a pour preuve un baptême hâtif, car au profit d’un redoux du printemps, le curé Chaumont de la baie Saint-Paul « faisant les fonctions curiales » à l’Isle s’y retrouve à la fin mars.  Le registre de la chapelle de Saint-Louis-de-France s’était tu après le dernier passage de l’abbé Chaumont pour le mariage de Jean Baptiste Perron (1737-1825) et de Marie Josephe Bouchard (1741-1781) au début de mai 1759 juste avant l’arrivée de l’anglais ; il reprend vie près d’un an plus tard le 22 mars 1760 lors du baptême de François Boucher (1759-1776), fils du capitaine de navire François Boucher et de la cousine Marie Joseph Tremblay .  Le petit était né le 22 octobre 1759[36].  Comme Marie Anne Martel dite Lamontagne (1689-1782), la marraine et la mère du capitaine, est âgée de soixante-dix ans, cette ancienne cabaretière du port de Québec n’a assurément pas traversé le fleuve en mars et devait être elle aussi demeurée à l’Isle depuis l’automne[37].  Pour ceux qui passèrent l’hiver à l’Isle, ils survécurent grâce à la générosité du fleuve, car les trois quarts des bestiaux avaient été consommés.  En abandonnant l’Isle au printemps, le gros bétail avait été laissé derrière et les troupes anglaises en avaient fait leur nourriture pour une partie de l’été. 

Tôt au printemps 1760 la plupart des habitants, mais pas tous, regagnent l’Isle et reconstruisent ce qui a été détruit tout en tentant de reprendre leur vie habituelle.  Par contre, un bon nombre de bras sont manquants puisque plusieurs hommes de la milice se sont portés volontaires et sont repartis au début d’avril pour rejoindre le chevalier de Lévis à la Pointe-aux-Trembles[38] qui travaille à réunir les effectifs pour reprendre Québec[39].

Pendant que l’on se bat à nouveau à Québec entre les 27 avril et 16 mai, à l’Isle certains matériaux sont difficilement trouvables.  On reconstruit donc à la va-vite, mais en prenant soin de rendre étanches les ouvertures et en étoupant le moindre recoin afin de ne pas subir un autre hiver de froid comme dans les cabanes du Cap de la Baie.  L’important dans quelques semaines sera de veiller aux semences pour assurer sa subsistance.  Après les veines tentatives du chevalier de Lévis, les hommes sont tous de retour à temps pour les semences au début de juin, car la vieille France ne s’était plus rappelé que la nouvelle existait. 

Vivant en autarcie, pour se procurer les quelques articles qu’ils ne produisent pas eux-mêmes, Dominique et les autres insulaires ne font qu’un peu de troc avec ce qu’ils extraient du marsoin, l’huile qu’il procure, sa peau qui fait un très bon cuir et le savon qu’on en tire.  Ils sont donc peu affectés par le fait que la monnaie de carte n’a plus cours puisqu’il n’en possédait pas contrairement aux nombreux citadins qui voient fondre leur fortune ou leurs petites économies.  Il leur faudra quand même des années pour se relever de la guerre puisqu’elle avait pris les biens de chacun et le temps si précieux pour les travaux de la terre.  Dans la famille, cette guerre de l’anglais avait aussi pris des vies.  Dominique en plus d’avoir vu son beau-frère Charles Demeules assassiner par l’anglais au cours de l’été 1759, venait d’apprendre après la fonte des glaces que deux autres beaux-frères, ceux de Saint-Roch-des-Aulnaies, avaient également été emportés en combattant vaillamment l’anglais laissant derrière eux veuves et orphelins.    

Après la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, le sort de la Nouvelle-France est jeté.  Amherst, commandant en chef des troupes britanniques ne tarde pas à sécuriser la colonie pour éviter tout retournement de situation.  Avant la fin septembre, il ordonne aux habitants de remettre leurs armes.  Les insulaires sont parmi les chanceux à ne pas voir leurs fusils saisis par l’anglais.  Pour une raison qui reste inexpliquée, mais probablement en raison de la grogne que cette mesure crée, plusieurs paroisses du gouvernement de Québec à l’extérieur de la capitale sont ainsi épargnées de la saisie.  Il faut dire que les armes devaient être remises entre les mains des officiers de milice.  À l’Isle, avec la désertion de son capitaine, le traître Boulianne, la milice est fort probablement dans un piteux état[40].

Dans les dix ans qui suivirent le début de la conquête, Geneviève donnera cinq enfants à Dominique de sorte que la maisonnée comptera déjà sept personnes en 1769.  François, leur premier fils en 1760 qui devient l’aîné, Marie Anne, en 1762, David Louis Dominique vers 1764, Joseph Sébastien, en 1767 et finalement Félicité Sophie en 1769.

Comme on vient de le mentionner, le lundi 20 octobre 1760, Geneviève met au monde le premier garçon de Dominique.  L’enfant est prénommé François comme son parrain lors de la cérémonie du baptême qui a lieu sept jours plus tard.  Jean François Leclaire (1739-1810) est donc choisi comme parrain alors que Marie Louise (Marie Anne) Delage (1732-1809), une voisine, agit comme marraine[41].  Nous retrouverons cette même lignée de Leclaire parmi les ancêtres de ma lignée dans trois générations. 

Alors qu’il était dans la chapelle pour le baptême de son fils, Dominique avait également assisté juste avant la cérémonie de baptême, au mariage de sa nièce Félicité Charlotte Égyptienne Boulianne, la fille de la sœur de Geneviève, Charlotte et du traître Jean Marc Boulianne le Suisse.  Ce dernier a le culot d’assister à la cérémonie[42] comme il le fera pour son aîné en 1763[43] et sa cadette en 1764[44] avant de disparaître de l’Isle et de n’y plus y reparaître par la suite. 

En cet automne 1760, le fleuve gèle comme à l’habitude en novembre, l’hiver passe et vers le 20 avril 1761, le missionnaire peut à nouveau se frayer un chemin vers l’Isle, car il y célébrera un mariage ; cette fois-ci, c’est celui de Jean Baptiste Savard, son second puisque sa première épouse est décédée deux ans auparavant de l’épidémie de « petite vérole ».   Le frère de Geneviève se marie donc encore une fois ; il épouse Félicité Élisabeth Tremblay (1742-1766) la fille de l’once André (1719-1804) un demi-frère de la mère de Dominique[45].  Comme il n’a pas recommencé à piloter sur le fleuve ce printemps, il assiste avec Geneviève aux célébrations.

Le 15 octobre 1761, le voilier vétuste L’Auguste ainsi que deux autres navires sont affrétés par les anglais afin de retourner l’élite de la Nouvelle-France en Europe, quittent Québec pour la France.  Le 11 octobre précédent le départ, le chevalier de Saint-Luc de la Corne (1711-1784) avait mis en garde le général Murray, commandant britannique de Québec, de l’inexpérience du jeune capitaine du navire et lui avait fait la demande expresse d’obtenir un pilote canadien pour les guidés.  Rien n’y fit et la requête fut ignorée.  Le 16, à une lieue de l’Isle-aux-Coudres par un nordet, L’Auguste perd une de ses ancres.  La centaine de passagers à bord du navire sont persuadés que le vaisseau va se briser sur les récifs entourant l’île, mais le pire est évité et le vaisseau et les deux autres bâtiments transportant la noblesse se réfugient au mouillage de l’Isle-aux-Coudres où ils seront retenus pour dix jours par le mauvais temps.  À la vue de tous ces maîtres Français quittant la colonie, les insulaires nés au pays qui ont le temps de les côtoyer et de les réapprovisionner comprennent bien que la Nouvelle-France est finie.  À leur départ le 27, Dominique et ses quelques autres confrères pilotes de l’Isle comprennent bien ce que ces trois navires devront affronter sans une aide expérimentée du grand fleuve.  Quelques jours après avoir quitté l’Isle, un feu se déclare à bord de L’Auguste à trois reprises dans une même journée.  Ces incendies détruisent la plupart des provisions.  Le 16 novembre, le navire fait naufrage dans les parages de l’Île Royale et presque tous les passagers et membres d’équipage y trouvent la jmort.  Seuls le chevalier de la Corne et six autres passagers survivent.  Les insulaires apprendront au printemps suivant le sort réservé aux passagers[46]

Bien vite à la fin de l’été suivant la vie normale reprend. Geneviève est enceinte depuis l’hiver précédent.  La récolte de blé assure qu’elle soit en mesure de remettre du pain sur la table, mais il lui aura tout de même fallu une année entière pour servir autre chose que le poisson du fleuve.  

Le régime d’occupation militaire mise en place par l’anglais force l’habitant à loger les hommes de troupe.  L’histoire ne nous a pas appris si des soldats anglais ont été logés à l’Isle au cours des trois années que dura le régime militaire, mais le contraire serait surprenant.  L’importance stratégique de l’île dans le fleuve et la présence de nombreux pilotes amena assurément le commandement militaire à y poster des soldats.  Si tel fut le cas, l’ordonnance du général Amherst stipulant que l’habitant devait recevoir les troupes en frères et concitoyens du être respecté[47].  On ne connaît pas le rôle que joua Dominique dans cette période alors que l’Isle était vraisemblablement sans capitaine de milice depuis la traîtrise de l’ancien capitaine, son beau-frère.  Par contre, comme on le verra, c’est lui qui deviendra capitaine de milice quelque part entre 1762 et 1766.  Ce rôle aura dû faire de lui le porte-parole des insulaires auprès de ces « Messieurs les anglois ».  Ce que l’on sait par contre, c’est que les nouveaux maîtres écossais de Murray Bay et de Mount Murray, John Nairne (1731-1802) et Malcom Fraser (1733-1815), qui sont toujours mobilisés au sein du régiment 78e Fraser Highlanders, sont dépêchés avec leurs troupes à Baie-Saint-Paul et à l’Isle-aux-Coudres le 3 août 1762 pour y désarmer les habitants.   Le gouverneur militaire Murray avait appris qu’une flotte française de cinq navires avait conquis Terre-Neuve en juin dans les jours précédents ses ordres aux écossais.  Murray se souvenant trop de la grogne populaire qu’avait créée la saisie des armes des habitants en septembre 1760, il ordonne aux highlanders postés à l’Isle d’examiner tout vaisseau remontant le fleuve et dans l’éventualité d’une invasion et dans la mesure de leurs moyens, d’exécuter son ordonnance de saisie des armes[48].  L’invasion ne se pointant pas le nez, Dominique et les autres insulaires peuvent conserver leurs armes.

Le 28 septembre, Dominique et Geneviève festoient encore.  Dans une petite communauté composée de familles si nombreuses, les occasions de s’amuser ne manquent pas.  Ces périodes festives à l’Isle sont particulières et prennent des dimensions surprenantes.  En effet, depuis le début de sa colonisation jusqu’à l’établissement d’un curé en permanence sur l’île en 1770,[49] on y est à la merci de la visite d’un missionnaire pour célébrer les nombreux baptêmes et mariages qui s’accumulent en quelque sorte.  Conséquemment, lors de ces quelques visites quand le fleuve n’est pas glacé, rares sont les familles où il n’y a pas une occasion d’entamer une fête et comme tous sont à peu près parents, la fête prend des dimensions remarquables.  Aujourd’hui, le déclencheur de la fête sera en autres, le mariage de Pierre Savard (1737-1809), le fils du demi-frère aîné de Geneviève, qui était marié à Marie Françoise Tremblay (1730-1758) la cousine de Dominique décédée elle aussi lors de l’épidémie de « petite vérole » ; il épouse Marguerite Brisson (1737-1826) en deuxième noce[50].

L’anglais, lors de la conquête, avait réussi à tuer bon nombre des nôtres, mais rapidement les naissances viennent remplacer le vide créé.  Geneviève accouche d’une deuxième fille le 3 décembre 1762.  Les glaces étant prises pour l’hiver sur le fleuve, l’enfant ne sera baptisé que le 11 avril suivant.  La petite portera le nom de Marie Anne Hervé tout comme la sœur aînée de Dominique qui avait été fort présente dans sa vie tout au long de son enfance avant qu’elle ne se marie en 1751.  Elle avait veillé sur Dominique alors qu’il n’avait que trois ans quand il devint orphelin de mère en 1740.  Le parrain choisi prendra de l’importance pour notre lignée dans peu de temps.  En effet, Joseph Marie Tremblay (1740-1800) deviendra le beau-père de mon ancêtre de la prochaine génération de Hervé, Joseph.  Pour l’heure, il est le cousin de Dominique.  La marraine est Charlotte Hervé (1751-1822) douze ans, la fille de Zacharie le frère aîné[51].

Dans le même mois, au lendemain de la signature du Traité de Paris le 10 avril 1763, l’anglais, voulant s’assurer la possession de sa conquête, résout d’asservir la défunte Nouvelle-France en interdisant toutes relations entre la France et son ancienne colonie.  Les liens de commerce, rapports de familles, correspondances, tout est brusquement interrompu.  L’anglais défend même l’importation des livres.  Tout ce qui pouvait, de près ou de loin, rappeler un souvenir de France est soigneusement éliminé.  Nul Français ou Française ne peut entrer dans la colonie.  Nul habitant d’ici d’autre part, ne peut se rendre en France sans de très graves raisons ; et encore, il doit se rapporter aux autorités de Londres avant de se faire.  Cette vigilance inquiète et soupçonneuse durera trente ans[52]

L’anglais qui vient de conquérir la terre française d’Amérique ne tarde pas à faire l’inventaire de ses nouveaux biens.  Cet Européen qui en a remplacé un autre à la tête de la colonie ordonne un recensement pour 1762.  Comme Murray, qui est à la tête du gouvernement militaire, avait compris que les curés bénéficiaient de la sympathie de leurs paroissiens et qu’ils dépendaient très fortement de ses bonnes grâces, le recensement fut donc préparé par les curés des différentes paroisses.    Dominique et Geneviève Savard y apparaissent et ont vingt-six ans chacun.  Deux enfants sont enregistrés par le recenseur, vraisemblablement François et Marie Anne, ce qui nous amène à conclure que le curé est passé en avril 1763 considérant la naissance de Marie Anne le 3 décembre 1762 et son baptême le 11 avril[53].  En effet, comme l’Isle était sans curé depuis 1750, c’est le curé Chaumont de la baie Saint-Paul qui dut effectuer le recensement ; hors sa dernière visite à l’Isle remonte au 4 octobre 1762 pour le baptême des jumeaux de Pierre Savard (1737-1809) et son retour à l’Isle ne se fait qu’après le dégel hâtif du fleuve au printemps pour le baptême de la petite Marie Anne le 11 avril.  On peut supposer que Geneviève, qui vient d’accoucher a vécu une grossesse difficile puisqu’une domestique y est également inscrite au recensement.  Qui est-elle, on ne le sait pas, mais avec le nombre d’orphelines qu’ont laissées les épidémies de 1755 et de l’hiver 1758-1759, les candidates ne manquent pas.  Ce pourrait être l’une des filles de la sœur de Geneviève, feu Scholastique Savard décédée lors de l’épidémie de 1755, et dont le mari, Charles Demeules, mourut scalpé par les anglais en 1759 comme on l’a vu. 

On apprend que Dominique cultive alors huit arpents carrés et possède un bœuf, quatre vaches, trois taurailles[54], six moutons, un cheval et trois cochons.  Ainsi donc, comme son père, il fait l’élevage d’animaux de boucherie en plus de ses cultures et de sa pêche.  Rien de surprenant, puisque le bœuf de l’Isle est reconnu pour sa qualité et ces messieurs du Séminaire en font un important commerce.  On se rappellera que du temps de la Nouvelle-France ce sont les navires français en rade à l’île que le père de Dominique approvisionnait.  Maintenant que les anglais préfèrent le chenal du Sud et ne s’arrêtent que très peu à l’Isle, ces Messieurs du Séminaire ont trouvé là une importante source de revenus[55].  D’ailleurs, comme Dominique pilote sur le fleuve régulièrement, laisser paître les animaux sur ses terres est très certainement plus convenant que de passer ses journées à les cultiver.  Avec ses six moutons, Geneviève ne manque pas de laine pour le tissage des couvertures et de certains vêtements et comme Dominique cultive également le lin, les habits et les toiles durables ne manqueront pas.  Avec une famille grandissante Geneviève due en passé des journées d’hiver à laver, carder, filer et teindre toute cette laine.

En 1762, on pouvait alors compter à l’Isle vingt-trois patronymes répartis dans quarante ménages dont huit sont dirigés par des veuves.  Les hommes eux sont tous mariés.  Parmi une population de deux cent trente-sept âmes, les Harvey de mon grand-père y sont déjà assez nombreux.  En comptant les épouses, les douze Hervé sont répartis chez les trois frères, Zacharie (trois), Pierre (cinq) et Dominique (quatre).  Les Desgagnés de ma grand-mère commencent à peine leur progression avec la famille de l’ancêtre Nicolas Joseph Desgagnés (1699-1780) qui compte six membres.  Les Desgagnés sont installés à La Baleine sur la terre numéro 35, voisine au nord-ouest de celle de la demi-sœur de Geneviève, Brigitte Savard (1720-1798) et de son époux, Barthélemy Thérien (1717-1801).

En 1762, ce sont les héritiers des premiers censitaires des décennies 1720 et 1730 restés à l’Isle qui sont les plus nombreux et qui constituent les membres de la petite élite locale.  Les Tremblay, les Savard et les Hervé et leurs familles respectives élargies occupent et occuperont les fonctions d’officier de milice, de bailli et de directeur des pêches tout au long du XVIIIe siècle.

Après la conquête, les insulaires verront bien des vaisseaux anglais ancrés au mouillage, bondés de Français qui avaient choisi de retourner dans leur pays après la conquête, encouragés par le nouveau conquérant qui s’assure de vider sa nouvelle colonie de ses anciens maîtres.  À l’automne 1762, ils sont nombreux les navires qui retournent en Europe et s’arrêtent à l’Isle-aux-Coudres pour y prendre provisions et pilote.  Ces derniers sont hésitants à s’embarquer, car certains des vaisseaux britanniques ont, depuis la conquête, omis de s’arrêter au prochain poste de pilotage du Bic pour y laisser leur pilote avant de franchir l’océan, obligeant ces malheureux a passé l’hiver en Angleterre.   L’un des pilotes qui acceptent de le faire est Pierre Lagüe.  Ce Français de Bordeaux était arrivé au pays vers 1755 et avait épousé la cousine de Dominique, la fille de l’oncle François Xavier Tremblay, l’année suivante.  Madeleine Françoise Tremblay (1724-1804) lui avait donné cinq enfants.  Au départ des vaisseaux anglais, il fut emmené comme pilote et ne revint jamais au pays laissant femme et enfants sans explications qui nous soient parvenues.  Avait-il abandonné les siens sans vergogne pour retourner dans son pays ? Quoi qu’il en soit, il ne connut jamais son dernier fils qui naît au printemps suivant[56].

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[1] Les cageux sont des pièces de bois attachées les unes aux autres et mises en flotte.  Au printemps de la conquête, on y mettait le feu, les lâchaient dans le courant pour qu’ils se heurtent aux vaisseaux de l’anglais. 

[2] CASGRAIN, Henri Raymond.  Collection des manuscrits du maréchal de Lévis : Lettres et pièces militaires de 1756-1760 ; Instructions, ordres, mémoires, plans de campagne et de défense. Québec, Éditions L.J. Demers & Frères, 1891, pages 159-160. 

[3] A.S.Q., Séminaire 37, no 34 et A.N.Q., GN. Minutier Claude Barolet (1690-1761), 12 janvier 1750. « Bail à ferme de... toute l’île aux Coudres pour 9 ans et moyennant une rente annuelle de 1,600 livres »

[4] Le ruisseau de la Lessive prend sa source au cœur de l’île et descend en cascade la falaise bordant la Grande Batture pour finalement traverser le chemin emprunté pour la récolte du foin de mer.  Son nom tire son origine de l’usage qu’en faisaient les marins des navires français qui s’ancraient au Mouillage pour s’approvisionner en eau fraîche et laver leur linge après les mois passés en mer. 

[5] Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, né à Québec et mort à Paris, est le quatrième fils de Philippe de Rigaud de Vaudreuil et de Louise-Élisabeth de Joybert de Soulanges et de Marson.  Il est marquis de Vaudreuil, officier de la Marine, gouverneur de Trois-Rivières, gouverneur de Louisiane et le dernier gouverneur général de la Nouvelle-France. De tous les gouverneurs de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud de Vaudreuil est le seul né en Nouvelle-France. 

[6] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, page 252. 

[7] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, du 10 mai au 18 septembre 1759.  Québec, Éditions Berthelot, 1922, page 8. 

[8] TREMBLAY, Jean-Paul-Médéric. Tout un été de guerre. Baie-Saint-Paul, Société d’histoire de Charlevoix, 1986. 116 pages. 

[9] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins. Éditions Ministère des affaires culturelles, 1972, Série Place Royale, 1972, page 35, Section 2, «  Journal de l’expédition sur le Saint-Laurent, Extrait du New York Mercury, No. 385, daté de New York, 31 décembre 1759 ». 

[10] BLAIS, Marie-Céline. « Tarieu de La Naudière, Charles François ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume IV (Décès de 1771-1800).  Il est possible que ce détachement de soldat soit le même que celui mentionné précédemment alors que le gouverneur avait envoyé à Baie-Saint-Paul un détachement de l’armée de Montcalm commandée par Joseph Boucher de Niverville.  La somme des soldats et des miliciens locaux pourrait expliquer la différence dans les nombres d’hommes envoyés sur l’île.  Les documents de l’époque ne sont pas clairs sur ce point.

[11] Les insulaires de l’époque auraient appelé le lieu Mouillage des Français en raison du fait que les navires français s’y ancraient.  Les Français pour leur part désignaient l’endroit sous l’appellation de Mouillage de la Prairie en raison de l’existence d’une prairie au haut de l’escarpement vis-à-vis du dit mouillage.

[12] Archives de Québec 143, Gc, 971.4, Q354a, Rept l, 1920-21.  Il s’agit ici de Charles François Tarieu de La Naudière, officier dans les troupes de la Marine et fils de la célèbre Marie Madeleine Jarret de Verchères. 

[13] NOËL, Dave. « Le Saint-Laurent, pivot du système défensif de Québec (1757-1759) », Le marin du nord. Volume XXI, numéro 1, (Janvier 2011), pp. 47-58. 

[14] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, New York, Éditions St. Martin's Press, 1959, p. 48. 

[15] État officiel de la milice en 1750 extrait de : SULTE, Benjamin.  Histoire des canadiens-français 1608-1880. Montréal, Wilson & cie, 1882-1884, Tome VII, page 47.  Sous le régime français, les miliciens de l’Isle appartiennent à la capitainerie de Baie-Saint-Paul. 

[16] Nicet ou Nicette selon les auteurs, n’est pas son véritable prénom, mais plutôt un surnom qui ne nous permet pas aujourd’hui, de l’identifier positivement.  Comme il s’agit de miliciens de l’Isle et qu’il n’y a qu’une famille Dufour y étant établie à cette époque, il ne peut s’agir que de Jean François Dufour (1743-1818), le fils aîné de Gabriel Dufour. 

[17] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins. Éditions Ministère des affaires culturelles, 1972, Série Place Royale, 1972, page 59, Section 2, « Siège de Québec, Notes du capitaine Schomberg, copie d’un manuscrit déposé à la bibliothèque de Hartwell en Angleterre, Éditions des Presses de Fréchette & Cie., Québec, 1836. ». Et BLANCHET, Renée. Les filles de la Grande-Anse : histoire de la conquête. « Boulianne dit suisse ». Montréal, Les Éditions Varia, 2002, 328 pages. 

[18] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, du 10 mai au 18 septembre 1759.  Québec, Éditions Berthelot, 1922, page 12. 

[19] Il n’est pas certain si cet événement n’est pas le même que celui cité auparavant en date du six juin.  Les dates et le nombre de prisonniers diffèrent légèrement, mais la description qu’en font les auteurs est très similaire. 

[20] FichierOrigine #340024, Boulianne, Jean-Marc, 1er novembre 2013 pour l’occupation à son arrivée en Nouvelle-France.  De plus, une source mentionne que Jean Marc Boulianne n’aurait reçu son grade de capitaine de milice de l’Isle qu’en 1759.  Il est peu probable qu’en 1756 l’Isle ait été dépourvue de capitaine de milice puisque le Marquis de Montcalm lors de sa visite cette année-là était venu planifier la défense de la région et discuter d’un plan d’attaque contre l’anglais qui s’apprêtait à envahir.  Les annales ne révèlent pas d’autres noms que Boulianne après celui de Joseph Simon Savard comme capitaine de la milice pour l’Isle.  

[21] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, New York, Éditions St. Martin's Press, 1959, p. 49-51. 

[22] FRASER, Malcom.  Extract from a manuscript journal relating to the operations before Quebec in 1759.   Report of the council of the Literacy and Historical Society of Quebec, Québec, 1869, page 3.  Cité dans : MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815.  Québec, les éditions Septentrion, 2006, 355 pages. 

[23] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, New York, Éditions St. Martin's Press, 1959, p. 49-51. 

[24] BAnQ., Registre de l’Hôpital général de Québec, 28 juillet 1759. 

[25] L’Histoire ne nous a pas appris ce que François Lajoie était venu faire à l’Isle.  Il y avait probablement été posté pendant la guerre de Succession d’Autriche entre 1740 et 1748 comme tant d’autres soldats français.  Si l’on garde en tête que la Nouvelle-France avait perdu Louisbourg aux mains de la Nouvelle-Angleterre en 1745 et que les dirigeants français étaient toujours un peu inquiets que les pilotes de l’Isle ouvrent le chemin de Québec à l’anglais, la présence de soldats à l’Isle tombe sous le sens et c’est d’ailleurs ce qui motiva l’intendant Hocquart à y stationner des troupes à compter de 1745 jusqu’à la fin de cette guerre.  Deux compagnons, militaires également, servirent de témoins à François Lajoie lors de son mariage avec Brigitte Debien au beau milieu de novembre 1748.  Il est certain qu’à son jeune âge, Brigitte Debien n’était pas allée chercher son soldat à Québec.  La pratique de loger les militaires chez l’habitant pour défendre la colonie et les nourrir se répéta d’ailleurs au cours de la guerre de Sept Ans entre 1756 et même au-delà de la défaite en 1760 avant le retour en France des troupes.  Dans plusieurs récits militaires d’époque, on fait référence à l’importance stratégique de l’Isle, de ses pilotes et du besoin de la protéger d’attaques éventuelles. 

[26] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 340024. BOULIANNE, Jean Marc.  On ne connaît pas le parcours qu’il a suivi avant son arrivée en Nouvelle-France en 1738 comme soldat de la compagnie Saint-Vincent des troupes de la Marine.  Ce Suisse protestant, né dans un pays déchiré par la Réforme, qui est le théâtre de plusieurs guerres de religion dont celle de Villmergen en 1712, alors que ses parents sont forcés de se réfugier à Lausanne où ils se marient, aurait peut-être eu plusieurs raisons de fuir des gouvernements oligarchiques qui bloquent les réformes proposées par les Lumières et de se joindre à l’armée française.  Quoi qu’il en soit, ce mercenaire suisse n’en sera pas moins déloyal à la couronne française qui l’avait accueilli dans ses rangs.   Selon certains auteurs, Boulianne parlait un très bon anglais ce qui suppose qu’il aurait appris cette langue dans son pays natal, ce qui est peu probable, ou lors d’un long trajet qui l’aurait amené dans les rangs d’une compagnie Franche de la marine française. 

[27] CHARTERS, David A. et Sutherland, Stuart R. J. « Gorham, Joseph ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume IV (Décès de 1771-1800).  On prétendra plus tard que les actions de Gorham étaient menées en représailles pour les attaques des habitants contre les transports britanniques.  Les annales relatives à la conquête ne traitent pas de ces attaques par les habitants.  En septembre, quand on incorporera sa compagnie aux troupes du major George Scott, il détruira les paroisses allant de Kamouraska à Québec sur la Côte-du-Sud.  Gorham était celui que Wolfe utilisait pour l’exécution de ses basses œuvres aux fins d’affamer, apeurer et soumettre la population avec l’intention avouée de les convaincre de retourner dans la veille France.  Wolfe avait mal compris que peu des habitants des campagnes étaient Français de naissance et que ces mêmes habitants s’étaient attachés à cette France nouvelle qui les avait vus naître.  La couronne britannique fera la même erreur dans moins de vingt-cinq ans un peu plus au sud quand elle imposera des taxes à ses treize colonies d’Amérique du Nord sans les consulter ; les colons nés en Amérique lanceront une révolte qui amènera l’indépendance des États-Unis. 

[28] TREMBLAY, Jean-Paul-Médéric. Tout un été de guerre. Baie-Saint-Paul, Société d’histoire de Charlevoix, 1986. 116 pages.

[29] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 10 août 1759.  Les registres de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle-aux-Coudres se sont tus après le mariage de Jean Baptiste Perron (1737-1825) et de Marie Josephe Bouchard (1741-1781) le 1er mai 1759 l’île ayant été abandonnée peu de temps par la suite.  C’est à la baie Saint-Paul que furent enregistrés la plupart des naissances, mariages et décès de la population de l’Isle, et ce jusqu’au 24 septembre 1759 alors que l’on baptise à l’Isle la petite Marie Charlotte Bilodeau née cachée avec sa mère dans les bois de l’arrière-pays de la baie Saint-Paul le 17 juin.

[30] MONTCALM, Marquis de. Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada 1756 à 1759, sous la direction de l’abbé H.-R. Casgrain. Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & Frère, 1895, 627 pages, 31 août 1759.

[31] FOURNIER, Marcel. Les Européens au Canada des origines à 1765, Hors France : « Boulianne ». Montréal, Éditions du Fleuve, 1989, page 85. 

[32] LAPOINTE, Pierre. Les personnages du siège de Québec par les Britanniques, 1759, Bataille des Plaines d’Abraham. Lévis, Les Éditions à Mains Nues inc., 1998, 27 pages. 

[33] FOLIGNÉ, Jérôme. Journal des faits arrivés à l’arme de Québec, capitale dans l’Amérique septentrionale dans la campagne de 1759. Québec, Presses de la communauté des sœurs franciscaines, « Séries Champs de bataille », #5, édition de 1901, 100 pages. 

[34] Knox, op. cit., I : 361. Et Gorham à Wolfe, lettre citée. 

[35] Terminée en 1750 : Hector-Louis Langevin, op. cit., 36 ; Les Éboulements et l’Ile-aux-Coudres, 7. 

[36] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 1er mai 1759 et 22 mars 1760. 

[37] LAUZIER, Roch. op. cit. 

[38] Aujourd’hui Neuville. 

[39] À la suite de la mort de Montcalm et de la prise de Québec, le 13 septembre François Gaston de Lévis (1719-1787) prend le commandement des armées.  En 1760, il marchera sur Québec avec l’armée française (2600) et les miliciens volontaires (2400) venus de partout en Nouvelle-France.  Le 28 avril il remportera la bataille de Sainte-Foy, près de Québec.  Il assiègera la ville mais ne pourra la reprendre, l’arrivée de renforts britanniques rendant toute tentative en ce sens illusoire.  Il se retranchera sur l’Île Sainte-Hélène, près de Montréal, et brûlera les drapeaux français lors de la capitulation de 1760. 

[40] LACOURSIÈRE, Jacques.  Histoire populaire du Québec : Des origines à 1791.  Vol. 1.  Québec, Les éditions du Septentrion, 1995, pages 331-332. 

[41] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, le 27 octobre 1760.  Marie Louise Delage reste introuvable à l’Isle à cette époque.  Le missionnaire de passage s’est probablement mépris dans le prénom de Marie Anne Delage (1732-1809), la seule Delage habitant l’île.  Marie Anne Delage s’avère être voisine de Dominique et Geneviève.

[42] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 27 octobre 1760.

[43] Ibid., 17 octobre 1763. 

[44] Ibid., 8 octobre 1764. 

[45] L’oncle André est fils de Marie Letartre, du troisième lit de Louis Tremblay.  Rosalie, la mère de Dominique avait pour mère Marie Perron, la première femme de Louis Tremblay.

[46] DE LA CORNE, Luc. Journal du voyage de M. Saint-Luc de la Corne, écuyer, dans le navire l’Auguste, en l’an 1761. Montréal, Fleury Mesplet, imprimeur & libraire, 1778, pages 2-18. 

[47] SHORT, A. et A.G. Doughty.  Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791, première partie.  Ottawa, imprimeur du roi, 1921, page 25. Ordonnance d’Amherst du 22 septembre 1760. 

[48] BAnQ., Fonds Fraser, P81/1, correspondance Malcom Fraser, #82. 

[49] L’Isle fut desservi par des missionnaires jusqu’en 1770.  Un curé résidant, l’abbé Charles Garrault s’y installa pour une courte période entre juin 1748 et juillet 1750. 

[50] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, le 28 septembre 1761. 

[51] Ibid., 11 avril 1763. 

[52] MYRAND, Ernest. Noëls anciens de la Nouvelle-France. Québec, Dussault et Proulx imprimeurs, 1899, page 171 et 172. 

[53] BAnQ., « Recensement du gouvernement de Québec en 1762 par Jean-Claude Panet », 5 avril 1721.  Rapport de l’Archiviste de la province de Québec pour 1925-26, 310 pages, pages 140-141 et TRUDEL, Marcel.  Le régime militaire et la disparition de la Nouvelle-France, 1759-1764, op. cit., page 58.  Trudel avance que le recensement fut commandé par le gouverneur Murray, probablement au printemps 1761 et transmis en Angleterre en avril 1762.  Si tel fut le cas, Marie Anne ne serait pas le deuxième enfant mentionnée sous le toit de Dominique.  Un tel scénario est impossible puisque le registre de la paroisse et de celles environnantes ne comportent aucun baptême d’un enfant de Dominique et Geneviève entre ceux de François en 1760 et Marie Anne en décembre 1762. 

[54] Néologisme québécois : Nom sous lequel les habitants désignent en général les jeunes veaux et génisses (taure). Dans : VIGER, Jacques. Néologie canadienne, ou Dictionnaire des mots créés en Canada & maintenant en vogue ; – des mots dont la prononciation & l’orthographe sont différentes de la prononciation & orthographe françoises, quoique employés dans une acception semblable ou contraire ; et des mots étrangers qui se sont glissés dans notre langue. Montréal, éditions Jacques Viger, 1810, manuscrit 1, page 88. 

[55] LALANCETTE, Mario.  La seigneurie de l’île-aux-Coudres au XVIIIe siècle.  Montréal, Les presses de l’Université de Montréal, 1980, page 29 et A.S.Q., Séminaire, manuscrit S-221, comptes de la Petite-Ferme, pages 79, 81 et 86. 

[56] Fichier Origine #242239.  Et TANGUAY, Cyprien.  À travers les registres : notes recueillies. Édition Librairie Saint Joseph, Cadieux & Derome, 1886, page 185. Et BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, le 26 mars 1763.  Baptême d’Abraham Louis Lagüe.