Au printemps 1759, Dominique Hervé (1736-1812) et les autres censitaires de l’Isle aux Coudres découvriront et entendront probablement pour la première fois de vrais coups de canon, pas ceux qui avisent le pilote de se présenter au Mouillage des Français, mais ceux de la guerre. Ils vivent leurs premières heures troubles de la « Conquête ».
Les autorités savent que l’anglais attaquera Québec tôt en 1759. L’été précédent, la ville-forteresse de Louisbourg, porte d’entrée de la Nouvelle-France, avait succombé pour une deuxième fois à l’assaut de l’anglais. Cette fois-ci, c’est l’impressionnante armada du général Jeffrey Amherst comptant près de seize mille hommes qui donna l’assaut. L’anglais s’était même engouffré profondément dans le golfe et avait ravagé les petits postes de traite et de pêches de Sept-Îles et de Sainte-Anne-de-Portneuf.
Sur la foi des témoignages des pilotes canadiens et marins français, les autorités coloniales ont cependant confiance que les aléas de la navigation entre l’île aux Coudres et Québec, en passant par la Traverse, serviront de frein à l’avancée de l’anglais. Nos pilotes, gardant jalousement les secrets du passage pour atteindre Québec, avaient sans doute un peu surestimé les dangers qui attendaient les navires de l’anglais pour ainsi protéger « leurs intérêts et les moyens de faire fortune »[1]. Le gouverneur et ses attachés militaires semblaient également avoir oublié que Phipps s’était rendu sans embâcle à Québec en 1690 avec une flotte de trente-cinq navires.
De plus, personne ne semble soupçonner que la flotte anglaise peut maintenant compter sur dix-sept pilotes canadiens, recrutés parmi ses prisonniers faits à Louisbourg, Gaspé et lors de prises de navires en Europe[2]. Parmi eux, Pierre Lagüe (1715-post.1773) de l’Isle aux Coudres[3]. Ce navigateur français de Bordeaux était arrivé au pays vers 1753 et s’était d’abord établi à la baie Saint-Paul[4]. Pilote de métier, il s’était rapidement amené à l’île où il avait épousé la cousine de Dominique, la fille de l’oncle François Xavier Tremblay (1695-1755), en 1756. Madeleine Françoise Tremblay (1724-1804) lui avait donné quatre enfants. Alors qu’il pilotait sur le fleuve, il fut fait prisonnier[5].
Outre la difficulté de navigation entre l’Isle aux Coudres et Québec, il semble bien que le seul autre moyen défensif à avoir été mis en place par le gouverneur Vaudreuil et le marquis de Montcalm soit celui de compter sur le déploiement de « cageux » contre la flotte de l’envahisseur. Après la perte de Louisbourg aux mains des Britanniques en 1745, l’intendant Hocquart avait fait construire des cageux à l’Isle aux Coudres dès l’année suivante[6]. Les insulaires avaient tiré des revenus intéressants de la construction de ces dispositifs de défense en fournissant et transportant les matériaux et en logeant les soldats. La pratique de loger et de nourrir des militaires chez l’habitant pour défendre la colonie se répéta d’ailleurs au cours de la guerre de Sept Ans à compter de 1756[7]. Vers la fin de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) des soldats français furent postés sur l’île. En 1747 par exemple, devant l’imminence d’une attaque, ce sont « 175 hommes qui furent recrutés pour passer à l’isle aux Coudres » pour manœuvrer les cajeux[8].
En avril, en préparation de la campagne de 1759, le gouverneur avait spécifié :
« Les hommes resteront à l’Isle aux Coudres… Aussitôt que l’ennemi sera à la vue et engagé dans le mouillage de la prairie, ils manœuvreront les cageux de l’île et profiteront du désordre qu’ils produiront pour passer au nord (baie Saint-Paul), où, tous réunis, ils pourront harceler l’ennemi s’il veut mettre pied à terre, ayant toujours les caps pour se replier sans crainte d’être poursuivis. » [9]
Tôt au printemps Dominique et les autres miliciens de l’Isle aux Coudres sont requis à Québec pour travailler aux retranchements ainsi qu’à la construction de nouvelles batteries et palissades. Sans que l’on sache l’assignation exacte des miliciens de la région, on peut penser qu’ils furent affectés à Beauport, pour l’installation de la barrière de bois qui fera quatre kilomètres de long entre la rivière Saint-Charles et la Canardière, aux retranchements en hauteur, aux redoutes et aux batteries flottantes plus à l’est[10]. Ces miliciens reçurent l’ordre de retourner dans leur île au début mai. La marine anglaise quitte le port d’Halifax le 5 mai 1759 en direction de Québec, mais comme on le verra, c’est plutôt l’avant-garde de la flotte anglaise dirigée par l’amiral Philip Durell avec dix navires et trois bateaux de transports qui prend le large et sa destination est d’abord l’île aux Coudres. L’anglais avait compris qu’en prenant la petite île, il bloquerait la navigation sur le Saint-Laurent, empêchant du même coup le ravitaillement ou des renforts français d’arrivée à bon port ; il sera cependant pris de court par les navires français.
Le Marquis de Montcalm est averti des préparatifs britanniques et attend l’anglais de pied ferme, mais croit que la Nouvelle-France manquera de vivres durant l’été. Les récoltes de l’année précédente avaient été catastrophiques et l’imposante flotte ennemie risquait d’intercepter les vaisseaux français censés ravitailler la colonie.
Le 9 mai, les résidents de l’Isle aux Coudres poussent donc un grand soupir de soulagement lorsqu’ils voient arriver une première voile française. Il s’agit de la frégate la Chézine de vingt-six canons. Elle précède un convoi de seize transports chargés de provisions du marchand de Québec Joseph Michel Cadet (1719-1781) auquel, soit dit en passant, l’île avait été affermée pour neuf ans par le Séminaire en 1750[11]. Parti de Bordeaux à la fin mars, la frégate avait quitté le convoi en cours de route et était arrivée la première à l’île avec à son bord le colonel Bougainville (1729-1811), aide de camp de Montcalm, et ses hommes de troupe constitués essentiellement de recrues[12]. Elle sera conduite à Québec le lendemain. Des navires de Sa Majesté sont également en route vers l’île. Les marins des navires, une fois ancrés au Mouillage, en profitent comme à l’accoutumée pour s’approvisionner en eau fraîche et laver leur linge au ruisseau de la Lessive[13]. Au total, ce seront vingt-trois voiles arborant le pavillon français qui passeront sous le nez de la flotte anglaise avant le 20 mai, alors que l’avant-garde britannique mouille au large du Bic et interdit l’accès au fleuve[14]. Dominique et les autres pilotes de l’île sont chargés de conduire les navires marchands à Sainte-Anne de Batiscan, où les vivres sont stockés. Il s’agissait d’une mesure de prudence pour le cas où si, par malheur, Québec tombait aux mains de l’anglais[15]. L’expertise des pilotes de l’Isle aux Coudres couvrant le fleuve du Bic jusqu’à Québec, il est fort probable que Dominique et les autres pilotes aient été remplacés à Québec par des confrères qui connaissaient le fleuve au-delà de cette ville.
Le 19 mai, les habitants du Bic aperçoivent au loin des bateaux qui battent pavillon anglais[16]. Des feux sont allumés, tout le long du fleuve, pour annoncer aux villages plus au sud que l’ennemi est à nos portes. Le mardi 22 mai, le marquis de Vaudreuil (1698-1778)[17], gouverneur de la Nouvelle-France, ordonne aussitôt l’évacuation des habitants de la Côte-du-Sud, de l’Isle d’Orléans et de l’Isle aux Coudres. Il envoie immédiatement à la baie Saint-Paul un détachement de l’armée de Montcalm. Charles François Tarieu de La Naudière (1710-1776), fils de Madeleine de Verchères et officier dans les troupes de la Marine, est envoyé avec trois cents hommes à l’Isle aux Coudres, pour déployer les « cageux » avec les miliciens de l’Isle afin d’enrayer l’avance de la flotte anglaise qui remontait le Saint-Laurent. François Louis Poulin de Courval (1728-1769), officier de marine et capitaine de navire marchand, est également envoyé pour seconder Tarieu de La Naudière. Courval venait tout juste d’arriver à Québec le 17 sur son navire le Bienfaisant rempli de provisions et de munitions. Il était l’un de ceux qui avaient devancé la flotte anglaise[18]. Les navires français, le Neptune et le Saint-Denis, jettent l’ancre au Mouillage, au pied du chemin des Prairies, pour y faire descendre hommes et munitions. Parti le 22 mai pour l’île aux Coudres, Tarieu de La Naudière n’eut pas le temps de mener l’opération à bien[19] le 23 mai, veille de l’Ascension, les premières voiles anglaises doublent le cap aux Oies, ce qui marquera la fin des secours français. Les guetteurs postés au bout d’en bas de l’île alertent alors sa population[20].
C’est la stupeur générale dans la famille de Dominique et partout à l’île ! Geneviève Savard (1736-1781) et lui, qui est sans doute revenu de Batiscan, préparent leurs hardes à la hâte. Pendant deux jours[21], les insulaires descendent sur la grève avec des charrettes à foin et des tombereaux surchargés de cage à poules, d’outils, de literie, d’ustensiles de toutes sortes, de vêtements et surtout de provisions qu’on ne voulait pas laisser à l’anglais. Selon le plan établi, les femmes, les enfants, les vieillards et les invalides devaient tous se rendre à Saint-Joachim. Devant l’urgence de la situation, la population de l’île se réfugie plutôt à la baie Saint-Paul où elle rejoint les habitants du secteur, pour la plupart des parents qui sont abrités dans des cabanes, spécialement construites pour la circonstance, dans les bois du cap de la Baie. Certains insulaires restent et se cachent dans les bois du haut du cap à Labranche, emportant avec eux leur bétail et leur mobilier de valeur[22]. Ils n’y resteront pas longtemps et rejoindront les camps de fortune du cap de la Baie. Au plus fort de l’été, on y comptait près de six cents habitants terrés. L’atmosphère inspire la peur. Les habitants craignent que leurs installations à l’Isle, aux Éboulements, à la Petite-Rivière Saint-François et à la baie Saint-Paul ne soient entièrement détruites par l’anglais[23]. Dans la précipitation, Dominique, comme les autres insulaires, n’avait eu guère le choix que de laisser chevaux et bestiaux à l’Isle. Une fois débarqué, le conquérant s’emparera des bêtes pour se nourrir[24]. Le départ est précipité puisque lorsque Durell ordonnera à une compagnie de ses hommes d’aller sécuriser l’île avant le débarquement du plus gros de ses troupes, ils trouveront des feux dans certaines cheminées et du pain dans des fours récemment cuits[25].
La flotte anglaise, composée de plus de deux cents voiles manque désespérément de pilotes pour la guider vers Québec. Aux côtés des pilotes brevetés, il y a des habitants qui, comme Dominique, ont acquis une connaissance empirique du fleuve Saint-Laurent. Naviguant à l’estime, ces gens sont eux aussi dans la mire de l’anglais. Durell et son avant-garde lorsqu’ils s’approcheront du mouillage de la Prairie, arboreront le drapeau français afin de capturer les pilotes de l’île. Le subterfuge ne prendra pas puisque l’île est déjà désertée à son approche et que les guetteurs l’avaient identifié lors de son passage du cap aux Oies[26].
Le dimanche 27 mai, le vaisseau de guerre Princess Amelia jette l’ancre à l’Isle aux Coudres, au Mouillage des Français qui deviendra sous peu le Mouillage de La Prairie, faute de Français[27].
« … le 27 du présent, les vaisseaux anglois étoient venus mouiller à l’Isle aux Coudres, qu’ils y sont au nombre de 13 ou 14, mais qu’il ne sçait pas précisément s’il y a beaucoup de vaisseaux de guerre, qu’aussitôt que le dit M. de la Naudière les avoit vus venir à ce mouillage, il ne s etoit occupé que de sa retraite qui s’est faite avec beaucoup de précipitation, abandonnant armes, munitions, ainsy que du monde, sur la dite Isle, se retirant en cet ordre par le travers de l’église de la Petite Rivière, environ à 24 de lieue dans le bois où il est maintenant en observation »[28].
Tarieu de La Naudière, qui avait battu peu glorieusement en retraite à la vue des vaisseaux venus s’ancrer au mouillage, avait d’abord donné instruction de faire brûler les « cageux » déjà construits et tout ce qui aurait pu être utilisé par l’ennemi. Ces ouvrages devront « toutefois être détruits sur place, faute de temps ». Les officiers de la milice de l’Isle, qui devaient « lancer des radeaux chargés en direction des navires » anglais « attendus au mouillage de la Prairie » durent se charger du travail[29]. Tarieu de La Naudière arriva à Québec le 1er juin[30].
L’île est apparemment déserte, le lendemain, l’anglais fait descendre difficilement des troupes[31]. L’opération de sécurisation de l’île par une compagnie est longue, puisqu’à cette époque la forêt en recouvre encore une bonne partie[32]. De fait, les forces anglaises s’installeront éventuellement à l’Isle aux Coudres, principalement dans la Prairie. À l’époque de la conquête jusqu’en 1770, la Prairie est partie du Domaine du seigneur de l’île, ces messieurs du Séminaire de Québec. C’est encore le seul endroit inhabité sur le pourtour de l’île. L’anglais, tout au cours de l’été, occupera cet espace et postera des vigies au bout d’en bas (secteur Est de l’île). Pour la plus grande partie du printemps et de l’été, les Britanniques ne feront sans doute que patrouiller le reste du territoire. Les miliciens, certains retranchés dans les bois sur l’île au bord du fleuve, observent l’anglais débarquer chez eux[33]. Les troupes anglaises qui sont à terre ont de la difficulté à regagner leur navire, en raison du fort courant et du peu de connaissance qu’ils possèdent des marées dans le secteur. Ils apprendront cependant très rapidement grâce en autre, à la présence de Denys de Vitré, un pilote français né à Québec, à la solde des Britanniques depuis qu’il fut fait prisonnier en Angleterre[34].
Carleton, qui est colonel en Amérique du Nord pour les Anglais, est chargé d’établir une base avancée à l’Isle aux Coudres et c’est à l’amiral Durell qu’il avait confié la tâche. L’île sert donc durant tout le printemps et une partie de l’été d’avant-poste aux troupes anglaises, avant la bataille des plaines d’Abraham à la mi-septembre et permet à l’anglais de bloquer toute arrivée de renfort par le fleuve, tout en dirigeant la circulation de ses propres navires qui vont vers Québec ou qui en reviennent[35]. Une fois installée à l’île, l’avant-garde anglaise a tout le loisir de dépêcher des marins chevronnés en éclaireurs afin de déterminer les passages sécuritaires pour atteindre Québec. De plus, l’île devient l’hôpital de campagne des troupes anglaises ; on y soigne les centaines de soldats déjà atteints de dysenterie, de scorbut et de typhus à leurs arrivées. Des tentes sont érigées dans la Prairie pour les recevoir. C’est également à l’Isle que seront rapatriés les nombreux blessés. Les habitants de l’île vivront donc « tout un été de guerre » hors de chez eux et même une année complète.
Dès qu’on avait appris que l’anglais remontait le fleuve, chaque homme âgé de seize à soixante ans avait dû se rapporter à sa compagnie de milice. La milice intégrera officiellement l’armée régulière le 1er juin 1759. Les miliciens de l’Isle aux Coudres, de la baie Saint-Paul et de Petite-Rivière tentent de résister aux Anglais, mais leurs moyens de défense sont dérisoires et ils sont trop peu nombreux, cent quatre-vingt-douze tout au plus. La milice dite de la baie Saint-Paul comprenait alors les habitants demeurant de chaque côté de la rivière du Gouffre, unis à ceux de Petite-Rivière (73), de l’Isle aux Coudres (94) et des Éboulements (25)[36]. À cette petite capitainerie de la baie Saint-Paul, l’anglais oppose un navire amiral de quatre-vingts canons et toute une flottille de treize autres vaisseaux. Le rôle des miliciens sera donc de harceler la flotte anglaise. C’est ce qu’ils feront tout l’été, harcelant les soldats débarqués à l’île et les marins qui tenteront de sonder le fleuve pour en établir la cartographie[37].
Le 31 mai, Joseph Boucher de Niverville (1715-1804), officier des troupes de la colonie et interprète auprès de « sauvages Abénakis », est envoyé à la baie Saint-Paul à la tête d’un détachement d’une quarantaine de miliciens canadiens et d’une centaine d’Abénaquis dans le but d’y empêcher toute tentative de débarquement[38] et « pour aller à l’Isle aux Coudres afin d’examiner les ennemis et pour y faire quelques prisonniers, s’il luy est possible. »[39]. Arrivée à la baie Saint-Paul, sans que l’on sache pourquoi, Niverville se contenta de se poster et d’observer les vaisseaux anglais à distance[40]. Il refusa également aux miliciens de l’île de s’y rendre pour constater l’état de leurs bâtiments. Il s’agissait de la deuxième fois qu’un office militaire leur refusait de se rendre à l’île, le premier ayant été Tarieu de La Naudière quelques jours auparavant[41].
Certains miliciens, dont Dominique[42] et son beau-frère Pierre François Savard, qui connaissent l’Isle, sont indignés de l’inaction de Niverville. Ils n’ont pas le choix de se défendre, car l’anglais veut leurs terres et ils ne veulent pas que se répète ici ce qu’il a fait en Acadie. Ils veulent voir l’état de leurs biens à l’île. Plutôt que de se voir réduits à ne rien faire, ils s’aventureront sur l’île à quelques reprises à partir de la baie Saint-Paul[43].
Le 6 juin, à l’insu de Boucher de Niverville, un groupe d’insulaires miliciens se rendent sur l’île « qu’à nuit toute noir » afin d’observer les activités des Anglais et d’y faire des prisonniers[44]. On présume que Jean Marc Boulianne (1716-post.1790), capitaine de milice[45] n’aurait pas désobéi aux ordres de Niverville et n’accompagnait pas le groupe cette fois-ci. Parmi ces hardis miliciens, on comptera probablement plutôt sur Nicolas Joseph Desgagnés (1699-1780), d’Ignace Brisson (1702-1770), Pierre François Savard (1712-1779), Gabriel dit Nicet Dufour (1714-1781), Charles Demeules (1724-1759), Alexis Perron (1734-1807) et Dominique Hervé[46]. Pierre François Savard[47], le pilote, frère de Geneviève, et Nicet Dufour[48] réussissent même à capturer trois soldats anglais lors de cette expédition[49]. Les prisonniers sont remis à M. de Niverville qui les ramène à Québec[50]. Ces captifs fournissent des informations sur la flotte britannique qui arrive[51].
Des vents défavorables retiennent le gros de la flotte anglaise dont l’avant-garde avait [rejoint l’Isle aux Coudres en mai[52]. Le samedi 23 juin, les premiers navires de cette flotte, dont celui de Wolfe, rejoignent ceux de l’amiral Philip Durell vis-à-vis de l’Isle aux Coudres. Leur arrivée est encore une fois observée par les miliciens dès qu’ils commencent à doubler le cap aux Oies. Un parti de miliciens de l’île et d’autochtones s’y rend alors pour les accueillir.
Durell, avec ses navires, protégeait le fleuve contre l’arrivée de renforts français s’il y en avait eu, mais il gardait mal le bout d’en haut, où la milice pouvait assez facilement débarquer. De fait, sur l’île au cours du printemps, un détachement complet d’infanterie légère composé de deux cents hommes[53] s’était installé dans la Prairie, plus facile à garder[54]. Outre sa prairie, le Domaine est encore fortement boisé. Les Britanniques ne feront sans doute que patrouiller dans l’île et piller pour leurs besoins le reste du territoire puisqu’il semble que la milice avait investi et investira l’île avec une certaine facilité, et ce, à plusieurs reprises, en entrant probablement par le bout d’en haut. Quoi qu’il en soit, ce samedi 23, Wolfe et les nouveaux navires de la flotte anglaise jettent donc l’ancre à environ une lieue en aval de l’Isle. Deux chaloupes anglaises sont mises à l’eau et l’anglais tente de débarquer quelques-uns des siens par le bout d’en bas de l’île. Ces chaloupes à fond plat sont longues de trente à trente-six pieds, mues à la rame par une vingtaine de matelots et sont capables d’emporter de cinquante à soixante-dix soldats ou une pièce d’artillerie. Les miliciens de l’Isle, dont Dominique on le présume, et des « Sauvages », prennent les choses en main et empêche l’anglais d’atteindre le rivage. Les chaloupes britanniques sont forcées de retraiter[55].
Le lendemain, les miliciens font feu sur un sloop[56] et un schooner anglais qui s’approchent de la baie Saint-Paul[57].
Comme le plus gros de la flotte anglaise a dépassé l’île Durell, qui assume le contrôle de l’Isle aux Coudres depuis son arrivée un mois plus tôt, le 24, il remplace le détachement de soldat qui s’y trouvait, lequel s’embarque pour Québec. Au bout d’en bas de l’Isle (est), il positionne des matelots armés et il installe cinquante fusiliers marins de la Royal Marines au bout d’en haut, là d’où les attaques de la milice sont venues le plus souvent. Ce dernier contingent construira, inutilement en fait, quelques petites redoutes à l’ouest de l’île pour prévenir un débarquement de la milice[58].
Le lundi 25, c’est la flotte du vice-amiral Charles Saunders qui arrive à son tour vis-à-vis de l’Isle aux Coudres[59][. Cette fois-ci on ne tente pas d’y débarquer, on ne fait que passer après y avoir mouillé. Wolfe arrive devant Beauport le 26 juin.
Au début de juillet, Durell ordonne à ses hommes demeurés à l’île aux Coudres de se saisir de tous les chevaux sur l’île et de les expédier vers Québec pour servir l’invasion. On ne connaît pas le nombre de chevaux ainsi saisis, mais ils furent assez nombreux pour nécessiter plusieurs bateaux pour leur transport[60]. À leur retour, Dominique et les autres insulaires devront se passer de la force chevaline pour leurs labours et leurs déplacements.
Vers la fin juin, le capitaine de milice Boulianne avait informé les miliciens qu’ils devaient se rassembler à Québec, car le gouverneur croyait qu’au premier vent favorable, la flotte anglaise débarquerait. Boulianne, qui avait été soldat dans la compagnie Saint-Vincent des troupes de la Marine, bénéficiait de la confiance du gouverneur Vaudreuil[61]. Il était probablement celui qui, avec Pierre François Savard, avait conféré avec le Marquis de Montcalm lors de sa visite en 1756 pour préparer la défense de la région. Jusqu’à sa mort en 1755, Joseph Simon Savard, le beau-père de Dominique, avait toujours été le capitaine de milice à l’Isle. Il semble que par la suite, son fils aîné Pierre François l’ait remplacé, alors que l’un de ses gendres, Boulianne, marié à son aînée Charlotte (1714-1770), a été nommé lieutenant pour l’ensemble de la région bien que dans les écrits qui nous sont parvenus, on le qualifie de capitaine[62]. Dominique et les autres hommes en âge de servir quittent donc femmes et enfants pour se rendre à Québec dans les jours qui suivent, ne laissant derrière eux qu’une milice réduite, maintenant que le plus gros de la flotte anglaise a passé la Traverse. Le détachement devait être assez imposant puisque la région dispose d’environ deux cents miliciens, provenant de l’île, de la baie Saint-Paul, de Petite-Rivière et des Éboulements. Or, au début d’août, le village de la baie Saint-Paul n’aura plus qu’une trentaine de miliciens pour se défendre d’une attaque anglaise[63]. Le détachement de milicien arrive à Québec le 12 juillet. On ne sait pas avec certitude comment le détachement de miliciens s’y est rendu, mais comme ces derniers avaient souvent lancé des attaques contre des chaloupes et des petits navires anglais qui sondaient le fleuve entre l’Isle aux Coudres et l’île d’Orléans, on peut présumer que le groupe navigua avec une relative facilitée jusqu’à Saint-Joachim pour passer les Caps et peut-être même aller plus loin. Les Anglais, encore craintifs du chemin de Traverse, ne contrôlaient pas totalement le fleuve, à cet endroit comme ailleurs ; à preuve, parti de Québec au début juin, le capitaine de navire français Jean Barré (1694-1776) avait déjoué l’escadre anglaise et était arrivé à Bordeaux le 16 juillet[64]. Comme le groupe de miliciens « a évité le camp ennemi qu’il ne savait pas dans cette partie », on peut facilement présumer qu’une partie du trajet s’est fait à pied, ce qui supposerait que les miliciens aient quitté la baie Saint-Paul vers le 10 juillet. Si d’autre part les miliciens avaient emprunté le sentier des caps à pied, ce qui est peu probable, leur départ aurait eu lieu plutôt vers le 8 ou le 9 juillet[65].
Dominique, conscrit comme miliciens, défendra Québec et ses alentours des attaques et des bombardements incessants des Anglais qui reprenaient chaque jour, pour les nuits où ils s’arrêtaient. Ils défendront surtout les battures de Beauport contre d’éventuels débarquements anglais. Un de ces insulaires y perdra la vie en juillet : la cousine de Dominique, Brigitte Debien (1728-1810), ne reverra plus son mari François Lajoie (1725-1759) qui succombe à ses blessures à l’Hôpital général de Québec[66]. François, Français d’origine, était un soldat de métier qui avait été posté à l’Isle pendant la guerre de Succession d’Autriche, entre 1740 et 1748, comme d’autres soldats français. Il était toujours à l’Isle lorsqu’il épousa Brigitte en 1748[67]. Alors que l’épidémie de l’hiver 1758 avait multiplié les orphelins à l’Isle, c’était maintenant la guerre qui en faisait cinq de plus. Il tombe sous le sens que les miliciens de l’île durent participer à la bataille de Montmorency sur les battures de Beauport le 31 juillet[68].
En juillet, les miliciens demeurés à la baie Saint-Paul continuent de nuire aux déplacements des navires légers de la flotte britannique, lesquels font la navette entre l’île aux Coudres et Québec. Le 9 juillet, les miliciens canardent des bateaux anglais dans le chenal du Nord[69]. Bien que ce ne soit qu’une hypothèse, il est possible que cette attaque ait été menée par les miliciens, juste avant le départ d’un détachement des leurs pour Québec. Il ne fallait pas éveiller les soupçons des Britanniques sur la réduction du nombre d’hommes dans la région pour le cas où leur viendrait l’idée de tenter un débarquement à baie Saint-Paul ?
La plus grande partie des forces britanniques qui était toujours à l’île aux Coudres part pour Québec à la mi-juillet. Seuls deux vaisseaux de guerre, le Prince Frederick et le Bedford plus quelques petits navires sont laissés derrière pour garder le fleuve à la hauteur de l’île[70].
Après la bataille de Montmorency, les miliciens de la région qui sont venus défendre les environs de Québec sont renvoyés à leurs champs pour le temps des récoltes, comme la majorité des miliciens de la colonie.
Le 3 août, entre chien et loup, un groupe de miliciens au nombre de sept prirent la direction de l’île en canot où étaient toujours cantonnés une partie de l’arrière garde de la flotte anglaise, pour observer l’ennemi et « pour essayer à faire quelques prisonniers »[71]. Une embuscade est dressée « par un parti de Canadiens et de sauvages, sur la pointe des Sapins, qui forme l’extrémité sud-ouest de l’île » et on y fait quelques prisonniers[72]. Parmi les miliciens qui étaient tous des insulaires[73], on compte entre autres Jean Marc Boulianne dit Suisse[74], Pierre François Savard et Charles Demeules, trois beaux-frères de Dominique, accompagnés de Joseph Debien (1722-1769), d’Augustin Lavoye (1729-1810) et de Guillaume Tremblay le fils (1738-1795). Pendant l’opération, Boulianne prit ses jambes à son coup et monta sur une frégate anglaise[75]. Comprenant la traîtrise de Boulianne le groupe retourna à leur embarcation. Dans les instants qui suivirent, des barques anglaises se mirent inutilement à leur poursuite[76]. Pendant ce temps et pour toute la durée de la guerre de conquête, la sœur de Geneviève, Charlotte Savard (1714-1770), femme de Boulianne demeure avec ses quatre enfants, dans les camps de fortune du Cap, comme les autres infortunés de l’Isle. Boulianne, par ses fonctions dans la milice, connaît les caches des miliciens et l’emplacement de la population terrée dans les cabanes. Vendra-t-il les siens ?
Le 6 août, une troupe de « British imperial Rangers » dirigés par le capitaine Joseph Goreham (1725-1790) quittent la région de Québec sur des navires en direction de la baie Saint-Paul avec instruction de dévaster l’endroit et ses environs. Le 8 août, les miliciens de guet aperçoivent un sloop de guerre à trois mats, ainsi que plusieurs sloops de transport de troupes qui descendent le fleuve. Venant des environs de Québec, les navires s’ancrent au mouillage de l’Isle aux Coudres[77]. Les guetteurs ont compris que la petite armada ne venait pas simplement prendre du repos à l’île. Les miliciens restants, une trentaine tout au plus[78], regroupés à la baie Saint-Paul sont avertis et descendent au sud de la baie pour attendre les Britanniques.
Disposant maintenant d’un traître à leur service, six jours après que celui-ci ait changé d’allégeance, les « Goreham’s Rangers » traversent le chenal nord pour débarquer à la pointe d’Aulnes sur les rives de la baie Saint-Paul au petit matin du 9 août 1759. Ils sont accueillis par une salve de mousquets des miliciens qui fait un mort et huit blessés chez les Britanniques. Étant donné qu’un détachement de miliciens est à Québec, ceux qui sont demeurés dans la région ne font pas le poids contre Goreham qui dispose de deux cent cinquante hommes[79]. Ils doivent retraiter. Les rangers pourchassent alors sans merci les miliciens qui se réfugient dans les bois avoisinants et qui se défendent comme ils peuvent.
Les Rangers de Goreham n’en étaient pas à leurs premières rapines, car ils avaient déjà débarqué aux Éboulements et aussi sur la Côte-du-Sud, dans les villages de la Grande-Anse à Rivière-Ouelle et Sainte-Anne en autres. Cette fois-ci, il ne s’agira pas d’un simple pillage ! Il s’agit d’une dévastation. On dira du côté anglais qu’ils voulaient punir la milice pour ses raids incessants sur les troupes et navires demeurés à l’Isle aux Coudres et travaillant à cartographier le fleuve[80]. Il n’en est rien. Les miliciens tiraient du mousquet contre les navires britanniques, des attaques bien futiles, mais qui insultait l’anglais bien plus qu’elle ne l’embêtait. Le vrai motif de cette attaque de Goreham est qu’après sa défaite à la bataille de Montmorency le 31 juillet, Wolfe dénombrait deux cent dix morts et deux cent trente blessés. Frustré de ses déboires, il enclencha dès lors une campagne de peur et de destruction contre les civils. Au cours du seul mois d’août, environ mille quatre cents maisons, granges, fermes et églises seront réduites en cendre par ses troupes afin d’encourager les Canadiens à déserter l’armée et la milice :
« Pour donner suite à son assaut infructueux sur les retranchements français près de la rivière Montmorency, Wolfe déchaîna ses troupes dans les campagnes... les tuniques rouges et les rangers américains envahissaient les rives du Saint-Laurent, brûlant tout sur leur passage. »[81]
Comme on l’a vu, Jean Marc Boulianne dit le Suisse, un huguenot ayant abjuré, beau-frère de Dominique, étant marié à la demi-sœur de sa femme, s’est retourné et a gagné le côté des Anglais ; celui-là même qui a agi comme témoin en 1749 lors de la donation du père de Dominique sert de guide à Goreham pendant l’opération[82].
Les soldats anglais trouvent l’endroit abandonné. Ils pillent les maisons de leurs contenus valables et les incendient. « Goreham et ses hommes rasèrent le village de Baie Saint Paul » [83]. De fait, ce sont tous les bâtiments du « bas de la bay St-Paul » qui sont plutôt détruits[84]. Outre la quarantaine de maisons incendiées, ils brûlent également les granges attenantes ; il n’y en avait guère plus à brûler à cette époque. Ils font main basse sur le cheptel du village. Ils abattent vingt têtes de bétail, une quarantaine de moutons et de porcs et toute la volaille qu’ils peuvent trouver. Toute cette viande est dépecée en quartiers qu’ils empilent sur des travois auxquels certains d’entre eux s’attellent comme des mulets. Ils descendent ainsi leur butin aux chaloupes qui les attendent sur le rivage[85]. Ainsi, les troupes anglaises et leurs malades confinés à l’Isle aux Coudres auront de la viande fraîche pour quelques jours alors que les colons en manqueront pour une année complète. Dans le but d’affamer la population, on tue la plus grande partie du bétail qu’on ne peut emporter.
Ils font trois prisonniers dont deux ne survivront pas. Le beau-frère de Dominique, Charles Demeules de l’île, marié à Scholastique, la demi-sœur de Geneviève Savard, meurt scalpé. Charles était également le beau-frère de Jean Marc Boulianne dit le Suisse lui marié à l’une des sœurs de Scholastique Savard. Le curé et patriote Chaumont de la baie Saint-Paul note à l’acte de sépulture de Charles Demeules :
« Le dix août 1759, a été inhumé le corps de Charles demeule tué et la chevelure levée… à la pointe d’aulne par les anglais où ils firent descente et brûlèrent tout le bas de la bay St-Paul, agée de trente sept à quarante ans, plusieurs habitants de la paroisse de la baie St-Paul et le l’Isle aux Coudres ont assisté à ses funérailles. »[86]
Le deuxième captif exécuté est un dénommé Tremblay qui est pendu à la vergue d’un navire et dont le corps aurait été jeté à la flotte ; l’histoire n’a pas retenu son prénom. Le troisième détenu fut relâché par les Anglais ; il s’agit de Jean Baptiste Grenon (1724-1779) surnommé l’Hercule du Nord à la baie Saint-Paul[87].
L’incendie du village, le matin du 9 août, se voyait de l’île d’Orléans.
« A great smoke is perceive this morning on the north side… occasioned by Captain Goreham’s detachment , who are burning the settlements…[88] »
Cependant, les troupes de Goreham ne brûlent pas l’église paroissiale et ni le manoir seigneurial de la baie Saint-Paul, car ils appartenaient au clergé qui avait tendu la main à l’envahisseur dès le début de juin. En effet, le diocèse en la personne de son vicaire général avait, dès le 5 juin, ordonné aux ecclésiastiques de prendre une position conciliante avec l’anglais s’il devait vaincre. Selon les instructions de Jean-Olivier Briand (1715-1794), les curés devaient faire « toutes les politesses possibles » à l’envahisseur, lui « prêter serment de fidélité », si l’envahisseur le leur demandait et même leur donner usage des églises pour leurs cérémonies, bien entendu à l’heure qui leur convenaient et avant les offices catholiques[89]. Il faut dire que Goreham avait besoin d’un lieu central au village pour apposer un avis menaçant la population qu’elle allait continuer à subir les foudres de l’armée anglaise si elle ne se soumettait pas[90]. « Même s’ils constituèrent une minorité, quelques curés récalcitrants donnèrent un soutien indéfectible aux miliciens canadiens… On peut citer Louis Chaumont, curé de Baie-Saint-Paul… ». Montcalm entretiendra une correspondance soutenue avec Chaumont tout l’été et particulièrement après la défection de Boulianne[91].
Dans les jours qui suivirent, Goreham et ses hommes se rendront également dans le hameau de la Malbaye pour y dévaster le peu qui y existe à l’époque. De fait, ils y rasent tous les bâtiments et traversent le fleuve par la suite pour faire de même à Sainte-Anne-de-la-Pocatière[92]. Le même Goreham et le capitaine Montgomery avec leurs hommes débarqueront à Saint-Joachim et le 23 août ; ils pilleront et incendieront tout le village, l’église et le presbytère. « … une cinquantaine d’hommes de Saint-Joachim conduits par leur curé » essayeront de résister. « … huit seront tués et la chevelure levée », dont le curé lui-même[93].
En plus d’avoir secrètement apporté son aide au général Wolfe et à son armée pour se rendre à Québec[94], le beau-frère de feu Charles Demeules, Jean Marc Boulianne dit suisse, révélera à l’ennemi que le gouverneur avait relâché les hommes de la milice de la colonie le temps des récoltes.
Plus tard au mois d’août, les miliciens de l’Isle aux Coudres, de la baie Saint-Paul et des environs sont rappelés à nouveau pour la défense de Québec où ils se joignent au régiment de Guyenne.
Le 13 septembre 1759, pendant deux heures, quatre mille cinq cents soldats réguliers, les miliciens de la Côte-de-Beaupré, de Baie-Saint-Paul et de l’Isle aux Coudres, ainsi que des alliés indiens, traversèrent un pont de bateaux qui enjambait la rivière Saint-Charles et se mirent en ligne devant les murs de Québec ; Dominique y était encore. Le sort de la Nouvelle-France allait se jouer dans les heures qui suivraient[90].
Après la bataille des plaines d’Abraham, les troupes françaises et la milice retraitent à l’ouest à l’embouchure de la Jacques-Cartier. Une partie des premiers y passeront l’hiver dans l’attente d’une contre-attaque au printemps. Les autres se répartiront dans la colonie pour passer l’hiver chez l’habitant. Les miliciens qui n’avaient pas été tués ou blessés au combat sont renvoyés vers leur famille. Dominique et les autres de sa région entreprennent donc le voyage de retour, accompagnés d’un certain nombre de soldats qu’ils devront héberger. Comme ils devaient contourner Québec pour éviter l’armée anglaise, la marche de cinquante lieues leur parut fort longue. En raison de la présence anglaise sur le fleuve, le sentier des Caps qu’ils avaient choisi d’emprunter, entre la ferme du Séminaire à Saint-Joachim et Petite-Rivière-Saint-François apparut interminable à ces miliciens démobilisés, après les semaines de campagne où ils étaient mal nourris et mal couchés, sans parler de l’effet sur le moral que leur faisait la défaite. Le 20 septembre 1759, alors que le plus gros du contingent se pointait une fois passé le Cap Maillard, Dominique pouvait enfin serrer Geneviève dans ses bras.
Dans les semaines qui succèdent à la victoire de l’anglais sur les Plaines d’Abraham le 13 septembre 1759, au lendemain de la capitulation de Québec, l’armée anglaise quitte l’Isle aux Coudres.
« Au lendemain du conflit, il reste des Canadiens sans Canada ». Dominique et Geneviève qui ont vingt-trois ans traversent à l’île avec les autres insulaires pour constater l’état de leurs domiciles, qui ont été souillés par l’anglais tout l’été. Pour les habitants qui ont le bonheur d’avoir encore une demeure, car c’est douteux, « … après les ravages qu’il (l’anglais) a fait commettre, brûler les maisons, emmener les bestiaux et piller les meubles »[96]. Tous les bâtiments de ferme ont été endommagés, s’ils n’ont pas simplement été détruits. Force est de constater, pour une grande partie de cette petite population, que le prochain hiver sera difficile sur leur île. Il y a beaucoup à reconstruire. Par bonheur, pour les habitants du cap à Labranche, peu de maisons ont été détruites puisque les hommes qu’avait postés Durell au bout d’en haut y ont vécu tout l’été ; seul leur contenu a été pillé ou détruit. Malgré l’occupation de l’île par l’amiral Durell[97], la chapelle presque neuve dédiée à Saint-Louis, roi de France, est restée intacte[98].
De l’aveu même d’un officier anglais, la récolte de l’année précédente avait été considérable, une récolte qui avait été en grande part consommée pour le soutien des troupes britanniques au cours de l’été[99]. Les céréales étant la base de l’alimentation de l’époque au pays, on vivra donc une période de famine d’une année en raison des récoltes que l’anglais a pris soin de raser ce qui restait avant de quitter l’île. Sans les récoltes habituelles et le bétail également consommé par les troupes anglaises, la vie ne reprendra vraiment son cours à l’Isle aux Coudres, tout comme à la baie Saint-Paul, que l’été suivant. La population devra retrouver la force de reconstruire ce que chacun avait mis tant d’années à bâtir. Ce sera d’ailleurs sans chevaux ni bœufs que les labours devront être effectués. C’est donc dans leurs cabanes de fortune du cap de la Baie qu’une partie de la quarantaine de familles retournera passer l’hiver. Dans les réduits, quand on chauffera trop, l’air enfumé irritera les muqueuses et asséchera l’épiderme qui se fendillera, et quand le feu baissera à la faveur de la nuit, le froid et l’humidité s’infiltreront et recouvriront les murs de glace. Que cet hiver passé dans la forêt dut être difficile pour cette population habituée au large horizon et à l’air marin de l’Isle aux Coudres. C’est grâce à la chasse qu’ils pourront trouver dans les bois la nourriture leur permettant de passer l’hiver.
Le 17 novembre un spectacle saisissant s’offrit aux insulaires bravant l’automne sur l’Isle. Dominique et Geneviève virent, descendant le fleuve, des dizaines et des dizaines de navires anglais de tout genre. Pour un instant, chacun eut un certain espoir, mais l’armada anglaise ne faisait que fuir avant que les glaces ne l’emprisonnent devant Québec, laissant derrière elle une importante force d’occupation de plus de sept mille hommes.
Malgré la désolation, certains insulaires choisissent tout de même de passer l’hiver sur l’île. On en a pour preuve un baptême hâtif, car au profit d’un redoux du printemps, le curé Chaumont de la baie Saint-Paul « faisant les fonctions curiales » à l’Isle, s’y retrouve à la fin mars. Le registre de la chapelle de Saint-Louis-de-France s’était tu après le dernier passage de l’abbé Chaumont pour le mariage de Jean Baptiste Perron (1737-1825) et de Marie Josephe Bouchard (1741-1781). C’était au début de mai 1759, juste avant l’arrivée de l’anglais ; le registre reprend vie près d’un an plus tard le 22 mars 1760 lors du baptême de François (1759-1776), fils du capitaine de navire François Boucher (1730-1816) et de Marie Joseph Tremblay (1738-1814), une cousine de Dominique, fille de son oncle François Xavier. Le petit était né le 22 octobre 1759[100]. Marie Anne Martel dite Lamontagne (1689-1782), marraine et mère du capitaine, est une ancienne cabaretière du port de Québec. Âgée de soixante-dix ans, elle n’a certainement pas traversé le fleuve en mars et devait être elle aussi demeurée à l’Isle depuis l’automne[101]. Pour ceux qui passèrent l’hiver à l’Isle, ils survécurent grâce à la générosité du fleuve, car les trois quarts des bestiaux avaient été consommés. En abandonnant l’Isle au printemps, le gros bétail avait été laissé derrière et les troupes anglaises en avaient fait leur nourriture pour une partie de l’été.
Au début du printemps 1760, la plupart des habitants regagnent l’Isle et reconstruisent ce qui a été détruit tout en tentant de reprendre leur vie habituelle. Cependant, un certain nombre de bras sont manquants puisque des hommes de la milice se sont portés volontaires et sont repartis, au début d’avril, pour la Pointe-aux-Trembles[102], se joindre au chevalier de Lévis qui travaille à réunir les effectifs pour reprendre Québec[103].
Pendant que l’on se bat à nouveau à Québec entre les 27 avril et 16 mai, à l’Isle certains matériaux sont difficilement trouvables. On reconstruit donc à la va-vite, mais en prenant soin de rendre étanches les ouvertures et en étoupant le moindre recoin afin de ne pas subir un autre hiver de froid comme dans les cabanes du Cap de la Baie. L’important, dans quelques semaines, sera de veiller aux semences pour assurer sa subsistance. Après les veines tentatives du chevalier de Lévis, les hommes sont tous de retour à temps pour les semences au début de juin, car la vieille France ne s’était plus rappelé que la nouvelle existait.
Vivant en autarcie, pour se procurer les quelques articles qu’ils ne produisent pas eux-mêmes, Dominique et les autres insulaires ne font qu’un peu de troc avec ce qu’ils extraient du marsoin : l’huile qu’il procure, le savon qu’on en tire et sa peau qui fait un très bon cuir. Ils sont donc peu affectés par le fait que la monnaie de carte n’a plus cours puisqu’il n’en possédait pas contrairement aux nombreux citadins qui voient fondre leur fortune ou leurs petites économies. Il leur faudra quand même des années pour se relever de la guerre puisqu’elle avait pris les biens de tous, aussi bien que leur temps si précieux pour les travaux de la terre. Dans la famille, cette guerre de l’anglais avait aussi pris des vies. Dominique, en plus d’avoir vu son beau-frère Charles Demeules assassiné par l’anglais au cours de l’été 1759, venait d’apprendre, après la fonte des glaces, que deux autres beaux-frères, ceux de Saint-Roch-des-Aulnaies, avaient également succombé en combattant vaillamment l’anglais, laissant derrière eux veuves et orphelins.
Après la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, le sort de la Nouvelle-France est jeté. Amherst, commandant en chef des troupes britanniques, ne tarde pas à sécuriser la colonie pour éviter tout retournement de situation. Avant la fin septembre, il ordonne aux habitants de remettre leurs armes. Les insulaires sont parmi les chanceux à ne pas voir leurs fusils saisis par l’anglais. Pour une raison qui reste inexpliquée, mais probablement en raison de la grogne que cette mesure crée, plusieurs paroisses du gouvernement de Québec à l’extérieur de la capitale sont ainsi épargnées de la saisie. Il faut dire que les armes devaient être remises entre les mains des officiers de milice. À l’Isle, avec la désertion de son capitaine, le traître Boulianne, la milice est fort probablement dans un piteux état[104].
Dans les dix ans qui suivirent le début de la conquête, Geneviève donnera cinq enfants à Dominique, de sorte que la maisonnée comptera sept personnes en 1769. François, leur premier fils en 1760, Marie Anne, en 1762, David Louis Dominique vers 1764, Joseph Sébastien, en 1767 et finalement Félicité Sophie en 1769.
Comme on vient de le mentionner, le lundi 20 octobre 1760, Geneviève met au monde le premier garçon de Dominique. L’enfant est prénommé François comme son parrain lors de la cérémonie du baptême qui a lieu sept jours plus tard. Jean François Leclaire (1739-1810) est donc choisi comme parrain alors que Marie Louise (Marie Anne) Delage (1732-1809), une voisine, agit comme marraine[105].
Alors qu’il était dans la chapelle pour le baptême de son fils, Dominique avait également assisté, juste avant la cérémonie de baptême, au mariage de sa nièce Félicité Charlotte Égyptienne Boulianne (1743-1816). Cette dernière est une fille de Jean Marc Boulianne dit le Suisse et de Charlotte, une sœur de son épouse Geneviève. Le traître a le culot d’assister à la cérémonie[106] comme il le fera pour son aîné en 1763[107] et sa cadette en 1764[108] avant de disparaître de l’Isle et de n’y plus y revenir par la suite.
En cet automne 1760, le fleuve gèle comme à l’habitude en novembre, l’hiver passe et vers le 20 avril 1761, le missionnaire peut à nouveau se frayer un chemin vers l’Isle, car il y célébrera un mariage ; cette fois-ci, c’est celui de Jean Baptiste Savard (1734-1803), son second mariage puisque, deux ans auparavant, sa première épouse est décédée de l’épidémie de « petite vérole ». Le frère de Geneviève se marie donc encore une fois ; il épouse Félicité Élisabeth Tremblay (1742-1766) la fille de son oncle André (1719-1804), un demi-frère de la mère de Dominique[109]. Comme il n’a pas recommencé à piloter sur le fleuve ce printemps, il assiste avec Geneviève aux célébrations.
Le 15 octobre 1761, le voilier vétuste L’Auguste ainsi que deux autres navires sont affrétés par les Anglais afin de retourner l’élite de la Nouvelle-France en Europe ; les navires quittent Québec pour la France. Le 11 octobre précédent le départ, le chevalier de Saint-Luc de la Corne (1711-1784) avait mis en garde le général Murray, commandant britannique de Québec, de l’inexpérience du jeune capitaine du navire et lui avait fait la demande expresse d’obtenir un pilote canadien pour les guider. Rien n’y fit et la requête fut ignorée. Le 16 du mois par un gros nordet, à une lieue de l’Isle aux Coudres, L’Auguste perd une de ses ancres. La centaine de passagers à bord du navire sont persuadés que le vaisseau va se briser sur les récifs entourant l’île, mais le pire est évité. Ce vaisseau et les deux autres bâtiments transportant la noblesse se réfugient au mouillage de l’Isle aux Coudres où ils seront retenus pour dix jours à cause du mauvais temps. À la vue de tous ces maîtres Français quittant la colonie, les insulaires nés au pays qui ont le temps de les côtoyer et de les réapprovisionner comprennent bien que la Nouvelle-France est finie. À leur départ le 27, Dominique et ses quelques autres confrères pilotes de l’Isle comprennent bien ce que ces trois navires devront affronter sur le grand fleuve sans une aide expérimentée. Quelques jours après avoir quitté l’île, à trois reprises dans une même journée, un feu se déclare à bord de L’Auguste. Ces incendies détruisent la plupart des provisions. Le 16 novembre, le navire fait naufrage dans les parages de l’île Royale et presque tous les passagers et membres d’équipage y trouvent la mort. Seuls le chevalier de la Corne et six autres passagers survivent. Les insulaires apprendront au printemps suivant le sort réservé aux passagers[110].
Bien vite à la fin de l’été suivant la vie normale reprend. Geneviève est enceinte depuis l’hiver précédent. La récolte de blé assure qu’elle soit en mesure de remettre du pain sur la table, mais il lui aura tout de même fallu une année entière pour servir autre chose que le poisson du fleuve.
Le régime d’occupation militaire mise en place par l’anglais force l’habitant à loger les hommes de troupe. L’histoire ne nous a pas appris si des soldats anglais ont été logés à l’île durant les trois années que dura le régime militaire, mais le contraire serait surprenant. L’importance stratégique de l’île dans le fleuve et la présence de nombreux pilotes amena assurément le commandement militaire à y poster des soldats. Si tel fut le cas, l’ordonnance du général Amherst stipulant que l’habitant devait recevoir les troupes en frères et concitoyens dut être respectée[111]. On ne connaît pas le rôle que joua Dominique dans cette période alors que l’Isle était vraisemblablement sans capitaine de milice depuis la traîtrise de son beau-frère, l’ancien capitaine. En revanche, comme on le verra, c’est lui qui deviendra capitaine de milice quelque part entre 1762 et 1766. Ce rôle aura dû faire de lui le porte-parole des insulaires auprès de ces « Messieurs les anglois ». Ce que l’on sait cependant, c’est que les nouveaux maîtres écossais de Murray Bay et de Mount Murray, John Nairne (1731-1802) et Malcom Fraser (1733-1815), qui sont toujours mobilisés au sein du régiment 78e Fraser Highlanders, sont dépêchés avec leurs troupes à la baie Saint-Paul et à l’Isle aux Coudres le 3 août 1762, pour y désarmer les habitants. Le gouverneur militaire Murray avait appris qu’une flotte française de cinq navires avait conquis Terre-Neuve en juin dans les jours précédents les ordres donnés à ces deux Écossais. Murray se souvenant trop de la grogne populaire qu’avait créée la saisie des armes des habitants en septembre 1760, il ordonne aux highlanders postés à l’Isle d’examiner tout vaisseau remontant le fleuve, et dans l’éventualité d’une invasion et dans la mesure de leurs moyens, d’exécuter son ordonnance de saisie des armes[112]. L’invasion n’ayant pas lieu, de sorte que, Dominique et les autres insulaires purent conserver leurs armes.
Le 28 septembre, Dominique et Geneviève festoient encore. Dans une petite communauté composée de familles si nombreuses, les occasions de s’amuser ne manquent pas. Ces périodes festives à l’Isle sont particulières et prennent des dimensions surprenantes. En effet, depuis le début de sa colonisation jusqu’à l’établissement d’un curé en permanence sur l’île en 1770[113], on y était à la merci de la visite d’un missionnaire, de la rare venue du curé de la baie Saint-Paul ou du passage d’un aumônier des navires français qui jetaient l’ancre au mouillage, pour célébrer les nombreux baptêmes et mariages qui s’accumulaient en quelque sorte. Conséquemment, lors de ces quelques visites quand le fleuve n’est pas glacé, rares sont les familles où il n’y a pas une occasion d’entamer une fête et, comme tous sont à peu près parents, la fête prend des dimensions remarquables. Aujourd’hui, le déclencheur de la fête sera en autres, le mariage de Pierre Savard (1737-1809), le fils de Pierre François, le demi-frère aîné de Geneviève. En premières noces, ce neveu était marié à Marie Françoise Tremblay (1730-1758), la cousine de Dominique décédée elle aussi lors de l’épidémie de « petite vérole » ; il épouse aujourd’hui Marguerite Brisson (1737-1826) en deuxièmes noces[114].
L’anglais, lors de la conquête, avait réussi à tuer bon nombre des nôtres, mais rapidement les naissances viennent remplacer le vide créé. Geneviève accouche d’une deuxième fille le 3 décembre 1762. Les glaces étant prises pour l’hiver sur le fleuve, l’enfant ne sera baptisé que le 11 avril suivant. La petite portera le nom de Marie Anne Hervé tout comme la sœur aînée de Dominique qui avait été fort présente dans sa vie tout au long de son enfance avant qu’elle ne se marie en 1751. Elle avait veillé sur Dominique alors qu’il n’avait que trois ans quand il devint orphelin de mère en 1740. Le parrain choisi prendra de l’importance pour ma lignée dans peu de temps. En effet, Joseph Marie Tremblay (1740-1800) deviendra le beau-père de mon ancêtre de la prochaine génération de Joseph Hervé. Pour l’heure en ce début d’avril 1763, il est le cousin de Dominique. La marraine est Charlotte Hervé (1751-1822), douze ans, la fille de Zacharie Hervet son frère aîné[115].
Dans le même mois, au lendemain de la signature du Traité de Paris le 10 avril 1763, l’administration coloniale anglaise, voulant s’assurer la possession de sa conquête, décide d’asservir la défunte Nouvelle-France en interdisant toutes relations entre la France et son ancienne colonie. Les liens de commerce, rapports de familles, correspondances, tout est brusquement interrompu. On défend même l’importation des livres. Tout ce qui pouvait, de près ou de loin, rappeler un souvenir de la France est soigneusement éliminé. Nul Français ou Française ne peut entrer dans la colonie. Aucun habitant d’ici ne peut non plus se rendre en France sans de très graves raisons ; même dans ce cas il doit se rapporter aux autorités de Londres avant de se faire. Cette vigilance inquiète et soupçonneuse durera trente ans[116].
Les Britanniques qui viennent de conquérir la terre française d’Amérique ne tardent pas à faire l’inventaire de leurs nouveaux biens. Ces Européens qui en ont remplacé d’autres à la tête de la colonie ordonnent un recensement pour 1762. Comme Murray, qui est à la tête du gouvernement militaire avait compris que les prêtres bénéficiaient de la sympathie de leurs paroissiens, lesquels dépendaient très fortement de leurs bonnes grâces, le recensement fut donc confié aux curés des différentes paroisses. Dominique et Geneviève Savard y apparaissent et ont vingt-six ans chacun. Le recenseur enregistre deux enfants, vraisemblablement François et Marie Anne, ce qui nous amène à conclure que le curé est passé en avril 1763 puisque la naissance de Marie Anne est née le 3 décembre 1762 et que son baptême fut célébré le 11 avril[117]. En effet, comme l’Isle était sans curé depuis 1750, c’est le curé Chaumont de la baie Saint-Paul qui dut effectuer le recensement ; or, sa dernière visite à l’Isle remonte au 4 octobre 1762 pour le baptême des jumeaux de Pierre Savard (1737-1809) et son retour à l’Isle ne se fait qu’après le dégel hâtif du fleuve au printemps pour le baptême de la petite. On peut supposer que Geneviève, qui vient d’accoucher, a vécu une grossesse difficile puisqu’une domestique y est également inscrite au recensement. Qui est-elle ? On ne le sait pas, mais avec le nombre d’orphelines qu’ont laissées les épidémies de 1755 et de l’hiver 1758-1759, les candidates ne manquent pas. Ce pourrait être l’une des filles de la sœur de Geneviève, feu Scholastique Savard décédée lors de l’épidémie de 1755, et dont le mari, Charles Demeules, mourut scalpé par les Anglais en 1759 comme on l’a vu.
On apprend que Dominique cultive alors huit arpents carrés et possède un bœuf, quatre vaches, trois taurailles[118], six moutons, un cheval et trois cochons. Quatre ans après la conquête grâce à son travail de pilote et ses petits émoluments comme bailli, il a réussi à se refaire un cheptel et ainsi, comme son père, il fait l’élevage d’animaux de boucherie en plus de ses cultures et de sa pêche. Rien de surprenant, puisque le bœuf de l’Isle est reconnu pour sa qualité et ces messieurs du Séminaire en font un important commerce. On se rappellera que, du temps de la Nouvelle-France ce sont les navires français en rade à l’île que le père de Dominique approvisionnait. Maintenant que les Anglais préfèrent le chenal du Sud et ne s’arrêtent que très peu à l’Isle, ces Messieurs du Séminaire ont trouvé là une importante source de revenus[119]. D’ailleurs, comme Dominique pilote sur le fleuve régulièrement, laisser paître les animaux sur ses terres est très certainement plus pratique que de passer ses journées à les cultiver. Avec ses six moutons, Geneviève ne manque pas de laine pour le tissage des couvertures et de certains vêtements et, comme Dominique cultive également le lin, les habits et les toiles durables ne manqueront pas. Avec une famille grandissante, Geneviève dut en passer des journées d’hiver à laver, carder, filer et teindre toute cette laine.
En 1762, à l’île, on comptait vingt-trois patronymes répartis dans quarante ménages, dont huit sont dirigés par des veuves. Les hommes sont tous mariés. Parmi une population de deux cent trente-sept âmes, les Harvey de mon ascendance y sont déjà assez nombreux. En comptant les épouses, douze Hervé sont répartis chez les trois frères, Zacharie (trois), Pierre (cinq) et Dominique (quatre). Les ascendants Desgagnés de ma grand-mère commencent à peine leur progression avec la famille de l’ancêtre Nicolas Joseph Desgagnés (1699-1780) qui compte six membres. Les Desgagnés sont installés à La Baleine sur la terre numéro 35, voisine au nord-ouest de celle de la demi-sœur de Geneviève, Brigitte Savard (1720-1798) et de son époux, Barthélemy Thérien (1717-1801).
En 1762, ce sont les héritiers des premiers censitaires des décennies 1720 et 1730, ceux restés à l’Isle, qui sont les plus nombreux et qui constituent les membres de la petite élite locale. Les Tremblay, Savard et Hervé et leurs familles élargies occupent et occuperont les fonctions d’officier de milice, de bailli et de directeur des pêches, tout au long du XVIIIe siècle.
Après la conquête, les insulaires verront bien des vaisseaux anglais ancrés au mouillage, bondés de Français qui avaient choisi de retourner dans leur pays après la conquête. Ils avaient été encouragés par le nouveau conquérant qui s’assurait ainsi de vider sa nouvelle colonie de ses anciens maîtres. À l’automne 1762, ils sont nombreux les navires qui retournent en Europe et s’arrêtent à l’Isle aux Coudres. Ils y prennent des provisions et des pilotes. Ces derniers sont hésitants à s’embarquer, car certains des vaisseaux britanniques ont, depuis la conquête, omis de s’arrêter au prochain poste de pilotage du Bic pour y laisser leur pilote avant de franchir l’océan, obligeant ces malheureux a passé l’hiver en Angleterre. L’un d’eux est le transfuge Pierre Lagüe qui avait épousé la cousine de Dominique en 1756. Au départ des vaisseaux anglais, à l’automne 1762, il fut emmené comme pilote et ne revint que tard à l’automne 1763 laissant femme et enfants qu’on ne sache pourquoi. Avait-il abandonné les siens sans vergogne pour retourner dans son pays ? Quoi qu’il en soit, il n’assista pas au baptême de son prochain fils qui naît au printemps suivant[120].
Dominique Hervé et Geneviève Savard, tout comme les autres insulaires, avaient payé un large tribut à cette guerre de la conquête qui venait de s’achever. Comme on l’a vu, outre leur bétail volé par l’anglais pour nourrir son armée et leurs chevaux pris par le conquérant afin de défaire la résistance de la colonie, ils devaient supporter deux familles éprouvées. La perte de son cheptel était une chose, mais d’autres dans la famille élargie de Dominique vivaient des drames beaucoup plus profonds.
D’abord, la cousine de Dominique, Brigitte Debien, qui avait perdu son mari ; le milicien François Lajoie est mort en défendant Québec.
Puis leurs cinq neveux et nièces, enfants de Scolastique Savard, sœur de Geneviève, Rosalie (1746-1795), Jean-Marc (1748-1808), Marie (1749-1821), Joseph François (1751-1781) et Scholastique (1754-1826) Desmeules et leur demi-frère Jean Baptiste (1759-1829) ; ces enfants avaient perdu leur père qui avait été « tué et la chevelure levée… à la pointe d’aulne par les anglais » le 9 août.
Pourtant un mois plus tôt, le 4 juillet, le perfide général Wolfe avait communiqué au gouverneur, le Marquis de Vaudreuil, qu’il avait reçu les instructions de son roi de faire la guerre sans la pratique inhumaine de scalper son ennemi :
« A flag of truce to the commandant, from General Wolfe, published his design of attacking the town on the part of his Britannic Majesty ; at the same time signifying, that it was his Majesty's express command to have the war conducted without practising the inhuman method of scalping, and that it was expected the French troops under his command to copy the example, as they shall answer the contrary. [121]»
Et c’est bien ce même général James Wolfe qui, le 4 août, ordonnait à Robert Monckton, celui-là même qui avait dirigé la déportation des Acadiens, d’attaquer la baie Saint-Paul et de détruire le village[122] ; c’est pendant cette attaque que Charles Desmeules fut tué.
De l’autre côté du fleuve, sur la Côte-du-Sud, Marie Anne Hervé (1723-1809), sœur aînée de Dominique, avait elle aussi perdu son mari. Jacques Soulard (1705-1759) n’était jamais revenu de Québec où il avait combattu. Blessé à la bataille du 13 septembre sur les Plaines d’Abraham, il était décédé au début d’octobre à l’Hôpital-Général dans la capitale. Marie Anne se retrouvait seule avec deux jeunes enfants. Rose Hervé (1730-1816), une autre de ses sœurs résident aussi à Saint-Roch-des-Aulnaies avait eu un peu plus de chance, elle avait revu son mari quelque temps avant qu’il ne décède à la suite des blessures subies lors de la bataille.
Dans la famille il y eut d’autres drames, ceux-là plus insidieux, qui se sont déroulés pendant un certain temps et qui n’étaient peut-être pas encore terminés au moment du transfert de la colonie à la couronne britannique en 1763. L’opprobre était tombé sur certains membres de la famille élargie :
En autres et au premier plan, la sœur aînée de Geneviève, Charlotte Savard et ses enfants. Après la traîtrise de son mari Jean Marc Boulianne, qui avait non seulement révélé à l’anglais les plans français, mais qui avait aussi conduit personnellement Goreham et ses troupes à détruire tout le sud du village de la baie Saint-Paul, à faire des prisonniers et à tuer son propre beau-frère Charles Desmeules. Le mari de Charlotte disparaîtra sur la rive sud, partie se réfugier chez ses amis les Fraser à Rivière-du-Loup. On peut imaginer, à la suite de ces événements, le regard des insulaires sur Charlotte et se demander quelle était la relation entre elle et sa sœur cadette Scholastique, la veuve Desmeules. Charlotte, abandonnée à l’île par Boulianne depuis 1764 y décède en 1770.
Que penser aussi de la vie à l’île pour Madeleine Françoise Tremblay, cousine de Dominique, après la conquête. Son mari, pilote transfuge, avait été fait prisonnier lors de l’arraisonnement d’un des vaisseaux français qu’il pilotait à l’automne 1758 ou au printemps 1759. Or, Lagüe se retrouve sur une liste écrite de la main de l’amiral Saunders en janvier 1760 où ce dernier identifie les pilotes canadiens amenés à Portsmouth. L’amiral y demande le versement des gages qui leur sont dus pour le temps de leur service. Tous ceux sur cette liste ont servi la cause des Anglais en 1759 en faisant remonter leur flotte jusqu’à Québec. Dans son cas, il avait de plus, en 1762, volontairement piloté un navire vers l’Angleterre alors que la colonie n’était pas encore passée officiellement aux mains des Anglais. Lui qui avait accepté le dédommagement offert par la couronne britannique, la solde d’un pilote et une allocation quotidienne pour son temps en détention était-il tombé en disgrâce, abandonné par sa famille et ses compatriotes ? Habitué comme pilote à monnayer ses services, il avait préféré ses avantages pécuniaires plutôt que son attachement aux gens d’ici et sa fidélité à la France[123]. Bien qu’il fût associé de la « pêche à marsoin » en 1764 « … dans l’anse vis-à-vis du moulin à Farine au lieu nommé de la marre… »[124], l’accueil à son retour fut tel que l’année suivante il vendra tous ses biens à l’île aux Coudres et se réfugiera à Cap-Saint-Ignace, là où il abandonnera sa famille en 1773 pour repartir en Europe[125].
Il en aura fallu du temps pour que la vie reprenne son cours normal à l’île après les bouleversements qu’avait entraînés ce changement de couronne.
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[1] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins. Éditions ministère des Affaires culturelles, 1972, Série Place Royale, 1972, page 57.
[2] MACLEOD, Peter. « Invisible Admiral : Phillip Durell at the Siege of Quebec, 1759 », The Northern Mariner/le marin du nord, Volume XIX, n°. 1, (January 2009), page 33.
[3] VAUGEOIS, Denis et Gaston DESCHÊNES. Vivre la conquête à travers plus de 25 parcours individuels, Tome I. Québec, Les éditions du Septentrion, 2013, pages 131-132. Les auteurs présument qu’il fut probablement fait prisonnier à l’île aux Coudres, ce qui est impossible puisqu’à leur arrivée à l’île, cette dernière était déserte. Il est probable qu’il fut plutôt fait prisonnier lors de l’arraisonnement d’un des vaisseaux français qu’il pilotait à l’automne 1758 ou au printemps 1759. Dans une liste écrite de la main de l’amiral Saunders en janvier 1760, il identifie les pilotes canadiens amenés à Portsmouth pour qui l’amiral demande le versement des gages qui leur sont dus pour le temps de leur service. Parmi ceux-ci, on retrouve Lagüe. Tous ceux sur cette liste ont servi la cause des Anglais l’année précédente en faisant remonter leur flotte jusqu’à Québec.
[4] Encore à l’époque, baie Saint-Paul désignait souvent les habitants demeurant de chaque côté de la rivière du Gouffre ainsi que ceux de Petite-Rivière.
[5] Un cinquième enfant naîtra de cette union en 1765 à Cap-Saint-Ignace.
[6] DECHÊNE, Louise. Le Peuple, l’État et la guerre au Canada sous le régime français. Montréal, Éditions Boréal, 2008, page 337. Et STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, New York, Éditions St. Martin's Press, 1959, page 67.
[7] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 2 et 8 mai 1759.
[8] B.A.C., G., Série C11A, Journal de La Galissonière et Hocquart, 1747 ; État des dépenses pour la construction des cajeux, 22 octobre 1745, 25 octobre 1746, citée dans GAUTHIER, Fernand. Le XVIIIe siècle à la Baie Saint-Paul.
[9] CASGRAIN, Henri Raymond. Collection des manuscrits du maréchal de Lévis : Lettres et pièces militaires de 1756-1760 ; Instructions, ordres, mémoires, plans de campagne et de défense. Québec, Éditions L.J. Demers & Frères, 1891, pages 159-160. Plan de défense de la côte nord du fleuve établi par Vaudreuil le 1er avril 1759.
[10] Il n’y a pas de preuve que les miliciens de l’île aux Coudres se sont rendus à cet appel, mais comme tous les miliciens de ce qui était alors appelé le gouvernement de Québec furent conviés, le contraire serait surprenant.
[11] A.S.Q., Séminaire 37, no 34 et A.N.Q., GN. Minutier Claude Barolet (1690-1761), 12 janvier 1750. « Bail à ferme de... toute l’île aux Coudres pour 9 ans et moyennant une rente annuelle de 1 600 livres ». Certaines sources parlent d’une vingtaine de navires qui passeront dans le fleuve avant l’arrivée de la flotte anglaise.
[12] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, du 10 mai au 18 septembre 1759. Québec, Éditions Berthelot, 1922, page 68.
[13] Le ruisseau de la Lessive prend sa source au cœur de l’île et descend en cascade la falaise bordant la Grande Batture pour finalement traverser le chemin emprunté pour la récolte du foin de mer. Son nom tire son origine de l’usage qu’en faisaient les marins des navires français qui s’ancraient au Mouillage pour s’approvisionner en eau fraîche et laver leur linge après les mois passés en mer.
[14] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., pages 72-73. Il y eu de fait vingt-deux navires français, mais en route, la flottille fit une prise anglaise, ce qui ramena le nombre de navires avec un pavillon français à vingt-trois.
[15] PANET, Jean Claude. Journal du siège de Québec en 1759. Montréal, éditions Eusèbe Senécal, 1866, page 4.
[16] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE. The siege of Quebec and the battle of the plains of Abraham. Québec, Dussault et Proulx, 1901, Appendix Part II (The Townshend Papers), page 234.
[17] Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial, né à Québec et mort à Paris, est le quatrième fils de Philippe de Rigaud de Vaudreuil et de Louise-Élisabeth de Joybert de Soulanges et de Marson. Il est marquis de Vaudreuil, officier de la Marine, gouverneur de Trois-Rivières, gouverneur de Louisiane et le dernier gouverneur général de la Nouvelle-France. De tous les gouverneurs de la Nouvelle-France, Pierre de Rigaud de Vaudreuil est le seul né en Nouvelle-France.
[18] CASGRAIN, Henri Raymond. Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759. Québec, imprimerie L.J. Demers et Frère, 1895, pages 524-525. ET : LACHANCE, André. « Poulin de Courval, François Louis ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume III (Décès de 1741-1770).
[19] BLAIS, Marie-Céline. « Tarieu de La Naudière, Charles François ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume IV (Décès de 1771-1800).
[20] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, pages 253-254.
[21] Les sources ne s’entendent pas sur le temps qu’il fallut pour évacuer l’entièreté de l’île de sa population : un ou deux jours. Comme l’anglais arrivait par l’est et que sa flotte s’ancrera au mouillage dit des Français, il est possible que la population du bout d’en haut, à tout le moins les hommes de la milice, n’est quitté que le lendemain de l’arrivée de la flotte.
[22] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 8.
[23] TREMBLAY, Jean-Paul-Médéric. Tout un été de guerre. Baie-Saint-Paul, Société d’histoire de Charlevoix, 1986. 116 pages.
[24] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 12.
[25] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE. The siege of Quebec and the battle of the plains of Abraham. Québec, Dussault et Proulx, 1901, volume 5 (Letters of James Gibson), page 63.
[26] KNOX, John. The Siege of Quebec and the Campaigns in North America 1757-1760, Mississauga, Pendragon House, 1980, page 123.
[27] Les insulaires de l’époque auraient appelé le lieu Mouillage des Français en raison du fait que les navires français s’y ancraient. Les Français pour leur part désignaient l’endroit sous l’appellation de Mouillage de la Prairie en raison de l’existence d’une prairie au haut de l’escarpement vis-à-vis du dit mouillage.
[28] Archives de Québec 143, Gc, 971,4, Q354a, Rept l, 1920-21. Il s’agit ici de Charles François Tarieu de La Naudière, officier dans les troupes de la Marine et fils de la célèbre Marie Madeleine Jarret de Verchères.
[29] NOËL, Dave. « Le Saint-Laurent, pivot du système défensif de Québec (1757-1759) », Le marin du nord. Volume XXI, numéro 1, (Janvier 2011), pages 47-58.
[30] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 10.
[31] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, op.cit., page 48.
[32] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE, op.cit., page 62. Les témoignages d’officiers anglais tout au long de cette section du site sont à prendre avec circonspection, car comme pour ceux des officiers français, ils cherchent à valoriser leur parti. Ainsi, le témoignage de l’officier Gibson mentionne que les troupes ont diligemment sécurisé environ 100 maisons alors que de fait l’île n’en comptera que 40 au recensement de 1762.
[33] CASGRAIN, Henri Raymond. Journal du Marquis de Montcalm, op.cit., page 529.
[34] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., pages 12 et 78.
[35] MACLEOD, Peter, op.cit., page 32.
[36] État officiel de la milice en 1750 extrait de : SULTE, Benjamin. Histoire des canadiens-français 1608-1880. Montréal, Wilson & cie, 1882-1884, Tome VII, page 47. Sous le régime français, les miliciens de l’Isle appartiennent à la capitainerie de Baie-Saint-Paul.
[37] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, page 54.
[38] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres, op.cit., page 252.
[39] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 9.
[40] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins, op.cit., page 59. Et : CASGRAIN, Henri Raymond. Journal du Marquis de Montcalm, op.cit., page 536.
[41] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 9.
[42] La participation de Dominique est ici assumée. Dans les écrits de l’époque, les seuls noms mentionnés sont ceux de François Savard et de Nicet Dufour accompagnés de miliciens de l’île. Comme Dominique est milicien, qu’il deviendra le capitaine (baillis) de la milice locale après la conquête et que l’attribution de ce poste était faite par élection, il ne fait nul doute qu’il avait su se démarquer lors de la conquête pour être ainsi choisi par les siens.
[43] CASGRAIN, Henri Raymond. Journal du Marquis de Montcalm, op.cit., page 536.
[44] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins, op.cit., page 59.
[45] Selon ce que l’on peut comprendre des écrits de l’époque, Pierre François Savard aurait pris la relève de capitaine de milice de l’Isle aux Coudres après le décès de son père Joseph Savard en 1755. Il se pourrait que Jean Marc Boulianne, son beau-frère, lui ait succédé puisque le nom de ce dernier revient régulièrement dans les écrits de 1759 comme capitaine de milice alors qu’il était résident à l’île. D’autres sources semblent indiquer que bien qu’il ait porté le titre de capitaine, il aurait plutôt été lieutenant pour l’ensemble de la milice de la région.
[46] Dans la copie d’un manuscrit de la bibliothèque de Hartwell, en Angleterre, rapportée au Canada en 1835 par Denis-Benjamin Viger et citée par Jean-Claude Hébert dans Le siège de Québec en 1759 par trois témoins, il est fait mention de quatre ou cinq miliciens ayant gagné l’île cette nuit-là. Les noms des participants avancés ici sont présumés sur la base de leurs mentions dans des textes comme miliciens à l’île. Seuls les noms de (Pierre) François Savard et Nicette Dufour ont été cités, et cela par H.R. Casgrain dans Une excursion à l’île aux Coudres publiée en 1875. Les faits ont été rapportés à Casgrain dans un écrit de l’abbé Épiphane Lapointe, qui lui les avait obtenus d’Angélique Savard (1744-1843) la fille de Pierre François Savard (1712-1779). Lorsqu’il nomme Savard dans son récit, Casgrain utilise le prénom de François plutôt que de celui de Pierre que ce dernier a plus fréquemment utilisé.
[47] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres, op.cit., page 252.
[48] Nicet ou Nicette selon les auteurs, n’est pas son véritable prénom, mais plutôt un surnom. Comme il s’agit de miliciens de l’Isle et qu’il n’y a qu’une famille Dufour y étant établie à cette époque, il ne peut s’agir que de Gabriel Dufour (1714-1781) puisque son fils aîné, Jean François Dufour (1743-1818), est alors trop jeune pour la description qu’en fait Casgrain dans son récit et n’aurait eu que douze ans à la bataille sur le lac Champlain en 1755.
[49] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins, op.cit., page 59, Section 2, « Siège de Québec, Notes du capitaine Schomberg, copie d’un manuscrit déposé à la bibliothèque de Hartwell en Angleterre, Éditions des Presses de Fréchette & Cie., Québec, 1836. ». Et BLANCHET, Renée. Les filles de la Grande-Anse : histoire de la conquête. « Boulianne dit suisse ». Montréal, Les Éditions Varia, 2002, 328 pages.
[50] CASGRAIN, Henri Raymond. Journal du Marquis de Montcalm, op.cit., page 536.
[51] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 12.
[52] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, op.cit., pages 49-51.
[53] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE. The siege of Quebec and the battle of the plains of Abraham. Québec, Dussault et Proulx, 1901, Appendix Part II (The Townshend Papers), page 235.
[54] MACLEOD, Peter, op.cit, page 32.
[55] HÉBERT, Jean-Claude. Le siège de Québec en 1759 par trois témoins, op.cit., page 35, Section 2, « Journal de l’expédition sur le Saint-Laurent, Extrait du New York Mercury, No. 385, daté de New York, 31 décembre 1759 ». Et : FRASER, Malcom. Extract from a manuscript journal relating to the operations before Quebec in 1759. Report of the council of the Literacy and Historical Society of Quebec, Québec, 1869, page 3. Cité dans : MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815. Québec, les éditions Septentrion, 2006, 355 pages.
[56] Navire caboteur à un mât.
[57] MACLEOD, Peter, op.cit., page 37.
[58] MACLEOD, Peter, op.cit., page 32.
[59] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, op.cit., pages 49-51.
[60] MACLEOD, Peter, op.cit., page 40.
[61] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 101.
[62] FichierOrigine #340024, Boulianne, Jean-Marc, 1er novembre 2013 pour l’occupation à son arrivée en Nouvelle-France. De plus, une source mentionne que Jean Marc Boulianne n’aurait reçu son grade de capitaine de milice de l’Isle qu’en 1759. Il est peu probable qu’en 1756 l’Isle ait été dépourvue de capitaine de milice puisque le Marquis de Montcalm lors de sa visite cette année-là était venu planifier la défense de la région et discuter d’un plan d’attaque contre l’anglais qui s’apprêtait à envahir. Les annales révèlent Pierre Savard comme capitaine de milice après la mort de son père de Joseph Savard en 1755. Selon d’autres sources, Boulianne aurait occupé un poste de lieutenant pour l’ensemble de la milice de la région plutôt que celui de capitaine pour l’île. Quoi qu’il en soit, les écrits de 1759 parlent de lui comme capitaine de milice.
[63] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., 1922, page 56.
[64] VAUGEOIS, Denis et Gaston DESCHÊNES. Vivre la conquête à travers plus de 25 parcours individuels, Tome I, op.cit., page 60.
[65] MALARTIC, Anne-Joseph-Hyppolite de Maurès. Journal des campagnes au Canada de 1755 à 1760. Paris, Librairie Plon, 1890, page 250.
[66] BAnQ., Registre de l’Hôpital général de Québec, 28 juillet 1759.
[67] L’Histoire ne nous a pas appris ce que François Lajoie était venu faire à l’Isle. Il y avait probablement été posté pendant la guerre de Succession d’Autriche entre 1740 et 1748 comme tant d’autres soldats français. Si l’on garde en tête que la Nouvelle-France avait perdu Louisbourg aux mains de la Nouvelle-Angleterre en 1745 et que les dirigeants français étaient toujours un peu inquiets que les pilotes de l’Isle ouvrent le chemin de Québec à l’anglais, la présence de soldats à l’Isle tombe sous le sens et c’est d’ailleurs ce qui motiva l’intendant Hocquart à y stationner des troupes à compter de 1745 jusqu’à la fin de cette guerre. Deux compagnons, militaires également, servirent de témoins à François Lajoie lors de son mariage avec Brigitte Debien au beau milieu de novembre 1748. Il est certain qu’à son jeune âge, Brigitte Debien n’était pas allée chercher son soldat à Québec. La pratique de loger les militaires chez l’habitant pour défendre la colonie et les nourrir se répéta d’ailleurs au cours de la guerre de Sept Ans entre 1756 et même au-delà de la défaite en 1760 avant le retour en France des troupes. Dans plusieurs récits militaires d’époque, on fait référence à l’importance stratégique de l’Isle, de ses pilotes et du besoin de la protéger d’attaques éventuelles.
[68] STACEY, Charles Perry. Quebec, 1759 : The Siege and the Battle, op.cit., pages 72 et 80.
[69] MACLEOD, Peter, op.cit., page 32.
[70] MACLEOD, Peter, op.cit., page 40.
[71] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 50.
[72] CASGRAIN, Henri Raymond. Œuvres complètes : Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin, Tome I, 1896, pages 265-266.
[73] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 50.
[74] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie. Fiche 340024. BOULIANNE, Jean Marc. On ne connaît pas le parcours qu’il a suivi avant son arrivée en Nouvelle-France en 1738 comme soldat de la compagnie Saint-Vincent des troupes de la Marine. Ce Suisse protestant, né dans un pays déchiré par la Réforme, qui est le théâtre de plusieurs guerres de religion dont celle de Villmergen en 1712, alors que ses parents sont forcés de se réfugier à Lausanne où ils se marient, aurait peut-être eu plusieurs raisons de fuir des gouvernements oligarchiques qui bloquent les réformes proposées par les Lumières et de se joindre à l’armée française. Quoi qu’il en soit, ce mercenaire suisse n’en sera pas moins déloyal à la couronne française qui l’avait accueilli dans ses rangs. Selon certains auteurs, Boulianne parlait un très bon anglais ce qui suppose qu’il aurait appris cette langue dans son pays natal, ce qui est peu probable, ou lors d’un long trajet qui l’aurait amené dans les rangs d’une compagnie Franche de la marine française.
[75] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox: An Historical Journal of the Campaigns in North-America, for the years 1757, 1758, 1759 and 1760. Londres, Printer W. Johnston, Volume II, 1769, page 9.
[76] ROY, Pierre-Georges. « Les traîtres de 1759 ». Les Cahiers des Dix, numéro 1 (1936), pages 57-58.
[77] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox, volume II, op.cit., page 26.
[78] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 56.
[79] B.A.C., G., NORTHCLIFFE, Alfred Harmsworth et Robert MONCKTON. The Northcliffe Collection. Public Archives of Canada Publications, F.A. Acland, printer to the King's Most Excellent Majesty, 1926.
[80] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox: An Historical Journal of the Campaigns in North-America, for the years 1757, 1758, 1759 and 1760. Londres, Printer W. Johnston, Volume II, 1769, page 9. Certains auteurs qui n’ont probablement pas personnellement consulté les deux volumes du journal de Knox, mais simplement copié la référence d’un autre volume, attribuent cette note de Knox au volume I de son journal publié en 1769. Il s’agit d’une erreur, le texte se trouve à la page 9 du volume II.
[81] MACLEOD, Peter, op.cit., page 39. Traduction du texte intégral : « Following an unsuccessful assault on the French entrenchments
near the Montmorency River, Wolfe unleashed his troops upon the Canadian countryside. Carried in Saunders’s ships and boats, redcoats and rangers swarmed the shores of the St.Lawrence, burning everything in their path. »
[82] FAUTEUX, Aegidius. Journal du siège de Québec, op.cit., page 101.
[83] CHARTERS, David A. et Sutherland, Stuart R. J. « Gorham, Joseph ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume IV (Décès de 1771-1800). On prétendra plus tard que les actions de Goreham étaient menées en représailles pour les attaques des habitants contre les transports britanniques. Les annales relatives à la conquête traitent peu de ces attaques par les habitants, au plus deux ou trois mentions. En septembre, quand on incorporera sa compagnie aux troupes du major George Scott, Goreham détruira les paroisses allant de Kamouraska à Québec sur la Côte-du-Sud. Goreham était celui que Wolfe utilisait pour l’exécution de ses basses œuvres aux fins d’affamer, apeurer et soumettre la population avec l’intention avouée de les convaincre de retourner dans la veille France. Wolfe avait mal compris que peu des habitants des campagnes étaient Français de naissance et que ces mêmes habitants s’étaient attachés à cette France nouvelle qui les avait vus naître. La couronne britannique fera la même erreur dans moins de vingt-cinq ans un peu plus au sud quand elle imposera des taxes à ses treize colonies d’Amérique du Nord sans les consulter ; les colons nés en Amérique lanceront une révolte qui amènera l’indépendance des États-Unis.
[84] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 10 août 1759.
[85] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox, Volume II, op.cit., pages 26-27.
[86] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 10 août 1759. Les registres de la paroisse Saint-Louis-de-France de L’Isle-aux-Coudres se sont tus après le mariage de Jean Baptiste Perron (1737-1825) et de Marie Josephe Bouchard (1741-1781) le 1er mai 1759 l’île ayant été abandonnée peu de temps par la suite. C’est à la baie Saint Paul que furent enregistrés la plupart des naissances, mariages et décès de la population de l’Isle, et ce jusqu’au 24 septembre 1759 alors que l’on baptise à l’Isle la petite Marie Charlotte Bilodeau née cachée avec sa mère dans les bois de l’arrière-pays de la baie Saint-Paul le 17 juin.
[87] TREMBLAY, Jean-Paul-Médéric. Tout un été de guerre. Baie-Saint-Paul, Société d’histoire de Charlevoix, 1986. 116 pages.
[88] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox: An Historical Journal of the Campaigns in North-America, for the years 1757, 1758, 1759 and 1760. Londres, Printer W. Johnston, Volume II, 1769, page 14.
[89] TÉTU, Henri et Charles Octave GAGNON. Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec. Volume Deuxième, Québec, Imprimerie Générale A. Coté et Cie, 1888, pages 137-140.
[90] KNOX, John. The Journal of Captain John Knox: An Historical Journal of the Campaigns in North-America, for the years 1757, 1758, 1759 and 1760. Londres, Printer W. Johnston, Volume II, 1769, page 27.
[91] VAUGEOIS, Denis et Gaston DESCHÊNES. Vivre la conquête à travers plus de 25 parcours individuels, op.cit., page 266.
[92] CHARTERS, David A. et Sutherland, Stuart R. J. « Gorham, Joseph »., op.cit.
[93] MONTCALM, Marquis de. Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada 1756 à 1759, sous la direction de l’abbé H.-R. Casgrain. Québec, Imprimerie de L.-J. Demers & Frère, 1895, 627 pages, 31 août 1759.
[94] FOURNIER, Marcel. Les Européens au Canada des origines à 1765, Hors France : « Boulianne ». Montréal, Éditions du Fleuve, 1989, page 85.
[95] LAPOINTE, Pierre. Les personnages du siège de Québec par les Britanniques, 1759, Bataille des Plaines d’Abraham. Lévis, Les Éditions à Mains Nues inc., 1998, 27 pages.
[96] FOLIGNÉ, Jérôme. Journal des faits arrivés à l’arme de Québec, capitale dans l’Amérique septentrionale dans la campagne de 1759. Québec, Presses de la communauté des sœurs franciscaines, « Séries Champs de bataille », #5, édition de 1901, 100 pages.
[97] Knox, op. cit., I : 361. Et Gorham à Wolfe, lettre citée.
[98] Terminée en 1750 : Hector-Louis Langevin, op. cit., 36 ; Les Éboulements et l’Ile-aux-Coudres, 7.
[99] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE. The siege of Quebec and the battle of the plains of Abraham. Québec, Dussault et Proulx, 1901, volume 5 (Letters of James Gibson), page 62.
[100] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 1er mai 1759 et 22 mars 1760.
[101] LAUZIER, Roch. op. cit.
[102] Aujourd’hui Neuville.
[103] À la suite de la mort de Montcalm et de la prise de Québec, le 13 septembre François Gaston de Lévis (1719-1787) prend le commandement des armées. En 1760, il marchera sur Québec avec l’armée française (2600) et les miliciens volontaires (2400) venus de partout en Nouvelle-France. Le 28 avril il remportera la bataille de Sainte-Foy, près de Québec. Il assiégera la ville, mais ne pourra la reprendre, l’arrivée de renforts britanniques rendant toute tentative en ce sens illusoire. Il se retranchera sur l’île Sainte-Hélène, près de Montréal, et brûlera les drapeaux français lors de la capitulation de 1760.
[104] LACOURSIÈRE, Jacques. Histoire populaire du Québec : Des origines à 1791. Vol. 1. Québec, Les éditions du Septentrion, 1995, pages 331-332.
[105] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, le 27 octobre 1760. Marie Louise Delage reste introuvable à Registrel’Isle à cette époque. Le missionnaire de passage s’est probablement mépris dans le prénom de Marie Anne Delage (1732-1809), la seule Delage habitant l’île. Marie Anne Delage s’avère être voisine de Dominique et Geneviève.
[106] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 27 octobre 1760.
[107] Ibid., 17 octobre 1763.
[108] Ibid., 8 octobre 1764.
[109] L’oncle André est fils de Marie Letartre, du troisième lit de Louis Tremblay. Rosalie, la mère de Dominique avait pour mère Marie Perron, la première femme de Louis Tremblay.
[110] DE LA CORNE, Luc. Journal du voyage de M. Saint-Luc de la Corne, écuyer, dans le navire l’Auguste, en l’an 1761. Montréal, Fleury Mesplet, imprimeur & libraire, 1778, pages 2-18.
[111] SHORT, A. et A.G. Doughty. Documents relatifs à l’histoire constitutionnelle du Canada, 1759-1791, première partie. Ottawa, imprimeur du roi, 1921, page 25. Ordonnance d’Amherst du 22 septembre 1760.
[112] BAnQ., Fonds Fraser, P81/1, correspondance Malcom Fraser, #82.
[113] L’Isle fut desservi par des missionnaires jusqu’en 1770. Un curé résidant, l’abbé Charles Garrault s’y installa pour une courte période entre juin 1748 et juillet 1750.
[114] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, le 28 septembre 1761.
[115] Ibid., 11 avril 1763.
[116] MYRAND, Ernest. Noëls anciens de la Nouvelle-France. Québec, Dussault et Proulx imprimeurs, 1899, page 171 et 172.
[117] BAnQ., « Recensement du gouvernement de Québec en 1762 par Jean-Claude Panet », 5 avril 1721. Rapport de l’Archiviste de la province de Québec pour 1925-26, 310 pages, pages 140-141 et TRUDEL, Marcel. Le régime militaire et la disparition de la Nouvelle-France, 1759-1764, op. cit., page 58. Trudel avance que le recensement fut commandé par le gouverneur Murray, probablement au printemps 1761 et transmis en Angleterre en avril 1762. Si tel fut le cas, Marie Anne ne serait pas la deuxième enfant mentionnée sous le toit de Dominique. Un tel scénario est impossible puisque le registre de la paroisse et de celles environnantes ne comporte aucun baptême d’un enfant de Dominique et Geneviève entre ceux de François en 1760 et Marie Anne en décembre 1762.
[118] Néologisme québécois : Nom sous lequel les habitants désignent en général les jeunes veaux et génisses (taure). Dans : VIGER, Jacques. Néologie canadienne, ou Dictionnaire des mots créés en Canada & maintenant en vogue ; — des mots dont la prononciation & l’orthographe sont différentes de la prononciation & orthographe françoises, quoiqu’employés dans une acception semblable ou contraire ; et des mots étrangers qui se sont glissés dans notre langue. Montréal, éditions Jacques Viger, 1810, manuscrit 1, page 88.
[119] LALANCETTE, Mario. La seigneurie de l’île-aux-Coudres au XVIIIe siècle. Montréal, Les presses de l’Université de Montréal, 1980, page 29 et A.S.Q., Séminaire, manuscrit S-221, comptes de la Petite-Ferme, pages 79, 81 et 86.
[120] Fichier Origine #242239. Et TANGUAY, Cyprien. À travers les registres : notes recueillies. Édition Librairie Saint Joseph, Cadieux & Derome, 1886, page 185. Et BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de L’Isle aux Coudres, le 26 mars 1763. Baptême d’Abraham Louis Lagüe. Tanguay écrit « Un navigateur Français, nommé Pierre Lagüe s’était établi à l’Ile-aux-Coudres, après avoir épousé, en 1756, Madeleine Tremblay, dont il eut cinq enfants. Dans l’automne de 1762, ayant pris, en qualité de pilote, la charge d’un vaisseau Anglais il fut emmené en Europe et ne revint jamais au Canada. ». Cette affirmation trouvée dans les registres est en partie fausse. Lagüe sera finalement de retour au pays à la fin de 1763 (A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père [1713-1782], 19 octobre 1763.) Après avoir déménagé sa famille à Cap Saint-Ignace en 1765, il quittera famille et pays en 1773. En 1783, il n’était toujours pas de retour (A.N.Q., GN. Minutier Pierre Louis Descheneaux, 29 janvier 1783, contrat de mariage de Pierre Bernard, son fils aîné.) Au décès de sa femme, la cousine de Dominique, Madeleine Françoise Tremblay dite Marie, elle est déclarée « veuve de Pierre Lagueux (Lagüe), cultivateur de la Baie Saint-Paul » (BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 15 avril 1804). Pierre Lagüe était-il revenu au pays ? On ne trouve aucune trace de lui après 1773.
[121] DOUGHTY, Arthur et G.W. PARMELEE. The siege of Quebec and the battle of the plains of Abraham. Québec, Dussault et Proulx, 1901, Appendix Part II (The Townshend Papers), page 17.
[122] B.A.C., G., NORTHCLIFFE, Alfred Harmsworth et Robert MONCKTON. The Northcliffe Collection. Public Archives of Canada Publications, F.A. Acland, printer to the King's Most Excellent Majesty, 1926.
[123] VAUGEOIS, Denis et Gaston DESCHÊNES. op.cit., pages 131-132 et 136.
[124] A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 19 octobre 1763.
[125] BELZIL, France. « Pierre Lagüe, l’ancêtre des Lagueux », L’ancêtre : Bulletin de la Société de généalogie de Québec, volume 17, Numéro 10, (juin 1991), pages 363-365.