3. Louis Hervé

4.5.3 Louis Hervé (1762-1842), 4e génération

On ne connaît pas le rôle que joua Pierre Hervé dans la guerre contre l’envahisseur anglais, mais comme tous les habitants, faisant partie de la milice, il avait dû quitter sa famille pour aller combattre en laissant femme et enfants dans des abris de fortune, les «cabanes», construites dans les bois de l’arrière-pays de Baie-Saint-Paul.  La guerre de conquête enfin terminée, la vie avait tant bien que mal repris son cours l’année précédente.  La famille pouvait maintenant s’agrandir. 

Marie Madeleine Tremblay est enceinte depuis l’été lorsqu’elle accouche d’un deuxième fils au printemps 1762.  C’est au tour de «Louis Timothée Hervé» de naître le 23 mars.  Le fleuve est gelé et les insulaires sont sans curé.    On est à la merci d’un missionnaire de passage et le petit ne sera baptisé qu’un mois plus tard.  Était-ce pour le protéger pendant cette période qu’il fut ondoyé ou était-il fragile? Le 17 avril, le couple choisit Michel Tremblay (1748-1742), frère cadet de Marie Madeleine comme parrain.  La marraine est Marie Angélique Debiens (1738-1821) une voisine et cousine du père[1].  Toute sa vie, l’enfant portera l’unique prénom de Louis.

Pendant que naissait «Louis Hervé», il se tramait à Québec une fourberie qui allait influencer grandement l’avenir de l’enfant.  Alors que le Traité de Paris, qui livrera la Nouvelle-France à l’anglais, n’est même pas encore signé, James Murray, le gouverneur militaire anglais, confiera la Malle Baye aux Écossais John Nairne (1731-1802) et Malcom Fraser (1733-1815).  Ceux-là mêmes qui s’étaient rendus dans la seigneurie de la Malbaie pour la dévaster et en détruire les bâtiments au cours de la conquête de l’été 1759 avaient trouvé que les paysages du coin leur rappelaient leur Écosse natale.  C’est donc sans gêne que Nairne et Fraser demandent au gouverneur de leur accorder cette seigneurie.  C’est tout le vaste territoire naguère compris dans la seigneurie de la Malle Baye et allant, sous l’ancien régime, de la seigneurie des Éboulements jusqu’à ce qui est connu aujourd’hui comme Saint-Siméon qui passe entre leurs mains.  Nairne obtient le secteur ouest de la rivière Malbaie, soit le village actuel de La Malbaie jusqu’aux futures paroisses de Sainte-Agnès et de Saint-Irénée alors que Fraser reçoit le secteur situé à l’est de la rivière et allant jusqu’à la rivière Noire.  Le ralliement du clan Fraser aux Britanniques, dont faisaient partie ces deux officiers écossais du régiment 78e Fraser Highlanders, est une occasion pour les highlanders de se racheter et de recouvrer l’honneur et les biens perdus lors de la défaite écossaise de Culloden en 1746, dernier événement de la rébellion jacobite en Écosse.  Les Nairne et Fraser ne tarderont pas à nommer leurs nouveau domaine respectif, seigneurie de Murray Bay et seigneurie de Mount Murray en l’honneur du gouverneur militaire James Murray qui les avaient ainsi remerciés pour leurs services à la couronne britannique[2].  C’est donc sous ces noms que Louis connaîtra son futur chez lui, mais cela, il ne le sait pas encore.

Quatre mois après la naissance de Louis, les nouveaux maîtres écossais de Murray Bay et de Mount Murray, John Nairne et Malcom Fraser, qui sont toujours mobilisés au sein du régiment 78e Fraser Highlanders, sont dépêchés avec leurs troupes à Baie-Saint-Paul et à l’Isle-aux-Coudres le 3 août 1762 pour y désarmer les habitants.  Le gouverneur militaire Murray avait appris qu’une flotte française de cinq navires avait conquis Terre-Neuve en juin, dans les jours précédents ses ordres aux Écossais.  Murray se souvenant trop de la grogne populaire qu’avait créée la saisie des armes des habitants en septembre 1760, il ordonne aux highlanders postés à l’Isle d’examiner tout vaisseau remontant le fleuve et, dans l’éventualité d’une invasion et dans la mesure de leurs moyens, d’exécuter son ordonnance de saisie des armes[3].  L’invasion ne se pointant pas le nez, le père de Louis de même que les autres insulaires conservent leurs armes.

Comment Louis a-t-il occupé son enfance et son adolescence? Il fut sans doute, comme tous les autres fils d’insulaires, astreint à très bas âge aux travaux de ferme à la préparation des pêches et beaucoup, à l’oisiveté des hivers.  Il ne sera libéré de ses occupations qu’à sa majorité, mais en vieillissant, il semble bien que lui et son frère aîné caressent le projet de quitter leur île.  Le père est encore jeune et la terre est loin d’être suffisante pour ses six fils.  De plus, Louis n’a pas l’âme d’un laboureur comme on le verra, bien que pour l’instant il n’ait guère d’autres choix.

Les basses terres comptent parmi les plus attrayantes pour les jeunes gens de l’Isle-aux-Coudres qui se cherchent un coin de pays.  Si les cousins, fils de l’oncle Dominique, ont pris la direction de la Côte-du-Sud, les fils de Pierre, dont Louis, prendront le parti de la vallée de la rivière Malbaie.  Encore au XVIIe siècle on accède à la Malle Baye uniquement par le fleuve et l’on entre dans ses terres par la Rivière-Malbaie.  Ce sont donc les terres longeant ces cours d’eau qui ont déjà trouvé preneurs et ce sera de ce côté que Louis, tout comme son frère, lorgnera en premier.  En plus d’offrir un accès direct au fleuve et à la famille à l’Isle, on pourra continuer de se rabattre sur la mer en période de disette comme le père de Louis et tous les insulaires l’avaient fait à maintes reprises.  De plus, comme le fleuve est encore assez près, on pourra profiter de la manne que connaissaient les chasseurs de l’Isle avec le béluga.  Il faut se rappeler qu’à l’époque il y avait encore plus de vingt mille marsouins peuplant le Saint-Laurent et Louis devait l’avoir chassé comme les autres insulaires. 

Les basses terres comptent parmi les plus attrayantes pour les jeunes gens de l’Isle-aux-Coudres qui se cherchent un coin de pays.  Si les cousins, fils de l’oncle Dominique, ont pris la direction de la Côte-du-Sud, les fils de Pierre, dont Louis, prendront le parti de la vallée de la rivière Malbaie.  Encore au XVIIe siècle on accède à la Malle Baye uniquement par le fleuve et l’on entre dans ses terres par la Rivière-Malbaie.  Ce sont donc les terres longeant ces cours d’eau qui ont déjà trouvé preneurs et ce sera de ce côté que Louis, tout comme son frère, lorgnera en premier.  En plus d’offrir un accès direct au fleuve et à la famille à l’Isle, on pourra continuer de se rabattre sur la mer en période de disette comme le père de Louis et tous les insulaires l’avaient fait à maintes reprises.  De plus, comme le fleuve est encore assez près, on pourra profiter de la manne que connaissaient les chasseurs de l’Isle avec le béluga.  Il faut se rappeler qu’à l’époque il y avait encore plus de vingt mille marsouins peuplant le Saint-Laurent et Louis devait l’avoir chassé comme les autres insulaires. 

Le seigneur de Murray Bay où Louis se dirigera s’était absenté souvent de sa seigneurie au cours des vingt dernières années, afin de vaquer à ses occupations militaires comme lors de l’invasion américaine de 1775-1776.   John Nairne, qui était débarqué sur ce vaste territoire une première fois en 1761, avait d’abord tenté de recruter des colons écossais, car il voulait établir une colonie écossaise et protestante à Murray Bay[4].  Le rêve de Nairne échoua puisqu’après une génération, la poignée d’Écossais recrutés avaient presque tous épousé des Canadiennes et, le plus souvent, ils s’exprimaient en français.  Faute de preneurs, après un certain temps, Nairne résolut à ouvrir ses nouvelles concessions au surplus de la population francophone des villages voisins de la région.

Murray Bay

C’est probablement au cours du printemps de l’année 1784 que Pierre et Louis acquièrent chacun une concession à l’ouest de la rivière Malbaie, dans la seigneurie de Murray Bay dite la Malbaie.  En effet, à la demande du seigneur John Nairne, l’arpenteur Ignace Plamondon père (1735-1793), s’amène sur les rives de la rivière Malbaie en juin pour effectuer «le chaînage et l’alignement de huit terres», dont deux sont celles de «Pierre et Louis Arvée».  La tâche dut être ardue puisque l’arpenteur y passera sept jours au total, entre le 19 juin et le 8 juillet, avant que son travail ne soit terminé; il faut comprendre ici que borner des terres en pleine forêt à cinquante-huit ans, malgré l’aide de son fils, ne devait pas être une mince affaire.   Dans son procès-verbal l’arpenteur nous donne les détails des dimensions des terres et des voisins de Louis :

«… me suis transporté au dit lieu de Lamalbai le long de la rivière… de la ligne qui sépare au nord ouest la terre de Jean Debien et d’ycelle j’ai chainée alors au nord ouest trois arpants de ligne de front pour Charles Brassard, trois arpants pour Jean Marie Debien, deux arpants pour Jean Marie Lavoy, deux arpants pour Pierre Arvée, deux arpants quatre perches pour Louis Arvée, deux arpants pour Coppe Gagnon, deux arpants pour René Terrien, deux arpants quatre perches pour Francois Gagnon».

Qui sont donc ces voisins des frères «Arvée»? Des parents pour la plupart.  En partant du sud-est :

Louis acquiert donc une terre de deux arpents dans la première concession de la seigneurie de Murray Bay.  Il a directement accès à la rivière, ce qui lui sera d’une très grande utilité dans quelques années.  On apprend également par d’autres chaînages qu’entreprend l’arpenteur Plamondon le 23 juin que la profondeur des terres de Louis et de Coppe Gagnon constitue la ligne de ceinture de la première concession et le front de la seconde concession que le seigneur Nairne à l’intention d’ouvrir[5].  Plus important encore pour l’avenir de Louis, le ruisseau des Frênes qui coule sur sa terre se décharge dans la Rivière-Malbaie à cet endroit.

Le bassin hydrographique de la Rivière-Malbaie où Louis vient d’acquérir sa concession fait plus de deux mille kilomètres carrés.  Comme navigateur, il utilisera d’abord cette rivière pour se transporter hors de la seigneurie, mais, plus tard, il tirera surtout profit de l’énergie hydraulique de ce pays de montagnes aux nombreux cours d’eau, en y établissant des moulins.

Les habitants de la seigneurie où s’installe Louis sont presque tous de descendance française et de religion catholique.  Le fait que ses voisins soient tous un peu parents n’a rien de surprenant, car tous les habitants vivent pratiquement en milieu familial.  Si inévitablement plusieurs marient un parent, indubitablement ils prendront un conjoint provenant de leur village natal. 

À l’Isle d’où il est natif, Louis n’a jamais connu ses seigneurs, ces messieurs du séminaire demeurant à Québec.  Ces derniers n’avaient même pas de pied à terre sur leur petit domaine constitué d’une prairie.  Ayant toujours vécu dans une simple et petite maison de bois, on peut s’imaginer l’impression que laissa au jeune homme sa visite au somptueux manoir du seigneur lors de l’attribution de sa concession par ce dernier.

En 1787, Louis est déjà intégré dans sa petite communauté.  En moins de trois ans, il se sera rapproché de ceux qui gravitent autour du seigneur écossais.  Le 25 février, il agit comme parrain du deuxième enfant d’Archibald dit Agapit McNicoll (1760-1832) et d’Angélique Dallaire (1757-1831).  La petite était née le 15 décembre de l’année précédente; pour procéder au baptême, on avait dû attendre le passage du curé de l’Isle-aux-Coudres qui desservait la paroisse.  Agapit est l’aîné de Duncan Mcnicoll (1730-1798), ce soldat de la compagnie Campbell du régiment 78e Fraser Highlanders, présumément arrivé avec John Nairne le seigneur.  Comme on peut le voir, les enfants des soldats écossais qui se sont établis à Murray Bay, en épousant des Canadiennes, ont adopté la langue et la religion du pays.  La force du nombre a fait son œuvre.  La marraine est Agnès Simard dit Lombrette (1770-1847), la femme d’Étienne Isidore Bergeron (1759-1832), l’un des fils de la famille voisine de celle de Louis à l’Isle-aux-Coudres[6].

Lorsqu’il s’est établi dans la seigneurie, la concession de Louis était parmi les dernières à la lisière des terres non concédées.  Chez lui et dans les forêts avoisinantes, il peut compter sur une faune variée.  L’automne venu, comme il le faisait à l’Isle pour le petit gibier, il tendait probablement les pièges qui allaient assurer un complément à son alimentation.   Il pouvait aussi faire la chasse aux nombreux gibiers tels que le chevreuil, l’orignal, l’ours et encore à l’époque, une horde de caribous, estimée à plus de trois mille, hivernant dans le secteur.

L’année suivante, en janvier 1788, Louis agit comme témoin au mariage de sa cousine Suzanne Debien, fille de l’oncle Jean Baptiste, l’un des voisins en allant vers le sud-est comme on l’a vu.  Suzanne épouse le veuf Jean François Gagné (1758-1831) qui, en premières noces, était marié à Catherine Terrien (1763-1785), la sœur de René le deuxième voisin en remontant la rivière[7]

En janvier 1789, lors du baptême de Louis Boulianne (1788-1856), premier enfant de sa sœur Marie Jeanne, Louis est choisi comme parrain alors que la cousine Félicité Hervé (1769-1846), fille de l’oncle Dominique, est la marraine[8].  Il sera ainsi appelé comme parrain d’enfants des voisins à quelques reprises avant son mariage[9].  Peut-être tentait-on de le caser avec l’une des marraines choisies.

Alors que l’on entame l’année 1790, la population de la seigneurie ne s’élève encore qu’à deux cent cinquante-quatre habitants[10].  En comparaison, l’Isle qui a vu grandir Louis en compte près de six cents.  On ne se sent donc pas encore à l’étroit chez le seigneur Nairne.  De l’autre côté de la rivière, sur la pointe à gaz, le premier manoir du seigneur de Mount Murray est construit, une décevante petite maison en bois.

S’il semble avoir raté les mariages de son frère André (1787) et de sa sœur Marie Jeanne (1788) tenus tard en automne et en plein mois de janvier à l’Isle-aux-Coudres, Louis ne ratera pas celui de son frère Pierre, puisqu’il l’accompagne à l’Isle, à la toute fin d’avril 1790, alors que son frère aîné vient s’y chercher une épouse.  Il s’unit à Julie Bouchard (1772-1840)[11].  Ce mariage d’une fille de l’Isle avec un des garçons natifs de cette même île, mais l’ayant quitté depuis six ans, montre bien que les contacts entre les jeunes, partis faire leurs vies dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray, sont demeurés constants pour cette population de marins insulaires.  Pour Louis, les allées et venues entre l’Isle et sa concession de Murray Bay devaient lui être facilitées par l’un de ses métiers, capitaine de goélette.  La mer n’aura donc pas de secret pour lui, du moins, c’est que l’on dira de lui cent trente ans plus tard, dans un journal du Saguenay[12].

Louis continue d’être actif parmi les siens au cours des années comme, en autres, en avril 1792 alors qu’il agit comme témoin à la sépulture d’un enfant de Nicolas François Girard (1764-1852), petit-cousin par sa mère[13] ; un mois plus tard il agit comme parrain du quatrième enfant de son voisin Agapit Gagnon, marié à Elizabeth McNicoll[14].  On se souviendra qu’il avait été parrain d’un enfant du frère aîné d’Elizabeth cinq ans plus tôt.  Dans cette colonie naissante, on ne fait pas de détour pour aller quérir un parent pour un événement tel qu’un baptême.  Louis est le voisin immédiat de la famille, à deux arpents de chez Agapit et qui plus est, en direction de la chapelle Saint-Étienne.  Trait commun entre tous ces événements : ils sont tous reliés à des voisins demeurant au fond de la concession, dans le secteur qui, dans près de quarante ans, se détachera de la paroisse Saint-Étienne pour devenir Sainte-Agnès, tout en demeurant sous la main mise des seigneurs de Murray Bay.  

C’est en 1792 que Louis goûte à ce semblant de démocratie qu’ont instituée les autorités coloniales.  L’Acte constitutionnel avait été adopté par le parlement britannique l’année précédente et Londres avait ainsi divisé sa Province of Quebec en deux colonies : le Haut-Canada et le Bas-Canada.  Louis, comme propriétaire-censitaire, obtenait par cette loi la qualité d’électeur.   Le lieutenant-gouverneur établit de son propre chef vingt-sept circonscriptions, dont le comté du Northumberland qui englobe toutes les paroisses à l’est de Saint-Joachim.  Entre les 11 et 27 juin, les propriétaires de ce vaste territoire ont donc l’occasion de choisir celui qui représentera le comté, soit John Nairne, seigneur de Murray Bay ou l’oncle Joseph dit Bona Dufour (1744-1829), capitaine de milice et censitaire de l’Isle-aux-Coudres.  Le seigneur Nairne, «d’un orgueil et d’une volonté indomptables», subit la défaite.  L’oncle Bona, natif de petite-Rivière s’était établi à l’île lors de son mariage, sur une terre héritée de son beau-père, tout comme le père de Louis d’ailleurs.  Guillaume Tremblay (1707-1755), grand-père que Louis n’avait pas connu, possédait de grandes terres et avait plusieurs filles à marier, dont la mère de Louis.  Bona avait peu d’instruction, mais il avait un charisme que l’autre n’avait pas et, de plus, il n’était pas d’Écosse[15].   

Plus tard Louis sera connu comme entrepreneur, mais pour l’instant il est bien peu entreprenant.  En cette fin d’été 1792, à trente ans, il est toujours célibataire, alors que tout son entourage est constitué de couples mariés.  Il est cependant sur le point de changer la situation.  En effet, le 6 août, «Louis Erver épouse la jeune Marie Catherine Perron (1771-1813).  Cette dernière, native de la baie Saint-Paul, est la fille de Jean Baptiste Isaac Perron et de Marie Françoise Thibault.  Comment Louis a-t-il connu cette jeune fille de Baie-Saint-Paul? Bien malin qui saurait le dire aujourd’hui.  Le seul trait d’union apparent entre les deux est sans doute Félicité Sophie Hervé (1769-1846), cousine de Louis, fille de l’oncle Dominique, qui est également établie à Murray Bay depuis 1788 et dont l’époux, Joseph Perron (1761-1847), est le frère de la mariée.  Bien que la publication des bans ait été faite aux paroisses des Éboulements et de Murray Bay, on ne peut exclure que la mariée ait pu travailler dans une famille de la Malle Baye, étant donné que la cérémonie se déroule dans la chapelle St Étienne de murray baye»Louis n’est pas seul de son clan dans la petite chapelle Saint-Étienne le jour de ses noces.  Son frère Dominique Romain dit Joseph, qui s’était amené à La Malbaye depuis un certain temps, épouse pour sa part Marie Boulianne.  Le père de Louis et sa mère se sont déplacés, accompagnés de son frèreAndré et de l’oncle Dominique.  Ce sont huit des enfants de Pierre et Dominique qui sont déjà établis dans la paroisse Saint-Étienne.  Les doubles noces sont donc très courues par tous ces Hervé[16]

Huit jours après les festivités de ces doubles noces, Marie Magdeleine Hervé (1757-1792), sœur aînée de Louis, décède en couche à l’Isle, mais les membres de la fratrie de Murray Bay ne l’apprendront que plus tard puisqu’elle est inhumée dès le lendemain[17].

La seigneurie de Murray Bay n’a pas de notaire résident. Louis et Catherine Perron devront attendre la prochaine opportunité pour officialiser les détails de leur union dans un contrat.  Elle se présentera en octobre.  En effet, Monique Perron (1774-1850), sœur cadette de Catherine a rencontré, sans doute par son entremise, Jean Marie Debien cousin de Louis, troisième voisin en aval de la rivière vers la chapelle, celui-là même qui avait acquis sa concession au même moment que ce Louis.  C’est donc le 2 octobre que Louis et Catherine se déplacent à Baie-Saint-Paul pour les noces[18].  Il en profite pour se rendre à l’étude du notaire de Jean Néron (1736-1798) qui demeure dans cette paroisse[19].  Ainsi on respectera la coutume et on pourra inviter plusieurs témoins de la famille.  Néron, fils d’un capitaine de navire et natif de Sainte-Colombe dans l’évêché de Bordeaux en France, est notaire pour la Petite-Rivière, Baie-Saint-Paul, les Éboulements, l’Isle-aux-Coudres et la Malbaye depuis 1768.

Louis aura déboisé sa concession pendant plus de huit longues années avant d’y amener une épouse.  Le couple y verra naître toute sa progéniture qui sera composée de six garçons et cinq filles. 

Avec leurs rejetons à venir, Louis et Catherine entameront ce long ballet d’échanges de convenances quant aux rôles de parrains et marraines.  À partir de maintenant et pour une quinzaine d’années, il ne s’en passera pas une sans que l’un ou l’autre ne soit choisi dans ces rôles.  Avec de si nombreux frères et sœurs établis dans la seigneurie, autant pour Louis comme pour Catherine, il n’y a rien là de surprenant[20].

Leur premier enfant à voir le jour le 1er juillet 1793 est «Monique Herver».  De frêle constitution, elle est ondoyée à la maison.  Elle ne sera baptisée que dix-neuf jours plus tard au passage de François Raphaël Pâquet (1762-1838), curé des Éboulements qui dessert la Malbaie.  Paquet n’était pas revenu à Murray Bay depuis le solstice d’été.  Un oncle et une tante de l’enfant sont choisis comme parrain et marraine lors du baptême : Louis Boulianne (1766-1836) marié à Marie Jeanne et Julie Bouchard marié à Pierre[21].  Comme on le verra, Louis Marie Boulianne (1740-1824), père du beau-frère est un homme de confiance du seigneur Malcom Fraser de la seigneurie voisine.  La relation entre les deux hommes leur vient du grand-père du beau-frère comme on l’a déjà vu.  La proximité entre Louis et son beau-frère sera fort utile au premier dans la conduite de ses affaires à venir.  

Vingt-trois mois plus tard, le 27 juin 1795, Catherine Perron accouche d’un premier garçon.  Une nouvelle fois, à cause de l’état de l’enfant il fut «ondoyé à la maison» par la sage femme.  Lors du baptême de «Jean Thomas Erver», deux jours plus tard, le couple choisit encore une fois un oncle et une tante de l’enfant pour parrain et marraine : Pierre, frère aîné de Louis et Monique Perron, sœur cadette de Catherine[22] 

Plus tard, ce jeune Thomas épousera Magdeleine Bouchard en 1817[23], et deviendra rapidement un prospère marchand qui possédera de nombreux moulins à scie.  Son succès sera par contre de courte durée puisqu’il s’éteindra le 30 octobre 1832 âgé de seulement trente-six ans[24].

En octobre 1795, Louis sera parrain à son tour du premier fils de son frère Michel[25].  Son frère Michel demeure dans la concession du ruisseau des frênes, perpendiculaire à la sienne au bout de sa terre, à quarante arpents de sa maison.  Le cadet Jean, lorsqu’il viendra vivre à Murray Bay dans quelques années, s’établira dans cette même concession à trois arpents de chez Michel.  

Si les seigneurs écossais s’étaient séparés la vaste seigneurie nommée malle baye sous l’Ancien régime pour s’en faire deux petits royaumes, cette division par la Rivière-Malbaie n’existe que dans leur tête.  Pour la population homogène habitants les deux seigneuries, provenant des mêmes villages et très souvent unis par des liens consanguins, elle ne fait que peu de cas de cette division.  Murray Bay à une chapelle, une paroisse et une population et il en sera ainsi pour bien des années encore.  Louis fait d’ailleurs affaire des deux côtés de la rivière.

Catherine Perron est de nouveau enceinte à l’automne 1796.  Elle accouche d’une fille au dernier jour de mai 1797.  Cette dernière sera nommée «Marie Herver» lors du prochain passage du curé Pâquet des Éboulements, au lendemain de la fête de la Saint-Jean le mois suivant.  Les parrain et marraine seront son oncle Jean Hervé et sa tante Magddeleine Côté, mariée à l’oncle Michel Hervé[26]

Devenue adulte, Marie épousera Joseph Blackburn (1788-1847) le 27 janvier 1818.  Ce dernier est le fils de Hugh Blackburn (1746-1833) qui vécut en relation libre avec Javote dite Geneviève Gagnon (1742-1835) [27]Arrivé avec les soldats écossais du 78e Fraser Highlanders lors de la conquête, il fut le premier Blackburn à s’établir dans la seigneurie de Murray Bay.  Geneviève Gagnon était métisse par sa mère, une Innue nommée Cécile Kaorate.  Ce mariage est la seule union d’une Hervé à un Blackburn pour cette génération.  Trois autres mariages Harvey-Blackburn auront lieu au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.  Marie s’éteindra à l’âge soixante-quatorze ans, le 6 janvier 1872, à Saint-Alphonse de la Grande Baie au Saguenay où le couple était parti vivre. 

Louis habite en bordure de la Rivière-Malbaie et, pas très loin à l’intérieur des terres, il y a de nombreux lacs comme le «Petit Lac» et le lac Nairne.  Pour lui qui avait passé sa jeunesse à pêcher et à se nourrir à même le fleuve, cette activité de subsistance devait donc s’imposer.  Quelques années plus tôt, vers 1790, les colons s’étaient révoltés contre la volonté du seigneur Nairne de tirer profit de la pêche au harpon et au flambeau dans la baie de la Rivière-Malbaie.  Le conflit dure encore à l’époque qui nous intéresse.  Il aura fallu l’intervention de l’abbé Keller, premier curé de l’endroit arrivé en octobre 1797, pour calmer les esprits.  On ne sait pas si Louis, comme le faisaient les colons du temps, pratiquait la contrebande du saumon sur la Rivière-Malbaie, en y faisant la pêche au flambeau malgré la surveillance des seigneurs et de leurs gardiens.  Comme son cercle de connaissances semble graviter autour des seigneurs, on pourrait en douter.  Par contre, les meneurs sont parmi des parents.  En effet, celui qui faisait damner les seigneurs Nairne et Fraser n’était nul autre que Joseph Villeneuve (1753-1799), l’aîné d’une famille issue de l’Isle-aux-Coudres.  Il avait été le dernier Villeneuve à quitter l’île après avoir épousé, en 1785, Marie Louise Savard (1764-1836), une nièce de Louis.  De plus, Michel, frère de Louis, est le beau-frère de Basile Villeneuve (1755-1825), frère de Joseph dont les deux familles sont très unies.  Quoi qu’il en soit, alors que le seigneur Malcom Fraser voulait faire arrêter un dénommé Joseph Claveau, Nairne pour sa part voulait arrêter Joseph Villeneuve, celui qu’il considérait comme le chef des insoumis puisqu’il l’avait vu personnellement défier son autorité[28].  Certains ont attribué à la médiation de l’abbé Keller le fait que le conflit se soit résorbé; ils ont par contre oublié de mentionner la mort du meneur Joseph Villeneuve en 1799.  Si l’on avait apaisé les censitaires, il n’en était pas de même des seigneurs qui continuèrent à tenter de se faire reconnaître un droit sur les rivières par la suite.  Deux ans après la mort de Villeneuve, Fraser apprendra que lorsque l’on est seigneur on n’est pas roi.  De la bouche même de son avocat, il fut avisé qu’il n’avait aucun droit, le fleuve et les rivières étant propriété exclusive du roi[29].  Il tentera plusieurs démarches pour faire modifier les statuts alors que, pendant ce temps, des colons récalcitrants continuaient leurs pêches en toute légalité.

En 1798, la paroisse où est établi Louis compte déjà plus de cinq cents habitants dont cent hommes, entre seize et soixante ans[30], capables de porter les armes.  Comme mentionné plus tôt, cette paroisse comprend la population des deux seigneuries avoisinantes l’une de l’autre.  Le seigneur de Murray Bay possède trois fermes de cent acres de terre arable chacune et de nombreux bâtiments.  Il emploie un bon nombre de gens parmi cette population.  Si Nairne a commencé la production de bois d’œuvre et en exporte, il n’est pas seul.  Plusieurs commencent à réaliser des profits par l’abatage et la transformation de la forêt.  Nairne exporte également des fourrures et des dérivés du béluga.  On ne sait pas si les Hervé établit à Murray Bay ont participé aux nombreuses pêches à marsouin dont Nairne et son voisin Fraser tirent profit, mais en cela, ils possèdent une expertise indéniable qu’ils ont pu monnayer[31]

Si à l’Isle-aux-Coudres on avait pris l’habitude d’égayer les hivers par les célébrations de mariage pendant cette saison morte, il en sera tout autrement à Murray Bay.  Somme toute, on ne s’y déplace également que très peu en hiver; on doit attendre le retour du beau temps pour permettre aux parents des anciennes paroisses de se joindre aux festivités qu’entraînent les mariages.  Ainsi au printemps 1799, le père maintenant âgé de soixante-cinq ans, s’amène à Murray Bay.  La cadette Marie Magdeleine (1773-1817), qui vit déjà depuis un certain temps à la Malbaye, épouse Jean François Savard (1774-1857), un fils de l’Isle également établi à la Malbaye.  Bien que ce soient ses jeunes frères, Jean et Michel, de qui elle est naturellement plus près qui lui servent de témoin, il ne fait pas de doute que Louis devait s’y trouver également accompagné de son épouse sur le point d’accoucher, car elle est à nouveau enceinte depuis l’automne dernier[32].

Catherine Perron ne fait pas défaut à ses habitudes.  Comme un métronome qui battrait le temps tous les deux ans, elle met au monde son quatrième enfant le 21 avril 1799; il s’agit de sa troisième fille.  Le jour même, le père accompagné de son beau-frère et parrain Joseph Perron (1761-1847), marié à la cousine Félicité Sophie Hervé, ainsi que la marraine Marie Simard (1767-1832), belle-sœur de son frère Michel, se rendent à la chapelle Saint-Étienne.  La présence du premier curé résident arrivé dans la paroisse à la fin de 1797, rend possible le baptême d’«Angele Hervez» la même journée[33].  

Plus tard, en 1821, Angele épousera Alexis Bouchard (1796-1871), frère de sa belle-sœur mariée à son frère Thomas[34].  Alexis est le fils d’Augustin Bouchard (1757-1819) marié Mary McNicoll (1766-1845), sœur de la voisine.  Le bonheur d’Angele sera de courte durée puisqu’elle s’éteindra à l’âge de vingt-six ans, le 24 novembre 1825, laissant dernière elle trois jeunes enfants[35]

Le père de Louis, malade, décède à l’Isle-aux-Coudres le 1er août 1799.  Comme les contacts sont fréquents pendant les mois de navigation entre la Malbaie et l’Isle, il avait dû voir ce dernier avant sa mort. 

Le nouveau curé Keller n’aura fait que passer à Murray Bay.  À la fin septembre 1799, il quitte déjà sa cure.  Le seigneur Nairne, tout protestant qu’il était et malgré ses réticences à être trop près d’un ecclésiastique catholique, entretenait d’excellentes relations avec ce curé, fils d’un Britannique.  Peut-être un peu trop près du seigneur au goût de ses ouailles, il n’aura pas fait long feu[36].  Un coup de vent de moins de deux ans dans une paroisse où il n’avait pas fait l’unanimité.  Certains de ceux qui suivront ne feront guère mieux comme nous le verrons.

En 1800, les terres arables les plus productives de la vallée de la rivière Malbaie, et elles sont peu nombreuses, sont déjà toutes en exploitation. Cela ne veut pas dire que l’activité agricole y est importante, non plus que les censitaires vivent de leurs cultures.  Ce n’est pas parce que les curés qui se succèdent les déclarent à peu près tous laboureurs qu’il en est ainsi, l’agriculture n’en est une que de subsistance.  Louis ne fait pas exception; plus entrepreneur qu’autre chose, il fait du cabotage et tire une grande partie de ses revenus de la forêt.    

Le 7 février 1801, la famille s’agrandit encore alors que Catherine Perron met au monde une troisième fille consécutive.  «Geneviève Hervé» est baptisée deux jours plus tard.  Depuis que le curé Keller a quitté la paroisse, c’est le curé des Éboulements desservant la Malbaye, Jean Baptiste Antoine Marcheteau (1761-1816), qui assure la desserte de Saint-Étienne et c’est ainsi que Geneviève reprend le patronyme d’origine.  Louis et Catherine choisissent comme parrain Bazile Villeneuve, beau-frère de Michel Hervé dont il a été question plus tôt.  La marraine pour sa part est Suzanne Desbiens (1770-1856), femme de Jean François Gagnier (1758-1831).  Faut-il le rappeler, tous ces gens sont originaires de l’Isle et demeurent maintenant dans le même secteur de la seigneurie[37].  

Son enfance terminée, Geneviève épousera Pierre Bilodeault en 1826[38].  Après avoir donné naissance à une dizaine d’enfants, la famille quittera la Malbaie pour s’établir à Trois-Pistoles sur la Rive-Sud, car Pierre Bilodeau semble faire feu de tout bois.  Ils y seront pour quelques années.  Par la suite, ils seront parmi les premiers à s’établir aux Ilets-Caribou ou aux îles Caoui, voisines sur la Côte-Nord, à près de quatre cents kilomètres de Murray Bay.  Un armateur de Murray Bay qui s’intéressait à la pêche à la morue fonde de petits établissements sédentaires dans la région.  En 1861, il emploie une trentaine d’engagés comme Pierre[39]Geneviève et son mari sont parmi la dizaine de familles s’y trouvant lorsque Geneviève s’éteint le 23 juillet 1868 au village de Sainte-Anne des Ilets-Caribou[40].

Deuils chez Louis et dans la seigneurie

L’été s’achève et, alors que la toute dernière n’a pas encore huit mois, Louis et Catherine perdent leur premier enfant.  L’aînée Monique, huit ans, décède le 16 septembre 1802[41].  Le couple ne tardera pas à concevoir un autre enfant puisque Catherine Perron est à nouveau enceinte depuis un certain temps lors des festivités du Nouvel An.

L’enfant voit le jour le 4 juillet 1802.  C’est le second garçon.  Le «desservant de la Malbaye» baptise le nouveau-né du nom de père, «Louis Hervé» lors de son passage le 22.  Le parrain et la marraine sont deux célibataires que l’on tente peut-être de marier : un neveu de Michel Hervé, Jacques Côté (1786-1851) et Antoinette Perron (1788-1855), nièce de la mère et petite cousine du père, fille de Joseph Perron et de Félicité Sophie Hervé[42]

Louis fils partira travailler sur la Côte-du-Sud où il épousera Marie Priscille Caron en 1829[43].  Ils s’établissent à Saint-André de Kamouraska où ils auront neuf enfants.  Une fois le Saguenay ouvert la famille partira vivre à Chicoutimi où trois autres enfants verront le jour de 1847 à 1849.  Louis fils s’éteint à soixante-trois ans le 7 mai 1866 à Chicoutimi[44].

C’est dans cette période que le seigneur John Nairne, tombé malade, est transporté à Québec.  Celui qui avait accordé une concession à Louis y meurt le 14 juillet, dans une maison de la rue des Grisons.  Christiana Emery (1743-1828), son épouse, s’occupera de la seigneurie jusqu’à son propre décès en 1828, assurant ainsi une stabilité et une continuité que la seigneurie voisine n’aura jamais connues[45].

Décidément, les Hervé commencent à prendre de la place à Murray Bay.  En 1803, le bureau du grand voyer du district de Québec nomme pour deux ans Louis comme sous-voyer des chemins et ponts pour La Malbaye tout comme son cousin David Louis Dominique Hervé (1764-1836).  À Québec non plus on ne fait aucune différence entre les deux seigneuries; le rôle ainsi confié aux cousins s’étendra dans les deux grands domaines que l’administration coloniale englobe dans Murray Bay.   Ce sera le major de milice Antoine Riverin (1777-1859) qui sera inspecteur[46].  Marié à Marie Anne Blackburn (1785-1866), l’aînée féminine des enfants de Hugh, Riverin était devenu un homme de confiance du seigneur Nairne et également du seigneur Malcom Fraser.  Les seigneurs n’ont, par contre, rien eu à dire dans ces nominations, car d’après la loi, les sous-voyers des paroisses sont élus pour deux ans par les censitaires.  Louis a donc déjà acquis une certaine notoriété parmi les siens.  Ils seront quatre sous-voyers pour couvrir toute l’étendue des deux seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray; aux deux premiers s’ajoutent Joseph Claveau et Philippe Lessard.  La tâche est énorme dans la seigneurie, car avec le peuplement qui va bon train dans l’arrière-pays où le seigneur avait ouvert de nouvelles concessions, il faut remplacer les sentiers par des routes pour permettre aux censitaires de se rendre là où, ce qui prenait la forme d’un village à Murray Bay, on retrouvait la chapelle et quelques commerçants : la route de la rivière Mailloux, celle du ruisseau des Frênes, le chemin de la concession Terre Bonne parmi d’autres[47].  Dans la seigneurie de Mount Murray, le chemin du Nord-est de la rivière n’est pas terminé sur toute sa longueur, surtout à partir du pied de la côte de la ferme de la Comporté au passage de la rivière, endroit crucial s’il en est un puisque s’y trouve l’unique moulin banal de cette seigneurie.  La situation n’est guère mieux du côté de la pointe Fraser (pointe à Gaz).  Le plus gros des travaux sera celui du chantier du chemin le long du fleuve vers le Cap à l’Aigle; décidé en 1801, le chemin du roi devant ainsi longer le fleuve n’est toujours pas complété[48].

Alors que Louis vient d’être nommé sous-voyer, en octobre 1803, le presbytère-chapelle Saint-Étienne est consumé par un incendie.  Le septième enfant et troisième garçon de la famille, qui sera nommé  «François Hervé», avait vu le jour quelque temps auparavant.  Les «registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère», les détails entourant la naissance de ce rejeton de la famille resteront pour toujours inconnus.  Ces registres comprenaient les entrées faites entre le 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803.  Considérant son âge aux différents recensements à venir et lors de sa sépulture, puisque le précédent était né en juillet 1802, on peut affirmer sans crainte que ce nouvel enfant voit le jour quelque part entre mai 1803 et le 21 octobre de cette même année[49]

Devenu adulte, François épousera Marie Laberge (1815-1908) en 1833[50] laquelle lui donnera une douzaine d’enfants.  La moitié d’entre eux  verront le jour dans la seigneurie de Murray Bay, puis comme son frère Louis, il partira s’établir à Chicoutimi ou l’autre demi-douzaine naîtra de 1846 à 1868.  François s’éteint dans son nouveau coin de pays le 4 septembre 1885[51].  

Si Louis est impliqué dans sa communauté, il ne semble pas avoir été très près de Michel et Jean ses frères plus jeunes, à tout le moins à leurs arrivées dans la seigneurie.  Il n’assiste pas au mariage du premier à Baie-Saint-Paul en 1794; il faut dire que l’aîné Pierre ne se déplace pas non plus.  En novembre 1804, il semble encore une fois absent d’une cérémonie de mariage qui a lieu dans la petite chapelle de Saint-Étienne alors que le cadet Jean s’unit à Magdeleine Gagné (1780-1839).  Cette fois-ci, l’aîné est présent et sert de père; ses deux autres frères de Murray Bay, Dominique Romain dit Joseph et Michel, assistent aussi au mariage[52] ?

Marie Madeleine Tremblay, la matriarche du clan Hervé de La Baleine à l’Isle-aux-Coudres devait avoir convoqué un conseil de famille puisqu’à l’exception de Pierre et Jean, ses trois autres fils, dont Louis, ainsi que ses deux gendres vivants à Murray Bay sont tous à l’île à la fin mai 1806.  Devant le notaire Augustin Dionne, André, le seul frère demeurer sur l’île, rachète de ses frères leur part respective et en obtient quittance[53]Il fera de même avec ses deux beaux-frères le lendemain eu égard des parts de ses deux sœurs toujours vivantes, Marie Jeanne et Marie[54].

Arrivé le 23 octobre 1806, François Gabriel Le Courtois (1763-1828), second curé résident de Saint-Étienne, avait pu bénéficier de la nouvelle église construite à grands frais et terminée l’année précédente.  Le Courtois est l’un de ces prêtres français qui pendant la Révolution française, refusèrent de prêter le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé tel que l’Assemblée nationale constituante l’exigeait depuis le 1er octobre 1791.  Comme certains autres, il s’exila en Angleterre et fut envoyé dans la colonie devenue anglaise.  Le clergé et les autorités anglaises s’accommodaient de prêtres plus favorables à la royauté, quels qu’ils soient.  Les Hervé de Saint-Étienne pourront compter sur ce curé qui écrira leur patronyme «Hervey» jusqu’en 1822[55]

La cadence rapprochée avec laquelle Catherine Perron avait porté ses sept premiers enfants s’est soudainement arrêtée depuis 1803.  L’accouchement avait-il été difficile? Quoi qu’il en soit, elle accouche à nouveau quatre ans plus tard, le 28 octobre 1807.  L’enfant est frêle.  Magdeleine Côté, belle-sœur agissant comme sage-femme, ondoie l’enfant à la maison.  Bien vite devenue marraine elle porte l’enfant sur les fonts baptismaux avec le parrain, son frère aîné Joseph (1760-1848).  Celui que le deuxième curé de Saint-Étienne nomme «Joseph Hervey» à son registre ne survivra pas, il décède « peu de temps après son baptême »[56]Louis et Catherine viennent de perdre leur deuxième enfant; ils en ont encore six sous leur toit.

Comme on l’a vu, les terres arables de grande qualité sont plutôt rares dans la région; celle de Louis ne fait pas exception bien qu’elle soit parmi les meilleures dans la vallée de la Rivière-Malbaie, mais cela, Louis n’en a que faire puisque c’est surtout la forêt qu’il exploite pour la transformer en bois de sciage.  Il a poursuivi le déboisement de sa terre pendant toutes ces années, mais bientôt, les hêtres, chênes, merisiers, frênes et érables commencent à manquer.  C’est en 1807 que Louis débute ses acquisitions de terres à bois et c’est Joseph Villeneuve (1786-1865) qui, le premier, lui en cédera une le 21 novembre devant le notaire Isidore Lévesque[57].  L’hiver passé à bûcher dans la forêt aura permis à Louis d’amasser suffisamment pour financer l’achat qu’il vient de faire, car en juin il rembourse déjà Joseph Villeneuve[58].  Cette fois-ci Louis a choisi le tabellion François Sasseville (1760-1828) pour rédiger la quittance de sa dette.  Il fallait qu’il encourage un peu la famille élargie puisque Sasseville était marié à la cousine de l’épouse de son frère Michel.  Comme ces dernières années, les deux frères semblent être plus présents dans la vie l’un de l’autre, Louis aura fait une fleur à son cadet.    

Quatorze mois après avoir perdu son dernier enfant, Catherine Perron donne à Louis un cinquième fils.  L’enfant est baptisé le jour même de sa naissance la veille de Noël 1808[59]«Jean Hervey» a pour parrain Michel Gagné et comme marraine Rose Girard. 

Plus tard, en 1834, Jean épousera Marie Tremblay (1808-1847), veuve d’Élie Hervé (1801-1832) son cousin.[60]. Ils auront six enfants, tous nés à Murray Bay.  Actionnaire principal de la Société des Vingt-et-un, il prendra part à l’ouverture du Saguenay pour la colonisation.   Jean s’établira sur la Rive-Nord du Saguenay face aux Petites-Îles, près de la rivière Sainte-Marguerite.  Son épouse y décède d’ailleurs l’année de leur arrivée.  En secondes noces, il épousera Marie Lucrèce Tremblay en 1867[61]. Il décédera à l’âge de soixante et onze ans, le 1er septembre 1880 dans le rang Saint-Paul à Chicoutimi où il était venu finir ses jours.[62]

Comme les hivers sont longs, on acquiert ses revenus de toutes les sources possibles et Louis tire parti de ses expériences passées.  Dans son enfance à l’Isle, on entaillait les érables[63].  En 1809, il profite donc de cette expérience en obtenant pour cinq ans, de Malcom Fraser, seigneur de Mount Murray, la permission avec Joseph André Côté (1760-1848), de «faire les sucres» dans une érablière se trouvant sur le terrain qui va de la rivière à la Loutre[64] jusqu’au «remous du cap à l’Aigle» (aujourd’hui nommé le Gros cap à l’Aigle).  Fraser stipule les conditions suivantes : «(Ils)auront la première année quitte et ils me paieront en sucre dix pour cent pour les quatre autres années»[65]Louis connaît ce secteur puisque Fraser y exploite déjà la forêt. 

Si Catherine avait eu quelques difficultés que ce soit lors de l’accouchement de son fils François en 1803, difficultés qui l’empêchèrent de porter d’enfants pendant quatre ans, elle semble avoir repris sa régularité coutumière.  Le 19 octobre 1810, elle accouche de son dixième enfant et sixième fils, lequel portera le nom d’«Alexis Hervey» et qui est baptisé le jour même.  C’est Alexis Tremblay (1787-1859), neveu par alliance, qui est choisi comme parrain.   Alexis a épousé un mois plus tôt la très jeune Marie Modeste Boulianne (1796-1841), fille de Marie Jeanne Hervé, sœur de Louis.  La marraine est «Marie Daler»[66].

Le mois suivant, Louis perd son jeune frère Michel, emporté par la maladie.  Magdeleine Côté, la jeune veuve qui venait de perdre un enfant également, devra rapidement trouver une solution, car son époux a laissé derrière lui huit orphelins bien vivants[67].  

Le 24 juin 1811, une cousine, Suzanne Debien cède à Louis et à son frère Pierre une partie de terre héritée de sa mère.  En 1792, au décès de Marie Luce Pedneault (1735-1792), seconde épouse de son oncle Jean Baptiste Desbiens, elle avait hérité d’une partie de la terre familiale dont elle n’avait pas profité de l’usufruit puisque son père en tirait toujours profit.  Se sentant malade, celui qui décédera dans quelques mois s’était donné et avait fait exécuter le partage de la terre.  Proche de cette cousine qui est deuxième voisine en remontant la rivière, Louis avait agi comme témoin à son mariage et cette dernière avait été marraine de sa fille Geneviève en 1801[68].  

À quarante ans, Catherine Perron est à nouveau enceinte, mais ce sera pour elle la dernière fois.  Elle accouche de sa cinquième fille, le onzième et dernier enfant le 21 janvier 1812.  «Monique Hervey» a pour parrain Jean Côté et pour marraine Marie Bergeron (1793-1865) lors de la cérémonie de son baptême le lendemain.  Si le parrain est difficilement identifiable, peut-être Jean Baptiste Côté, un neveu de la belle-sœur Magdeleine Côté, la marraine est connue; elle est la fille d’Alexis (1765-1847), un voisin immédiat et copain d’enfance de Louis, maintenant établi à Murray Bay[69]

Plus tard, Monique épousera François Xavier Girard (1798-1846) en 1833[70].  Elle mettra au monde six enfants, tous nés à la Malbaie.  Une dizaine d’années après le décès de son mari elle partira s’établir dans la Grande ligne de Jonquière avec l’aide de son frère Jean, l’un des Vingt-et-un et y décédera le 16 décembre 1889[71].

Si les Hervé commencent à occuper une place importante à la Malbaie, c’est Louis, capitaine de milice dans le 2e bataillon du comté de Saguenay, qui s’est sorti la tête de l’eau le premier.  À part lui, au début du siècle, aucun des Hervé n’était encore marchand ou navigateur prospère; ils vivaient tous aussi difficilement que l’ensemble des censitaires, journaliers ou cultivateurs.  Pour bien comprendre comment Louis s’est élevé dans le tissu social et économique de Murray Bay, il faut regarder dans quelles eaux il fraye douze ans plus tard.  

Tout juste avant l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Empire britannique, le 18 juin 1812, l’état-major de la division de la Baie-Saint-Paul des Milices du Bas-Canada est sous les ordres du colonel et seigneur Malcom Fraser.  Elle se compose des lieutenants-colonels Joseph Bona Dufour, oncle de Louis, et Antoine Riverin, marié à Marie Anne Blackburn (1785-1866), confrère de Louis à la voirie ainsi que du major Jean Baptiste Tremblay (1787-1854), marié à Marguerite Hervé (1792-1857), cousine de Louis.  En plus de Louis, on y compte également quatre capitaines pour Murray Bay : le beau-frère Louis Boulianne marié à Marie Jeanne Hervé; le jeune Joseph Bélanger (1790-1813) marié à Anne Fraser (1792-1877), fille illégitime que le colonel et seigneur eut avec sa maîtresse de Mount Murray, Marie Ducros dit Laterreur (1763-1837) et Pierre Laberge (1751-1829), le constructeur de moulins[72], dont l’aînée a épousé un fils de Hugh Blackburn[73].  Ce choix de carrière comme capitaine dans la milice n’est pas anodin pour Louis.  Depuis la loi sur les routes de 1796, c’est le capitaine de milice qui convoque les habitants lors des réunions pour décider des projets qui seront soumis au Grand-voyer, facilitant ainsi le poste qu’il avait occupé s’il ne l’occupe pas toujours[74].  Plus important encore pour lui et ses affaires, la loi de 1808 réglementant le commerce du bois attribue certains pouvoirs qui seront utiles au capitaine de milice Louis Hervé[75].   

La guerre de 1812

En octobre 1811 l’Écossais Fraser, seigneur de Mount Murray, écrivait que la majorité de la population du Bas-Canada est ingrate et ne reconnaît pas les bienfaits dont elle jouit sous le gouvernement britannique; le roi ne pourra donc compter que sur les troupes régulières dans cette guerre qui se dessine déjà[76].  En juin la guerre est déclarée alors que Malcom Fraser, colonel de la division des Milices de la Baie-Saint-Paul, semble avoir une bien piètre opinion de ses hommes.

Qu’à cela ne tienne.  Au printemps, on avait décidé de lever une milice de deux mille hommes recrutés à même la milice sédentaire[77].  Cette milice était composée d’hommes célibataires tirés au sort parmi ceux qui étaient âgés de dix-huit à trente ans.  Six levées de miliciens seront ainsi conscrites avant la fin de la guerre.  Le premier tirage débute le 28 mai.  Un total de trente-cinq hommes sont choisis et envoyés à la guerre au printemps 1812[78]

Le roi a besoin de plus d’hommes de la région pour sa guerre contre les Américains.  Ils seront cent seize à être choisis lors d’un troisième tirage au début de 1813.  La colère gronde parmi la population.  Des assemblées seront organisées contre la conscription.  Dès l’automne précédent, Malcom Fraser, pour s’assurer du soutien des Canadiens de la région en qui il n’a guère confiance, avait demandé aux miliciens de prêter allégeance au roi; plus du quart des miliciens visés, dont plus de la moitié célibataire et en âges d’être conscrits, s’abstiennent malgré les menaces à peine voilées de représailles. 

Dans cette tempête où Louis est fort occupé à tenter de calmer ses concitoyens, il perd son jeune fils Alexis dans la froidure de l’hiver le 10 février 1813.  L’enfant venait d’avoir deux ans.  Louis et Catherine voient donc partir leur troisième enfant[79].  

En ce qui concerne la guerre, notons que les liens de parenté sont nombreux entre les rebelles et les loyaux sujets.  Pour Louis, en sa qualité de capitaine, le choix est clair et facile lui qui n’a aucun fils pouvant être conscrit pour devenir chair à canon.  Sa production forestière n’en souffrira pas; ses fils continueront de vaquer à l’abatage à l’abri de la forêt.  Si sa fratrie est épargnée, Louis sait par contre qu’il n’en est pas ainsi pour tous.  Bon nombre de ses parents, dont les fils de ses cousins peuvent être appelés pour servir le drapeau britannique; l’un d’entre eux sera envoyé au front. 

Une centaine d’hommes, tous descendants de colons français, participent ouvertement aux assemblées de révolte.  Plusieurs d’entre eux sont les mêmes ou issus des mêmes familles que ceux qui s’étaient levés contre les corvées de 1794 imposés par les seigneurs.  C’est le lieutenant-colonel de milice Riverin lui-même qui informe Fraser, à la fin mars 1813, que les miliciens de la Malbaye ont fait provision de poudre et qu’ils ont l’appui de ceux des Éboulements contre la conscription, comme celle d’une grande partie de la paroisse Saint-Étienne.  Si bien que le 2 avril 1813, Malcom Fraser fait lever un détachement de cent cinquante miliciens pour capturer les rebelles.  Il donne l’ordre suivant pour s’assurer de contraindre les miliciens qui ne voient pas du bon œil l’arrestation d’amis et de parents pour le roi d’Angleterre : «tous milicien qui n’obéit pas aux ordres sera coupable de Haute-Trahison envers le gouvernement, le Roi et punis comme rebelles suivant la loi et à perdre leur honneur, leur vie et leurs biens.»  C’est ainsi que les récalcitrants seront arrêtés et conduits à la prison de Québec pour être jugés par les autorités anglaises.  La rébellion est étouffée.  Le cousin et enseigne de milice Jean François Gagnon (1774-post.1814), fils de la tante Marguerite Hervé, sera le seul officier de milice à subir les foudres des autorités anglaises, pour avoir refusé de conduire un accusé à Québec[80].

C’en est probablement trop pour Catherine Perron qui a elle aussi des parents impliqués dans ce conflit.  C’est pendant toute cette période de turbulences qu’elle tombe malade.  Elle s’éteint le 16 novembre 1813.  Huit de ses enfants lui survivront; les plus jeunes seront donc élevés par Marie et Angele, les deux plus veilles.  Deux jours plus tard, l’église de Saint-Étienne est bondée pour ses funérailles.  Outre les Hervé, les Savard, Boulianne, Gagnon, Tremblay, «… et quantité d’autres» sont présents[81]Louis prend donc le deuil et semble vaquer à ses occupations militaires pendant cette période prescrite.

En ces temps de conflit, une missive militaire envoyée de Québec à Murray Bay en plein hiver prend une quinzaine de jours à s’y rendre comme en fait foi l’illustration ci-contre.  Au début de 1815, la guerre tire à sa fin, mais on ne le sait pas encore à Murray Bay.  Alors qu’elle s’est terminée le 12 février, Malcom Fraser, colonel de la division de Milices de la Baie-Saint-Paul englobant Murray Bay, dépêche vers Yamaska le capitaine «Louis Hervé» avec trente-quatre miliciens de la division de la baie Saint-Paul.  Ils partent ainsi rejoindre le 3e Bataillon qui y est cantonné.  Le fleuve étant gelé, la colonne se dirige donc à pied en plein hiver par le sentier liant Baie-Saint-Paul et la Petite-ferme du Séminaire à Saint-Joachim.  Ce dernier n’était pas encore vraiment un chemin; il avait été ouvert à la toute fin du XVIIIe sur le haut des Caps et servait de sentier pour les mois d’hiver en cas de nécessité absolue de se rendre à Québec.  

La guerre étant nécessitée, le capitaine Louis Hervé, cinquante-trois ans, n’eut d’autre choix que d’y passer en ayant parfois à marcher dans plusieurs pieds de neige.  Heureusement, la guerre avait rendu son utilisation plus fréquente par le passage des courriers et de quelques hordes de miliciens.  Le capitaine Louis Hervé avait obtenu à l’avance de Fraser 8,10 £ pour les dépenses que pourraient entraîner ce voyage dont 5/(shillings) pour sa peine.  Il pouvait également s’attendre à recevoir d’autres fonds des autorités militaires à son arrivée à Québec pour la suite de son voyage dans la région de Trois-Rivières.  On sait que Louis n’a pas combattu.  Combien de temps est-il demeuré à Yamaska? A-t-il attendu le printemps pour revenir par le fleuve ou a-t-il simplement mené ces hommes à l’endroit désigné? Tant de questions qui resteront sans réponses!

Pendant le conflit, Malcom Fraser, colonel de la division de Milices de la Baie-Saint-Paul, englobant Murray Bay, entretien une correspondance soutenue avec le lieutenant-colonel Charles-Étienne Chaussegros de Léry (1774-1842), député quartier maître général de la milice.  C’est grâce à cette correspondance que certains faits et gestes du capitaine Louis Hervé pendant cette guerre nous sont parvenus.  Fraser nous en apprend un peu plus sur l’évolution de l’orthographe du patronyme.  Si John Nairne, l’ancien seigneur avait tenté de transformer les descendants Hervé venus de France en Harvey écossais pour satisfaire sa cause vingt ans plus tôt, Fraser, pour sa part, laissera cette tâche aux curés, dont certains s’en acquitteront fort bien d’ailleurs.  Tout au long de sa correspondance, Fraser qui sait lire et écrire en gaélique, mais également en anglais comme en français, utilise dans ses lettres l’orthographe «Hervé»[82].  Il est peu probable que Fraser ait appris à écrire le patronyme ainsi du seul fait qu’il transigea avec des Hervé de l’Isle-aux-Coudres, les capitaines de milice Dominique (1736-1812) et Zacharie (1726-c.1813), après la conquête et lors de la tentative des Américains d’envahir le Canada en 1775.  Il est encore moins probable qu’il l’ait appris des quelques Écossais catholiques de sa famille élargie passés en France.  Cultivé, Fraser devait écrire le patronyme de la façon dont il s’écrivait lorsqu’il se fit plus assidu dans sa seigneurie à partir de 1784.  C’est d’ailleurs cette orthographe qu’il utilisait dans les contrats de concession.  On n’attribuera donc pas la transformation de notre patronyme à cet Écossais.

En 1816, la guerre est terminée depuis un an, mais les autorités coloniales se méfient encore des Américains.  Ils gardent donc leur milice active pour un certain temps et Louis en fait toujours partie comme capitaine.  Avec le décès de Malcolm Fraser l’année précédente, c’est maintenant l’oncle Joseph Bona Dufour qui a pris sa place à la tête de la division; il est secondé par deux Écossais amenés par les seigneurs dans la région, James McKenzie (1777-1849), major et John Warren (1758-post.1840), lieutenant-adjudant; le premier était un trafiquant de fourrures venu de Blackness, alors que le second était un ancien militaire de Leith[83]

On en connaît peu sur les émoluments d’un capitaine de milice aussi actif que l’a été Louis au cours de la guerre.  On sait que, bien après la guerre, ceux y ayant participé activement se verront attribuer une terre ou son équivalent en monnaie du pays.  Pour un capitaine en support aux opérations de combat, mais resté dans ses terres, point de réponse? Comme on l’a vu, il fut rémunéré pour son voyage à Yamaska, le seul événement militaire le concernant dont le récit nous est parvenu.  Il est possible qu’il ait tiré un profit suffisant de cette période trouble pour se faire construire un moulin à scie puisque c’est à cette époque que divers contrats notariés commencent à mentionner le moulin du ruisseau des Frênes de Louis Hervé.  Il existe un autre moulin beaucoup plus en amont sur ce même ruisseau des Frênes depuis 1803, celui Alexandre Boivin (1783-1870) construit avec Joseph Boulianne.  Boivin est marié depuis trois ans à Marie Magdeleine Côté (1774-1857), l’ex-épouse de Michel, frère décédé de Louis.  Ce moulin est dans la concession du ruisseau des Frênes, près de l’endroit où habitait Michel.  Pour ce qui est du moulin de Louis, il est sur sa terre du Sud-ouest de la Rivière-Malbaie pas très loin du lieu où se jette ce même ruisseau dans la rivière.  Les minutiers des notaires ne nous ont pas révélés la date de construction ou de mise en service du moulin de Louis, mais ce fut avant celui de son frère Pierre qui entre en exploitation en 1818[84].

Une nouvelle épouse

À la fin de l’été, Louis sent le besoin de demander que l’on procède à l’inventaire des biens qu’il possédait en communauté avec Catherine Perron, décédée maintenant depuis trois ans.  À l’époque, les veufs et veuves procèdent ainsi lorsqu’il y a un nouveau mariage en vue.  Dans le cas contraire, parmi les gens sans fortune, ils continuent généralement de jouir du bien commun jusqu’à leur décès.  Le tabellion Charles Chiniquy (1781-1821), qui buvait à l’excès[85], s’amène donc chez Louis au début de septembre, jour où il n’était pas ivre mort[86], pour y établir l’inventaire.  Que se passe-t-il dans la vie de Louis pour qu’il se précipite ainsi le 11 septembre 1816?

On sait que Louis a toujours de nombreux parents à l’Isle-aux-Coudres dont un frère qui vit dans le hameau de La Baleine.  Or, une des voisines de ce dernier a perdu son mari au cours de l’hiver.  Les Hervé de la Malbaye et ceux de l’Isle-au-Coudres se voisinent régulièrement.  Il est donc fort probable que le veuf se soit rendu à l’île plus souvent qu’à son tour au cours de l’été, lui qui connaissait la veuve Esther Boudreau (1772-1865), voisine de jeunesse.  Esther qui avait perdu son mari en février avait pris le deuil pour un an.  La veuve de quarante-quatre ans n’est par contre pas pressée, car elle peut compter sur une dizaine d’enfants dont les plus vieux sont en âge de l’aider.  Louis attendra!

Pendant qu’il «espère» sa veuve, Louis ne chôme pas et prépare le terrain. 

Pour donner suite à l’inventaire de l’automne précédent, Louis procède devant notaire à une donation d’immeubles au profit de ses enfants mineures le 3 août 1817.  Il leur remet l’équivalent de leur portion de la part de leur mère conformément aux résultats de l’inventaire conduit en septembre de l’année précédente.  Le lendemain, il fait de même avec Thomas, son fils aîné majeur, lequel envisage le mariage[87].

Ses terres de la seigneurie de Murray Bay ne suffisent pas à sa production forestière.  Il en loue au moins une autre, cette fois-ci dans la seigneurie voisine de Mount Murray le 25 août 1817 alors qu’il obtient du seigneur un permis pour y travailler.  À la Saint-Rémi (1er octobre) il verse au seigneur Malcom Fraser sa rente annuelle.  Comme le déclarait quelques années plus tôt Fraser lui-même,        «l’argent est un article très rare ici… il est rare d’en trouver et les lettres de change ne sont pas du tout courante ici…»[88], Louis paiera donc sa rente en nature à raison «d’un demi-minot d’orge par arpent de front»Louis exploitera cette terre à fond et en retirera tout le bois possible; il l’exploitait toujours quinze ans plus tard[89].

C’est en octobre 1817 que l’aîné Thomas se marie.  Il s’agit du premier enfant de Louis et feu Catherine à prendre épouse.  Il s’unit à l’une des filles d’Augustin Bouchard et Mary McNicoll; il ne sera pas le dernier de la famille à épouser un enfant de ce couple.  L’aînée Marie est la prochaine à se marier.  En janvier 1818, elle s’unit à l’un des fils de Hugh Blackburn et Geneviève Gagnon.  Par ces deux unions, Louis vient donc de sceller ses relations avec certaines des premières familles écossaises établies dans le secteur.  Comme si cela n’était pas suffisant, le beau-frère de l’aînée, Marie, a épousé la fille de la seigneuresse de Murray Bay, Mary Nairne (1782-1821).  Il faut dire que dans ce dernier cas, Mary avait épousé secrètement le fils Blackburn et elle ne s’est jamais représentée au manoir seigneurial depuis[90].

Bien que trois frères Hervé aient pris le chemin de la Côte-du-Sud, la Malbaye a été le point de chute principal du surplus de Hervé de l’Isle-aux-Coudres jusqu’à présent.  Si, à leur tour, les Hervé de la Malbaye dirigeront dans quelques années une bonne partie de leurs rejetons vers Saint-Fidèle, Saint-Siméon, Sainte-Agnès et Saint-Irénée, ce ne sera pas le cas pour Louis.  À l’exception, de l’aînée Thomas, qui prendra les chaussures du père à Murray Bay en devenant marchand et propriétaire d’un moulin à scie dès 1821, ses trois autres fils et deux de ses filles remonteront le Saguenay pour y ouvrir la région à la colonisation dès 1838.

Louis ne rate plus aucun mariage depuis qu’il a été nommé capitaine de milice; les registres de Saint-Étienne témoignent de sa présence assidue aussi bien pour des étrangers, pour autant que l’on puisse être étranger dans cette bien petite communauté, que pour des membres de sa famille élargie.  C’est ainsi qu’encore une fois, le 3 novembre 1818, il agit comme témoin à un mariage.  Cette fois-ci, c’est celui de Jean Baptiste Gagnon (1792-1820), son filleul et fils du voisin[91]


Louis est toujours veuf et même si Esther Boudreau fit attendre son vieux, ce ne fut tout de même pas pour trop longtemps.  Elle était venue vivre chez l’un de ses enfants à la Malbaye, probablement au cours de l’année.  Ce n’est que le 23 novembre 1818 que les deux s’unissent dans l’église Saint-Étienne devant leurs nombreux enfants[92].  Le toujours capitaine de milice[93] Louis Hervé a cinquante six ans et Esther en a quarante-six lors du mariage.  Ils n’auront pas d’enfants, mais prendront soin l’un de l’autre.

C’est surtout en hiver que le bois des terres de Louis est coupé et l’hiver 1818-1819 ne sera pas différent de bien d’autres depuis son arrivée à Murray Bay.  Les opérations forestières sont à l’époque une question de famille élargie.  Bûcherons, draveurs, manœuvres, propriétaires de moulin et navigateurs sont généralement tous du même clan familial.  Outre celle qu’il loue de l’autre côté de la rivière, Louis qui est propriétaire de plusieurs terres dans la seigneurie de Murray Bay doit s’assurer que tout ce qui est bûché dans le fond des bois soit amené au moulin.  Les surplus de billots coupés que son propre moulin du ruisseau des Frênes ne peut suffire à traiter, il les fait descendre à la Rivière-Malbaie, le plus souvent, sur des traîneaux de bois tirés par des chevaux.  Cette année-là, c’est Pierre Gagné (1788-1843), filleul de son frère aîné Pierre Hervé, qui fera le «boom» (la drave) jusqu’au moulin de Pierre Hervé, situé sur la terre de ce dernier, du côté sud-ouest de la rivière[94]Pierre Hervé en fera des madriers.  Finalement, par cette même rivière, Gagné fera descendre le produit fini, jusqu’au terrain du marchand Antoine Guay où il l’empilera en attendant qu’il soit chargé sur des goélettes, choisies pas le marchand, pour être livré à Québec.  La paye de Gagné se calculera à raison de 7/ shillings par cent madriers descendus.  Décidément, l’industrie des deux frères Louis et Pierre était facilitée par l’accès à la rivière de leurs concessions[95].  À l’instar de plusieurs propriétaires de moulins qui sont liés à des marchands comme Pierre Hervé associé à Antoine Guay, la particularité du commerce du bois de Louis, comme celle de son fils Thomas, est qu’ils ne sont pas associés à de riches marchands; ils prennent donc des risques plus grands, mais en tirent des profits corrélatifs [96].

Pour passer le temps pendant les froidures de l’hiver, on marie ses enfants.  C’est du moins ce que fait Louis le 16 janvier 1821 quand il conduit sa fille Angele à la chapelle Saint-Étienne pour la donner en mariage à Alexis Bouchard, frère de la femme de son aîné Thomas.  Dans deux ans, Louis donnera un terrain à sa fille pour aider le couple à se faire une vie[97]

Comme tous les ans, les hivers offrent à Louis l’occasion de mettre de l’ordre dans ses affaires.  Il est donc de passage chez le notaire Chiniquy à nouveau en février 1821 pour des questions reliées à ses opérations forestières, un paiement de service reçu de Jean Tremblay plus tôt[98].

Le moulin de Louis au ruisseau des Frênes roule au maximum de sa capacité.  On en sait peu sur ce moulin, mais il semble qu’il ait été en mesure de produire une grande quantité de madriers.  Il est probable qu’il avait été équipé de plus d’une scie, car Louis n’en finit plus d’acheter des billots d’autres censitaires de Murray Bay, dont Augustin et François Tremblay, le 18 mars 1823[99].

Décidément, l’année 1823 s’avérera fort occupée dans la vie de Louis.  Sans que l’on ne sache pourquoi, l’aîné Thomas qui possède comme son père un moulin et qui est un marchand prospère renonce, en avril, à la donation qu’il avait reçue de lui en août 1817.  Dans la rédaction du document, le notaire qualifie Louis d’Écuyer, titre qu’il a accepté, bien évidemment[100].  Sa fonction de capitaine des milices, poste qu’il continue de détenir après plus d’une douzaine d’années, ainsi que sa qualité de grand propriétaire et prospère marchand lui vaut maintenant cette épithète[101]

Amable Bélair (1781-1841) fait des affaires avec Louis et bien d’autres à Murray Bay; il est impliqué dans le commerce du bois depuis quelques années.  Bélair, marchand de la baie Saint-Paul, est devenu beau-frère des deux seigneurs de Mount Murray par son mariage à la veuve Anne Fraser (1792-1877), sœur de ces derniers.  Mariée en premières noces à Joseph Bélanger, elle est la fille aînée que le premier seigneur eut avec sa maîtresse des lieux, Marie Ducros.  Amable Bélair était également procureur général de la seigneurie de Mount Murray et il en brasse large dans le domaine de l’exploitation forestière de la région.  Il possède deux moulins à scie et est à bail sur plusieurs autres de la région; il utilise également les services du moulin de Louis Hervé au ruisseau des Frênes.  Les affaires vont mal, car les astres ne s’alignent plus pour lui depuis que sa relation avec Anne Fraser à commencer a tourné au vinaigre.  Le 21 avril 1823, pour se faire un peu de liquidités, il vend tous les madriers que Louis a coupés pour lui à son moulin et qui lui appartiennent[102]

En 1823, on peut constater que le village de Murray Bay commence à prendre forme.  Non seulement la nouvelle église est-elle construite depuis bientôt vingt ans, mais aussi, depuis l’ouverture du pont entre les deux seigneuries, les marchands s’y installent progressivement.  C’est à l’été de cette année, le 16 juillet, que la seigneuresse fait entamer la rédaction du papier terrier de sa seigneurie.  George Ramsay, 9 comte de Dalhousie, est gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique depuis 1820.  Avec l’arrivée d’environ dix mille immigrants britanniques chaque année, immigration encouragée par la politique d’assimilation décrétée par Londres, il a besoin de l’inventaire des terres occupées.  Avec toutes les ventes, divisions et héritages de terres entre parents et enfants depuis la conquête, il est grand temps de procéder à un ménage des titres.  Le notaire Chiniquy est mort récemment de son abus d’alcool et son remplaçant Gauvreau venant tout juste d’arriver à Murray Bay, c’est le tabellion Charles Pierre Huot de la baie Saint-Paul qui est choisi pour effectuer le travail.    Louis se présente donc devant lui pour y faire valoir ses titres le 21 juillet 1823, car il faut bien que la seigneuresse rende foi et hommage devant le gouverneur Dalhousie[103].  On n’a pas, à ce jour, trouvé de certificat de foi et hommage relatif à la seigneurie de Murray Bay; ni la veuve Christine Emmery, seigneuresse en titre, ni même sa fille Maddy (Magdeleine), celle qui administre l’endroit pour sa mère n’ont laissé la trace de ce document rédigé par Huot.  Par contre, les dossiers de ce dernier nous apprennent que trois cent quatre-vingt-douze concessions ou lots ont été ainsi inventoriés dans la seigneurie[104].  Deux ans plus tôt, la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada s’était penchée sur la crise agricole et démographique qui sévissait alors dans la colonie.  Après quatre ans, en 1825, que la Chambre ordonnera l’exploration des terres du Saguenay, opération qui ouvrira le chemin pour les fils de Louis.

Au détour d’une visite à l’Isle-aux-Coudres, Louis se rend à Baie-Saint-Paul.  Il ne s’amène pas chez le notaire Huot pour rien.  Le 5 septembre 1823, il paraphe trois actes.  Outre la donation à sa fille Angele dont il a déjà été question, il rédige son testament.  À soixante et un ans, avec les avoirs qu’il a acquis au fil des ans et le nombre de ses enfants, il devait sentir le besoin d’assurer ses volontés au-delà de sa mort.  Il n’était pas seul sur sa goélette lors de ce voyage; son frère Pierre est avec lui et Louis lui vend un surplus de billots[105]Louis avait pu donner ses instructions au tabellion qui était venu à Murray Bay pour confectionner le papier terrier de la seigneurie à multiples reprises depuis le 16 juillet[106].

La gelée paralysant la grande roue qui actionne ces scies, le moulin de Louis ne fonctionne qu’en belle saison du mois d’avril jusqu’en octobre et gare aux sécheresses qui peuvent également ralentir la production de quelques semaines en raison du faible débit d’eau du ruisseau des Frênes.  Si le moulin de son frère Pierre, au sud-ouest de la rivière Malbaie, a été détruit par un coup d’eau du printemps 1824 dû à la fonte des neiges, Louis s’en tire à bon compte et pourra écouler une partie des billots que son frère avait accumulés au cours de l’hiver[107].   

Dans les études des notaires, les fils de Louis commencent lentement à remplacer leur père.  À soixante-trois ans, Louis commence-t-il à passer la main à son aîné Thomas? Si ce n’est pas le cas, du moins, il lui fait profiter de l’ampleur de ses opérations devant notaire le 17 mars 1825 alors qu’il lui en vend une partie[108].

Les prochains mois seront difficiles pour Louis.  D’abord, sa fille Angele décède le 24 novembre alors qu’elle n’est âgée que de vingt-six ans, laissant derrière elle trois jeunes enfants.  Puis, à la fin janvier 1826, la suivante dans le rang, Geneviève, s’unit à Pierre Bilodeault qui est mineur.  Louis n’est sûrement pas en accord avec ce mariage, car il n’assiste pas à la cérémonie qui a pourtant lieu dans l’église Saint-Étienne.  Une brochette d’étrangers assiste à la cérémonie.  Aucun membre de la fratrie de Geneviève n’est présent? Cela prendra quatre ans pour qu’elle se réconcilie avec une partie du clan familial alors que sa sœur Monique sera marraine de l’un de ses enfants[109].    

Curieusement, c’est également en 1826 que Louis fils, quitte Murray Bay pour s’établir sur une terre[110] au lieu-dit de la rivière des Caps sur la Côte-du-Sud, là où se déverse dans le fleuve la rivière du même nom, dans la paroisse de Saint-André de L’Islet du Portage[111].  Il s’était délesté de tous ses droits sur les biens familiaux et avait obtenu son dû six jours plus tôt de son beau-frère Alexis Bouchard[112].  Un conflit est-il survenu entre Louis père et certains des enfants? Quoi qu’il en soit, si conflit il y eut, il sera réglé à l’été 1829 puisque «Louis Hervé, écuyer» et l’aîné Thomas traverseront le fleuve pour assister au mariage de Louis fils à Marie Priscille Caron (1809-1865), une fille du lieu.  Ce sera par contre la dernière cérémonie de mariage d’un de ses enfants à laquelle le père Louis assistera.  

Comme Louis a besoin que ses bûcherons et manœuvres accèdent à la forêt qui s’éloigne de plus en plus en raison de son exploitation par plusieurs, le 20 septembre 1828, il acquiert de Michel Gagné un chemin qui facilitera la sortie des billots.  Gagné est le gendre de Joseph Boulianne.  La fratrie de ce Joseph a ressauté dans la famille de Louis : Louis Boulianne a épousé Marie Jeanne et Marie Boulianne s’est uni à Dominique Romain dit Joseph[113]

Avec les années, les rangs de la milice se sont élargis et les plus vieux disparus ont été remplacés.  En 1828, les autorités en ont modifié les structures à la faveur de l’expérience de la dernière guerre.  Le commandement du 2e bataillon du comté de Saguenay sera confié au notaire Isidore Lévesque des Éboulements.  Il sera secondé par deux majors, Louis Hervé, propriétaire de moulins et Antoine Riverin, navigateur.  Si Riverin occupait ce poste depuis la guerre, pour Louis, il s’agira d’une promotion dans cet état-major[114]

En avril 1829, Louis signe comme officier de milice la pétition des gens de Murray Bay adressé aux autorités pour obtenir des terres dans les Postes du Roi.  Dès le début de la décennie, les bonnes terres du littoral de la seigneurie avaient toutes déjà été accordées et comme on l’a vu même ces terres étaient moins productives que celles des autres régions de la vallée du Saint-Laurent.  Les nombreuses familles se retrouvaient donc à l’étroit dans cette vallée resserrée de la Rivière-Malbaie.  Conséquemment, les nouvelles familles, fils et filles des premiers colons de la seigneurie, gagnaient déjà les plateaux intermédiaires.  C’est ainsi qu’en 1827, on constitua la paroisse de Sainte-Agnès habité depuis déjà un certain temps.  D’autres gagnaient déjà le canton de Settrington ou les extrémités de la seigneurie de Mount Murray dans les secteurs qui deviendront Saint-Fidèle et Saint-Siméon[114a].  Malgré tout le développement dans la seigneurie de Murray Bay et sa voisine, cela ne suffisait plus, car faute de bonnes terres agricoles, les censitaires cherchaient avant tout un accès à la forêt.  Cette dernière procurait le revenu additionnel nécessaire au support de la famille que la terre en soi ne pouvait fournir.  C’est ainsi qu’en 1829, les censitaires des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray présentèrent aux autorités coloniales une pétition demandant l’obtention de terre dans les Postes du Roi (le Saguenay) largement pour y faire de la «pinière» et prendre pied dans la terre réservée jusque-là à la très britannique Compagnie de la Baie d’Hudson[114b]

« Province du Bas Canada, District de Québec, Comté du Saguenay

Son Excellence Sir James Kent, Chevalier Grande Croix du très Honorable Ordre Militaire du Bain. Lieutenant Général et Commandant de toutes les Forces de Sa Majesté dans les Provinces du Bas Canada et du Haut Canada et Administrateur du Gouvernement de la dite Province du Bas Canada.

Qu’il plaise à Votre Excellence

Nous les Soussignés les Fidèles cl Loyaux Sujets de Sa Majesté George IV par la grâce de Dieu.

Roi, du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande Défenseur de la Foi. Convoqués en Assemblée Paroissiale, et tous Cultivateurs et Censitaires de terres dans les Seigneuries Murray Bay et Mount Murray., dans les Comtés et District susdits.

Représentons très respectueusement

Qu’il nous a paru que le Gouvernement de cette Province, dans sa sagesse, a en contemplation

L’Établissement des Postes du Roi dans le dit Comté.

Que la Majorité d’entre nous connaît parfaitement bien le local pour en avoir fait plusieurs fois la visite.

Que les terres que nous habitons actuellement sont presque toutes incultes, par les Mornes, les Buttes, Montagnes et autres inconvénients à peu près équivalents et conséquemment insuffisantes pour y élever les nombreuses familles qui les habitent et qui se multiplient avec rapidité de sorte que ces terres subdivisées d’après le principe des Lois Françaises en force en cette Province, au lieu d’enchérir les propriétaires d’icelles, les empauvrissent à ne jamais en résoudre.

Qu’étant les plus à proximité des dits Postes, Nous pourrions les établir plus facilement et plus promptement que des personnes éloignées d’iceux.

Qu’en outre des présents pétitionnaires, les quatre autres paroisses qui nous avoisinent, sont en général disposés à se joindre à Nous pour les dits établissements, dans le dit Comté.

C’est pourquoi nous supplions très humblement Votre Excellence de vouloir bien prendre la présente en sa considération et nous accorder la préférence des dits établissements si toute fois le Gouvernement se décide à faire établir le dit Comité, de même que nous en sommes informés qui sera certainement avantageux au Gouvernement, et à ceux qui s’y établissent.

Et nous ne cesserons de Prier.

MALBAIE 4 avril 1829. »


Des signataires on retrouve :


Louis Hervey, capitaine, fils de Pierre Thomas Harvay, enseigne, fils de Louis

Joseph Hervey, fils de David François Harvey, fils de David et deux garçons

Pierre Hervey, fils de David Dominique Romain dit Joseph, fils de Pierre

André Hervey, fils de Dominique Romain dit Joseph

François Hervey, fils de Jean Pierre Hervey, fils de Jean

Moïse Hervey, fils de Jean Zacharie Hervey, fils de Dominique Isaïe

Une dernière décennie consacrée à la forêt

Malgré qu’il soit sur le point d’accrocher ses patins, il ne faudrait pas croire qu’à soixante-neuf ans, en ce début de décennie, Louis est moins actif sur le plan des affaires.  Le 28 février 1831, il achète un second moulin à scie de sa belle-sœur, la veuve Jean Marie Debien.  Ce dernier était le cousin d’aventure arrivé avec Louis en 1784 est décédé en 1825; il était surtout navigateur et il faisait le transport du bois vers Québec pour ses voisins, en autres les frères Pierre et Louis Hervé.  Sa veuve, après avoir tenté d’opérer le moulin avec son fils aîné quelques années, décide de jeter la serviette.  Le 1er août 1831, Louis règle à la veuve la somme convenue.  Monique Perron et sa famille partiront s’établir à Matane en Gaspésie.  Selon les termes du contrat, il achète également l’emplacement, ce qui lui permet dorénavant d’opérer un moulin directement sur la Rivière-Malbaie, à quatre arpents de sa maison en aval de la rivière[115].      

Le commerce du bois n’a pas fléchi au cours des dix dernières années, bien au contraire.  Comme on l’a vu, Louis a acquis un deuxième moulin pour continuer de vider les forêts environnantes afin d’en faire des madriers.  En ce début de décennie, il y aurait huit moulins en service dans la seigneurie de Murray Bay, dont trois sont entre les mains des Hervé et trois autres aux mains de leurs parents[116].  Comme on l’a vu, Pierre Hervé a perdu le sien dans les eaux troubles du printemps 1824.  Il ne reste donc que celui de Louis du ruisseau des Frênes et l’autre récemment acquis de Jean Marie Debien sur une nouvelle terre de Louis au sud-ouest de la Rivière-Malbaie; celui de Thomas son aîné à la Décharge des lacs sur le lac Nairne; il y a aussi le moulin de la concession Sainte-Madeleine et celui de la concession Saint-Pierre qui, en 1831, ont été donnés tous deux à bail par la seigneuresse à un membre de la famille élargie, le neveu et marchand Alexis Tremblay; et finalement, un autre moulin, celui situé entre le lac Nairne et le lac Sainte-Marie (dans ce qui deviendra Sainte-Agnès), est entre les mains de Michel Gagné, ce parent qui vient de vendre un chemin à Louis.  Avec six moulins sur huit, dans cette famille élargie, on peut presque parler d’un monopole du bois à Murray Bay.

Dans la seigneurie voisine, cette décennie sera celle de l’apogée des terres à bois.  En 1830, le marchand William Davies avait reçu en concession du seigneur William Fraser, une immense terre le long de la rivière Noire, une surface qui s’étendait par endroits sur une profondeur de quatre-vingt-dix arpents.  Davie opérait déjà un moulin depuis 1829 sur cette même rivière.  Fraser, avait accordé à ce marchand cette vaste concession «avec le droit de prendre indistinctement sur les terres non concédées tout le bois de pinières qu’ils voulaient, tant que les terres ne seraient pas concédées». Ce bail, William Fraser l’accordait sans exiger de rente, mais simplement pour faciliter le commerce et les affaires de Davies[117].  Ce dernier se tourna alors vers de petits producteurs forestiers comme Louis qui était à la recherche de bois et qui pouvait alimenter son moulin moyennant compensation monétaire.  Pierre, le frère de Louis, était partenaire dans les affaires de ce moulin.  C’est ainsi que 27 août 1832, Davies, qui n’est pas seigneur, accorde à Louis une concession devant notaire.  Louis fera bûcher sur cette nouvelle terre à bois et, en échange de services, fera scier au moulin Davies sur de la rivière Noire au lieu-dit de port aux femmes[118]

Pendant ce temps, le fils François fait des siennes.  Même a vingt-neuf ans, ce milieu de famille qui avait perdu sa mère à l’âge de dix ans, donne du fil à retorde à Louis.  Au début de l’automne, il a mis enceinte une jeune fille qui est encore à quatre ans de sa majorité.  Elle est la petite-fille de Pierre Laberge, celui qui fut capitaine de la milice avec Louis.  De plus, il se fait tirer l’oreille pour marier cette mineure qui n’a que dix-sept ans au moment de l’acte dont on ne connaît évidemment pas les circonstances.  Ce n’est que le 16 avril 1833 que François se décide a épousé Marie Laberge enceinte de huit mois.  Louis n’assiste pas à la cérémonie; c’est un cousin qui sert de témoin au marié[119]. Ni le curé, ni même son vicaire n’accepteront de baptiser l’enfant qui décédera huit jours après sa naissance au début de juin.  Ce sera finalement le petit-cousin de François, Godefroy (né Godfroid) Tremblay (1800-1879), vicaire nouvellement arrivé, qui acceptera de bénir la fosse de l’enfant[120].

À la fin de l’été 1833, Louis voit sa cadette Monique Hervai s’unir à François Xavier Girard.  Il ne fait aucun doute que les événements de 1826 ont pu avoir un sérieux impact dans la relation qu’entretenait Louis avec ses enfants puisque, encore une fois, il n’assiste pas à la cérémonie qui a lieu à l’église Saint-Étienne le 20 août.  Seuls son fils Jean et un cousin assistent au mariage.  Même s’il a soixante et onze ans on sait que la santé de Louis ne l’empêche pas de fréquenter les études de notaires plusieurs fois par année.  Il y est encore six mois plus tard, alors qu’il est absent de la cérémonie de mariage de son fils Jean à Marie Tremblay, le 28 janvier 1834.  Encore là, seuls un cousin et une kyrielle d’amis assistent au mariage.

Est-ce possible qu’il soit malade? Chose certaine sa transaction chez le notaire Charles Herménégilde Gauvreau, le 27 août 1832, fut sa dernière apparition dans les registres civils et religieux.  On ne le verra réapparaître qu’en 1835 alors que le 4 août il enregistre, auprès du même notaire, un arbitrage relatif à l’école No 3.  En 1829, la Chambre d’assemblée avait voté la «Loi des écoles de l’Assemblée».  En vertu de cette loi, l’administration des écoles était confiée à cinq syndics élus par l’assemblée des propriétaires de la paroisse et lesdites assemblées étaient convoquées par le plus ancien officier de milice des paroisses.  Avec Antoine Riverin, Louis, qui en est major pour le deuxième bataillon du Saguenay, était devenu, à soixante-treize ans, l’un des deux plus anciens de cette milice, avec ses presque trente ans de service.  C’est donc à lui à qui l’assemblée avait confié le rôle de l’enregistrement de l’arbitrage[121].

Au début de l’exploitation forestière par la «Société des Vingt-et-un», un moulin est construit à la rivière Sainte-Marguerite.  Il est probable que Louis en soit le maître d’œuvre en association avec son neveu Joseph Hervé (1802-1852).  Joseph, marié à Agnès Morin (1804-1861) est l’un des actionnaires principaux de la Société.  Le vieil oncle qui en avait vu d’autres dans le domaine de l’exploitation de moulins, devait avoir agi comme conseiller ou avait dû mener les travaux.  L’oncle et son neveu seront copropriétaires de ce moulin à scie un certain temps.  Avec l’expertise acquise par Louis dans le domaine au fil des ans, ainsi que ses moyens financiers, il aura offert son savoir-faire et la garantie pour les fournitures nécessaires à la construction, alors que le neveu en aura été l’exécutant avec ses hommes[122].  Quoi qu’il en soit, ce moulin sera vendu en 1844.  Louis décédé, lors de la vente officielle du moulin à la William Price and Company, ni sa succession, ni Joseph n’en était encore propriétaire.  Le moulin était localisé sur la terre réclamée plus tard par Louis Gravel (1798-post.1847) et François Gauthier (1803-1871) qui ont probablement été les propriétaires du moulin après Louis et Joseph et avant Price[123].

Il semble que ce soit à sa communauté que Louis ait consacré ses dernières années.  Comme doyen respecté parmi les siens, son influence semble avoir compté.  En 1841, il avait été élu parmi les premiers conseillers de ce que l’on appelait alors «L’assemblée des conseillers du district de Saguenay» dont le chef-lieu était, à ses débuts, Murray Bay.  Outre Louis, l’assemblée comptait comme conseillers des noms qui reviendront souvent dans l’histoire future du Saguenay : Marc-Pascal de Sales Laterrière, juge et seigneur des Éboulements et membre du Conseil législatif, Joseph Simard, Thomas Simard, Alexis Trembay dit Picoté et Étienne Dallaire[124]

Sur ce, se ferme la page du livre de Louis qui s’éteint La Malbaye le 9 janvier 1842, à l’âge de soixante-dix-neuf ans[125]Esther Boudreau, sa seconde épouse, meurt vingt-trois ans plus tard le 30 mars 1865[126].

Louis a une descendance qui remonte à nos jours.  Parmi les plus illustres, l’un de ses fils, Jean, sera cofondateur et membre de la Société des Vingt-et-un qui ouvrira le Saguenay à la colonisation.  Également, trois Harvey centenaires sont du lot : Alberta Harvey née en 1909 à Tadoussac, cette fille d’ouvrier qui était issue d’une lignée de travailleur de la forêt est décédée en 2010 à Chicoutimi; Marthe Harvey née en 1919 à Val-Jalbert dont le père était contremaître à la pulperie du bas des chutes Ouiatchouan est décédée en 2021; ainsi que Gabrielle Harvey née à Chicoutimi en 1921 et décédée à Jonquière en 2022.  Finalement, on connaît aussi, un Québécois illustre du XXe siècle : Pierre Harvey (1922-2016), économiste de renom, il fut professeur à l’École des hautes études commerciales et directeur de l’Institut d’économie appliquée. 

Louis Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 17 avril 1762.

[2] HARPER, J.R. The Fraser Highlanders. Montréal, the Society of the Montreal Military and Maritime Museum, 2e édition, 1995, 256 pages.  Résumé inspire de ma lecture.

[3] BAnQ., Fonds Fraser, P81/1, correspondance Malcom Fraser, #82.

[4] Pierre George Roy qui fut archiviste au service des Archives du Canada puis archiviste-en-chef des Archives de la province de Québec et son frère Joseph Edmond Roy, l’assistant-archiviste à Ottawa ont associé les Harvey de Murray Bay aux Écossais, car en 1908, c’est le second qui fournira à l’auteur de «A Canadian manor and its seigneurs», George M. Wrong, l’information erronée de son frère à cet effet.  Comme le seigneur John Nairne n’a pas mentionné dans ses écrits le nom de ses cinq compagnons d’armes qu’il amena avec lui à Murray Bay, certains chercheurs et historiens n’ont fait que présumer de l’identité de ces individus par la consonance des patronymes d’apparence anglophone existant dans la région dans la première moitié du XIXe siècle, soit plus de quarante ans après l’arrivée de Nairne à Murray Bay.  On ne sait par contre pas à quel moment ces Écossais étaient arrivés dans la seigneurie. John Nairne amena bien avec lui quelques soldats d’origine écossaise comme il l’a mentionné dans l’une de ses correspondances, mais pas un Harvey.  Les auteurs qui se sont frottés à tenter d’identifier les cinq compagnons de Nairne jusqu’à ce jour, comme Wrong ou plus récemment Jacqueline Roy, ont tous commis des erreurs.  Le plus souvent en nommant des individus arrivés à Murray Bay des dizaines d’années après celle de Nairne; mais aussi quelques fois, en y introduisant le nom d’individus d’origines anglaises plutôt qu’écossaises.


[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 25 février 1787.  Baptême de Marie Luce Mcnicoll dite Dunkenne

[7] Ibid., 7 janvier 1788.

[8] Ibid., 9 janvier 1789.

[9] Ibid., 22 mars 1790.

[10] PERRON, Normand et Serge GAUTHIER. Histoire de Charlevoix. Sainte-Foy, Les presses de l’université Laval, 2000, page 90.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 26 avril 1790.

[12] BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi, Éditions du patrimoine, 2002, page 61.  Beaulieu y cite le journal Le Progrès du Saguenay du 4 février 1926 et les registres paroissiaux de Saint-Étienne de la Malbaie pour soutenir son affirmation.  Je n’ai rien trouvé de tel dans la centaine d’inscriptions où Louis Hervé est mentionné aux registres paroissiaux. 

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 16 avril 1792.  Sépulture de Constance Girard.

[14] Ibid., 27 mai 1792.  Baptême de Jean Baptiste Gagnon.

[15] Assemblée nationale du Québec, députés. [En ligne].  http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/dufour-dit-bona-joseph-2997/biographie.htm [page consultée le 23/03/2012].  ET : DUFOUR, Pierre. «Dufour, Bona, Joseph». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).  Dès 1781, Joseph dit Bona Dufour détenait à l’Isle une superficie de terre de trois cent soixante-six arpents.

[16] Ibid., 6 août 1792.

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 14 août 1792.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 2 octobre 1792.

[19] A.N.Q., GN. Minutier Jean Neron, no 6974, 2 octobre 1792.

[20] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye de 1793 à 1810.

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 20 juillet 1793.

[22] Ibid., 29 juin 1795.

[23] Ibid., 7 octobre 1817.

[24] Ibid., 31 octobre 1832.

[25] Ibid., 30 octobre 1795.

[26] Ibid., 26 juin 1797.

[27] Ibid., 27 janvier 1818.

[28] MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815.  Québec, les éditions Septentrion, 2006, page 186.

[29] Musée de Charlevoix, P3, Fonds de la seigneurie de Mount Murray, 11 octobre 1802, Avis Jean Antoine Panet, avocat.

[30] Loi sur la milice.

[31] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801-1820).

[32] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 17 avril 1799.

[33] Ibid., 21 avril 1799.

[34] Ibid., 16 janvier 1821.

[35] Ibid., 26 novembre 1825.

[36] ROY, Jacqueline.  Op.cit.

[37] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 9 février 1801.

[38] Ibid., 31 janvier 1826.

[39] LEPAGE, André.  «Cap sur le Nord!», Saguenayensia, vol. 29, n° 1, janvier-mars 1987, pages 19-23; «La pêche à la morue sur la Moyenne Côte-Nord», ibid., pages 24-30; et : «Les armateurs de Charlevoix et la pêche à la morue sur la Côte Nord du golfe Saint-Laurent vers 1860», La revue d’histoire de Charlevoix, n° 7, décembre 1988, pages 12-16.

[40] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne des Ilets-Caribou, 23 juillet 1868.

[41] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 18 septembre 1801.

[42] Ibid., 22 juillet 1802.

[43] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de Kamouraska, 7 juillet 1829.

[44] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 9 mai 1866.

[45] ROY, Jacqueline.  Op.cit.

[46] BAnQ., Registre 12 : Bureau du Grand Voyer du District de Québec, Procès-Verbaux de l’honorable Gabriel Elzéar Taschereau Écuyer Grand-Voyer et de Jean Thomas Taschereau Écuyer son Député (1er janvier 1801 au 31 décembre 1803), f. 162v-167v.  Liste des inspecteurs et sous-voyers des chemins et ponts, pour les paroisses des campagnes du District de Québec pour les années 1803 et 1804, paroisse de Saint-Étienne : Antoine Riverin, inspecteur, Louis Harvé, Joseph Claveau, David Harvé et Philippe Lessard, sous voyers.

[47] BAnQ., Québec, Fonds Grands voyers.  Procès-verbaux des grands voyers, volume sixième, 1932, Malbaie, page 121.

[48] BAnQ., Québec, Fonds Grands voyers.  Procès-verbal qui fixe et règle le chemin royal de front de la premièreconcession du fleuve en la seigneurie de Mount Murray, en la paroisse de Saint-Étienne de La Malbaie, dans le comté de Northumberland, 1801.

[49] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 octobre 1803.  Dans le cas de l’enfant nommé François, la date de naissance nous est inconnue.  Son baptême n’est pas inscrit au registre de Saint-Étienne de La Malbaie, ni dans les paroisses voisines.  Le patronyme était sûremment Hervé puisque c’est ainsi que le desservant de la paroisse l’écrivait.

[50] Ibid., 16 avril 1833.

[51] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 6 septembre 1885.

[52] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 novembre 1804.

[53] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 28 mai 1806. Quittances à André par Joseph, Louis et Michel Hervé.

[54] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 29 mai 1806. Quittances à André par Louis Boulianne et Jean Savard.

[55] BABIN, Basile J. «Le Courtois, François-Gabriel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).  Babin affirme que c’est en 1806 que l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, confia à Le Courtois la cure de Saint-Étienne et que ce dernier entra en fonction le 10 janvier 1807.  L’auteur fait erreur, Le Courtois était déjà sur place le 23 octobre 1806 alors qu’il administre le sacrement de baptême à dix enfants.  Il avance également que Le Courtois fut le premier prêtre résidant dans cette paroisse alors que c’est l’abbé Benjamin Keller qui le fut.

[56] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 et 29 octobre 1807. 

[57] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, no 360, 21 novembre 1807.

[58] A.N.Q., GN. Minutier François Sasseville, no 1901, 22 juin 1807.

[59] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 décembre 1808.

[60] Ibid., 28 janvier 1834.

[61] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 14 janvier 1867.

[62] Ibid., 3 septembre 1880.

[63] DUFOUR, Donald et Lyse RICHER.  L’Isle-aux-Coudres, le fleuve dans la peau. Québec, Éditions Gid, 2014, page 133.  Aujourd’hui pratiquement disparu sur l’île, l’érable à sucre y existait toujours du temps de Louis.

[64] La rivière à la Loutre se jette dans le fleuve dans ce qui est connu aujourd’hui comme le hameau de Bas-de-l’Anse, au nord-est de la ville de La Malbaie.

[65] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 76.

[66] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 19 octobre 1810.

[67] Ibid., 1er décembre 1810.

[68] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, no 1088, 24 juin 1811.

[69] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 janvier 1812.

[70] Ibid., 20 août 1833.

[71] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Dominique de Jonquière, 18 décembre 1889.

[72] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 24 janvier 1820.

[73] BAnQ., Almanach de Québec, 1779-1840, 1813, Militia of Lower-Canada.

[74] BAnQ., 36 George III, c.9, articles 25 et 29. Et Pelletier, op.cit., page 199.

[75] BAnQ., 48 Georges III, c.27.  Et Pelletier, op.cit., page 199.

[76] B.A.C., G., Fonds Nairne, MG 23 G III 23.  Lettre de Malcom Fraser à James Ker, Murray Bay, 14 octobre 1811. 

[77] LACOURSIÈRE, Jacques.  Histoire populaire du Québec : 1791-1841.  Vol. 2.  Québec, Les éditions du Septentrion, 1996, page 146.

[78] CHRISTIE, Robert. The Military and Naval Operations in the Canadas during the late war with the United States.  New York, Oram & Mott, 1818, page 55.

[79] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 février 1813.

[80] LALANCETTE, Mario. «Les ''assemblées révolutionnaires" de La Malbaie», Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 76-77, 2014, pages 10-22.

[81] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 novembre 1813.

[82] BAnQ., Fonds Famille Chaussegros de Léry, cote, P386, D570, id. 311782. Lettre de Malcolm Fraser, chef militaire de la Division de milice de Baie-Saint-Paul, au lieutenant-colonel Charles-Étienne Chaussegros de Léry. 20 février 1815.

[83] BAnQ., Almanach de Québec, 1779-1840, 1816, Militia of Lower-Canada.

[84] Pelletier, op.cit., pages 95, 99 et 111.  L’endroit exact où se situait le moulin nous est inconnu.  La première mention de ce moulin dans un acte notarié date de 1821.  Il pourrait aussi s’agir d’un moulin en association avec son fils Thomas, car ce dernier a possédé un moulin à compter de 1821 pour lequel les auteurs et les actes notariés n’ont pu préciser sa situation.  Si cela s’avérait, il faudrait croire que le moulin de son frère aîné Pierre (1818) était en service avant le sien et que Louis était sans doute associé dans ce moulin.           

[85] ROBY, Yves. «Chiniquy, Charles». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1990, 15 volumes, volume XII (Décès de 1891-1900).

[86] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 11 septembre 1816.

[87] Ibid., 3 et 4 août 1817.

[88] BAnQ., Fonds Famille Chaussegros de Léry, op.cit.

[89] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 118, 27 août 1832.  Dépôt du permis.

[90] ROY, Jacqueline, op.cit.

[91] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 3 novembre 1818.

[92] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 novembre 1818.

[93] BAnQ., Almanach de Québec, 1779-1840, 1818, Militia of Lower-Canada.

[94] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 3 décembre 1818.

[95] Pelletier, op.cit., page 106.

[96] Ibid., page 99.

[97] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1338, 5 septembre 1823.  Donation par Louis Hervay à Angele Hervay.

[98] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 15 février 1821.

[99] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1178 et no 1179, 18 mars 1823 et no 1236, 9 juin 1823.

[100] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 36, 4 avril 1823.

[101] GRENIER, Benoit.  Seigneurs campagnards de la Nouvelle-France : Présence seigneuriale et sociabilité rurale dans la vallée du Saint-Laurent à l’époque préindustrielle. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, page 207.

[102] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1203, 21 avril 1823.

[103] Ibid., no 1276, 21 juillet 1823.   

[104] Pelletier, op.cit., page 110.

[105] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, 5 septembre 1823, no 1339 pour le testament et no 1340 pour la vente.

[106] Pelletier, op.cit.

[107] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825.

[108] Ibid., no 47, 17 mars 1825.

[109] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 mars 1830.

[110] A.N.Q., GN. Minutier Édouard Michaud, no 106, 17 novembre 1826.

[111] Aujourd’hui Saint-André de Kamouraska.

[112] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 106, 11 novembre 1826.

[113] Ibid., no 113, 20 septembre 1828.

[114] BAnQ., Almanach de Québec, 1779-1840, 1828, Militia of Lower-Canada.

[114a] BOILARD Louise, op.cit., page 11.

[114b] BAnQ., COLLECTIF. «Un document historique : Pétition présentée par les citoyens de la Malbaie au sujet des terres du Saguenay en 1829», Journal Le Progrès du Saguenay. Chicoutimi, volume 40, N0. 24 (4 février 1926), page 3.

[115] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 19, 28 février 1831 et no 68, 1er août 1831.

[116] L’auteur Louis Pelletier à la page 157 de «La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860.» parle de sept moulins en opérations.  Il mentionne le moulin acheté et installé en 1831 sur la terre de Louis au Sud-ouest de la rivière Malbaie mais omet celui du le ruisseau des Frênes.  Il en a portant abondament parlé ailleurs dans son ouvrage.  Rien dans la centaine de contrats notariés que j’ai consulté n’indique que Louis aurait abandonné l’opération de ce premier moulin.

[117] Pelletier, op.cit., page 132.

[118] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 118, 27 août 1832.

[119] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 16 avril 1833.

[120] Ibid., 9 juin 1833.

[121] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 118, 4 août 1835.

[122] On sait que ce moulin fut la propriété de Louis et Joseph Hervé jusqu’en 1840.  On ne peut identifier avec certitude à ce jour de quel Louis il s’agit.  À l’époque, il n’y a que deux Louis Hervé.  Le père Louis (1762-1842) et son fils Louis (1802-1866).  Ce dernier demeure à Saint-André de Kamouraska depuis 1829 et ne viendra s’établir au Saguenay que vers le milieu de la prochaine décennie.  Je fais donc l’hypothèse que le Louis du moulin de la rivière Sainte-Marguerite soit le père.   

[123] MALTAIS, Donald.  «Le clan Maltais et les premiers moulins du Saguenay», Saguenayensia, volume 58, numéro 3, 2017, page 34.

[124] COLLECTIF. «Assemblée des conseillers du district de Saguenay», Journal Le Canadien. Québec, volume XI (17 septembre 1841, page 2.

[125] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 12 janvier 1842.

[126] Ibid., 1er avril 1865.