Elie Harvay

 (1832-1905)

Pierre Elie Harvay de la sixième génération quittera Chicoutimi en 1884 pour s’exiler aux États-Unis.  Né le 14 avril 1832 à La Malbaie[1], la famille d’Elie est la seconde à partir vivre dans la petite ville manufacturière de Westbrook au Maine.  Elie Harvay est le cadet de trois enfants d’Elie Hervé (1801-1832) à Michel Hervé (1771-1810) chez Pierre Hervé (1733-1799).

Elie n’a pas connu son père décédé cinq jours après sa naissance[2].  Les chances d’Elie de vivre vieux ne sont pas très grandes, car dans cette lignée de la famille l’espérance de vie diminuait à chaque génération.  Son arrière-grand-père avait vécu soixante-six ans, son grand-père trente-neuf et son père trente et un.

Elie et son frère Adolphe (1829-1912) furent élevés par Jean Hervey (1808-1880), cousin de son père, avec qui sa mère se marie en secondes noces deux ans après sa naissance[3]Elie est emmené au Saguenay par ce beau-père qui est l’un des actionnaires principaux de la Société des Vingt-et-un, ce groupe qui contribua à coloniser le Saguenay.  Jean s’implante sur la rive nord du Saguenay face aux Petites-Îles, près de la rivière Sainte-Marguerite.  De fait, son beau-père cultive une terre qui appartient au marchand William Price de Québec et qui en 1842 venait d’acquérir les moulins de la Société des Vingt-et-un.  Alors qu’Elie a quinze ans, Marie Tremblay (1808-1847), sa mère décède à Chicoutimi le 18 novembre 1847 après avoir donné six enfants à son deuxième époux dont quatre avaient survécu à leur enfance[4].

Le beau-père d’Elie continuera à commercer pour le compte de Price suffisamment pour accumuler un pécule important, si bien qu’en 1853 il établit Elie et son frère Adolphe sur des terres voisines l’une de l’autre dans le rang Saint-Paul où il habite lui-même.  La terre d’Elie fait cent vingt-cinq acres et longe la rivière Chicoutimi dans le canton du même nom.  La donation de Jean à Elie est conditionnelle à ce qu’il verse une rente viagère à son beau-père.  Cette donation arrive à point nommé, car Elie a des projets; il épouse Eléonore Desbiens (1833-1902) le 4 juillet 1854 à Chicoutimi.  Les nouveaux mariés devaient se connaître du temps où ils habitaient La Malbaie, car leurs parents demeuraient dans le même secteur de la seigneurie de Murray Bay. Si cela est indicatif de la relation qu’entretenait Elie avec son beau-père, il faut noter que ce dernier n’assiste pas à la cérémonie[5].  D’ailleurs lorsque ce dernier rédigera son testament dans onze ans, Elie n’y apparaîtra pas.  Son frère Adolphe non plus d’ailleurs.  Seuls les trois fils que Jean eut avec la mère d’Elie seront héritiers[6].  Cela n’empêchera pas Elie de vouer beaucoup de respect à ce beau-père qui avait vu à son éducation.  Ce sera d’ailleurs Jean Hervey qui sera parrain d’Henri, le premier fils du couple[7].     

Le couple aura douze enfants, tous nés à Chicoutimi, dont dix survivront à leur enfance.  Elie (souvent dit Héli) et Eléonore cultiveront cette terre pendant trente ans.  Ils demeurèrent à Chicoutimi jusqu’à leur départ[8].  Avec cinq fils à établir et quelques filles à employer, le cultivateur du rang Saint-Paul n’a pas les moyens de ses ambitions et surtout sans héritage de feu son beau-père, le juge de paix décédé en septembre 1880[9].  Le fait que sa mère eut été la sœur du député à l’Assemblée législative du Québec de 1867 à 1872, premier maire de la ville de Chicoutimi en 1879 et la belle-mère de Johnny Guay, ce riche marchand de Chicoutimi, n’allait pas aider Elie à faire vivre sa trop nombreuse famille pour ses moyens[10].

Comme on l’a vu, avant de prendre la décision de quitter le Saguenay pour les États-Unis, certains des enfants d’Elie étaient allés goûter au travail qu’offrait l’usine à papier de Westbrook au Maine, comme d’autres Saguenéens de l’époque.  L’aîné Henri et son frère puîné Joseph par exemple y avait mis les pieds une première fois le 25 juillet 1881[11].  Ils y travailleront pendant trois ans, faisant des allers-retours pour la période des Fêtes, avant d’être rejoints par la famille.  De plus, Élie avait des parents déjà établis à Westbrook, entre autres un cousin.  D’ailleurs Malvina, l’aînée chez les filles, avait épousé Élie Perron le fils de ce cousin en 1880[12]

En 1884, Elie et Eléonore partent donc avec leurs sept enfants rejoindre leurs deux fils déjà à Westbrook en Nouvelle-Angleterre.  Leurs enfants, Jean (1856-1934), Zéphirine (1865-post.1884), Louise (1867-1939), Elmire (1870-1938), Marie Éléonore Claudia dite Aurore (1873-1936), Thomas (1876-1935) et Guillaume (1878-1953) sont du voyage.  Seule, l’aînée des filles, Malvina (1861-1922), mariée à Elie dit Héli Perron à Chicoutimi, demeure au Saguenay. 


Elie a déjà cinquante-deux ans à son arrivée en terre américaine.  La ville où il s’établit possède déjà de nombreuses industries favorisées par la présence de la rivière Presumpscot qui alimente en eau des scieries, des usines de fabrication de sacs de céréales, des machines et des roues à eau, des harnais, des bottes, des chaussures et des mocassins, de la ferblanterie, des briques, des boîtes en bois, de la semoule et de la farine. 

L’usine de papier de la Cumberland Mills, devenu la Warren Paper Mill produit déjà plusieurs tonnes de papier par an.  La filature, le Haskell Mill emploiera également certains de ses enfants.  Le but d’Elie est atteint, les enfants ne manqueront pas d’ouvrage.  


Dès l’année suivant leur arrivée, Elie et Eléonore voient les mariages se succéder et les enfants partir.  Ce sont d’abord Joseph et Louise qui ouvrent le bal des mariages le même jour en épousant des membres d’une même fratrie[13], Caroline et Joseph Dalcourt.   Ces derniers sont originaires de Joliette au Québec et sont membres d’une famille qui s’est établie à Westbrook depuis un certain temps.  Cinq autres enfants quitteront ainsi le toit familial dans les prochaines années; Henri (1887), Elmire (1891), Aurore (1892) et Thomas (1900).  Tous ces enfants ont épousé des conjoints originaires du Québec dont les familles étaient établies à Westbrook.  Après leur mariage, les enfants demeurent dans cette ville, à l’exception d’Aurore qui, en 1893, quitte le Maine et vient vivre avec son époux au village de Sawyerville en Estrie. 

Dix-huit ans après son arrivée en terre américaine, Éléonore Desbiens décède le 24 mars 1902 à Westbrook[14].

Sa fille Aurore, qui demeure toujours à Sawyerville, perd son mari en juin 1902.  Veuve, elle revient vivre chez son père avec ses trois enfants.  Elle n’y sera pas longtemps, elle quitte à nouveau le Maine avec ses enfants et on la retrouve à Jonquière l’année suivante, alors qu’en septembre 1903 elle épouse un veuf de l’endroit, ingénieur de profession[15].  On s’explique aujourd’hui difficilement comment une veuve de Westbrook dans le Maine a pu rencontrer un veuf de Jonquière.  Il ne fait aucun doute que les membres de la famille d’Elie ont continué d’effectuer des allers-retours au Saguenay, comme le faisaient Henri et Joseph dans les années 1880.  On se souviendra que Malvina n’avait jamais quitté le Saguenay lors du départ de sa famille pour Westbrook.  Elle pouvait donc offrir un pied à terre au membre de sa fratrie lors d’éventuels passages au Saguenay.  

Elie Harvay décède à son tour à Gorham dans le comté de Cumberland le 28 juin 1905 à l’âge de soixante-treize ans [16].  Gorham, où il habitait depuis quelques années est à six kilomètres à l’ouest de la ville industrielle de Westbrook qui l’avait accueilli[17].  Il est inhumé deux jours plus tard dans le cimetière de la paroisse Saint Hyacinth de Westbrook[18].

À l’exception de Malvina et d’Aurore, les enfants d’Elie et Eléonore poursuivront leur vie aux États-Unis.

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 14 avril 1832.

[2] Ibid. 21 avril 1832.

[3] Ibid., 28 janvier 1834.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 20 novembre 1847.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 4 juillet 1854.

[6] Beaulieu, Carl, op.cit., page 62.

[7] Ibid., 6 avril 1885.

[8] 1861, 1871 et 1881, Recensements de Chicoutimi.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 3 septembre 1880.

[10] Beaulieu, Carl, op.cit., page 63.

[11] National Archives, Records of the Immigration and Naturalization Service, RG 85; Numéro NAI : 4752894, Naturalization Records, Portland, Cumberland County, Maine, 7 septembre 1892, Henri Harvey.

[12] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 9 février 1980.

[13] Saint Hyacinth Parish Record for 1885, Westbrook, Cumberland County, Maine. 19 mai 1885 : mariages de Joseph et Louise Harvey.

 

[14] State of Maine, Record of Deaths, 24 mars 1902.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Dominique de Jonquière, 1er septembre 1903.

[16] State of Maine, Record of Deaths, 28 juin 1905.

[17] 1900, Recensement fédéral américain, État du Maine, comté de Cumberland, ville de Gorham, page 3.

[18] Saint Hyacinth Cemetery Record for 1905, Westbrook, Cumberland County, Maine.