12. Louis Hervé

4.6.12 Louis Hervé (1784-1863),  4e génération

Marie Magdeleine Dufour donne naissance à un deuxième fils le 18 juin 1784.  Pour le père, il s’agit de son septième fils ; Dominique a déjà douze enfants, dont dix qu’il eut avec Geneviève Savard (1736-1781).  Le baptême a lieu trois jours plus tard à l’Isle aux Coudres dans la chapelle Saint-Louis-de-France ; le parrain de « Louis Hervé »  est David Louis Dominique Hervé (1764-1837), le demi-frère de l’enfant et de vingt ans son aîné ; même s’il a déjà sa terre sur la Côte-du-Sud depuis 1782, ce dernier est à l’île lors du baptême.  La copie du registre de Pierre Joseph Compain, troisième curé de Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, est dans un tel état qu’il est difficile de défricher le nom de la marraine de l’enfant[1]

Un mois après la naissance de Louis, le régime colonial britannique qui avait démis Benjamin Franklin comme maître général des postes de l’Amérique, en raison de ses sympathies pour la Révolution américaine en 1774, se décide à nommer un nouveau maître de poste.  À l’époque, on n’envisage pas la nomination de Canadiens à l’administration de la colonie.  On nomme Hugh Finlay, un immigrant écossais, sûrement plus loyal à la couronne.  Cela ne changera pas beaucoup la vie des insulaires, non plus que celle de Louis ; une fois adulte, ce dernier devenu navigateur et pilote continuera de transporter le courrier des insulaires, car ce ne sera qu’en 1850, qu’un bureau de poste sera ouvert à l’Isle aux Coudres[2].

Comme nous le verrons, Louis cultivera la terre, mais il sera avant tout navigateur.  Il sera aussi juge de paix, capitaine de milice et premier maire d’une municipalité qui n’a pas encore vu le jour.  Pour l’instant, laissons-le profiter de sa courte enfance. 

Bien que la famille de son père soit déjà nombreuse à sa naissance, Louis ne se souviendra sans doute que de Dominique Isaïe et de Marie Geneviève parmi les enfants du premier lit de son père ; tous les autres ont déjà quitté l’île pour s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie, à Sainte-Anne de la Pocatière et à Saint-Roch-des-Aulnaies avant qu’il n’ait trois ans.  Sa mère Marie Magdeleine n’avait eu qu’un seul enfant, Joseph en 1782.  Deux ans après la naissance de Louis, de l’autre côté du fleuve, le 8 février 1786 naît, Marie Julie[3].  Ce bébé qui prendra une très grande importance dans la vie de Louis vingt ans plus tard, est baptisé le jour même sous l’œil réprobateur du curé de Saint-Louis de Kamouraska où vivent ses parents nouvellement mariés.  En effet, Antoine Mignaud, vingt-sept ans, vient tout juste d’épouser Marie Julie Lavoie vingt-trois ans, neuf jours plus tôt dans cette même église de Kamouraska[4].  Le marié devait s’être fait tiré les oreilles pendant un certain temps pour qu’un mariage aussi tardif soit béni après avoir laissé son amoureuse se promener honteuse dans la paroisse aussi longtemps.  Laissons Antoine et Marie Julie vivre l’opprobre du village de Saint-Louis de Kamouraska pour un certain temps et revenons donc à la paroisse Saint-Louis-de-France sur l’Isle-aux-Coudres, pour y voir Louis grandir.

La même année en fin d’été, Louis voit naître sa première sœur, Marie Euphrosine, qu’il prénommera Marie Modeste comme tout le monde.  Avant qu’il n’ait dix ans, il verra naître ainsi cinq autres enfants qui s’entasseront dans la maison avec les cinq autres qui y sont déjà[5].   

Comme tous les jeunes de l’île, Louis passera une partie de son enfance à pêcher et à rapporter à la maison le poisson pour la famille.  À cette époque, on combine encore la pêche traditionnelle au filet et la pêche à fascine et, comme le poisson constitue encore une part importante de la nourriture à raison d’un repas par jour, Louis ne chôme pas.  « Un petit nombre d’espèces de poissons généralement représentés par un grand nombre d’individus fréquentent les eaux froides de l’île »

Le printemps, au départ des dernières glaces, le capelan vient frayer le long des côtes.  L’éperlan arrive à la même saison, mais reste jusqu’aux premières glaces d’automne ; plus il est nombreux et plus son père Dominique sera heureux de voir venir en grand nombre leurs prédateurs naturels, les marsoins.  À l’été, quand l’eau se réchauffe et que le capelan quitte les rives de l’île Louis se rabat sur la sardine[6] qui arrive en immenses bancs jusqu’à l’automne.  Si le père installe les fascines, c’est Louis et son frère aîné qui ont la tâche d’y cueillir l’anguille l’automne comme ils l’ont fait tout l’été pour les autres poissons de fond comme la loche et la plie qui sont en permanence autour de l’île et qui remplissent les fascines.  Quand le poisson n’est pas mangé immédiatement, «La grande Madeleine », sa mère salera la plus grande partie comme la sardine et l’anguille qui se conservent ainsi[7].

L’île de l’enfance de Louis est bien homogène.  De sa petite population de cinq cent soixante-six individus répartis dans soixante-cinq chaumières, on ne retrouve, en 1790, que vingt-deux patronymes différents[8].  Toute la surface de l’île étant maintenant concédée, à peu près plus personne n’y vient s’établir.  L’exode semble être devenu une nécessité pour les jeunes.  Pour s’établir plus tard, Louis sera-t-il forcé de quitter l’île comme ses frères l’ont tous fait à ce jour ? C’est dans ce contexte qu’il grandira donc. 

Enfant, comme plus tard adolescent, quand il ne pêche pas ou ne travaille pas aux champs, Louis s’adonne à la petite chasse bien limitée sur son île ; un peu de renards, de lièvres et de belettes. 

Le père de Louis est pilote depuis toujours.  Comme son frère Joseph ne semble pas avoir le pied marin et semble apprécier plutôt la terre, ce sera Louis qui, dès un très jeune âge, accompagnera son père sur le grand fleuve.  Il ne sera pas le premier des garçons à fuir sur l’eau, car on sait que Dominique fut accompagné en mer par un ou deux de ses fils du premier lit.  Comme on l’a vu, François l’aîné pour sûr comme apprenti d’abord a épousé le métier sérieusement et a obtenu sa licence et peut-être Joseph Sébastien dont les absences fréquentes coïncident avec la saison de navigation.  D’ailleurs, quand Louis monte à bord, ses trois demi-frères ont déjà quitté l’île pour s’établir sur la Côte-du-Sud où le trafic maritime s’organise par le chenal du Sud.

C’est à dix ans, en 1794, que Louis rencontre la mort pour une première fois.  Peu après les fêtes, sa mère avait donné naissance à deux jumelles Marie Anne et Marie Magdeleine ; les seconds jumeaux chez les Hervé en terre d’Amérique selon son père.  Ce dernier devait bien espérer que ces jumelles auraient plus de chance que ses demi-frères jumeaux qui étaient décédés avant l’âge de trois mois.  Le sort coupera la poire en deux ; Louis ne connaîtra pas beaucoup Marie Anne, car elle décède avant la fin de l’été.  Sa sœur Marie Magdeleine pour sa part semble bien en santé, car elle vivra quatre-vingt-huit ans[9].  L’année suivante, alors que la fête de Noël approche, sa mère accouche d’un autre frère.  L’enfant ne vivra que quatre jours[10].  Le même scénario se déroule seize mois plus tard alors que sa sœur cadette Marie Antoinette décède neuf jours après sa naissance en avril 1797[11].  Ce sera le dernier enfant de sa mère.  Louis apprend donc à confronter la mort d’un enfant en bas âge pour une troisième fois en peu de temps ; une expérience qui, une fois marié, lui sera fort utile. 

Dominique Isaïe, le grand frère de près de dix ans son aîné, issu de la première union de son père, se marie en 1797.  Louis qui a douze ans assiste donc au premier mariage de l’un des siens, car il n’avait pas cinq ans quand les trois précédents eurent lieu.   Comme celui qui dirigeait les travaux de la ferme part s’installer sur une des nouvelles concessions de la Malbaye, cela forcera Louis à être un peu plus présent à l’île.  Bien qu’il reluque déjà du côté de la mer et a peu d’intérêt pour cette terre, il devra aider son frère Joseph pour les travaux, car son père pilote toujours sur le fleuve et ne fait guère acte de présence. 

Louis accompagne son père sur les navires que ce dernier pilote depuis qu’il est tout jeune.  Dominique, dans ses excursions de pilotage a tout appris à son fils Louis, les passages qui peuvent conduire en toute sécurité les vaisseaux du Bic à Québec, mais d’abord à maîtriser les forts courants qui longent l’île et son marnage de sept mètres.  L’aîné Joseph étant destiné à assurer la continuité de la famille sur la terre et le cadet Thimothé, étant trop jeune encore, c’est Louis qui deviendra pilote. Tout était décidé par le rang de chacun dans la famille.  Ainsi, Dominique était l’un des trois ou quatre pilotes seulement qui connaissaient le passage qui, au sud de l’île, permet aux navires qui remontent le fleuve par le chenal du Sud de rejoindre sans danger le chenal du Nord.  Une telle connaissance se monnayait bien et a assuré à Dominique un revenu stable et continuel tout au long de sa vie et il en sera ainsi pour Louis également.  Comme les aspirants pilotes commencent leur apprentissage entre quatorze ans et seize ans, on peut présumer que c’est vers 1798 qu’il commence son apprentissage formel qui durera plus de cinq ans comme il en témoignera dans une trentaine d’années[12]

C’est au tournant du siècle, en novembre 1800 que Louis est choisi comme parrain d’un enfant pour une première fois ; il a seize ans.  Étienne Savard (1773-1859), un cousin de Geneviève Savard (1736-1781) la première femme de son père, et Charlotte Verreau (1773-1830) font baptiser leur deuxième enfant[13]Dominique, son père, est toujours resté proche des Savard ; on se rappellera que l’aïeul de la famille Savard à l’Isle, son beau-père, lui avait probablement enseigné le pilotage.

Le père de Louis ainsi que les autres censitaires avaient réclamé en 1798 l’aménagement d’un vrai chemin de ceinture reliant tous les insulaires occupant déjà les trois rangs qui se développaient.  Le premier de ses rangs avait vu le jour avec les premiers colons et occupait toute la côte sud-ouest dont les concessions se trouvent dans le sens de la longueur de l’île.  Les deux autres étaient venus plus tard, celui de La Baleine sur la côte sud-est avant la conquête et le dernier à son opposé sur la côte nord-est vers les années 1770, la Pointe-des-Roches.  Dans ces deux derniers cas, les concessions épousent un découpage transversal par rapport à l’île.  Louis n’avait donc connu tout au cours de son enfance que des sentiers raboutés tout autour de l’île.  Le grand voyer du district de Québec intervient en 1801 et une route conforme aux prescriptions de la loi remplaça progressivement les sentiers à la sueur des insulaires.  Il n’est pas certain que c’est à cette époque que l’on décida, en raison des marées qui le malmenaient régulièrement, de détourner le chemin qu’empruntaient les premiers colons du Cap à Labranche qui continuait le long de la grève pour se rendre au mouillage.  C’est justement aux pilotes de l’Isle comme Louis et son père que ce chemin était le plus utile.  C’est bien plus tard probablement que l’on devait couper le cap, ce qui obligeait les montures à gravir cette pente abrupte du Cap à Labranche[14].

En ce début de siècle, Louis travaille toujours un peu au champ sous la gouverne de son père quand ils ne sont pas sur le fleuve laissant derrière eux ses frères Joseph et Thimothé et ses quatre sœurs sous la poigne ferme de sa mère « la grande Madeleine » pour voir aux cultures et aux animaux.

Entre 1765 et 1790, la population de l’île avait doublé largement grâce aux familles établies à l’île avant 1765 qui poursuivaient le peuplement, soit en obtenant pour leurs fils les terres rendues disponibles, soit en subdivisant leurs propres terres.  À son âge avancé, le père de Louis n’a plus besoin des immenses terres qui ont fait vivre sa famille aujourd’hui dispersée ; c’est donc en subdivisant ses propres terres désormais plus largement défrichées qu’il établira les deux derniers.  Quand son père que nous connaissons plus marin que cultivateur, procède au lègue de sa terre en 1802, c’est naturellement Joseph, l’aîné du deuxième lit plus porté vers les choses de la terre, qui devient l’héritier de sa terre de culture, la réputée plus fertile.  D’ailleurs, c’est justement en raison du mariage de Joseph avec Marie Anne Tremblay (1774-1840) le 15 novembre 1802 que le patriarche laisse aller l’une de ses terres.  Louis qui a épousé le métier de pilote de son père ne sera pas en reste au moment de son mariage, car il héritera aussi d’une terre, mais celle-ci sera située sur le coteau plus rocailleux qu’est le Cap à Labranche.  Dominique avait établi tous ses fils jusqu’à présent en leur fournissant une terre ; les trois plus vieux sur la Côte-du-Sud et son cadet du premier lit à Saint-Étienne de la Malbaie.  Une chose que son père Sébastien n’avait su ou pu faire et qu’il semble s’être juré de corriger pour ses garçons. 

Si trois ans auparavant Louis avait été choisi parrain, toujours adolescent, il n’était pas un époux potentiel.  Il en est tout autrement en juin 1803 alors qu’il a dix-neuf ans lors du baptême de Louis Dallaire (1803-1899).  Il est parrain et est accompagné cette fois-ci d’une marraine de son âge que l’on tente sûrement de marier ; Marie Josephte Desgagnés (1782-1872) est la tante de l’enfant[15].  Ses parents sont voisins ; il réside d’ailleurs sur une terre de deux arpents ayant appartenu à Joseph Savard puisque le père du baptisé s’était marié en premières noces à une Savard tout comme le père de Louis

À l’automne, Louis voit partir sa sœur Marie Euphrosine dite Marie Modeste qui s’unit à Louis Lajoie (1778-1840) le 7 novembre 1803.  Marie Modeste est la première à partir, car son frère Joseph lors de son mariage est demeuré dans la maison du père qui deviendra sienne étant l’aîné.

Louis rencontre l’amour alors qu’il a environ vingt-deux ans.  C’est le charme exotique d’une fille du Sud qui attirera son attention.  En effet, celle qui deviendra sa femme sous peu est née à Saint-Louis de Kamouraska comme on l’a vu.  Sa famille y habitait encore lors de la naissance de sa sœur Geneviève en 1803, mais vient tout juste de s’établir à l’Isle-aux-Coudres où son père est journalier.  Marie Julie Mignaud, la fille d’Antoine Mignaud (1758-c.1850) et de Marie Julie Lavoie (1762-1828), a vingt ans.

Avant l’automne 1806, Louis avec l’aide des nombreux parents et du voisinage du Cap-à-Labranche monta probablement sa maison sur la terre que son père Dominique lui a réservée.  Cette terre de deux cent cinquante arpents est située au nord-est de celles de ses oncles Dufour, Alexis (1762-1836) et Augustin (1765-1834), tout en haut du Cap.  C’est une terre immense pour un navigateur comme LouisMarie Julie n’a qu’à bien se tenir si elle choisit Louis, car il voudra assurément de nombreux enfants pour la cultiver.  On se rappellera que cette terre était celle qu’utilisait son père pour pâturage, une bonne partie est toujours en friche et une autre en bois debout.  Louis n’en cultivera jamais plus qu’un peu moins de la moitié, car comme son père il fera l’élevage d’animaux de boucherie et comme lui il sera la plupart du temps sur la mer[16]Louis peut s’estimer heureux que son père puisse l’établir, car la terre est maintenant une denrée rare à l’île et la plupart des parents insulaires ne réussissent plus qu’à y installer leur aîné.  Avant que son père n’acquière toutes ses terres, les demi-frères de Louis avaient dû tous s’expatrier pour pouvoir posséder une terre bien à eux où leur père les avait établis. ? Ils sont de plus en plus nombreux les insulaires qui ont le métier de journalier à peu près inexistant vingt ans plus tôt, alors que tous étaient cultivateurs.

On peut s’imaginer les trois frères Louis, Joseph et Thimothé, trimant dur en cette fin d’été pour finaliser la préparation de la maison en ne ménageant pas l’étoupe à calfater sous l’œil et la direction du père, Dominique.  Le patriarche, qui à soixante-dix ans, ne mène plus de navires, mais il doit bien en profiter un peu pour donner encore quelques coups de barre.   

C’est le 3 septembre 1806 que Louis entame une longue série d’acquisitions de terres comme il le fera tout au cours de sa vie.  À l’instar de son père, il sera un grand propriétaire terrien de l’île.  Par cette transaction, il réunit à nouveau des portions d’une grande terre de l’un des premiers habitants à l’Isle, Joseph Simon Savard.  À la mort de ce dernier, sa terre avait été partagée entre ses nombreux enfants et plus tard encore plus aux petits enfants.  Comme on l’a vu, Sébastien Dominique, le père de Louis, avait passé sa vie à racheter de nombreuses petites parcelles de cette terre de ses belles-sœurs et de ses neveux et nièces qui quittaient l’île pour s’établir sur les terres prometteuses de Murray Bay.  Aujourd’hui, Louis qui demeure sur l’une des terres que possédait Joseph Simon Savard acquière d’Étienne Damas Dallaire (1785-1828) une parcelle qu’il avait héritée de sa mère Madeleine Savard (1757-1895) et la réunit à sa terre.  Étienne, l’aîné de sa famille, a des plans de mariage et est établi à Saint-Étienne de la Malbaie.  On se souviendra que Louis avait été parrain au baptême de Louis Dallaire, l’un de ses frères il y a trois ans ; c’est dire que les deux familles devaient avoir une certaine proximité[17]

À la fin d’octobre, Louis et Marie Julie se présentent devant le jeune notaire Isidore Lévesque (1782-1853) qui vient tout juste de commencer sa pratique aux Éboulements.  Le couple d’amoureux n’est pas seul, plusieurs parents les accompagnent pour la signature de leur contrat de mariage[18].  L’un des témoins est son frère Joseph; ce dernier en profite pour s’entendre avec Louis sur le partage final des terres que leur a laissé leur père[19].  

Cinq jours plus tard, le 5 novembre 1806, la petite chapelle de Saint-Louis-de-France est bondée pour le mariage de Louis et de Marie Julie.  Ce dernier a pour témoins son père Dominique, son frère David Louis Dominique (1764-1837) et son oncle le sous-voyer Augustin Dufour (1765-1834)[20].  Son frère et parrain David, de vingt ans son aîné, demeure à Saint-Étienne de la Malbaie et bien qu’il n’a pas vu grandir le marié puisqu’il a quitté l’île alors que Louis était bien jeune, il aura tenu à être présent.  David est l’un de ceux que l’on retrouve dans toutes les fêtes familiales lorsque le temps lui permet de s’y rendre.  Marie Julie est conduite à l’avant de la chapelle par son père et ses amis François Tremblay (1778-1864) et Alexis Perron (1778-1845) sont ses témoins.  Alexis est le fils de Charlotte Hervé (1751-1822), une cousine de Louis[21].

Il n’est pas certain si Louis sait que Marie Julie est un peu parente.  En effet, sa tante Rose Hervé (1730-1816) qui demeure à Saint-Roch-des-Aulnaies avait épousé en deuxièmes noces Michel Migneault dit Aubin (1736-1806) décédé en janvier.  Cette branche de la famille Mignot avait pris le patronyme Aubin de l’ancêtre dit Aubin arrivé de l’Acadie à Saint-Louis de Kamouraska.  Michel était le cousin du grand-père de Marie Julie.

Le nouveau marié aura une vie active à l’île et ailleurs.  Grâce à son épouse qui sait écrire, il apprendra lui aussi et sera ainsi le seul de cette génération et de cette lignée à pouvoir signer.  Marie Julie ne devait pas avoir chômé dans ses enseignements au cours de l’hiver, car Louis signe le registre pour une première fois lors d’un baptême au printemps 1807[22].  Depuis Sébastien (1695-1759) son grand-père, Louis est le premier Hervé à l’Isle à pouvoir écrire ou à tout le moins signer.  Cette journée-là, il est choisi comme parrain d’un enfant d’Ambroise Saturnin Tremblay (1768-c.1817) et d’Agnès Fortin (1774-1814) ; il en deviendra tuteur dans une dizaine d’années.

Après cinq mois d’emprise, la glace libère définitivement les battures de l’île et leur couverture végétale à la fin d’avril.  Il est temps pour Louis de préparer sa terre pour la culture.  En cela les surplus de ses pêches printanières, tout comme le varech l’automne, serviront d’engrais indispensables à la fertilisation du sol qui s’épuise déjà, car ce n’est qu’à la fin du siècle dernier qu’on avait commencé à engraisser sérieusement la terre.  Les semences peuvent débuter.  Louis est donc de cette première génération de censitaire à nourrir la terre de façon soutenue.  L’usage nouveau du varech comme engrais le mènera assez vite à une surproduction de pommes de terre, ce qui lui fournira un produit supplémentaire négociable au marché du Havre du Palais de Québec.

Avec peu de bras pour la moisson, comme on le verra, Louis sera plus éleveur qu’agriculteur.  Alors que l’on ne compte que quatre arpents de prairie sur l’île, son défi sera de nourrir tous ces animaux[23].  Il ne le fera pas de manière bien différente de son père.  Il trouvera toujours le fourrage et cela de façon exclusive des basses terres côtières de l’île dont il fauche les francs foins dès la fin de juillet.  À la mi-août, il coupe également le foin salé des prairies marines afin que les animaux puissent pâturer librement sur les lieux de fauche.  Avec l’accroissement de son cheptel par contre, Louis fera des acquisitions judicieuses de terres qui lui donneront accès à une plus grande superficie de basses terres côtières[24].

Au début de l’automne, entre ses voyages de pilotage sur le fleuve, Louis procède à l’installation de ses pêches à anguilles, ramasse le varech dont il aura bien besoin et procède par la suite au démontage de ses pêches à fascines pour qu’elles ne soient pas emportées et détruites par les glaces aux grandes marées d’automne qui ne tarderont pas à se pointer sur les rivages de l’île.  La terre maintenant en deuil de ses cultures, Louis s’échine également à la retourner à l’aide de sa charrue et de ses bœufs.

C’est le 26 octobre 1807 que naît le premier enfant du couple.  Comme c’est un garçon, Louis s’empresse d’assurer la postérité de son prénom.  « Louis Harvé » est baptisé le même jour.  Il a pour parrain son oncle Anselme Migneau (1794-1855) et pour marraine sa tante Marguerite Arvé (1792-1857).  L’enfant décède le 4 novembre et est inhumé le lendemain « dans le cimetière du lieu ».  Il n’aura vécu que dix jours.  Le prêtre étant absent de l’île aux moments des événements, il ne procédera « aux cérémonies de la sépulture » que dix jours plus tard.    Louis joue de malchance et devra attendre pour assurer l’avenir de son nom[25].  À l’époque à l’Isle, la mort d’un enfant en bas âge était chose courante ; Louis n’a-t-il pas vu plusieurs enfants de sa mère ainsi partir en bas âge.  Marie Julie ne l’avait pas encore vécu dans sa famille.  L’avenir viendra lui rappeler que cela peut devenir chose coutumière.  L’année suivante, elle perd sa sœur cadette qui n’était âgée que de cinq ans[26].    

Le mois suivant, Louis poursuit ses acquisitions.  Il acquiert des trois héritiers de Joseph Amiot dit Villeneuve (1753-1799) une terre qui était en friche à l’île.  L’aîné Joseph Villeneuve (1786-1865), en son nom et en celui de ses deux frères procède à la vente[27].  Le père de Joseph avait été le dernier de sa génération à quitter l’île après avoir épousé Marie Louise Savard (1764-1836) en 1785.  En 1790, lors du recensement effectué par l’évêque de Québec Mgr. Jean François Hubert (1739-1797), certaines familles d’anciennes souches n’avaient plus de représentants sur l’île et c’était le cas des Villeneuve[28].  Les trois parcelles formant la terre que Louis acquiert sont situées immédiatement au nord-est de la sienne[29] ; il s’agit d’importantes parcelles provenant de la terre originale de l’ancêtre des Amiot dit Villeneuve, l’un des premiers colons à s’être établi à l’Isle vers 1720[30].  Ce n’est pas par avidité que Louis procède ainsi à l’acquisition de plusieurs terres et continuera de le faire.  En raison de son métier sans doute, qui l’amène hors de l’île régulièrement, il sera avant tout un éleveur et pour se faire voudra compter sur le « foin de grève ».  Or, l’accès à cette denrée gratuite pour les animaux que son grand-père pouvait utiliser à sa guise est réglementé depuis 1751[31] ; depuis ce temps, les parts d’herbage étaient données en proportion de plus ou moins la largeur des terres que chaque habitant avait en concession.  En 1802, le seigneur procéda à un nouveau partage du foin salé, cette fois-ci à « une quote part égale » à chaque chef de famille.  Cette nouvelle répartition, par contre, ne retire pas aux quelques privilégiés « la permission donnée à un certain nombre de faucher sur la grande batture » [32].  Les insulaires sont divisés au sujet de cette décision et certains n’en finissent plus de se plaindre ; le seigneur retournera-t-il à l’ancienne façon de faire ?  Qu’importe, Louis a vite fait de comprendre l’importance d’accroître le nombre de ses concessions s’il veut facilement nourrir ses animaux. 

La saison morte arrivée et la terre gelée, Louis déboisera un peu cet hiver comme il le fera de plus en plus au fil des années, ce qui le conduira vers un autre commerce.  Il en profitera également pour couper et ébrancher les jeunes arbres qui serviront de harts pour les pêches du printemps. 

Louis n’a pas l’intention d’attendre la fin de ses jours pour contempler ses possessions et, on s’en doute, son métier de pilote devait être déjà très lucratif, car moins d’un mois après l’achat d’une terre de Joseph Villeneuve, le 14 décembre 1807, il procède à l’achat d’une autre terre.  Cette fois-ci, il s’agit d’une petite concession à La Baleine ; Marguerite Brisson (1737-1826) l’avait hérité de son père[33]

Louis et Marie Julie seront plus chanceux le 13 mai 1809 lors de la naissance de leur fils Joseph Harvé ; ce dernier survivra et aura de nombreux enfants.  Joseph a pour parrain Joseph Louis Tremblay (1788-1864), un lointain parent.  Marie Josephe Hervé (1788-1854), sa tante, est sa marraine.  Parrain et marraine s’uniront pour la vie l’année suivante.  Le père de l’enfant n’est pas peu fier de signer une nouvelle fois le registre, car cette fois-ci, l’enfant semble en santé[34].

Lorsqu’il est au champ, Louis n’a pas se soucier de son travail de pilote, car il n’a qu’à attendre l’appel.  Du temps de la Nouvelle-France et de son père, alors que tous les vaisseaux passaient par le mouillage des Français du côté nord de l’île, les capitaines donnaient un coup de canon pour aviser du besoin d’un pilote puisque ces derniers demeuraient tous au Cap à Labranche, côté sud-ouest, à une lieue de La Prairie près de laquelle les navires mouillent pour y prendre un pilote[35].  Ce temps est bien révolu.  Dans les postes de pilotage du Bic et au havre de Québec la libre concurrence où la règle du « premier arrivé, premier à bord » prime parmi les pilotes.  Donc, pour s’assurer un salaire, le pilote doit être le premier à se rendre aux navires pour offrir ses services ; dans ces endroits, il règne un climat malsain et les tensions flottent entre pilotes.  Par contre, à l’Isle où tous sont un peu parents, un jeune apprenti fait le guet et les pilotes se relaient à tour de rôle pour un voyage de pilotage.  Il en est de même pour les quelques pilotes sans terre demeurant à l’Isle ou ceux de passages, ils n’ont qu’à se rappeler où ils sont logés, chez les pilotes insulaires[36].  

Si dans son adolescence Louis faisait la petite chasse au gibier terrestre, ce qui l’amène à sortir son fusil maintenant ce sont surtout les oiseaux.  Le gibier favori de la famille, comme pour l’ensemble des insulaires, reste l’oiseau aquatique et il le chassera toute l’année.  En canot l’hiver et le printemps et sur les battures pour le reste du temps.  Les canards, les becs-scies et, aux périodes de migration, l’outarde, la bernache et l’oie blanche se retrouveront dans les plats préparés par Marie Julie.  Il ne tournera pas le dos non plus aux alouettes de mer, chevaliers, hérons, couacs, garots et même le goéland[37].

Alors que Marie Julie est enceinte de quelques mois, le 19 novembre 1810, Louis participe avec tous les Hervé du Cap à Labranche aux noces de Marie Josephe dite Marie qui s’unit à Joseph Louis Tremblay (1788-1864).

Le printemps suivant, Marie Julie accouche de sa première fille, le 21 avril 1811.  L’enfant est baptisé le 25 avril au passage de Louis Lelièvre, le curé de Baie-Saint-Paul ; celui-ci dessert l’Isle depuis 1804 pendant les absences annuelles du huitième curé, Alexis Lefrançois, en mission dans la Baie-des-Chaleurs du printemps à l’automne depuis son arrivée comme curé de Saint-Louis-de-France.  Louis Lelièvre qui écrivait autrefois notre patronyme Hervé, sa forme originale en Nouvelle-France, a commencé à l’angliciser depuis l’automne 1806.  L’enfant sera donc nommé Justine Hervay.   Joseph Hervé (1782-1867) est son parrain, le frère aîné de son père.  Sa tante, Théotiste Migneau (1792-1867), est sa marraine[38].

C’est le 8 mars 1812 que Louis perd son père, son maître à bord et son mentor qui lui a tout enseigné sur la mer.  Sébastien Dominique Hervé « de son vivant pilotes du fleuve St Laurent depuis le Bique jusqu’à Québec et cultivateur » est inhumé deux jours plus tard.  À soixante-quinze ans, on pourrait croire qu’il s’est éteint avec l’âge après une vie de durs labeurs ; rien n’est moins sûr.  Cette même journée du 10 avril 1812, le curé supplée aux cérémonies de la sépulture d’un deuxième pilote sur le Saint-Laurent, Guillaume Gabriel Martin.  Une coïncidence peu probable ! Ce Français d’origine dénommé Martin n’est pas un insulaire.  Il pilote sur le Saint-Laurent et réside normalement à Québec, là où demeure sa femme.  Martin appartenait cependant à l’équipe de la station de pilotage de l’Isle aux Coudres.  Il résidait peut-être chez Dominique et y avait peut-être apporté le typhus possiblement contracté à bord d’un navire ? Quoi qu’il en soit, Louis qui pilote et côtoie ses confrères également ne sera pas affecté, ni personne de sa famille ou celle de son frère Joseph qui réside chez le père.

À la fin de l’été, Thimothé Hervé (1790-1867) épouse Émérentienne Martel (1789-1817) le 18 août 1812.  Une autre occasion pour les Hervé de fêter.  Le frère cadet de Louis passera quelque temps sur l’île avant de partir s’établir sur la concession obtenue par son père du côté de la Malbaye.  Décidément, le décès du père au printemps aura précipité les départs de la maison devenue celle de l’aîné puisque le 6 octobre, c’est au tour de la jeune Marie Magdeleine (1794-1882), laquelle n’a que dix-huit ans, de s’unir à Vital Desbiens (1791-1861).

Gens de mer, les insulaires naviguaient pour se rendre où ils devaient aller en toute autre saison que l’hiver.  À la fin du XVIIIe, une piste fut aménagée sur le haut des Caps entre Baie-Saint-Paul et Saint-Joachim.  Le sentier servait de chemin pour les mois d’hiver en cas de nécessité absolue de se rendre à Québec et satisfaisait ainsi les insulaires qui n’y avaient pratiquement jamais recours.  On sait qu’avant l’ouverture du chemin sur le haut des caps, et cela depuis l’époque de l’établissement des premiers à l’Isle il y a déjà près de cent ans, les habitants qui la quittaient en cas d’extrême urgence prenaient le passage, très dangereux, du chemin de grève sous les Caps, long de vingt-neuf mille[39].  C’est entre 1812 et 1815 que Louis, ainsi qu’une bonne partie des hommes valides de l’Isle, sacrifient trois jours de labeurs pour permettre l’ouverture d’un vrai chemin qui conduira de la baie Saint-Paul à Saint-Joachim.  Les insulaires avancent que « le chemin demandé ne serait d’aucune utilité à leur paroisse, vu qu’elle est séparée de la terre ferme... » et qu’ils se sont « …toujours passés de ce chemin et qu’ils s’en passerons bien encore ! ... et qu’il n’y aurait qu’en hiver que ce chemin leur serait utile, mais qu’ils ne passent que rarement au nord… »[40]Toutes les récriminations des représentants des insulaires, l’oncle Augustin Dufour et Joseph Desgagné (1739-1816), n’empêcheront pas Louis de devoir, en plus des trois jours de labeurs, fournir six pièces de bois pour la réalisation des ponts et ponceaux nécessaires à cette route dont les gens ne voulaient pas, mais que le gouvernement de l’anglais jugeait essentielle aux seigneurs écossais de Murray Bay et de Mount Murray[41].   

La vie file pour Louis qui n’a pas encore trente ans et qui fait toujours partie de ceux que la tradition orale nommait, au XIXe siècle, les « pilotes d’en bas ».  Tout comme son père, il effectue de nombreux voyages à guider les navires sur le fleuve du poste de pilotage de l’île jusqu’au Bic ou jusqu’à Québec et inversement.  Comme le passage entre l’île et la rive nord du Saint-Laurent est généralement libre de glace en automne jusqu’à la mi-décembre par la force des courants de marée particulièrement violents à cet endroit et que la saison de pilotage ne s’arrête que pour environ quatre mois, il est difficile de voir comment il trouve le temps de cultiver son importante ferme.  La nature de son exploitation agricole nous sera révélée plus loin et nous permettra de mieux comprendre. 

Si Louis a des revenus importants pour la période, il a aussi, comme tous les autres insulaires, un poids énorme lui venant de l’institution seigneuriale qui pèse sur ses épaules.  Les seigneurs continuent de prélever les taxes seigneuriales usuelles auxquelles s’ajoutent des taxes proportionnelles portant sur l’exploitation des battures marines.  En plus des cens et rentes, soit environ un louis par cinquante arpents (soit environ huit louis pour ses terres) et de son droit de mouture qui consiste en trente minots de blé marchand[42] qui reviennent chaque année, ces Messieurs du séminaire s’octroient également le droit de lods et ventes qui est égal à huit et un tiers pour cent du montant de la vente d’une terre.  Comme Louis a fait et fera l’acquisition de plusieurs terres au cours de sa vie, il garnira les coffres du Séminaire à plusieurs reprises de ce denier impôt, mais comme les autres censitaires, il prendra toujours quelques années pour acquitter les lods[43].  Comme on l’a vu, les battures de l’île sont demeurées la possession du Séminaire et continueront de l’être pendant toute la vie de Louis.  Afin d’utiliser ces dernières, les censitaires en louent l’usage par un système de baux qui consiste en six louis par cent anguilles pêchées[44] et le tiers des huiles fournies produites par le marsoin[45]. Si on ajoute à cela le fait que le Séminaire exigeait de ses censitaires de trois à quatre jours de corvées par homme par année pour l’entretien des moulins et des routes entre autres, on peut mieux se faire une idée de la contribution importante de Louis envers son seigneur. 

Au printemps 1813, il perd sa sœur puînée qui n’a que vingt-six ans.  Marie Euphrosine Hervé (1786-1813), que l’on aura toujours nommé Marie Modeste, est emportée des suites d’un difficile accouchement, son cinquième en dix ans de mariage, un mois plus tôt[46].  Rien de bien rassurant pour Marie Julie qui est enceinte de quatre mois.   

C’est donc le 5 octobre 1813 que naît le quatrième enfant et troisième fils du couple.  Lors du baptême le lendemain, Louis tente à nouveau de perpétuer son prénom ; l’enfant est nommé « Louis Didier ».  Le nouveau curé de Saint-Louis, le neuvième, Pierre Thomas Boudreault, celui de qui on a dit qu’il ne savait pas écrire, inscrit Harvai comme patronyme de l’enfant.  Le couple ne vivra qu’un petit bonheur, car Louis Didier ne survit que onze jours.  Le 17 octobre, lors de sa sépulture, ce même curé utilise cette fois-ci la forme Hervay pour le patronyme de l’enfant ; il ne faut guère s’en surprendre puisqu’il écrivait le patronyme différemment d’une inscription à l’autre et pouvait même utiliser deux formes du patronyme lors de la même inscription.  Le jeune Alexis Mailloux (1801-1877), celui qui écrira une version de l’histoire de son île, s’active déjà autour du curé, car il agit comme témoin de la sépulture[47].  Le cœur ne devait pas être à la fête quand, deux jours plus tard, sa sœur puînée, la Marie Margueritte aux deux « t », épouse Jean Baptiste Tremblay (1787-1854).  Depuis la mort de son père, en moins de dix-huit mois, la maison de la mère de Louis, devenue celle de son frère aîné, se sera vidée de tous ses frères et sœurs.

Les mauvaises nouvelles s’étaient accumulées en ce mois d’octobre 1813.  Les récriminations de certains insulaires quant au fauchage des prairies de grève et l’action de certains avaient amené Louis à perdre son accès à sa part des herbages naturels la veille du décès de Louis Didier.  En effet, son oncle François Dufour (1774-1848), le frère cadet de sa mère, avait défié l’autorité de ces messieurs du Séminaire en coupant du foin salé des prairies marines à l’été malgré l’interdiction qui lui avait été faite.  C’est le petit-cousin de ce dernier, Joseph Dufour (1744-1829), colonel de milice et agent du procureur du Séminaire à l’Isle, qui s’était plaint de la situation et de l’intention de d’autres de faire de même le 9 août.  La situation amena le seigneur à révoquer pour tous les habitants la permission de faucher sur les grèves le 16 octobre[48].  Après cette perte du droit de fauchage, Louis devra possiblement continuer à se porter acquéreur de concessions s’il veut accroître son cheptel et pouvoir nourrir ses animaux.  Par contre, sans que l’on ne sache si le seigneur a été informé, le 9 mars 1814, une assemblée de paroisse à la salle publique adopta une résolution donnant droit à tout propriétaire tenant feu et lieu sur l’île de laisser errer les animaux sur les grèves ; si l’on ne pouvait faucher, on se donna à tout le moins le droit d’engraisser ses animaux durant la belle saison.  La possibilité de fauchage des prairies de grèves revêtira pour longtemps une grande importance chez les insulaires ; même une fois libéré du joug du régime seigneurial, le contrôle des prairies marines sera confié au conseil municipal pour longtemps encore[49].

Louis continue donc toujours de regrouper le plus de terres possible à la sienne.  Comme il l’avait fait en 1806 avec Étienne Damas Dallaire, le 23 mars 1814 il acquiert de son frère Joseph Marie Dallaire (1787-1833) une autre parcelle de terre en friche héritée au décès de sa mère Madeleine Savard.  En 1808, Joseph Marie père (1763-1810) avait quitté l’île avec sa famille pour Saint-Étienne de la Malbaie.  Joseph Marie fils ne vit donc plus sur l’île depuis longtemps ; il est marié et installé à Sainte-Agnès et n’a que faire de cette petite parcelle de terre dont il se défait pour une bouchée de pain[50]

À la fin de l’été 1814, Marie Julie est marraine de l’un des enfants de son beau-frère Joseph Hervé, le seul frère de Louis encore à l’Isle puisqu’à la fin de l’été précédent, l’autre frère du deuxième lit, Thimothé Hervé, avait quitté l’Isle après son mariage pour s’établir sur une concession du côté de Saint-Étienne de la Malbaie, concession qu’avait acquise son père pour lui avant de mourir.  Marie Julie est enceinte de six mois lors de la cérémonie[51].

Le 14 novembre 1814, Marie Julie accouche donc d’un autre garçon.  Cette fois-ci elle et Louis ne forceront par la chance ; l’enfant est baptisé le jour même et portera le prénom de George.  Le curé Pierre Thomas Boudreault prénomme la mère de l’enfant Emératianne à son registre ; il l’avait prénommée Emérance lors du précédent baptême.  Qu’à cela ne tienne ! Cela n’empêchera pas George Hervai de vivre soixante-quinze ans.  Marie Anne Tremblay (1768-1846) l’épouse d’Augustin Dufour (1765-1834), l’oncle de Louis est la marraine[52].

Bien que le temps de l’hégémonie du blé à l’île tire à sa fin, en ce premier quart de siècle, les insulaires cultivent toujours et surtout le blé qu’ils exportent après l’avoir moulu.  Ce temps sera bientôt révolu, mais pour l’heure le profit vient avec la capacité de pouvoir moudre son grain.  En 1815, les insulaires s’adressent à leurs maîtres et Seigneurs, ces Messieurs du Séminaire par une « supplique pour la construction d’un moulin à eau » ; Louis fait évidemment partit des signataires[53].  La réponse sera longue à venir.   

Si Louis est à l’île lorsqu’est signée la supplique, il n’y est plus à la fin du mois.  Lui et son frère Joseph, en plein hiver, sont tous deux à La Malbaie.  Le 31 janvier, on y célèbre le mariage de Marie Louise Hervé (1792-1846) et de Félix Brassard (1791-1841).  Marie Louise est l’aînée des filles chez leur demi-frère David.  La présence en cette saison de «Joseph et Louis Hervey ses oncles» montre encore une fois les liens qui unissent les enfants de Sébastien Dominique[53a].

À la première journée du printemps de 1816 Louis est parrain du fils de Jean Baptiste Labranche dit Laforest (1774-1840).  Le curé, bien qu’il soit natif de l’Isle, ne connaît pas bien son histoire, car il s’agit en fait de Jean Baptiste, né Laforest, marié Laforest et qui sera inhumé Laforest ; il est un dit Labranche d’où le nom du Cap à Labranche.  Son ancêtre, l’arrière-grand-père Jean Laforest, dit Labranche (1682-1733), marié à Marie Angélique Rancourt (1690-1772), avait été l’un des six premiers censitaires à s’installer à l’Isle ; il y était déjà en 1722.  Après son décès, sa veuve et son fils Jean Baptiste (1717-1752) avaient cédé leurs droits sur cette terre en 1738[54].  Ce dernier Jean Baptiste, le grand-père, s’était marié à Baie-Saint-Paul où par la suite avaient vécu les Laforest dit Labranche.  Jean Baptiste le père du baptisé d’aujourd’hui vient tout juste de s’établir à l’Isle et c’est d’ailleurs le premier de ses enfants à y naître.  Outre le fait qu’il soit un voisin, on ne sait pas ce qui lie Louisà cette famille ; Charlotte Tremblay (1776-1838) son épouse n’est pas non plus parente[55]Louis récidive dans un rôle de parrain en décembre de la même année.  Cette fois-ci, Dani Hervey, sa filleule est la benjamine chez son frère aîné Joseph[56].

Comme on l’a vu, Louis est navigateur-pilote, mais il ne s’est pas fait navigateur simplement par tradition familiale ; l’agriculture ne suffit pas, seule, à assurer la subsistance des insulaires.  La « pêche à marsoin » avait pris très tôt une grande importance et l’huile de marsouin, produite par les insulaires du bout d’en haut réunis en société, constituait toujours le plus important article d’exportation.   La navigation apporte quelques revenus et de surcroît elle est intimement liée à l’agriculture.  Sa goélette permettra à Louis d’écouler son importante production agricole, ses animaux de boucherie et l’huile de marsouin au marché de Québec et ceux des rives voisines sans passé par un marchand intermédiaire.  De plus, il fait sans aucun doute le transport des denrées alimentaires non périssables, car en plus d’apporter aux marchés la production de l’île, il rapporte ce qui manque aux insulaires ; combien de voyage de fleur, de sel et autres produits transformés a-t-il déchargés ? Louis vit à l’apogée de la « pêche à marsoin » et il saura probablement en tirer profit à en juger par ses acquisitions futures.  Très importante quant aux revenus qu’on en tirait depuis 1800 et que l’on en tirera jusque vers 1830, cette pêche deviendra par la suite de moins en moins lucrative en raison de la baisse des prises et du prix payé pour l’huile[57].    

C’est en 1816 que Louis Hervé, comme il signait toujours, et Augustin Dufour (1796-1880), le cousin et voisin, s’adressent à la « Trinity House » de Québec pour obtenir leur brevet de pilote, afin de secourir des vaisseaux en détresse dans la Traverse du Sud et les environs.  Comme on le sait, Louis avait servi comme pilote avec son père depuis son tout jeune âge et avait poursuivi cette carrière depuis la mort de ce dernier, mais n’avait jamais reçu un brevet des autorités coloniales britanniques.  Comme ni l’un ni l’autre n’avaient fait un apprentissage dans la nouvelle norme de cinq ans maintenant exigée par les autorités anglaises, leur demande fut refusée.  Louis qui avait suivi les traces de son père venait de se faire débouter par l’anglais à trente-deux ans et de se voir refuser l’ultime reconnaissance.  Il prendra cependant sa revanche dans une dizaine d’années.  Comme compensation, la « Trinity House » accepte de payer Louis et Augustin lorsqu’ils secouraient des vaisseaux par le chenal du Nord[58].  Ce sera donc encore à plusieurs reprises qu’il lèvera les voiles de sa chaloupe pour aller à la rencontre des bâtiments d’outre-mer afin de monter à bord et de les conduire en eau sure[59].

Le 2 février 1817 naît le sixième enfant et cinquième fils du couple.  Les parents tentent pour une troisième fois de perpétuer le prénom du père lors du baptême qui a lieu le jour même.  « Louis Hervé » a pour parrain François Dufour (1774-1848) l’oncle de Louis le père.  Pour ce qui est de la marraine, on est moins certain ; le pauvre curé Pierre Thomas Boudreault, inscrit au registre qu’il s’agit de « Marthe Desbiens épouse d’Augustin Dufour »Marthe Desbiens (1794-1836) est mariée à Thomas Bergeron (1793-1872).  Par contre sa sœur Luce Desbiens (1797-1859) est mariée à Augustin Dufour.  Comme Louis est confrère du cousin et pilote Augustin, il est probable que Luce ait été la marraine de l’enfant.  Malgré toute la protection souhaitée pour l’enfant par le parrain et la marraine, ce denier ne vit que seize jours ; il décède le 18 février et est inhumé auprès de ses deux frères aussi prénommé Louis le lendemain dans le cimetière paroissial[60].

C’est à cette période que Louis fait l’acquisition d’une parcelle de terre de son beau-frère Vital Desbiens marié à sa sœur Marie Magdeleine Hervé.  On ne connaît pas la localisation exacte de cette terre, mais on sait que la terre des Desbiens était située entre celle de l’ancêtre Sébastien Hervé et celle des Bonneau, donc près de l’extrémité sud-ouest du « bout d’en haut ».  Après avoir reçu paiement pour la transaction, Vital signe à Louis une quittance à la fin de l’été[61].

Quand la fête du Nouvel An survient, Marie Julie est déjà enceinte de huit mois.  Elle accouche d’une deuxième fille le 20 janvier 1818.  Lors du baptême de « Marie Félicité Hervai »  le même jour, le parrain est Bonaventure Mailloux (1784-1874) et la marraine la belle-sœur des parents Marie Anne Tremblay (1774-1840) mariée au frère Joseph Hervé[62].

En avril 1818, Louis perd le dernier membre de la famille de son père.  Sa tante Marguerite Rosalie Hervé décède le 14 avril à l’âge honorable de quatre-vingt-dix ans.  Née en Nouvelle-France, elle avait vu l’envahisseur débarquer sur l’île de ses Éboulements où elle et son mari avaient débuté leur vie.  Dès que ces messieurs du Séminaire avaient décidés de se départir de leur Domaine de l’île vers 1770, elle était revenue y vivre avec sa famille.

Parmi les enfants de l’oncle Pierre Hervé (1733-1799), seul son fils André Laurent Hervé (1764-1831) est encore à l’île.  Les autres étaient partis s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie avant le début du siècle.  À la fin de juillet, André célèbre les secondes noces de sa fille Marie Modeste (1788-1820).  Louis est présent et témoin lors de la célébration.  Marie Modeste était veuve depuis peu et elle était revenue vivre chez son père lorsqu’elle rencontra un ancien copain insulaire.  Le bonheur ne durera pas très longtemps puisqu’elle décède le printemps suivant, trois jours après avoir mis au monde leur premier enfant[63]

Louis pilote toujours sur le grand fleuve, mais il est à l’île lors de la naissance de son sixième fils et quatrième garçon prénommé Louis tout comme lui le 8 juin 1820.  Lors de la cérémonie du baptême, l’enfant est nommé « Louis Joseph Hervé » dans le registre de Pierre Duguay (1786-1843), le dixième curé nouvellement arrivé l’automne précédent.  Le père se fait une joie à nouveau de signer le registre.  Le parrain est Abraham Tremblay (1794-1867) l’époux de Basilisse Perron (1795-1875), la petite cousine de Louis.  La marraine est la tante de l’enfant, Marie Josephe Hervé.  On se souviendra que cette dernière avait été la marraine de Joseph, un autre enfant de Louis et de Marie Julie, mais comme elle est la seule Hervé à se faire prénommée ainsi à l’époque à l’Isle, présumons qu’il s’agit d’elle.  Il existe une seule autre Marie Hervé (1806-1888) à l’île, la fille de Joseph, le frère aîné de Louis, mais elle fut toujours prénommée Archange tout au long de sa vie, à tout le moins à compter de son mariage.  Adolescente, peut-être ne souffrait-elle pas encore d’être méprise pour sa tante et portait toujours son prénom de baptême, ce qui en ferait la véritable marraine.  Ce questionnement est de peu d’importance puisque Louis Joseph, tout comme les trois autres enfants prénommés Louis dans la famille, ne vit que dix jours ; il décède le 18 et suit ses frères au cimetière deux jours plus tard[64].  Comme les deux fils ne portant pas le prénom de Louis sont toujours vivants, le couple ne défiera plus la chance et plus un seul de leurs enfants ne sera ainsi prénommé.  Le père n’aura donc pas la chance de voir son prénom porter par l’un de ses enfants.

Décidément, Louis semble chercher à acquérir des terres auprès de ceux qui n’ont plus d’intérêt sur l’île, car ils sont partis faire leur vie ailleurs.  Au début novembre, il achète une nouvelle terre de Lazare Ignace Boudreau (1777-1853) qui a quitté l’Isle au début du siècle pour s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie quelques années après s’être marié[65]

En décembre, Louis se joint à la fille de Joseph, sa nièce Marie Anne Hervé (1803-1846), à titre de parrain et marraine d’un nouveau-né.  Cette fois-ci, il s’agit du cinquième enfant de Marie Josephe dite Marie Hervé (1788-1854), la sœur de Louis[66]S’il n’a pas eu la chance d’avoir beaucoup d’enfants en santé, Louis aura à tout le moins nombre de filleuls et filleules sur qui veiller, comme il le fait pour ses pupilles.  Il ne cessera d’être appelé à jouer ce rôle pour le reste de sa vie.

Tuteur de profession et protecteur de la veuve et de l’orphelin

Louis et sa femme ont de la difficulté à garder leurs enfants.  En raison de cela ou de par son caractère, il veillera toute sa vie sur ceux des autres.  En février 1821 Louis tuteur de Marie Agnès Tremblay (1801-1850), qui est toujours mineure, agit comme témoin lors du mariage de cette dernière avec Augustin Tremblay (1801-1854).  Agnès avait perdu ses deux parents quelques années auparavant.  Sans que l’on sache pourquoi, Louis avait été désigné tuteur des six plus jeunes enfants de feu Ambroise Saturnin Tremblay (1768-c.1817) et de feu Agnès Fortin (1774-1814) alors que l’oncle des deux plus vieux garçons, Alexis Tremblay (1769-1844), avait pris ces derniers au décès du père ; il faut remonter à quatre générations pour trouver à la mariée un quelconque lien de parenté avec la famille de Louis ; Ambroise Saturnin Tremblay, cet arrière-petit-fils du seigneur des Éboulements, était le petit-cousin de Louis par sa mère alors que sa femme Agnès Fortin était également la petite-cousine de ce dernier par sa mère[67].  On se souviendra que Louis avait été parrain de l’une de ces filles dont il est maintenant tuteur en 1807 ce qui nous indique qu’il devait être près de cette famille autrement que par un lointain cousinage.  Bien que lors du mariage d’Agnès, le curé de Saint-Louis sache qu’Ambroise son père soit décédé, on ne retrouve aucune inscription de sa sépulture au registre de la paroisse.  Il est toujours vivant et à l’île à l’été 1817 lors du mariage de l’aîné de ses fils[68].  Après le décès de sa femme des suites de l’accouchement de son dixième enfant, certains des enfants d’Ambroise avaient pris la direction de la Montérégie avec l’aîné [69]; on perd la trace du père de la mariée après le mariage de l’aîné[70].  C’est dans cette période que Louis devient tuteur des enfants mineurs du couple[71].  Si la fatalité ne leur avait pas donné beaucoup d’enfants, Louis et Marie Julie veilleront sur ceux des autres plus souvent qu’à leur tour comme nous le verrons.   

Marie Julie est à nouveau enceinte de son neuvième enfant au printemps 1821 ; elle passera donc l’été à souffrir des chaleurs de la saison.  L’enfant naît le 16 août ; sa santé est précaire, il ne sera amené à la chapelle pour son baptême que quatre jours plus tard.  « Marie Emélie Hervai » a pour parrain Joseph Perron (1792-1872) Ecuyer et lieutenant du premier bataillon de la milice du comté de Northumberland ; il est le fils de Charlotte Hervé (1751-1822) la cousine de Louis chez l’oncle Zacharie.  La marraine choisie est Marie Anne Hervé (1803-1846) la nièce de Louis, la fille de son frère Joseph[72].  Les parents ne sont pas plus chanceux avec ce nouvel enfant que pour le dernier.  La petite décède le 25 du même mois.  Elle n’aura vécu que neuf jours un peu comme les quatre autres enfants qu’avait perdus Marie Julie.

C’est vers la mi-septembre que le corps du cousin Éloi Dufour (1797-1821), fils de l’oncle et voisin Augustin Dufour, est ramené à l’île après s’être noyé à Québec dans le havre du Palais.  Éloi, qui tout comme son père, était navigateur; il fut retrouvé dans la rivière Saint-Charles[72a].

Après le décès de leur dernière, le couple ne se décourage pas, car un an plus tard naît Maxime, le septième fils de LouisMarie Julie accouche le 2 octobre 1822.  Le baptême de « Maxime Hervai » est célébré le jour même.  La marraine Marie Hervé (1806-1888) est l’une des filles de Joseph, l’oncle de l’enfant.  Cette cousine sera prénommée Archange après son mariage, mais apparemment, elle a déjà commencé à transformer son prénom, car lors du baptême, on la nomme « Marie Archange »[73].

À l’automne 1823, Louis, en tant que tuteur, laisse partir une autre de ses pupilles mineures.  Marie Olive Tremblay (1805-1890), dont il assurait la garde, épouse Siméon Bouchard (1799-1889) à l’Isle[74]

En 1824, une autre requête fut présentée à ces messieurs du Séminaire afin d’obtenir la permission de construire un moulin à eau, le moulin à vent faisant plus souvent défaut par manque de collaboration de la part d’Éole.  On se souviendra que pareille demande avait été faite en 1815 et que la réponse n’avait été reçue que le 16 janvier 1824.  Ces messieurs du séminaire n’avaient guère foi en la capacité de l’unique rivière d’alimenter un moulin hydraulique et l’avenir leur donnera raison.  Néanmoins, neuf ans pour répondre à une supplique d’un si grand nombre de ses censitaires ! Cette nouvelle demande est faite à titre particulier par le sieur Alexis Tremblay, qui avait aussi signé la supplique de 1815.  Ce dernier s’engage à bâtir un moulin à eau sur sa terre où coule la rivière Rouge aux conditions fixées par le Séminaire dans sa réponse du 16 janvier.  Avant de donner son aval à cette nouvelle demande, le Séminaire y ajoutait celle de réunir le ruisseau des Pruches à la rivière Rouge pour en assurer le débit.  Cependant, le ruisseau des Pruches coule sur la terre de Louis Hervé[75].  Alexis Tremblay, l’oncle des pupilles de Louis, dut donc s’entendre avec ce dernier pour qu’il accepte de se priver d’une portion du débit de son ruisseau[76].  Point de moulin, point de revenu suffisant pour acheter tout ce qui ne se produit pas à l’île et qui doit être acheté et Louis doit en convenir. 

On ne semble plus guère respecter la tradition d’autrefois qui voulait qu’a l’île les mariages soient célébrés pendant la saison morte ; un peu pour l’agrémenter, mais surtout pour laisser libre cours aux nombreux travaux de la courte saison.  Les étés de Louis, quand il est à l’île, se passent donc à célébrer, car étant donné que les insulaires sont un peu tous parents, la famille est grande.  En juin, il est témoin de sa cousine Christine Dufour (1805-1826), la fille de l’oncle Augustin qui épouse Vildebond Tremblay (1803-1883), qui deviendra major de milice.  Christine n’aura pas la chance de voir son mari ainsi promu, car la malheureuse décédera des suites de l’accouchement de son premier enfant l’année suivante[77]Louis est de nouveau témoin en août ; cette fois au mariage de son ami le jeune Abraham Lajoie (1795-1874) qui, à trente ans, s’est épris d’Angélique Desgagnés (1779-1867), laquelle a quarante-six ans.  C’est le « prêtre chapelain du faubourg St Roch de Québec » qui s’est amené à l’Isle pour bénir la cérémonie ; Alexis Mailloux, prêtre originaire de l’Isle, devait connaître le marié pour avoir fait le déplacement[78].  À l’automne Marie Julie est à nouveau enceinte. 

La maison du couple n’a guère changé depuis cinq ans quoique l’on y trouve un peu moins de convives.  Le couple a pris une pause puisque cela fera maintenant trois ans en automne que le tout dernier naissait.  De plus, deux des pupilles de Louis se sont mariées et ont quitté la maison.  L’oncle Augustin Dufour (1765-1834), navigateur, est toujours le voisin du côté nord-est, mais c’est sans doute Augustin fils (1796-1880) qui voit à la ferme quand il n’est pas sur le fleuve.  Joseph, le frère de Louis est le prochain voisin du côté sud-ouest, juste en bas de la côte du cap, car la terre de Louis est la dernière au haut du Cap à Labranche.  Lors du recensement que les autorités britanniques tiennent au cours de l’été 1825, des six cent dix-neuf personnes qui s’entassent dans soixante-treize familles à l’Isle le 1er septembre, la maisonnée de Louis compte maintenant douze personnes.  Parmi eux assurément, Louis et Marie Julie de même que leurs enfants vivants Joseph, Justine, George, Marie Félicité et Maxime.  Mais qui sont les cinq autres ! Outre le nom des chefs de famille, le recensement n’est pas nominatif et ne permet donc pas d’identifier avec certitude les occupants de la maison.  L’âge des filles d’Ambroise Saturnin Tremblay et d’Agnès Fortin nous permet par contre de présumer de la présence de deux d’entre-elles puisque deux femmes de quatorze ans et plus et d’au-dessous de quarante-cinq ans, non mariés y demeurent.  Bien que ce ne soit qu’une hypothèse, comme Louis et Marie Julie n’ont aucune fille de cette tranche d’âge, il pourrait bien s’agir des deux autres pupilles de Louis, Elisabeth et Julienne Tremblay qui ont respectivement vingt-deux et dix-huit ans.  Il y a également un homme marié de plus de soixante ans vivant avec eux ; il ne peut s’agir du père de Marie Julie, car Antoine Migneault bien qu’il ait soixante-six ans est maintenant établi aux Éboulements[79].  L’autre inconnue sous ce même toit est une femme mariée de plus de quatorze ans et au-dessous de quarante-cinq ans.  Les mœurs du temps étant ce qu’elles sont, il est fort probable qu’elle soit l’épouse de l’homme de plus de soixante ans.  Un confrère pilote peut-être ; comme l’Isle-aux-Coudres est, avec le Bic, l’un des deux postes de pilotage sur le grand fleuve, Louis a peut-être hébergé l’un d’eux un certain temps tout comme son père le faisait[80].  

Le printemps suivant, Marie Julie accouche d’une quatrième et dernière fille.  Ce onzième enfant que l’on baptise le 30 mai 1826, jour de sa naissance, survivra.  « Madeleine Harvé » a pour parrain, Augustin Dufour (1796-1880) ; présumons qu’il s’agit d’Augustin fils, le cousin de Louis et non Augustin père, son oncle qui a soixante et un ans.  La marraine est Antoinette Christine Demeules (1788-1873).  Cette dernière est l’épouse de Christophe Perron (1789-1874), le cousin de Louis par sa mère Rosalie Dufour (1758-1823).  Évidemment comme les parents de Marie Julie sont aux Éboulements et à Saint-Louis de Kamouraska, l’urgence à l’époque de baptiser rapidement, empêchait toute participation de sa famille aux joies d’un nouvel enfant. 

Avec toutes les ventes, divisions et héritages de terres entre parents et enfants depuis cent ans, ces messieurs du Séminaire ont-ils perdus le contrôle de l’inventaire des censives de leur seigneurie ?  Quoi qu’il en soit, après avoir obtenu l’autorisation de « Sa Majesté » de faire comparaître leurs censitaires, le 11 juin 1826 ils font publier un avis leur ordonnant de se présenter à la maison du petit-cousin Alexis Tremblay (1769-1844) où le notaire Louis Bernier de Château-Richer nommé Commissaire aux fins de l’inventaire recevra et enregistrera pendant la prochaine quinzaine tous les titres de propriété que les censitaires pourront présenter pour tous les fonds de terre obtenus, achetés ou reçus en héritage.  Pour assurer la soumission des censitaires, ces messieurs du Séminaire « Seigneurs des Fief et Seigneurie de l’isle aux Coudres » ont reçu l’autorisation des autorités coloniales par l’entremise de « la Cour du Banc du Roi » d’imposer des peines aux récalcitrants[81]« Louis Arvé » s’exécutera derechef les 12 et 14 juin.

Le 12 juin 1826, l’enregistrement d’une nouvelle concession précise la position de certaines terres de la famille Hervé à cette époque.  Au registre du Séminaire, on peut lire que la terre d’Augustin Dufour, de deux arpents et demi, est « bornée au nord par Joseph Arvey et au sud, par Louis Arvey »[82].  Faut-il voir là que le frère aîné de Louis habite au nord-est de lui, donc sur le Cap à Labranche tout comme Louis ? Il faut en douter, car si cette inscription aux livres du Séminaire est exacte, elle doit faire référence à une terre de pâturage que possède le frère.  On se souviendra que tout au cours de sa vie, leur père avait fait l’acquisition de nombreuses terres en plus de celle qui était devenue sienne lors de son mariage à Geneviève Savard.  Cette terre, au nord de celle d’Augustin Dufour, est celle que la première épouse de Dominique avait apportée en dote, constitué de deux arpents de front par cinquante de profondeur et que Dominique avait considérablement agrandi par des acquisitions en 1776 et 1793.  Pour sa part, Louis occupe la terre que son père avait acquise de sa belle-sœur en 1756 et qu’il avait également agrandie par des acquisitions au début des années 1790.  À la fin de sa vie, les terres du père enveloppaient complètement celle d’Augustin Dufour, son beau-frère.  Il s’en passera des enregistrements de censives entre le 12 et le 14 juin de cette année-là, car « Dame veuve Dominique Arvé » sa mère présente les terres liquidées lors de la succession à ses fils Joseph et Louis.  Pour sa part, ce dernier avait reçu cinq lopins de terre, tous situés au Cap à Labranche : un premier lopin de « deux arpens et huit perches de front sur cinquante de profondeur », un second de « douze perches et six pieds de front sur la même profondeur », un troisième de « onze perches et trois pieds de front sur treize arpens et demi de profondeur », un quatrième de « huit perches et six pieds de front sur six arpens et demi de profondeur » et le dernier de « deux perches de front sur quarante huit arpens et trois perches de profondeur »[83].  Celui qui paraphe les documents de Louis et des autres censitaires Pierre Flavien Turgeon (1787-1867), « prêtre et procureur du Séminaire des Missions Etrangères... en sa qualité de Seigneur des dits fiefs et Seigneurie », comme de coutume, ne s’est pas rendu à l’île ; il s’est simplement présenté à l’étude du notaire Louis Bernier à Château-Richer où il a apposé sa signature sur les différents actes après que le notaire eut reçu toutes les déclarations des censitaires[84]

Quand il rend visite au notaire, Louis ne se déplace pas pour rien ; la même journée il procède aussi à l’enregistrement de censives aux noms de ses pupilles, les enfants mineurs d’Ambroise Saturnin Tremblay, Julienne (1807-1851)[85], Joseph (1808-1882)[86], Magdeleine (1810-post.1852)[87] et Charles (1812-1894)[88].  La terre de leur père avait été séparée à son décès entre tous ses enfants. 

Louis est à nouveau témoin au mariage d’un amiAdolphe Simard dit Lombrette (1805-1858) de la baie Saint-Paul épouse Marie Charlotte Tremblai (1806-1882).  Rosalie Tremblay (1699-1740), la grand-mère que Louis n’a jamais connue, était la sœur de l’arrière-grand-père de Charlotte[89]

En 1826, Louis et Marie Julie ont déjà perdu cinq enfants.  Est-ce la raison qui les rend si prompts à s’occuper de ceux des autres ? Alors que la tutelle des filles de feu Ambroise Saturnin Tremblay et de feu Agnès Fortin tire à sa fin en raison du mariage de deux d’entre elles et de l’âge des deux autres, à la fin de l’automne Louis accepte de reprendre une autre tutelle aux mains de Simon Bouchard (1799-1899)[90]

Louis Hervé et les pilotes de l’Isle aux Coudres (1827)

En 1827, Louis est sur le point de livrer un témoignage qui le fera passer à l’histoire et mettra un peu de baume sur l’affront que lui avaient fait les autorités anglaises en 1816.

Dans la famille, la tradition de pilotage sur le « fleuve aux grandes eaux » est ininterrompue depuis le fils de Sébastien (1695-1759), le père de Louis.  Sébastien Dominique était devenu le gendre de Joseph Simon Savard bien avant la Conquête.  La fonction de pilote de ce dernier le place à l’origine d’une carrière double qu’embrasseront un grand nombre de censitaires de cette île en devenant des « habitants-navigateurs »Louis est pilote depuis toujours.  Tout jeune, il accompagnait son père sur les navires que ce denier pilotait, d’ailleurs, « … la plupart des pilotes resteront à l’Île-aux-Coudres. Nulle part ailleurs ne trouvait-on de meilleurs marins[91]. »  Louis s’est déjà assuré que la tradition maritime des Hervé se poursuivre dans la famille, car l’un de ses fils est sur le point de débuter son apprentissage s’il n’a pas déjà commencé.  D’ailleurs, cette tradition de cette lignée de Harvey se poursuivra jusqu’au XXe siècle dans les années soixante[92].

Du temps de la Nouvelle-France, le chenal du Nord ou « chenal des vaisseaux » qui longe l’Isle-aux-Coudres n’avait pas de secrets pour les Français et les pilotes de l’île.  Après la conquête, bien que les anglais aient maintenu une station de pilotage à l’île, ils instaurèrent dès 1768 une prime d’incitation à la « connaissance du chenal du Sud » où ils se sentaient plus à l’aise.  Cette mesure fit en sorte que les pilotes abandonnèrent progressivement le chenal du Nord et vers la fin du XVIIIe siècle, ce dernier était beaucoup moins utilisé pour la navigation océanique faute de pilotes le connaissant. 

La génération précédente de pilotes comme Dominique et les autres à l’île s’étaient insurgés contre cette mesure qui, à leur avis, priverait inévitablement leurs fils d’un gagne-pain rémunérateur.

Dès le début du XIXe siècle, les autorités anglaises constituèrent la « Trinity House of Quebec » pour gérer la navigation sur le Saint-Laurent.  La « Trinity House », un bastion d’anglais, dès qu’elle prit le contrôle du pilotage sur le fleuve en 1805, négligea le chenal du Nord et établit que seule la connaissance du chenal du Sud était désormais nécessaire pour l’obtention d’un brevet de pilote.  Elle installa phares et bouées sur le chenal du Sud ce qui n’incitait guère les pilotes à prendre le chenal Nord qui en était dépourvu[93]

Dès la première moitié du XIXe siècle, le chenal du Nord était déjà méconnu de la majorité des pilotes détenant un brevet alors que les générations de pilote de l’île en avaient connu les moindres recoins depuis l’époque de la Nouvelle-France, en passant par la génération des Joseph Savard, puis celle de Dominique Hervé et ensuite de ses fils qui furent ses apprentis dont François, l’aîné du premier lit et Louis, second fils du deuxième lit.  Sous le Régime britannique, la création de la « Trinity House » en 1805, a rendu plus difficiles les conditions des pilotes[94].

Il est vrai que les courants de marée ont toujours été reconnus dangereux dans le chenal Nord près de l’île.  En effet, le passage, dit de l’Isle aux Coudres, avec ses courants irréguliers, parfois violents et son courant de jusant[95] pouvant atteindre sept nœuds et encore davantage au printemps effrayait ceux qui, à l’instar de Louis, n’avaient pas appris à le maîtriser.  Il n’est donc pas surprenant que les anglais qui le craignent le considèrent comme un chenal de navigation risqué pour les navires à voiles.  Par contre, le chenal du Nord avait un avantage indéniable vers la fin de la saison de la navigation : il restait libre de glace quelque temps après que le chenal du Sud n’était plus navigable.  Cet avantage à lui seul allait compter pour beaucoup dans l’avenir[96]. Sans compter qu’à cause des glaces prenant plus rapidement dans le chenal du Sud, faute de pouvoir débarquer sur la rive, certains pilotes s’étaient vus contraints d’effectuer le voyage vers l’Europe et de n’en revenir qu’au printemps[97].  Finalement, comme le font valoir Louis et les autres, le passage de l’Isle aux Coudres donne accès à l’important mouillage de La Prairie, au nord-ouest de l’île, le seul havre sûr depuis Le Bic ; au mouillage, on peut attendre la marée favorable ou s’y abriter pas mauvais temps et il est également possible d’y mettre des navires à l’échouage pour les radouber quand un vaisseau s’est avarié.  Une chose est certaine : Louis et les autres pilotes à l’île préfèrent grandement le chenal Nord au chenal des anglais, ce qui se comprend aisément.  Non seulement il leur paraît plus commode, mais, comme ils sont du lieu, ils le connaissent dans ses moindres détails.

C’est au cours des années 1827 à 1829 que la connaissance du chenal du Nord fera l’objet d’un débat animé par rapport aux normes de qualifications des futures pilotes.  Le 5 février 1827, le docteur, seigneur et député du comté de Northumberland Marc-Pascal de Sales Laterrière (1792-1872), (On le rencontrera à nouveau plus tard au chapitre de la prochaine génération.) souleva la question à la Chambre d’assemblée.

Par la suite, un comité de la Chambre d’assemblée était formé pour étudier la question et ce même député présida les travaux du comité.  Pour mener son enquête le Comité s’entoure de Louis Hervé et d’Augustin Dufour, voisins et cousins, cultivateurs et navigateurs de l’Isle-aux-Coudres qui sont renommés et qui connaissaient tous deux la traverse du Milieu et, mieux que quiconque, le chenal du Nord négligé par les autorités anglaises depuis plus de soixante ans[98].  Ces insulaires connaissaient bien le passage entre le sud de l’Isle aux Coudres et la batture aux Loups Marins, par lequel des navires pouvaient rejoindre le chenal Nord.  Il faut se rappeler que les deux navigateurs conduisaient les navires sur le fleuve du poste de pilotage de l’île jusqu’au Bic ou à Québec et inversement depuis leur tout jeune âge.

Au temps du Comité, c’est déjà près de mille navires que les insulaires voient passer par année.  Donc, si l’on exclut les quatre mois sans navigation, c’est en moyenne quatre navires par jour que Louis et les autres pilotes peuvent conduire.  Même si le trafic maritime n’a pas toujours été aussi élevé, Louis fut fort occupé pendant sa longue carrière et continuera de l’être dans les années à venir avec, en autres, l’arrivée massive de navires bondés d’immigrants irlandais[99]

Louis, lors de son témoignage, informa le Comité qu’il y avait un moyen de rejoindre le chenal du Nord, lorsque les vaisseaux manquaient la traverse du Sud et que c’était par la traverse du Milieu, « Je ne connais que trois ou quatre personnes qui soient au fait de ce passage » dira-t-il.

Louis qui avait appris les secrets du pilotage alors qu’il était l’apprenti de son père Dominique pendant plus de cinq ans, avait une « autorisation verbale » de la «Trinity House » de Québec pour diriger des navires à certaines conditions comme il le déclara au Comité :

« Je suis autorisé verbalement par Mr. John Lambly, maître de port pour Québec, à piloter et secourir les bâtiments qui manque la Traverse vis-à-vis de Saint-Roch, et je les conduis par le chenal du Nord.  Je fais la traverse de l’ancien chenal et je les amène à Québec.  Je reçois la part du salaire que les pilotes de ces bâtiments auraient eue s’ils eussent conduits jusqu’à Québec.  Il serait à regretter que la connaissance de ce passage se perdit, et j’ai dit plusieurs fois au capitaine Lambly qu’il était malheureux qu’il ne fût pas connu des pilotes. »[100]

François Charles Savard (1752-1833), ancien pilote breveté pour chacun des chenaux et le fils du beau-frère du père de Louis appuya ses dires[101].

Le débat sur la connaissance du chenal du Nord continua ainsi pour trois années alors que John Lambly (1771-1863) de la « Trinity House » et ses acolytes qui ne connaissaient rien du chenal en question faisaient tout en leur pouvoir pour faire dérailler les conclusions du Comité lesquelles étaient à l’effet que le chenal du Nord aurait constitué une bien meilleure option pour la navigation océanique se rendant à Québec.

Une pétition des nouveaux pilotes qui ne voulaient pas être certifiés à nouveau et obligés d’apprendre le chenal du Nord, soutenu par la «Trinity House » dont les représentants avaient mal parus lors des auditions du Comité, allait faire que la loi ne reçoive pas la sanction royale.  Les trois années d’efforts (1827-1830) pour faire passer les navires océaniques par le chenal du Nord et ainsi procurer du travail comme pilote à des habitants de la région de Charlevoix, notamment à ceux de l’Isle-aux-Coudres, des Éboulements et de la baie Saint-Paul, tombèrent à l’eau pour le député et ses commettants[102]

Dix-neuf ans plus tard, la loi fut promulguée alors que les acteurs fautifs de la « Trinity House » n’étaient plus et que Louis, à soixante-cinq ans, n’allait pas reprendre la mer.

Notabilité, milice et mairie

Probablement en raison, en autres, de sa participation au Comité de la Chambre d’assemblée qui étudia la question du pilotage et du chenal du Nord où il avait agi comme témoin expert, Louis avait acquis une certaine notoriété.  Se tenir debout devant les autorités coloniales de Québec devait être suffisant pour s’attirer quelques sympathies parmi les insulaires.  Nous verrons que cette notoriété le servira sous peu. 

Comme on l’a vu, Louis et sa famille tirent profit d’une exploitation agricole importante, de la pêche aux marsouins et de la navigation combinée à son métier de pilote.  Cela ne l’empêche pas de s’assurer que ses fils tendent les filets de la pêche sur le devant de ses terres chaque année.  Les eaux du fleuve regorgent de poissons à l’époque.  L’ingénieuse technique de pêche à fascines est primitive, car elle compte uniquement sur le jeu des fortes marées.  Il s’agit d’une pêche fixe faite sur les rivages de sa terre afin de capturer les poissons fréquentant les battures, spécialement l’anguille.  L’automne venu, ses fils devaient récupérer les fascines constituées de « harts » entrelacées de manière à ne laisser aucune possibilité de fuite.  Même avec seulement trois garçons, Louis peut profiter de cette pêche à fascines, car son utilisation est bien simple, six fascines droites de trois mètres de longueur et quelques-unes courbées pour emprisonner les poissons.  Ainsi, après les harts installées au printemps, les enfants n’avaient qu’à recueillir la manne que la mer apportait pour nourrir la famille, mais aussi pour ajouter un produit de plus sur la goélette à un mat du père lorsqu’il se rendait dans les différents marchés pour y vendre sa production.  Une fois l’automne arrivé, avant de les retirer les pêches à fascines servaient également à recueillir le varech apporté en grande quantité par les grandes marées de la saison et qui servait d’engrais pour ses champs.

Au début de décembre 1828, Marie Julie perd sa mère.  Elle décède dans son village d’adoption aux Éboulements le 5 décembre à l’âge de soixante-six ans.  Bien que les funérailles n’aient lieu que deux jours plus tard, Marie Julie qui est à nouveau enceinte et qui est sur le point d’accoucher ne fait probablement pas la traversée[103].    

Le douzième et dernier enfant du couple est un garçon.  Marie Julie accouche de son huitième fils la veille de la Saint-Sylvestre alors que tous se préparent aux réjouissances marquant le dernier jour de l’année.  Il n’y aura point de Réveillon chez Louis cette année.  L’enfant que l’on prénomme bien entendu « Sylvestre » est baptisé le jour même.  Le cousin du père de l’enfant, Germain Dufour (1793-1881), est son parrain.  Germain commence à prendre de l’importance auprès de la famille de Louis ; avant que le rideau ne tombe sur cette première moitié de siècle, il deviendra le beau-père de trois des enfants de Louis et un peu plus tard celui d’une de ses petites-filles.  Justine, la sœur aînée de l’enfant, qui a maintenant dix-sept ans, est la marraine.  Pour cette dernière, c’en est devenu une habitude, car elle multiplie les apparences comme marraine depuis un certain temps.  Pas plus tard qu’en février dernier elle avait été la marraine d’un enfant du même Germain Dufour avec qui aujourd’hui elle est marraine, c’est dire la proximité qu’entretenaient les deux familles[104].   

Si l’année 1828 s’était terminée dans la joie avec l’arrivée d’un nouveau fils, il allait en être tout autrement en 1829.

En avril, le malheur s’abat encore une fois sur la maison Louis.  L’aînée des filles décède le 10 du mois.  Le couple qui avait perdu cinq de leurs douze enfants à ce jour, ne s’attendait certainement pas à perdre leur grande fille, Justine, qui allait atteindre ses dix-huit ans dans onze jours[105].  On peut s’imaginer le découragement total des parents, car leurs enfants précédemment décédés étaient morts bien jeunes et selon toutes apparences, devaient être de faibles constitutions dès la naissance alors que Justine, pour sa part, était déjà bien impliquée dans son milieu.  Pour tout aide à la maison, Marie Julie allait devoir compter uniquement sur Marie Félicité, sa fille de onze ans.

L’année allait se terminer comme elle avait commencé.  Comme un malheur ne vient jamais seul, Louis et Marie Julie perdent un deuxième enfant en cette année de calamités pour la famille ; Sylvestre qui n’a pas onze mois décède le 21 novembre[106].  Il ne reste plus que cinq enfants au couple qui en aura perdu sept.  Marie Julie ne s’en remettra pas.  L’épouse de Louis qui avait sans aucun doute versé tant de larmes à la perte de ses trois premiers enfants et lors de ses mauvaises grossesses présumées perd la raison probablement à la suite du décès de ses deux derniers enfants pendant cette année terrible, car elle sera déclarée dans un tel état dans quelques années[107].  Bien que la mortalité infantile largement due à la tuberculose soit remarquablement fréquente sur l’île en raison de l’absence de soins immédiats, des conditions sanitaires et de la consanguinité, toutes ces raisons ne peuvent expliquer à elles seules le sort s’acharnant sur les enfants de Marie Julie et Louis[108].

Dans la famille élargie, on essaie le mieux possible de mettre un baume sur les malheurs du couple.  Louis et Marie Julie seront appelés comme parrain et marraine plus souvent qu’à leur tour et les invitations à témoigner lors de mariage ne manqueront pas non plus.  Ainsi, moins d’un mois plus tard, Marie Anne Hervé (1803-1846) à Joseph fait appel à son oncle comme parrain.  La nièce de Louis venait d’accoucher de son premier enfant sept jours avant la fête de Noël[109].   

Même avec l’apport du ruisseau des Pruches détourné de la terre de Louis, le moulin à eau que l’on venait de construire en 1825 se révèle d’un faible rendement au fil des ans.  Ce « ruisseau que l’on a décoré du nom bien trop pompeux de rivièreRouge n’a pas même la force de faire mouvoir régulièrement la roue du moulin »[110]Dès 1830 jusqu’en 1836, Thomas Tremblay (1802-1869), le fils d’Alexis Tremblay (1769-1844) démantèle le vieux moulin à vent de l’Islette pour le reconstruire près du nouveau moulin s’abreuvant à la rivière Rouge, ce gros ruisseau paresseux prenant source dans le marécage du centre de l’île.  Pour en assurer un fonctionnement plus régulier quand le vent n’y est pas, on utilise des chevaux pour en activer son mécanisme.  Le moulin est essentiel à la survie des « habitants » et il est de tradition pour ces cultivateurs de participer aux grandes corvées.  Est-ce à ce moment que l’on fera en sorte de démolir les ouvrages que l’on avait construits sur la terre de Louis pour la déviation bien inutile du ruisseau des Pruches vers la rivière Rouge ? Quoi qu’il en soit, cette démolition eut lieu bien avant la fin du siècle, quand on cessera d’utiliser le moulin hydraulique, car George, le fils de Louis qui héritera de la terre de son père, jouira de son plein débit déjà dans les années 1870[111].

Nul doute que la prochaine décennie sera des plus heureuses pour le couple qui a subi son lot de fatalités.

Au printemps 1830, il se rend maître de deux parcelles de terres appartenant aux petits-cousins Joseph (1798-1857) et Louis (1804-1881) Debiens.  Les deux jeunes recherches des liquidités ; l’aîné pourtant établi à l’île la quittera sous peu pour partir rejoindre ses parents ainsi que ses frères et sœurs qui sont partis vivre aux Éboulements, dont son frère Louis[112].   

Le 7 juin 1830, Louis agit comme témoin de l’orpheline Julienne Tremblay (1807-1851) de qui il était tuteur et parrain.  Son ancienne pupille et filleule, maintenant majeure se marie à Louis Emilien Gagné (1800-1886) un cultivateur de la baie Saint-Paul où elle part vivre[113].

Le 18 décembre 1830, Louis obtient sa commission d’enseigne de la milice au premier bataillon du comté de Saguenay[114].  Le comté avait été nommé Northumberland par l’anglais en 1792 à la suite de l’Acte constitutionnel de décembre 1791 qui avait partagé le pays, par la rivière des Outaouais, en deux provinces ; l’année précédente en 1829, il avait été divisé entre Montmorency et Saguenay.  Chaque compagnie de milice est dirigée par un capitaine assisté d’un lieutenant et d’un enseigne comme lui.  Louis fut élu par cooptation[115].  La milice canadienne, sous le régime anglais, n’a guère changé depuis celle en place sous le Régime français en Nouvelle-France, car les nouveaux maîtres n’ont fait que garder son ancienne structure.  On compte toujours au moins une compagnie de milice pour chaque paroisse, chacune comptant de cinquante à quatre-vingts hommes ; par contre, elles sont maintenant regroupées en bataillons dans chaque comté.  Le comté de Saguenay auquel appartient Louis et l’Isle aux Coudres en compte deux.  La milice réorganisée repose toujours et encore sur le fait que les unités de milice et les sociétés locales sont des entités parfaitement communicantes : qui mène la paroisse mène la milice locale en quelque sorte[116].  Au moment de la nomination de Louis, la milice sort d’une crise politique entre cette institution et le gouverneur britannique Dalhousie.  « La place majeure occupée par la milice dans cette crise révèle l’importance de cette institution comme un lieu de représentation des élites »[117]. Cela nous donne donc un aperçu de la considération dont jouissait Louis auprès des insulaires.    On peut s’imaginer les questionnements de Louis à cette époque ; comme officiers de milice, il était un des intermédiaires du pouvoir colonial alors que, comme censitaire, il revendiquait le droit de contester ce même pouvoir, comme il l’avait fait à sa façon lors de sa participation au Comité de la chambre de 1827 à 1829.  Tout comme son père, fortement attaché à la milice et au statut social conféré par son grade d’officier, il devait vivre les contraintes d’un contestataire de l’ordre colonial tout comme ses cousins de Saint-Étienne de la Malbaie qui, au même moment, se battaient contre ce même pouvoir pour l’ouverture du Saguenay. 

Louis, en plus d’être un pilote reconnu, est un habitant censitaire important de l’île, car on doit encore payer le cens au seigneur.  Ces messieurs du séminaire profitent encore de l’énorme cadeau reçu par Mgr de Laval en 1662.  Les chiffres parlent d’eux-mêmes pour Louis, car en 1830, il possède la troisième plus grande terre à l’île avec deux cent cinquante arpents.  Quoiqu’il soit le plus souvent sur la mer, avec ses cent dix arpents de terres cultivées, il occupe le sixième rang parmi les soixante-neuf habitants, ces insulaires-cultivateurs ; il n’est donc pas surprenant qu’avec ses trois cents minots de blé, il occupe le deuxième rang, une culture moins exigeante pour un insulaire absent.  Beaucoup d’insulaires ont commencé à cultiver la pomme de terre au début du siècle [118]; comme cette culture pour l’exportation est peu exigeante, Louis ne fait pas exception et il s’y est mis également.  Introduite par les anglais, la pomme de terre finira par devenir un aliment de base durant le XIXe siècle ; comme le blé devient de plus en plus difficile à faire pousser en raison de l’appauvrissement des terres, on s’était mis à cultiver la pomme de terre et à développer différents plats pour l’apprêter compte tenu de la rudesse du climat et la brièveté de la saison chaude.  Tout comme son frère Joseph et leur père avant eux, il élève du bétail ; avec sa trentaine de bêtes, il est le premier éleveur à l’île alors que son frère suit en deuxième place[119].  Il est aussi un éleveur de moutons et de porcs fort prospère avec respectivement trente et une et vingt et une bêtes.  Les deux frères faisaient-ils boucherie pour le commerce comme leur père et leur grand-père en vendant leurs bêtes aux navires en partance pour l’Europe.  De plus, Louis étant navigateur, il apportait une bonne partie de cette viande à la place du marché de la Basse-ville à Québec pour en faire la vente ; les journaux de l’époque mentionnent régulièrement la livraison de bestiaux par la famille à bord de leurs goélettes au Havre du Palais.  Les Harvé, c’est ainsi que s’écrira le patronyme à l’Isle de 1823 à 1843, ont de tout temps élevé des animaux et fait boucherie autant pour la famille que pour la revente.  Choses certaines, Louis possède bien plus d’animaux qu’il n’en faut pour subvenir aux besoins de sa bien petite famille et comme à l’île tout un chacun était à peu près autosuffisant, ces animaux ne pouvaient lui servir qu’à la revente.  Le clan Harvé du Cap-à-Labranche n’a pas encore connu les grandes subdivisions de terre auxquelles ont été obligés plusieurs autres en raison de leur nombre d’enfants.  Comme on l’a vu, quatre des autres garçons du père de Louis ont quitté l’île pour s’installer à la Malbaye avant son décès et le cadet a suivi peu de temps par la suite.  Louis n’a que trois fils et ils ne sont pas encore mariés alors que son frère aîné Joseph en a trois également, un journalier marié depuis peu et deux autres biens jeunes.  Une telle situation l’avantage donc sur le plan agricole.  

Avec toutes ces bêtes et une telle production agricole, Louis a, au fil du temps, avec l’aide de ses fils et parents, construit plusieurs bâtiments de ferme en bardeaux à combles hauts et fortement inclinés pour affronter la neige et ses tempêtes.  Les granges en bardeaux « résistent mieux aux intempéries, aux vents et à l’air salin et les insulaires du Saint-Laurent, notamment ceux de l’île aux Coudres, ont adopté ce type de bâtisse pour les protéger des froids hivers »[120]Louis, dont les constructions sont en bord de mer, a donc suivi le courant.

À la fin avril, Louis perd l’un de ses neveux, noyé dans le fleuve.  Marcel, vingt ans, le fils de son frère Joseph, ne reviendra jamais de sa traversée à Rivière-Ouelle.  Il était parti vendre le grain du curé chez le seigneur Casgrain à Rivière-Ouelle, car si ces messieurs du Séminaire n’entretiennent avec les insulaires que des rapports de seigneur à sujets, le curé, plus que partout ailleurs, est une véritable institution sur l’île.  Jos Asselin, comme tous les curés, est fort impliqué dans sa communauté et y introduit même une école.  Afin qu’il puisse se dégager des travaux de la terre et s’adonner pleinement à la vie spirituelle et religieuse de ses ouailles associées à son implication communautaire, la dîme annuelle lui est payée par Louis et les autres censitaires.  Tradition séculaire provenant du système féodal français et apporter par les premiers colons, comme ailleurs dans la colonie, la dîme à grain correspond au vingt-sixième minot de grain récolté[121] alors que la nouvelle dîme en patates s’établit au cinquième minot depuis le début du siècle.  Comme plusieurs censitaires sont dans l’impossibilité de prélever sur leurs récoltes le grain nécessaire à la dîme ; le curé se paie donc en pommes de terre, mais aussi en bois de chauffage et en huile de marsouin[122].  La dîme en patates continuera d’exister bien après la mort de Louis ; on la pratiquera encore au début du XXe siècle alors que les enfants et petits-enfants de ce dernier la chargeront à bord de leurs goélettes afin de la vendre à Québec pour le curé[123].

Louis avait livré au curé sa dîme comme il se doit juste avant la fête de Pâques qui avait eu lieu de 3 avril cette année-là ; il l’avait engrangée dans le hangar à dîme tout à côté du presbytère.  Comme on était maintenant à la fin avril et que tous les paroissiens en avaient fait autant le hangar à dîme débordait.  Ainsi, selon les instructions du curé Asselin, ses deux chaloupiers, après avoir chargé leur barque, partirent pour la Côte-du-Sud d’où Marcel et son compagnon ne revinrent jamais.  

Comme on l’a vu, à la suite du décès des enfants de Louis, la communauté fait ce qu’elle peut pour faire oublier un triste événement.  Ainsi, un mois plus tard, la mère de Marcel est choisie comme marraine, accompagnée de Louis comme parrain pour un nouveau-né du cousin Augustin Dufour et de son épouse Luce Desbiens[124]

À l’été 1831, dix personnes demeurent chez Louis qui a maintenant quarante-sept ans et Marie Julie quarante-cinq ? Outre leurs trois fils, Joseph vingt-deux ans, George seize ans, Maxime huit ans et les deux filles, Marie Félicité treize ans et la cadette Madeleine cinq ans, il y a trois autres personnes qui résident avec eux : un enfant de moins de cinq ans, dont on ne sait rien et deux jeunes filles ou femmes âgées de quatorze et quarante-cinq ans qui ne sont pas mariés ; l’une est peut-être la mère de cet enfant en bas âge.  Il faut dire qu’avec la santé de Marie Julie présumée précaire, une aide à la maison ne devait pas être superflue. On peut penser qu’elle se relève difficilement du décès de deux de ses enfants dans une même année.  Dans ces circonstances, Louis loge probablement deux domestiques pour la supporter dans les tâches de la maisonnée. 

Il y a maintenant six cent trente insulaires répartis dans soixante-seize chaumières, incluant le presbytère où vit le curé et quatre membres de sa propre famille ; on se retrouve donc avec une moyenne de près de neuf personnes par chaumière.  De toute cette petite population, soixante-neuf maisons sont occupées par une famille de cultivateur ; plusieurs cependant occupent plus d’un emploi, des navigateurs comme Louis en autres.  Un seul emplacitaire vit alors à l’île avec sa femme ; il est journalier et n’est pas propriétaire de son bien de fonds.  Les gens de métier qui vivent uniquement de leur profession ne sont pas nombreux, un maçon, un menuisier, le forgeron, le meunier et le célibataire maître d’école.  Outre ce dernier, les gens vivants seuls ne sont pas nombreux non plus ; on retrouve un veuf et deux autres célibataires ; c’est dire l’homogénéité de la population.  L’unique école du curé Joseph Asselin est fréquentée par quarante-deux garçons et quarante filles.  On peut présumer que les enfants de Louis la fréquente ou l’on fréquenter, car ils sauront tous lire et écrire à l’exception de Joseph l’aîné qui était déjà trop vieux lors de son ouverture.  L’île a toujours ses deux moulins à « faire farine », dont l’un est opéré par Thomas Tremblay (1802-1869) et son moulin à bois qui, s’il n’appartient pas encore à Louis, le deviendra sous peu.  On y trouve aussi un magasin où il se débite des liqueurs fortes bien que l’on n’en connaisse pas le propriétaire[125].  

Le clan Harvé du Cap à Labranche

De sa colonisation à aujourd’hui, cent dix ans plus tôt, l’Isle-aux-Coudres avait vu sa population s’accroître jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus offrir de nouvelles terres à ses enfants.  On y trouvait près de soixante-dix clans familiaux depuis le début du siècle et ce nombre n’augmentera plus dans les cent cinquante prochaines années.  Comme on l’a vu pour les enfants de Pierre Hervé (1633-1799) partit pour Saint-Étienne de la Malbaie et la majorité de ceux de son frère Dominique (1736-1812) ayant quitté l’île pour le même endroit ou la Côte-du-Sud, une émigration permanente s’était installée et la plupart des enfants des générations suivantes allaient ainsi contribuées à stabiliser la population sur l’île.  

Comme pour les autres clans familiaux demeurés à l’Isle, les Harvé restants, Joseph et Louis et leurs enfants sont donc concentrés sur la terre de l’ancêtre Dominique et y vivent comme une seule entité.  Tout au cours du XIXe siècle, les garçons des deux frères demeureront dans la maison de leur père jusqu’à ce qu’ils trouvent à s’établir dans leur propre demeure qui sera bâtie sur la terre de l’ancêtre.  Bien que le patriarche Dominique ait cédé, comme le voulait la coutume de Paris qui perdurait, la terre de la vieille maison à l’aîné, les deux frères Joseph et Louis s’étaient entendus très tôt sur le partage du reste des biens de leur père.  Cette situation n’avait pas affecté le clan et tous ses membres travaillaient en commun pour cette même unité familiale.  Ce ne sera vraiment qu’après la mort des deux frères dans plus de trente ans que le clan se divisera en deux nouveaux groupes familiaux.  

Pour l’heure, bien que chacun soit propriétaire de sa maison, de sa terre, de son bétail et de ses outils, la production agricole comme pour le reste des activités est d’abord une affaire de la famille élargie comprenant la famille de Louis et celle de son frère Joseph.  Les instruments agricoles, ceux des pêcheries, les embarcations, les granges et les étables sont mis en commun.  Les travaux nécessitant une main-d’œuvre nombreuse sont effectués par tous les enfants ; autrefois sous l’autorité du grand-père, aujourd’hui celle de Louis, quand il est là ; le plus souvent c’est son frère aîné les dirige.  C’est donc l’ensemble des cousins germains qui voient au déboisement, à la mise en place des pêches et à la récolte du varech par exemple ; les filles des deux frères et bientôt leurs brus de leur côté verront avec les enfants au jardin, à la cueillette des fruits sauvages, au tissage et autres activités qui leur sont propres.  

Cette vie de clan à l’Isle avait été favorisée dès la fin du régime français par une ordonnance de l’intendant Hocquart qui interdisait la division des terres et fixait une superficie minimum de quarante-cinq arpents pour chacune des concessions.  Faute d’espace à l’île pour de nouvelles concessions, les censitaires avaient alors contourné l’ordonnance en établissant les leurs sur leurs terres[126].  On se rappellera que les premiers colons n’avaient guère vécu bien autrement qu’en clans puisqu’à quelques exceptions près, ce furent les fils et gendres d’un même individu qui s’étaient établis à l’Isle.  Louis est donc le fils de cette longue tradition d’entraide et d’interdépendance qu’il continuera de favoriser avec son frère aîné.  L’alliance du clan ne se limite pas aux deux frères et à leurs progénitures respectives, mais aussi aux parents plus éloignés par exemple, le cousin voisin Augustin Dufour qui se retrouve également parti à ce réseau familial[127]

Mariages, moulin et mairie

L’automne 1831 apporte une nouvelle occasion de fêter grâce au mariage en novembre du fils aîné de la famille.  C’est le premier mariage d’un enfant chez Louis et Marie JulieJoseph Harvé, épouse Marie Émérantienne Dufour (1814-1883) ; elle est la fille de Germain Dufour, le cousin de Louis et d’Emerance Gagnon (1788-1865). Le marié à vingt-deux ans et la mariée en a dix-sept.  Le registre du curé nous apprend que Joseph est cultivateur pour son père ; rien de surprenant, car il est l’aîné et son frère George préfère déjà la houle aux sillons en prenant le côté de la mer[128].  De fait, Joseph et sa nouvelle épouse ne sont qu’un couple de plus dans le clan des Harvé du Cap à Labranche. 

« La grande Madeleine », Marie Magdeleine Dufour, après avoir survécu vingt ans à son mari, s’éteint à son tour le 23 juillet 1832 à l’âge de soixante-quinze ans.  Elle est inhumée le 25 en présence de Marguerite, Madeleine, « … Joseph et Louis Harvé ses enfants… » [129].  Elle avait fini sa vie dans sa maison, celle où habite maintenant la famille du frère aîné de Louis.  Elle aura été présente dans la vie de Louis toutes ces années, car ce dernier devait la voir à peu près tous les jours puisqu’elle était voisine.

On connaît maintenant la proximité de Louis avec son cousin Germain Dufour.  Le 20 novembre ils se présentent tous les deux devant le notaire Isidore Lévesque.  Louis cède alors une portion de ses terres, probablement pour financer son projet de moulin.  Germain ne tardera pas à acquitter son arriéré, car au début de l’été prochain il aura réglé[130].

Marie Julie Mignaud semble en avoir vu de toutes les couleurs avec son père un peu bohème par son métier de journalier et par son caractère.  On se souviendra des circonstances de la naissance de Marie Julie ; son père qui a maintenant soixante-quinze ans n’en est pas à son premier scandale.  Lui qui vit aux Éboulements maintenant depuis un certain nombre d’années épouse en janvier 1833, à Saint-Étienne de la Malbaie, Marie Thècle dite Théotiste Simard (1779-1867), une jeunette de cinquante-quatre ans qui n’en est pas à ses premières, ni à ses dernières armes dans le domaine du mariage[131].  

C’est le 28 août 1833 que l’esclavage est aboli au Bas-Canada comme dans toutes les possessions britanniques.  Cela ne changea guère la vie des insulaires, car aucun n’aura été vu à l’Isle autrement qu’à l’occasion sur des navires ancrés au mouillage.  Par contre, Louis par son métier de navigateur en avait vu à Québec lors de ses voyages ; ils appartenaient en majorité à des propriétaires d’origine britannique, une réalité qui devait lui être bien étrangère[132]

C’est au cours de cette année 1833 que Louis décide de faire ses premières armes en politique alors que décède l’un des deux députés du comté de Saguenay à la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada.  En effet, le 14 avril Joseph Isidore Bédard, l’auteur de la chanson patriotique Sol Canadien ! Terre chérie !, alors en voyage en Europe avec Denis-Benjamin Viger depuis 1831 pour faire valoir les intérêts des Canadiens, meure d’une complication pulmonaire.  Des élections partielles sont alors organisées à l’automne.  La votation débute le mardi 15 octobre alors que s’ouvre « le Poll à la Baie St.Paul.. ». « Cette élection commencée mardi matin paraît se poursuivre avec chaleur. »  Après deux jours de vote, « Louis Harvey » est en avance avec quatre-vingts votes, suivi du Dr Tessier avec soixante-quatre et de M. Ouellet avec dix-huit.  Les gens de l’Isle aux Coudres n’ont pas le choix, ils doivent se rendre à Baie-Saint-Paul pour apposer leur croix, car le Poll ne se déplacera pas chez eux comme il le fera dans quelques jours pour s’ouvrir à La Malbaie.  Le vendredi suivant le journal Le Canadien de Québec titre : 

« Une lettre particulière nous informe que le succès du Dr Tessier est assuré, et que la majorité que M. Harvey a gardée pendant les deux premiers jours est due aux gens de l’Isle aux Coudres, qui sont venus en masse voter pour leur candidat les premiers jours.  Le Poll s’est ouvert à la Baie St. Paul et doit se transporter à la Malbaie.  La même lettre nous informe que le Dr Tessier avait reçu un message lui annonçant que cette paroisse était unanime en sa faveur.»

Le 24 octobre, le médecin François Xavier Tessier est proclamé vainqueur.  Lorsque l’on considère que l’Isle aux Coudres ne comptait que soixante-neuf propriétaires-votants, Louis s’était tout de même bien tiré de cette première expérience politique[133]

Les années passent entre la terre et la mer à voir grandir les quatre enfants qui lui restent et la vie change lentement avec l’âge.  De parrain qu’il était régulièrement, on le voit maintenant apparaître comme témoin lors de la sépulture d’insulaires.  Ainsi, à la fin septembre 1835, Louis est témoin à la sépulture d’un petit-petit cousin par son père, Étienne Tremblay (1804-1835).  Cultivateur également, Étienne avait grandi au Cap à Labranche[134]

Les familles de Louis et de son frère aîné Joseph seront toujours très unies.  Il faut dire qu’ils ne sont plus que quatre enfants de Sébastien Dominique et de Marie Magdeleine Dufour à l’île et que les deux frères sont voisins.  Néanmoins, on retrouvera jusqu’à la fin du XIXe siècle, ces traces de participation communes aux événements familiaux de leurs enfants, bien après le décès des deux frères.  L’un est parrain d’un enfant de l’autre, témoin à un mariage ou lors d’une sépulture, partie à un contrat les liants et cela va dans les deux sens ; cousins et cousines resteront très liés.  Alors que George avait été parrain d’un enfant de son cousin Germain (1808-1902) en 1833, en cet été 1835, c’est maintenant au tour de sa sœur Marie Félicité d’être marraine d’un enfant de son petit-cousin Paul (1835-1902) à Germain.  L’échange de pareilles reconnaissances et politesses se poursuivra ainsi pour près de soixante-dix ans[135].     

C’est le mercredi que Jos Asselin, le douzième curé de Saint-Louis, avait choisi de bénir les mariages.  Ceux du mois d’août 1836 seront fort occupés chez les Harvé de l’Isle. On célèbre d’abord le mariage de la nièce de Louis, Modeste Justine Lajoie (1813-1870), la fille de feu sa sœur Marie Euphrosine dite Marie Modeste (1786-1813).  Viennent ensuite une semaine plus tard les épousailles de sa fille Marie Félicité Hervai (1818-1894).  Marie Félicité, âgée de dix-huit ans, était devenue l’aînée après le décès de sa sœur Justine ; aujourd’hui en ce 9 août, elle s’unit à Ulric Bouchard (1811-1887), vingt-cinq ans, un vieux garçon depuis peu, qui est issu d’une vieille famille de l’Isle.  

Pour compléter les célébrations du mois d’août 1836, le neveu Joseph Tremblay (1811-1845), fils de Marie Josephe, la sœur de Louis complète le trio en épousant Marie Reine Lajoie (1810-1880)[136].  Ce neveu qui embrassera le métier de navigateur tout comme Louis vivra une fin tragique quand il se noiera au large du Cap Tourmente en avril 1845 avec son frère Thimothée Séraphin (1829-1845)[137]

Le 1er décembre 1836, l’adjudant général des milices annonce la promotion de « Louis Harvey » du poste d’enseigne qu’il était au 1er bataillon de Saguenay à celui de lieutenant au même bataillon[138].  L’année suivante, pendant que la colonie est au bord du gouffre et que la révolte éclate, on fêtera tout de même chez Louis.  Lui qui est membre de la milice ne sera pas appelé lors du conflit de 1837 qui se déroule surtout à Montréal et dans ses environs.  Les autorités coloniales ne font pas confiance à la loyauté de cette milice composée de censitaires qui, plus souvent, supportent le parti des patriotes.  Par contre, les assemblées de patriotes se multiplient à Sainte-Agnès et à Saint-Étienne de la Malbaie pour se faire entendre sur la question de l’ouverture du Saguenay ; André (1804-1893) et Pierre Hervé (1807-1872) à Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) chez l’oncle Pierre (1733-1799), les petits-cousins de Louis y sont très actifs.  À chacun de ses passages à Québec, Louis découvre une patrie de plus en plus tumultueuse ; que de bouleversements, alors qu’à l’île on file la routine coutumière.  

Le 1er août, son fils George, navigateur tout comme lui, épouse Élisabeth Bergeron (1819-1911) dans la chapelle Saint-Louis.  Élisabeth est la fille de Thomas (1793-1872) et de Marthe Desbiens (1794-1836).  Quatre autres frères et sœurs d’Élisabeth épouseront des Harvé.  De plus, la famille de feu Marthe Desbiens, la belle-mère de George, est déjà très liée aux Harvé ; Madeleine, la tante de Louis a épousé l’aîné Vital Desbiens alors que Germain, le cousin de George, a épousé la cadette Archange Desbiens[139].  Le nouveau couple continuera d’habiter chez Louis comme il était coutume à l’époque pour ce fils qui ne se destinait pas à la terre. 

La milice ne sera pas le seul champ d’activité de Louis.  Il s’impliquera dans les questions d’école à l’île et sera à quelques reprises élu marguillier.  Ainsi en 1838, avec Vital Mailloux (1790-1858) et Abraham Tremblay, l’époux de Basilisse Perron, une petite cousine, il est «marguillier de l’œuvre et fabrique» de la paroisse Saint-Louis.

 

C’est en cette même année 1838 que l’on ouvrira une maison d’école à La Baleine.  Comme à l’habitude le curé au prône de la messe dominicale précédente avait donné un avis de la tenue d’une assemblée des paroissiens pour discuter de la question.  Le 20 janvier suivant, au son de la cloche, l’assemblée fut tenue et les trois marguilliers réunis, dont Louis, au nom de la Fabrique, acceptaient le don d’un terrain fait par Augustin Leclerc (1792-1868) pour y construire cette succursale à l’école de la fabrique déjà existante[139a].

Louis pilote sur le grand fleuve et son fils George y navigue également ; ils sont donc ceux qui, dans la famille, ramènent les nouvelles de la terre ferme à l’île.  Au retour de Québec, au printemps 1838, ils devaient avoir appris la violence dont fit preuve l’armée anglaise en novembre et décembre dernier pour écraser la rébellion patriote sur les berges du Richelieu et à Saint-Eustache.  On n’avait pas connu pareille effusion de sang parmi cette paisible population depuis l’arrivée des anglais en 1759.  Il y avait bien eu la tentative d’invasion des Américains en 1775, mais il s’agissait d’une guerre entre anglais, car les Américains s’étaient attaqués aux britanniques dans la colonie et non à la population.  À chaque retour de voyage, Louis livrait un nouveau chapitre d’événements fort troublants.  À la fin de l’automne il avait appris qu’outre la rage des tuniques rouges sur les champs de bataille où elles opposaient des troupes dix fois plus nombreuses, la bataille s’était transportée à Beauharnois, Lacolle et ailleurs le long de la frontière américaine où les patriotes livraient bataille.  L’été suivant et bien avant que la décennie ne se termine, Louis ramena le dernier chapitre de ce réveil réprimé, quatre-vingt-dix-neuf patriotes avaient été condamnés à mort, douze avaient déjà été pendus au Pied du Courant, trois cent quatre-vingt-quatre hommes croupissaient toujours en prison, en attente d’être exilés en Australie ou de subir un procès qui ne viendra jamais alors que des centaines d’autres s’étaient exilés aux États-Unis avec ou sans leur famille.  La guerre mène souvent à des énormités et chez les insulaires toute cette tourmente prenait des airs de déjà-entendu de leurs aînés. 

L’évêché ne manque pas d’imagination quand vient le temps de remplir les coffres de l’église.  Lors de sa visite diocésaine, l’évêque Joseph Signay (1778-1850) recommande au conseil de fabrique de demander «un shilling ou un shilling et demi courant» pour faire sonner la grosse cloche de l’église lors de baptêmes.  Afin de ne pas pénaliser les indigents, la petite cloche pourrait toujours quant à elle être sonnée gratuitement[139b]Heureusement pour les Harvé de l’époque, les revenus sont bons ; les baptêmes de leurs enfants à naître pourront probablement continuer d’être entendus sur une bonne partie de l’île grâce à la grosse cloche. 

Louis, comme les autres censitaires du Cap à Labranche, a de tout temps tendu les harts pour la capture du marsouin.  Il s’agissait pour cette petite communauté d’un revenu d’appoint non négligeable.  En 1840 et au cours des années qui suivirent, les pêches furent particulièrement maigres au point qu’à la fin de la décennie on ne tendra plus qu’une seule pêche ; ces messieurs du Séminaire n’y trouvant plus leurs comptes, ils vendront les battures du Cap à Labranche pour une bouchée de pain a trente-quatre associés[140].  Faute d’acheteurs peut-être ou dans l’espoir de voir refleurir la « pêche à marsouin », ils conserveront par contre les grèves à La Baleine pour près de cent quarante ans encore, ne s’en départissant qu’en 1979[141].

Les mains du navigateur subissent-elles l’assaut des rhumatismes que l’air ambiant de son métier apporte inévitablement ? Rien n’est moins certain, mais Louis déclare maintenant qu’il ne sait signer comme lors du mariage d’Arsène Dufour (1815-1854), la fille de son cousin Germain et de sa femme Emerance Gagnon en 1840.  Cinq ans plus tôt, alors qu’il était témoin d’une sépulture il n’avait tout simplement pas signé alors que d’autres l’avaient fait.  Comme on le verra sous peu, Louis sera nommé juge de paix et signera des dizaines de documents civils au cours de son exercice à ce titre.  Lors de ce mariage, le treizième curé à l’île, Martin Léon Noël de Tousignan (1808-1855), qui n’y sera que pour une courte période, inscrit Louis comme étant le parrain de la mariée.  Hors, Louis n’était pas le parrain de Marie Arsène à son baptême ; c’est plutôt l’un de ses oncles aujourd’hui décédé qui l’avait été.  Connaissant la proximité des deux familles, peut-être qu’Arsène avait adopté Louis comme parrain à la mort de son oncle Jean Gagnon (1784-1834)[142]

C’est au printemps 1842 que le père de Marie Julie décède.  On se rappellera qu’au moment de son second mariage avec la très jeune Théotiste Simard en 1833, il vivait aux Éboulements alors que le mariage avait eu lieu dans la paroisse de Théotiste à Saint-Étienne de la Malbaie.  Sans que l’on sache quand exactement, ce journalier de toujours était revenu vivre à l’Isle-aux-Coudres et il s’y était fait cultivateur.  À son âge avancé et avec Marie Julie comme seul parent sur l’île, il est fort probable qu’il était venu vivre sous le toit de cette dernière.  Il meurt à quatre-vingt-quatre ans le 5 avril[143]

Les enfants de Louis continuent de jouer un grand rôle dans la vie de la famille de son neveu Germain Hervé (1808-1902).  Chacun à son tour sera parrain ou marraine d’un de ses enfants.  En cet été 1842, c’est au tour de Joseph d’être le parrain de mon ancêtre, aussi nommé Joseph Harvé comme lui.  Deux ans plus tôt, c’était le cadet Maxime, qui avait joué ce rôle[144].

En 1841, l’Acte d’Union crée la province du Canada, comprenant le Canada-Ouest et le Canada-Est où vit Louis.  Les autorités décident alors de tenir un recensement qui est complété vers de début de l’automne de 1842 à l’Isle.  Ils sont déjà six familles Harvé (Harvey) à l’île, les cinq résidants au Cap à Labranche sont toutes descendantes de Sébastien Dominique.  Au total on compte parmi eux maintenant trente porteurs du patronyme Harvé.   Un seul autre réside à l’île ; il s’agit du célibataire Narcisse Harvai (1820-1892) dont le père Michel (1791-1841) à André Laurent (1764-1831) chez Pierre Hervé (1733-1799) vient tout juste de décéder.  Narcisse s’apprête à vendre pour partir s’établir à Saint-Étienne de la Malbaie[145].  En remontant la côte, le recenseur nous apprend que Joseph et George, maintenant chefs de famille, demeurent toujours chez leur père avec femmes et enfants.  Louis qui a maintenant cinquante-huit ans ne pilote probablement plus sur le fleuve, car il tient un moulin à scie sur sa terre.  Par ses nombreuses acquisitions de concessions, Louis gardera toujours accès à la forêt ; d’ailleurs son patrimoine foncier sera toujours composé d’une moitié de terre en bois debout composé principalement de conifères, épinette blanche, épinette rouge, sapin, pin rouge et d’arbres à feuilles caduques, le bouleau et le tremble pour l’essentiel, mais aussi un peu d’érable, de la plaine, de l’aulne, de la pruche et du merisier.  Le moulin aidant, il s’est construit une nouvelle maison puisque son ancienne est inhabitée.  Il faut dire qu’avec trois familles sous le même toit, il était grand temps[146].  On peut présumer que le cadet Maxime demeure toujours avec eux.  Par contre, la cadette Madeleine n’est plus à la maison ; peut-être avait-elle été placée dans une autre famille après que l’état de sa mère se fut détérioré au fil du temps ; à trois ans, elle était bien jeune quand la triste année est survenue.  Louis peut compter sur trois employés, un domestique pour les travaux de la maison et deux autres qui sont employés à la ferme.  Parmi les cinq hommes de la maison, Louis, Maxime et les trois employés, l’un d’entre eux, sans que l’on puisse préciser lequel, est sourd et muet ; l’avenir nous le révélera comme l’orphelin Caya, le petit fils de Charlotte Hervé (1751-1822) chez l’oncle Zacharie Sébastien Hervet (1726-c.1813), la cousine de Louis.  Il semble bien que le vieux loup de mer se soit réservé l’opération du moulin avec ses fils[147]

Louis est encore un cultivateur prospère.  Par contre, dans les douze dernières années, il a vendu une partie de sa terre, probablement pour financer ses projets ; peut-être son moulin.  Des deux cent cinquante arpents qu’il possédait en 1830, il n’en a plus que deux cent trois et demi.  Les fils maintenant adultes aidant, il a onze arpents de plus en terres cultivées, par rapport à 1830, soit cent vingt et un arpents.  Il est difficile de comparer la production agricole de 1841 de Louis avec celle de 1830, car les maîtres du pays, les autorités coloniales anglaises, n’utilisent plus la même unité de mesure ; on est maintenant passé au « Boisseaux de Winchester », le minot anglais, plutôt que l’ancien minot français.  Par contre, on peut noter une diversification de sa production ; il a récolté trois minots et demi de blé de froment, quarante d’orge, cent quarante de seigle, deux cent cinquante d’avoine et vingt de pois.  L’importante nouveauté est celle de ses sept cent cinquante minots de patates, ce vers quoi plusieurs censitaires de l’île se tournent depuis quelques années en raison de disettes, de la concurrence des États-Unis et du Haut-Canada dans le domaine du blé et aussi de l’épuisement des sols[148].  La possibilité de transporter par bateau cette denrée prisée sur les marchés de Montréal et Québec l’aura convaincue de cette solution de rechange.  Son cheptel aussi a changé avec seize bêtes à cornes, quatre chevaux, cinquante-trois moutons et quatorze cochons.  

La présence d’autant de mouton dans son cheptel n’est pas surprenante puisque la famille à produit vingt-sept verges d’étoffes foulées, cent vingt-huit verges de toile, quarante-sept verges de flanelle laineuse et soixante-dix livres de laine pure.  Il faut dire que pour encore quatre-vingt-dix ans, le mouton restera la principale production animale dans les fermes sur l’île, bien loin devant le porc, la vache et le cheval.   Marie Julie n’en servait guère dans les assiettes, car la viande des vieux moutons ne laissait pas de bons souvenirs à ses convives.  Pour Louis, cet animal pas très difficile, pas trop frileux et bien adapté aux reliefs escarpés de sa terre était le choix parfait pour ce navigateur puisqu’il n’avait qu’à le ramener à l’étable une fois l’an au printemps pour la tonte[149].  

Le moulin de Louis dessert tout le « bout d’en haut » de l’île alors que celui de Léon Desgagnés (1810-1892) le « bout d’en bas ».  Les deux devaient bien faire des affaires, car Léon possède le seul moulin à foulon de l’île et Louis avec sa production de laine devait bien avoir besoin du foulonnier[150].  Le moulin de Louis est situé à l’endroit de celui ayant appartenu à son grand-oncle François Xavier Tremblay (1695-1755), qui était situé au sud de l’extrémité ouest de la butte des chasseurs, sur la Pointe de l’Islette.  Il est probable que Louis y ait apporté des rénovations, car ce vieux moulin aurait près de cent ans[151].  

Au cours de ce même été 1842, le gouvernement de l’anglais qui s’était allié aux seigneurs et au clergé après la conquête pour dominer la population de Canadiens cherche maintenant à se débarrasser de ces seigneurs exigeants aux multiples privilèges, qui ne leur ont guère été d’un grand secours pendant la rébellion de 1837-1838.  La fin du régime seigneurial approche.  Il organise donc une consultation où il invite les censitaires à lui faire part de leurs récriminations contre leur seigneur.  Deux représentants des censitaires de l’île témoignent devant la commission, Louis Hervé et son petit-cousin Pierre Gagnon (1774-1859).  Outre le fait de remettre en question l’existence même du régime seigneurial, les deux parents contestent de nombreux pouvoirs spécifiques des seigneurs.  Comme Louis l’avait fait en 1826, le 9 juillet 1842 il se plaint à nouveau du fait que ces messieurs du séminaire se réservent tout le meilleur bois sur les terres qu’ils lui ont pourtant concédées.  Le droit du seigneur sur les grèves et les battures de l’île, qui ont toujours constitué la manne de cette population malgré les profits exorbitants que le seigneur prélève, répugne particulièrement.  On retrouve aujourd’hui encore le témoignage du bouillant Louis qui dénonce la mainmise de ces messieurs du Séminaire sur les berges et battures qui n’a plus sa raison d’être selon ses dires. 

 « Quant au droit de chasse et de pêche que possèdent les seigneurs sur les grèves et battures, je le considère comme le plus lourd et préjudiciable pour chacun d’entre nous.  Tout le monde s’en plaint et chacun est soucieux de s’en débarrasser puisque ce droit vient nous arracher jusqu’au tiers de ce que nous prenons dans nos pêcheries même si ces pêcheries nous ont coûté beaucoup de frais et de trouble.  Je pense comme tous dans notre paroisse, que même si ce droit ne leur était pas retiré complètement, il ne devrait pouvoir prendre qu’une prise sur vingt, ce qui serait suffisant pour eux, considérant qu’ils ne contribuent aucunement aux dépenses de ces pêches. » [152]

Il faut comprendre que ces messieurs du Séminaire, après avoir concédé toutes les terres cultivables à l’île, se sont réservé depuis toujours quarante pour cent du territoire de leur seigneurie, mais à peine dix pour cent de sa superficie n’est jamais inondée par le fleuve.  Les grèves et battures composent en effet la majeure partie du domaine seigneurial restant au Séminaire[153]

C’est à cette époque que Louis est nommé juge de paix ; l’annonce en est faite par le gouverneur général le 7 juin 1842[154].  Par cette annonce, le gouverneur rétablit les Messieurs qui avaient été éliminés à l’occasion des Rébellions de 1837-1838 et en y ajoutant d’autres noms comme celui de Louis.  On retrouve les premières inscriptions dans les registres où il est mentionné comme « juge à paix » dans les semaines qui suivent.  Il semble qu’il occupera ce poste toute sa vie, car on parlera encore de lui comme tel dans trente ans :

« Son voisin, au sud, Louis Harvy, mort depuis peu d’années, a eu l’honneur d’être un des Juges de paix de Sa Majesté britannique.  Lui, aussi, était un intrépide navigateur.  Il était laborieux, industrieux, d’un caractère décidé.  Par le moyen de son travail et de son activité, il a pu fournir des terres à ses nombreux garçons, dont l’un (George), d’un bon et loyal caractère, exerce le métier de navigateur, comme son père. » [155]

Pendant ce temps le « bout d’en haut » de l’Isle aux Coudres que l’on avait toujours nommé le Cap à Labranche, continue à se développer.  Bien que jamais on ne retrouvera sur cette île un village proprement dit, deux petites agglomérations se développent tout de même.  La première, celle de l’Anse de l’église, le noyau central de l’île ; y sont groupées en désordre, de part et d’autre de l’église une vingtaine de maisons.  Puis celle de Louis, le noyau du Cap à Labranche qui est presque tout aussi gros avec ses fermes et ses maisons alignées en rang serré le long du chemin.  Ces deux petites entités sont reliées entre elles par un ruban de fermes isolées que l’on a peut-être déjà commencé à nommer « Les Fonds ».  Le secteur de La Baleine conserve quant à lui l’aspect du rang simple, aux fermes régulièrement espacées[156].

Louis a soixante ans et Marie Julie en a cinquante-huit quand leurs deux derniers enfants se marient.  Le 28 janvier 1845, le navigateur dut organiser toute une fête alors qu’il célèbre le double mariage de ses deux cadets.  Il n’est pas seul dans l’organisation des festivités, car son cousin Germain Dufour et sa femme Emerance Gagnon marient également deux de leurs enfants.  Il y a déjà quatorze ans de cela, le fils Joseph avait épousé l’aînée des Dufour ; aujourd’hui, Maxime, à vingt-deux ans, épouse Flavie Dufour (1825-1893) alors que Madeleine qui a dix-huit ans épouse George Dufour (1817-1905).    Louis qui avait privé les registres de sa signature depuis un certain temps signe le registre du mariage de Maxime, mais se déclare incapable de signer lors de la cérémonie des signatures dans le cas de Madeleine[157] ? Ces deux mariages ne changent rien à la situation dans la maison puisque Madeleine était déjà partie depuis quelques années comme on l’a vu ; Maxime pour sa part demeurera chez son père avec sa nouvelle épouse.  Louis et son épouse se retrouvent donc avec vingt personnes sous leur toit, car leurs fils Joseph et George ainsi que leur famille en plus de leurs trois employés sont toujours dans leur maison. 

Le 29 mars 1845, la Très-Excellente Majesté de la Reine statue et promulgue une loi pour l’établissement d’autorités locales et municipales dans le Bas-Canada.  Il s’agit là d’un premier jalon qui allait changer la carrière de Louis comme nous le verrons.  Quelques mois plus tard, le 1er juillet, la paroisse d’Isle au Coudres, jusqu’alors dépourvu d’organisation municipale est constituée en municipalité[158].   La loi décrétait que les habitants des paroisses désignées comme une municipalité formeraient une corporation qui serait représentée par un conseil de sept membres élus par le peuple.  Les Canadiens français se méfiaient du Conseil provisoire institué en 1840, un gouvernement qui n’avait pas été élu.  Leur méfiance était compréhensible, si peu de temps après la période trouble de 1837-1838 et face à des lois qui permettait à ce gouvernement de tout contrôler.  Les insulaires, comme la plupart des Canadiens français, n’étaient pas habitués à cette forme de gouvernement et le projet restera lettre morte jusqu’à ce que le gouverneur britannique change d’avis deux ans plus tard[159]

Alors qu’il est maintenant âgé de soixante et un an, Louis ne semble pas avoir calmé son appétit pour la terre.  Le 21 juin, il acquiert le lot du cadastre no 63 de la côte de la branche des mains de Jean Tremblay[160].  

L’année suivante, Louis est témoin lors du mariage d’Abel Perron (1827-1913) et de Rose Gagnon (1824-1856).  Le curé Jean Baptiste Pelletier inscrit Louis comme ami de l’épouse ; une erreur sans doute, car cette dernière n’a que vingt et un ans alors qu’il en a soixante-deux.  Par contre, le marié est le fils de son cousin puisque sa grand-mère Rosalie Dufour (1758-1823) est la sœur puînée de la mère de Louis[161].  

Le 22 mars 1847, le neveu Germain Hervé, tuteur des enfants mineurs de sa sœur aînée Marie Anne, procède à la vente des terres et immeubles que possédait cette dernière[162].  Aux noms et profits des enfants qu’elle avait eus avec feu François Lajoie (1775-1835), il vend donc à son oncle Louis « Écuier, Juge de Paix et cultivateur dudit lieu de l’Isle aux Coudres » pour la somme de trois cents livres « argent courant » les possessions de sa sœur décédée l’année précédente.  Louis ne s’en tire pas aussi facilement avec cet achat, car la vente est faite à la condition qu’il se charge d’Alexis Lajoie, sourd, muet, « idiot et oncle des mineurs ».  Pour Louis, bien que vieillissant, il ne s’agit pas d’une condition extraordinaire, car il connaît bien Alexis Lajoie dit Caya (1815-1890) ; ce dernier demeure sous son toit depuis plusieurs années.  À la suite de la mort de son frère aîné François, son épouse Marie Anne, la nièce de Louis, s’était remariée en 1839 et il s’était réfugié chez ce dernier.  En héritant de la terre, son frère aîné avait également hérité de la condition associée aux titres de propriété qui était de prendre soin de son jeune frère jusqu’à sa mort[163]Louis devra donc continuer de le « loger, coucher, chauffer, nourrir, faire soigner, entretenir convenablement et le traiter humainement » ; de plus, il devra payer les frais funéraires du dit Alexis Lajoie une fois son décès arrivé[164]. Cette condition associée aux titres, Louis la prend à sa charge maintenant et il s’assurera qu’elle sera respectée après sa mort puisque Caya lui survivra.  

Un mois plus tard, le 28 avril 1847, l’onde emporte encore une fois deux de ses insulaires[165]Joseph Perron (1792-1872), major de milice enquêta l’incident sur ces décès de froidures et rédigea le rapport de morts accidentelles.  On se souviendra que les titres de milice étaient passés de Joseph Savard à son fils Pierre, puis à son gendre Sébastien Dominique Hervé et par la suite, au frère de ce dernier, Zacharie Sébastien vers 1775.  Ce dernier avait fait nommer Alexis Perron son gendre comme lieutenant par la suite.  La milice à l’île fut une question de famille depuis les tous débuts de sa colonisation et Alexis s’assura que son fils Joseph le remplace à ce titre.  Aujourd’hui, ce dernier a atteint le rang de major, le deuxième plus haut rang au second bataillon du comté de Saguenay.  La fonction de capitaine pour l’Isle-aux-Coudres revient dans la famille un mois plus tard puisque Louis Hervé est nommé capitaine.  Louis, comme tous les hommes valides, était membre de la milice depuis l’âge de seize ans.  Il avait d’abord été nommé enseigne au premier bataillon du comté de Saguenay en 1830 avant d’être nommé capitaine au second bataillon du district militaire de Charlevoix pour l’Île-aux-Coudres le 21 mai 1847 à l’âge de soixante-trois ans.  Il demeurera capitaine de la milice de l’île jusqu’à sa mort[166].

Deux ans après les avoir créés, le 1er septembre, Lord Elgin et son parlement de la Province unie du Canada abolissent les municipalités de paroisse établies par la loi dans le Bas-Canada, dont celle de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, pour leur substituer des municipalités de comtés[167].  Si les insulaires n’avaient pas eu le temps de s’élire un conseil municipal, il n’était plus nécessaire de le faire, ils n’avaient plus de municipalité.  

Le 17 septembre 1847, on procède au baptême d’un enfant de Germain Hervé le neveu, le fils de Joseph.  Le parrain est George Dufour, le nouvel époux de Madeleine Harvé, la fille de Louis.  Elle était la seule du cousinage dans la famille de Louis à ne pas avoir eu un filleul ou une filleule parmi les enfants de Germain[168].

Les affaires ne sont pas au beau fixe entre le seigneur et ses censitaires.  En 1850, un très grand nombre de ces derniers sentant sans doute venir la fin du régime seigneurial traînent à acquitter leur cens auprès de ces messieurs du Séminaire ; Louis semble être du nombre.  Le curé Jean Baptiste Pelletier qui agit comme représentant et collecteur du seigneur sur l’île s’en plaint d’ailleurs en décembre tout en soulignant au maître, avec un tact tout ecclésiastique, qu’il serait peut-être temps qu’il vienne lui-même effectuer la collecte.  En raison de la petite somme que le curé a recueillie, il écrit :

« ... ainsi vous voyez que je ne suis pas né pour être Seigneur, les gens ne veulent pas me reconnaître comme tel.  Si vous fussiez venu votre présence aurait été doublement utile, ...les gens auraient fait de plus grand efforts pour payer (le chat n’étant plus au guet, le rat s’enfuit) »

Michel Forgues (1811-1882), procureur du Séminaire depuis peu, ne tardera pas à répondre à l’audace du curé[169].

Du temps de la Nouvelle-France, deux quais de bois avaient été construits à l’île par les Français.  Le premier était destiné aux gros navires qui y accédaient à marée haute et avait déjà disparu dans la première moitié du XIXe siècle ; Louis devait se souvenir de sa structure qu’il avait connue alors qu’il était encore gamin.  Le second, où accostaient les chaloupes, existait toujours, mais n’avait jamais suffi.  C’est au printemps 1851 que Louis organise une première pétition que signeront tous les insulaires propriétaires ; la pétition est envoyée aux autorités coloniales britanniques afin de les convaincre de construire un quai digne de ce nom et pouvant accueillir non seulement les chaloupes, mais également les navires comme du temps du régime français[170].  Ce ne sera que dans trente ans que les autorités accepteront la construction d’un quai[171]

Louis n’en finit plus d’acheter des fonds de terre ; le 19 juillet 1851, il rachète du Séminaire un « terrain comprenant l’Islet S.O. de l’Ile aux Coudres »[172]Ces messieurs du Séminaire avaient résolus le 10 juin de l’année précédente d’autoriser « M. le procureur à concéder... aux taux le plus avantageux pour le Séminaire... l’islet qui se trouve au bout d’en haut de l’Ile aux Coudres » et ce fut Louis qui s’en porta acquéreur[173]Louis possède maintenant treize concessions pour lesquelles il paie le cens ; ces terres sont répartîtes partout sur l’île[174]

Le 20 janvier 1852, Louis, à titre de juge de paix, assermente Joseph Perron (1792-1872) qui dépose son rapport du recensement qu’il a débuté le 12 janvier dernier[175].  Joseph est le fils cadet de la cousine Charlotte Hervé.  Le petit-cousin recenseur nous apprend que des sept cent dix-neuf insulaires, trente-neuf sont porteurs du patronyme Harvay, c’est ainsi que s’écrira le patronyme à l’Isle de 1843 à 1879 ; ils sont maintenant seize à demeurer sous le toit de Louis et Marie Julie.    Outre ces derniers, on compte leur fils George et sa femme Elisabeth Bergeron ainsi que leurs enfants Olympe, Epiphane, Grégoire, Valérie, Louis et Victorine ; Maxime et son épouse Flavie Dufour y sont également avec leurs filles Florentine dite Florestine et Séraphine. 

Marie Julie est peut-être rétablie puisque le recensement ne fait plus état de sa santé comme dix ans plus tôt ; peut-être aussi est-ce une discrétion bien compréhensible du parent recenseur. 

Pour compléter la tribu, deux employés y vivent également.  Une domestique, la jumelle Lucie Ouellet ; cette dernière, bien que native de Saint-André du Sud[176], n’est pas une étrangère, car elle est la petite-fille de Pierre Dufour (1769-1806), l’un des jeunes frères de la mère de Louis.  Lorsque Pierre Paul Ouellet (1789-1877) et Julienne Dufour (1797-1874) ses parents sont partis vivre au village de Saint-Georges-de-Cacouna, les deux sœurs jumelles, qui étaient en âge de travailler furent placées, l’une à l’île et l’autre à Saint-Roch-des-Aulnaies[177]

Le second employé est aussi un parent qui deviendra bien célèbre à l’Isle malgré lui, Alexis Lajoie (1815-1890).  Alexis dit Caya, est le fils d’Elisabeth Perron (1772-1827), la fille de la cousine Charlotte Hervé, la sœur du recenseur.  Comme on l’a vu, Caya est aussi le frère cadet de feu François Lajoie (1803-1837), marié à la nièce feu Marie Anne Hervé (1803-1846), l’aîné chez le frère Joseph.  Caya est sourd et muet de nature, un état que l’on n’a pas connu à l’île, du moins au cours de ce siècle.  Son handicap, ses cris et ses gesticules ne devait pas aider à la perception que les gens s’en sont faite, car ce qui est parvenu jusqu’à nous est qu’il était l’idiot du village ; d’ailleurs Joseph Perron, lors de sa visite le déclare aliéné.  Cela n’avait pas empêché Louis de le recueillir après le décès de son frère et de le loger depuis ce temps.

On compte donc trois familles logeant dans la maison de bois d’un étage de Louis.  Pour une raison que l’on ne peut expliquer aujourd’hui, outre les bâtiments de ferme, il y a deux maisons inhabitées sur la terre de Louis ; d’anciennes demeures sans doute que la famille aura abandonnées au fil des ans pour se reloger dans une plus grande maison.  On retrouve cette situation à l’île sur les terres de plusieurs familles qui semblent prospérer et qui n’habitent pas dans des maisons de pierres.  Alors que Louis est qualifié de cultivateur, George et Maxime sont journaliers.  Le journalier ne travaille pas nécessairement aux travaux agricoles, mais peut aussi vendre son temps de travail comme bûcheron, dans la construction, ou la navigation par exemple.  Avec la dimension de l’exploitation agricole de Louis, son moulin et le fait que George cabote sur le fleuve, nul doute que les deux frères ne travaillent que pour leur père et le clan.  Seul Grégoire et Valérie à George et Marie Florentine à Maxime fréquentent l’école[178].

Louis a fort prospéré depuis dix ans, il est vrai qu’il a des fils à établir.  Lui qui avait vendu une portion de ses terres entre 1831 et 1842, probablement pour financer son projet de moulin, a fait tout autrement au cours de la dernière décennie se terminant en 1851.  Ce moulin dut être une source de revenus appréciable, car il possède maintenant quatre cent un arpents de terres, près de cinq pour cent de toutes les terres possédées par des censitaires, ce qui en fait l’insulaire possédant la plus grande superficie de terrain.  

Parmi les soixante-quinze agriculteurs de l’île, seul sept d’entre eux possèdent deux cents acres et plus, dont quatre sont du Cap à Labranche.  Il est également l’agriculteur ayant le plus grand nombre d’arpents de terre en culture avec deux-cent quatre-vingt-six ; près du double des prochains cultivateurs en ayant le plus, avec environ cent soixante arpents.  De ses arpents en culture, cent quarante-trois ont produit une récolte, cent quarante-deux sont en pâturage et Louis s’est gardé un jardin d’un arpent.  Pour fournir son moulin, il peut compter sur cent quinze arpents en bois debout, mais il en achète peut-être également de Paul Mailloux dont trois cent cinquante-six arpents de sa terre sont en bois debout[179].

Comme on le sait Joseph, le fils de Louis, a maintenant sa propre terre et est déclaré cultivateur, bien que l’on doive douter de cette affirmation, car avec une terre de cinq arpents et demi dont quatre et demi sont en pâturage, ne nourrit pas une famille.  Pour toute culture en 1851, il n’a recueilli que vingt minots de patates.  Il devait bien vivre d’autres choses, mais Joseph Perron le recenseur ne nous l’apprendra pas.  Sans doute avait-il continué à travailler sur les terres de son père et celles du clan ; peut-être aussi vaquait-il aux activités du moulin à scie du père ou comme navigateur sur la mer tout comme son père et son frère George[180].

Louis semble en mener très large sur son île à cette époque.  Après avoir déposé une pétition pour la construction d’un quai en 1851, le voici qu’un an plus tard, il attire à nouveau l’attention de l’Assemblée législative en y faisant déposé une autre pétition.  Cette fois-ci, il se préoccupe du sort des censitaires dans leurs relations avec le régime seigneurial.  À la séance du le 1er septembre, un certain nombre de pétitions sont présentées dont celle...

« De Louis Harvey et autres de l’île aux Coudres, comté de Saguenay, demandant que dans le règlement de la question existante entre les censitaires du Bas-Canada, les intérêts de ces derniers soient dûment protégés. »[181]

Le 13 décembre 1852, le procureur du Séminaire recevait le mandat de « vendre aux habitants de l’Île-aux-Coudres la pêche aux marsouins pour la somme de cent dix livres courant. »  Les démarches entamées au cours du printemps de 1853 aboutirent rapidement.  Le 22 juillet, quarante-six insulaires se portaient acquéreurs de la pêche pour le prix de cent dix livres demandé par ces Messieurs du Séminaire qu’ils payaient comptant.  Louis, ainsi que ses nombreux parents du Cap à Labranche étaient du nombre.  De fait, c’est Louis qui procède aux négociations avec le procureur du Séminaire concernant cette vente.  Le « Révérend Messire Michel Forgues », au nom de ces messieurs du Séminaire, « cède... tous les droits réservés pour les propriétaires de la dite pêche à marsouins expliqués et détaillés dans l’acte de vente & concession accordé à Louis Hervé, Ecuier, en date du dix neuf Juillet mil huit cent cinquante et un... »[182].

Louis perd une autre sœur le 23 février 1854.  Marie Josephe Hervé, celle qu’il prénommait Marie comme tous s’éteint à l’âge de soixante-cinq ans après avoir donné naissance à huit enfants[183].  Ils ne sont maintenant plus que trois enfants de Sébastien Dominique et Marie Magdeleine encore vivants à l’Isle.  Thimothé, et sa sœur puînée Marie Margueritte sont établis à Saint-Étienne de la Malbaie.

Le glas du régime seigneurial a sonné.  Les autorités coloniales proclament l’Acte seigneurial de 1854 mettant fin au régime et procèdent à l’inventaire des seigneuries.  Pour la seigneurie de l’Isle aux Coudres appartenant aux messieurs du séminaire de Québec, Siméon Lelièvre (1805-1866), écuyer et membre de la commission sur l’abolition de la tenure seigneuriale, clôt le travail de cadastre le 16 juin 1859.  Lelièvre confirme que Louis, tout comme son père Dominique avant lui, s’est bâti un patrimoine agricole au fil du temps en procédant à plusieurs acquisitions.  Son bien de fond est constitué de plusieurs parcelles de terre.  Outre les terres qu’il avait acquises pour l’établissement de ses fils Joseph et Maxime, il possède quatorze terres à l’île.  Bien que la plupart de ses concessions soient au Cap à Labranche, d’autres sont à la Baleine, à La Prairie et il en possède aussi une sur laquelle est bâti son moulin à la pointe de L’Islet[184]

Depuis un certain temps, il est question de doter le curé d’un nouveau presbytère.  Ce dernier le souhaite et en janvier 1855 l’évêque l’ordonne.  À une assemblée de marguilliers le mois suivant, Louis est nommé comme «syndics-gérants» pour bâtir la nouvelle demeure du curé[184a]

Après quinze ans de tergiversations, l’ineptie des législateurs anglais qui ignoraient les conditions qui prévalaient alors dans le Bas-Canada et imposaient des lois sans tenir compte des avis et suggestions des députés canadiens-français allait prendre fin.  Le 1er juillet 1855, un grand nombre de paroisses furent constituées en municipalités, dont la municipalité de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres.  Après avoir jugé les lois précédentes inopérantes, on avait enfin décidé d’un modèle municipal qui siérait à la population[185].  Après une période de cabale parmi les censitaires, on procède alors à l’élection d’un conseil municipal et Louis Hervé devient le premier maire, un poste qu’il quittera à l’âge de soixante-quatorze ans en 1858[186].  Augustin Dufour (1796-1880), le voisin et cousin par « la grande Madeleine », la mère de Louis, sera le deuxième maire de 1858 à 1862.  La mairie de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres reviendra dans la famille à quelques reprises ; le petit-fils de Louis, Louis Nérée Harvé (1833-1925) à Joseph, sera également maire de 1876 à 1879, alors que le fils de ce dernier Joseph Majorie dit Majorique Harvay (1854-1931) régnera comme maire de 1904 à 1919[187].   

C’est à la fin novembre que Marie Julie perd celle qui s’occupait d’elle et des siens.  Lucie Ouellet, la petite-cousine domestique, épouse le veuf Gabriel Perron (c.1821-1888).  On se souviendra qu’en premières noces, il avait épousé Arsène Dufour, la fille de Germain, le cousin de Louis dont trois des enfants ont épousé les siens.  Les parents de Lucie vivent maintenant dans la paroisse de Sainte-Flavie en Gaspésie et ne sont évidemment pas présents au mariage ; les parents y sont voisins du cousin Jean Baptiste (1798-1762) chez l’oncle François Hervé (1760-1843) qui a également migré dans ce secteur du bas du fleuve.  Louis et son fils Joseph servent de témoin à la mariée[188].  Plus aucune domestique ou employé n’entreront dans la maison de Louis après le départ de Lucie. 

En plein hiver, alors que février s’achève presque, trois ans après le décès de sa sœur Marie Josephe, c’est au tour de Marie Margueritte, la sœur établie à Saint-Étienne de la Malbaie, de partir pour le grand voyage le 19.  Bien que cette dernière ne soit enterrée que quatre jours plus tard, il est peu probable qu’à son âge, Louis ait fait le voyage en cette saison[189]

On avait bien mal entamé l’année et en avril Louis perd sa compagne de vie. Marie Julie Mignaud, la femme du maire, écuyer et cultivateur, décède le 12 avril 1857.  Cette femme, qui avait accumulé les enfants mort-nés ou de faibles constitutions, aura tout de même vécu soixante et onze.  Elle est inhumée dans la nef de l’église sous le banc dit banc du Capitaine de milice.  Chose assez rare, on attendra huit jours avant d’inhumer l’épouse de Louis[190].

Dans ces circonstances, Louis terminera son mandat de maire l’année suivante, mais ne se représentera pas.  Cela ne l’empêchera pas de continuer de mettre son grain de sel dans la gestion des affaires publiques de temps en temps et d’exprimer ouvertement ses opinions.  Ainsi le 7 février 1859, Louis est l’auteur de résolutions passées à une séance du Conseil Municipale de la Paroisse Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres qui dénoncent en autres, l’imposition de taux d’intérêt, les rétributions trop élevées des représentants du peuple et le choix par la Reine de la cité d’Outaouais (Ottawa) comme siège du gouvernement[191].  

C’est après le décès de Marie Julie que Caya quitte le toit de Louis pour partir vivre chez le voisin marchand Epiphane Bergeron, celui qui attendra d’avoir trente ans pour se marier à trois reprises.  Pour l’instant il est le beau-frère célibataire de George, le fils de Louis.  Alexis Lajoie dit Caya y vivra jusqu’au mariage en 1865 et l’arrivée des enfants d’Epiphane qui en aura neuf ; Caya reviendra alors vivre dans la famille chez Maxime[192].  Il y vivra au moins quinze ans et s’y trouvera toujours en 1881[193].  Il est probable que la légende le concernant, voulant qu’il se soit réfugié dans la vieille maison de son père à la fin de sa vie, soit fausse comme tout le reste et qu’il soit décédé alors qu’il vivait toujours chez Maxime, car c’est ce dernier et son fils Louis dit Louis Cinaris qui enterreront Alexis en 1890, tel qu’il était prévu au contrat d’achat des biens de Marie Anne Hervé qu’avait acquis Louis en 1847[194].

Bien que l’Isle aux Coudres soit devenu une municipalité et que le régime seigneurial ait été aboli en 1854, les seigneurs de l’île ne consentent à affranchir leurs censitaires de leur petit fief assez payant que six ans après l’abolition des « droits et devoirs seigneuriaux »[195]Louis aura vécu assez longtemps pour voir le joug du Séminaire se relâcher sur son île en 1860.  Si même l’avenir devenait meilleur, en verra-t-il les bienfaits ?   Même si, pour vivre en paix après la conquête, les insulaires avaient prêté le serment d’allégeance et étaient ainsi devenus « sujets de Sa Majesté britannique », à leurs yeux les régimes français ou anglais se valaient, car dans les deux cas la tenure seigneuriale pesait sur eux.  Passé de censitaire à cultivateur-propriétaire ne voulait plus dire grand-chose compte tenu du manque de terres pour la progéniture et de leurs nécessaires divisions.  Les censitaires devenus cultivateurs allaient engendrer des générations de journaliers travaillant hors de l’île ; aux vagues d’émigration définitive d’insulaires partis coloniser l’arrière-pays qu’avait connu Louis depuis son enfance, allaient maintenant se succéder les départs pour l’émigration saisonnière. 

Même si l’usure du temps a fait son apparition, Louis supervise toujours son exploitation agricole alors que ses fils et petits-fils font aujourd’hui tout le travail.  Comme le faisaient son père et son grand-père, Louis a toujours élevé des bestiaux pour la vente et il tire toujours profit de ses élevages.  C’est maintenant son fils George qui conduit le butin sur la goélette de son père.  Par exemple, le 24 mai 1860, il livre au Havre du Palais à Québec deux bœufs, un demi-quart d’œufs et seize quarts d’huile de marsouins, résultats de la pêche du printemps pour la famille.  Le 7 juin de l’année suivante, ce sera quatre bœufs et trois cents minots de patates qu’il livrera à bord de la goélette Josepht[196]

En ce début de décennie, il y a maintenant cinquante-huit Harvay à l’Isle.  La chaumière de Louis est bien différente de ce qu’elle était dix ans plus tôt.  Outre la mort de sa femme qui a créé un grand vide pour lui, son cadet Maxime a aussi quitté le toit familial avec sa famille[197].  Il s’est fait agriculteur et Louis l’a établi.  Lui et Flavie Dufour ont eu huit enfants à ce jour, dont sept ont survécu.  Le toit de Louis ne pouvait sans doute plus accommoder tous ces enfants, surtout que son fils le navigateur George et sa femme Elisabeth Bergeron en ont maintenant dix et y demeure toujours.  A soixante et seize ans, le patriarche est donc entouré de vies nouvelles, car Célina, la plus jeune de ses petites filles, n’a pas un an alors qu’Olympe, la plus vieille, qui est maintenant institutrice, a vingt-deux ans ; les huit autres filent entre ces deux âges[198]

C’est à cette période où le nombre d’enfants à l’île ne cessait de grandir que l’on instaura la « Municipalité scolaire de l’Isle aux Coudres ».  Tous ont maintenant pris conscience que les deux écoles ne suffisent plus.  Pour le Cap à Labranche, Louis, son fils George et le neveu Germain Hervé y verront avec la construction d’une maison d’école de deux étages[199] ; les deux premiers avec le bois de leur moulin et en fournissant l’institutrice, le troisième en donnant une parcelle de terrain d’un demi-arpent lui appartenant.  Après sa construction, il fallait bien une maîtresse d’école dans ce nouveau bâtiment ! C’est Marie Rose Olympe Harvé, la fille de George à Louis qui y devient institutrice.  C’est en 1865, bien après la construction, que le neveu Germain signera l’acte de cession « Par devant les notaires Publics dans et pour le Bas-Canada » qui s’étaient présentés à l’île pour finaliser la constitution de la corporation et la régularisation des états de fait.  Ainsi, le « Sieur Germain Harvay reconnaissait avoir cédé un certain lot de terre… de la contenance de trente cinq pieds de front sur quarante pieds de profondeur, borné par devant à une petite route dite route d’Augustin Dufour et en arrière au bout de ladite profondeur et des deux côtés au Nord et au Sud au dit Germain Harvay, cédant, sans autre bâtisse que la maison… d’école…, connue sous le nom de Maison d’école pour l’arrondissement No 1avec le droit par le dit cessionnaire et ses successeurs ainsi que toutes personnes… fréquentant ladite Maison d’école de prise de l’eau à son puits… » [200]

Le 14 janvier 1862, le quatorzième curé (1843-1878) Jean Baptiste Pelletier (1814-1892) bénit le mariage de cinq cousins et cousines, dont celui de deux petites-filles de Louis : l’institutrice Marie Rose Olympe Harvé (1838-1921) à George, épouse Sifroid Dufour (1832-1909), alors que Marie Florentine dite Marie Florestine Harvay (1848-1969) à Maxime, épouse pour sa part Vincent Boudreaut (1835-1895).  Les trois autres neveux et nièces de ce grand mariage sont celui de Louis Didier Harvé (1840-1871) à Germain chez Joseph, Dosithé Desgagnés à Modeste Justine Lajoie chez Marie Euphrosine dite Marie Modeste Hervé et finalement, Étienne Desgagnés également à Modeste Justine Lajoie chez Marie Modeste Hervé.  De la soixantaine de Harvay à l’Isle, il ne devait pas manquer beaucoup d’entre eux à la noce[201].  Pour Louis qui assiste aux mariages, ce sera ses dernières festivités. 

Le vieux loup de mer s’éteint l’année suivante.  Le 5 mars 1863, le cultivateur, juge de paix, capitaine de milice, ancien maire et veuf de Marie Julie Migneau âgé de soixante-dix-huit ans et neuf mois est inhumé dans l’église Saint-Louis de l’Isle aux Coudres deux jours plus tard, avec tous les honneurs et près de la balustre.  On meurt vieux pour l’époque chez les Harvay[202]

Si vous rencontrez un Harvey aujourd’hui à l’île, et ils sont nombreux[203], c’est un descendant de Louis.  Contrairement à ses frères, lui, ses enfants et ses petits-enfants seront, pour la très grande majorité, sédentaire.  Les Harvey de l’Isle aux Coudres au XXIe siècle sont tous des descendants de Sébastien Dominique Hervé (1736-1812), car, comme on l’a vu, Narcisse (1820-1892) à Michel (1771-1841) chez André Laurent (1764-1831), le dernier descendant de Pierre Hervé (1733-1799) a quitté l’île en 1845.  Des descendants de Joseph (1782-1867), le frère de Louis, ont aussi vécu à l’île, mais Joseph Didier Harvay (1872-1949) à Joseph (1842-1887) chez Germain (1808-1902) a été le dernier à y avoir vécu et à y être décédé en 1949.  Louis, celui qui s’éteint le 5 mars 1863, était donc l’ancêtre de tous les Harvey vivant à l’Isle-aux-Coudres au siècle dernier et encore aujourd’hui[204].

Si Louis a pu retenir un bon nombre de sa descendance à l’Isle, c’est vraisemblablement parce qu’il disposait de ressources plus considérables que d’autres, comme ses nombreuses terres et les profits générés par son entrepreneuriat hâtif au début du XIXe siècle ; aussi son moulin à scie, son métier de pilote et surtout le cabotage dans laquelle sa famille s’est investie.

Louis aura su insuffler à ses enfants et petits-enfants la valeur du service public.  Nombre d’entre eux devaient être ben d’adon puisqu’ils ont occupés et occuperont après sa mort différents postes reliés à la gestion de la municipalité de Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres.  

Est-il surprenant qu’au début du XXe siècle ses petits-enfants se crussent être d’origine écossaise, dont le premier arrivant selon cette légende était Minic Harvey le père de Louis.  Quand on considère que ce dernier est né quarante-quatre ans après le départ de l’île de son grand-père né d’un migrant français, on ne s’étonne plus.  En d’autres circonstances, ce grand-père aurait pu lui transmettre la tradition orale si importante à l’époque pour qu’il connaisse ses origines françaises.  Comme Louis, et son père Dominique avant lui étaient le plus souvent partis en mer, il ne se retrouvait pas très souvent au coin du feu à raconter leur passé à leurs enfants.  Il en est ainsi aussi des fils de Pierre, le frère de Dominique (Minic) ; lui aussi aurait bien pu parler un peu à ses petits-fils de son père mort sur la Côte-du-Sud en 1759, mais ses fils étaient partis vivre à Saint-Étienne de la Malbaie, bien avant qu’il ne meure à l’île en 1799.  Les petits-fils des deux frères Hervé, géniteurs de la plupart des Harvey d’aujourd’hui au Québec, s’imaginèrent donc des racines pour s’accrocher à une terre qui finalement n’était pas la leur.  Il faudra bien des années pour que leurs descendants apprennent leurs origines françaises.  En cela par contre, ils ne sont guère différents de plusieurs autres sur l’île pour qui la tradition orale a fait défaut et ne leur a pas appris leurs origines françaises.  Ainsi à la fin du XIXe siècle, les Boudreau se déclaraient d’origine écossaise alors qu’ils étaient tous descendants de René Boudreau (1717-1756) et de son fils, le meunier Pierre Boudreau (1749-1819), deux Acadiens parmi ceux à être arrivés avec leur famille à l’Isle en 1755, à la suite de la longue marche qu’ils avaient entreprise comme tant d’autres pour fuir la Déportation. 

Des descendants de Louis ayant marqué la petite histoire à l’Isle

Ø Marie Osité Harvay (1860-1938) à Louis Nérée (1833-1925) à Joseph (1809-1869) chez Louis

Elle est l’arrière-arrière-grand-mère paternelle de l’animateur Alex Perron.

Ø Joseph Pamphile Harvay (1863-1901) à Jude (1837-1912) à Joseph (1809-1869) chez Louis.

Pamphile sera parmi les premiers à l’île à tenter l’aventure américaine dans les usines de coton de la Nouvelle-Angleterre.  Lui et sa famille vivront deux ans à Lowell au Massachusetts en 1886 et 1887.  Ils étaient partis à la même époque que quelques autres insulaires, dont la veuve de Louis Didier Harvé (1840-1871) à Germain (1808-1902) chez Joseph (1782-1867) et ses enfants et la famille de Jean Baptiste Tremblay (1830-post.1889).  À la suite du décès de Pamphile en 1901, sa femme Arsène et sa dizaine d’enfants quittèrent l’Isle-aux-Coudres pour s’établir à Lowell.  Seules deux de leurs filles, Martine et Monique, reviendront au Québec et s’installeront à Montréal.

Ø Joseph Abel Harvey (1891-1978) à Joseph (1856-1934) à Joseph (1809-1869) chez Louis

Capitaine et maître de pêche dans l’œuvre de Michel Brault et Pierre Perrault.  Il s’agit d’un documentaire poétique et ethnographique de 1962 sur la vie des habitants de l’Isle-aux-Coudres rendue d’abord par une langue, verte et dure, toujours éloquente, puis par la légendaire pêche au marsouin, travail en mer gouverné par la lune et les marées. Un véritable chef-d’œuvre du cinéma direct.

Ø Louis Harvey (1894-1981) à Joseph (1856-1934) à Joseph (1809-1869) chez Louis

Surnommé le Grand Louis, cultivateur et chantre d’église dans l’œuvre de Michel Brault et Pierre Perrault de 1962.

Ø Joseph Grégoire Joachim Harvey (1929-2011) à Joseph Grégoire (1889-1963) à Louis (1848-1934) à George (1814-1889) chez Louis.

Capitaine du nord de l’Île dans l’œuvre de Michel Brault et Pierre Perrault de 1962. 

Ø Marie Phébée Colombe Noëlle-Ange Harvey à Fernand (1928-2016) à Alexis (1896-1980) à Germain (1865-1956) à Jude (1837-1912) à Joseph (1809-1869) chez Louis.

Noëlle-Ange est propriétaire de la boulangerie Bouchard, un incontournable arrêt lorsque l’on visite l’île.  En 2018, elle était la doyenne des conseillers de la municipalité de L’Isle-aux-Coudres.  Par sa mère, elle est la petite-fille du coloré Grand Louis.

Louis Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 21 juin 1784. 

[2] MORIN, Cimon. « Débuts de la poste dans Charlevoix, 1832 », Bulletin d’histoire postale et de marcophilie. Québec, Société d’histoire postale du Québec. No. 92 : 6-7, 1980-2008. Et COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres», Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 11, numéro 5, septembre et octobre 2011. 

[3] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-Kamouraska, 8 février 1786. 

[4] Ibid., 30 janvier 1786. 

[5] Ibid., 21 août 1786, baptême de Marie Euphrosine ; 3 juillet 1788, baptême de Marie Josephe ; 22 octobre 1790, baptême de Thimothé ; 26 juin 1792, baptême de Marie Margueritte ; et 28 janvier 1794 baptêmes de Marie Anne et de Marie Magdeleine.

[6] Bien que nommé sardine par les insulaires, il s’agit en fait de « gaspareau ». 

[7] LE QUERREC, Jacques. Op., cit.

[8] BAnQ., Aveux et dénombrements, Domination anglaise (C. 3), vol. 1, fol. 530-534. 

[9] Ibid., 28 janvier et 29 août 1794. 

[10] Ibid., 10 et 14 décembre 1795.  Baptême et sépulture d’Élisée Hervé. 

[11] Ibid., 4 et 14 avril 1997.  Baptême et sépulture de Marie Antoinette Hervé. 

[12] BAnQ., Journaux de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, v. 36 (1827) : Comité nommé pour considérer s’il est expédient d’établir un passage pour les vaisseaux sur le côté nord du fleuve Saint-Laurent, 5 mars 1827, page 291. 

[13] Ibid., 26 novembre 1800.  Baptême de Clément Savard. 

[14] MARTIN, op. cit, page 178.  Selon Martin, sauf pour quelques altérations mineures, le dessin de la route de ceinture est demeuré le même jusqu’à nos jours.  Si Martin à raison, on aurait alors détourné le chemin le chemin du Mouillage des Français pour couper par le Cap à Labranche.  

[15] Ibid., 6 juin 1803. Baptême de Louis Dallaire fils de Joseph Marie Dallaire (1763-1810) et de Victoire Desgagnés (1774-1838). 

[16] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le comté du Saguenay, sous-district de l’Isle aux Coudres, page 655. 

[17] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 3 septembre 1806.  

[18] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 31 octobre 1806.  Isidore Lévesque fut nommé notaire en 1806 et il pratiqua jusqu’à sa mort en 1853.  

[19] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 31 octobre 1806.  Entente de partage entre Joseph et Louis Hervé. 

[20] BAnQ., Registre 12 : Bureau du Grand Voyer du District de Québec, Procès-Verbaux de l’honorable Gabriel Elzéar Taschereau Écuyer Grand-Voyer et de Jean Thomas Taschereau Écuyer son Député (1er janvier 1801 au 31 décembre 1803), f. 162v-167v, op.cit.

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 5 novembre 1806. 

[22] Ibid., 27 avril 1807, baptême de Julienne Tremblay.  Louis a effectivement appris à écrire grâce à son épouse ce qui en fait le seul de cette génération chez les enfants de Dominique et Madeleine à pouvoir signer.  Il a commencé à signer les registres après le premier hiver passé avec son épouse alors qu’il ne signait pas auparavant. De nombreuses inscriptions aux registres de la paroisse avant et après son mariage témoignent de ce fait. 

[23] BAnQ., Aveux et dénombrements C 3 ; Domination anglaise 1, 1777-1782 : fol. 530-535. 

[24] A.S.Q., Seigneuries 46, no 20c. 

[25] Ibid., 26 octobre et 15 novembre 1807. 

[26] Ibid. 6 août 1808.  Sépulture de Geneviève Migneau. 

[27] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 21 novembre 1807.  

[28] BAnQ., Cahier des visites de 1790 de Mgr Hubert.  C’est aussi le cas des Bouliane, Couturier, David, Laguë, Marier, Pelletier, Roussel et Thérien : dans DESJARDINS, Louise, op., cit., page 155. 

[29] A.S.Q., Cueilloir de l’Isle aux Coudres commencé à la Recette de 1827, page 29, Louis Hervé.  

[30] Joseph Amiot dit Villeneuve s’est noyé en 1722 avant la distribution des concessions de 1728.  Louise Bouchard se remarie en 1723, son nouvel époux reçut cette concession.  Joseph Amiot dit Villeneuve n’était pas le seul dans cette situation, Gabriel Dufour (1678-1720) occupait également une terre voisine qui ne lui fut pas concédée en 1728, car il s’était aussi noyé deux ans plus tôt.  Les trois parcelles concédées aujourd’hui sont une partie de ce qui était revenu aux enfants de Joseph Amiot dit Villeneuve et Louise Bouchard au décès de cette dernière. 

[31] A.S.Q., Seigneuries 46, no 20C. 

[32] A.S.Q., Seigneuries 46, no 20D. 

[33] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 14 décembre 1807. 

[34] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 14 mai 1809. 

[35] BOILY, Raymond, op. cit, page 34.

[36] DUPUIS, Véronique, Le Saint-Laurent : Petite chronique d’une grande histoire entre un fleuve et ses pilotes.  Québec, Histoire Engagée, 2015, page 3. 

[37] LE QUERREC, Jacques. Op., cit. 

[38] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 25 avril 1811. 

[39] BLANCHARD, Raoul. L’est du Canada français, province de Québec. Montréal, Masson & cie, 1935, tome I, page 343. 

[40] BAnQ., Procès-verbaux des grands voyers Boisclerc et Taschereau (Q.B.C. 24-14). 

[41] BOILY, Raymond. Le guide du voyageur à Baie-Saint-Paul au XVIIIe siècle. Montréal, Leméac, 1979, page 64.

[42] A.S.Q., Seigneuries 46, no 4 à 25. 

[43] A.S.Q., Cueilloir de l’Isle aux Coudres commencé à la Recette de 1827. 

[44] A.S.Q., Seigneuries 46, no 8. 

[45] A.S.Q., Manuscrit 435, p. 155, 2 juillet 1749.  Le taux de prélèvement est demeurera le même jusqu’à ce que le Séminaire concède cette pêche aux censitaires en 1851. 

[46] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 6 mai 1813. 

[47] Ibid., 10 et 17 octobre 1813. 

[48] A.S.Q., Seigneuries 46, no 20 et 20 A. 

[49] COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 2, mars et avril 2008, page 8.  Le 14 avril 1879, « Suite à un arrangement entre François Tremblay et Honorine Pelletier, veuve d’Étienne Desgagnés, cette dernière donna à François Tremblay la devanture ou part d’herbe située entre Georges Dufour et Ulric Bouchard. » et, volume 8, numéro 3, mai et juin 2008, page 8 pour la décision du 9 mars 1814.  

[50] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 21 novembre 1807. 

[51] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 19 août 1814.  Baptême de Joseph Arvé. 

[52] Ibid., 14 novembre 1814. 

[53] A.S.Q., Paroisses diverses, 1815.

[53a] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 31 janvier 1815.

[54] A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 23 octobre 1738.  Jean Laforest, dit Labranche décède en 1733 ; Marie Angélique Rancourt sa veuve et son fils Jean Baptiste cèdent leurs droits sur cette terre de trois arpents et demi à Jacques Bouchard.  Et A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 20 avril 1739.  On retrouve au greffe Lavoye une quittance montrant que c’est le père de Jacques, Antoine Bouchard qui avait de fait acheté la terre pour son fils. 

[55] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 21 mars 1816.  Baptême de Jean Baptiste Labranche dit Laforêt. 

[56] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, le 20 décembre 1816.     

[57] MARTIN, op. cit, page 176.

[58] Archives du Port de Québec, Trinity House of Quebec, p.v. volume 2, 18 avril 1816, page 407.

[59] LECLERC, Jean. Les pilotes du Saint-Laurent et l’organisation du pilotage en aval du havre de Québec, 1762-1920.  Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003, page 128.  Jusqu’en 1859, la chaloupe à voiles était le principal moyen de transport des pilotes du Bas-Saint-Laurent pour aller à la rencontre des bâtiments d’outre-mer. 

[60] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, les 2 et 19 février 1817.  

[61] A.N.Q., GN. Minutier Charles Cheniquy, 15 août 1817.  Il s’agit de l’acte de quittance pour la transaction.  Je n’ai pu retrouver l’acte de vente qui aurait pu permettre de localiser cette terre.  Elle fut sans doute rédigée par un autre notaire.  

[62] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, le 20 janvier 1818. 

[63] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 26 juillet 1819.  Registre de la paroisse de L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge des Éboulements, 4 et 7 mai 1820.

[64] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, les 8 et 20 juin 1820.  

[65] A.N.Q., GN. Minutier Charles Cheniquy, 2 novembre 1820. 

[66] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 18 décembre 1820. 

[67] Ibid., 20 février 1821. 

[68] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire de Saint-Hyacinthe, 21 juillet 1817.   « …entre Ambroise Tremblay fils domicilié de cette paroisse et fils mineur d’Ambroise Tremblay cultivateur et de défunte Agnès Fortin ses père et mère de la paroisse St Louis de l’isle aux coudres.. » 

[69] Je n’ai pu retrouver un quelconque document de tutelle des enfants d’Ambroise Saturnin aux divers greffes de la région.  Il est possible que le curé ait organisé le placement des enfants avec quelques notables parmi les insulaires comme cela se faisait dans cette île qui n’a survécu pour l’essentiel, que par l’entraide. 

[70] Ambroise Saturnin Tremblay n’a pas été inhumé à l’Isle ni à la Baie-Saint-Paul d’où il est originaire.  Le registre où sa sépulture serait inscrite, s’il existe, n’a pas été trouvé à ce jour.  Toutes les sources consultées mentionnent qu’il serait décédé après le décès de sa femme et avant le mariage de sa fille Agnès en février 1821.  Il ne fait pas partie des listes connues des nombreux insulaires présumés noyés.  

[71] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1825, pour le district de Northumberland, sous-district Isle aux Coudres, page 1996.  Outre le nom des chefs de famille, le recensement n’est pas nominatif et ne permet donc pas d’identifier avec certitude les occupants de la maison.  L’âge des filles d’Ambroise Saturnin Tremblay et d’Agnès Fortin nous permet par contre de présumer de la présence de deux d’entre elles chez Louis et Marie Julie ; deux femmes de 14 ans et au-dessous de 45 ans, non-mariés y demeurent.  Louis et Marie Julie n’ont aucune fille de cette tranche d’âge.  

[72] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 20 août 1821. 

[72a] Ibid., 19 septembre 1821.

[73] Ibid., 2 octobre 1822. 

[74] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 10 octobre 1823. 

[75] MAILLOUX, Alexis. Histoire de L’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours, op. cit., page 52.  Mailloux mentionne que le ruisseau des Pruches est « celui qui coule sur la terre du sieur Georges Harvay ».  Il s’agit évidemment d’un anachronisme ; Mailloux fait référence à l’époque où il vit et écrit son histoire, car en 1824 George Hervai n’a que dix ans et la terre qu’il héritera appartient toujours à son père Louis.

[76] LALANCETTE, Mario.  La seigneurie de l’île-aux-Coudres au XVIIIe siècle.  Montréal, Les presses de l’Université de Montréal, 1980, page 69. 

[77] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 21 juin 1825 et registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul, 13 juin 1826.  

[78] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 9 août 1825. 

[79] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1825, pour le district de Northumberland, sous-district des Éboulements, page 1977.  

[80] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1825, op. cit, pages 1996 et 1997.  

[81] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 33D. 

[82] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 38. 

[83] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 33B. 

[84] A.N.Q., GN. Minutier Louis Bernier, 14 juin 1826. 

[85] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 31B. 

[86] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 31A. 

[87] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 31C. 

[88] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 31. 

[89] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 7 novembre 1826. 

[90] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 17 novembre 1826.  Décharge de tutelle par Simon Bouchard.

[91] BOILY, Raymond. Le guide du voyageur à Baie-Saint-Paul au XVIIIe siècle. Montréal, Leméac, 1979, page 36.

[92] Voir la section 8. Les Harvey Québécois les plus connus du chapitre 02 — Le patronyme Harvey, 1910-1994, Gérard Harvey, capitaine. 

[93] LECLERC, Jean. Les pilotes du Saint-Laurent et l’organisation du pilotage en aval du havre de Québec, 1762-1920.  Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003, page 343. 

[94] Ibid., page 16. 

[95] Marée descendante. 

[96] LECLERC, Jean, op. cit., page 345. 

[97] DUPUIS, Véronique, op. cit. 

[98] LECLERC, Jean, op. cit., pages 347-349. 

[99] Ibid., page 74.  Neuf cent soixante navires en 1831. 

[100] BAnQ., Journaux de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, v. 36 (1827) : Comité nommé pour considérer s’il est expédient d’établir un passage pour les vaisseaux sur le côté nord du fleuve Saint-Laurent, 5 mars 1827, page 291. 

[101] LECLERC, Jean. Les pilotes du Saint-Laurent et l’organisation du pilotage en aval du havre de Québec, 1762-1920.  Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2003, page 349. 

[102] Ibid., page 354. 

[103] BAnQ., Registre de la paroisse de L’Assomption-de-la-Sainte-Vierge des Éboulements, 7 décembre 1828. 

[104] BAnQ., Registre de la paroisse Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 3 février et 30 décembre 1828. 

[105] Ibid., 11 avril 1829. 

[106] Ibid., 23 novembre 1829. 

[107] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île-aux-Coudres, microfilm 004569589_00125. 

[108] BOISVERT, Mireille, et Francine M.MAYER. Mortalité infantile et consanguinité dans une population endogame du Québec. In: Population, 49e année, n° 3, 1994 pp. 685-724 et MARTIN, op. cit, pages 181-182. 

[109] Ibid., 19 décembre 1829. Baptême de François Narcisse Lajoie. 

[110] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, page 78.

[111] MAILLOUX, Alexis. Histoire de L’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours, op. cit., page 52.  Mailloux mentionne que le ruisseau des Pruches est « celui qui coule sur la terre du sieur Georges Harvay ».  Le récit de Mailloux faisant référence à George Hervai fut écrit dans les années 1870.

[112] A.S.Q., Cueilloir de l’Isle aux Coudres commencé à la Recette de 1827, pages 29 et 30, Louis Hervé.  

[113] BAnQ., Registre de la paroisse Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 7 juin 1830. 

[114] BAnQ., The Quebec Almanac for the year 1831. Québec, Imprimeur Neilson & Rowan, 1830, liste de la milice du Bas-Canada. Louis sera d’abord nommé enseigne au premier bataillon du comté de Saguenay le 18 décembre 1830 avant d’être nommé capitaine au second bataillon de Charlevoix pour l’Île-aux-Coudres le 21 mai 1847.  L’enseigne du temps est celui qui avait la charge de porter le drapeau. 

[115] L’élection des nouveaux membres de la milice se faisait par les membres existants. 

[116] TREMBLAY, Yves. « La milice sédentaire, 1846-1862. Première partie : les vieux péchés », Bulletin d’histoire politique, vol. 24, no 2 (hiver 2016), page 190. 

[117] DESSUREAULT, Christian.  « Conception de la milice et conscience élitaire des réformistes bas-canadiens, 1827-1828 », Revue d’histoire de l’Amérique française, volume 61, numéro 2, automne 2007, pages 167–199. 

[118] Archives de l’Archevêché de Québec, cahier des visites, vol. 3, visite pastorale de 1806.  On note que la pomme de terre est devenue, en 1806, un élément important de la dîme payée au curé de l’île. 

[119] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le comté du Saguenay, sous-district de l’Isle aux Coudres, pages 654-655.  

[120] SÉGUIN, Robert-Lionel. Les granges du Québec du XVIIe au XIXe siècle. Musée national du Canada, Bulletin no 192, no 2 de la série des Bulletins d’histoire. Ministère du Nord canadien et des Ressources nationales, Ottawa, 1963, page 62. 

[121] DECHÊNE, Louise.  Le partage de subsistances au Canada sous le régime français. Montréal, Éditions du Boréal, 1994, page 17.  Un minot étant un sac qui pouvait peser de 30 à 60 livres. On peut donc estimer le poids d’un minot de blé à 60 livres. 

[122] LE QUERREC, Jacques. Op., cit.

[123] COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 9, numéro 4, juillet et août 2009, page 4. 

[124] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 4 juin 1831. Baptême de Gédéon Dufour. 

[125] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, op., cit.  Durant la première moitié du XIXe siècle, une série de recensements a été réalisée afin de déterminer la répartition de la représentation au parlement. Le Recensement du Bas-Canada de 1831 constitue la seconde collecte de statistiques, le premier ayant eu lieu en 1825. Celui de 1831 a eu lieu entre le 1er juin et le 1er octobre 1831.  Le Bas-Canada ne comptait alors que 553 134 personnes.  Le recensement ne permet pas d’identifier les propriétaires des trois moulins, mais comme Thomas Tremblay est meunier, on peut présumer qu’il est à tout le moins l’opérateur de l’un des moulins à farine.  Le prochain recensement identifiera Louis Hervé comme propriétaire du moulin à scie ; on ne peut que présumer que celui qui se trouve sur l’île en 1831 est le même et que son propriétaire est aussi Louis Hervé.  On retrouve au greffe du notaire Charles Herménégilde Gauvreau de Saint-Étienne de la Malbaie une transaction datée du 28 février 1830 pour la vente d’un moulin à scie par Jean Marie Desbiens à Louis Hervey, mais il pourrait plutôt s’agir de Louis à l’oncle Pierre (1762-1842) où ce dernier habite de même que Jean Marie.  De plus, Jean Marie Desbiens est navigateur et possède la goélette la Hope construite en 1826 avec laquelle il fait le transport du bois vers Québec.  Bien que tous deux soient originaires de l’Isle aux Coudres, ils sont établis à Murray Bay depuis bien longtemps. 

[126] BAnQ., Cahier 20 : Registre des Commissions et ordonnances rendues par Monsieur Hocquart intendant de Justice, police et finances en la Nouvelle france, le 28 Avril 1745 (4).  Le Roi rend une Ordonnance portant entre autres choses de défendre aux habitants de bâtir sur les terres, à moins qu’elles ne soient d’un arpent et demi de front sur trente à quarante arpents de profondeur.  Et dans : DOUTRE, Gonzalve et Edmond LAREAU. Le droit civil Canadien, Tome Premier (1492-1791).  Montréal, Éditions Alphonse Doutre, 1872, page 296. 

[127] La notion de clans familiaux présents et leur mode de vie sont décrits à travers les différents documents consultés au Musée de l’Amérique francophone et traitant de la seigneurie de l’Isle aux Coudres ainsi qu’aux lettres pastorales conservées aux Archives de l’Archevêché de Québec.  Ils sont décrits en détail par de nombreux auteurs déjà cités dont Boily, Cimon, Desjardins, Lalancette, Le Querrec et MARTIN. 

[128] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 11 novembre 1831. 

[129] Ibid., 25 juillet 1832. 

[130] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 20 novembre 1832 pour l’acte de vente et 29 juin 1833 pour la quittance. 

[131] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 janvier 1833.  Théotiste Simard est veuve de Joseph Labeaurière dit Laplante.  Après le décès du père de Marie Julie, elle épousera en troisièmes noces Pierre Belley en 1850. 

[132] TRUDEL, Marcel. Deux siècles d’esclavage au Québec, Montréal, Montréal, les éditions Hurtubise HMH, 2004, 405 pages. 

[133] COLLECTIF. « Élection du Saguenay », Journal Le Canadien. Québec, volume III, N0. 71 (18 octobre 1833), page 3. 

[134] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 30 septembre 1835. 

[135] Ibid. 13 septembre 1833 et 19 juillet 1835 et 19 février 1837 alors qu’Archange Desbiens, femme de Germain Hervé agit comme marraine au baptême de Jules Harvé (1837-1912), le fils de Joseph (1809-1869) chez Louis et de la petite-cousine Marie Émérentienne Dufour (1814-1883). 

[136] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 2, 9 et 23 août 1836. 

[137] ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011. Baie-Saint-Paul, Imprimerie St-Paul, « Les grandes familles de Charlevoix », volume 9, 2011, page 361.

[138] COLLECTIF. « Ordre général de Milice », Journal Le Canadien. Québec, volume VI, N0. 94 (14 décembre 1836), page 2. 

[139] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 1er août 1837. 

[139a] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Kane, 2 mai 1838.  Cité dans HARVEY, Francine. Hier… un siècle. Sherbrooke, Comité du centenaire de l’église Saint-Louis, H.L.N. inc., 1985, page 30.

[139b] A.A.Q., Visites diocésaines, 17 juillet 1839. 

[140] BOILY, Raymond, op. cit., page 40. 

[141] A.S.Q. Seigneuries 46, 46, 5 février 1979.  Vente par le Séminaire de Québec à la Corporation municipale de la Baleine d’une part de grève de 784 arpents de la paroisse Saint-Louis de l’Ile-aux-Coudres.  Et A.N.Q., GN. Minutier Robert Boudreault, 5 février 1979. 

[142] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 6 octobre 1840. 

[143] Ibid., 6 avril 1842. 

[144] Ibid., 3 août 1842, baptême de Joseph Harvé et 21 janvier 1840, baptême de Louis Didier Harvé. 

[145] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit., microfilm 004569589_00140.  Les trois recenseurs étaient résidents des Éboulements et utilisent déjà la forme Harvey du patronyme.  Tous les Harvé à l’Isle sont des descendants de Sébastien Dominique sauf un ; Narcisse Harvai à Michel chez André Laurent, fils de Pierre.  Les recenseurs ont déposé et signé le recensement le 24 octobre 1842. 

[146] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit., microfilms 004569589_00123 et 004569589_00128. 

[147] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit., microfilms 004569589_00124 et 004569589_00125. 

[148] SÉGUIN, Maurice.  La nation canadienne et l’agriculture (1760-1850). Montréal, Éditions Boréal express, 1970, page 70. 

[149] BOIVERT, Yves.  « La gardienne du paysage », La Presse, 7 juin 2018, section Actualités, écran 3. 

[150] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit., microfilms 004569589_00126, 004569589_00127, 004569589_00128 et 004569589_00132. 

[151] A.N.Q., GN. Minutier Crespin, 3 mai 1756. 

[152] BAnQ., « Report of the Commissioners appointed to inquire into the state of the Laws and other circumstances connected with the SEIGNEURIAL TENURE, [...] 4th October, 1843 », Appendice F, JALC, 1843 (ci-après JALC, 1843, Seigneurial Tenure) (A), no 25, Louis Harvey, 9 juillet 1842.  Le témoignage de Louis ne semble plus disponible dans sa version française telle qu’il l’a livré.  Le texte cité est donc une traduction libre de la version anglaise disponible. 

[153] A.S.Q., Séminaire S-165 et S-303. 

[154] COLLECTIF. « Nouvelle commission de la paix », Journal Le Canadien. Québec, volume VII, N0. 16 (13 juin 1842), page 2.

[155] MAILLOUX, Alexis. Promenade autour de l’Ile-aux-Coudres. Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Éditions Firmin H. Proulx, 1880, page 51.  Outre le fait que Mailloux exagère le nombre des garçons de Louis, il confirme tout de même la position de juge de paix qu’il occupe, une mention que l’on retrouve fréquemment dans les registres à compter des années 1840.  Mailloux démontre la grande vénération du haut clergé pour la couronne britannique, car le poste occupé par Louis était partout ailleurs décrit simplement comme juge à paix.  Mailloux aura sans doute comme à l’habitude succinctement vérifier les registres pour y noter les baptêmes des garçons de Louis sans toutefois réaliser que de ses huit fils, seul trois avait vécu suffisamment longtemps pour fréquenter l’école.      

[156] B.A.C., G., Recensement de 1842, op.cit. et MARTIN, op. cit, page 182 et 191. 

[157] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 28 janvier 1845. 

[158] PADREM QUÉBEC. Prosopographie des Administrateurs Dirigeants, Répertoire des Entités Municipales du Québec. Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres. [En ligne]. http://www.mairesduquebec.com/mairesduquebec/munic.php?id=1160 [page consultée le 29/12/2013].  Certaines sources non vérifiées mentionnent la date du 8 juin 1845.

[159] BAnQ., 2e législature de la province du Canada.  Loi municipale de 1845. « Acte pour abroger certaines ordonnances y mentionnées, et faire de meilleures dispositions pour l’établissement d’autorités Locales et Municipales dans le Bas-Canada ». (8 Vict., chap. 40). Montréal, Stewart Derbishire et George Desbarats, imprimeur des Lois de La Très-Excellente Majesté de la Reine. En dépit de l’Acte d’union sanctionné le 23 juillet 1840, l’appellation Bas-Canada continua à être utilisée pendant plusieurs années. 

[160] A.S.Q. Seigneuries 46, 33, 21 juin 1845.  

[161] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 février 1846. 

[162] A.S.Q., Seigneuries 46, 33 a. 

[163] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, 28 octobre 1826. 

[164] A.N.Q., GN. Minutier Charles Louis Napoléon Huot, 22 mars 1847. 

[165] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 30 avril 1847. 

[166] BAnQ., List of Officers of the Sedentary Militia of Lower Canada, 1862, Military District No 7 2nd Battalion, Charlevoix. Québec, Stewart Derbishire et George Desbarats imprimeur, 1863, page 111. 

[167] BAnQ., 2e législature de la province du Canada.  « Acte pour faire de meilleures dispositions pour l’établissement d’Autorités Municipales dans le Bas-Canada ». (10-11 Vict., chap. 7), 1847. 

[168] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 17 septembre 1847. 

[169] A.S.Q., Seigneuries 46, no 34A, 8 décembre 1850. 

[170] COLLECTIF. « Toronto correspondence of the Montreal Herald - petititons received by the Parliament », Journal Montreal Herald and Daily Commercial Gazette. Montréal, volume XLIII, N0. 80 (3 juin 1851), page 2. 

[171] ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011. Baie-Saint-Paul, Imprimerie St-Paul, « Les grandes familles de Charlevoix », volume 9, 2011, page de chronologie sommaire. Et : COLLECTIF.  Visite guidée de l’Isle-aux-Coudres.  Baie-Saint-Paul, Les Impressions Charlevoix offset inc., 1995, pages 6-7.

[172] A.S.Q., Séminaire, Terrier censier, page 373.  19 juillet 1851, lot 38. 

[173] A.S.Q., Séminaire, 10 juin 1850. 

[174] A.S.Q., Séminaire, Terrier censier du Fief et Seigneurie de l’Ile aux Coudres, volume 6, 1850-1854, Livre des comptes, page 12. 

[175] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté de Saguenay, sous-district de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, microfilm e002314773. 

[176] Aujourd’hui Saint-André de Kamouraska. 

[177] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-André du Sud, 18 septembre 1829, naissance de Lucie et Louise Ouellet, jumelles.  Et B.A.C., G., Recensement de 1851, comté de L’Islet, sous district de Saint-Roch-des-Aulnaies. 

[178] B.A.C., G., Recensement de 1851, op. cit., microfilms e002314747, e002314748, e002314759 et e002314761. 

[179] B.A.C., G., Recensement de 1851, op. cit., microfilms e002314770, e002314771 et e002314772. 

[180] B.A.C., G., Recensement de 1851, op. cit., microfilms e002314762, e002314763 et e002314764. 

[181] COLLECTIF. « Assemblée législative, Séance du 1er septembre 1852 », Journal Le Pays. Montréal, volume I, N0. 36 (16 septembre 1852), page 1. 

[182] A.S.Q., Plumitif du Séminaire, Manuscrit 13, f. 41 et Seigneuries 46, 42c, 22 juillet 1853. 

[183] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 25 février 1854. 

[184] BAnQ., Cadastre abrégé de la seigneurie de l’Isle-aux-Coudres, appartenant aux messieurs du Séminaire de Québec. Clos le 16 juin 1859, par Siméon Lelièvre, écuyer, commissaire. 

[184a] HARVEY, Francine. Op.cit., page 37.

[185] LADOUCEUR, Jean-Paul.  « L’avènement du régime municipal dans le Bas-Canada et dans le comté de Deux-Montagnes, 1840-1855 », Histoire Québec, Volume 11, numéro 3, (2006), pages 10-19. 

[186] PADREM QUÉBEC. Prosopographie des Administrateurs Dirigeants, Répertoire des Entités Municipales du Québec. Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres. [En ligne]. http://www.mairesduquebec.com/mairesduquebec/munic.php?id=1160 [page consultée le 29/12/2013].

[187] BAnQ., Institut généalogique Drouin, Prosopographie des administrateurs dirigeants et répertoire des entités municipales du Québec, Saint-Louis de l’Isle aux Coudres. 

[188] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 24 novembre 1856. 

[189] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 février 1857. 

[190] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 20 avril 1857. 

[191] COLLECTIF. « Vœux Publics »,  Le Journal de Québec. Québec, volume XVII, N0. 26 (3 mars 1859), page 3. 

[192] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, microfilm 4395559_00353 et recensement de 1881, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, microfilm e008153410. 

[193] B.A.C., G., Recensement de 1861, comté de Charlevoix, sous-district de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, microfilm 4108685_00297. 

[194] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 1er mars 1890.  Dans une version de la légende de Caya publié en 2008 dans le journal Le phare de L’Isle-aux-Coudres, on a fait état de sa vie d’une façon bien éloignée de la réalité.  Par exemple, on a écrit : « Son père possédait une terre à la pointe de l’Islet sur laquelle se retrouve une butte que l’on nomme aujourd’hui la Bute à Caya parce qu’Alexis y a vécu. En raison de la pauvreté, son père a dû hypothéquer ce bien et quelque temps après, Alexis devenait orphelin et héritier du bien. Lorsque la purge de l’hypothèque fut effectuée par Cénaris Harvey, il dut respecter la condition que l’héritier puisse vivre sur ce bien jusqu’à sa mort. »  Comme on l’a vu, Caya n’a jamais hérité des biens de son père, c’est plutôt son frère aîné qui en a hérité.  De plus, contrairement à ce qui est avancé, Cénaris Harvay hérita plutôt de cette terre à laquelle était attachée la condition de garde de Caya qu’il respecta comme l’avaient respecté son grand-père Louis et son père Maxime avant lui.  Caya n’est jamais demeuré seul dans une maison, il n’en avait pas la capacité.  Si on a fabulé avec des éléments vérifiables aux divers actes notariés, on peut se permettre d’être critique quand on lit la partie légende de l’histoire rapportée. 

[195] A.S.Q., Seigneuries 46, no 42D. 

[196] COLLECTIF. « Arrivages au Havre du Palais », Journal Le Canadien. Québec, volume XXX, N0. 10 (28 mai 1860), page 3.  Et COLLECTIF. « Arrivages au Havre du Palais », Journal Le Courrier du Canada. Québec, volume V, N0. 54 (10 juin 1861), page 3. 

[197] B.A.C., G., Recensement de 1861, comté de Charlevoix, sous-district de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, microfilm 4108685_00299. 

[198] B.A.C., G., Recensement de 1861, op. cit., microfilm 4108685_00297.  Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861 pour le Canada-Est. 

[199] B.A.C., G., Recensement de 1861, op. cit., microfilm 4108685_00298.  

[200] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Perron, 7 décembre 1865.  Cession par Germain Harvay à la Corporation scolaire de l’Isle aux Coudres. 

[201] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 14 janvier 1862. 

[202] Ibid., 7 mars 1863. 

[203] B.A.C., G., Recensement de 1921.  Près de douze pour cent de la population au recensement de 1921 et probablement plus de vingt pour cent de la population en 2019.

[204] MARTIN, op. cit., page 185.  Pour le tableau des patronymes à l’Isle aux Coudres en 1954.