Nelson Harvé  

(1896-1931)

Nelson Pierre Harvé de la quatrième génération de Hervy/Harvey quittera Montréal pour aller vivre à Chicago dans l’État de l’Illinois.  Né le 21 octobre 1896 dans la paroisse de Saint-Pierre de La Vernière à L’Étang-du-Nord aux Îles-de-la-Madeleine[1], Nelson est le cadet de onze enfants de Louis Harvey (1846-1927) à Casimire Harvy (1818-1868) chez François Hervy (1793-1881).

À une exception près, les Madelinots avaient attendu au lendemain de la Première Guerre mondiale pour s’intéresser au rêve américain.  Nelson sera l’un de ceux-là.

Après avoir passé son enfance sur les berges de L’Étang-du-Nord et son adolescence en mer avec son père qui était pêcheur, c’est au début de la vingtaine que Nelson se dirige d’abord à Côte-Saint-Paul, un quartier de Montréal où une forte concentration de Madelinots est établie.  Il y est commis depuis un certain temps alors que le 7 mars 1920 il tente une première incursion aux États-Unis avec un autre Madelinot de quarante ans[2].  Arrivé à la frontière de St Albans au Vermont, malgré la probabilité d’un fort accent francophone, il déclare être d’origine irlandaise et de langue anglaise[3]Nelson se dirige vers Détroit au Michigan.  De tous les états du Midwest américain, c’est le Michigan qui, à cette époque, attire le plus les Canadiens français.  Ils y sont plus de soixante milles, majoritairement concentrés autour de la ville de Détroit[4].  Joseph Harvey (1855-1937) avait aussi tenté sa chance au Michigan quarante ans avant lui.


Nelson reviendra à Côte-Saint-Paul en 1922, pour y travailler comme électricien, un métier qu’il a sans doute apprit aux États-Unis.  Il avait probablement fait la rencontre d’Imelda Brouillard (1903-1963) avant de s’être rendu aux États-Unis une première fois puisque dans un entrefilet des petites annonces du journal La Presse du 12 octobre 1922, on y apprend que Nelson avait agi la veille comme parrain pour un enfant d’un des frères d’Imelda, alors que cette dernière était marraine.  La cérémonie s’était déroulée à Sainte-Justine-de-Newton.

Huit mois plus tard, le 4 juin 1923, et à vingt-sept ans, Nelson épouse Marie Berthe Imelda à Sainte-Justine-de-Newton, un village de la Montérégie situé à soixante-quinze kilomètres à l’ouest de chez lui.  Imelda, vingt ans, est fille de cultivateur[5].  


Le couple part immédiatement s’établir à Chicago aux États-Unis où ils rejoignent des parents d’Imelda qui y sont déjà depuis un certain temps[6]En Illinois où il a choisi d’habiter, Nelson se retrouve à cinq cents kilomètres à l’ouest de Détroit où il avait travaillé trois ans plus tôt.  Il est ainsi à mille cinq cents kilomètres de Montréal et à près de trois mille kilomètres de sa famille aux Îles-de-la-Madeleine.  Par sa dimension, le lac Michigan qui longe sa ville d’adoption lui rappelle dans doute les eaux du golfe Saint-Laurent qui ont bercé son enfance. 

Nelson et Imelda s’installent d’abord dans un logement du secteur Humboldt Park à une dizaine de kilomètres du centre-ville, un peu à l’ouest du quartier des Canadiens français de Brighton Park.



Nelson et Imelda auront leur premier enfant à Chicago; Raymond Henry (1925-1976) naît le 15 janvier 1925.

La ville de Chicago s’agrandit, car sa population ne cesse de croître.  Le salaire d’électricien à l’Electrel permet à Nelson d’acquérir une propriété sise au numéro 3735 dans la partie nord de l’avenue Osceola, un nouveau secteur non loin du lieu où l’on établira l’aéroport O’Hare à la fin de la Seconde Guerre mondiale[7].

Cinq ans après son premier accouchement, Imelda donne naissance à son deuxième poupon; Carmen Claire (1930-2012) voit le jour le 19 février 1930.  La famille est toujours établie à la même adresse en Illinois et Nelson est toujours électricien[8].




L’aventure américaine de Nelson aura été de courte durée.  En septembre 1931, Nelson, maintenant à l’emploi d’Automatic Electric Company comme électricien-vendeur, se noie dans le lac Michigan avec un copain entrepreneur électricien originaire du Québec[9]Nelson s’était rendu à plus d’une centaine de kilomètres de chez lui dans l’état voisin de l’Indiana avec un groupe d’étudiants à l’invitation d’un prêtre qu’il connaissait.  Vers la fin de l’après-midi du 15 septembre, alors qu’il se baignait à Long Beach, il est emporté par un courant de fond[10]Nelson promit à un bel avenir, aurait pu vivre encore longtemps si l’on se fie à la longévité des membres de sa fratrie ; sa sœur Marine (1884-1991) vivra cent sept ans et sept mois ce qui en fera la centenaire la plus âgée chez les Harvey. 

Sa femme, accompagnée de ses deux jeunes enfants américains revient au Québec.  Elle ramène Nelson pour être inhumée dans le cimetière de la paroisse Sainte-Justine-de-Newton où il s’était marié[11].  Vivant chez ses parents un certain temps, elle se trouvera un emploi de coiffeuse à Montréal. 

En 1935, elle retourne à Chicago pour une période de deux mois, peut-être à la recherche d’un emploi.  Quoi qu’il en soit, elle revient au Québec pour une brève période, avant de s’établir à Windsor en Ontario où elle sera traductrice.  Sa fille étudie alors au collège UFC de Détroit, de l’autre côté de la rivière-frontière où elle lui rend visite régulièrement.  Le 10 mai 1943, Imelda traverse une dernière fois la frontière pour s’établir en permanence à Chicago et devenir citoyenne américaine[12]



Imelda Brouillard s’éteint d’un arrêt cardiaque chez son fils le 13 décembre 1963, à Long Island, New York.  Elle avait soixante ans.  Selon ses souhaits elle est ramenée à Saint-Justine de Newton au Québec où elle repose auprès de son mari[13]

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Ceci termine la section consacrée à l'exode des Harvey aux États-Unis.

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre de Lavernière, 21 octobre 1896.

[2] US Department of Justice, Immigration and Naturalization Services, Demande de naturalisation américaine, Imelda Brouillard, 10 mi 1943.

[3] U.S., Border Crossings from Canada to U.S., 1895-1960, St Albans, Vermont, Avril 1920, Nelson Harvey.

[4] LAMARRE, Jean. «Migration et présence des Canadiens français dans le Midwest : bilan historique et historiographique, Bulletin d’histoire politique, Volume 24, numéro 2, hiver 2016, page 121.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Justine-de-Newton, 4 juin 1923.

[6] 1930, Recensement fédéral américain, État de l’Illinois, comté de Cook, ville de Chicago, page 10 B.

[7] Plusieurs informations relatives au bref passage de Nelson aux États-Unis ainsi que les photos accompagnant le texte sont le résultat de recherches effectuées par Diane Harvey d’Austin au Texas, petite-fille de Nelson.

[8] National Archives and Records Administration Federal Population Schedules for the Fifteenth Census of the United States, Illinois, Cook County, Chicago, 4 avril 1930.

[9] COLLECTIF. «Mourn Lake Victim», The Chicago American. (16 septembre 1931), page 6.

[10] Indiana State Certificate of Death for Nelson Harvey, 19 septembre 1931.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Justine-de-Newton, 21 septembre 1931.

[12] U.S., Border Crossings from Canada to U.S., 1895-1960, Détroit, Michigan.  Manifestes de passage à la frontière, 4 septembre 1935-10 mai 1943, Imelda (Brouillard) Harvey.

[13] Death Index for the State of New York, 13 décembre 1963, Imelda Harvey et registre du cimetière de Sainte-Justine de Newton.