6. Dominique Romain dit Joseph Hervé

4.5.6 Dominique Romain dit Joseph Hervé (1768-1830), 4e génération 


Vingt mois après la petite dernière naît le quatrième fils de Pierre Hervé (1733-1799) et Marie Madeleine Tremblay (1733-1811).  En janvier 1768, ou à peu près naît celui que l’on appellera «Joseph» toute sa vie[1].  Lors du baptême, le curé Louis Chaumont de la Jannière (1700-1774) de Baie-Saint-Paul qui assure la déserte de l’Isle aux Coudres, ne mentionne que l’année de naissance.  Il fit de même pour toutes se
s inscriptions de l’année 1768[2].  La dernière inscription bien datée est celle du baptême d’Alexis Savard le 24 janvier 1768.  Cinq autres baptêmes non datés sont enregistrés avant celui de «Dominique Romain». La prochaine inscription précise est celle d’un baptême en janvier de l’année suivante.  Comme parrain pour Dominique Romain, les parents choisissent Dominique Hervé (1736-1812), oncle paternel de l’enfant; et Marie Thèque Tremblay (1742-1817), tante maternelle, est la marraine.  La naissance de Dominique Romain sera une autre occasion de festoyer dans la famille comme on aime le faire à l’Isle.

 

Les «substitutions aléatoires des prénoms proviennent du fait que, de trois ou quatre prénoms donnés au baptême, plus d’un ont survécu à l’usage, mais en alternance»[3].  C’était une pratique courante dans la région, mais le cas de Dominique Romain est différent. Bien que le registre de baptême ne mentionne aucunement le prénom Joseph, Dominique Romain sera nommé « Joseph Erver» lors de son mariage et « Joseph Hervai» à sa sépulture.  Il sera ainsi prénommé lors de tous les b
aptêmes et mariages de ses enfants ainsi que sur tous les actes notariés connus.  Celui qui est baptisé en cette année 1768 porte au registre deux prénoms différents de celui qu’il utilisera toute sa vie.  Comme l’État n’avait pas encore commencé à gérer la vie quotidienne de ces censitaires, chacun pouvait encore s’offrir le caprice de modifier son prénom sans demander permission, ce que fera «Dominique Romain» bien avant de débarquer à Murray Bay dans une vingtaine d’années.  Conséquemment, si des individus qui s’établiront à Saint-Étienne de Murray Bay et plus tard au Saguenay sont difficiles à suivre en raison de variations orthographiques et de mutations nominatives de leurs prénoms et de leur patronyme, le cas de Dominique Romain Hervé, dit Joseph, en est le plus bel exemple.


Dominique Romain est un sixième enfant d’une famille qui en comptera neuf.  Il a déjà sept ans lorsque naît le dernier de la famille en mars 1775.  L’enfance d’un insulaire de l’époque nous est peu connue.  Son père n’est pas marin et ses frères ne le seront pas non plus.  La terre que le père cultive a sans doute besoin de jeunes bras pour nourrir la famille.  Comme tous les enfants de l’Isle, outre le travail de la terre, Dominique Romain doit participer à la pêche, si essentielle dans l’alimentation de tous.  En période de disette, quelle que soit l’époque, quand la terre ne fournissait pas le blé pour produire la farine, la mer constituait la richesse première pour ces insulaires.

On peut présumer que Dominique Romain avait choisi de modifier son prénom à son adolescence.  Le 19 octobre 1785, alors qu’il a dix-sept ans, il est choisi comme parrain lors du baptême de Germain Boudreau (1785-1868).  Le père Pierre Joseph Compain (1740-1806), curé à l’île, l’inscrit à son registre comme «Joseph Hervé». [4] Il n’y a pas de doute sur son identité puisque dans une vingtaine d’années, Joseph sera témoin au mariage de Germain Boudreau et il sera alors identifié comme
parrain du marié. 

 

Du temps de l’adolescence de Dominique Romain, il est indéniable que le pouvoir d’attraction des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray ainsi que des paroisses de la Côte-du-Sud, agit fortement sur les jeunes de l’Isle aux Coudres, une aire de colonisation devenue saturée.  Dans une cinquantaine d’années, sur plus de deux cents hommes nés à l’Isle, cinquante-deux pour cent auront quitté leur vie d’insulaire.  Dominique Romain et ses frères, issus d’une famille qui ne pouvait assurer l’établissement de tous leurs enfants, seront parmi la première vague migratrice.

Le choix de quitter l’Isle aux Coudres que fera Dominique Romain très bientôt, est largement conséquence de la petitesse de l’île qui n’est plus en mesure d’accommoder convenablement sa population.  Au début des années 1770, ces messieurs du Séminaire de Québec avaient concédé les dernières terres qu’il y avait encore à concéder, celles de leur domaine qu’ils s’étaient longtemps réservées.  Son père est encore bien trop jeune pour laisser sa terre aux mains de l’un de ses fils et, même s’il décidait de le faire alors qu’il n’a pas encore soixante ans, André (1764-1831) quatre ans plus âgés que Dominique Romain, attend cette place depuis toujours.  De toute façon, Dominique Romain rêve probablement depuis un certain temps d’aller rejoindre les plus vieux de ses frères qui vivent une aventure palpitante, celle de coloniser la seigneurie de Murray Bay, comme son grand-père qui avait vécu celle de l’île quelques soixante-dix ans plus tôt.

Comme ses frères, Dominique Romain ne s’évadera pas de l’Isle avant sa majorité.  Le père semble avoir fait respecter la tradition voulant que les fils soient obligés à la famille jusqu’à leur majorité.  Aucun des fils de Pierre ne fera exception.  C’est donc probablement au printemps 1790 qu’il met définitivement les voiles pour parcourir les six lieues le séparent de la seigneurie de Murray Bay, où il a l’intention de s’installer.  S’il aboutit à Murray Bay, ce n’est pas par hasard, car ses frères Pierre (c.1759-1857) et Louis (1762-1842) de même que sa sœur Marie Jeanne (1766-1831) y sont déjà.  Comme pour tous les départs de l’Isle, c’est sur le réseau de parenté et de voisinage que comptera Dominique Romain; non seulement ils l’assisteront à son arrivée, mais ils seront des partenaires d’affaires dans le domaine forestier qu’il choisira bien vite après avoir débarqué sur ces terres impropres à la culture.

Une seigneurie écossaise hétéroclite

Lors de son arrivée dans le secteur de Murray Bay, la venue massive de colons francophones a déjà largement contribué à assimiler la vingtaine de membres de la communauté anglophone à majorité écossaise de Murray Bay et de Mount Murray[5] à qui le conquérant britannique avait accordé les terres des deux seigneuries[6].  De fait, à cause du manque de femmes provenant des îles anglaises, il avait suffit d’une seule génération pour que les enfants de la poignée d’Écossais et des quelques Anglais du secteur aient non seulement épousé la langue du pays, mais également, pour la plupart, la religion et les coutumes.  Il faut dire qu’à la même période, quelques anglophones ayant tenté l’aventure proposée par les seigneurs Nairne et Fraser avaient été désillusionnés et avaient migré vers d’autres régions de la colonie.  Un échec pour le seigneur Nairne qui avait tenté, depuis les tout débuts de la seigneurie, d’y implanter la mentalité écossaise et protestante.  Double échec pour cet Écossais têtu et d’un orgueil indomptable, car ses enfants ne parlent que français; une de ses filles avait épousé un catholique et l’autre un habitant sans statut[7].  Vaincu et faute de pasteur protestant, Nairne s’était résolu à faire baptiser ses enfants dans la religion catholique[8].  

Murray Bay dans les années de l’arrivée de Dominique Romain est toujours une communauté sans curé et où les mœurs sont souvent plus près de celles des maîtres et des Amérindiens que de ce que laissent transparaître les registres des paroisses établies.  Le nombre de baptêmes d’enfants nés de parents inconnus est élevé et les unions libres sont un peu la coutume du pays.  Le seigneur lui-même vécut vingt-trois ans en union libre et il vient tout juste d’épouser sa dulcinée en 1789.  Ainsi, en août 1791, le curé Duchouquet desservant l’endroit baptise un enfant né, comme tant d’autres, d’une union libre, «le père a été Jacques Duchaine et la mère felicitte imbaux qui ont reconnus tous deux pour être à eux et comme héritiers dans tous les biens quils ont et quils pourront avoir...»[9].

L’octroi des deux seigneuries à des officiers écossais en 1762 devait être fondé sur la triple exploitation de la terre, de la forêt et de la mer (pêche au marsouin).  Dominique Romain vivra cependant l’essor de l’endroit qui prendra son élan avec le début des années 1800 et qui sera consacré à l’exploitation tous azimuts de la forêt, afin de répondre aux nouveaux besoins britanniques.

C’est le 9 novembre 1791 que Dominique Romain Hervé, dit «Joseph» sur la terre ferme, fait sa première apparition dans les registres à Murray Bay.  Il assiste alors au mariage de François Simard (1765-1843) et de Marie Magdeleine Emerentienne dite Marie Anne Boulianne (1770-1837).  Marie Magdeleine Emerentienne est une de ses petites-cousines, fille de Louis Marie Boulianne dit le Suisse (1740-1824).  Sa mère, Marie Anne Tremblay (1741-1770), morte à l’accouchement, était la cousine de la mère de Dominique Romain.  Marie Magdeleine Emerentienne est également la belle-sœur de Marie Jeanne Hervé sa sœur, puisqu’elle est mariée à Louis Boulianne (1766-1836).  Elle sera également sous peu sa propre belle-sœur ce qu’il sait déjà probablement.  Dominique Romain signe alors «Joseph Erver».  (Il sera donc prénommé Joseph à partir d’ici, dans ce texte.)  Joseph est alors le seul des nombreux participants à ce mariage à signer le registre, «les autres ont déclaré ne le savoir».  On ne sait pas grâce à qui il avait appris à écrire puisqu’aucune école n’existait du temps où il vivait à l’Isle aux Coudres.  Peut-être l’avait-il appris d’un des Desgagnés voisins à l’Isle aux Coudres.  Tous ces Desgagnés savaient lire et écrire; l’un d’eux sera même le premier instituteur de l’île[10].

En vendant «le vieux bien», la famille de Louis Marie Boulianne dit le Suisse avait tout quitté à l’Isle aux Coudres en 1790[11]«Si les familles voulaient survivre, en tant qu’entité familiale, elles n’avaient pas d’autre choix que de se départir de leurs biens et, avec la vente de ceux-ci, acquérir une nouvelle terre sur le front pionnier, espérant ainsi pouvoir suffire à leurs besoins.»[12]  Ce choix, le père de Joseph ne l’avait pas fait, avec comme résultat que que sept de ses neuf enfants quitteront l’Isle.

Deux jours après avoir assisté au mariage d’une Boulianne, Joseph est choisi, le 11 novembre 1791, comme parrain du premier enfant de son frère Pierre.  La nouvelle née «Elisabeth Erver» (1791-1865) a pour marraine Elizabeth McNicoll (1762-1818).  Joseph signe comme il l’avait fait l’année précédente, «J. Erver» [13].  François Raphaël Pâquet (1762-1838), curé des Éboulements qui dessert la paroisse «St Étienne de murray baye», avait toujours écrit le patronyme sous la forme «Arvé».  Avait-il été influencé par la manière dont Joseph signait? Quoi qu’il en soit, il choisira désormais la forme «Erver».  Comme à l’Isle aux Coudres le patronyme s’écrit toujours «Hervé» et pour longtemps encore, il faut donc présumer que Joseph a fait l’apprentissage de sa signature depuis son arrivée à Murray Bay. Peut-être l’a-t-il appris de Julie Bouchard (1772-1840), sa belle-sœur mariée à son frère Pierre.  Il est probable que ces Bouchard aient tous su lire et écrire, car Geneviève Desgagnés (1737-1811), mère de Julie Bouchard, savait écrire comme tous les Desgagnés de l’Isle aux Coudres à l’époque[14].  Lorsqu’en 1831, on ouvrira enfin une petite école dans le rang au sud-ouest de la rivière Murray où demeurent les frères aînés de Joseph, ce sera André Bouchard (1805 — ), neveu de Julie Bouchard, que l’on choisira comme maître d’école.  Si Joseph a appris de sa belle-sœur, cela voudrait sûrement dire que c’est chez Pierre qu’il s’est réfugié lors de son arrivée à Murray Bay, passage obligé chez l’aîné pour s’organiser.

On ne sait pas exactement où Joseph s’établit à son arrivée à Murray Bay.  On peut présumer qu’il a d’abord logé et travaillé pour l’un de ses frères, l’aîné Pierre probablement, puisque c’est un peu à lui que revenait la tâche d’épauler l’établissement des membres de la fratrie quand ils quittaient leur île.  Quoi qu’il en soit, on le retrouvera, dans quelques années comme ses frères Michel (1771-1810) et Jean (1775-1813), dans la concession du ruisseau des Frênes[15]

Joseph assistait peut-être au baptême de l’une de ses nièces le 20 juin 1792 dans la chapelle Saint-Étienne.  Sa sœur Marie Jeanne avait choisi comme marraine de sa première fille, sa belle-sœur «Marie Geneviève Boulianne» (1771-1828), fiancée à Joseph.  Lors de la cérémonie on nomma l’enfant elle aussi, «Marie Geneviève Boulianne» (1792-1846) comme sa marraine[16].

Une alliance avec une famille proche du conquérant

Joseph, comme tous les Hervé de sa génération d’ailleurs, n’a pas connu la guerre de Sept Ans.  Il est né près de dix ans après la conquête d’une génération de parents pacifiques dont l’horizon se limitait en grande partie à la famille, la terre, la pêche et la paroisse.  Joseph n’a pas connu les années où la population fut occupées à reconstruire après les ravages de la guerre, après que femmes et vieillards sortirent du fond des bois traînant leurs petits et que les miliciens furent enfin de retour.  Il s’accommode donc comme tant d’autres des alliances qui se sont formées avec les maîtres Écossais.

La famille à laquelle Joseph s’apprête à s’unir fut alliée avec les conquérants en 1759.  Le grand-père de la promise, un huguenot ayant abjuré, avait gagné le parti de l’anglais à l’Isle aux Coudres lors de la conquête.  En plus d’avoir secrètement apporté son aide au général Wolfe et à son armée pour se rendre à Québec, il révélera à l’ennemi que le gouverneur avait relâché les hommes de la milice le temps des récoltes.  Sa tête fut alors mise à prix par le gouverneur Vaudreuil.  Son fils unique, Louis Marie Boulianne, profitera largement de l’amitié du père avec le seigneur Malcom Fraser et ce dernier lui voue déjà toute sa confiance. 

Mais revenons en août 1792, au moment où le père de Joseph, et son oncle Dominique lequel est aussi son parrain, s’embarquent pour «la Murray Baie» afin d’y célébrer son mariage et celui de son frère Louis.  Comme les frères Pierre et Dominique ont déjà bon nombre de leurs enfants à cet endroit et que ce dernier est navigateur, ce ne devait pas être leur première visite à «la Murray Baie».  Le 6 août, «Joseph Erver» s’unit donc à sa petite-cousine «Marie Geneviève Boulianne» (1771-1828).  Il a vingt-quatre ans alors que Marie en a vingt et un[17].  Si Marie Jeanne, sœur de Joseph, avait épousé un enfant du premier lit de Louis Marie Boulianne, dans son cas il épousait l’aînée du deuxième lit, fille de Geneviève Caron (1748-1831).  Ainsi la présence de Joseph au mariage de Marie Anne, sœur de Marie Boulianne, l’année précédente n’était pas fortuite.  Bien que les familles Boulianne et Hervé habitaient aux bouts opposés de l’Isle aux Coudres, Joseph devait avoir remarqué la jeune fille du bout d’en haut, à l’église ou plus certainement lors de ses visites chez son oncle et parrain Dominique qui en était voisin.  Cette journée-là, son frère «Louis Erver» épouse «Catherine Peron» (1771-1813).  Tous les Hervé de Murray Bay sont présents[18]Joseph, bien entendu, est encore le seul à signer le registre.  De fait il est le premier Hervé connu à savoir signer depuis le grand-père Sébastien, qui était allé à l’école administrée par le Séminaire à Québec.

Marie Boulianne et Joseph Hervé auront quatorze enfants dont neuf survivront à leur enfance.

La première à voir le jour est «Marie Théotiste Erver» qui naît le 29 avril 1793.  La petite est ondoyée à sa naissance en l’absence du curé des Éboulements qui assure la desserte.  L’enfant est amené à la première chapelle Saint-Étienne sept jours plus tard pour y recevoir le baptême.  Le couple choisit pour parrain Michel Hervé, oncle paternel de l’enfant.  La marraine est la grand-mère maternelle, Geneviève Caron.  Joseph est encore le seul à signer le registre[19].  On ne sait pas ce qu’il adviendra de Marie Théotiste.  Absente de tous les registres de la colonie après sa naissance, elle est assurément décédée avant septembre 1806, alors que sa mère donne naissance à un autre enfant que les parents prénommeront de nouveau Théotiste.  Il est pratiquement certain que l’enfant est décédé entre le 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803, une période historique silencieuse, «les registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlés dans l’incendie du presbytère»[20].

Les curés de Murray Bay contribueront à l’anglicisation du patronyme Hervé, mais il faut reconnaître que ce qu’ils ne manqueront pas de faire l’inverse pour des patronymes anglophones, favorisant ainsi l’assimilation des colons britanniques de Murray Bay.  En 1793 par exemple, lors du baptême d’un enfant du navigateur écossais et fermier du seigneur, John Hewett (1760-1850)[21] et de son épouse de même nationalité, Mary MacDonald (MagDohal) (1760-1835), le curé Pâquet inscrit «Marguerite Hervé» comme nom de l’enfant.  Évidemment, pour soutenir son raisonnement Pâquet nomme les parents comme étant «Jean Hervé» et Marie McDougall»[22].  Il fera de même trois ans plus tard, lors du baptême d’un autre enfant du couple.  Cette fois-ci, il écrira «Sophie Hervet»[23]. 

L’arrivée d’un certain nombre de soldats écossais démobilisés, perdus dans un coin de pays où aucune Écossaise n’avait encore mis les pieds et où peu le feront, avait fait apparaître dans les registres de Saint-Étienne un nombre démesuré de baptêmes d’enfants nés de «parents inconnus».  Les seigneuries de Murray Bay et Mount Murray furent, dès le tout début, propices aux mariages «à la mode du pays» comme certains missionnaires désignaient les unions libres.  On peut compter, dans les registres des missionnaires ou desservants de Saint-Étienne, une inscription d’enfant dit «illégitime» ou né de «parents inconnus», tous les vingt-quatre mois en moyenne, et cela sans compter les huit enfants illégitimes du seigneur Nairne qui se traîna les pieds jusqu’en 1789, avant de se marier dans une église protestante de Québec.   Il en allait ainsi également pour plusieurs enfants nés de mariages que les missionnaires diront «légitime», mais pour lesquels on ne retrouve l’inscription des mariages dans aucun registre.  Les desservants et curés catholiques réservaient un traitement différent à Nairne, en acceptant de baptiser sans aucunement faire mention du statut d’«illégitime» les rejetons de ce seigneur protestant, alors qu’il vivait encore en relation libre.  Les membres du clergé faisaient ainsi pour les autres colons Écossais.  La douzaine d’enfants issus de la relation libre entre Hugh Blackburn (1746-1833) et Javote, dite Geneviève Gagnon (1742-1835), allaient recevoir le même traitement exceptionnel.  Ainsi allait la vie pour le clergé qui n’avait d’ascendant que sur les colons issus de la Nouvelle-France.  Il ne faudrait cependant pas associer uniquement les Écossais à cette situation propre à Murray Bay.  Les nombreux trafiquants de fourrures du Domaine du Roy de passage et certains colons d’ascendance française qui avaient développé des habitudes inusuelles dans un milieu vide des contraintes religieuses de l’époque, furent également contributeurs du nombre élevé de cas en comparaison des paroisses avoisinantes.  Il faut dire que l’endroit avait commencé fort différemment des vieux lieux de colonisation.  Notons par exemple que le premier baptême enregistré à «la malbaye», du temps du Régime français, avait initié la pratique.  Michel Pierre Laure, jésuite destiné aux missions chez les Montagnais du Domaine du Roy venait d’être assigné à la fonction de missionnaire résidant aux Éboulements[24] ; le 6 mars 1737 il inscrivit dans son registre «Rite baptisatus est padre Laure in praedio gallice la malbaye Basilius ex Maria Joseph Miskot et ex galloconjunxione illicita natus (né d’une union illicite) fuit a Blouin et la Golin gallis nominatus»[25].  Avant la fin du siècle, la famille du seigneur Nairne de Murray Bay avait pris l’habitude de parrainer en quelque sorte les naissances issues de telles unions libres.  Lors des naissances découlant de l’union dite «illicite» des Fraser et des Nairne avec des gens du pays, on affublait les enfants du patronyme «Murray», du nom de la seigneurie, comme on l’a fait une première fois le 2 août 1794, lors du baptême d’«Ignace Lazare illégitime» qui deviendra «Ignace Murray»[26].  Ragots aidant à la sortie de la chapelle le dimanche, Joseph devait être fort au courant de la liaison qu’entretenait Geneviève Hamon (1750-1824), belle fille de sa tante Rose Hervé (1730-1816), avec Malcom Fraser, seigneur de Mount Murray, liaison de laquelle était issu l’illégitime Ignace Murray (voir 11-1.1, La belle-fille de Rose Hervé).  «La mode du pays» s’étendait également aux unions de femmes autochtones avec des Écossais, des Anglais et un bon nombre de colons francophones.  Tous n’avaient pas pris le soin de passer dans la chapelle d’un missionnaire dans un poste du Domaine du roi comme l’avait fait François Verreau (1760-1825), un navigateur établi à Murray Bay, qui avait épousé Marie Petsiamis Kueu en 1786 à Tadoussac[27]

C’est au milieu de ce même été 1794 que Marie Boulianne donne naissance à son second enfant.  Le 5 août naît une deuxième fille.  Comme le curé des Éboulements est reparti dans sa paroisse la vielle[28], la sage-femme l’ondoie pour la protéger dans l’attente du retour de l’ecclésiastique.  «Marie Julienne Erver» est baptisée vingt-six jours plus tard alors que le parrain Louis Desgagné (1770-1815) et la marraine Marie Jeanne Hervé, tante de l’enfant, le portent à la chapelle Saint-Étienne[29].  Louis Desgagné, qui avait été un voisin insulaire, est un copain d’enfance de Joseph.

Marie Julienne Erver

À l’adolescence, Julienne devenue par la force des choses l’aînée chez Joseph et Marie, est déjà en âge de se faire connaître et d’attirer peut-être l’attention d’un prétendant.  Au printemps 1808, elle est choisie comme marraine d’un enfant de son parrain Louis Desgagnés et de son épouse Charlotte Boudreau (1774-1856), sœur de sa tante Esther, mariée à l’oncle Louis Hervé et de Germain Boudreau, filleul de son père, tous demeurant dans la concession du ruisseau des Frênes[30].   Si l’on venait de tenter un rapprochement entre Julienne et le parrain, le cadet Pierre Boudreau (1790-1871), le stratagème ne fonctionna pas puisque ce dernier choisira plutôt sa cousine Marie Herver (1794-1879) comme épouse dans quelques années.  Julienne préférera comme époux Jean Benoni Gaudreau (1792-1837) en 1812[31].  Le couple aura sept enfants.  Comme bien d’autres femmes de l’époque, Julienne décédera le 2 décembre 1827 lors d’un accouchement, dans la paroisse qui l’avait vu naître[32].  Deux ans plus tard, Jean Benoni Gaudreau qui a plusieurs jeunes enfants sur les bras, épouse en deuxièmes noces Angèle Desgagné (1801-1857)[33], fille de Louis, parrain de Julienne à son baptême.

Lorsqu’au deuxième jour de l’automne 1794 son frère Michel s’unit à Marie Magdeleine Côté (1774-1857) en l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul, Joseph rejoint ses parents venus de l’Isle pour assister à la cérémonie[34].  Comme le voyage en barque à voile entre Murray Bay et Baie-Saint-Paul à cette période de l’année n’était pas très éprouvant, Marie Boulianne qui avait accouché au début du mois précédent, en avait peut-être profité pour faire sa première sortie, mais nous ne le saurons jamais, car les ecclésiastiques, tout comme la société civile d’ailleurs, n’accordaient pas encore une très grande place aux femmes.

En juillet 1795, Joseph devait être présent à la chapelle Saint-Étienne, car tous y étaient, pour la cérémonie funèbre de François Tremblay, six ans, «tué en jouant au moulin à blé»[35].  Le grand-père de l’enfant, Joseph Tremblay (1728-c.1811), était le fils issu d’un viol commis par l’un des fils du seigneur des Éboulements qu’avait subi Agnès Bouchard.  Agnès Bouchard (1709-1743) fut la seconde épouse de Sébastien Hervé (1695-1759), grand-père de Joseph (voir 06-14. Agnès Bouchard).

C’est le 15 avril 1796 que se présente une troisième fille dans la famille.  «Marie Geneviève Herver » est baptisée dix jours plus tard.  Les parents choisissent François Boulianne (1778-1869) comme parrain.  L’oncle de l’enfant, comme son père d’ailleurs, deviendra sous peu l’homme de confiance le plus apprécié du seigneur de Mount Murray, Malcom Fraser (1733-1815).  Charlotte Gagné (1779-1829) est la marraine choisie[36].   Cette dernière deviendra la belle-sœur d’un des membres de la fratrie, mais pour l’heure, elle est une fille du voisin de Pierre, l’aîné de Joseph.  L’orthographe du patronyme de l’enfant n’est pas une erreur, le curé Pâquet écrivait alternativement, sans grand ordre, le patronyme sous les formes «Erver» et «Herver».

À cette époque, la forêt est de plus en plus exploitée; uniquement à Murray Bay, on comptera déjà trois moulins à scie en 1801.  Dix ans plus tôt, il n’y en avait qu’un avec celui du seigneur Malcom Fraser[37].  De plus, en 1797 on construit un moulin à farine à proximité du moulin à scie appartenant à Fraser et c’est Louis Marie Boulianne, le beau-père de Joseph, qui est chargé des travaux[38].  En constatant la proximité de la famille avec l’entreprise forestière de Malcom Fraser, on se doute bien d’où Joseph tire ses revenus depuis son arrivée dans la région.

Au printemps 1797, Marie Boulianne est choisie comme marraine de l’enfant d’un couple natif de l’Isle.  Le père, Louis Degagné (1770-c.1819), a été voisin de Joseph dans le hameau de La Baleine et par son âge probablement ami d’enfances.  La mère, Charlotte Boudreau (1774-1856) était de l’une des familles d’Acadiens arrivées sur l’île après un bref passage à Saint-Joachim, à la suite de la longue marche qu’ils avaient entreprise comme tant d’autres pour fuir la Déportation qui avait précédé conquête de la Nouvelle-France.  Elle est aussi la belle-sœur de Louis, frère de Joseph.  Les liens unissant les «gens de l’Isle» se maintiendront pendant quelques générations à Murray Bay et Mount Murray[39].

Un des premiers colons écossais de la seigneurie, Georges Thompson (1727-1797), décède le 23 avril 1797. Thompson est sans nul doute l’un des cinq Highlanders qui avaient accompagné John Nairne à l’automne 1761 lorsqu’il prit possession de la seigneurie de Murray Bay avant qu’elle ne lui soit officiellement accordée deux ans plus tard.  Il est l’un de ces Écossais à avoir, vers 1770, épousé une Canadienne «à la mode du pays»[40]; Charlotte Dufour (1745-1835) avait rencontré Thompson alors que son père, Joseph Dufour (1709-1774), était le dernier fermier de la «ferme de la malle baye», celle «de la Comporté», sous le régime français.  Sans trop que l’on sache pourquoi, Georges Thompson est inhumé deux jours plus tard «dans le cimetière sur la butte à Bona».  Quelques-uns seront inhumés à cet endroit plutôt qu’au cimetière paroissial sans que l’on ne puisse établir un motif commun au choix de ce lieu[41].

En septembre, Marie Boulianne, enceinte de sept mois, est choisie comme marraine au baptême du deuxième enfant de son beau-frère Michel Hervé, «Marguerite Herver» (1797-1828)[42]

Le quatrième enfant de la famille voit le jour le 17 novembre 1797 lorsque Marie met au monde sa quatrième fille.  Lors du baptême le lendemain, le nouveau curé résident, Joseph Benjamin Keller (1765-1836), fraîchement débarqué dans la paroisse le mois précédent, inscrit «Elizabeth Hervez» comme nom de l’enfant.  Ce prêtre était né à Québec d’un père d’origine britannique qui s’était d’abord établi en Pennsylvanie avant de faire partie des troupes d’invasions lors de la conquête.  L’abbé Keller avait anglicisé le prénom Elisabeth en «Elizabeth», mais il avait transformé le patronyme français Hervé en «Hervez»Elizabeth sera la première parmi les Hervé à voir son patronyme ainsi transformé.  Les parents choisissent André Tremblay (1770-1820) comme parrain de l’enfant.  Ce dernier est un petit-cousin par son père, puisque son grand-père était le frère de Rosalie Tremblay (1699-1740), épouse de Sébastien Hervé (1695-1759), grand-père de Joseph.  Thècle Tremblay (1742-1817), mère de la femme du petit-cousin est la tante maternelle de Joseph.  «Marie Symard», la marraine, est probablement Marie Sophie Simard (1767-1832) que l’on retrouve dans les registres comme sage-femme au même titre que Procule Guay (1748-1820)[43].  Les deux femmes se partageaient cette importante tâche à l’époque.  Si l’accouchement fut difficile, ce dont on présume puisque l’enfant décédera le lendemain, le mérite d’avoir sauvé la mère et temporairement l’enfant, valait bien l’honneur d’être marraine.  Keller inscrit à son registre « … qui déclaré ne savoir signer»[44].  Cet abbé, qui peinait à écrire le français correctement, ne laissera pas à Joseph la possibilité de signer, contrairement à son prédécesseur, l’abbé Pâquet.  Il voyait probablement tous ses paroissiens comme des illettrés.  De fait, Joseph ne sera pas le seul à savoir signer et à être ainsi considéré.  Dans les onze pages du registre, entre son arrivée le 11 octobre 1797 et son départ précipité le 29 septembre 1799, Keller n’aura considéré que deux personnes assez importantes à ses yeux et aptes à signer, l’une d’entre elles est l’Écossais Hugh Blackburn (1746-1833) et l’autre Pierre[45], fils de Germain Dufour (1754-1814).  À Murray Bay, ce dernier fut l’homme de confiance du seigneur Malcom Fraser dans les années 1770-1780, alors qu’il vivait sur la Côte-du-Sud et administrait Mount Murray par procuration[46].

En plus de leur fille Elizabeth qui n’a vécu qu’une journée, il y aura aussi Marie Geneviève dite Marie dont la vie sera courte; elle n’a pas encore deux ans lorsqu’elle décède le 9 mars 1798.  Joseph et Marie qui viennent de perdre leur second enfant n’en ont plus que deux[47].  Ils ne perdent pas espoir cependant, car Marie Boulianne est enceinte de quelques mois au moment du décès de la petite.

Bien que de moins en moins, à l’époque, les autochtones visitent toujours Murray Bay.  Ils y viennent pour pêcher et chasser ainsi que pour y trafiquer un peu de fourrures avec certains habitants comme ils le faisaient autrefois avec Charles Brassard (1727-1789) et comme le fait encore Hugh Blackburn[48] malgré l’interdiction des seigneurs et surtout, pour ceux qui ont adopté la religion du premier conquérant, y recevoir les sacrements puisque les missionnaires se font rares dans le Domaine du Roy.  À l’exemple de «Montagnais» qui l’avaient fait l’automne précédent[49], le 3 juillet 1798 débarque un nombre important de membres de la nation Micmac qui viennent entre autres, pour faire enterrer trois des leurs[50].  En admettant que le curé Keller les ait adéquatement identifiés, on ne sait pas ce que faisaient ces représentants de la nation Micmac si loin de leurs territoires de l’est du pays.  On les voyait à l’île d’Anticosti, mais plus moins souvent plus à l’est.  Pourtant, Fraser et Nairne dans les écrits qu’ils nous ont laissés, les mentionnent comme des visiteurs occasionnels et comme on le verra, ils seront plutôt des visiteurs réguliers[51].  Leurs visites semblent coïncider le plus souvent avec l’administration d’un sacrement de baptême ou d’une sépulture dans les registres de Saint-Étienne.  Il faut noter qu’avec la création de la province du Nouveau-Brunswick en 1783, pour satisfaire les quatorze mille loyalistes britanniques ayant fui les États-Unis, plusieurs membres de la nation micmaque, alliés des Français, furent poussés hors de leur territoire traditionnel par la pression que les nouveaux colons exerçaient sur eux.  Ce même été, l’évêque de passage à Murray Bay confirmera une dizaine de Montagnais[52]

La cinquième fille du couple naît le 6 octobre 1798, seulement dix mois après la dernière.  Maintenant que la paroisse à un curé, l’enfant est baptisé le jour même. «Émerance Hervez» est portée à son baptême par sa marraine «Émerance Savard» (1778-1847) accompagnée de l’oncle et parrain de l’enfant, Bernard Boulianne (1780-1837).  Bien évidemment, Joseph n’est toujours pas invité à apposer sa signature au registre.  Si le seigneur Nairne, un protestant, entretenait de bonnes relations avec le curé catholique en raison sans doute du fait qu’il partageait avec ce dernier une certaine culture, le curé Keller de son côté semble considérer qu’aucune de ses ouailles ne méritait une telle considération[53].  La petite Émerance décède deux jours plus tard et est portée en terre par le père et le bedeau «Girard» comme le nomme avec condescendance le curé Keller[54].

Tôt au printemps 1799, «Marie Magdeleine Hervé» (1773-1817), sœur cadette de Joseph, épouse «Jean François Savard» (1774-1857) dans la chapelle Saint-Étienne.  Les parents de la mariée ont fait le trajet en barque depuis l’Isle aux Coudres pour assister au mariage de ces deux natifs de l’Isle.  C’est assurément une occasion de festoyer pour Joseph et les sept membres de sa fratrie établis à Murray Bay[55].

Depuis son établissement à Murray Bay, Joseph a sans doute passé tous les étés à travailler sa terre, car il fallait bien nourrir la famille.  Cependant, le plus clair de son temps pendant les longs mois d’hivers il le passa comme bien d’autres à gruger la forêt pour fournir les moulins à scie, celui de John Nairne opérant depuis 1774 et ceux de Malcom Fraser mise en service en 1792 et 1798.  Cette activité était déjà de loin la plus rentable pour Joseph. Comme on l’a vu dans la vie de ses frères Pierre et Louis, les ententes d’abattage entre les seigneurs et les censitaires étaient encore verbales à l’époque, un peu en raison de l’absence de notaires dans le secteur, mais surtout en raison du petit nombre de censitaires et de la foi des seigneurs en la parole de leurs débiteurs.  On ne retrouve donc pas de preuve concrète des activités de Joseph à cette époque, mais dans ce cas, à l’inverse du dicton, l’avenir est garant du passé, comme nous le verrons.  Joseph est le gendre de Louis Marie Boulianne, lequel détient le bail d’exploitation du «moulin de la Comporté» de Malcom Fraser depuis 1794, bail qui sera repris par son beau-frère François Boulianne (1778-1869) plus tard; parions que Joseph achemine son bois d’abattage à l’un des moulins de Malcom Fraser, peut-être son deuxième, celui de la rivière Jacob (face au centre-ville de Clermont aujourd’hui) qui, de surcroît, est beaucoup plus près de chez Joseph que celui de Nairne à la rivière Mailloux[56].

IIl n’aura fallu encore que dix mois pour que Marie Boulianne accouche d’un autre enfant le 14 septembre 1799.  Elle est sans doute délivrée de ses douleurs par Procule Guay qui, comme sage-femme, semble avoir pris le monopole des accouchements dans la famille.   «Marie Hervez» est baptisée par l’abbé Keller.  Les parents choisissent «Louis Marie Boulianne grand-père de l’enfant», comme parrain et Catherine Perron (1771-1813), la belle-sœur, mariée à Louis Hervé, comme marraine.

Marie Hervez

En 1820 Marie Hervez épousera «Germain Godreau» (1798-1877) fils de Jean dit Poulet.  Poulet fut l’un des meneurs de la pêche à marsoins tendue au Heu, dans la seigneurie voisine, sans la permission du seigneur au début du siècle, une bataille que le seigneur Fraser perdra en cour.  Le couple aura onze enfants tous nés à Murray Bay.  C’est à même leur terre sur la rivière Murray près de la chute que Germain et Marie autoriseront les frères Cimon, marchands, à construire un moulin à scie en 1852, moyennant une généreuse rente annuelle[57]Marie et sa famille quitteront La Malbaie quelques années plus tard pour s’établir au Grand-Brûlé.  Elle décédera le 23 janvier 1864 sur sa terre d’adoption au Saguenay[58].

La cure de Saint-Étienne en mouvance

Une dizaine de jours après le baptême de Marie les paroissiens voient enfin partir l’abbé Keller qui avait si peu de considérations pour la grande majorité des colons d’origine française.  Par exemple, il appelait ses bedeaux, «Girard et Gravel» faisant fi de leur prénom comme il le faisait aussi pour les témoins lors d’obsèques[59].  Si, pendant ses trois ans à Murray Bay, il leur avait démontré peu d’amour, ses ouailles n’en avaient guère plus

à son égard.  L’association apparente de Keller avec les seigneurs écossais de Murray Bay et de Mount Murray et son attitude envers ses paroissiens écourteront son séjour à Murray Bay.  Le 20 octobre 1799, les paroissiens de Murray Bay et Mount Murray, maintenant libéré du curé qui n’avait pas leurs faveurs, assistent avec bonheur à l’arrivée de l’abbé Marcheteau, «curé des Éboulements desservant la mal-baye».  Ils déchanteront rapidement, mais au moins ceux qui savent écrire regagnent le droit d’apposer leurs signatures dans le registre du curé, sans qu’ils soient déclarés arbitrairement «tous illettrés» comme du temps de Keller[60].

Preuve que les autochtones sont encore régulièrement présents à Murray Bay, un an après la visite documentée d’autochtones micmacs, «une sauvagesse montagnaise» est baptisée dans la chapelle Saint-Étienne.  «Marie Anne Kaouetesnek» née «de père inconnu» a pour parrain le jeune «sieur Antoine Riverin» (1777-1859), un navigateur qui se taillera une place parmi la petite bourgeoisie naissante de l’endroit, comme son père l’avait fait avant lui.  La grand-mère de l’enfant, de la même nation que lui, sert de marraine lors du baptême le 24 novembre[61].  On ne sait pas depuis combien de temps le groupe d’autochtones accompagnant cette grand-mère, la mère et l’enfant attendait le passage du curé à Murray Bay.  Le dernier passage du desservant datait du 5 novembre.  Les autochtones étaient donc arrivés après puisque l’enfant était né au début d’octobre.  Ces derniers devaient avoir profité de l’attente pour tendre quelques pêches et chasser le gibier comme en font état les deux seigneurs dans leurs nombreuses correspondances. 

Marie Boulianne est souvent marraine d’enfants pour ses frères et sœurs.  Ainsi, encore une fois au tournant du siècle, elle est choisie pour le premier enfant de son frère Joseph Boulianne (1775-1860) et de sa belle-sœur Thérèse Simard (1777-1837)[62]. Cette dernière est une fille de la sage-femme Procule Guay.  Les liens étroits qui unissent Joseph et sa sœur Marie Jeanne aux Boulianne serviront les intérêts d’affaires de Joseph et de tous les Hervé vivants dans les deux seigneuries, puisque les Boulianne sont très près de Malcom Fraser.

Les écarts de conduite du curé desservant Marcheteau commencent déjà à faire jaser dans la seigneurie, mais ne l’empêcheront pas d’être choisi comme parrain d’un enfant en ce printemps 1800, un cas d’espèce en cette paroisse[63].  Ce prêtre est celui «qui, ayant pris en affection deux ou trois femmes de l’endroit, d’une réputation très équivoque, passe des heures entières, tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre, dans un cabinet, au scandale de ces pauvres gens, les promène en voiture... » comme l’écrira sous peu le coadjuteur de l’évêque Joseph Plessis (1763-1825)[64].

Au début de l’automne, des membres de la nation micmaque sont de nouveau de passage à Murray Bay pour y faire baptiser un enfant.  Bernard (1780-1837), le cadet des frères de Marie Boulianne est choisi comme parrain alors que sa mère, Geneviève Caron (1748-1831) est la marraine[65].  Lors de ces baptêmes d’enfants de nations autochtones, on choisissait fréquemment les membres des familles des seigneurs ou leurs employés les plus influents comme parrain et marraine[66].  Les Micmacs du Bas-Saint-Laurent, malgré l’interdiction qui leur avait été faite de ne pas pêcher ou chasser sur la Rive-Nord du fleuve, sont si présents dans les environs qu’en juillet 1802 John Nairne tout juste avant de mourir et Malcom Fraser adresseront une pétition au Gouverneur pour faire cesser leurs intrusions dans leur seigneurie respective[67].

Les mœurs dans les nouvelles seigneuries écossaises sont bien différentes de celles des anciennes paroisses où les ecclésiastiques semblent avoir pris le contrôle de leurs ouailles.  Dans ces anciens lieux de colonisation, il y a bien quelques récalcitrants qui se font entendre bruyamment et qui s’opposent à leurs curés comme le faisait Zacharie Sébastien Hervet (1726-c.1813), le cousin de Joseph, chef de la milice à l’Isle, mais dans l’ensemble tous suivent les préceptes imposés par l’église.  À Murray Bay, c’est bien différent et on peut en noter de nombreux exemples.  Au printemps 1801, Joseph est choisi comme parrain d’un enfant que le desservant dit «née… du légitime mariage de Lazare Godreau et de Marie Anne Bergeron habitans (sic) laboureurs de cette paroisse»[68].  Or, Lazare et Marie Anne sont mariés «à la mode du pays», une situation qui, dans les anciennes paroisses, aurait entraîné une inscription d’enfant né de parents inconnus ou d’illégitime.  À l’automne de cette même année, Joseph assiste au mariage de son beau-frère Bernard Boulianne, le cadet de la famille de Marie.  Bernard épouse «Agathe», une jeune fille de dix-huit ans sans patronyme.  Agathe est l’un des nombreux enfants nés à Murray Bay et inscrits comme issus «de parents inconnus».  Le secret sur les origines d’Agathe est connu par la communauté de l’époque.  Sa mère, Marie Victoire Gagné (1763-1841) est la belle-sœur de Modeste Hervé (1788-1820), nièce de Joseph et fille de son frère André.  Marie Victoire est l’aînée de la famille d’Ignace Gagné, «une fille aux mœurs légères ou une innocente dont on aurait abusé» plus d’une fois, qui engendra au moins deux autres enfants nés de père inconnu.  Elle aurait été soignée à Murray Bay, tout comme le reste de sa famille, pour le fameux «Mal de la Baie-Saint-Paul» (syphilis), maladie qui aurait été traitée au mercure[69]. Les commérages du temps et la science d’aujourd’hui avancent que la maladie aurait pu être importée d’Écosse par des soldats cantonnés à la baie Saint-Paul[70].

Ironie du sort, le seigneur John Nairne s’éteint le 14 juillet 1802, fête nationale française commémorant la prise de la Bastille.  Celui qui s’était illustré lors de la bataille des Plaines d’Abraham en tant que commandant de l’aile gauche des troupes de Wolfe avait conquis les Plaines, mais pas sa seigneurie.  Son projet de former à Murray Bay une colonie écossaise, de religion protestante et de langue anglaise fut un échec. Le petit nombre de ses compatriotes qui avaient accepté l’invitation du seigneur, s’étaient non seulement mariés à des filles catholiques du pays, mais ils avaient appris le français pour ceux qui ne possédaient pas déjà cette langue.  John Nairne n’aura aucune descendance pour porter son patronyme puisque son seul fils encore vivant et célibataire décédera en service militaire en 1813 dans le conflit qui opposera les Anglais aux Américains[71].  Pour Joseph dont les affaires semblent jusqu’à présent se poursuivre plutôt du côté de Mount Murray, le décès du seigneur de Murray Bay n’aura probablement que peu d’importance.

Bien qu’on ait pris l’habitude de ce genre de chose à Murray Bay, les mauvaises langues devaient tout de même s’en donner à cœur joie sur le parvis de l’église à l’automne 1802, lorsque Félicité Sophie Hervé (1769-1846) et son beau-frère Joseph Henri Louis Desbiens (1759-1812)[72] servirent de marraine et de parrain au baptême d’«Elizabeth», un enfant illégitime.  Félicité Sophie et l’épouse de Desbiens, Marie Anne Hervé (1762-1805), sont deux cousines de Joseph, filles de l’oncle Dominique (1736-1812).  Le mystère plane toujours sur les origines de cet enfant[73].

Comme pour le décès de Théotiste, on ne trouve pas trace de la naissance du prochain enfant de Joseph Hervé et Marie Boulianne.  Ce septième enfant est le premier garçon de la famille.  Il sera nommé «Joseph Hervé», mais son patronyme deviendra Hervai, puis Harvey à la fin de sa vie.  Il aurait vu le jour quelque part en 1803.  Les «registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère», les détails entourant la naissance de celui qui allait devenir l’un des membres de la «Société des 21» resteront pour toujours inconnus.  Ces registres comprenaient les entrées faites entre le 7 décembre 1802 et le 21 octobre 1803[74].  Dans la paroisse on compte cinq Hervé qui sont nés et deux qui sont décédés pendant cette période[75].

Joseph Hervé fils, UN VINGT ET UN

Joseph épousera Agnès Morin (1804-1861) en 1825.  Le couple aura onze enfants. Joseph sera l’un des signataires de la pétition demandant l’ouverture du Saguenay en 1829[76].  Il sera également de l’aventure de la «Société des vingt et un»[77] et l’un des rares parmi le groupe a gagner le Saguenay.  Il s’établira avec sa famille à la rivière du Moulin[78], car on sait que le 15 octobre 1844 il est l’un des résidents de l’endroit qui s’engagera à verser annuellement cinq chelins «pour l’entretien du prêtre» que les résidents demandent pour leur service[79]Son aventure de bûcheron n’aura duré que très peu de temps, car par la suite, on retrouvera Joseph, non loin de là, sur les bords de la rivière Chicoutimi dans le rang Saint-Paul.  Il travaillera peut-être au nouveau moulin que Peter McLeod fils avait commencé à construire sur cette rivière le 24 août 1842? Il décédera à Chicoutimi en 1852.  Il n’avait pas encore cinquante ans[80].

Les relations entre les paroissiens et le curé des Éboulements desservant leur paroisse allaient de mal en pis.  Ils firent donc plusieurs requêtes pour l’obtention de leur propre curé résident, après avoir perdu le premier qu’ils n’aimaient guère.  L’évêché avait fait comprendre aux paroissiens que seule la construction d’une église et d’un presbytère adéquat allait rendre un tel souhait possible.  Il faut dire que les autorités religieuses déploraient une grave pénurie de prêtres depuis que la colonie était passée aux mains des Britanniques.  Le 17 septembre 1804, Joseph et cent seize autres chefs de famille adressent une pétition à l’évêque pour obtenir la construction d’une église.  Le manque d’instruction des censitaires de Murray Bay et de Mount Murray est ici mis en lumière par le fait que, en plus de Joseph, il y en a que huit qui signent le document, les autres s’étant contenté d’y tracer une croix.  Notons qu’une signature n’implique pas nécessairement que ces huit individus savent lire et écrire.  Outre Joseph, on compte parmi les signataires le marguillier responsable Jean Brassard (1761-1834), le major de milice Antoine Riverin (1745-1823) et l’écossais Hugh Blackburn.  On y trouve aussi des proches de Joseph : son cousin par alliance André Tremblay (1770-1820), marié à Anne Degagné (1767-1809), une fille de sa tante Thècle Tremblay (1742-1817), un certain David Tremblay qui est peut-être son oncle David (1748-1842) ayant fait un bref passage à Murray Bay, son beau-frère François Boulianne parrain au baptême de Marie Geneviève et finalement Joseph Pelletier (1776-1827), beau-frère par alliance de Marie Hervé, sœur cadette de Joseph.  On note aussi Georges Ignace Ziliac, dit Ignace Lessard (1762-1822), un mercenaire allemand qui avait été cantonné à l’Isle aux Coudres par les Britanniques en 1775 par crainte d’une éventuelle invasion américaine; ce militaire qui avait épousé une fille de l’île est maintenant marchand et cabaretier à Murray Bay[81].  Une fois que l’archevêché aura donné son autorisation, Jean Brassard prendra la direction des travaux de construction et la nouvelle église sera complétée avant la fin de l’été 1806[82]

Marie Boulianne accouche de son septième enfant le 30 septembre 1804.  André, frère de Joseph et résidant de l’Isle aux Coudres, est de passage à Murray Bay; on le choisit comme parrain de l’enfant.  Le petit «André Hervé» est conduit à la chapelle le jour même de sa naissance.  Il sera le dernier de la famille à être baptisé dans ce petit bâtiment.  Théotiste Boulianne (1780-1856), tante maternelle de l’enfant agi comme marraine[83].

André Hervé, UN VINGT ET UN

André deviendra un marchand prospère dont l’histoire régionale se souviendra.  André épousera Anasthasie Tremblay (1812-1855) en 1831[84].  Le couple aura treize enfants.  En 1858, après le décès de sa première femme, il épousera la veuve Marie Anne Vincent (1817-1896)[85].  Entrepreneurs forestiers d’envergure, propriétaires de plusieurs moulins à scie et goélettes, il travaillera à l’ouverture du Saguenay pour la croissance de ses entreprises.  Bien qu’il n’aille pas s’installer au Saguenay, demeurant marchand à Murray Bay, il sera l’un des actionnaires principaux de la «Société des 21»André décédera à La Malbaie en 1893[86].

Un mois plus tard, le 5 novembre 1804, Joseph assiste au mariage du cadet de la famille.  Son frère Jean épouse Magdeleine Gagnier(1780-1839).  Pierre, l’aîné, lui sert de père lors de la cérémonie qui se déroule dans la chapelle Saint-Étienne[87].  Il est le quatrième de la fratrie à se marier à Murray Bay, les trois premiers dans l’ancienne chapelle.  Il est le seul dont le mariage fut célébré dans ce petit temple construit rapidement après l’incendie qui avait emporté en fumée la chapelle-presbytère originale, le 21 octobre 1803.  

À l’automne 1805, Joseph Hervé et Marie Boulianne assistent au mariage de la sœur cadette de cette dernière, «Théotiste Boulianne dite Suisse» (1780-1856).  Joseph qui sert de témoin à la mariée abrège et modifie maintenant sa signature «J h Hervé».  S’il écrivait le patronyme «Erver» jusqu’à ce jour, il semble maintenant imiter le desservant actuel lequel respecte la forme originale du patronyme[88] .

En février 1806, Joseph sert de témoin au mariage de son filleul Germain Boudreau qui vit dorénavant à Murray Bay[89].  Germain est le fils de l’Acadien François (1740-1825) et de feu Marie Sophie Martel (1747-1797).  La famille de l’Acadien et de Marie Sophie est déjà liée à celle des Hervé; André, frère de Joseph, est marié à la sœur de feu Marie Sophie depuis 1787.  Les deux familles s’entrelaceront davantage plus tard ; Esther Boudreau (1772-1865) épousera en deuxièmes noces Louis, frère de Joseph et sa nièce Marie (1794-1879), fille de Pierre s’unira au cadet Pierre Boudreau (1790-1871).   

 

À l’Isle, après le décès du père en 1799, la terre familiale était passée aux mains d’André, le seul des frères de Joseph qui y était demeuré.  En réalité, André et sa famille veillaient au grain depuis belle lurette et habitaient la maison familiale de La Baleine avec père et mère.  À la fin mai 1806, Joseph accompagné de ses frères Louis et Michel ainsi que de ses beaux-frères Louis Boulianne, marié à Marie Jeanne, et Jean François Savard, marié à Marie la cadette, se rendent à l’île pour un conseil de famille; cette réunion avait probablement été convoquée par Marie Madeleine Tremblay la matriarche du clan.  Devant le notaire Augustin Dionne qui s’est déplacé dans la maison familiale pour l’occasion, André achète les parts de Joseph et celles de ses frères et beaux-frères. Il en reçoit quittance[90].

Quand il était coadjuteur de l’évêque du diocèse, Mgr Plessis déplorait les écarts de conduite du curé Marcheteau à Murray Bay.  Devenu évêque à son tour, il réglera le problème et le prêtre à scandale ne reverra plus les belles de l’endroit.  À son propos Plessis avait écrit : «Cette peuplade... est abandonnée au caprice d’un original qui, par bouffée, y va tous les 15 jours et passe, à propos de rien, deux mois sans y aller».  Plessis avait bien raison. Marcheteau était venu dans la paroisse le 27 juillet 1806.  Quarante-neuf jours plus tard, le 14 septembre il y fera une dernière apparition pour administrer quatre baptêmes et bénir les fosses de quatre individus décédés pendant son absence.  Il avait sûrement remarqué la nouvelle église que l’on achevait et dont il ne profiterait jamais.

Marie Boulianne est enceinte de six mois lorsque son frère François la choisit comme marraine de l’un de ses fils en 1806[91].

Le 26 septembre, elle accouche de son neuvième enfant, une septième fille.  La famille n’est quand même pas trop importante, car au nombre des huit premiers, seuls quatre avaient survécu.  Comme la paroisse est dans l’attente d’un nouveau curé, l’enfant n’est baptisé qu’un mois plus tard avec neuf autres à l’arrivée de François Gabriel Le Courtois (1763-1828), second curé résident de Saint-Étienne.  Cette journée-là, Joseph et Marie défient le mauvais sort en prénommant la nouvelle née Théotiste, comme leur premier enfant décédé depuis maintenant trois ans.  «Théotiste Hervey» est le premier de leur enfant baptisé dans la nouvelle église, dont la construction vient à peine d’être achevée.  Elle a pour parrain son oncle maternel Joseph Boulianne et pour marraine Angélique Dufour (1777-1842), épouse de son frère François.  Parmi les autres enfants baptisés par le nouveau curé ce jour-là, figure un cousin de Théotiste, Jean Pierre (1806-1859), fils son oncle Jean Hervé[92].

Théotiste Hervey

Théotiste demeurera célibataire.  Elle vivra chez ses parents jusqu’à leurs décès.  Travaillant comme domestique, elle vivra longtemps chez son frère Pierre (1807-1872), le marchand[93], puis chez le fils de ce dernier, Joseph (1846-1885)[94].  C’est son frère André (1804-1893) qui la portera en terre en 1887 [95].

Des origines méconnues et une certaine instruction

Sébastien Hervé (1695-1759), fils du migrant français, avait quitté l’Isle aux Coudres vers 1750 et il était décédé à Saint-Roch-des-Aulnaies sur la Côte-du-Sud en 1759.  Joseph n’avait donc jamais connu son grand-père.  Il est fort probable qu’il n’ait également pas connu ses origines puisque tous ses enfants encore vivants, dans la seconde moitié du XIXe siècle, se déclareront d’origine écossaise lors des recensements.  Celle qui vient de naître, Théotiste, sera l’un de ceux-là[96]Napoléon Harvey (1851-1937) de la septième génération de la lignée de Dominique (1736-1812), l’oncle de Joseph, racontera en 1935, dans près de cent trente ans, les croyances erronées ayant cours quant à l’origine écossaise de sa famille.  Ses propos seront d’ailleurs cités dans une revue dans les années 1970.  Il semble bien que ces croyances fussent donc partagées dans les deux lignées de la famille.  Est-ce pour cela que Joseph fait progressivement évoluer sa signature vers une consonance anglophone?  En 1805, Joseph signait «Hervé» comme parrain au baptême du premier enfant de son filleul Germain Boudreau[97].  Un an plus tard en décembre, alors qu’il est à nouveau parrain, cette fois-ci au baptême d’un fils de son frère Michel, il signe comme ce dernier «Hervez»[98].  Avec une telle capacité à faire évoluer sa signature et une qualité calligraphique qu’on peut remarquer, Joseph démontre une utilisation soutenue de la plume.  Il semble certain qu’avec les années, il avait appris à écrire.  Bien que sa première signature connue ne remonte qu’à une quinzaine d’années, on peut tout de même présumer que son apprentissage de la lecture et de l’écriture date de son enfance.  Il est l’un des rares habitants de Murray Bay à savoir écrire à l’époque.  La plupart des premiers colons écossais possédaient l’instruction nécessaire, mais faute d’école, leur deuxième génération restera aussi illettrée que la plupart des colons d’origine francophone.  En plus du curé, il n’y a qu’une poignée de marchands de même que quelques Boulianne et Desgagnés qui ont gardé la capacité d’écrire, ce qui était sans doute un héritage de leurs parents lettrés.

En 1807, Joseph continue de faire moudre son grain au moulin de la seigneurie, une obligation qui lui a été imposée par le seigneur à l’octroi de sa terre, comme à tous les autres censitaires.  À cette époque, ce n’était plus l’écossais Hugh Blackburn qui était meunier à Murray Bay, mais l’aîné de ses fils, «Jean François Blackburn»[99].  Le patriarche avec huit fils avait dû lâcher du lest afin de les établir.

Une décennie de festivités

À la veille de Noël, Marie Boulianne accouche de son troisième fils.  L’enfant, prénommé Pierre, est baptisé le jour même dans l’église Saint-Étienne.   Le parrain est Pierre le frère aîné de Joseph et la marraine qui porte l’enfant est Magdeleine Côté (1774-1857), l’épouse de son frère Michel«Pierre Hervey» par son baptême devient ainsi le sixième Pierre descendant de l’ancêtre Sébastien Hervet de la paroisse Saint-Étienne de Murray Bay[100].








Pierre Hervey

Pierre épousera Flavie Dufour (1810-1904) en 1840[101].  Le couple n’aura que six enfants dont deux décéderont en bas âge.  Pierre deviendra l’un des plus importants marchands de Murray Bay dans les années 1830-1840.  Il acquit son capital en s’associant à l’exploitation de forêts sur les terres de la couronne autour des seigneuries de Murray Bay et Mount Murray.   Il sera également aubergiste dans la «concession du village de Nairne», le cœur du village de Murray Bay où il a pignon sur rue.  Il s’associera également avec Alexis Tremblay Picoté (1787-1859) dans l’exploitation des forêts du Saguenay.  Pierre y possédera un moulin aux Petites Isles sur la rivière Saguenay.  Dans les années 1840-1850, il possédera trois goélettes assurant le transport de ses marchandises et du bois de ses exploitations forestières.  Il s’éteindra le 23 septembre 1872[102].

Avec onze frères et sœurs mariés qui auront à peu près tous une nombreuse progéniture, Marie Boulianne est régulièrement sollicitée comme marraine d’un enfant.  Joseph aussi est souvent choisi comme parrain lors de baptêmes.   De son vivant, le seigneur John Nairne se plaignait sans cesse que la religion catholique et son cortège de fêtes empêchaient ses censitaires de produire suffisamment.  Il avait probablement raison sur ce point, car les fils du pays ne négligeaient aucune occasion de fêter.  Si ce n’était pas lors d’un baptême pour lequel ils avaient été choisis comme parrain ou marraine, c’était simplement après le baptême de l’enfant d’un membre de leur fratrie ou de celle de leur conjoint ou conjointe.  On arrêtait également le travail pour les nombreux mariages et on ne ratait aucun enterrement.  Toutes ces célébrations avaient lieu n’importe quels jours de la semaine, ce qui avait incité le vieux seigneur à tenter d’implanter le protestantisme à Murray Bay.  Même avec ses nombreuses doléances auprès de ministres en Angleterre pour qu’on lui envoie des pasteurs, «L’Écossais têtu» avait fait chou blanc[103].  Quoiqu’aurait pu en penser Nairne, en février 1808, Joseph et Marie sont de retour à l’église Saint-Étienne, elle comme marraine pour le baptême d’un autre enfant de son frère François et lui probablement pour profiter des festivités qui suivront[104].  Un mardi d’avril, Marie récidive comme marraine lors du baptême de l’enfant d’un partenaire d’affaires de Joseph, Lazare Ignace Boudreau (1777-1853).  Lorsqu’elle vivait à l’île, la mère de l’enfant, Marie Anne Bergeron (1771-1858), était une voisine immédiate de la famille de Joseph, pendant toute l’enfance et l’adolescence de ce dernier.  Joseph Boulianne, le frère de Marie, également de la concession du ruisseau des Frênes, agit comme parrain[105].


Vers la fin du printemps 1808, Joseph se départit d’une parcelle d’un terrain qu’il détient avec Lazare Ignace Boudreau au profit de son frère Michel Hervé[106].  On a peu de détails sur cette terre curieusement détenue par deux natifs de La Baleine, un hameau de l’Isle aux Coudres.  On sait que Lazare Ignace, frère de Germain, un filleul de Joseph, a quitté l’île au début du siècle pour s’établir à Murray Bay quelques années après s’être marié.  D’ailleurs, dans une douzaine d’années, probablement convaincu qu’il ne reviendra plus à l’île, il vendra la terre qui lui restait au pilote Louis Hervé (1784-1863), un jeune oncle de Joseph vivant à l’Isle aux Coudres[107].  La terre que Joseph possède avec Lazare Ignace Boudreau est située dans la concession du ruisseau des Frênes et assure probablement l’approvisionnement en billots au moulin du secteur, celui d’Alexandre Boivin (1783-1870) et du beau-frère Joseph Boulianne.  Ce moulin sur le ruisseau des Frênes existe depuis 1803 et est situé tout près de chez Joseph et son frère Michel.  Tous ces natifs de l’Isle sont, en fait, des partenaires dans l’exploitation des forêts environnantes.  


Est-il besoin de rappeler les liens qui unissent la famille acadienne des Boudreau de l’Isle aux Coudres et celle des Hervé du même endroit?  Un vendredi de septembre Marguerite Boudreau (1781-1847) et son époux Joseph Simard (1775-1850), voisins dans la concession, choisissent Joseph comme parrain de Lambert Simard (1808-1877).  Ce Joseph Simard est le fils de Procule Guay, l’une des deux sages-femmes de l’époque.  Même ave
c la population qui grandit, Joseph est toujours l’un des rares à signer le registre du curé[108].  


Le jeudi 27 octobre, Damase Moïse Gagné (1778-1813) perd son épouse Dorothée Bilodeau (1775-1808), native de l’île et le lendemain, Joseph assiste comme témoin aux funérailles[109].  En secondes noces, Damase Moïse épousera Marie Modeste Hervé (1788-1820), nièce de Joseph et fille aînée d’André, contre la volonté apparente de ce dernier[110].

Le mardi 15 novembre, une filleule de Joseph, Elisabeth (1791-1865) fille de son frère Pierre, épouse Benoît Guay (1783-1859).  Joseph est encore une fois de la cérémonie comme témoin.  Tout le clan des Hervé de la fratrie semble présent pour les festivités[111].

Si Mgr Plessis avait cru quelques années plus tôt que le seul fait d’accorder un curé résident à Murray Bay allait ramener «cette peuplade... abandonnée» dans le droit chemin, il avait fait une grossière erreur, car il faudra quelques générations avant que ses vœux se réalisent.  Ces colons d’une rare mixité dans la vallée laurentienne avaient développé leur façon de vivre «à la mode du pays» et l’ecclésiastique de service n’allait pas y faire une grande différence. Ainsi, outre le fait que des couples se présentaient à l’église après avoir consommé leur union, d’autres choisissaient de ne pas l’officialiser religieusement, comme les premiers Écossais l’avaient fait avec des filles du pays, se mariant parfois bien après avoir mis au monde quelques enfants.  Des fils du pays de la région se rendaient aussi à Québec pour épouser des descendantes écossaises, comme François Savard (1778-1843) qui s’était uni à Ann Hewett (1787-1854) sous les rites de l’église presbytérienne d’Écosse (Church of Scotland), fondée dans la colonie par un soldat, qui était chapelain du 78e Fraser Highlanders[112].  Le curé Le Courtois avait appris à s’adapter à la réalité ayant cours dans les deux seigneuries de sa paroisse.  Usant de la flexibilité que tous les célébrants de Murray Bay avaient offerte jusqu’à présent aux maîtres des deux seigneuries et aux colons écossais, lors de la naissance du premier enfant d’Ann Hewett, moins de trois mois après son mariage à Québec, Le Courtois inscrira au registre de baptême «née du légitime mariage de François Savard et Anne Hewett»[113]. Force est de constater que ce qui pourrait être vu comme un aveuglement volontaire pour certains, de la part de l’abbé, s’étendra quelque peu avec le temps.  Ainsi, en 1809, après avoir baptisé trois enfants dits «illégitime(s) » dans les douze derniers mois[114], Le Courtois abandonne un peu les préceptes de l’église[115] et ne déclare plus les enfants nés «de parents inconnus» ou dit «illégitime», mais les nommera plutôt «enfant naturel» en mentionnant le nom des parents[116].  Quelle que soit l’appellation qui sera donnée à ces enfants naturels dans le futur, on en comptera, en moyenne, un peu plus de deux par année dans la paroisse jusqu’en 1830[117].  À la différence des vieilles paroisses, la présence d’Écossais, d’Anglais, d’Irlandais entre mêlé aux gens du pays et aux autochtones plus importantes qu’ailleurs en amont sur le fleuve aura fait place à une ouverture sur les cultures de chacun et à une intégration de celle-ci.

Comme depuis les tout débuts de leur mariage, la valse des parrainages se poursuit en 1809 pour Joseph et Marie.  Un jeudi de la fin mars 1809 Joseph est choisi comme parrain au baptême de Cyrille Boulianne, fils de son beau-frère Bernard Boulianne et d’Agathe (1783-1873), née de parents inconnus[118].  Deux jours plus tard, aux premières lueurs d’avril, c’est Marie qui est choisie comme marraine de Marie Savard (1809-1897), fille de sa belle-sœur Marie Magdeleine Hervé[119].  Le deuxième vendredi de septembre, Joseph est de nouveau à l’église Saint-Étienne cette fois-ci comme parrain au baptême de Paschal Gagné (1809-1884) fils de sa cousine Suzanne Desbiens (1770-1856), laquelle est une fille de Jean Baptiste (1736-1811) marié à Marie Madeleine Hervé (1739-1758), une tante que Joseph n’a pas connue[120].  Le mardi suivant on fête encore, Joseph et Marie assistent au mariage du cadet de la fratrie de cette dernière, David Boulianne (1786-1867) qui épouse Marie Félicité Gaudreau (1791-1837)[121], fille de Jean Gaudreau (1767-1856) un natif de l’Isle qui est assurément copain d’enfance de Joseph.  Deux des filles de Joseph et Marie épouseront sous peu deux fils de Jean Gaudreau et de Marie Anne Tremblay (1764-1836).  Le père de Marie Anne Tremblay est ce fils issu d’un viol qu’avait subi Agnès Bouchard (1709-1743) la seconde épouse de Sébastien Hervé (1695-1759), grand-père de Joseph, ce dont il a été question précédemment.  Le quatrième mardi d’octobre, Joseph et Marie se préparent à fêter à nouveau.  Marie, enceinte de huit mois, sera probablement raisonnable.  Quant à Joseph, on ne sait trop guère avec toutes ces occasions de festoyer. Marie Jeanne, sa sœur mariée à son beau-frère Louis Boulianne marient leur aîné.  Louis Boulianne fils (1788-1856) épouse sa petite-cousine Félicité Tremblay (1794-1821)[122].

Toujours la même année, le 13 novembre 1809, Marie Boulianne accouche de son onzième enfant, une huitième fille.  Celle que l’on nommera «Agathe Hervey» est conduite à l’église pour son baptême le jour même.  Lazare Ignace Boudreau est le parrain alors que le rôle de marraine est confié à Agathe, épouse de Bernard, un frère de Marie[123].

Agathe Hervey

Celle qui vient de naître, Agathe, épousera en 1831 Damase Dufour (1805-1884), l’aîné d’une famille de onze[124].  Ils auront dix enfants, tous nés à Murray Bay, sauf le dernier en 1853 qui naîtra à Sainte-Agnès, là où le couple décidera plus tard d’aménager.  Damase deviendra un marchand prospère.  Il possédera des goélettes pour le transport de marchandises.  D’abord la Three Brothers dont il se départira en 1851 pour racheter La Vigilante trois ans plus tard.  Agathe et sa famille se départiront de leurs biens dans Charlevoix vers la fin des années 1850, pour aller s’établir au Saguenay, plus précisément à Saint-Alexis de la Grande Baie où ils finiront leurs jours, lui en 1884 et elle le 22 mars 1897[125]

Ces années de nombreuses cérémonies, de baptêmes et de mariages surtout, suivis des célébrations y étant attachées, allaient se poursuivre encore longtemps[126].  Le vieux seigneur Nairne avait sans doute raison.  Toutes ces célébrations religieuses et les festivités qui les suivaient, survenant le plus souvent en plein cœur de semaine, sans quantifier toutes les fêtes du calendrier religieux, devaient à coup sûr ralentir le développement de la seigneurie.  Si l’on additionne à tous les événements précédents, la période des Fêtes traditionnelle et les dimanches, Joseph à lui seul avait chômé près d’une centaine de jours en cette année 1809.  Tout cela sans compter les grosses bordées de neige qui paralysaient pendant plusieurs jours la seigneurie tout entière pendant l’hiver.  Heureusement que l’on travaillait encore les samedis.   

On ne trouve pas de permissions de pêcher accordées à Joseph par l’un des deux seigneurs.  Comme lui et sa famille sont proches d’eux, s’il avait pratiqué une quelconque pêche, aux marsoins, aux saumons ou autres, il aurait demandé une telle permission.  On trouve d’ailleurs une telle autorisation accordée en 1810 par Malcom Fraser à son beau-frère Jean François Savard, marié à sa cadette Marie Hervé, pour pêcher dans l’anse du Cap à l’aigle.  Sa sœur et le beau-frère habitent justement le hameau du Cap à l’aigle.  Fraser n’avait toujours pas accepté les avis reçus de Québec lesquels mentionnaient que les titres des seigneurs de Murray Bay et Mount Murray ne comprenaient aucune juridiction sur les pêches.  Il continuait malgré tout, sans fondement légal, d’accorder de telles permissions moyennant une rente équivalentes à un dixième des prises.  À la revue des noms de ceux qui les reçoivent, il apparaît évident que seuls les censitaires à sa merci s’obligeaient à faire une demande et à payer cette rente pour avoir le droit de pêcher dans le fleuve ou dans la rivière Murray, un droit qui leur appartenait déjà[127].

Des années difficiles pour la fratrie

Joseph a déjà quarante-deux ans, lorsqu’au premier jour de décembre 1810 il agit comme témoin à l’inhumation de son frère Michel décédé la vielle.  Ce dernier, qui était malade depuis un certain temps n’a pas quarante ans et laisse derrière lui huit enfants[128].  La fratrie devra se serrer les coudes pour aider la veuve jusqu’à son second mariage à Alexandre Boivin, trente mois plus tard.  Boivin et son beau-frère Joseph Boulianne possèdent le moulin à scie de la «Concession du ruisseau des Frênes»Michel sera le premier de la famille à être inhumé dans le nouveau cimetière créé l’été précédent.  On n’utilisait plus «le cimetière sur la butte à Bona» depuis une dizaine d’années et Marie Louise Dery (1752-1810), femme du major de Milice Antoine Riverin père, avait été la dernière inhumée dans celui qui était situé près de l’église alors que le curé était en «mission des postes du Roi»[129].

Le 8 mai de l’année suivante, c’est au tour de la mère de Joseph de fermer le livre de sa vie.  Son frère André avisera les membres de la fratrie établie à la Mal baye du décès de Marie Madeleine Tremblay (1733-1811).  Celle qui avait connu la Nouvelle-France et avait vu débarquer l’anglais sur son île au milieu du fleuve était âgée de soixante-dix-sept ans.  Fils et filles de Murray Bay se présenteront à l’Isle pour la bénédiction de la fosse à la fin du mois le 27 mai[130].  Ils y sont tous, sauf Joseph peut-être, car Marie Boulianne vient d’accoucher la vielle d’une frêle petite fille, sa neuvième.

L’eudiste Le Courtois, de santé délicate, ne semble pas être à Murray Bay lors de la naissance de ce douzième enfant.  Mgr Plessis avait envoyé un diacre passer l’hiver avec lui pour qu’il l’initie au ministère auprès des Indiens et afin d’alléger sa tâche le sachant malade.  Probablement que le curé avait profité des beaux jours du printemps pour partir instruire son confrère dans le Domaine du Roi, car il était absent de la paroisse depuis le premier jour de mai de même que son diacre.  Le 5 juillet il était encore à la rivière noire où, sur le chemin du retour, il baptise un enfant de la nation Micmac[131].  L’abbé Jean Baptiste Paquin (1780-1832), curé de Saint-François de Beauce, viendra administrer les sacrements en retard pendant trois jours en juin, et Le Courtois ne sera de retour que le 6 juillet[132].  Il semble bien que Mgr Plessis ait informé tout son diocèse des grandes infirmités de son curé de Saint-Étienne, car Jean Baptiste Paquin n’est pas seul à lui offrir du support. 

 

Jean Baptiste Kelly (1783-1854) qui vient de terminer sa cure parmi les Acadiens de Saint-Basile de Madawaska, dans la nouvelle colonie loyaliste du Nouveau-Brunswick, s’arrête à Murray Bay le temps d’un baptême, probablement en chemin pour sa nouvelle cure de Saint-Denis sur le Richelieu[133].  Ce baptême, qui est célébré le 15 juin, est celui de «Monique Hervey», neuvième fille de Joseph et Marie.  Le parrain, Jean Bénoni Gaudreau (1792-1837), porte l’enfant à son baptême avec la marraine, Marie Julienne, sa fiancée qui est aussi la sœur aînée de l’enfant.  On ne sait pas où peut bien être Joseph en ce milieu de juin, mais il n’assiste pas à la cérémonie[134]Monique ne vivra pas très longtemps.  Elle décède le 3 juillet suivant et elle sera inhumée quatre jours plus tard, en même temps que deux autres personnes, dont une «sauvage micmaks (sic)» qui est décédée le mois précédent alors que le curé n’était toujours pas de retour à sa cure[135]Joseph et Marie n’ont toujours que sept enfants vivants. 

 

Le 23 octobre 1811, l’église Saint-Étienne est pleine pour la célébration du mariage de la fille mineure de Malcom Fraser, écuyer et seigneur de Mount Murray.  Anne Fraser (1792-1877) s’unit à un fils d’une vieille famille du pays.  Il s’agit du marchand Joseph Bélanger (1790-1813) dont l’ancêtre avait été l’un des premiers colons de la Côte-de-Beaupré à se voir accorder une seigneurie sur la Côte-du-Sud où sa famille est maintenant prospère.  Malcom Fraser, qui se fait vieux, concédera dès lors à son gendre les rênes de la seigneurie en la lui donnant à bail[136].  Le curé Le Courtos, qui avait omis le nom de la mère d’Anne Fraser dans son registre, ajoutera par la suite une note pour mentionner le nom d’une maîtresse de Malcom Fraser, pas celle de Beaumont, mais plutôt celle de Mount Murray, Marie Ducros dite la terreur[137].  On ne sait pas si c’est Malcom Fraser qui, sachant lire et écrire le français, nota l’omission évidente en signant le registre et força la main de Le Courtois pour cet ajout.  Si la femme et les filles du seigneur Nairne de Murray Bay ont les faveurs d’un certain nombre de colons et apparaissent très régulièrement dans les registres de la paroisse comme témoins lors de mariages et de baptêmes, la Terreur de la pointe Fraser en est absente.   


C’est sûrement en prévision de la guerre qui gronde que l’année suivante, Fraser fait nommer son nouveau gendre, Joseph Bélanger capitaine de milice, poste que ce dernier occupera pour une courte durée en compagnie frère et du beau-frère de Joseph, Louis Hervé et Louis Boulianne, qui sont aussi capitaines de la même milice.  Bien que son beau-frère François Boulianne sera à l’emploi de Joseph Bélanger pendant les trois ans que dura le mariage de ce dernier avant sa mort, Joseph ne transigera probablement pas directement avec lui pour l’approvisionnement en bois du «moulin de la Comporté» de Malcom Fraser, mais plutôt avec son parent François Boulianne.

Au printemps 1812, Joseph et Marie voient leur premier enfant quitter le foyer.  Le 5 mai 1812, alors que Marie Boulianne est enceinte de huit mois et après la publication des trois bans d’usage, «Marie Julienne », l’aînée toujours mineure, épouse «Jean Bénoni Godreau» un aîné de famille, mineur lui aussi[138].  On ne sait guère pourquoi le curé nomme l’aînée simplement Marie et son époux Jean puisque tous deux sont connus par les prénoms de Julienne et Benoni.  Ce dernier est un fils de Jean Gaudreau et de Marie Anne Tremblay, un couple dont il a été question précédemment.  L’une de leurs filles avait épousé un des frères de Marie Boulianne trois ans plus tôt.  Les familles Gaudreau et Hervé de la Malbaye, tous originaires de l’Isle aux Coudres, verront d’autres alliances entre elles.  Outre, les précédentes, une autre fille de Joseph épousera un fils Gaudreau et deux filles de son frère Jean feront de même.  Après avoir célébré deux mariages le mardi 5 mai, le curé Le Courtois part le lendemain pour assumer son ministère auprès des Indiens.

Jean Gaudreau

Jean Gaudreau (1767-1856) est celui qui, en 1806, avec son beau-frère Alexis Desbiens (1770-1823) et Étienne Pednaud marié à Geneviève Debiens, fille de la cousine Marie Anne Hervé (1762-1805), avait tendu une pêche à marsouins au Heu sans demander la permission au seigneur.  C’était à l’époque où Malcom Fraser s’entêtait à croire que les seigneurs avaient tous les droits de pêche sur les grèves à marée basse.  Le seigneur était sorti de ses gonds encore une fois et s’était adressé sans succès aux juges Sewell et Bowen de Québec, pour tenter de faire respecter un droit qui ne lui sera jamais reconnu.  Les trois natifs de l’Isle aux Coudres purent donc poursuivre leur pêche, comme tant d’autres qui ne quémandaient plus une permission à des propriétaires illégitimes[139].

Les Britanniques sont en guerre contre Napoléon depuis un certain temps déjà.  Au sud, les Américains discutent de la possibilité d’en profiter pour conquérir les colonies de l’Amérique du Nord britannique.  Cet état d’esprit des Américains fait la une de leurs journaux.  Les nouvelles de ces menaces parviennent chez Joseph par son frère Louis, capitaine de milice, qui les obtient lui-même de Malcom Fraser, car il est sous ses ordres.  Les propos des membres de son état-major de sa milice, montrent bien à l’Écossais Fraser, colonel de la division de Milices de la Baie-Saint-Paul englobant Murray Bay, le peu d’intérêt qu’on les colons pour cette guerre qui se dessine entre anglais[140]

Néanmoins, en préparation de cette guerre d’apparence inévitable, les autorités coloniales décident tout de même de lever une milice d’«élite et incorporée» de deux mille hommes qui sera intégrée aux troupes régulières.  Ils sont recrutés à même la milice sédentaire[141].  Comme les autres hommes de Murray Bay, Joseph appartient au bataillon de la «milice sédentaire de la Baye St-Paul».  Néanmoins, il est marié et non gradé ce qui l’exclut puisque cette milice sera composée d’hommes célibataires tirés au sort parmi ceux qui sont âgés de dix-huit à trente ans.  Six levées de miliciens seront ainsi conscrites dans la région avant la fin de la guerre.  Le premier tirage débute le 28 mai.  Un total de trente-cinq hommes sont choisis et envoyés à la guerre au printemps 1812[142].  Comme lors de tous les grands conflits où l’on tentera de conscrire les nôtres pour la couronne britannique, l’échappatoire le plus fréquent sera le mariage.  En cela, la Malbaye ne sera guère différente de la plupart des autres paroisses de la colonie pendant cette période de conflit.  Alors que le curé Le Courtois célébrait en moyenne une demi-douzaine de mariages chaque année depuis son arrivée, on en comptera en moyenne un peu plus de quatorze à compter de l’annonce des intentions des Américains, et ce jusqu’à la fin de cette guerre[143].  Est-ce que que certains jeunes gens tentent de retenir leur amoureux ou de forcer la main pour un mariage?  On constate en fait que puisque le nombre d’enfants déclarés «illégitime» a triplé pendant la période que durera le conflit[144].

Un cousin de Joseph, David Hervé (1764-1837) chez l’oncle Dominique, est le seul Hervé de la colonie ayant avoir un fils en âge d’être conscrit par l’anglais.  Chez Joseph et ses quatre frères, point de chair à canon à offrir à Malcom Fraser pour combattre l’Américain.  Joseph sera peu concerné par cette guerre de 1812-1815.  Il en ira tout autrement de son frère Louis qui, comme capitaine de milice, ne s’en sortira pas.  En revanche, probablement en raison de son âge, il ne sera qu’assigné qu’à des manœuvres de soutien à l’armée régulière.  On ne croit pas qu’il soit allé bien au-delà de Yamaska, sans doute pour servir avec ses hommes d’arrière-garde en cas d’un passage forcé des Américains par le Richelieu.  Il apparaît évident que comme Joseph n’ait pas eu de fils à offrir au carnage.  À cause de sa proximité et celle de sa belle-famille avec les maîtres du pays, depuis la conquête, les seigneurs écossais des deux seigneuries voisines, sa lignée se faufilera aux côtés de la classe dirigeante, malgré les déchirements provoqués par les assemblées révolutionnaires à venir.  Il faut noter que, grâce à Malcom Fraser et son moulin, Joseph tirait probablement déjà le plus gros de ses revenus de l’exploitation de la forêt.

Le 15 juin, un mois après le mariage de son aînée, Marie Boulianne accouche de son treizième enfant.  Joseph et Marie avaient perdu cinq filles en bas âge jusqu’à ce jour.  Leur quatrième fils survivra comme ses trois frères.  Comme le curé est en canot quelque part vers l’un des postes du Domaine du roi pour sa tournée saisonnière, le nouveau-né devra attendre pour son baptême.

 

Trois jours plus tard, les États-Unis déclarent la guerre à l’Empire britannique et le Bas-Canada est inévitablement entraîné dans le conflit.  Joseph ne le sait pas encore, mais cette seconde guerre d’indépendance américaine provoquera des déchirements profonds au sein de la population des seigneuries de Murray Bay, Mount Murray et des paroisses voisines.  Ce sera là, la seconde invasion par les Américains en moins de quarante ans de la colonie britannique.

Le 19 juillet 1812, le curé Le Courtois est enfin là.  Comme à chacun de ses retours l’évangélisateur entame une longue série de baptêmes, soit une vingtaine en trois jours.  Dans les jours suivants, il poursuivra son travail de curé résident par la bénédiction des fosses d’un bon nombre de ses paroissiens décédés en son absence.  Au deuxième jour de ces activités paroissiales, il baptise un premier enfant du patronyme d’Hervey.  Il s’agit de la «fille naturelle» d’un petit cousin, Dominique (1789-1824), fils de David (1763-1837) chez l’oncle Dominique Hervé[145].  Le parrain, Joseph Hervé (1794-1890), aussi fils de David, sera l’un de ceux qui seront choisis «au hasard» pour servir de chair à canon pendant cette guerre entre anglais qui s’entame.  Deux enfants dits naturels seront baptisés ce jour-là. 

 

Le fils de Joseph et Marie «Celestin Hervey», est baptisé le 20.  On lui choisit comme parrain le célibataire «Jean Baptiste Côté» (1790-1865) et comme marraine «Marguerite Hervey» (1797-1828), fille de feu Michel[146].  Jean Côté est un neveu de la belle-sœur de Joseph, Magdeleine Côté, veuve de Michel.  Il avait assumé la même fonction en janvier pour un des enfants de son frère Louis Hervé[147].

Celestin Hervey 

Célestin se joindra, à titre d’associé de son frère André, à la Société des 21, à laquelle participeront les quatre fils de Joseph.  Avec son frère Joseph, il sera l’un des deux fils de Joseph et Marie à prendre racine au Saguenay.  En 1840, alors qu’il sera déjà «commis dans le Saguenay», il épousera en premières noces Agnès Bouchard (1814-1854), une fille native des Éboulements dont les parents demeurent dans la paroisse de Rimouski, alors qu’elle-même travaille à Murray Bay[148].   Le couple s’établit au Saguenay, d’abord aux «Petites îles sur le Saguenay» puis peu de temps après.  Célestin et Agnès auront huit enfants avant le décès d’Agnès, lors de la naissance du dernier en 1854.  À Chicoutimi, la famille possède une terre de cent acres, mais Célestin sera aussi charpentier.  En secondes noces, il épousera à Chicoutimi une autre Bouchard; Justine Bouchard (1819-1888) une fille de la paroisse[149].  Il faut remonter quatre générations pour trouver un lien familial entre les deux épouses de Célestin.  Leurs arrière-grands-pères étaient frères.  Justine et lui auront deux enfants.  Célestin s’éteint en 1887, au lendemain de la Saint-Jean, après avoir été ferblantier durant les vingt dernières années de sa vie[150].

Quelques jours après le baptême de Célestin le beau-frère François Boulianne, qui travaille dans la seigneurie de Fraser de l’autre côté de la rivière Murray trouve un homme noyé au lieu dit du Cap à l’aigle.  Il s’agit d’«un inconnu, âgé d’environ vingt-cinq ans et de la taille de cinq pieds»[151].  Les annales de la colonie ne révéleront pas son identité.  Était-ce un espion américain tombé d’un bateau qui avait remonté le fleuve en reconnaissance des lieux?

Même si, dans les écrits des seigneurs, on trouve plusieurs références à la présence à Murray Bay de ceux que les colons nomment les Montagnais, la fréquence de leurs visites semble relever davantage du mythe que de la réalité.  Les Montagnais préféraient sans doute Tadoussac et les autres postes de traite du Domaine du Roi.  De fait, ce sont les Indiens de la nation Micmac qui sont les plus assidus à l’embouchure de la rivière Murray.  Encore une fois, à la mi-juillet 1812 ils y sont en nombre important[152]

À l’automne, Malcom Fraser, à la tête de la division de la Milice, pour s’assurer du soutien des Canadiens de la région en qui il n’a guère confiance, demande aux miliciens de prêter allégeance au roi; plus du quart des miliciens, dont plus de la moitié célibataire et en âges d’être conscrits, s’abstiennent malgré les menaces à peine voilées de représailles.

Le roi George IV a besoin de plus d’hommes de la région pour sa guerre contre les Américains.  Ils sont cent seize à être choisis lors d’un troisième tirage au début de 1813.  La colère gronde parmi la population.  Des assemblées sont organisées contre la conscription.  Une centaine d’hommes, tous descendants de colons français, participent ouvertement aux assemblées prônant la contestation.  Les liens de parenté sont nombreux entre les rebelles et les loyaux sujets.  Pour Joseph, le choix est plus facile.  Lui dont le plus vieux n’a pas encore douze ans, n’a aucun fils pouvant être conscrit.  Si sa fratrie est épargnée, il sait par contre qu’il n’en est pas ainsi pour tous.  Le lieutenant-colonel de milice Riverin informe Fraser, à la fin mars 1813, que les miliciens de la Malbaye ont fait provision de poudre et qu’ils ont l’appui de ceux des Éboulements contre la conscription, comme celle d’une grande partie de la paroisse Saint-Étienne.  Le 2 avril 1813, Malcom Fraser fait lever un détachement de cent cinquante miliciens, provenant surtout des autres paroisses, pour capturer les rebelles.  Les meneurs sont arrêtés et conduits à la prison de Québec pour être jugés par les autorités anglaises.  La rébellion est étouffée[153].

Le 15 juin1813, Joseph, Jean et Pierre assistent comme témoins au second mariage de leur belle-sœur Magdeleine Côté, veuve de Michel.  Leur quatrième frère est absent; le capitaine de milice Louis est sans doute occupé par sa guerre.    Magdeleine Côté épouse Alexandre Boivin, le copropriétaire du moulin situé sur le ruisseau des Frênes, qu’il possède avec Joseph Boulianne, beau-frère de Joseph[154].

Neuf jours plus tard, à la Saint-Jean, Joseph perd son frère Jean qui décède alors qu’il n’avait que trente-huit ans.  Comme Michel, il n’aura pas atteint la quarantaine[155] et lui aussi laisse à sa veuve sept enfants dont l’aînée n’a que sept ans.  Magdeleine Gagné (1780-1839), qui n’a que trente-trois ans, ne se remariera pas.  Elle élèvera sa famille seule, en s’appuyant sur l’aide de sa belle-famille.

Si à Murray Bay, le curé Le Courtois mariait plus souvent qu’à son tour de jeunes célibataires que l’on présume peu pressés de se voir choisis par le hasard pour aller se battre pour défendre l’anglais, on pourrait penser que certains Écossais n’étaient pas plus enthousiastes puisque certains avaient trouvé refuge dans le mariage durant cette période.  

Ainsi, Hugh Blackburn, le vieil Écossais débarqué en 1762 à Murray Bay avec le seigneur John Nairne, allait finalement réussir à unir la destinée de l’un des siens à la dynastie des Nairne de Murray Bay contre toutes attentes et tout désir de ces derniers.  Comme pour les autres Écossais qui s’unissaient à l’une des rares Écossaises du pays, son fils Augustin (1791-1883) épousait à Québec la cadette Mary (1782-1821) à l’église presbytérienne St Andrews (Church of Scotland).  Évidemment, le seigneur avait depuis longtemps quitté cette terre quand sa fille s’unit le 24 juillet 1813 à un métis, fils d’un simple soldat démobilisé, meunier de surcroît, tout Écossais de descendance qu’il put être[156].  Bien que les Nairne regardaient de haut le bel écuyer du manoir qui donnait des leçons d’équitation aux filles du seigneur, plus spécialement à Mary (Polly) Nairne[157], Augustin était un bon et loyal sujet de Sa Majesté britannique qui ne s’était pas défilé par ce mariage puisqu’il était alors déjà sergent au détachement qui montait la garde à la Pointe-Lévis[158].  Augustin sera par la suite cantonné avec son bataillon à Laprairie et à Saint-Ours pendant le conflit[159].

Le conflit qui, pour l’instant, se déroule surtout dans le sud de la colonie et dans le Haut-Canada, ne semble en rien déranger les habitudes des autochtones.  En juillet comme chaque été, certains individus de la nation Micmac se présentent à l’église Saint-Étienne pour le baptême d’un des leurs[160].

 

Les alliances entre colons ne se tranchent pas au couteau pendant cette période trouble où chacun aurait voulu ne pas avoir à choisir son camp.  Ainsi en octobre, Marie Boulianne est marraine d’une enfant d’Anne Brassard (1783-1858).  Les oncles et cousins de la mère de l’enfant sont les meneurs des assemblées révolutionnaires de Murray Bay qui prêchent contre la conscription[161].  Quoi que pût être l’opinion affichée par Joseph face aux autorités coloniales anglaises à ce moment-là, il ne pouvait ignorer les troubles qui perdureront tout l’hiver.  Ils sont une centaine à participer ouvertement aux assemblées de révolte, tous descendants de colons français, plus ou moins parents.  Plusieurs d’entre eux sont natifs de l’Isle aux Coudres ou de parents qui l’étaient, tout comme Joseph.  Ce dernier n’était pas sans se rappeler ses premières années à Murray Bay.  Nombreux avaient été les censitaires à s’opposer à la nouvelle loi de la mlice que les autorités coloniales britanniques avaient imposée en raison de leur crainte d’une guerre avec les États-Unis.  Ils s’étaient également insurgés face aux «nouvelles servitudes de corvée» et aux intentions des seigneurs de s’approprier à eux seuls les meilleures pêches au saumon et à marsoin[162].  L’histoire ne nous a pas appris quel camp Joseph et sa fratrie avaient choisi à l’époque. 

 

Joseph n’en finit plus de voir partir des parents.  À l’automne, le capitaine de milice Louis Hervé qui est à Murray Bay perd son épouse Catherine Perron.  Elle s’éteint le 16 novembre 1813 et huit de ses enfants lui survivront.  Pour voir aux plus jeunes, Louis pourra compter sur ses plus vieux, qui ont seize et dix-huit ans,[163] et continuera de vaquer à ses occupations militaires pendant toutes les années que durera la guerre.

À travers les peines se faufilent quelques joies.  Le 17 décembre 1813, Julienne, l’aînée de Joseph Hervé et Marie Boulianne, accouche d’un premier enfant.   Marie est choisie par sa fille comme marraine alors que le grand-père paternel est le parrain[164].  À leur âge, Joseph et Marie ne seront dorénavant choisis comme parrain et marraine que lors des baptêmes des premiers petit-enfants de chacun de leur fils et filles.

Lors d’un troisième tirage de conscrits à la fin de l’année 1813, Joseph François Hervé (1794-1890), petit-cousin de Joseph, est choisi pour partir au combat.  Ce dernier, accompagné de quatre-vingts autres jeunes gens de la milice dite de Baie-Saint-Paul, rejoint en février 1814 son bataillon pour aller prendre part à la guerre anglo-américaine dans la région de Plattsburgh. 

Avec le mariage de leur aînée deux ans plus tôt, au printemps 1814, Joseph et Marie décident de mettre de l’ordre dans leurs affaires personnelles.  Les deux demandent au tabellion Isidore Levesque de coucher leurs volontés sur papier[165].  En plus de son testament, le notaire rédige n acte de donation entre vif par lequel «par libéralité» Joseph se dépouille de sa terre et de son toit, au profit de l’aînée Julienne qui, avec son époux et son enfant demeurent toujours dans sa maison.  Cette dernière cependant ne prendra possession du bien qu’au moment du décès de son père[166].  Cette journée-là, Joseph faisait un bon calcul, car avant de signer l’acte de donation, il avait acquis de son gendre une terre à bois que ce dernier possédait[167].  Il obtenait ainsi un bien dont il pouvait tirer un revenu presque immédiat en contrepartie d’une donation qui ne l’affecterait pas de son vivant.  Comme nous le verrons, il gardera ainsi sa fille sur sa terre pour voir à ses propres vieux jours et à ceux de son épouse. 

Au fur et à mesure que ses fils se marieront, Joseph leur attribuera un lot acquis par la famille et partiellement défriché.  L’aînée Julienne fait ici exception, car en ces temps, les filles ne recevaient pas de terre.  On essayait plutôt de les marier à des garçons eux-mêmes établis[168].

L’année 1814 se passera sans embrouilles pour la famille.  Marie Boulianne est à nouveau enceinte pour une quatorzième fois.

Au début de 1815, Malcom Fraser, colonel de la division de milices de la Baie-Saint-Paul englobant Murray Bay, dépêche le frère Louis vers Yamaska avec trente-quatre miliciens.  Louis reviendra après que la guerre aura pris fin le 12 février 1815[169].

Marie Boulianne accouche une dernière fois le 23 février 1815.  À ce moment Joseph a quarante-sept ans et sa femme près de quarante-quatre.  Leur maisonnée comptera finalement neuf enfants, quatre garçons et cinq filles avec ce dernier enfant.  Le neveu Thomas (1795-1832) chez Louis Hervé et Victoire Gaudreau (1795-1848) belle-sœur de l’aînée Julienne portent «Christine Hervey» à son baptême le lendemain.  Comme on le fait souvent lors de baptême, on aura voulu tenter un rapprochement entre le parrain et la marraine, tous deux célibataires[170].  Avec les années, Jean Gaudreau, le père de la marraine de Christine, offrira trois de ses fils à des filles de la fratrie des Hervé, dont deux chez Joseph.  Ici, Gaudreau tentait sans doute d’offrir une fille. 

Christine Hervey

En 1832, la cadette épousera Grégoire Tremblay (1811-1872), un natif de l’Isle aux Coudres récemment débarqué à Murray Bay[171].  Le mariage est sans doute précipité puisque l’on obtient «une dispense de deux bans de mariage» et que Christine accouche de jumeaux sept mois après la cérémonie.  Christine et sa famille partiront habiter à Sainte-Mélanie près de Joliette où son mari sera instituteur.  Christine est la première parmi les descendantes de Sébastien Hervet (1642-1714) à partir s’établir à l’ouest de Québec.  Christine et Grégoire auront deux enfants à Sainte-Mélanie.  Vers 1842, la famille s’établira à Saint-Pie au sud-ouest de Saint-Hyacinthe.  Grégoire y sera cordonnier et chantre à l’église du village.  Christine accouchera de quatre enfants dans les dix ans où ils seront à Saint-Pie.   Le cordonnier qui deviendra maître-chantre transporte sa famille à Saint-Philippe au sud-ouest de Montréal en 1852 où Christine aura ses trois derniers enfants.  En 1871, la famille emménage à Montréal.  Grégoire Tremblay décédera l’année suivante.  Christine quant à elle s’éteindra dans cette même ville en 1894 (voir Christine Hervey [1815-1894]).

Plusieurs parents se faisaient un devoir de demander un membre de la famille du seigneur comme parrain ou marraine de l’un de leurs enfants.  Cela était vrai à Murray Bay comme à Mount Murray pour les employés des seigneurs, les familles d’Écossais ou issues des îles britanniques, les marchands ainsi que quelques arrivistes.  Cette façon de faire était également vraie pour de simples censitaires.  Il est difficile de juger des motifs d’une telle démarche, une certaine marque de respect sans doute pour certains ou simplement une façon d’attirer les faveurs de l’autorité locale pour d’autres.  Quoi qu’il en soit, Joseph et Marie n’ont jamais choisi cette option pour aucun de leurs quatorze enfants, privilégiant les membres de leur famille respective.

La forêt salvatrice

Le 16 juin 1815 Malcom Fraser, le seigneur absent comme plusieurs le nommait, décède à Québec, probablement dans les bras de sa maîtresse, Marie Allaire (1739-1822), qui demeure dans cette ville.  Marie Ducros dite la terreur (1763-1837) quant à elle, continuera de vivre dans sa maison de la pointe Fraser jusqu’à sa mort.  Contrairement à Murray Bay où l’épouse du seigneur avait pris la direction de la seigneurie lors du décès de son mari, aucune des maîtresses de Malcom Fraser n’avait un statut légal leur permettant d’agir ainsi.  De plus, ses héritiers de la Rive-Nord n’étaient pas encore majeurs.  Une période d’instabilité s’installe dans la direction de la seigneurie de Mount Murray, ce qui allait amener un revirement dans les affaires de la fratrie Hervé

Les Hervé de Murray Bay et Mount Murray sont, pour le curé, des «laboureurs» tout comme la majorité des paroissiens d’ailleurs.  Seul Louis, frère de Joseph, mérite en plus de «laboureur» l’épithète de «capitaine de milice».  Il y a bien les mentions de quelques journaliers et navigateurs, un pêcheur, un forgeron et un meunier, mais ils sont les exceptions.  Joseph a beau être considéré comme «laboureur», cela ne l’empêchera pas de tirer la plus grande part de ses revenus de la forêt. 

Si les terres de Murray Bay et encore plus celles de Mount Murray fournissaient un si piètre rendement qu’il fallait que les seigneurs quémandent du blé à Québec, les colons n’avaient guère eu d’autres choix que d’exploiter la forêt pour pallier l’agriculture décevante.  Au cours des dernières années, dans la seigneurie, les récoltes ont été difficiles et, comme ses frères, Joseph compte de plus en plus sur l’exploitation de la forêt pour survivre.  En 1815, les récoltes sont compromises par les gelées qui se font sentir dès le mois d’août.  Cette année-là, qualifié d’année sans été, connais une chute dramatique des températures sans que l’on sache alors pourquoi[172].  En fait, on rapporte des gelées pendant toute l’année et leurs effets sur les récoltes sont dévastateurs[173]La situation est telle que la Chambre d’assemblée vote des fonds destinés à nourrir les censitaires et à leur permettre de se procurer des semences pour l’été suivant.  Dans une telle période de disette, il faut faire vivre la famille;  Joseph prendra donc les moyens qui s’offrent à lui pour le faire.  Depuis plusieurs années, les frères Hervé livrent aux moulins existants du bois d’abattage.  Comme le nombre de cultivateurs-bûcherons augmente, les profits diminuent à l’avantage des seigneurs, des marchands-preneurs et des propriétaires de moulins.  Voyant leurs revenus ainsi diminués, les frères Hervé envisagent maintenant de se construire des moulins.  Joseph et ses frères passeront de pourvoyeurs de billots pour le compte des seigneurs à producteurs de bois d’œuvre grâce à deux scieries qu’ils mettront sur pied.

Il est possible que ce soit en partie grâce à ses émoluments de capitaine de milice que Louis ait tiré un profit suffisant de la période trouble que la colonie venait de vivre, pour se faire construire un moulin à scie; c’est à cette époque que divers contrats notariés commencent à mentionner le moulin du ruisseau des Frênes de Louis Hervé.  Pour Joseph, l’arrivée du moulin de son frère est une manne.   Il en existait bien un autre, beaucoup plus en amont sur ce même ruisseau des Frênes depuis 1803, celui d’Alexandre Boivin qui l’avait construit avec Joseph Boulianne, le beau-frère de Joseph.  Pour ce dernier, le moulin de Louis, sur sa terre au sud-ouest de la Rivière-Malbaie, pas très loin du lieu où se jette ce même ruisseau dans la rivière, est plus accessible.  L’endroit exact où se situait le moulin de Louis nous est cependant inconnu.  La première mention de cet ouvrage dans un acte notarié date de 1821.  Il pourrait aussi s’agir d’un moulin en association avec son fils, le neveu Thomas, car ce dernier a possédé un moulin à compter de 1821 et pour lequel les auteurs et les actes notariés n’ont pu ou pas précisé la position? Si cela s’avérait, il faudrait croire que le moulin de l’aîné, Pierre (1818), dans lequel Joseph a une part, était en service avant celui de Louis.  La construction de ces moulins était rarement une affaire de propriétaire unique.  Généralement, un clan familial ou un groupe de voisins finançaient la construction moyennant des parts dans l’aventure.  La seigneurie de Murray Bay n’ayant accueilli qu’en 1813 son premier notaire résident, Charles Chiniquy (1781-1821), la plupart des ententes entre parents furent verbales ou faites sous seing privé.  On ne sait pas si Joseph s’était joint au projet de son frère Louis.  Les minutiers des notaires ne nous ont pas révélés la date de construction ou de mise en service du moulin de Louis, mais ce fut peut-être avant celui de l’aîné Pierre qui entre en exploitation en 1818 et dans lequel Joseph aura indéniablement une part[174].

Il est raisonnable de croire que Pierre et Joseph aient entamé la construction du moulin au sud-ouest de la rivière Murray en 1815 puisque conjointement, ils font un emprunt cette année-là auprès des gendres de Pierre, Benoît Guay (1783-1859) et Joseph Boily (1787-1843).   Ils obtiendront quittance pour les deux emprunts en décembre de la même année[175].  D’autres, des parents plus éloignés, mais des voisins, se joindront au projet.    Il est donc tout à fait plausible de croire que la construction de ce moulin ait été financée à l’aide des emprunts contractés auprès de ses gendres, en plus des revenus que Joseph et Pierre avaient tirés de la vente de billots depuis plusieurs années.  Comme la construction d’un moulin entraînait une dépense d’environ mille dollars[176], les deux frères n’avaient pas envisagé seuls cette entreprise.  Leur cousin par alliance, Dominique Lavoie (1765-1822) voisin de Pierre et époux de la cousine Charlotte Desbiens (1755-1855), est également un associé.  Il en est de même de leur frère Louis, du moins pour un certain temps.

 

Anne Fraser, fille de l’ancien seigneur de Mount Murray qui avait perdu son premier époux en 1813, trois ans après son mariage alors qu’il n’avait que vingt-deux ans, convole en secondes noces avec Amable Bélair (1781-1841), un marchand à l’aise de Baie-Saint-Paul, natif de la lointaine seigneurie de Maskinongé et récemment établi à Murray Bay.  François Boulianne, beau-frère de Joseph et homme de confiance du père de la mariée, tient à ses bonnes relations; il assiste à la cérémonie et est l’un des rares à signer le registre en février 1816.  Le nouvel époux d’Anne Fraser sera d’ailleurs parrain de son prochain enfant l’année suivante.  Toutes ces années à servir le maître de Mount Murray auront rapproché Boulianne des enfants de Malcom Fraser, d’autant plus qu’Anne avait adopté la langue et les coutumes du pays[177].  Les frères Hervé auront de nombreux liens d’affaires avec Amable Bélair qui deviendra un entrepreneur forestier prospère, du moins pour le court temps que durera son union avec Anne Fraser.

 

La seigneuresse Christiana Emery (1743-1828), veuve Nairne, qui gère l’endroit depuis maintenant quatorze ans, accorde à Joseph une nouvelle concession.  Le 3 mai 1816, il se rend au manoir seigneurial pour signer l’acte de concession devant le notaire.  Évidemment, il s’agit d’une nouvelle terre à bois.  Dans ses projets avec ses frères, il semble que Joseph ait entraîné son gendre Benoni Gaudreau puisque le lendemain Christina Nairne accorde à ce dernier une concession, voisine de celle de Joseph[178].

L’embouchure de la rivière Murray avait été jusqu’à ce jour un lieu de passage pour les autochtones christianisés de toutes nations ([Micmacs] [Montagnais] [Malécites] [Abénaquis] et autres)); ils venaient y chercher les services d’un prêtre.  Le lieu était également pour certains un site d’établissement saisonnier pour la chasse et la pêche[179].  Au tout début de la guerre, on avait vu encore un couple d’autochtones micmacs à Murray Bay[180], puis plus aucun membre des premières nations n’y avait fait halte.  Ce n’est qu’après la fin de cette guerre, à l’automne 1815, qu’une petite horde de Micmacs du même clan avait cogné à la porte du curé pour faire baptiser un de leur enfant[181].  Ce même groupe est de retour en février 1816[182].  Il s’agit de la première visite documentée d’autochtones survenant en plein l’hiver depuis l’ouverture des registres de la paroisse en 1774.  À y regarder de plus près, on s’aperçoit que, depuis 1812, un seul et même groupe visite Murray Bay.  Avec des passages fréquents et une visite en plein hiver, on peut présumer que le territoire de chasse de ce clan est situé aux environs ce qui est surprenant pour des membres d’une nation que l’on retrouve principalement dans ce qui est appelé aujourd’hui la Gaspésie et le Nouveau-Brunswick[183]De fait, ce groupe d’autochtones est mixte, composé d’individus appartenant aux nations montagnaise, micmaque, malécite, ainsi que de certains métis[184].  Ils devaient être suffisamment assidus à Murray Bay pour de longues périodes puisque lors des funérailles de l’un d’entre eux, le curé mentionnera le nom de nombreux blancs assistant à la cérémonie[185].  

D’autres groupes autochtones de la rive sud viendront en plein hiver à Murray Bay[186].  Ils auront sans doute passé l’hiver dans le secteur à chasser et à piéger puisque l’on ne s’aventure pas sur le fleuve en janvier[187].  Jusque-là ils attendaient la fin du printemps pour venir chercher les sacrements à Murray Bay.  Les autochtones de différentes nations continueront de visiter Murray Bay pour encore longtemps[188].  Avec l’augmentation de la population dans les deux seigneuries, leur campement du Heu maintenant habité par le blanc et les visites plus fréquentes de missionnaires dans les Postes du roi, leur présence sera par contre de moins longue durée et leurs visites beaucoup plus espacées (Montagnais [1817, 1819, 1822], Malécites de la rive sud [1817, 1822, 1823], Micmacs [1820,1822]).  Leurs séjours doivent avoir inspiré une façon de vivre différente et plus ouverte que dans les anciennes paroisses où on ne les voyait pas.  À la régularité des visites d’autochtones, il ne fait aucun doute que Joseph avait dû les côtoyer soit en forêt où ce dernier passait les hivers à bûcher ou à leur campement du Heu.  

Même si feu John Nairne et une poignée des siens étaient débarqués à Murray Bay depuis plus de cinquante ans, l’influence des Écossais dans les deux seigneuries voisines n’avait guère diminué.  Si plusieurs des leurs s’étaient intégrés au tissu social du pays, il n’en demeure pas moins qu’ils continuent d’être liés entre eux.  On en a pour exemple le baptême de Lumina Blackburn (1816-1821), fille d’Augustin et de Mary (Polly) Nairne où la marraine choisie est Anne Fraser.  Les deux filles des seigneurs décédés sont donc toujours en relation[189].

L’inhumation de Marie (1773-1817) sœur cadette de Joseph, à la fin janvier 1817, nous indique assurément que ce dernier est à nouveau en forêt pour l’hiver.  Alors que tous les Hervé de la Malbaye dont ses frères Pierre et Louis ainsi que sa sœur Marie Jeanne sont présents à la cérémonie, Joseph brille par son absence.  Marie est la troisième de la décennie et la quatrième de sa fratrie à mourir[190]Joseph sera ainsi absent de plusieurs cérémonies qui se dérouleront en hiver[191].




C’est au cours de ce même hiver que le curé Le Courtois décide de donner du caractère à l’intérieur de son église.  Pour se faire, il fait appel à Louis Basile David (1791-1857), un sculpteur rattaché à l’atelier des Écores de Saint-Vincent-de-Paul sur l’île Jésus.  Feu son père et lui viennent tout juste de terminer un travail semblable, encore aujourd’hui reconnu, à l’église Sainte-Famille sur l’île d’Orléans.  Il passera plus de deux ans à parfaire son œuvre de Murray Bay avec l’aide de Charles Forgues (1796-1870), un autre sculpteur qui demeurera définitivement à Murray Bay.  Si les marguilliers, dont le beau-frère Louis Boulianne, sont inquiets des coûts qu’engendreront les travaux, la légende veut que le curé ait couvert tous les frais[192].

Contrairement aux autres patelins des environs où la population est très homogène et est constituée de descendants des premiers colons français, les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray sont des lieux de rencontre de plusieurs cultures.  Il y a d’abord des autochtones, descendants français et plus récemment des colonisateurs anglais et écossais qui s’y sont retrouvés, mais on y voit également quelques Irlandais et même un Allemand venus en Amérique comme mercenaire à la solde de l’Anglais pour combattre l’Américain et qui est devenu cabaretier.  À l’été 1816 débarque une seconde famille allemande.  Hans Georg Bührer (1791-1844), sa femme Catherina Graftmüllerin (1793-1884) et leurs deux enfants s’établissent à Mount Murray où ils se mettent au service du seigneur comme fermier.  Il est probable que c’est ce dernier qui aura fait venir l’Allemand à Murray Bay.  D’autres mercenaires allemands y viendront sous peu avec leurs familles comme Félix Hartüng (1757-1847)[193] ; l’automne suivant ce sera d’ailleurs le seigneur William Fraser et son épouse Matilde Duberger qui seront parrain et marraine du premier enfant de ce couple à naître en terre d’Amérique[194].  L’arrivée de William Fraser, fils de feu Malcom, permet aux gens des deux seigneuries d’avoir enfin un médecin, service qui leur avait toujours fait défaut.  Fraser, en plus d’assurer la gérance de Mount Murray, peut tenir ce rôle, car il avait obtenu du gouverneur la reconnaissance de son diplôme londonien en médecine et la permission de pratiquer cette profession dans la colonie à partir de l’été 1817[195]

Le 13 septembre 1817, Joseph associé de son frère Pierre pour une part du moulin, contracte une obligation auprès du marchand et commerçant de bois Amable Bélair, le nouvel époux d’Anne Fraser.  Il pourrait s’agir d’un engagement à livrer du bois d’œuvre au commerçant, bois d’œuvre qui sera préparé au moulin qu’ils détiennent[196]

 

Toujours en septembre, il assiste avec son beau-frère François Boulianne aux funérailles de Pierre Duchesne (1769-1817), un journalier de son âge qui travaillait pour le compte du beau-frère à la solde des Fraser[197].

 

On a souvent vu le traitement particulier que réservait le curé Le Courtois pour les familles des seigneurs et leur entourage.  On notera que depuis son arrivée, aucune femme ne signe le registre, à l’exception des épouses ou enfants des seigneurs ou de leurs proches.  En janvier 1818, c’est ce que fait Matilde Duberger, épouse de l’un des héritiers de Mount Murray, alors qu’elle est marraine d’un enfant d’Antoine Riverin, un membre de la bourgeoisie naissante de Murray Bay.  Ce n’est pas qu’aucune femme du pays, épouse de censitaire ne sache écrire, car bien au contraire, plusieurs comme Marie Boulianne[198] en sont capables, alors que les maris sont souvent illettrés, mais les portes de l’église ne leur sont encore qu’entre-ouvertes.  Mathilde Duberger signe «Mathilde Fraser» depuis qu’elle a épousé le demi-seigneur de Mount Murray il y a trois mois, une coutume des îles britanniques qui n’a pas encore fait son chemin chez les gens du pays, mais qui deviendra bientôt la norme[199].  Il faut comprendre que l’épouse est la fille de Jean Baptiste Duberger (1767-1821), dessinateur dans le génie royal, très proche des autorités coloniales[200].

Les opérations forestières sont à l’époque une question de famille élargie.   Comme on l’a vu en 1815, Joseph et son frère Pierre sont souvent associés quand il est question du moulin au sud-ouest de la rivière Murray.  Il en allait de même avec Louis à certaines périodes.  Ainsi, en 1818, Louis qui a plus de bois d’abattage que son propre moulin du ruisseau des Frênes ne réussit à traiter achemine sur des traîneaux de bois tirés par des chevaux les surplus de billots coupés au moulin de Joseph et Pierre[201].  Ces derniers en feront le bois d’œuvre commandé par le marchand Antoine Guay (1781-1868) dans le cadre d’un contrat que Louis avait passé l’automne précédent avec ce dernier.  Pierre Gagné (1788-1843), petit-cousin de Joseph et filleul de Pierre, se charge du transport en forêt et du «boom» (la drave) sur la rivière[202]Joseph et Pierre ont eu également comme associés dans ce moulin leur cousin par alliance Dominique Lavoie (1765-1822); il en est de même de Pierre Boudreau (Société des Pinières du Saguenay), futur gendre de Pierre.  De plus, ils ont pu compter sur d’autres pour la fourniture du bois d’abattage pour ce moulin.  Louis Tremblay (1788-1853), qui vient de s’établir à Murray Bay, fournit également du bois d’abattage pour le moulin[203].  Il est raisonnable de croire que le gendre Benoni Gaudreau était également l’un de ceux-là.  Ces alliances avec parents et voisins ont été périodiques; si Joseph et Pierre ont toujours été associés à ce même moulin, les autres n’ont fait que passer alors que les alliances se formaient et de défaisaient.


Louis Pelletier

Selon les recherches effectuées au début du siècle par l’auteur Louis Pelletier pour la rédaction du livre La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860, Joseph aurait possédé un moulin à scie sur le ruisseau au sud-ouest de la rivière Malbaie dès 1818.  Il s’agit sans doute du moulin qu’il possède conjointement avec son frère Pierre[204].

Lorsque son frère Louis convole en secondes noces le 23 novembre 1818 avec la veuve Esther Boudreau (1772-1865), Joseph est absent de la cérémonie.  Le curé ne mentionne pas sa présence et il ne signe pas le registre, ce qu’il fait systématiquement à chaque fois qu’il participe à une telle cérémonie.  Pourtant, Esther et feu Pierre Audet dit Lapointe (1765-1816), son premier mari, sont tous deux des amis d’enfance et voisins de Joseph à l’Isle ?  Le lendemain Joseph se présente dans la même église pour assister au mariage de sa filleule Judith (1799-1835), fille de feu son frère Michel et évidemment, il signe le registre[205].

En 1819, la compétition entre les moulins est déjà féroce, mais les frères Joseph et Pierre ainsi que Louis s’en tirent assez bien et ne manquent pas de contrats.  Joseph, qui a toujours ses entrées auprès d’Amable Bélair (1781-1841), vend à ce dernier un stock de madriers que le moulin a produit à l’automne 1819[206].  Bélair, l’époux de la fille de feu Malcom Fraser qui dirige par procuration le plus clair des opérations de la seigneurie de Mount Murray en mène de plus en plus large à Murray Bay.  Il est alors l’un des trois marchands se livrant au commerce du bois.  Comme Pierre, frère de Joseph, vendra lui aussi un stock de madriers à Bélair dix jours plus tard, on pourrait penser que les deux frères opèrent le moulin en alternance.  Il est cependant plus probable que Pierre aura été celui qui s’était rendu cette journée-là pour signer l’acte devant notaire au «village de Nairne» qui n’en est qu’à ses balbutiements[207].  La localisation du moulin sur le ruisseau au sud-ouest de la rivière Murray facilite le transport de bois d’œuvre par drave jusqu’au terrain de Bélair, ou vers l’Îlet pour son chargement sur des goélettes en partance pour Québec avant qu’il ne soit transbordé sur des navires en partance pour l’Angleterre. 

Si Joseph avait appris à écrire, d’autres le sauront sous peu puisqu’un «maître d’école» vient de s’établir à Murray Bay.  Joseph Belleau (1792-1869), natif de Québec, devait recevoir sa rétribution des autorités coloniales puisqu’ainsi allait la loi depuis 1801. Les habitants devaient construire la «maison d’école» et l’entretenir, alors que les autorités à Québec nommaient le maître et le payaient.  On en connaît peu sur ce premier essai d’éducation publique à Murray Bay, mais quoi qu’il en soit le «maître d’école» aura déjà rebroussé chemin en 1822[208] et il faudra attendre l’arrivée de l’Écossais Peter Leggatt (1790-post.1861), un presbytérien, pour que reprenne l’enseignement.  Leggatt parle l’anglais et le français.  Comme nous le révélerons les documents de l’époque, l’instruction se donnera dans les deux langues[209].  C’est probablement un des facteurs qui fit qu’à Murray Bay, une première génération de Hervé adoptera le patronyme Harvey. 

 

La population de la paroisse Saint-Étienne augmente.  Non seulement Murray Bay et Mount Murray attirent de nouveau venus, mais les familles s’y font nombreuses.  Si l’on compte en moyenne une vingtaine de décès par année, une centaine d’enfants se pointent le bout du nez.  Marie Hervez sera l’une de celles qui contribueront à cette augmentation de population après avoir épousé Germain Gaudreau le 11 janvier 1820.  Marie est la deuxième fille de Joseph à épouser un fils de Jean Gaudreau.  La cérémonie a beau se dérouler un mardi, tous les Hervé de Murray Bay assistent à l’événement[210].  Quand, un mois plus tard, sa nièce Christine Hervé (1803-1831) se marie, Joseph et son frère Louis assistent à la cérémonie.  Il s’agit d’une fille de leur frère Michel lequel est déjà décédé[211]

 

En mai, les habitants de la seigneurie voient partir celle qui avait permis à des centaines d’enfants de voir le jour. La sage-femme Procule Victoire Guay (Gay) s’éteint à l’âge de soixante-douze ans.  Deux jours plus tard, l’église est pleine à craquer pour célébrer son inhumation.  Parmi les témoins, on reconnaît plusieurs membres de familles qu’elle a assistés pendant toutes ces années[212].  

La famille élargie est toujours très impliquée dans la transformation du bois.  Le 12 septembre, la seigneuresse accorde à Jean Benoni Gaudreau, gendre de Joseph, et à son beau-frère Joseph Boulianne un bail de moulin.  Comme on ne trouve pas trace d’un deuxième moulin qu’aurait possédé le beau-frère, on doit conclure que le gendre s’est joint aux opérations du moulin que possède Boulianne avec Alexandre Boivin, le second époux de la femme de feu Michel Hervé.  Rappelons que Joseph, son gendre, son beau-frère et Boivin sont tous voisins dans la concession du ruisseau des Frênes[213].

Comme Joseph et ses opérations forestières sont une question de clan familial élargie, ses propres enfants feront leurs armes tôt dans le domaine.  C’est le cas, en autres, de son aîné Joseph (1802-1852), celui qui deviendra l’un des membres de la Société des 21 et contribuera à l’ouverture du Saguenay à la colonisation; ce dernier sera d’ailleurs l’un des rares de la société à s’établir au Saguenay.  Il n’avait que dix-huit ans et naviguait sur une goélette au moment des événements suivants. 

C’est une histoire de transport de bois d’œuvre qui se déroule alors que son capitaine tente de se faire rembourser ses frais :

 

«L’an 1820, le treizième jour d’octobre, avant-midi, par devant le notaire public pour la province du Bas-Canada, résidant en la paroisse de Saint-Étienne, comté de Northumberland et témoins ci mentionnés et soussignés, sont comparus le sieur Archibald McLean (1780-1877), navigateur pour le fleuve Saint-Laurent, maître et capitaine de la goélette Labrador et le sieur Joseph Hervey, garçon mineur (fils de Joseph), matelot en la dite goélette, tous deux résidant en la dite paroisse.

Lesquels ont dit et déclaré, après serment dûment prêté sur les saints Évangiles, que le vingt-quatrième jour du mois de septembre dernier, étant tous deux à bord de la dite goélette Labrador, chargée de madriers, à l’endroit nommé la Petite rivière Malbaie (rivière Jean Noël), qu’ils auraient fait voile, ce même jour, avec la dite goélette sur les deux heures de l’après-midi avec une petite brise de nord-est, la dite goélette étant suffisamment étanche pour la dite charge, pour mener la dite charge à bord d’un navire mouillé à la pointe au Pin (l’Isle-aux-Grues) en le dit fleuve, pour et au nom de Monsieur Pierre Huot (marchand lié au moulin de Benoni Gauthier sur la Petite rivière Malbaie), maître des dits madriers, résidant en la ville de Québec,

Que, le même jour du vingt-quatrième, ils auraient été mouiller la dite goélette dans un mouillage de six brasses et demie, à l’endroit nommé la Prairie (Isle aux Coudres), environ quatre lieues au-dessus de leur départ, qu’ils auraient été détenus au dit mouillage deux jours par les vents du sud-ouest, que le vingt-sixième jour du dit mois de septembre, que sur les deux heures après-midi, qu’ils auraient levé l’ancre avec les vents ventant sud modéré et qu’ils se sont rendus en louvoyant à la baie Saint-Paul, sur les quatre heures du même soir et que, pour lors, ils ont été contraints par les vents du sud-ouest de jeter l’ancre pour se mettre sur une petite batture et calfater la dite goélette qui avait été forcée par les vents, qu’ils furent contraints de rester en le dit lieu jusqu’au vingt-huit du dit mois de septembre, qu’ils firent pour lors voile pour sortir du dit lieu et firent mouiller la dite goélette une demi-lieue de leur départ à l’endroit nommé le Remous, 

Que le vingt-neuf du dit mois de septembre, sur les quatre heures du matin, qu’ils firent voile pour se rendre à la dite pointe au Pin, qu’ils furent mouillés avec les vents du sud-ouest aux piliers boisés de l’île aux Oies (archipel de l’Isle-aux-Grues), sur bas midi, et qu’ils ont jeté l’ancre pour laisser passer le baissant de la marée, que, sur les quatre heures du même jour, ils firent voile avec les vents du sud-ouest pour faire la traverse du sud en louvoyant et que sur les neuf heures du soir, par la force du vent, les voiles de la dite goélette ont été emportées et que, pour lors, ils ont été obligés de relâcher au premier havre en sûreté pour sauver les dits madriers et qu’ils se sont rendus sur les battures devant la dite paroisse Saint-Étienne, que la dite goélette, ayant été tellement forcée par la mer, coulait bas.

Qu’étant sur les dites battures, la dite goélette n’a pu reflotter que huit jours après, après avoir été calfatée à nouveau et entrée dans le havre de la Malbay et qu’aussitôt, il aurait, conformément à une lettre de Maître Charles Pacaud (navigateur et plus tard instituteur à Murray Bay), associé du dit sieur Huot, mis les madriers à bord du bateau La Catiche appartenant au capitaine Pierre Denis Lapierre (marié à Geneviève Blackburn, fille de Hugh), lequel dit capitaine Lapierre les aurait reçus à bord de son dit bateau, le neuvième et dixième jour du présent mois, que le onzième jour du présent mois, le dit capitaine Lapierre, étant sur le point de faire voile, est survenu un orage de pluie, accompagné d’un coup de vent de nord-est terrible que le dit bateau vint à la côte avec les dits madriers tellement que les dits madriers étant déchargés sur le bord du fleuve en sûreté dans la baie de La Malbaie, que le dit bateau même est à sec à haute mer.

C’est pourquoi le dit capitaine Archibald McLean pour et en son nom, nous dit notaire, nous a requis en notre dite capacité de notaire, de protester pour tous frais, dépens, dommages et intérêts contre les vents, mer, battures et, en conséquence au dit nom, nous dit notaire avons protesté et protestons par les présentes pour tous frais, dépens, dommages et intérêts déjà soufferts et à souffrir, le jour et an susdit, en présence des sieurs David Tremblay et Pierre Tremblay, tous les deux de la dite paroisse, témoins et lecture faite, requis de signer ceux le sachant faire (l’ont fait) et ceux ne le sachant faire ont fait leur marque ordinaire d’une croix.»

Pierre + Tremblay, David Tremblai, Joseph + Hervey, Archibald McLean

Charles Chiniquy, Notaire publique[214]

Transcription de l’acte notarié en français contemporain

À la fin des années 1810, le commerce florissant du bois des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray attire beaucoup de ces marchands, étrangers à la paroisse et qui y viennent tentés d’y trouver fortune.  Si on a déjà vu apparaître les Amable Bélair, Pierre Huot et Charles Pacaud, un bon nombre d’autres marchands s’ajouteront à cette longue liste de spéculateurs qui ne feront que passer dans la région au cours des années 1820.

Au début de novembre 1820, Joseph signe, comme parrain, le registre de baptême d’«Emerentienne Godreau», laquelle est la première enfant de sa fille Marie[215].

Comme l’alcoolisme du tabellion Charles Chiniquy le clouait au lit régulièrement depuis un certain temps[216], un nouveau notaire fait son apparition à Murray Bay au cours de l’automne[217]. Dorénavant, ce sera Charles Herménégilde Gauvreau (1787-1839) qui rédigera les actes notariés pour Joseph.  Le premier notaire résident, Charles Chiniquy, s’éteindra le 19 juillet suivant[218].

Il a été question précédemment des préoccupations du vieux seigneur au sujet des nombreuses fêtes et cérémonies qu’engendrait la pratique du culte catholique.  Une vingtaine d’années après sa mort la situation n’avait guère changé et, chez les Hervé, on ne ratait pas une occasion de fêter, même si ces célébrations avaient lieu en pleine semaine.  Par exemple, le mardi 21 novembre, Joseph et ses proches interrompent le travail pour célébrer deux mariages, celui du son neveu Pierre Hervez (1799-1853), l’aîné de Pierre, et celui de Marie Desbiens (1786-post.1843), l’aînée de sa cousine Marie Anne Hervé (1762-1805), elle-même aînée de son oncle Dominique.  Sept jours plus tard, toujours un mardi, on s’arrête à nouveau pour en fêter un autre.  Cette fois c’est à l’occasion du mariage d’une nièce, Christine Savard (1800-1821), fille de sa défunte sœur Marie (1773-1817) qui se marie à Alexis Desbiens; Joseph lui sert de témoin[219].  Ainsi allait la vie dans la seigneurie au grand dam de ses dirigeants.

On se souviendra qu’au début du siècle l’évêque avait espéré accorder les mœurs de Murray Bay avec celles qui étaient respectées ailleurs dans les paroisses rurales, là où elles étaient «universellement modestes dans leur conduite; les femmes de par leur nature, les hommes de par la coutume».  Même après une vingtaine d’années, l’évêché devra attendre encore longtemps avant que ne soient exaucés ses souhaits, car la plupart des habitants respectaient l’Église, leur attitude ne semblait pas une soumission docile.  L’évêque Plessis avait pourtant exigé que les motifs de la faute avant d’accorder une dispense d’empêchement de mariage pour motif de relations sexuelles préconjugales (sic), mais cela n’eut guère d’effet à Murray Bay[220].  Ainsi, en 1821 uniquement, on comptera six baptêmes d’enfants nés «de parents inconnus» ou d’enfants dits «naturel (s) », un nombre surpassé uniquement par les paroisses des grandes villes beaucoup plus populeuses[221].  Si ce genre d’opprobre n’avait pas encore touché la famille immédiate de Joseph, cela ne devait guère tarder. 

Le moulin de Joseph et de son frère Pierre perd un actionnaire de la première heure lorsque Dominique Lavoie décède le 4 juin 1822.  Bien entendu, Joseph se fait un devoir d’assister à la cérémonie funéraire et de signer le registre[222].  La veuve Lavoie, cousine Charlotte Desbiens et deux des fils de cette dernière, Étienne (1800-1860) et Paul Lavoie (1803-1880), futur coassocié de la Société des 21, poursuivront le partenariat.

Au printemps 1822 et contrairement à ses habitudes, le curé François Gabriel Le Courtois qui est trop handicapé par ses infirmités grandissantes ne part pas en mission dans les Postes du roi.  Conséquemment, plus que jamais, les autochtones passeront en grand nombre à Murray Bay au cours de l’année; un groupe de Montagnais en juin, cinq groupes de Micmacs en juillet, septembre et octobre et trois groupes de Malécites en septembre et en octobre.  Du jamais vu.  Devant son état, en septembre, le curé se jugeant incapable de desservir sa paroisse avait demandé à l’évêque Plessis d’être remplacé.  Le 22 octobre il était parti.  Joseph et sa famille disaient donc adieu à celui qui, depuis son arrivée en 1806, avait transformé son patronyme Hervé en Hervey.  Son remplaçant se présenta à Murray Bay le 5 novembre.  Pierre Duguay (1786-1843), troisième curé de Saint-Étienne, avait d’abord été d’abord curé à l’Isle aux Coudres de 1819 à 1822.  Il utilisait alors la forme Hervé du patronyme.  Natif de Saint-François-du-Lac sur le lac Saint-Pierre, peut-être ne connaissait-il pas les liens familiaux qui unissaient les Hervé de l’île et ceux de Murray Bay[223].  Quoi qu’il en soit, il écrira le patronyme de Joseph sous la forme Hervai pour le reste de sa vie puisque c’est le dernier curé de l’endroit qu’il connaîtra.  Aussi avec l’arrivée du père Duguay, tous les «laboureurs » allaient devenir des «cultivateurs » [224].

Si Le Courtois, au fil de ses missions dans les Postes du roi, avait appris à reconnaître les différentes nations autochtones, il en allait tout autrement du troisième curé.  Ce dernier, pendant son enfance à Saint-François-du-Lac, avait sans aucun doute connu les Abénaquis d’Odanak qui vivaient tout juste de l’autre côté de la rivière face à chez lui, mais là s’arrêtait sa connaissance des premières nations.  Cloîtré pendant plusieurs années pour atteindre la prêtrise, au séminaire de Saint-Hyacinthe et à l’Isle aux Coudres, il n’avait guère eu l’occasion de rencontrer ceux qui avaient précédé les Français dans la vallée du Saint-Laurent, du moins les membres des nations en bas de Québec.  Si la fonction de missionnaire était d’évangéliser les autochtones, l’enseignement préparatoire devait faire défaut, car lorsque se présente le Micmac François Joseph pour faire baptiser sa fille le 8 novembre, le père, la mère, le parrain et la marraine seront simplement qualifiés de «sauvage».  Ainsi ira l’avenir des autochtones christianisés dans les registres du curé Duguay qui n’apprendra pas beaucoup avec le temps, car on avait confié à un autre les Postes du roi et l’évangélisation des autochtones[225].  Comme l’autre missionnaire était malade, la régularité des visites de fils des premières nations continuera à Murray Bay, du moins pour un certain temps.  C’est ainsi qu’un groupe de «sauvages Amalicites de la rivière Saint-Jean» s’amenèrent à l’église Saint-Étienne pour le mariage de quatre des leurs en juin 1823[226].

Joseph a besoin de bois pour alimenter le moulin, comme ses frères il achète donc des terres et il se départit de celles-ci une fois vider de leur bois brut.  Une de ses transactions emmène Joseph, en août 1823, à vendre une terre à son neveu Joseph Simard.  Ce dernier est l’un des fils de la belle-sœur Emerentienne Boulianne.  C’est au mariage de cette dernière que Joseph avait fait sa première apparition documentée à Murray Bay[227].   

La naissance du sixième enfant de l’aînée Julienne à la fin août nous révèle une pratique que le nouveau curé Duguay a instituée depuis son arrivée.  Lors des baptêmes, ce dernier mentionne la présence ou l’absence du père de l’enfant à son registre.  Si le curé avait hérité de fidèles dévots à l’Isle aux Coudres, après le passage de quelques curés forts autoritaires, il en allait tout autrement à Murray Bay où les mœurs des paroissiens n’étaient évidemment pas à son goût.  Comme on l’a vu, l’absence de pasteur pendant une longue période dans les débuts du lieu, la presque révolte des paroissiens contre deux de leurs curés et surtout le choc des cultures, eurent comme conséquence des comportements très différents de ceux des vieilles paroisses.  L’une de ces habitudes qui irritent le curé est que les pères n’assistent pas au baptême de leurs enfants, quelle que soit la saison[228].  Les auteurs ont longtemps cru que le travail en forêt l’hiver justifiait ces absences.  À Murray Bay, ce n’est guère une explication qui tienne et cela, en toute saison; même le forgeron du village qui à boutique à quelques enjambées de l’église n’assiste pas au baptême de ses enfants[229].  L’époux de Julienne était absent le 31 août lors du baptême de son quatrième fils[230].  Joseph, pour sa part, qui signait toujours les registres des curés, fut absent de onze baptêmes des siens et n’assista qu’à ceux de ses trois premiers enfants.      

Christiana Emery, poursuis le développement de la seigneurie qu’elle gère de main de maître depuis le décès de son époux.  À l’été 1824, c’est dans la «Concession des gens de l’Isle» qu’elle concentre l’accord de terres.  C’est toujours au manoir de la seigneurie que notaires et censitaires doivent se présenter pour la signature des actes de concession de ces derniers[231].    

À la suite du découpage des terres au fil des années la seigneuresse sent le besoin, à l’été 1824, de refaire le chaînage des terres et vérifier certaines des bornes de la concession où demeure Joseph.  Pour ce faire Christiana Emery fait appel à l’arpenteur François Fournier (1776-1836), un homme de confiance.  Fournier avait étudié l’arpentage auprès du loyaliste Jeremiah McCarthy (1758-1828) et avait obtenu le commandement d’une compagnie lors de la guerre de 1812.  L’arpenteur consacra deux jours à la demande de la seigneuresse.  Son procès-verbal révèle le nom des propriétaires concernés par la demande de la seigneuresse : Jean Baptiste Boudreau, Alexis Tremblay, Louis Desgagné, Jean Baptiste Simard, Joseph Simard, André Le Breton, Joseph Hervé, le gendre Bénoni Gaudreau, Michel Gagné, Jean Desbiens et André Le Breton[232].

Un changement de cap ?

En juin 1824 le moulin que Joseph possède toujours, en association avec son frère Pierre et quelques autres, est détruit par les forts courants d’eau.  Un hiver neigeux et une fonte des neiges précipitée avaient entraîné un coup d’eau qui emporta la majeure partie de l’ouvrage[233].  Ses fils et ses neveux continuent d’exploiter les forêts environnantes comme ils le feront plus tard pour celles du Saguenay, mais l’activité de Joseph dans la transformation du bois semble s’être arrêtée là.  Si Joseph, cinquante-six ans, a poursuivi ses activités forestières, les greffes des notaires ne nous en révéleront pas les secrets.

Au début de 1825, Joseph voit se marier son septième enfant, l’aîné Joseph fils.  C’est donc cinq ans après son aventure sur le fleuve avec le capitaine Archibald McLean que Joseph fils épouse Agnès Morin.  Native des Éboulements, ses parents étant tous deux décédés depuis une quinzaine d’années, Agnès était venue travailler à Murray Bay quand Joseph fit sa rencontre[234].  Le curé Duguay ayant des idées bien arrêtées quant aux comportements attendus de ces paroissiens, avait bousculé, dès son arrivée, certaines habitudes.  Il favorisait les mariages en hiver comme il l’avait fait à l’Isle aux Coudres où cultivateurs, pêcheurs et navigateurs n’avaient guère le choix de s’arrêter pour l’hiver.  Le curé n’acceptait guère que, dans sa nouvelle paroisse les cultivateurs qui devenaient bûcherons l’hiver y trouvent prétexte pour ne pas assister à ses offices; une réalité qui deviendra la norme dans vingt ans pour toute la région, mais qui pour l’heure, est encore bien propre aux seigneuries voisines de sa paroisse. Un autre changement imposé par l’abbé Duguay est le fait que les pères ne trouvaient plus place à son registre lors du mariage de leurs enfants puisque pour lui il allait de soi qu’ils soient présents.  Il forçait plutôt les couples voulant s’épouser à se trouver des témoins à l’extérieur des clans familiaux.  S’en était ainsi fini du temps où ceux qui avaient vaillamment appris à signer se trouvaient une occasion de signer un registre lors de mariage[235]Joseph père ne signa donc pas le registre du mariage de son aîné cette journée-là comme il ne signera plus jamais aucun des registres de mariages de ses enfants.  Joseph fils demeurera chez son père, car à l’été 1825 il y est toujours avec sa femme. 

Au recensement de 1825, «Joseph Arvais» apparaît dans la concession du ruisseau des Frênes, voisin de la veuve de son frère Michel remarié à Alexandre Boivin et de son beau-frère Joseph Boulianne.  On se souviendra que Boivin, le beau-frère et Benoni Gaudreau, gendre de Joseph, possèdent un moulin à scie sur le ruisseau, près de l’endroit où tous habitent.  Si les greffes de notaires ne nous ont pas révélé vers quoi Joseph tourna ses énergies après la perte de son moulin, on en a peut-être ici une indication[236], d’autant plus que dans quatre ans, Joseph donnera devant notaire quittance générale de droits à Alexandre Boivin[237]

 

On peut présumer que c’est au début de l’année 1827 qu’on voit l’opprobre tomber sur la famille de Joseph.  Son aînée Julienne agit comme marraine de Marie Louise, une enfant née «de paren (sic) inconnus» le 3 mars[238];  son époux Benoni Gaudreau est parrain.  Que cache le rôle joué par Julienne et Benoni cette journée-là ?  Nul ne le saura, car cette dernière emportera ce secret avec elle dans sa tombe quelques mois plus tard.   Joseph et Marie n’avaient perdu aucun enfant depuis la mort de leur fille Monique en 1811 et encore là, la petite n’avait vécu qu’un mois.  La fin de l’année 1827 allait leur faire vivre un départ douloureux par le décès, le 2 décembre, de leur fille aînée Julienne, celle sur laquelle le couple vieillissant s’était appuyé jusqu’à présent[239].  On se souviendra qu’en 1814, Joseph avait passé un acte de donation entre vifs par lequel il s’était dépouillé de sa terre et de son toit au profit de Julienne

 

C’est en février 1828 que Joseph perd sa compagne de vie.  Marie Boulianne avait donné naissance à quatorze enfants dont onze avait survécu à leur naissance lorsqu’elle s’éteint à l’âge de cinquante-sept ans.  Joseph la porte en terre le 12 février.  Marie était «morte depuis plusieurs jours»[240].

Dans ses relations avec la petite bourgeoisie de sa paroisse, l’abbé Duguay ne devait pas avoir toute la finesse reconnue à son prédécesseur Le Courtois duquel Christine Nairne (1774-1817), la fille célibataire de la seigneuresse, avait tellement apprécié les services qu’à son décès en 1817, elle lui laisse un legs testamentaire[241].  L’évêché ou une âme charitable devait avoir rappelé au nouveau curé Duguay la déférence due à une partie de sa population, puisque depuis quelque temps dans ses registres il qualifiera les notaires, les marchands et autres membres de l’élite locale de «Sieur», leurs épouses de «Dame» et leurs filles de «Demoiselle» [242].  On ne retrouvera ces épithètes associées à aucun des membres de la famille de Joseph ou à celle de ses frères, le curé les voyant plutôt comme des «cultivateurs» et non des entrepreneurs.  Si son frère Louis était qualifié de «capitaine de milice» et son fils Thomas de «négotiant (sic)», aucun ne se verra attribuer l’épithète de «Sieur».  L’abbé Le Courtois avait eu tout le temps de jouir de son legs puisqu’il ne décédera qu’au printemps 1828, un mois après la mort de la seigneuresse[243]«La famille Nairne toute protestante qu’elle fut» bénéficia largement des bontés et de la compassion de Le Courtois.  Les Nairne manifestaient souvent leurs sentiments d’affection à l’égard de ce curé français qui avait bien compris qui étaient les maîtres des lieux[244].  L’abbé Duguay allait devoir en faire un peu plus pour mériter pareil traitement.

Les autochtones ne se bousculent plus aux portes de l’église Saint-Étienne depuis l’arrivée du troisième curé. Il faut dire qu’en laissant partir l’ancien curé François Gabriel Le Courtois, l’archevêque avait imposé à ce dernier la condition qu’il aille de temps en temps visiter les Indiens de la région du Saguenay.  Le Courtois fut vite contrecarré dans son obligation par ses infirmités grandissantes[245], ce qui ne ramena pas pour autant les fils de premières nations à Murray Bay; seulement trois visites en cinq ans[246].  Ces rares visites étaient surtout le fait d’un clan d’habitués de Murray Bay, établi à Tadoussac.  D’ailleurs les autochtones de Tadoussac n’étaient pas les seuls à visiter occasionnellement Murray Bay, comme le firent un couple d’entre eux au printemps 1828, pour venir enterrer un de leurs enfants «en terre chrétienne».  Charles Marceau, commis du Poste du roi de Tadoussac, vint également y faire baptiser un enfant.  L’absence d’un missionnaire dans les Postes du roi de la haute Côte-Nord n’avait pas pour autant poussé les autochtones vers l’église Saint-Étienne.  Si Joseph les avait bien connus, ses enfants ne les verront pas souvent[247].

 

L’assimilation des Écossais, qui parlaient généralement le gaélique entre eux et le français avec les gens du pays, s’était faite progressivement à partir leur arrivée par leur union avec des femmes du pays.  Les locuteurs anglophones des deux seigneuries, natifs des îles britanniques, se voyaient aussi assimiler par la majorité francophone avec laquelle, lentement, ils partageaient aussi la religion.  C’est ainsi que des individus comme le navigateur et pêcheur de saumon de Murray Bay Joseph Hovington (1797-1878), qui avait épousé en 1821 la catholique Adelaïde Auclair (1794-1878) à l’église presbytérienne St Andrews, se convertit à l’église de Rome et est baptisé au printemps 1829[248].  Quatre enfants du couple avaient déjà été baptisés par les curés Le Courtois et Duguay.  

Dès le début de la décennie, les bonnes terres du littoral de la seigneurie avaient toutes déjà été accordées et, comme on l’a vu, même ces terres étaient moins productives que celles des autres régions de la vallée du Saint-Laurent.  Les nombreuses familles se retrouvaient donc à l’étroit dans cette vallée resserrée de la Rivière-Malbaie.  Conséquemment, les nouvelles familles, fils et filles des premiers colons de la seigneurie, gagnaient déjà les plateaux intermédiaires.  C’est ainsi qu’en 1827, on constitua la paroisse de Sainte-Agnès habité depuis déjà un certain temps.  D’autres gagnaient déjà le canton de Settrington ou les extrémités de la seigneurie de Mount Murray dans les secteurs qui deviendront Saint-Fidèle et Saint-Siméon[249] malgré tout le développement dans la seigneurie de Murray Bay et sa voisine ne suffisait plus, car faute de bonnes terres agricoles, les censitaires cherchaient avant tout un accès à la forêt.  Cette dernière procurait le revenu additionnel nécessaire au support de la famille que la culture de la terre ne pouvait fournir.  C’est ainsi qu’en 1829, les censitaires des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray présentèrent aux autorités coloniales une pétition demandant l’obtention de terre dans les Postes du Roi (le Saguenay), surtout pour y faire de la «pinière» et prendre pied dans la terre réservée jusque-là à la très britannique Compagnie de la Baie d’Hudson[250].  Si ce ne fut pas la totalité des censitaires qui signèrent la pétition, Joseph le fera, comme une centaine d’autres.

Pétition demandant l’obtention de terre dans les Postes du Roi 

Province du Bas Canada, District de Québec, Comté du Saguenay

Son Excellence Sir James Kent, Chevalier Grande Croix du très Honorable Ordre Militaire du Bain. Lieutenant Général et Commandant de toutes les Forces de Sa Majesté dans les Provinces du Bas Canada et du Haut Canada et Administrateur du Gouvernement de la dite Province du Bas Canada.

Qu’il plaise à Votre Excellence

Nous les Soussignés les Fidèles cl Loyaux Sujets de Sa Majesté George IV par la grâce de Dieu.

Roi, du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande Défenseur de la Foi. Convoqués en Assemblée Paroissiale, et tous Cultivateurs et Censitaires de terres dans les Seigneuries Murray Bay et Mount Murray., dans les Comtés et District susdits.

Représentons très respectueusement

Qu’il nous a paru que le Gouvernement de cette Province, dans sa sagesse, a en contemplation

L’Établissement des Postes du Roi dans le dit Comté.

Que la Majorité d’entre nous connaît parfaitement bien le local pour en avoir fait plusieurs fois la visite.

Que les terres que nous habitons actuellement sont presque toutes incultes, par les Mornes, les Buttes, Montagnes et autres inconvénients à peu près équivalents et conséquemment insuffisantes pour y élever les nombreuses familles qui les habitent et qui se multiplient avec ra
pidité de sorte que ces terres subdivisées d’après le principe des Lois Françaises en force en cette Province, au lieu d’enchérir les propriétaires d’icelles, les empauvrissent à ne jamais en résoudre.

Qu’étant les plus à proximité des dits Postes, Nous pourrions les établir plus facilement et plus promptement que des personnes éloignées d’iceux.

Qu’en outre des présents pétitionnaires, les quatre autres paroisses qui nous avoisinent, sont en général disposés à se joindre à Nous pour les dits établissements, dans le dit Comté.

C’est pourquoi nous supplions très humblement Votre Excellence de vouloir bien prendre la présente en sa considération et nous accorder la préférence des dits établissements si toute fois le Gouvernement se décide à faire établir le dit Comité, de même que nous en sommes informés qui sera certainement avantageux au Gouvernement, et à ceux qui s’y établissent.

Et nous ne cesserons de Prier.

MALBAIE 4 Avril 1829.

Parmi les signataires on trouve :


Louis Hervey, capitaine Thomas Harvay, enseigne

Joseph Hervey André Hervey

François Hervey, fils de Jean Pierre Hervey, fils de Jean

Moïse Hervey, fils de Jean

François Harvey, fils de David et deux garçons

Pierre Hervey, fils de David

Zacharie Hervey, fils de Dominique

Joseph Hervey


Se sentant probablement malade, il semble que ce soit à l’automne 1829 que Joseph passe la main à son fils aîné Joseph.  Il se présentera deux jours consécutifs, en octobre, chez le notaire Thomas Louis Duberger pour y signer quatre actes qui établiront Joseph fils[251].  L’attribution du «vieux bien» et de la «terre paternelle», à Joseph fils est exceptionnelle pour l’époque.  Depuis le début du siècle, les aînés avaient tendance à quitter le nid familial des anciennes paroisses pour s’établir ailleurs dans les nouvelles aires de défrichement compte tenu de l’âge des pères et de la rareté des terres.  Conséquemment, c’est rarement l’aîné qui héritait.  Il faut dire que Joseph fils est un bien drôle d’aîné puisqu’il fut précédé par six filles et que le père avait tout d’abord pensé s’appuyer sur Julienne, l’aînée des filles maintenant décédée[252].   

Le 6 février 1830, Dominique Romain Hervé, celui que l’on prénommait Joseph, veuf depuis deux ans, s’éteint à l’âge de soixante-deux ans[253]Joseph fils avec ses frères et sœurs se répartiront les biens subsistants, surtout mobiliers, une dizaine d’années après le décès de leur père[254] .  Peu après son arrivée à Murray Bay, les autorités coloniales avaient nommé sa région, le comté de Northumberland (1792).  Curieusement à son décès, on venait tout juste de lui donner le nom de comté de Saguenay (1829) et cela même si les habitants du comté n’avaient toujours pas la permission de s’établir le long de cette rivière. 

Joseph avait pu bénéficier de l’abondance relative des terres de la vallée de la rivière Murray.  Il en aura vécu leur occupation, suivi de la rareté des bonnes terres du littoral, forçant la nouvelle génération en direction des plateaux intermédiaires plus arides.  Au moment de son décès, Sainte-Agnès venait tout juste de voir le jour et le canton de Settrington était sur le point d’être créé, son occupation étant déjà entamée.  La progéniture de Joseph contribuera au peuplement d
e l’arrière-pays.  Il laisse derrière lui plusieurs enfants qui deviendront entrepreneurs-marchands et œuvreront en autres, dans le domaine de l’exploitation forestière.  Il est le père d’André (1804-1893) et de Pierre (1807-1872) qui sont déjà d’importants marchands et qui s’imposeront dans la vie économique des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray et dans l’ouverture du royaume du Saguenay.  Joseph fils et André deviendront membres à part entière de la Société des Vingt-et-un, une organisation qui a contribuera à l’ouverture du Saguenay en 1837.  Leurs noms sont inscrits sur le monument qui trône sur le site du patrimoine du noyau institutionnel de Saint-Alexis-de-Grande-Baie depuis son inauguration en 1924[255]Joseph est également le père de Christine (1815-1894), celle qui sera la première Harvey à s’établir à l’ouest de Québec.

Dominique Romain dit Joseph est aussi le grand-père de Marie de Lima Harvey (1848-1928) dont la belle-mère assumera le rôle principal dans le roman Kamouraska d’Anne Hébert dans lequel le seigneur de l’endroit est assassiné.  

Il est l’ancêtre de Maude, France et Claire, les premières triplées chez les Harvey nées en 1953.

Il est également l’ancêtre de trois centenaires : Georgette Harvey (1915-2016), native de Saint-Fulgence qui vécut le plus clair de sa vie à Chicoutimi et les sœurs Madeleine (1919 — ) et Georgette (1922 —) de La Malbaie, de la famille de Dorville Harvey (1878-1956) dont il sera question plus loin.  Ces dernières étaient toujours vivantes en 2023. 

Dominique Romain dit Joseph Hervé, ses enfants, données généalogiques — 5e génération


Une famille Harvey possède le terrain sur lequel était érigé le manoir seigneurial de Murray Bay

Quand John Nairne construit son manoir après son arrivée à Murray Bay au XVIIIe siècle, il ne savait pas qu’un des siens, près de deux cents ans plus tard, vendrait l’emplacement du manoir à un descendant d’un migrant français, de surcroît descendant de Joseph.  L’échec du grand dessein de John Nairne de faire de Murray Bay une colonie protestante de religion et anglaise de langue n’était pas bien accepté par ses héritiers légalement reconnus.  Catherine Gray née Duggan, héritière en titre de la famille Nairne, vendit le vieux manoir en décrépitude à la condition que l’acheteur le démolisse.  

L’acheteur, Lucien Harvey (1915-2008), un entrepreneur malbéen, maire de la ville de 1970 à 1986, est un descendant de Joseph.   Fils de l’industriel Dorville Harvey (1878-1956), Lucien a comme généalogie patrilinéaire son grand-père Élie (1845-1925), son arrière-grand-père Pierre Hervey (1807-1872), lui-même fils de Joseph Hervé (1768-1830) dont il est question dans cette section.  Donc, quand en mars 1960 on démolit l’ancien manoir seigneurial, un Harvey y trouvait résidence.  L’emplacement de l’ancien manoir est situé au 451, rue Saint-Étienne, à La Malbaie.  C’est à cet endroit que se trouve la résidence de feu Lucien Harvey, habité aujourd’hui (2023) par l’une de ses filles[256]


Le manoir démoli en 1960 n’était pas l’original, construit pour John Nairne et que l’on distingue sur un tableau de John Arthur Roebuck des années 1820 (voir ci-contre); il s’agissait plutôt de sa reconstruction en 1845.

Mais revenons en 1828 alors que la seule survivante de la famille du seigneur Nairne est Magdalen (Maddy) Nairne (1790-1839), épouse de Peter McNicoll (1776-1834).  Elle était l’héritière, sa vie durant, de la seigneurie de Murray Bay, du manoir et du domaine.  Il apparut à Maddy et à son fils John McNicoll (1808-1861) que le nom du premier seigneur devait être rétabli.  C’est pourquoi, en 1834, après la mort de son père John McNicoll et par proclamation royale, le fils adopta le nom de Nairne et les armoiries des Nairne.  En 1845, John (McNicoll) Nairne décida de démolir le manoir original pour en reconstruire un plus moderne avec un colombier attenant[257].  C’est ce manoir, apparaissant sur les photos ci-dessous, qui fut démoli en mars 1960. 

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[1] Il n’y a aucune raison de croire qu’il n’ait pas été prénommé Dominique Romain ou Dominique au cours de son enfance.

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 1768.  Lors du baptême, le curé Louis Chaumont de la Jannière de Baie-Saint-Paul qui, faute de curé, faisait le plus souvent fonctions curiales sur l’île, ne mentionne que l’année de naissance. Il fit de même pour toutes ses inscriptions au registre en 1768 après le 24 janvier.  La dernière inscription datée est celle du baptême d’Alexis Savard le 24 janvier 1768.  Neuf baptêmes sont ainsi inscrits sans date précise en 1768.  La prochaine inscription datée est celle du baptême de Pierre Dufour le 9 janvier 1769.  Louis Chaumont de la Jannière n’en était pas à sa première erreur.  Une seule source, «Généalogie du Québec et d’Amérique française», mentionne la date de naissance du 24 janvier.  C’est une erreur, le registre de la paroisse Saint-Louis-de-France ne mentionne que l’année.  La date de sa naissance demeurera donc un mystère.

[3] BOILARD Louise.  La mobilité interne dans Charlevoix : La première moitié du XIXe siècle.  Chicoutimi, les presses de l’Université du Québec, 1991, page 37.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 19 octobre 1785.

[5] GAUVREAU, Danielle et René JETTÉ.  «Histoire démographique et génétique humaine dans une région du Québec avant 1850.» Annales de Démographie Historique.  Année 1992, pages 245-267.  Il y est dénombré entre autres, dix Écossais, cinq Anglais et quatre Irlandais.

[6] BOILARD Louise, op.cit., page 11.

[7] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801-1820).

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 janvier 1778.  Baptême de Jean Baptiste Nairne, fils du seigneur Jean Nairne et de Christiana Emery.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 août 1791. 

[10] MAILLOUX, A. Histoire de l’Ile-aux-Coudres., op. cit., page 70.  Et BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 avril 1835. Et CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 161.

[11] A.N.Q., GN. Minutier Jean Néron, 29 octobre 1790.  En 1790, Louis Marie Boulianne quitte définitivement l’Isle pour s’installer dans la seigneurie de Mount Murray de l’ami de son père le seigneur Malcom Fraser à l’est de la Malbaye.  Comme Louis Marie s’était engagé par acte notarié à prendre soin de son père sa vie durant, lors de la donation de 1763, il fut obligé d’obtenir de son père un acte de consentement à la vente des propriétés de l’Isle.  L’acte sera préparé par le notaire Néron le 29 octobre 1790 et Jean Marc Boulianne signera le document le 10 novembre au manoir seigneurial de Trois-Pistoles sur la Côte-du-Sud puisqu’il réside chez ses amis les Fraser à Rivière-du-Loup.

[12] BOILARD Louise, op.cit., page 91. 

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 novembre 1791.

[14] MAILLOUX, A. Histoire de l’Ile-aux-Coudres., op. cit., page 70.  Et BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 avril 1835. Et CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 161.

[15] Au recensement de 1825, «Joseph Arvais» apparaît dans la concession du ruisseau des Frênes, voisin de la veuve de son frère Michel remarié à Alexandre Boivin (1783-1870) et de son beau-frère Joseph Boulianne (1775-1860).  Boivin possède avec Joseph Boulianne un moulin à scie sur le ruisseau, près de l’endroit où tous habitent. 

[16] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 20 juin 1792. 

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 30 mai 1771.  Baptême de Marie Geneviève Boulianne.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 août 1792. 

[19] Ibid., 5 mai 1793.

[20] Ibid., 21 octobre 1803.  Dans le cas de l’enfant nommée Marie Théotiste Erver, la date de décès nous est inconnue.  Son inhumation n’est pas inscrite au registre de Saint-Étienne de La Malbaie, ni dans les paroisses voisines. Comme bien autres elle dû décéder quelque part après le 7 décembre 1802 et avant le 21 octobre 1803, «les registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère».  La date exacte ne nous est donc pas parvenue.

[21] John Hewitt, Hewit ou Hewett selon certains; il signait toujours John Hewet.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 mars 1793.

[23] Ibid., 25 août 1796.

[24] TREMBLAY, Victor. «Laure, Pierre Michel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1969, 15 volumes, volume II (Décès de 1701-1740).

[25] A.A.Q., Troisième registre de Tadoussac : Miscellaneorum Liber, folio 32 recto, XX N.B. Die 6 a martii 1737.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2 août 1794.

[27] BAnQ., Registre des Postes du Roi, 5 août 1786.

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 août 1794.  Inhumation d’Agnès Poitras.  Dernière inscription au calendrier avant le retour du curé desservant.

[29] Ibid., 31 août 1794.

[30] Ibid., 12 juin 1808, Baptême d’Anselme Desgagnés, fille de Louis Desgagnés et de Charlotte Boudreau.

[31] Ibid., 5 mai 1812.

[32] Ibid., 4 décembre 1827.

[33] Ibid., 23 novembre 1829.

[34] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 22 septembre 1794.

[35] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 juillet 1795.

[36] Ibid., 25 avril 1796.

[37] BAnQ., Fonds Fraser, P81/1.  Lettre de Malcom Fraser à Henry Caldwell, Murray Bay, 28 avril 1801.

[38] B.A.C., G., Fonds Nairne, MG 23 G III 23, volume 1.  Lettre de Malcom Fraser à John Nairne, 12 février 1797.  La prise en charge des travaux avait été confiée à un individu nommé Le Suisse et à Pierre Laberge.  Outre son père qui fut toujours nommé Le Suisse, Louis Marie Boulianne le fut également.  Ils sont les deux seuls de la région à avoir été ainsi surnommé.  Jean Marc Boulianne, le père avait alors quatre-vingt-un ans et demeurait sur la Côte-du-Sud; il est peu probable qu’il fut chargé des travaux. 

[39] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 19 mars 1897.  Baptême de Marie Geneviève Degagné.

[40] A.A.Q., Miscellaneorum Liber.  Bien que l’on retrouve plusieurs inscriptions de mariages dans les registres des missionnaires desservant le Domaine du Roy avant l’ouverture des registres de Saint-Étienne de Murray Bay en 1774, celui de Georges Thompson et Charlotte Dufour n’apparaît pas.

[41] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 25 avril 1797.  John Nairne dans sa correspondance n’a jamais identifié ses compagnons écossais débarqués à la Malle Baye une première fois en 1761 avec lui. Les noms avancés ici sont ceux présumés par plusieurs historiens.

[42] Ibid., 10 septembre 1797.

[43] Le patronyme est encore alors inscrit Gay dans les registres et minutiers.

[44] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 et 19 novembre 1897.

[45] Ibid., 8 mai et 5 juin 1898.

[46] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 85.

[47] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 10 mars 1898.

[48] WRONG, George M., A Canadian manor and its seigneurs. Toronto, The MacMillan Company of Canada, 1908, 295 pages.

[49] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 13 octobre 1797.

[50] Ibid., 3 juillet 1798.

[51] FORTIN, Jean-Charles et Antonio LECHASSEUR. «Histoire du Bas-Saint-Laurent». Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, collection. «Les régions du Québec», numéro 5, (1993), pages 92-94.

[52] A.A.Q, Livret 3, 1798-1811, visites pastorales de l’évêque.

[53] WRONG, op.cit.

[54] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 et 8 octobre 1798. 

[55] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 17 avril 1799.

[56] Pelletier, op.cit., pages 47 et 58.

[57] Pelletier, op.cit., pages 75 et 226.

[58] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Laterrière, 25 janvier 1864.

[59] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 14 mars 1797.

[60] Ibid., 20 octobre et 5 novembre 1799.

[61] Ibid., 24 novembre 1799.

[62] Ibid., 20 janvier 1800.

[63] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 16 avril 1800. Baptême d’Étienne Lavoie.

[64] Archives de l’archevêché de Québec, lettres VI, 1804-1852, 13 septembre 1804.  Lettre de monseigneur Joseph Plessis à l’évêque de Québec. Et : PELLETIER, Louis, op.cit., pages 76 à 79.

[65] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 octobre 1800.

[66] Ibid., 1774-1806.

[67] B.A.C., G., RG10, vol. 486, pages 3869-3870, bobine C-13338, Pétition de John Nairne et Malcom Fraser à Herman Witsius Ryland, 2 juillet 1802.

[68] Ibid., 27 mai 1801.

[69] LALANCETTE, Mario. L’Écho des Murray, 2010.  Agathe sera la marraine de Marie Anne Gagné, baptisée le 5 janvier 1802, fille de Jean Gagné (Gagnier) et Marie-Anne Godreau. Le curé écrit : «Le parrain a été Damas Gagné et la marraine Agathe x, femme de Bernard Boulianne, oncle et tante de l’enfant» ce qui veut dire que Damas et Agathe sont frère et sœur de Jean Gagné.  À son mariage et lors des premiers baptêmes de ses enfants, elle est inscrite Agathe uniquement, sans patronyme. De même pour les mariages de ses enfants entre 1824 et 1831.  Parfois au registre, on a ajouté le patronyme Gagné comme lors des baptêmes entre 1809 et 1820.   Selon l’historien Mario Lalancette, elle est la fille naturelle de Marie Victoire Gagné, donc la petite-fille de Ignace Gagné et Appoline Laforest. Elle aurait été adoptée par Augustin Bouchard et Marie McNicoll.  Elle prend le nom de Gagné en 1809.  Sa mère est mentionnée dans le testament du couple Gagné/Laforest (1er octobre 1801), de même que ses frères et sœurs : Jean, Éloi, Damase, Félicité, de même que dans le testament de sa mère en 1816. Agathe a deux frères et une sœur, tous illégitimes : Joseph-Marie-Ignace (marié à Elisabeth-Scholastique Simard), Madeleine et Léon (marié à Adélaide Truchon).

[70] MILOT, Jean. «Les maux du passé : Le mal de la Baie Saint-Paul», Le Médecin du Québec, volume 42, n° 1, janvier 2007, pages 87-89. 

[71] WRONG, op.cit.

[72] Bien que dans le texte le patronyme apparaît «Desbiens», à l’époque on l’écrivait toujours «Debien» tel qu’il s’écrivait du temps de l’ancêtre migrant.

[73] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 10 octobre 1802. Baptême d’Elizabeth illégitime.

[74] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 octobre 1803.  Dans le cas de l’enfant nommé Joseph, la date de naissance nous est inconnue.  Son baptême n’est pas inscrit au registre de Saint-Étienne de La Malbaie ni dans les paroisses voisines.  Le patronyme était sûrement Hervé puisque c’est ainsi que le desservant de la paroisse l’écrivait.  Certaines sources donnent l796 ou 1797 comme année de naissance se basant sur l’âge déclaré lors de l’inhumation.  Ceci est une erreur, les registres de la paroisse Saint-Étienne et ceux des trois autres paroisses existantes à l’époque ne comportent aucun baptême d’un Joseph Hervé en 1796 ou 1797.  De plus Marie Boulianne accoucha de Marie Geneviève et d’Elizabethe ces années-là.    Comme il est décédé à Chicoutimi, le célébrant ne pouvant vérifier l’acte de baptême aura obtenu l’information d’un témoin mal informé.

[75] Il s’agit des naissances de : Chrisostome à Pierre chez Pierre, François à Louis chez Pierre, Joseph à Joseph chez Pierre, Christine à Michel chez Pierre et Louis Denis à David chez Dominique.  Les deux décès sont ceux de : Julie à Pierre chez Pierre et Marie Theotiste à Joseph chez Pierre.

[76] BAnQ., COLLECTIF. «Un document historique : Pétition présentée par les citoyens de la Malbaie au sujet des terres du Saguenay en 1829», Journal Le Progrès du Saguenay. Chicoutimi, volume 40, N0. 24 (4 février 1926), page 3.

Le Progrès du Saguenay, 4 février 1926.

[77] Pelletier, op.cit., page 164.

[78] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay.  Seuls les habitants de L’Isle-aux-Coudres, des Éboulements, de Saint-Irénée, de Saint-Urbain, de Sainte-Agnès et de La Malbaie ont été recensés.  Les colons du Saguenay, nouvellement défriché, n’ont pas été recensés lors de cet exercice qui eut lieu à la fin de l’automne 1841 jusqu’au 1er février 1842.

[79] BAnQ., COLLECTIF, journaux; Journal L’Écho du Saguenay, 21 février 1874.

[80] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 30 janvier 1852.

[81] A.A.Q., Registre F, folio 128r.

[82] PELLETIER, Louis, op.cit., pages 79-80.  La grand-mère paternelle de Jean Brassard était la fille de Jeanne Philippeau (1666-1708), sœur de Françoise, l’épouse du migrant Sébastien Hervet (1642-1714); elle était donc la cousine de Sébastien Hervé (1695-1759), grand-père de Joseph.

[83] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaye, 30 septembre 1804.

[84] Ibid., 22 novembre 1931.

[85] Ibid., 16 octobre 1858.

[86] Ibid., 24 juillet 1893.

[87] Ibid., 5 novembre 1804.

[88] Ibid., 28 octobre 1805.

[89] Ibid., 10 février 1806. Mariage de Germain Boudreau et de Marie Pilote.

[90] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 28 mai 1806. Quittances à André par Joseph, Louis et Michel Hervé. Et : A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 29 mai 1806. Quittances à André par Louis Boulianne et Jean Savard.

[91] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 25 juin 1806.  Baptême de Jean Baptiste Boulianne.

[92] Ibid., 23 octobre 1806.

[93] B.A.C., G., Recensement de 1851 Malbaie, microfilm e002315029. 

[94] B.A.C., G., Recensement de 1881 Malbaie, microfilm e008153511.

[95] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 novembre 1887.

[96] B.A.C., G., Recensement de 1881, op.cit. 

[97] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 10 décembre 1806.  Baptême de Marie Athalie Boudreau.

[98] Ibid., 19 décembre.  Baptême de Jean Timothée Hervey fils de Michel.

[99] Ibid., 6 novembre 1807.

[100] Ibid., 24 décembre 1807.

[101] Ibid., 4 février 1840.

[102] Ibid., 26 septembre 1872.

[103] ROY, Jacqueline. «Nairne, John», op.cit.

[104] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 13 février 1808.  Baptême de Christine Boulianne.

[105] Ibid., 26 avril 1808. Baptême de Christine Boudreau.

[106] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, no 485, 24 mai 1808.

[107] A.N.Q., GN. Minutier Charles Cheniquy, 2 novembre 1820.

[108] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 16 septembre 1808.

[109] Ibid., 28 octobre 1808.

[110] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 12 novembre 1810.

[111] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 15 novembre 1808.

[112] BAnQ., Registre de la congrégation St.Andrews’s Presbyterian, 18 juin 1805.  Mariage de François Savard et Ann Hewit.

[113] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 septembre 1805.  Baptême d’Anne Savard.  Après la conquête, l’évêché sous les pressions de Rome avait autorisé la reconnaissance des mariages mixtes dans la mesure où la partie catholique blanchissait cette faute grave par la confession.  TRUDEL, Marcel. «Duel Le Grand Vicaire Mgr Brian VS Le Gouverneur James Murray : Les mariages mixtes sous le régime militaire, Volume 7, numéro 1, juin 1953.

[114] Ibid., 12 juin 1808, 6 mars et 18 juin 1809.

[115] COLLECTIF, Église catholique. Appendice au Rituel romain.  Réédité par ordre des pères du premier Concile plénier de Québec.  Québec, Imprimerie de l’Action sociale limitée, 1919, page 204 «Enfant illégitime».  Habituellement, le nom des parents, dans de tels cas, est omis.  La législation ecclésiastique en 1809 prévoyait-elle déjà les deux situations comme celle rééditée cent dix ans plus tard, i.e. : mentions des parents naturels lorsqu’une demande formelle est faite par le père et la mère, soit par écrit, soit devant témoins, ou omissions des parents «que l’enfant soit (alors) mentionné, au registre des baptêmes, comme enfant d’un père inconnu ou de parents inconnus» comme on l’a vu très souvent dans les registres de Saint-Étienne.  On peut en douter, car dans les vingt-trois cas d’enfants illégitimes relevés au registre de la paroisse avant 1809, aucun n’avait été déclaré enfant naturel. 

[116] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 29 août 1809, 28 juillet 1811 etc.

[117] Ibid., 1808-1830.

[118] Ibid., 30 mars 1809. 

[119] Ibid., 1er avril 1809.

[120] Ibid., 8 septembre 1809.

[121] Ibid., 12 septembre 1809.

[122] Ibid., 24 octobre 1809.

[123] Ibid., 13 novembre 1809.

[124] Ibid., 15 novembre 1831.

[125] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande-Baie, 24 mars 1897.

[126] Trop nombreux pour être tous mentionnés, seuls les baptêmes et mariages significatifs auxquels Joseph Hervé et Marie Boulianne participeront seront mentionnés dans la suite du texte. 

[127] PELLETIER, Louis, op.cit., page 74.

[128] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1 décembre 1810.

[129] Ibid., 22 août 1810.  Bénédiction de la fosse de Marie Déry, femme d’Antoine Riverin dans l’ancien cimetière et première mention du nouveau cimetière par le curé Le Courtois lors de l’inhumation d’un enfant le même jour.

[130]  BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 27 mai 1811.

[131] BABIN, Basile J. «Le Courtois, François-Gabriel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).  Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1er mai, batême de Modeste Cloutier et 5 juillet 1811, baptême de «Marie Sis sauvage micmack à la Rivière noire».

[132] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 14-17 juin 1811.

[133] ALLAIRE Jean-Baptiste-Arthur. Dictionnaire biographique du clergé canadien-français; Les anciens. Montréal, Imprimerie de l’école catholique des Sourds-Muets, 1910, page 283 et 413.

[134] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 15 juin 1811.

[135] Ibid., 7 juillet 1811.

[136] PELLETIER, Louis, op.cit., page 71.

[137] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 octobre 1811.

[138] Le patronyme Godreau de l’époque n’avait pas encore pris la forme Gaudreau que l’on connaît aujourd’hui.

[139] PELLETIER, Louis, op.cit., page 74-76.

[140] B.A.C., G., Fonds Nairne, MG 23 G III 23.  Lettre de Malcom Fraser à James Ker, Murray Bay, 14 octobre 1811.  Le seigneur de Mount Murray écrit que la majorité de la population du Bas-Canada est ingrate et ne reconnaît pas les bienfaits dont elle jouit sous le gouvernement britannique et que le roi ne pourra donc compter que sur les troupes régulières dans cette guerre qui se dessine déjà.

[141] LACOURSIÈRE, Jacques.  Histoire populaire du Québec : 1791-1841.  Vol. 2.  Québec, Les éditions du Septentrion, 1996, page 146.

[142] CHRISTIE, Robert. The Military and Naval Operations in the Canadas during the late war with the United States.  New York, Oram & Mott, 1818, page 55.

[143] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1806-1815.

[144] Ibid., 1800-1815.  On compte en moyenne un baptême d’enfant dit illégitime par année de 1800 à 1811.  On en comptera trois par année durant le conflit.

[145] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 20 juillet 1812.

[146] Ibid., 21 juillet 1812.

[147] Ibid., 22 janvier 1812.

[148] Ibid., 20 octobre 1840.

[149] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 6 octobre 1856.

[150] Ibid., 25 juin 1887.

[151] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 juillet 1812.

[152] Ibid., 26 juillet 1812.  Baptême de Marie Sis, Micmac.

[153] LALANCETTE, Mario. «Les ''assemblées révolutionnaires" de La Malbaie», Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 76-77, 2014, pages 10-22.

[154] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 15 juin 1812.

[155] Ibid., 26 juin 1813.

[156] BAnQ., Registre de la St. Andrew Presbyterian Church, 24 juillet 1813.

[157] WRONG, op.cit., page 107.  Thomas Nairne (1787-1813) réprouvait l’alliance de sa sœur Polly à un «Red Colored People», un parti inconvenable pour sa sœur Polly.

[158] CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, page 144.  Et : La gravure représentant Mary Nairne a été tirée du site https://louispainchaud.wordpress.com/2021/03/29/le-22-mars-1782-naisance-a-la-malbaie-de-mary-polly-nairne/.

[159] BAnQ., Crown Lands Office, 16 février 1845.  Déclaration d’Augustin Blackburn pour l’obtention d’un script.  On doit la découverte de ce document à l’auteur Donald Maltais qui, dans le cadre de ses recherches pour la rédaction de «Le Clan Maltais et les premiers Moulins du Saguenay», a beaucoup étudié la question.

[160] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 juillet 1813.

[161] Ibid., 14 octobre 1813.

[162] LAMONDE, Yvan.  Histoire sociale des idées au Québec, 1760-1896, volume I.  Montréal, Les Éditions Fides, 2000, pages 44-45.

[163] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 18 novembre 1813.

[164] Ibid., 17 décembre 1813.

[165] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1675 et 1678, 22 mars 1814.  Testaments de Joseph Hervé et Marie Boulianne.

[166] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1677, 22 mars 1814.  Contrairement au testament qui est un acte unilatéral, la donation entre vif est un contrat. Elle doit être acceptée par le donataire et ne devient parfaite qu’à compter de l’échange des consentements.  Je n’ai pu trouver l’acte de consentement de Julienne ou de son époux Benoni Godreau.

[167] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1676, 22 mars 1814.

[168] BOILARD Louise, op.cit., page 15.

[169] BAnQ., Fonds Famille Chaussegros de Léry, cote, P386, D570, id. 311782. Lettre de Malcolm Fraser, chef militaire de la Division de milice de Baie-Saint-Paul, au lieutenant-colonel Charles-Étienne Chaussegros de Léry. 20 février 1815.

[170] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 février 1815.

[171] Ibid., 22 février 1832.

[172] LE ROY-LADURIE, Emmanuel. Histoire humaine et comparée du climat II : disettes et révolutions (1740-1860). Paris, Éditions Fayard, 2006, 611 pages.  Aujourd’hui, on en connaît la cause, l’éruption du volcan indonésien Tambora en 1815 qui couvrit la terre de ses cendres a été la plus importante éruption volcanique depuis 10000 ans.

[173] BAnQ., Journal de la Chambre d’assemblée de 1816, appendice I. Et : LE ROY-LADURIE, Emmanuel. Histoire humaine et comparée du climat II : disettes et révolutions (1740-1860), op. cit.

[174] Pelletier, op.cit., pages 95, 99 et 111. 

[175] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 29 décembre 1815. Quittances de Benoît Guay et Joseph Boily.  Le minutier du notaire mentionne Pierre Boily et nom Joseph Boily.  Comme il n’existe alors aucun Pierre Boily dans la région à l’époque, j’ai présumé qu’il s’agissait du second gendre de Pierre.

[176] ETHNOTECH. CLAVEAU Pierre et Yves LAFRAMBOISE.  L’exploitation forestière destinée au commerce du bois à Québec au 19e siècle, 1983, Parcs Canada, page 8.

[177] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 février 1816 et 30 juillet 1817.

[178] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 3 et 4 mai 1816.  Le manoir Nairne démoli en 1960 n’était pas celui du tableau, mais plutôt celui reconstruit par le petit-fils de John Nairne en 1845.  

[179] PERRON, Normand et Serge GAUTHIER.  Histoire de Charlevoix.  Québec, les Presses de l’Université Laval, 2000, page 75.

[180] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 juillet 1813.

[181] Ibid., 28 octobre 1815.  Baptême de Marie KaKufrékutik.  Le curé identifie l’enfant comme Montagnaise, mais le parrain, «Laurent Montagnois», est un Micmac de même que son épouse Marie Denis la marraine, les mêmes qui avaient fait baptisés un enfant en 1813.  Plusieurs Micmacs du Bas-Saint-Laurent sont identifiés par le patronyme «Montagnois» car ils descendent d’une famille montagnaise de la Côte-Nord intégrée aux Micmacs du Bas-Saint-Laurent au siècle précédent.

[182] Ibid., 25 février 1816.  Baptême de Celestin Denis d’origine malécite par son père et d’origine micmaque par sa mère.

[183] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 octobre 1815.  Ce groupe d’autochtones comprend un certain nombre d’individus métissés tel les Denys.   Or dans une trentaine d’années, Adéline Harvai (1830-1895) de la sixième génération, aussi de Murray Bay, épousera un abénaquis qui, en premières noces était marié à une certaine Marie Anne Denys.  Bien qu’elle fût une Montagnaise (Innu), pourrait-il s’agir des mêmes Denys ?  Le territoire de chasse de ces derniers comprenait aussi l’arrière-pays de Charlevoix.  Si cela était le cas, le curé Le Courtois aurait-il mal identifié la nation de ces gens.  Bien qu’il soit dans la région depuis 1806 et qu’il se soit occupé des Indiens des Postes du roi sur la Côte-Nord auparavant, les connaissances de Le Courtois quant aux nations autochtones semblent faire défaut à l’occasion.  Il désignera des individus d’un même clan tantôt de nation Micmac (1813) et deux ans plus tard de nation montagnaise (1815). On se souviendra que les seigneurs Nairne et Fraser dans leurs écrits mentionnaient tous deux des visites régulières d’«indiens Montagnais». 

[184] Ibid. L’enfant baptisée est Montagnaise, mais son parrain est de nation Micmac.

[185] Ibid., 15 avril 1820.

[186] Ibid., 21 janvier 1817.  Les Malécites sont de la Rive-Sud; ils habitent les vallées du fleuve Saint-Jean et de ses affluents, à cheval sur la frontière séparant le Nouveau-Brunswick, le Québec et le Maine.

[187] B.A.C., G., RG8, volume 261, pages 386-388, bobine C-2854, Pétition des Sauvages Amalécites du Nouveau-Brunswick à Son Excellence John Coupe Sherbrooke, gouverneur du Bas-Canada, 28 décembre 1817.  Au cours de l’année 1817, un groupe de Malécites du Nouveau-Brunswick se réfugient dans la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli où il n’y a pratiquement pas de chasse à faire.  Ils traverseront le fleuve pour y chasser.

[188] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 145, 25 octobre 1825.  Inventaire de la communauté d’Amable Bélair et d’Anne Fraser par jugement de la Cour du Banc du Roi.  Lors de l’énumération des dettes du couple, le notaire souligne le nom de vingt-six sauvages de la région avec qui Bélair pratiquait la traite des fourrures.  Ces mêmes noms reviennent dans les registres de la paroisse lors de baptêmes, sépultures et mariage d’autochtones.  Il faut donc convenir que malgré l’interdiction faite aux membres des nations autres que Montagnaise, de trafiquer sur la Rive-Nord du fleuve, d’autres habitués micmacs, malécites et abénaquis, avaient presque élu domicile dans le secteur des deux seigneuries ce qui explique que leurs noms soient si fréquents dans les registres.

[189] Ibid., 27 septembre 1816.

[190] Ibid., 31 janvier 1817.

[191] Ibid., 27 janvier 1818.  À titre d’exemple.  On peut être certain de ces absences, car lorsqu’il est présent à une cérémonie, même dans les cas où le célébrant ne mentionne pas son nom comme témoin, il signe le registre.

[192] Ibid., 28 avril 1817, 18 mars et 30 août 1819.

[193] Ibid., 11 novembre 1823. 

[194] RÉPERTOIRE DU PATRIMOINE CULTUREL DU QUÉBEC.  Bührer, Hans Georg. [En ligne]. https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=8841&type=pge [page consultée le 03/02/2023]. Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 30 septembre 1818.

[195] Pelletier, op.cit., page 91.

[196] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 13 septembre 1817.  Le texte de l’acte ne permet pas de l’affirmer avec assurance.

[197] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 19 septembre 1817.

[198] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1678, 22 mars 1814.  Testament de Marie Boulianne.

[199] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 janvier 1818.  Le curé Le Courtois la nommait de son nom de baptême, Matilde Duberger, mais elle signait Matilde Fraser.

[200] On doit à Duberger la maquette de 1804 de la ville de Québec et de ses fortifications.

[201] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 3 décembre 1818. L’endroit exact où se situait le moulin de son frère Louis ne nous est pas connu.  La première mention de ce moulin dans un acte notarié date de 1821.  Il pourrait aussi s’agir d’un moulin en association avec son fils Thomas, car ce dernier a possédé un moulin à compter de 1821 pour lequel les auteurs et les actes notariés n’ont pu préciser sa situation.  Si cela s’avérait, il faudrait croire que le moulin de Pierre (1818) était en service avant celui de Louis et que ce dernier était sans doute d’abord associé dans celui de Pierre.   

[202] Pelletier, op.cit., page 106.

[203] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 2161, 31 août 1819. 

[204] Pelletier, op.cit., page 95.  L’auteur précise que ce moulin aurait été situé sur la terre de son fils Pierre donnant sur le ruisseau au sud-ouest de la Rivière-Malbaie.  Or Pierre n’a que onze ans en 1818.  Peut-être que Pelletier fait ici référence à la future terre de Pierre.  Il est également possible, qu’il se soit mépris sur le père puisque les frères Pierre (c.1759-1857) et Joseph ont tous deux eut un enfant prénommé Pierre.  Pierre (1807-1872), fils de Joseph, le plus connu, possédera des moulins. Pierre (1799-1853), fils de Pierre recevra l’autorisation d’en construire un.  La méprise de l’auteur est donc fort compréhensible.

[205] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 et 24 novembre 1818.

[206] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 19 octobre 1819.

[207] Ibid., 29 octobre 1819. 

[208] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 22 janvier 1819 et 7 février 1821. Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Joseph-de-La-Pointe-Lévy, 1 avril 1823.

[209] Pelletier, op.cit., pages 123-125.  Pelletier ne semble pas avoir eu connaissance de la venue de Joseph Belleau à Murray Bay puisqu’il parle de Leggatt comme 1er maître d’école de l’endroit.

[210] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 janvier 1820.

[211] Ibid., 14 février 1820.

[212] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 15 mai 1820.

[213] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 12 septembre 1820.

[214] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 13 octobre 1820.  Protêt de Archibald Macline.

[215] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 novembre 1820.

[216] ROBY, Yves. «Chiniquy, Charles». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1990, 15 volumes, volume XII (Décès de 1891-1900).

[217] BAnQ., Fonds Charles Herménégilde Gauvreau.  Le 27 septembre 1820, il installa définitivement son étude à La Malbaie.

[218] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 juillet 1821.

[219] Ibid., 21 et 29 novembre 1820.

[220] LAMBERT. James H. «Plessis, Joseph Octave». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).

[221] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 mars, 8 septembre, 28 octobre et 4 décembre 1828.

[222] Ibid., 6 juin 1822.

[223] ALLAIRE Jean-Baptiste-Arthur. Dictionnaire biographique du clergé canadien-français; Les anciens. Montréal, Imprimerie de l’école catholique des Sourds-Muets, 1910, page 188.

[224] BABIN, Basile J. «Le Courtois, François-Gabriel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).  Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 octobre et 5 novembre 1822.

[225] ALLAIRE Jean-Baptiste-Arthur, op.cit.  Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 novembre, 8 et 15 décembre 1822, 20 mars 1823.

[226] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 13 juin 1823.  Mariages de Jean Athanase et Christine Thomas ainsi que de 1823-6-13, François Xavier Bernard et Marie Pierre Paul.  Le terme «Amalécites» fut utilisé jusqu’au XXe siècle pour désigner les membres de la nation malécites (Wolastoqiyik) vivant au Québec.  Bien que le curé Duguay les identifient ainsi, on peut s’interroger sur l’exactitude de l’affirmation qu’ils étaient de la rivière Saint-Jean sur la Côte-Nord, un territoire montagnais (Innus).  Plusieurs Malécites de Tobique sur le fleuve Saint-Jean (non la rivière) avaient migré de la colonie loyaliste du Nouveau-Brunswick vers Cacouna et L’Isle-Verte au début du siècle.  À l’époque, on les retrouvait vivants sur la Rive-Sud du fleuve.

[227] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 83, 7 août 1823.

[228] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1822-1836.  Pierre Duguay inscrit à son registre lors de la majorité des baptêmes «père absent».  Il inscrit systématiquement «père présent» lorsque c’est le cas. 

[229] Ibid., 12 janvier 1824.

[230] Ibid., 31 août 1823. Baptême d’Octave Godreault.

[231] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 106, 7 avril 1827.

[232] BAnQ., Inventaire des procès-verbaux des arpenteurs de la région de Québec, 1673-1891. Procès-verbal de chaînage, de ligne et bornes de terres, paroisse Saint-Étienne de La Malbaie, seigneurie de Murray Baie, 2 juillet 1824, Christiana Emery.

[233] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825.

[234] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 janvier 1825.

[235] Les constations reliées aux changements de pratique institués par l’abbé Duguay sont basés sur la revue de tous les registres du curé entre son arrivée en 1824 et son départ en 1836.

[236] B.A.C., G., Recensement de 1825, district du Northumberland, sous-district Malbaie.  Le recensement du Bas-Canada de 1825 a eu lieu entre le 20 juin et le 20 septembre 1825.

[237] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, no 149, 6 octobre 1829.

[238] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 3 mars 1827.  Le curé inscrit «Benony Godreau» et «Marie Hervai» au registre comme il le faisait régulièrement lorsqu’il s’agissait de nommer Julienne.

[239] Ibid., 4 décembre 1830.

[240] Ibid., 12 février 1828.  Le curé Pierre Duguay n’indique pas à son registre la date précise de la mort de Marie Boulianne.

[241] WRONG, op.cit., page 172.

[242] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1 février 1827, 5 mai, 10 et 16 juin 1828, etc.  La demoiselle Antoinette Brineault, la dame Geneviève Duberger, les sieurs Herménégilde Gauvreau et Thomas Duberger, notaires et les sieurs Hubert Cimon et Thomas McNicoll, négociants.

[243] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Laurent de l’île d’Orléans, 18 mai 1828.

[244] CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, page 137. 

[245] BABIN, Basile J., op., cit.

[246] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 1824 à 1828 inclusivement.

[247] Ibid., 14 mars et 18 avril 1828.

[248] BAnQ., Registre de la congrégation St.Andrews’s Presbyterian, 14 mai 1821.  Et : Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 19 mars 1829.

[249] BOILARD Louise, op.cit., page 11.

[250] BAnQ., COLLECTIF. «Un document historique : Pétition présentée par les citoyens de la Malbaie au sujet des terres du Saguenay en 1829», Journal Le Progrès du Saguenay. Chicoutimi, volume 40, N0. 24 (4 février 1926), page 3.

[251] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, no 149, 6 octobre 1829, no 151, no 153, no 154, 7 octobre 1829.

[252] BOILARD Louise, op.cit., page 15.

[253] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 février 1830.

[254] A.N.Q., GN. Minutier Jean Gagné, no 537, 11 février 1840.

[255] TREMBLAY, Éric. «La Société des Vingt-et-Un et la colonisation du Saguenay–Lac-Saint-Jean». Histoire Québec. Vol. 19, no 1 (2013), pages 13-15.

[256] CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, pages 171-172.  L’information relative à l’actuelle résidente du domicile de feu Lucien Harvey a été obtenue du cousin de l’occupante, Pierre Harvey, éditeur du Magazine Aviation.

[257] BAnQ., MARQUIS, Georges-Édouard. «What is in a name ?», Journal Le Soleil. Québec, volume 71, N0. 199 (22 août 1952), page 6.

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