2. Pierre Hervé

4.5.2 Pierre Hervé (c.1759-1857), 4e génération

 

Lorsque la nouvelle année 1759 se pointe le nez, Marie Madeleine Tremblay est enceinte depuis peu.  Le bonheur qu’apportera ce deuxième enfant au couple sera par contre perturbé par un grand bouleversement.  L’été précédent, la ville-forteresse de Louisbourg, porte d’entrée de la Nouvelle-France, avait succombé à l’assaut d’une impressionnante armada anglaise.  Cette année-ci, ce sera la petite île aux Coudres qui goûtera en premier aux affres de la conquête. 

Le 19 mai, les habitants du Bic aperçoivent au loin des bateaux
qui battent pavillon anglais.  Des feux sont allumés, tout le long du fleuve, pour annoncer aux villages en amont que l’ennemi est à nos portes.  Le mardi 22 mai, le marquis de Vaudreuil (1698-1778), gouverneur de la Nouvelle-France, ordonne aussitôt l’évacuation des habitants de l’Isle aux Coudres.

Pierre Hervé (1733-1799), Madeleine Tremblay (1733-1811) et leur premier enfant, la jeune Marie Magdeleine (1757-1792) qui n’a pas encore deux ans, doivent abandonner la maison, la ferme et le bétail pour quitter leur île comme tous ses habitants, car l’anglais s’apprête à y débarquer. 

Il faudra deux jours aux insulaires pour transporter par barques l’essentiel de leurs avoirs vers la baie Saint-Paul où ils rejoignent les habitants du secteur, presque tous parents, qui sont abrités dans des cabanes spécialement construites pour la circonstance dans les bois du cap de la Baie[1].

Le dimanche 27 mai, le navire de guerre Princess Amelia jette l’ancre à l’Isle aux Coudres au Mouillage des Français, qui deviendra plus tard le Mouillage de La Prairie, car les Français n’y arrêteront plus[2].  Une douzaine d’autres vaisseaux l’accompagnent.  Le lendemain, l’anglais débarque sur l’île.

Selon toute vraisemblance, c’est donc dans l’une de ces cabanes de fortune que naîtra «Pierre Hervé»[3], le seul de la fratrie qui ne sera pas insulaire de naissance.  Du moins, c’est ce que l’on peut estimer en fonctions de son âge déclaré au décès[4].  On ne trouve pas trace de son baptême, ni à l’Isle, ni aux registres de Baie-Saint-Paul, ni à Petite-Rivière-Saint-François, les seules autres paroisses existantes à l’époque.  Considérant la date de naissance de sa sœur aînée (27 août 1757) et celle de son frère le suivant (23 mars 1762), il serait né entre la fin de 1758 et le début de 1761.  Le registre de la chapelle de Saint-Louis-de-France à l’île sera muet pendant la conquête à partir du départ de sa population en mai 1759.  Il ne reprendra vie qu’à l’automne de cette même année[5].  Il est donc fort probable que ce deuxième enfant et premier garçon du couple soit né, comme bien d’autres, dans l’une des cabanes à Baie-Saint-Paul où s’était réfugiée la majorité de la population de l’île.  Au plus fort de l’été, on y comptera près de six cents habitants terrés dans les bois.  Après la victoire de l’envahisseur, la vie reprendra son cours et la famille retournera à l’Isle.

Près de trois ans plus tard, en 1762, Pierre voit naître un frère prénommé Louis (1762-1842).  Les deux frères seront comme deux doigts de la main pendant toute leur vie et ce sera avec Louis que Pierre, devenu adulte, partira à l’aventure[6].

Pierre n’a pas encore seize ans en 1775 quand sa mère met au monde son neuvième et dernier enfant.  Il s’agit du septième fils de la famille[7]Pierre réalise sans doute déjà qu’avec ce que son père possède de terre, il ne pourra établir tous ses fils à l’île.  De plus, ce dernier n’a aucun moyen d’y acquérir d’autre censive pour ses fils puisque, quelques années auparavant, ces messieurs du séminaire ont distribué les dernières terres encore disponibles dans la seigneurie.  En vertu de la coutume, puisqu'il est l'aîné des garçons Pierre n’a pas s’inquiéter, car il peut s’attendre à hériter la terre familiale où il a grandi et sur laquelle il travaille depuis son enfance. 

S’il a d’autres plans que d’attendre d’hériter la terre familiale, Pierre ne sera libéré de ses obligations envers son père qu’à sa majorité en 1784.  À ce sujet, comme les autres garçons du temps, il a vécu dans une période d’incertitude.  Sous le Régime français, l’âge de la majorité était de vingt-cinq ans.  En 1764, l’Ordonnance pour tranquilliser les Esprits du Peuple à l’Égard de la Possession de leurs Biens, et pour fixer l’Âge de la Majorité avait abaissé cet âge à vingt et un ans, entraînant un tollé de protestations des chefs de famille.  L’Acte de Québec de 1774 avait donc abrogé l’ordonnance et rétablit la majorité à vingt-cinq ans.  En 1782, le conseil législatif de la province avait édicté l’Ordonnance qui change, fixe et établit l’âge de la majorité et fixait à nouveau l’âge de la majorité à vingt et un ans au lieu de vingt-cinq[8].  Qu’à cela ne tienne, pour les chefs de famille de l’île attachés à leur tradition, leurs fils devront attendre encore un certain temps avant que leur père ne s’y conforme.  Pierre, par respect de la tradition ou par peur de l’autorité paternelle, attendra ses vingt-cinq ans pour décider par lui-même de son avenir.

Dans les années 1780, son père n’a qu’une cinquantaine d’années et n’est guère prêt à lâcher du lest pour la gestion de la terre familiale.  Pierre est un peu trop pressé et a d’autres projets que de devenir cultivateur.   Il décide donc d’aller goûter l’aventure comme plusieurs autres jeunes gens de l’île partis vivre à «la Mal Baye actuellement dite la Murray Baye»[9], comme les maîtres des lieux désignent l’endroit depuis la conquête.  Comme nous le verrons, il ne sera ni cultivateur (ou si peu) ni marin comme tant d’autres à l’Isle.  Il a plutôt l’étoffe d’un marchand, héritage de son arrière-grand-père, le migrant français Sébastien Hervet, commerçant de Québec.  Tous ses frères insulaires à l’exception d’André Laurent (1764-1831) devront s’expatrier, dans son cas, son départ de l’Isle aux Coudres fut plutôt un choix personnel.  À l’île, les pères étaient fixés à demeure, leurs fils voulant conquérir d’autres terres.  Puis viendront les petits-fils qui voudront aller encore plus loin.

On sait que Pierre est toujours à l’île au cours de l’hiver 1783-1784, car il assiste au mariage de sa sœur aînée Marie Madeleine, laquelle s’unit à Joseph Bilodeau (1728-1828) en février[10].  Ce sera sa dernière apparition aux registres civils et religieux de l’Isle aux Coudres avant son départ à la fin du printemps de cette même année.

Au sud-ouest de la Rivière-Malbaie

Le secteur où Pierre s’établira s’est fortement anglicisé depuis que des membres du 78e Fraser Highlanders se sont vu confier deux seigneuries dans la région de La Malbaie, en remerciement d’avoir combattu pour l’anglais pendant la guerre de Sept Ans.  Le général James Murray avait, en 1763, scindé la seigneurie de la Malle Baye existante sous le régime français en deux nouvelles, celles de Murray Bay et celle de Mount Murray pour les confier à deux jeunes officiers écossais, John Nairne et Malcom Fraser, formant ainsi la première communauté anglo-écossaise sous le régime britannique dans la colonie. Nairne et Fraser avaient amené avec eux quelques soldats écossais démobilisés.  

Cependant, déjà dans les années 1780, la population des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray est constituée largement de descendants français provenant de la région.  Elles attirent peu de gens de l’extérieur et quand certains y viennent, ils sont de la Côte-de-Beaupré ou des villages d’en face sur la Côte-du-Sud.  Il y a bien les quelques Écossais établis à Murray Bay après la conquête, anciens soldats du 78e régiment des Highlanders, mais tous les efforts du seigneur Nairne de recruter des familles écossaises de son pays ont échoué, bien que le seigneur eût favorisé d’abord l’établissement de colons écossais.  À cause du manque de femmes écossaises dans la colonie et à son grand désarroi, les Écossais s’étaient assimilés en une génération seulement à la majorité francophone[11].   Le peuplement de Murray Bay se ferait donc largement à partir des surplus de population de descendant français venus d’ailleurs dans la région.  Si Baie-Saint-Paul fournit ses surplus de population aux Éboulements, l’Isle aux Coudres sera le réservoir auquel Murray Bay et Mount Murray puiseront leur population pour longtemps[12]Pierre Hervé sera parmi les premières vagues de ces insulaires à s’établir dans la seigneurie.  


S’il y a du monde à Murray Bay en 1784, le village n’existe pas encore.  Il y a bien une petite chapelle, mais pas de curé.  Les missionnaires utilisent cette dernière lors de leurs parcimonieux passages. Il n’existe aucune école.  Faute de pont sur la rivière Murray pour relier les seigneuries de Mount Murray et celle de Murray Bay, on utilise un passeur.  Les chemins sont encore pour la plupart des sentiers.   On estime le nombre de censitaires à un peu plus d’une trentaine établis de part et d’autre du manoir et domaine seigneurial, à la rivière-Mailloux et au sud-ouest de la rivière Murray[13].

C’est au cours du printemps 1784 que Pierre et son frère Louis firent l’acquisition de concessions voisines à l’ouest de la Rivière-Malbaie dans la seigneurie de Murray Bay.  John Nairne (1731-1802), le seigneur de l’endroit, est de retour de son affectation militaire qui avait débuté avec l’assaut américain de 1775 et qui, pour lui, dura huit ans.  Bien qu’il fasse de brèves apparitions dans sa seigneurie à l’occasion, il avait été peu présent pour l’administration de son domaine, étant en poste depuis 1781 à Verchères où il avait la charge des loyalistes.  Lui qui ne répugnait pas avoir fait la guerre contre les Français et les Canadiens en 1759, était heureux de mettre fin à une campagne où il avait dû combattre des gens qui parlaient la même langue et qui avaient été élevés de la même façon que lui[14].  Après avoir été promu lieutenant-colonel dans l’armée en 1783, dès l’automne il vend sa commission de major dans les Royal Highland Emigrants et s’empresse de retourner à Murray Bay.  Il ne lui faudra que peu de temps pour se remettre à multiplier les concessions afin d’augmenter ses revenus.  Pour l’heure, il cherche à ouvrir de nouvelles concessions sur la rive ouest de la Rivière-Malbaie, contiguës à celles qui ont déjà été concédées, dont la dernière, celle de Jean Baptiste Debien (1736-1811).  C’est par cette nouvelle ère de peuplement du secteur que Pierre met les pieds dans cette seigneurie.  À la demande du seigneur John Nairne, l’arpenteur Ignace Plamondon père (1735-1793), s’amène sur les rives de la rivière Malbaie en juin pour effectuer «le chaînage et l’alignement de huit terres», dont deux sont celles de «Pierre et Louis Arvée»[15]

Dans son procès-verbal l’arpenteur nous révèle le voisinage de Pierre :

«… me suis transporté au dit lieu de Lamalbai le long de la rivière… de la ligne qui sépare au nord ouest la terre de Jean Debien et d’ycelle j’ai chainée alors au nord ouest trois arpants de ligne de front pour Charles Brassard, trois arpants pour Jean Marie Debien, deux arpants pour Jean Marie Lavoy, deux arpants pour Pierre Arvée, deux arpants quatre perches pour Louis Arvée, deux arpants pour Coppe Gagnon, deux arpants pour René Terrien, deux arpants quatre perches pour Francois Gagnon».

Qui sont donc ces voisins des frères «Arvée»? Des parents pour la plupart. 

En partant du sud-est en aval sur la rivière de la concession de Pierre :

 

En amont de la concession de Pierre sur la rivière :

 

Au moment où arrive Pierre à la Mal Baye, il a déjà bon nombre de concessions qui ont été faites dans la seigneurie de Murray Bay.  Pendant l’absence de son mari à la guerre[16], la seigneuresse Christiana Emery (1743-1828) n’a pas chômé.  Il y a déjà plus d’une trentaine de censitaires répartis autour du manoir seigneurial et à la rivière Mailloux ainsi que quelques-uns vers la pointe au pic.  Une poignée est déjà établie au sud-ouest de la Rivière-Malbaie, là où Pierre a obtenu sa concession.  C’est d’ailleurs en amont de ces derniers concessionnaires que Nairne accorde les huit prochaines terres.  En face de celles-ci, du côté nord-est de la rivière, au-dessus de la ferme de la Comporté, dans la seigneurie de Mount Murray les terres, même si elles ne seront concédées officiellement qu’en septembre 1784, étaient déjà occupées depuis quelques années.  Il est peu probable que ce fut le cas pour Pierre, car la seigneuresse veillait au grain alors que dans la seigneurie de l’autre côté de la rivière, le seigneur Fraser avait été absent de son domaine depuis qu’il en avait pris possession[17].  Si, le 1er septembre 1784, le seigneur Malcom Fraser (1733-1815) officialise les titres de concessions de ces terres occupées, ce n’est que pour manifester son autorité dans un lieu où il a peu mis les pieds depuis 1762[18].  Aucun Hervé n’est encore établi dans l’une ou l’autre des seigneuries, n’y ne possèdent une terre concédée.  Pierre et son frère seront donc les premiers à s’établir dans le secteur de la Malle Baye dans le secteur sous l’influence de Nairne[19].  

Pierre, progressivement, tisse des liens avec l’entourage du seigneur Nairne.  On en a pour preuve le fait que le 31 janvier 1786, moins de deux ans après son arrivée dans la seigneurie, il est choisi comme parrain de Marie Anne Blackburn (1785-1866)[20].  Cette dernière est la fille de Hugh Blackburn (1746-1833) et de Javote dite Geneviève Gagnon (1742-1835), métisse par sa mère.  Blackburn, tout comme Nairne, est originaire d’Écosse.  Il est arrivé au pays en 1759 dans l’armée du général Wolfe.  Tout comme son seigneur, il était attaché au 78e régiment des Highlanders écossais et avait pris part au pillage et à l’incendie des deux rives du fleuve, de Rimouski à Québec, ainsi qu’à la bataille des Plaines d’Abraham.  Maintenant installé à Murray Bay, où il a repris son métier de menuisier en parallèle à celui de meunier de l’endroit, il est devenu le confident du seigneur, le colonel John Nairne.  Comme beaucoup d’Écossais, par le poids de la majorité, il s’est converti à la religion du pays.  En 1804, il sera en tête de liste pour réclamer de l’évêque la construction d’une église pour remplacer la petite chapelle[21].  En 1807, la nouvelle filleule de Pierre épousera Antoine Riverin fils (1777-1859) navigateur, capitaine, puis major de milice et surtout l’homme de confiance du seigneur de Mount Murray, avant et pendant les troubles de 1813.

En 1787, Hugh Blackburn avait la tâche d’acheter des billes de bois des habitants du secteur pour le moulin de Malcom Fraser à Mount Murray[22].  Considérant la proximité relative de Pierre avec Blackburn qui lui avait tout de même confié le parrainage de l’un de ses enfants, il est possible que Pierre à cette époque ait déjà été impliqué dans l’industrie forestière naissante.  L’habitude de prendre un parent ou un voisin lors des baptêmes ne s’explique pas ici puisque Pierre et Hugh ne sont ni un ni l’autre.  Seule la forêt semble les unir.

 

Si les censitaires de Murray Bay et Mount Murray sont astreints à de nombreuses obligations par leurs conditions de gouvernés, les seigneurs bénéficient de nombreux privilèges non seulement accordés par le pouvoir britannique, mais également par l’église.  C’est le cas pour le seigneur de Murray Bay le 17 novembre 1787.  Cette journée-là, ce protestant non marié fait baptiser un fils dans la chapelle Saint-Étienne.  Le desservant inscrit à son registre «Guillaume né le 28 octobre dernier du légitime mariage de Sieur Jen Nairne Colonel et Seigneur de la Murray Bay et dame Catherine Hemerai» [23].  Le seigneur et Christiana Emery ne s’uniront que deux ans plus tard à Québec sous les rites de l’église d’Écosse[24].  Il vivait en concubinage avec cette dernière depuis 1766.  Le père Pierre Joseph Compain[25] curé de l’Isle aux Coudres desservant Murray Bay épargne donc pour le fils du seigneur l’inscription que tout autre fils de censitaire aurait reçue, «Guillaume illégitime».   Pourtant, cette même journée il n’hésitera pas un instant à apposer l’étiquette de «parents inconnus» à un enfant que l’on inhume.  Si les autorités coloniales avaient habitué les colons à un système de justice différent pour la population, les représentants de l’église en faisaient tout autant.  Ce n’était pas la première fois qu’un desservant avait ainsi passé l’éponge à une figure d’autorité, l’abbé Compain l’avait déjà fait en 1782[26] et le prêtre-desservant Jean Antoine Aide Créquy (1749-1780)[27] l’avait aussi fait en 1778[28]. Peut-on se demander à qui et à quelle fréquence avait-on accordé un tel privilège par le passé? Il semble que Compain soit plus flexible sur les questions religieuses que sur celles menaçant son autorité.  Il est ce curé qui vient d’attaquer violemment Zacharie Sébastien Hervet (1726-c.1813), l’oncle de Pierre.  Ce frère aîné du père de Pierre est capitaine de milice à l’île et selon Compain il refuse ses conseils.  Il le traite de pourceau et d’ivrogne «qui ne juge ses Causes qu’à La Cantine, et que Lorsque Les Parties le font Boire Comme il faut»[29]Il faut bien reconnaître que si l’oncle Zacharie assistait aux messes du curé, il n’en était pas pour autant un rongeur de balustre ce qui lui vaudra sans doute l’ex-communion (voir 06-20.3.2 Zacharie Hervet).

Les frères Pierre et Louis ne seront plus seuls de leur fratrie le long de la rivière Murray.  Au printemps 1788, leur sœur puînée Marie Jeanne (1766-1831) vient s’établir le l’autre côté de la rivière avec son nouvel époux Louis Boulianne (1766-1836).  Pierre, avec le temps, aura ses entrées dans l’entourage de la seigneuresse de Murray Bay, son beau-frère Louis Boulianne de son côté pourra lui assurer l’oreille du seigneur de Mount Murray.  Dès 1793, Louis Boulianne collecte les rentes seigneuriales pour Malcom Fraser sur l’autre rive de la rivière Murray.  De plus, il saura sans doute prodiguer à Pierre les conseils nécessaires le jour où, comme on le verra, il se lancera dans l’aventure de l’opération d’un moulin.  Le beau-frère sera celui qui prendra, en 1793, le bail sur le premier moulin à scie de la seigneurie de Mount Murray, sur la rivière de la Comporté, construit l’année précédente pour le compte du seigneur.  Trois ans plus tard ce sera encore lui qui construira pour son seigneur le moulin à farine adjacent au moulin à scie.  Quand ce dernier se décidera enfin à concéder des baux de pêches, Louis Boulianne sera parmi les premiers; il sera roi et maître de la pêche à Port-au-Saumon pour des années[30].  Décidément, le beau-frère à la confiance de son seigneur.  Il faut peut-être ici rappeler que le grand-père de Louis, lors de la conquête, avait retourné sa veste et gagné le parti de l’anglais.

À l’automne 1788, Pierre est de nouveau choisi comme parrain.  Cette fois-ci c’est pour sa cousine Suzanne Desbiens (1770-1856), fille de l’oncle et voisin Jean Baptiste.  Cette dernière venait de donner naissance à son premier enfant, Pierre Gagné (1788-1843).  C’est le curé de l’Isle aux Coudres et des Éboulements, Charles Joseph Lefebvre Duchouquet (1771-1817), que l’on est allé chercher en cette journée de novembre, car à cette époque, il assume la desserte de la Murray Bay.   Il se déclare d’ailleurs «curé de la Murray Bay» au registre[31].  Dans une trentaine d’années, ce filleul deviendra un engagé de Pierre à son moulin à scie.

On ne sait pas qu’elle fut l’influence des voisins et des connaissances de Pierre à Murray Bay pour sa façon de vivre ou de cumuler le pécule nécessaire à son établissement comme industriel.  Il faut mentionner par contre que certains censitaires de Nairne se livrent à la traite des fourrures avec les Indiens, même si les contrats de concession le défendent explicitement : Charles Brassard, un voisin de Pierre et ancêtre du clan Brassard des troubles de 1813, Hugh Blackburn qui a choisi Pierre comme parrain de l’une de ses filles ainsi qu’Agapit Gagnon, un autre voisin, sont parmi ces trafiquants[32].  Pierre habite sur les rives de la Rivière Murray (aujourd’hui Rivière-Malbaie) de laquelle il tire probablement le poisson pour se nourrir comme il le faisait dans sa jeunesse à même le fleuve.  Les deux seigneurs interdisent toute pêche dans la rivière sans leur permission.  Depuis son arrivée dans la seigneurie, a-t-il profité de la contrebande du saumon qui a cours sur la rivière et à laquelle s’adonnent de nombreux censitaires malgré la surveillance des seigneurs et de leurs gardiens? Les meneurs de cette pêche sont parmi des parents.  En effet, l’un de ceux qui faisaient damner les seigneurs Nairne et Fraser n’était nul autre que Joseph Villeneuve (1753-1799), l’aîné d’une famille issue de l’Isle aux Coudres.  Il avait été le dernier Villeneuve à quitter l’île après avoir épousé, en 1785, Marie Louise Savard (1764-1836), une nièce de Pierre.  De plus, son frère Michel est le beau-frère de Basile Villeneuve (1755-1825), frère de Joseph dont les deux familles sont très unies.  Pierre faisait-il partie des pêcheurs récalcitrants qui défient l’interdiction du seigneur et continuent à pêcher au harpon la nuit à la lumière de flambeaux entre les années 1793 à 1813 environ?

Une fille de l’Isle pour épouse

Depuis qu’il s’est établi à la Murray Bay Pierre est régulièrement retourné à l’Isle aux Coudres pour rendre visite à ses parents, mais également pour y fréquenter une jeune fille de qui il s’est épris lors de ces visites.  Pierre ne pouvait s’être amouraché de cette jeune voisine[33] avant son départ en 1784, puisque Julie Bouchard n’avait que douze ans à l’époque alors qu’il en avait vingt-cinq.  Claude Bouchard (1743-1811) et Geneviève Desgagnés (1737-1811), les parents de Julie, sont les seconds voisins vers le sud-ouest de ceux de Pierre depuis toujours[34].  Les familles se fréquentent et sont de tous les événements familiaux; Claude Bouchard et sa famille assistaient aux noces d’André, le frère de Pierre en 1787[35]Pierre, qui assiste également à la cérémonie, aurait-il remarqué la jeune fille de quinze ans à ce moment? Il retournera ainsi à l’Isle à plusieurs reprises, le plus souvent pour assister à des mariages de copains d’enfances, tous plus ou moins parents comme lors du mariage de sa cousine Françoise Tremblay (1751-1813) où «Pierre Hervé fils» assiste comme témoin à «la bénédiction nuptiale»[36].     

La coutume de venir se chercher une épouse dans la famille à l’Isle ne faisait que débuter.  Elle sera de plus en plus importante au fur et à mesure des départs d’insulaires pour les terres de ces nouvelles seigneuries.  S’ils n’ont pas quitté l’Isle après un mariage avec une fille de l’Isle, ils seront nombreux à revenir s’y marier[37]. Pour l’heure, les jeunes gens de la Malbaye profitent du fait que les goélettes possédées par des natifs de l’Isle faisaient régulièrement la navette entre les deux endroits.  Il n’est pas surprenant que beaucoup de célibataires de Saint-Étienne de Murray Bay viennent se chercher une épouse à l’Isle aux Coudres dont ils sont souvent originaires, car il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes à l’Isle, ce qui n’est pas le cas dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray, principalement peuplé d’hommes.  Pierre sera le premier Hervé à le faire, mais non le dernier. 

En cette année 1790, à la fin d’avril, Pierre, qui a environ trente et un ans, vient se chercher une épouse à l’Isle.  Il est accompagné de son frère Louis lorsque, le 26 avril, il s’unit à Julie Bouchard, laquelle n’a pas encore dix-huit ans.  Les époux repartent vivre à Murray Bay dans la maison qui a été construite Pierre et sur la terre qu’il a défrichée depuis six ans[38].  Le couple passera sa vie à cet endroit.  Ils y auront quatorze enfants, dont trois ne survivront pas à leur naissance; un quatrième vivra moins d’un an. 

En juillet 1791, les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray sont parmi les moins peuplées de la colonie.  Les deux seigneuries réunies ne comptent que cinquante-cinq hommes de plus de dix-neuf ans[39]Pierre n’aura donc pas de difficulté à s’y faire connaître, d’autant plus que les francophones des deux seigneuries sont en majorité originaires de l’Isle aux Coudres.  Avec si peu de gens établis dans ces nouvelles seigneuries, il n’est pas surprenant de le retrouver régulièrement à l’église Saint-Étienne pour différentes cérémonies impliquant parents, amis et voisins. 

Le 11 novembre 1791, Julie Bouchard donne naissance à un premier enfant, «Elisabeth Erver» qui est baptisée le jour même.  L’oncle de l’enfant, Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) qui a maintenant rejoint ses deux frères et sa sœur à Murray Bay, agit comme parrain.  Elizabeth McNicoll (1762-1818), femme d’un voisin, est choisie comme marraine.  Elizabeth est la fille de Duncan McNicoll (1730-1798), un autre soldat du 78e régiment des Highlanders écossais.  Pierre, par ce baptême, renforce encore ses liens avec les Écossais de la seigneurie[40]

En novembre de l’année suivante, Il assiste comme témoin au mariage d’une autre cousine, fille de son oncle Jean Baptiste Debien.  Cette fois-ci, c’est Marie Debien (1764-1814) qui se mari dans la chapelle «de la murray baye»[41].

Pierre semble passer la décennie 1790 à défricher sa terre et à engendrer des enfants.  Les greffes des notaires de passage dans la seigneurie sont muets à son égard pendant ses premières années de mariage. Lui et Julie verront naître cinq rejetons au cours de la décennie. Outre Elisabeth née en 1791, s’ajouteront «Angelle Ever» en 1793, «Marie Herver» en 1794, «Scholastique Herver» en 1797 et «Pierre Hervez» en 1799. 

Les événements se bousculent chez les Hervé de Murray Bay en 1792.  Alors que le frère Michel (1771-1810) est venu s’y établir au printemps, au début d’août, les parents de Pierre s’amènent à Murray Bay pour marier deux de ses frères.  La famille Hervé de l’Isle au grand complet s’est déplacée à la chapelle Saint-Étienne de la Malbaye pour assister à ces doubles épousailles.  Son frère André et son oncle Dominique (1736-1812) sont également venus de l’île.  Pierre a déjà quatre de ses frères et sœurs établis dans la paroisse Saint-Étienne de Murray Bay et autant de cousins et cousines, les enfants de son oncle Dominique.  Les doubles noces sont donc très courues.  Louis qui a déjà trente ans épouse une fille de la baie Saint-Paul, la toute jeune Catherine Perron (1771-1813), alors que Dominique Romain dit Joseph, comme sa sœur Marie Jeanne l’avait fait en 1788, épouse lui aussi un enfant de Louis Marie Boulianne (1740-1824), une jeune femme prénommée Marie (1771-1828)[42].  Marie Magdeleine (1757-1792), sœur aînée de Pierre, est restée à l’île.  Une semaine plus tard, elle décédera en couche[43].

Julie Bouchard donne naissance à son deuxième enfant en plein hiver le 12 février 1793.  La petite est ondoyée par la sage-femme, car François Raphaël Pâquet (1762-1838), le curé qui dessert la paroisse «St Étienne de murray baye» est aux Éboulements, sa paroisse d’attache.  Il a quitté la malle baye depuis deux jours.  Il est de retour le 3 mars et on amène «Angelle Erver» pour son baptême dans la chapelle Saint-Étienne le jour même.  Guillaume Bilodeau (1763-1846) est choisi comme parrain, il est le beau-frère de Julie, marié à sa sœur aînée, Marie Josephte (1768-1841); le couple est établi dans la seigneurie depuis six ans.  La marraine est Catherine Perron, belle-sœur de Pierre marié à Louis[44].

L’année suivante, le 4 décembre 1794, Julie accouche d’une autre fille.  «Marie Herver» est baptisée dix jours plus tard, lors du passage du curé Pâquet.  Le beau-frère Louis Boulianne et la belle-sœur Madeleine Côté seront respectivement parrain et marraine[45].  Comme on le verra, Marie épousera Pierre Boudreault (1790-1871) l’un des membres de plein droit de la future Société des 21

Le 29 juin 1795, son frère Louis lui fait l’honneur de le choisir comme parrain de son premier fils.  Rôle normalement dévolu au grand-père de l’enfant, Pierre aîné de la famille, prendra la place de son père à Murray Bay pour ces occasions[46].

On retrouve Pierre à la chapelle Saint-Étienne encore une fois à la fin de l’été 1798 alors qu’il agit à nouveau comme témoin lors du mariage d’une des filles de son oncle Jean Baptiste Debien.  Charlotte Debien (1775-1855) épouse Dominique Lavoie (1765-1822) frère de Jean Marie (1757-1814), voisin de Pierre et marié à Marie, sœur de Charlotte[47].

Le curé des Éboulements ne s’est pas pointé le nez depuis la fin juillet lorsque naît la quatrième fille de Julie et Pierre le 16 août 1797.  Les parents devront attendre son passage le 10 septembre pour que soit baptisée « Scholastique Herver».  L’oncle et la tante de l’enfant, Louis Hervé et Marie Josephte Bouchard, sont choisis comme parrain et marraine.  Le curé de passage procède à quatre baptêmes cette journée-là.  Michel, frère de Pierre, est l’un de ceux qui font également baptiser un enfant, car les deux belles-sœurs venaient d’accoucher à deux jours l’une de l’autre.  Le curé Pâquet nous rappelle, dans son registre, que «le père présent (déclare) ne savoir signer».  En effet, Pierre n’a jamais fréquenté l’école, car pendant son enfance à l’Isle il n’y en avait tout simplement pas.  Pour le curé Pâquet des Éboulements qui desservait Murray Bay depuis un certain temps, le baptême de Scholastique sera le dernier sacrement qu’il administrera dans la paroisse puisque l’on s’apprête à accueillir le premier curé résident pour le remplacer[48].  

La paroisse a un nouveau curé depuis octobre 1797, Joseph Benjamin Keller (1765-1836).  Né à Québec, il avait un père d’origine britannique qui était établi en Pennsylvanie avant de faire partie des troupes d’invasions lors de la conquête.  Le curé Keller écrivait notre patronyme en le terminant d’un «z».  C’est donc ainsi que sera baptisé, le lendemain de sa naissance, «Pierre Hervez», le premier fils que met au monde Julie le 9 janvier 1799.  Le parrain choisi est Étienne Bilodeau (1777-1817), natif de l’Isle; sa famille était parmi les voisines de celle de Pierre et il courtise Félicité Brassard (1781-1826), une voisine sur le bord de la rivière Murray[49].  La marraine, Magdeleine Gagnier (1780-1839), est native de Baie-Saint-Paul et sa famille vient de s’établir dans la région; dans quelques années, elle épousera Jean Hervé (1775-1813), frère cadet de Pierre[50].    

Avant la fin du mois, lors de son prochain baptême, le curé Keller nommera de nouveau un «Pierre Hervez».  Cette fois, il s’agira d’un fils du cousin Dominique Isaïe Hervé (1775-1851) chez l’oncle Dominique (1736-1812)[51].  Dans moins de dix ans, on comptera six Pierre Harvey dans la paroisse.  Le nouveau curé ne finira pas l’année 1799 dans la paroisse.  Associé de trop près aux seigneurs écossais de Murray Bay et de Mount Murray, il n’avait pas appris à se faire aimer de ses paroissiens.   

En avril 1799, le mariage de la sœur cadette Marie (1773-1817) qui réside à Murray Bay depuis sa majorité, sera le dernier événement qui amènera le père de Pierre dans cette seigneurie.  Marie épouse Jean François Savard (1774-1857), un insulaire aussi établi à Murray Bay[52].  Le patriarche malade s’éteint le jeudi 1er août 1799, à l’âge de soixante-six ans[53].  Pierre Hervé père laisse donc les rênes de la famille à son aîné Pierre Hervé fils, qui veille déjà sur la majorité d’entre eux, puisque sept de ses huit enfants toujours vivants ont déserté l’Isle aux Coudres et sont établis dans la paroisse Saint-Étienne.  Si cela devait être une indication de l’autorité qu’exercerait le paternel sur ses enfants, aucun n’avait quitté son île avant sa majorité.  Seul André était resté à cultiver la terre familiale.

 

Pierre et Julie sont populaires.  On les retrouve choisis comme parrain et marraine d’enfants, année après année.  En mars 1799 par exemple, Julie est marraine d’un troisième fils de sa sœur aînée Marie Josephte alors qu’en juillet, Pierre est lui parrain de Judith Hervez (1799-1835), la deuxième fille de son frère Michel[54].  L’histoire se répétera plusieurs fois.

 

Julie Bouchard assume avec régularité le rôle que la société du temps lui a confié.  Si cinq enfants avaient vu le jour dans la décennie 1790, cinq autres s’ajouteront dans la prochaine.  Ce sont : «Solange Hervé» en 1800, «Julie Hervé» en 1802, «Chrisostome» vers 1803, «Barthelemi Hervey» en 1807 et «Roger Hervey» en 1809.

 

Alors que l’on entame un nouveau centenaire, Julie donne naissance à une cinquième fille le 25 juin.  «Marie Solange Hervé» est baptisée trois jours plus tard par le nouveau «curé des Éboulemens desservant la mal-baye».  Le voisin, Dominique Lavoie (1765-1822) marié à la cousine Charlotte Desbiens (1755-1855) chez l’oncle Jean Baptiste est choisi comme parrain.  La marraine est Sophronie, une autre fille de feu le voisin Charles Brassard.


Depuis que le curé Keller a quitté la paroisse, Jean Baptiste Antoine Marcheteau (1761-1816) assume la desserte de Saint-Étienne.  Ce dernier connaît les Hervé de l’Isle et rétablit donc le patronyme d’origine à Murray Bay pour un certain temps[55].  Cela n’empêchera pas les Hervé de la paroisse, comme la plupart des autres paroissiens, de réclamer son départ dans quelques années[56].

 

Deux ans plus tard, alors que Pierre espère sans doute la naissance d’un garçon de plus pour l’épauler plus tard sur sa terre, Julie accouche d’une sixième fille.  Lui qui n’avait sans doute que peu d’intérêt pour l’agriculture avait dû accepter le destin qui était le sien, soit de diversifier ses revenus comme on le verra.  La petite voit le jour le 17 février 1802.  Le couple donnera à l’enfant le même prénom que sa mère.  Le frère cadet Jean est choisi comme parrain alors qu’une certaine Marie Tremblay agit comme marraine lors du baptême de «Julie Hervé» deux semaines plus tard.  Comme il y a, à l’époque, une trentaine de Marie Tremblay dans la région et aucune dans le cercle familial rapproché, bien malin qui pourra identifier la marraine[57].  L’enfant disparaîtra des registres de la colonie après sa naissance.  Il ne fait aucun doute que le poupon est décédé dans les mois suivant sa naissance.  Les parents nommeront d’ailleurs une autre enfant du même prénom plus tard.  Son décès n’est inscrit ni au registre de sa paroisse ni dans ceux des voisines.  Comme bien d’autres, elle est sans doute morte après le 7 décembre 1802 et avant le 21 octobre 1803, «les registres de la paroisse de la mal Baye ayant été brûlé dans l’incendie du presbytère»[58].  La date exacte ne nous est donc pas parvenue.

 

On peut bien l’imaginer, le mystère entourant le décès de «Julie Hervé» avec la disparition dans les flammes de plus de dix mois de registres ne sera pas le seul secret consumé.  Dans les onze mois de 1802, quarante-neuf baptêmes, huit mariages et deux inhumations avaient été enregistrés.  On peut bien s’imaginer qu’un nombre équivalent de personnes, voire plus avec l’augmentation croissante de la population de la paroisse, sont nées, se sont mariées ou sont décédées au cours de cette période[59].  Parmi ceux-là, «Chrisostome Hervé», car c’est ainsi que le curé Marcheteau écrivait notre patronyme, voit probablement le jour dans la première moitié de 1803.  Il était le deuxième garçon de la famille et le huitième enfant.  À son décès en juillet 1886, on notera qu’il avait quatre-vingt-trois ans[60].

 

Au début du siècle, «Pierre Arvé avec Pierre Labarge et Joseph Debiens» se taille une place dans sa communauté.  Il devient marguillier, une position déjà enviée à l’époque. Son confrère, Pierre Laberge (1751-1829) est constructeur de moulins[61] alors que Joseph Desbiens (1759-1812) est un cousin par alliance marié à Marie Anne Hervé (1762-1805) la fille de son oncle Dominique (1736-1812).  La chapelle Saint-Étienne se fait bien petite pour la population croissante des deux seigneuries qu’elle dessert.  Aussi, les marguilliers de la fabrique décident-ils de faire confirmer devant notaire le don d’un terrain qu’avait fait le seigneur John Nairne pour la construction d’une église en 1794.  Le 8 juin 1802, ils acquièrent donc officiellement pour la Fabrique la concession no 1773 qui sera dorénavant connue comme «la concession de l’église».  Ce terrain est connexe au domaine du seigneur et borné au nord par la «rivière Murray».  Hugh Blackburn, John Hewett et John Nairne signent le document de concession[62].  On ne sait si ce fut la dernière rencontre de Pierre avec le seigneur John Nairne, mais ce dernier signe alors l’un de ses derniers documents de concession.  Malade, il se réfugie peu de temps après à Québec dans une maison de la rue des Grisons, où il s’éteint le 14 juillet suivant[63]. 

 

Si Pierre s’est déjà taillé une place comme marguillier dans la communauté catholique de Murray Bay, c’est dorénavant avec la veuve Christiana Emery (1743-1828) qu’il devra transiger pour ses affaires relevant du domaine seigneurial.  Cette dernière gérera les avoirs de son mari décédé jusqu’à sa propre mort.  Les marguilliers étaient-ils visionnaires en procédant à l’acquisition d’une concession pour la future église? Quoi qu’il en soit, le 21 octobre 1803, le presbytère-chapelle Saint-Étienne est consumé par un incendie et une nouvelle chapelle de bois rudimentaire est reconstruite. 

 

Après l’incendie qui a brûlé les registres de la paroisse, Julie Bouchard sera parmi les premières à voir son nom inscrit dans les nouveaux registres lorsque le 28 octobre, elle est choisie pour marraine au baptême de Paul Lavoye (Lavoie)[64].  Son filleul deviendra, dans une vingtaine d’années, associé de Pierre et plus tard un des coassociés de la Société des Pinières du Saguenay (Société des 21).

L’industrie forestière comme deuxième gagne-pain

Il est peu probable que Pierre ait possédé un moulin à scie longtemps avant les années 1815.  Les premiers écrits retrouvés à ce jour sur le sujet datent d’ailleurs de quelques années plus tard.  En revanche, on sait que depuis 1798, le seigneur John Nairne avait commencé la production de bois d’œuvre et en exportait.  Ses héritiers ne sont plus seuls, car plusieurs commencent à réaliser des profits par l’abattage et la transformation de la forêt[65].  Au début du siècle, le blocus continental de Napoléon sur les routes des Britanniques qui débuta en 1806 et ne prendra fin qu’en 1814, force le Royaume-Uni à s’approvisionner dans ses colonies.  Si les Nairne produisent du bois d’œuvre, ils leurs faut du bois d’abattage et c’est sur les cultivateurs de la seigneurie qu’ils comptent pour leur approvisionnement.  Pierre et son frère Louis ne seront pas les seuls à s’investir dans cette industrie, mais ils seront parmi les premiers parmi les nôtres.  Si Pierre continue à cultiver la terre, ses étés sont bien courts.  Dès que la fraîcheur d’automne se pointe le nez, il entre dans sa forêt en bois debout avec des associés pour abattre le bois de ses terres que l’on acheminera à un moulin en profitant du couvert de neige hivernal.  Bien qu’il n’existe aucun contrat de bois en propre chez les notaires avant 1818, les greffes nous révèlent des ententes entre cultivateurs relatifs à l’abattage.  C’est devant notaire qu’à l’automne 1803 «Pierre Harvay, Agapit Gagnon et Louis Harvay» passent un accord en ce sens[66].  Le notaire Sasseville qui officie est originaire de Québec.  Il a vécu un certain temps dans la région de Vaudreuil où il s’est marié puis à Sainte-Anne-de-Bellevue, Les Cèdres, Oka, Saint-Eustache et finalement sur la Côte-du-Sud.  Il vient tout juste de s’établir à Baie-Saint-Paul.  Ne connaissant pas l’origine française de ses clients Hervé, il écrit le patronyme de la façon qu’il l’a rencontré dans la région de Montréal où les Harvay de langue anglaise sont déjà nombreux.  Le notaire associe les Hervé d’origine française au Harvay Écossais.  Donc pour lui, rencontrer un Harvay de langue française n’a rien de bien surprenant; il sert déjà des McNicoll et Blackburn francophones, des Écossais de deuxième génération qui ont déjà adopté la langue de la majorité.

Pierre étend son emprise sur les forêts avoisinantes et signe, dès l’année suivante, un accord semblable à celui de 1803 avec «Dominique Lavoye»[67].  On se souviendra que Dominique est parrain de Solange, la fille de Pierre et que ce dernier avait agi comme témoin lors du mariage de sa cousine Charlotte Debien avec Dominique six ans plus tôt.  C’est d’ailleurs avec Dominique Lavoie que Pierre se lancera dans la construction et l’opération d’un moulin dans quelques années[68].   

Lorsqu’en 1804 son frère cadet Jean se marie, c’est Pierre qui lui sert de père.  En novembre, Jean qui demeure déjà à Murray Bay auprès de ses quatre frères et de ses deux sœurs, épouse Magdeleine Gagnier (1780-1839), celle qui fut marraine lors du baptême de son fils Pierre.  Feu Jean Baptiste Gagné (1750-1800), le père de la mariée, est le frère de François (1758-1831), voisin immédiat de Pierre, marié à la cousine Suzanne Desbiens.  En cette même journée du 5 novembre 1804, Pierre assiste également à un second mariage où il est témoin pour la mariée Thérèse Brassard (1779-post.1878).  Thérèse est la fille d’Augustin Brassard (1754-1806), le voisin qui, en 1789, au décès de son père Charles, avait hérité de la terre[69].

Le 23 octobre 1806, la paroisse accueille son second curé résident.  Keller n’avait pas fait l’affaire de ses paroissiens parce que, de toute évidence par ses origines trop près des seigneurs de Murray Bay et Mount Murray.  Cette fois-ci on ne reprendra pas le clergé, qui tentera de plaire aux autorités écossaises tout comme aux paroissiens.  On leur envoie donc François Gabriel Le Courtois (1763-1828) qui officiera dans la nouvelle église construite en pierre à grands frais et terminée l’année précédente.  Le Courtois est l’un de ces prêtres français qui, pendant la Révolution française, refusèrent de prêter le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé tel que l’Assemblée nationale constituante l’exigeait depuis le 1er octobre 1791.  Comme certains autres, il s’exila en Angleterre et fut envoyé dans la colonie devenue anglaise.  Le clergé et les autorités anglaises s’accommodaient de prêtres plus favorables à la royauté.  Par ce nouveau curé, les Hervé de «Saint-Étienne de la malbaye» verront leur patronyme écrit avec une consonance plus près de la réalité «Hervey», jusqu’à son départ en 1822[70]

Julie Bouchard n’avait pas donné naissance à un enfant depuis quatre ans quand elle met au monde un troisième fils le 16 février 1807.  Maintenant que la paroisse est dotée d’un curé résident, l’enfant est conduit à l’église le même jour pour y recevoir le baptême.  Ce sera le seizième baptême du Français Le Courtois depuis son arrivée.  «Barthelemi Hervey» a pour parrain un filleul de son père, Pierre Gagné.   Sa marraine, sans lien quelconque avec la famille, est Procule Guay (1748-1820), une voisine du rang sud-ouest de la rivière Murray et l’une des deux sages-femmes de l’époque.  Son frère, Josse Guay (1749-1833) deviendra dans un an, le beau-père d’Elizabeth, fille aînée de Pierre.

 

À l’été 1807, Pierre en est à ses premières armes connues avec la veuve Nairne, la seigneuresse Christiana Emery[71].  Le 8 juillet, il obtient d’elle, devant notaire, une nouvelle concession, une terre à bois[72].

 

À la veille de Noël, Pierre donne son prénom à un autre rejeton de la fratrie alors qu’il est choisi comme parrain du troisième fils de son frère Joseph.  Il porte l’enfant pour son baptême avec sa belle-sœur, Magdeleine Côté (1774-1857), épouse de son frère Michel[73].

 

Pierre et Julie qui ont maintenant sept enfants voient déjà partir leur aînée lorsque la jeune Elisabeth, qui n’a que dix-sept ans depuis quatre jours.  Elle épouse Benoît Guay (1783-1859) le 15 novembre 1808 dans la nouvelle église de Saint-Étienne qui n’a que trois ans[74]Elisabeth ne part pas très loin, car son époux possède la terre et la maison familiale de ses parents qu’il héberge.  José Guay (1749-1833) et Geneviève Maltais (1758-1845) s’étaient donnés à leur fils il y a dix ans[75].  Cette concession est située à moins de douze arpents de celle de Pierre, au sud-ouest sur la rivière Murray. Le nouveau couple aura neuf enfants. 

 

Le 3 février 1809, Julie accouche d’un quatrième et dernier fils.  On porte l’enfant à l’église pour son baptême le lendemain.  Joseph Côté (1736-1822), le beau-père de Michel, frère de Pierre, est le parrain de «Roger Hervey».  Joseph Côté est aussi l’associé de son frère Louis dans diverses entreprises, dont celle de l’exploitation d’une érablière[76].  Marie Guay (1797-1839) qui est une jeune belle-sœur d’Elisabeth, la fille de Pierre, est la marraine[77].

 

Le fils aîné du voisin Agapit épouse une fille de l’Isle aux Coudres en septembre.  Magloire Gagnon (1785-1858) choisit Pierre comme témoin lorsqu’il s’unit à «Marie Daler» (1789-1864) dont le père était un ami de la famille qui fut lui-même parrain de quelques Hervé à l’Isle.[78]

 

La décennie qui s’entame marque la fin de la période de grande fécondité de Julie Bouchard qui est maintenant âgée de trente-huit ans.  Au cours des six prochaines années, elle donnera naissance à quatre enfants dont une seule survivra, Julie Hervey qui naîtra en 1813. 

 

Tradition oblige, Elisabeth choisit son père pour parrain de son premier enfant lors du baptême qui a lieu le 27 avril 1810.  Pierre ne dorlotera pas très longtemps son premier petit-fils puisque ce dernier décède seize mois plus tard[79].

 

À l’automne 1810, Pierre, maintenant âgé d’environ cinquante et un ans, perd son frère Michel malade depuis un certain temps.  Il n’était âgé que de trente-neuf ans[80].   Sa veuve se remariera à Alexandre Boivin (1783-1870) trois ans plus tard.  Boivin est un voisin de la « Concession duruisseau des Frênes».  Ce dernier possède avec Joseph Boulianne (1775-1860) un moulin à scie sur le ruisseau, près de l’endroit où habitait Michel, depuis 1803.  Boulianne est le beau-frère de Dominique Romain dit Joseph et de Marie Jeanne, frère et sœur de Pierre.  Après sa sœur Marie Magdeleine, morte à l’Isle en 1792, Michel est le second de la fratrie à s’éteindre.  L’année suivante, c’est au tour de sa mère Marie Madeleine Tremblay qui décède sur l’île; elle était âgée de soixante-dix-sept ans[81].    

 

Le 4 février 1811, Julie Bouchard accouche d’un premier enfant qui ne survivra pas à sa naissance.  Après Julie, morte présumément en 1803, c’est le deuxième enfant que perdent les époux[82].  La vie continue pour Pierre et Julie, car, malgré la tristesse de l’événement, perdre un enfant à l’époque était commun.  Une quinzaine de jours plus tard, la nièce Geneviève Bilodeau (1791-1814), fille de Marie Josephte Bouchard, sœur aînée de Julie, épouse Charles Gagnon (1787-1871);  Pierre agit comme témoin à la cérémonie de mariage[83].

Les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray n’auront pas de notaire avant 1813.  Il faut donc profiter de l’homme de loi quand il passe.  C’est ainsi que «Pierre Hervé» se rend au manoir seigneurial de Murray Bay le 10 mars 1811 pour déposer, devant le notaire Isidore Levesque (1782-1853) de passage, son contrat de concession et faire enregistrer sa terre.  Puisque l’on ne retrouve pas d’autres actes de concessions au nom de Pierre dans cette période, peut-être ne fait-il que régulariser son droit de propriété sur la terre que lui avait concédé la seigneuresse en 1807.[84]

Le 24 juin 1811, la cousine Suzanne Desbiens cède à Pierre et à son frère Louis une partie de terre héritée de sa mère Marie Luce Pedneault (1735-1792), seconde épouse de leur oncle Jean Baptiste Desbiens.  La cousine avait hérité d’une partie de la terre familiale dont elle n’avait pas profité de l’usufruit puisque son père en tirait toujours profit.  Se sentant malade, celui qui décédera dans quelques mois s’était donné et avait fait exécuter le partage de la terre.  Proche de cette cousine et voisine, Pierre avait agi comme parrain de son premier enfant; Suzanne sera présente dans la vie de Pierre pour encore très longtemps[85]

En ce début d’automne 1811, Pierre et Julie voient partir leur deuxième enfant.  Angelle épouse Joseph Boily (1787-1843) dans la chapelle Saint-Étienne.  Le couple partira s’établir aux confins de la seigneurie dans le secteur qui deviendra bien plus tard Sainte-Agnès où Angelle donnera naissance à dix enfants[86]


C’est à cette époque que débute pour Pierre une série d’acquisitions, de ventes et d’échanges de terres qui lui permettra sans doute d’amasser le capital nécessaire à la construction de son moulin à scie et à son approvisionnement en bois.  Beaucoup de ces transactions se feront entre ceux que l’on appelle déjà à l’époque dans la seigneurie, «les gens de l’Isle» lesquels, par leur nombre et l’enchevêtrement de leurs liens familiaux constitue, comme on le voit déjà, un réseau d’entraide et de commerce naturel et non-dit.  Ils y seront si nombreux que le seigneur nommera l’une de ses concessions «Concession des gens de l’Isle» comme en fait foi la carte de l’arpenteur Duberger (1831) ci-contre.  Au début de 1812 par exemple, Pierre vend une parcelle de terrain à Joseph Audet dit Lapointe (1791-1868), natif de l’Isle aux Coudres, qui vient s’établir dans la seigneurie de Murray Bay[87].  Pierre Audet dit Lapointe (1765-1816) et Esther Boudreau (1772-1865), les parents de ce dernier sont tous deux des amis d’enfance et voisins de Pierre à l’Isle.  Esther Boudreau épousera d’ailleurs en secondes noces Louis, le frère de Pierre

Tout comme l’année précédente, Pierre et Julie vivront un autre deuil lorsque cette dernière accouche d’un autre enfant qui ne survivra que «quelques heures après sa naissance le 4 juin 1812 ».  La petite-fille n’est portée en terre que le 26 juillet suivant tout comme six autres personnes décédées en mai et en juin. Le curé Le Courtois avait été absent de la paroisse entre le 9 mai et le 20 juillet, en mission dans les Postes du roi.  Bien que le curé mentionne à son registre que les inhumations eurent lieu le 26, il aura plutôt procédé à la bénédiction des fosses cette journée-là[88].

 

C’est à la mi-juin 1813 que la «veuve de Michel Hervey» demande à Jean, Pierre et Joseph, les trois frères Hervé encore vivants, de lui servirent de témoins pour son mariage en secondes noces à Alexandre Boivin[89].

 

Une dizaine de jours plus tard, alors que l’on s’apprête à fêter la Saint-Jean, cette fête arrivée en Nouvelle-France avec les Français et que leurs descendants ont gardée comme coutume même après la conquête, Pierre voit mourir Jean (1775-1813), son frère cadet.  Jean n’avait que neuf ans lorsque Pierre avait quitté son île.  Il était venu rejoindre ses frères et sœurs à Murray Bay dès sa majorité et s’était établi dans la « Concession du ruisseau des Frênes» voisin de son frère Michel de qui il était le plus près[90].

 

Pierre ne semble pas avoir été affecté par la guerre entre anglais de 1812-1815 et les troubles associés de 1813 dans la paroisse Saint-Étienne et celles avoisinantes.  Il est trop âgé pour la conscription et ses fils sont tous trop jeunes.  Il laissera à son frère Louis, alors capitaine de milice, cette situation délicate qui divise la population.  Son nom n’apparaît dans aucun des rapports qui nous sont parvenus relatifs aux divers bouleversements qui surviennent dans la région à cette époque.  Quel camp aura-t-il choisi, le parti des Brassard, meneurs des soulèvements, ou celui des seigneurs et de son frère Louis.  Se sera-t-il fait discret pendant trois ans?

 

Toutes les «assemblées révolutionnaires» qui ont cours dans la seigneurie de Murray Bay[91] n’empêcheront pas Julie Bouchard de donner naissance à une petite fille le 30 septembre.  Le curé étant absent de la paroisse, l’enfant est ondoyé par la sage-femme dès sa naissance.  On attendra six jours avant de l’amener à l’église pour son baptême[92].  Contrairement à la précédente, «Julie Hervey» la seconde, vivra plus de quatre-vingts ans et donnera naissance à dix enfants.  Le parrain choisi est Pierre Boudreault, natif de l’île, qui épousera en secondes noces Marie, l’une des filles de Pierre, dans quelques années.  Pour le moment, il est marié à Scholastique Gagné (1793-1821), fille de la cousine Suzanne Desbiens.  La marraine est Angelle, la sœur de l’enfant[93].

 

Pour les neveux et nièces du clan Hervé de Murray Bay, Pierre en est un peu le patriarche.  Le grand-père décédé avant la fin du siècle précédent, il est normal que l’aîné du clan ait joué ce rôle.  On en a un autre exemple en février 1814 alors qu’il agit comme témoin au mariage de Marguerite Herver (1797-1828), fille de feu Michel Hervé.  La nièce épouse François Raphaël Malteste (1791-1882) lequel deviendra en 1837, l’un des membres à part entière de la Société des Vingt-et-un[94]

Un moulin pour transformer la forêt en bois d’œuvre

C’est aussi en 1813 que la seigneurie de Murray Bay accueille son premier notaire résident.  Charles Chiniquy (1781-1821), qui avait reçu une commission de notaire quatre ans plus tôt, avait d’abord pratiqué à Kamouraska et Cap-Santé.  Il était le père de Charles Chiniquy, celui qui deviendra un homme de religion controversé.  Pierre profitera grandement de la présence de ce notaire.  Le 28 décembre 1815, un peu comme une étrenne du Nouvel An, Pierre qui n’a pourtant qu’environ cinquante-six ans et Julie qui n’en a que quarante-trois signent devant lui un acte de donation en faveur de celui qui finalement décédera avant son père, l’aîné Pierre qui n’a que seize ans[95] ! Cette donation est probablement indicative de l’incertitude qui entoure l’exploitation des moulins dans la région.  Plusieurs se sont déjà cassé les dents dans l’aventure.  Pierre aura sans doute voulu ainsi protéger sa famille d’un quelconque revers financier si l’exploitation du moulin devait ne pas apporter les fruits espérés.  Cependant, cette protection ne prendrait effet qu’à la majorité de son aîné puisque selon les lois du temps, ce dernier ne pouvait posséder de tels biens en propre avant cela.       

 

Cette donation n’empêchera pas Pierre de continuer de brasser de grosses affaires.   Ainsi, ce même jour, alors qu’il est toujours à la maison du bureau du notaire, il échange l’une de ses terres avec celle de Magloire Gagnon, l’aîné d’Agapit Gagnon, le deuxième voisin.  On verra Pierre procéder ainsi régulièrement.  Il fait l’acquisition de terre à bois qu’il dégarnit de sa forêt au fil des ans pour ensuite l’échanger avec un nouveau censitaire qui a obtenu une concession en bois debout et qui a d’abord besoin de terre cultivable rapidement pour nourrir la famille[96].  C’est ce même Magloire Gagnon qui servira de témoin à une bien curieuse pratique naissante, une promesse de tempérance devant notaire.  James Alexander McAllister, navigateur résident dans la paroisse et François Poulin, maître tonnelier de la rivière Godbout s’engageront devant lui et le notaire à s’abstenir de consommer des boissons enivrantes pour trois ans ou dans le cas contraire à payer amendes[97].

Le lendemain de la transaction avec Magloire Gagnon, Pierre et son frère Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) obtiennent quittance pour deux emprunts qu’ils avaient faits auprès des gendres de Pierre, Benoît Guay et Joseph Boily[98].     

 

Même si le blocus de Napoléon est maintenant terminé, la manne du commerce du bois qu’il avait entraîné pour les colonies britanniques ne fait que s’accentuer.  Maintenant que le trafic maritime commercial est bien organisé, le goût pour le bois d’œuvre de pin et d’épinette de qualité de l’Amérique que les Anglais obtiennent à moindre coût que le sapin de la Baltique ne fait qu’accroître la demande.  C’est dans ce contexte que plusieurs cultivateurs de la seigneurie de Murray Bay et de sa voisine se lancent dans l’aventure d’établir des scieries.


Depuis plusieurs années Pierre livre aux moulins existants du bois d’abattage.  Cependant, la compétition entre cultivateurs-bûcherons est de plus en plus féroce.  Ils sont près d’une centaine maintenant à s’adonner à ce second gagne-pain qui réduit les profits au grand avantage des quelques marchands preneurs et propriétaires de moulins.  Voyant ses revenus ainsi diminuer, Pierre envisage maintenant de se construire un moulin.  Il est donc tout à fait plausible de croire que Pierre ait financé la construction de son moulin à l’aide des emprunts contractés auprès de ses gendres et des revenus qu’il tirait depuis plusieurs années de la vente de billots.  À l’époque, la construction d’un moulin entraînait une dépense d’environ mille dollars[99].    Cette entreprise, il ne l’envisage pas seul; les noms de ses frères Louis et Dominique Romain dit Joseph, reviennent souvent dans l’affaire, mais celui de Dominique Lavoie, voisin et époux de la cousine Charlotte Desbiens, ne fait aucun doute comme associé au moulin. 

Plutôt que d’exploiter elle-même un moulin à scie, contrairement à son défunt mari, la seigneuresse donne des baux de moulins aux cultivateurs désireux d’en construire et de les exploiter[100]Pierre sera de ceux-là.  Dans son projet, il bénéficiera peut-être de l’aide de Pierre Laberge, ce constructeur de moulins, avec qui il fut marguillier quelques années auparavant.  Quoi qu’il en soit, il construit d’abord son bâtiment d’environ vingt pieds sur trente à la confluence de la rivière Murray et du gros ruisseau qui coule sur sa terre obtenue de la seigneuresse en 1807.  On a adjoint à la bâtisse une grande roue d’une quinzaine de pieds qui sera actionnée par l’eau.  Lui et son fils, avec des associés de la première heure et des engagés, ont dérivé le ruisseau par un petit canal et une dalle qu’ils ont construite afin que l’eau atteigne la grande roue.  En amont de la dalle, ils ont construit une écluse afin de contrôler le débit de l’eau dirigée vers le moulin.  Ils ont dû creuser le ruisseau et former un remblai pour retenir l’eau.  La grande roue une fois alimentée actionne des engrenages qui se transmettent à la scie va-et-vient vertical.  Il n’est pas certain si le moulin de Pierre possédait une seule scie verticale comme la plupart des moulins du temps, mais à réviser les contrats de transformation en madrier, il est possible que le moulin en ait actionné deux à un certain moment.  Le moulin de Bénoni Gauthier sur la rivière Jean-Noël n’en possédait-il pas quatre[101]? Pierre, sans doute secondé par son aîné semble être l’opérateur de son moulin.  Je n’ai trouvé aucun contrat d’embauche d’un moulinier, bien que d’autres moulins de la seigneurie en emploient.  En cela, il ne sera guère différent de la majorité des cultivateurs propriétaires de moulin et qui les opèrent eux-mêmes.

 

À ce jour, le bail d’opération d’un moulin que la seigneuresse a accordé à Pierre pour son premier moulin n’a pas été trouvé bien que l’existence de ce moulin est largement documentée[102].  Pierre, non sans aide, aurait bâti ce moulin dans les années 1810.  On présume que son frère Louis opère déjà un moulin sur le ruisseau des Frênes lorsque le sien est mis en opération.  On ne sait pas quand Louis à construit son moulin, mais l’on pense qu’il opérera avant celui de Pierre.  Si ce dernier a réussi à rembourser ses emprunts en 1815, il est plausible de croire que le moulin était en service avant cette année et qu’il avait déjà généré des profits.  Quoi qu’il en soit, on sait que ce moulin sera en activité jusqu’en 1824[103].

 

Julie Bouchard a quarante-quatre ans lorsqu’elle met au monde son dernier enfant le 9 mai 1816.  L’enfant ne survivra pas à sa naissance[104].  Elle aura donné naissance à quatorze enfants dont dix sont toujours vivants et elle peut déjà cajoler sept petits-enfants que lui ont donnés ses filles Elisabeth et Angelle.

 

À la fin janvier de l’année 1817 qui s’entame, Pierre voit partir la quatrième de sa fratrie.  Sa sœur Marie (1773-1817) décède le 29 à l’âge de quarante-trois ans.  Il assiste deux jours plus tard à son inhumation avec sa sœur Marie Jeanne et son frère Louis, tous de Murray Bay.  Dominique Romain dit Joseph quant à lui est sans nul doute en forêt pour l’hiver[105].

 

Lorsqu’en août, le métis Prisque Verreau (1793-1872) et celle qui pourrait être Angele Evinasnapeuqui, sa première conjointe ou, Marie Petsiamiskueu sa seconde, toutes deux de nation «Montagnaise» se présentent à Murray Bay pour y faire baptiser son fils naturel âgé d’environ quatre ans et demi, l’aînée Elizabeth accepte d’en être la marraine.  Le curé Le Courtois prend bien soin de noter que la «sauvagesse montagnaise est non baptisée»[106].  Verreau était d’abord entré au service de la Compagnie francophone du Nord-Ouest.  Cette dernière est alors en concurrence avec la compagnie anglophone de la baie d’Hudson; les coureurs des bois des deux compagnies sont impliqués dans des exactions, des sabotages et des meurtres.  Après la fin du conflit et la fusion des deux compagnies en 1821, Verreau sera commis du poste d’Ashuapmouchouan de la Compagnie de la Baie d’Hudson[107].

 

En septembre 1817, Dominique Romain dit Joseph Hervé qui, on le présume, est associé à Pierre pour une part du moulin, contracte une obligation auprès du marchand et commerçant de bois Amable Bélair.  Pourrait-il s’agir d’un engagement à livrer du bois d’œuvre au commerçant, bois d’œuvre qui sera préparé au moulin de Pierre? Le texte de l’acte ne permet pas de l’affirmer avec assurance[108]

 

Pierre Hervé et Julie Bouchard marient une troisième fille le 11 novembre 1817.  Scholastique épouse Jean Brassard (1785-1862) fils d’Henri (1758-1829) et petit-fils de feu Charles Brassard, l’un des voisins de Pierre[109].  La veille ce dernier était passé chez le notaire Chiniquy comme témoin de la signature du contrat de mariage de sa fille et pour enregistrer la remise au futur gendre de la dote de cette dernière pour laquelle il recevait quittance[110].  Le couple s’établit dans le secteur qui deviendra Sainte-Agnès.  Scholastique donnera naissance à douze enfants.

 

Comme on l’a vu, la proximité de Pierre avec la famille d’Agapit Gagnon et d’Elizabeth McNicoll ne fait aucun doute.  Les deux chefs de famille se trouvent impliqués en affaires comme sur le plan personnel.  En décembre, Pierre est à nouveau parrain lors du baptême d’un rejeton Gagnon.  Cette fois-ci, il s’agit du baptême du quatrième enfant de Jacob Gagnon (1790-1857).  Jacques dit Jacob est le second fils d’Agapit[111].  

 

Les forêts des terres de Pierre se vident progressivement depuis que le moulin est en exploitation.  Il doit donc penser à acquérir des concessions additionnelles qui ne sont pas trop éloignées du moulin.  C’est ce qu’il fait le 3 juillet 1818 devant notaire.  Cette fois-ci il fait l’acquisition d’une terre appartenant à François Gagné (1758-1831), cousin par alliance marié à Suzanne Desbiens et père du filleul de Pierre.[112]

 

Profitant de son passage chez le notaire, Pierre, cinquante-neuf ans et Julie, quarante-six ans, enregistrent leurs dernières volontés auprès du notaire Chiniquy.  Maintenant, bien établis, propriétaires d’un moulin et de plusieurs terres avec une famille qu’ils savent sans doute complète, ils devaient avoir senti la nécessité d’assurer le partage de leurs biens à leur décès[113].

En 1815, les habitants de la seigneurie du Mount Murray et quelques marchands de Murray Bay s’étaient mis en

tête de demander la construction d’un pont sur la rivière Murray, pont dont le coût était estimé à trois cent cinquante livres sterling.  La dépense projetée et l’utilité de l’ouvrage pour les censitaires de Murray Bay avaient rendu ces derniers pantois pour un moment et avaient engendré par la suite une vive opposition.  Si bien que le conflit entre les deux rives ne se réglera qu’à la fin de 1817.  Le pont coûtera finalement cent livres sterling, une économie substantielle par rapport aux propositions de 1815.  C’est donc en 1818 que Pierre doit s’acquitter de sa quote-part qui revenait aux deux cinquièmes du coût total pour les habitants de Murray Bay, au prorata de la dimension de leurs terres.  Le paiement devait se faire en argent sonnant ou en corvées et aux charrois pour sa construction ou son entretien.  On ne sait pas si Pierre paya en argent sonnant son dû ou si, comme plusieurs, il ne participera pas, lui ou ses fils, aux travaux de 1818[114].

L’automne de 1818 venu, Antoine Guay (1781-1868), celui chez qui le nouveau pont sur la rivière débouchait, est l’un des trois marchands de Murray Bay à l’époque.  Beau-frère d’Elisabeth, fille de Pierre, il loue cette année-là le moulin et les services de Pierre pour un an.  Ce marchand, fils de cultivateur, possède et opère déjà un moulin en propre à la décharge du Grand lac depuis 1815, mais ce dernier ne suffit pas à transformer tout le bois auquel il a accès[115].  Les opérations forestières sont donc une affaire de famille élargie.   Comme on l’a vu en 1815, Pierre est souvent associé avec son frère Dominique Romain dit Joseph.  Il en va de même avec Louis.  Il y a tout lieu de croire que Pierre avait alors comme associé pour le moulin son cousin par alliance et voisin Dominique Lavoie, ses frères Dominique Romain dit Joseph et Louis ainsi que, possiblement, Pierre Boudreau son futur gendre (Société des Pinières du Saguenay).  Ces ententes entre membres d’un même clan familial sont le plus souvent verbales et les preuves tangibles n’existent pas, mais certains contrats avec des marchands nous donnent quelques indices.  Bûcherons, draveurs, manœuvres, propriétaires de moulin et navigateurs sont généralement tous du même clan familial.  En 1818 par exemple, son frère Louis qui est propriétaire de plusieurs terres dans la seigneurie de Murray Bay doit s’assurer que tout ce qui est bûché dans le fond des bois soit amené au moulin.  Les surplus de billots coupés pour le marchand Antoine Guay, que son propre moulin du ruisseau des Frênes ne peut suffire à traiter, Antoine les fait descendre à la rivière Murray, le plus souvent, sur des traîneaux de bois tirés par des chevaux.  Cette année-là, c’est le filleul de Pierre, Pierre Gagné (1788-1843) qui fera le «boom» (la drave) jusqu’au moulin de Pierre, situé sur sa terre, du côté sud-ouest de la rivière[116]Pierre en fera des madriers.  Finalement, par cette même rivière, Gagné fera descendre le produit fini, jusqu’au terrain du marchand Antoine Guay où il l’empilera en attendant qu’il soit chargé sur des goélettes choisies par le marchand, pour la livraison à Québec.  Décidément, l’industrie de Pierre était facilitée par l’accès à la rivière de ses concessions[117].  Contrairement son frère Louis qui possédera son propre moulin et ne sera pas associé à un riche marchand, prenant donc ainsi des risques plus grands pour en tirer un plus grand profit, Pierre, grâce à son association avec le marchand Guay, s’assure que son moulin fonctionnera pendant toute la saison où l’eau ne vient pas à manquer, sécurisant ses investissements relativement récents.

Pierre aura toujours l’embarras du choix pour le transport de son bois d’œuvre.  Les navigateurs parmi ses parents et associés sont nombreux.  D’abord Antoine Guay, celui qui loua le moulin de Pierre pour un an et qui, avant de devenir un marchand à l’aise, était avant tout un navigateur.  Il y avait également Étienne Lavoie (1800-1860), fils de son associé Dominique, puis le cousin Jean Marie Desbiens (1762-1825), fils de son oncle Jean Baptiste, devenu l’un de ses voisins par héritage de la concession de son père[118].  Finalement, il pouvait aussi compter sur tous les navigateurs de l’Isle qui possédait des goélettes et qui faisait le transport du bois; plusieurs étaient parents et s’il ne l’était pas d’une quelconque façon, ils étaient ses amis d’enfance.    

Maintenant âgé de cinquante-six ans et toujours capitaine de milice, son frère Louis, veuf depuis 1813, convole en secondes noces avec Esther Boudreau, une jeune veuve native de l’Isle qui a quarante-six ans à la fin novembre 1818.   Pierre agit comme témoin pour son frère lors de la cérémonie[119].  

Au cours de l’année 1819, Pierre reprend le plein contrôle de son moulin, car le contrat de location qui le liait à Antoine Guay est terminé.  Pour la vente de son bois, il se tourne maintenant vers Amable Bélair (1781-1841), prospère marchand de Baie-Saint-Paul, natif de la lointaine seigneurie de Maskinongé et arrivé dans la seigneurie de Murray Bay depuis quatre ans.  Ce changement d’acheteur n’est pas anodin et c’est probablement pour Pierre un choix d’affaires.  Bélair en mène large depuis qu’il est devenu le second époux d’Anne Fraser (1792-1877), fille de feu Malcom Fraser, autrefois seigneur de Mount Murray et de sa maîtresse de Mount Murray, Marie Ducros dite la terreur (1763-1837).  L’héritier de Malcom Fraser qui habite Québec a confié le plus clair de la direction de la seigneurie voisine à Bélair.  Il est alors l’un des trois marchands se livrant au commerce du bois.  En octobre, Pierre lui vend un stock de madriers sciés à son moulin[120].  Dix jours auparavant son frère, Dominique Romain dit Joseph, que l’on croit être en partenariat dans l’aventure du moulin avait vendu lui aussi un stock de madriers à Bélair[121].  Il est difficile d’affirmer avec certitude que cette dernière transaction est l’œuvre du frère puisque le petit cousin homonyme Joseph Hervé (1794-1890), fils de David (1763-1837) chez Dominique (1736-1812) est aussi en affaire dans le commerce du bois avec Amable Bélair depuis 1817[122].

 

Le 20 janvier 1820, les frères Hervé de Murray Bay fêtent à nouveau.  Cette fois-ci c’est à l’occasion du mariage de la nièce Marie Hervez (1799-1864), fille de son frère Joseph et de Germain Godreau (1798-1877)[123].   

En 1820, Pierre fils atteint sa majorité.  Ce sera pour lui l’occasion de s’émanciper de ses obligations vis-à-vis son père.  Le 21 novembre, il épouse Marie Anne Villeneuve (1802-1860) dans l’église Saint-Étienne-de-la-Malbaie.  Ils sont nombreux à l’église pour assister à la cérémonie de mariage de l’aîné.  Outre les Hervé et Villeneuve de Murray Bay qui y sont en grand nombre, on compte plusieurs «gens de l’île», des Savard et des Tremblay apparentés, mais aussi des Côté puisque Félicité Côté (1776-1858), mère de la mariée, est la sœur de Marie Madeleine (1774-1857), laquelle avait épousé en premières noces feu Michel Hervé, frère de Pierre[124].  Le matin avant la cérémonie de son mariage, «Pierre Hervez» s’était présenté avec son père chez le notaire pour accepter l’acte de donation que ses parents avaient signé à son intention en 1815[125]Pierre fils et Marie Anne auront quinze enfants sur la terre de son père devenu la sienne.  Comme on l’a vu précédemment, la connaissance de leurs racines qu’avaient les Hervé partis très jeunes de l’Isle aux Coudres était limitée.  L’absence de grands-parents dans leur enfance avait été l’un des facteurs de cette méconnaissance.  Leurs parents, les frères Pierre et Dominique, n’en connaissaient guère plus; ils avaient perdu leur mère alors qu’il n’avait que sept et quatre ans et leur père s’était fait la paire sur la Côte-du-Sud bien avant leur majorité.  Un an après le mariage de Pierre fils on en aura une autre preuve.  Le curé ayant découvert un empêchement de consanguinité, le mariage sera annulé et les époux devront faire une demande de dispense à l’évêque de Québec[126]

Dans ce marché du commerce du bois où la colonie est entièrement dépendante des Britanniques, en 1820 une crise financière outre-mer survient en raison d’une surabondance des livraisons de bois des années précédentes.  La demande s’effondre donc pour le bois d’œuvre au pays.  Si certains marchands aux reins solides peuvent se permettre d’attendre la reprise, il en va tout autrement des petits propriétaires de moulin de la seigneurie qui se sont souvent endettés pour établir leur moulin[127].  Le minutier du notaire pour la période fait état d’un nombre considérable d’hypothèques que les petits producteurs de bois d’œuvre sont obligés de contracter pour rester à flot.  Pierre, cependant, s’en sort suffisamment bien pour s’engager de nouveau à livrer du bois au marchand Amable Bélair[128].  Ce dernier aura tellement prêté qu’il entrera sous peu dans une période trouble.  Lui qui possède deux moulins à scie et est à bail sur plusieurs autres de la région n’utilise pas que les services du moulin de Pierre, mais également ceux du moulin de son frère Louis au ruisseau des Frênes[129].  Ses affaires iront de mal en pis, car outre la quantité énorme d’argent qu’il a prêté, sa relation avec son épouse Anne Fraser commence à tourner au vinaigre. 

Pierre et sans doute son frère Dominique Romain dit Joseph, perdent un partenaire de la première heure du groupe d’actionnaires du moulin.  Dominique Lavoie décède le 4 juin 1822[130].  La veuve Lavoie, cousine Charlotte Desbiens, et deux des fils de cette dernière, Étienne (1800-1860) et Paul Lavoie (1803-1880) filleul de Julie Bouchard et futur coassocié de la Société des 21, poursuivront le partenariat.

La maison de Pierre et Julie se vide progressivement. À la fin janvier 1823, c’est au tour de leur fille Marie de se marier et de quitter le toit familial.  Les parents devaient désespérer de la voir se marier un jour.  Âgée de presque vingt-neuf ans, elle ne paraissait pas pressée de partir.  Le mari choisi est le veuf Pierre Boudreault, celui qui deviendra l’un des membres de la future Société des vingt-et un et qui avait été parrain au baptême de leur fille Julie en 1813[131].  Pierre a perdu sa première épouse, la petite-cousine Scholastique Gagné, deux ans plus tôt et il a cinq enfants dont le plus jeune a deux ans.  Ne reculant pas devant la tâche Marie qui seconde sa mère depuis le départ de Scholastique il y a cinq ans déjà donnera à Pierre Boudreault huit autres enfants.  À l’ouverture du Saguenay, le couple partira s’établir à l’endroit qui deviendra plus tard Saint-Fulgence.  Marie y décédera à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

En 1822 le curé Le Courtois, qui s’était affairé à embellir l’église au cours de ces quinze dernières années à la tête de la paroisse, demanda à l’évêque de lui donner une cure moins grande en raison de sa santé délicate.  On ne sait pas si ce n’est que son état de santé qui amena son départ; en revanche, on sait qu’à la fin de son séjour à Murray Bay, il se plaignait auprès de l’évêque des conditions lamentables du presbytère où il vivait et du peu d’ardeur de ses paroissiens à en financer les rénovations.  L’autoritaire évêque Joseph Plessis (1763-1825) ira même jusqu’à lui écrire que «le plus sûr moyen d’amener les paroissiens à bien loger le curé est de les priver de prêtre»[132].  Plus intéressé aux intrigues de palais de l’évêché[133], Plessis ne donna pas suite à ses menaces et le troisième curé qui n’arrivait pas de loin se présenta à Murray Bay moins de deux semaines après le départ de Le Courtois[134].  Ce nouveau curé connaissait plusieurs de ses nouveaux paroissiens et la famille de beaucoup d’entre eux.  Pierre Duguay (1786-1843) avait été d’abord curé à l’Isle aux Coudres de 1819 à 1822 où il utilisait la forme « Hervé » lorsqu’il inscrivait le patronyme de la famille dans ses registres.  Soudainement, son arrivée à Murray Bay l’amène à écrire notre patronyme sous la forme « Hervai »L’entourage très anglophone de la petite bourgeoisie du village et des seigneurs est peut-être un peu un facteur qui stimule la transition du patronyme décidé par le curé.  L’évêché avait imposé aux paroissiens un premier curé dont les origines étaient britanniques et un second, français celui-là, mais dont les sympathies allaient à la royauté.  Il devait avoir mis en garde le nouveau curé des susceptibilités bien écossaises dans la seigneurie.  Il s’agit peut-être simplement d’un problème de manque de constance du curé qui semble écrire au son et pas toujours de la même façon.  Au cours de sa cure à Murray Bay, il emploiera à l’occasion la forme « Harvé » pour revenir le plus souvent à celle de « Hervai ».

Bien que la nature de l’accord ne nous soit pas parvenue, on sait qu’en juin 1822, Pierre s’entend avec Michel Gagné (1790-1870), propriétaire du moulin sur la rivière Mailloux.  Michel Gagné est l’un des fils de la cousine Suzanne Desbiens, une famille avec qui Pierre fera de nombreuses affaires.  Il fut également parrain de Jean Hervey (1808-1880), un neveu de Pierre, fils de son frère Louis.  Parrain et filleul deviendront tous deux membres de la future Société des 21.  Gagné devait s’être facilement relevé de la chute du cours du bois d’œuvre deux ans plus tôt puisqu’en 1822 il multiplie les accords avec les marchands et propriétaires de moulin.  Cette année-là, le marchand Amable Bélair, qui a déjà entamé sa propre chute et qui normalement est preneur pour le bois d’œuvre de Gagné, loue le moulin de ce dernier.  Le navigateur-marchand Archibald McLean avec qui Gagné était normalement associé cesse ses affaires avec Gagné[135].  La transaction entre Pierre et Michel Gagné est négociée devant le nouveau notaire Gauvreau.  Charles Herménégilde Gauvreau (1787-1839), qui avait débuté sa pratique à La Prairie de la Madeleine sur la Rive-Sud de Montréal, s’est installé définitivement à Murray Bay[136].

Pendant que Pierre coupe le bois à son moulin, de l’autre côté de la rivière le seigneur multiplie les concessions, ce qui est de bon augure pour approvisionner son moulin en billots.  En trois jours, à la fin d’avril 1823, quinze concessions auront été accordées[137].

Bien que le régime seigneurial ait été quelque peu modifié depuis la conquête, il n’en demeure pas moins que les seigneurs devaient fournir un inventaire exhaustif des censives.  C’est ce qui se produit en 1823 dans la seigneurie de Murray Bay, alors que débute le «Procès-verbal du Terrier de la Seigneurie de Murray Bay».  Après la lecture de l’avis à l’église le dimanche 13, à compter du 16 juillet, chacun des propriétaires de la seigneurie devait se présenter devant le notaire Huot pour faire sa déclaration au terrier de Murray Bay.  Trois cent cinquante-six propriétaires terriens feront ainsi une déclaration dans une opération qui durera jusqu’à la fin novembre de l’année suivante[138].  «Pierre Hervay» n’attendra pas très longtemps; il s’exécutera le 21 juillet pour faire sa déclaration afin d’enregistrer toutes ses terres et son moulin[139].  La population de la seigneurie a considérablement augmenté depuis l’arrivée de Pierre il y a déjà quarante ans.  On se rappellera qu’alors ils n’étaient qu’un peu plus d’une trentaine répartie autour du manoir seigneurial, à la rivière Mailloux et quelques-uns vers la pointe au pic.  Une poignée seulement était établie au sud-ouest de la Rivière-Malbaie où Pierre avait obtenu sa première concession.  Aujourd’hui, les concessions se sont multipliées aux confins de la seigneurie, en amont de la rivière Murray dans le secteur qui deviendra Sainte-Agnès et vers les Éboulements.  

Pierre acquiert tout le bois qu’il peut et, de préférence celui situé le plus près possible de son moulin.  C’est ainsi qu’il fera descendre à nouveau un surplus de billots qui se trouve au moulin de son frère et dont il fait l’acquisition au début septembre[140].

De l’automne à tard au printemps Pierre et ses quatre fils en ont plein les bras avec le travail en forêt et à la scierie. Quand vient l’été cependant, lui qui n’a jamais été un grand agriculteur, laisse probablement l’opération de la ferme qui nourrit la famille entre les mains de ses plus jeunes.  À soixante-quatre ans, il est peu probable qu’il soit le «Pierre Hervé» qui, en 1823 et 1824, est sous-voyer des chemins et ponts pour La Malbaye.  En 1803, son frère Louis et son cousin David Hervé (1764-1836) avaient occupé ce poste, mais ils avaient respectivement quarante et un ans et trente-neuf ans[141].  Comme illustré au tableau ci-contre, ils sont six Pierre Hervé à demeurer dans la paroisse à l’époque. Comme il faut ses entrées à l’époque pour obtenir ce genre de fonctions, il est beaucoup plus probable que ce soit Pierre Lumina (1796-1858), fils de David a qui ont avait confié de telles responsabilités bien que rien ne permet aujourd’hui de l’affirmer avec certitude.  

Chez les Hervé, après l’arrivée en Nouvelle-France du migrant lettré Sébastien Hervet (1642-1714), seule la génération de ses enfants avait appris à lire et à écrire.  La génération de Pierre était illettrée.    Il y eut bien son oncle Dominique (1736-1812) qui, en 1767, avait échangé un bout de terrain avec un confrère navigateur à condition qu’il enseigne à lire et à écrire à ses enfants,[142] mais l’enseignement ne dura pas longtemps puisque le professeur décéda quatre ans plus tard sans aucun résultat probant puisqu’à l’évidence, les cousins de Pierre ne savaient pas écrire.  Au début de 1824, la situation est sur le point de changer à Murray Bay lorsque la seigneuresse fait don d’un lopin de terre près de l’église, à «l’institution royale pour l’avancement des sciences dans cette province».  Les membres du syndic embauchent alors Peter Leggatt (1790-post.1861) dès avril comme maître d’école[143].  Écossais presbytérien d’origine, Leggatt est instruit et parle anglais et français.  Comme nous le révèlent les documents de l’époque, l’instruction se donne en français et en anglais.  C’est donc ainsi qu’à Murray Bay, une première génération de Hervé deviendra des Harvey.  Pour le maître d’école Leggatt, le patronyme qu’il entendait de la bouche des nôtres devait être celui qu’il avait connu en Écosse et c’est ainsi qu’il devait s’écrire.  Le phénomène ne sera pas unique les marchands francophones de Murray Bay par exemple, dont les enfants iront à l’école bilingue, porteront pour plusieurs des prénoms anglophones tels que Johnny, Henry et William.  





Parlant de Leggatt, on se souviendra que le beau-frère Louis Boulianne, marié à Marie Jeanne, était maître des pêches de Port-au-Saumon depuis sept ans quand, en 1818, il avait sous-loué pour cinq ans ses droits de pêche à Peter Leggatt qui, bien qu’il ait été qualifié de pêcheur[144], embauchait des colons d’origines françaises pour ses pêches[145].  Leggatt avait donc suffisamment de temps libre pour enseigner.  Il quittera Murray Bay avant la fin de la décennie pour la seigneurie de Métis, alors dirigé par l’Écossais John MacNider (1760-1829).  Leggatt y sera nommé membre du premier conseil scolaire de la Church of Scotland de cette région et y fera construire la première école anglaise en 1831.  Tous étant déjà trop vieux, il n’y a évidemment aucun Hervé de la génération de Pierre qui bénéficieront de l’ouverture d’une école à Murray Bay, tout comme la plupart de ses enfants.  En revanche, plusieurs de ses petits-enfants apprendront à lire et écrire.  Comme l’école est à près de six kilomètres de chez Pierre, il faudra sans doute attendre l’ouverture de l’école du rang en 1831 pour que l’ensemble de sa progéniture bénéficie de l’instruction.  

George Hall prendra la relève de Leggatt comme maître d’école à Murray Bay.  Suivront entre autres Alexander McDonald, Patrick et Percival McHugh, Rodolphe Piuze, dont le père Liveright était polonais d’origine; ayant d’abord passé passer par l’Angleterre, il arriva à Philadelphie avant de prendre le chemin des loyalistes par la suite.  Si les hommes enseignaient aux garçons, c’était le plus souvent leurs femmes qui «faisaient la classe aux filles».  Dans les tout débuts, il y eut peu de maîtres d’école d’origine française, à part André Bouchard, Charles Pacaud, son épouse, son fils homonyme et Jules Saillant.  Avec cette prépondérance de maîtres d’école des îles britanniques, faut-il se surprendre de la rapide transformation du patronyme aux alentours de Murray Bay ?  En 1835, on comptera dans le comté six écoles où l’enseignement se fera en français et en anglais sur un total de vingt-deux; elles seront toutes situées dans les seigneuries de Murray Bay et Mount Murray[146].  

Un revers de fortune 

À la fin du printemps 1824, les ruisseaux se transforment en déluge.  Les pluies et une fonte des neiges tardive et rapide entraînent un gonflement inhabituel des cours d’eau.  Le moulin de Pierre, au sud-ouest de la Rivière-Malbaie, est emporté par les eaux et complètement détruit[147].  Deux autres moulins sont aussi emportés pendant cette saison particulièrement éprouvante pour les familles; celui de la rivière Jean-Noël et celui de la rivière Mailloux[148].  Cette dernière perte sera l’un des derniers clous dans le cercueil pour les affaires du marchand Amable Bélair, lequel cède à bail ses moulins à François Delagrave (1772-1841), venant de Québec et qui s’est ajouté, l’année précédente, aux négociants qui tentent leur chance dans le commerce du bois dans la paroisse.  Les affaires de Bélair sont au plus mal et il est sur le point d’être éconduit de la seigneurie aussi bien par son commerce que par sa femme Anne Fraser[149] qui vient de déposer une requête devant la Cour du Banc du roi pour une action en séparation de biens.  Dans cette affaire, certains témoins, dont le notaire Gauvreau et le neveu Thomas Erver (1795-1832) fils de Louis, viendront appuyer Anne Fraser en attestant que Bélair est continuellement ivre et incapable de conduire ses affaires[150].  On voit ici à nouveau les liens qui unissent les Hervé aux familles dirigeantes de la région.

 

Heureusement pour Pierre, le moulin de son frère Louis est épargné, ce qui lui permettra d’écouler à tout le moins les billots qui n’avaient pas encore été transformés en bois d’œuvre.  Toutes ces années d’investissements, annihilées en un coup d’eau.  On peut s’imaginer le découragement du père de famille.

 

Le 17 juillet, Louis Gauthier dit Larouche (1789-1857) et Mathias Tremblay (1800-1886) obtiennent de la seigneuresse, la veuve Nairne, Christiana Emery, la permission de construire ou de faire construire un moulin à scie «sur la décharge du Grand lac» (lac Nairne).  Un mois plus tard, le 9 août, le fils de Pierre, Chrisostome comme il signait (ou «Chrysostome» comme les notaires et curés l’écrivaient), rachète au nom de ce dernier les droits de construction.  Il est donc probable que ce soit Pierre, avec l’aide de ses fils, qui ai construit ce moulin[151].  La décharge du Grand lac est l’endroit où le filleul Thomas Erver (1795-1832) fils de Louis (1762-1842) deviendra propriétaire d’un moulin à compter de 1828.

 

On ne connaît pas encore les motifs qui amènent Pierre à acquérir une nouvelle terre le 21 juillet 1824.  Cette terre appartenait à son filleul Thomas Erver fils de son frère Louis[152].  À moins de trente ans, Thomas s’est déjà glissé dans la classe des marchands de Murray Bay.  Il deviendra aubergiste et possède un moulin à scie depuis plus de quatre ans ; malheureusement, les archives notariales ne donnent pas l’emplacement de ce moulin.  Il en possédera également un plus gros à la Décharge des lacs qui sera probablement le premier de la seigneurie à pouvoir produire du bardeau de cèdres.

 

Après son coup dur du printemps, Pierre n’aura de consolation que le mariage de sa fille Solange.  Le 30 août, il se présente devant le notaire Gauvreau pour remettre la dote d’usage et assister à la signature du contrat de mariage.  Après toutes ces années à engranger les profits de l’opération de ce moulin, ce ne sera pas son infortune du printemps qui l’empêchera d’assumer ses obligations financières de père[153]. Le lendemain, il conduit Solange à l’autel de l’église Saint-Étienne pour accorder sa main au petit-cousin Grégoire Lavoie (1800-1857)[154].  Les deux époux sont âgés de vingt-quatre ans.   Grégoire est le fils de feu Jean Marie Lavoie (1757-1814) et de feu Marie Desbiens (1764-1814).  Cette dernière est une fille de son oncle Jean Baptiste.  Dominique Lavoie, aussi marié à une Desbiens est le frère du beau-père de Solange, il fut d’ailleurs le parrain de cette dernière à son baptême.

 

Un acte du notaire Charles Herménégilde Gauvreau (1787-1839) du 17 février 1825 nous révèle que Pierre n’a pas baissé les bras après la perte de son moulin, cette journée-là, son fils Pierre et Étienne Lavoie, fils de feu son associé, obtiennent des autorités seigneuriales un nouveau «bail de place de moulin à scies moyennant cinquante piastres» de rente annuelle à la seigneuresse.  Cette dernière accorde le bail à « titre de loyer de ce jour et pour l’espace de dix années entières et consécutives » avec préférence de renouvellement.  De fait, le droit obtenu cette journée-là est de «rétablir un nouveau moulin au lieu que possédaient leurs pères sur la terre du dit Pierre Hervey».  Bien que la signature de la seigneuresse apparaisse au bas du contrat, le notaire nous informe que c’est Magdalen (Madie) Nairne (1790-1839), sa fille qui signe le bail.  Elle gère la seigneurie pour Christiana Emery, sa mère vieillissante qui fêtera ses quatre-vingt-deux ans sous peu.  L’acte du notaire nous rappelle que le premier moulin de Pierre fut « entièrement détruit par les fortes inondations des eaux en juin dernier»Si cela peut-être une indication de la fortune relative de Pierre en 1825, il n’aura pas fallu un an pour qu’il réunisse, dans son cercle familial, les associés nécessaires à l’opération d’un nouveau moulin.  On compte entre autres au nombre des associés : son fils Pierre, sa cousine Charlotte Desbiens veuve Lavoie, puis deux des fils de cette dernière, Étienne (1800-1860) et Paul Lavoie (1803-1880) [155].  Comme on l’a vu jusqu’à présent, Pierre est demeuré très près des enfants de son oncle Jean Baptiste Debien et particulièrement de sa cousine Charlotte; Étienne, qui est le parrain de Solange, a hérité de la terre du père où vit toujours sa mère et Paul est un filleul de Julie Bouchard.   

En 1825, les autorités coloniales du Bas-Canada réalisent un recensement au cours de l’été.  Il faut remonter en 1762 pour retrouver un dénombrement colonial et à l’époque on avait éclipsé la Mal Baye de l’exercice qui avait été vidée, lors de la conquête, des quelques individus que l’endroit comptait.  La situation a passablement changé depuis l’arrivée de Pierre dans la seigneurie.  Ses voisins sur la rivière Murray ne sont évidemment plus tous les mêmes, car dans le cas de plusieurs, les premiers arrivants sont disparus et les terres ont été subdivisées par ventes ou donations.  On y reconnaîtra, dans la liste suivante, plusieurs noms rencontrés dans l’histoire de Pierre jusqu’à présent[156].

En amont

En aval

Ils sont treize au total sous le toit de Pierre. Treize parmi près d’un demi-million de personnes qui vivent au Bas-Canada.  Le recensement est partiellement nominatif, ne comprenant que les noms des chefs de famille.  On peut tout de même découvrir que Pierre, l’aîné, n’a pas quitté la maison du père depuis son mariage il y a cinq ans.  Il y vit avec femme et enfants.  Chrisostome, Barthelemi, Roger et Julie complètent la maisonnée de Pierre et Julie.  Lors du passage de l’énumérateur du gouvernement colonial cet été-là, quinze censitaires du comté Northumberland sont descendants de Sébastien Hervé (1695-1759); ils habitent l’Isle aux Coudres, la seigneurie de Murray Bay et celle de Mount Murray.  Onze d’entre eux sont inscrits au recensement sous le patronyme Hervé.  Curieusement, quatre autres descendants, recensés par le même énumérateur, sont inscrits Arvais, comme si l’énumérateur les croyait d’une autre famille.  Ces Arvais, dont Pierre, habitent tous la seigneurie de Murray Bay et sont tous descendants de son père; il s’agit de ses frères Louis, Dominique Romain dit Joseph et de leur neveu Michel (1791-1841) qui ne fera qu’un bref passage à Murray Bayet sera de retour à l’Isle aux Coudres l’année suivante.  Il faut bien reconnaître que le statut social des trois frères les associe probablement déjà à la petite bourgeoisie naissante de Murray Bay, ce qui a pu induire l’énumérateur en erreur[157].  Ces quinze censitaires descendants de Sébastien Hervé, ont été baptisés avec le patronyme Hervé.

 

Nouveau coup dur pour Pierre! Le commerce du bois avait connu une crise en 1820.  Une autre, de moindre importance, se fait sentir en 1825.  Il y avait du bois d’œuvre à offrir dans les moulins, mais les marchands peinaient à l’écouler sur les marchés britanniques[158].  Les profits du moulin ne sont pas la hauteur des attentes de Pierre et de ses associés en cette première année d’opération du nouveau moulin.  Pierre peut s’offrir d’attendre des années profitables, mais il n’en est pas de même de tous ses associés.  C’est le cas d’Étienne Lavoie, son frère Paul et de leur mère Charlotte Desbiens.  Étienne, par exemple, a suffisamment de difficultés financières pour avoir été obligé à contracter une obligation auprès du marchand Hubert Cimon (1789-1859)[159].  Le 11 août il se voit aussi dans l’obligation de vendre les parts qu’il détenait dans le moulin de Pierre.  Étienne était le navigateur de l’association créée par Pierre en février[160].  La nouvelle génération remplace progressivement l’ancienne.  Comme pour cette transaction, Pierre fils remplacera le père dans plusieurs des nouvelles transactions impliquant leur commerce du bois.  Associé de plein droit, à vingt-six ans, il est plus en mesure que son père de fournir les efforts requis au moulin.  Ce père a maintenant quarante ans de plus que lui[161]

Pierre prépare le mariage de son fils Chrisostome en l’établissant comme voisin immédiat sur une des terres qu’il avait adjointes à la sienne pour agrandir cette dernière qu’il lui concède par donation le 28 juillet[162].  Comme on le sait, la terre de Pierre du Rang Sud-Ouest de la rivière Murray se situe au début des limites du Clermont d’aujourd’hui vers Sainte-Agnès.

 

À la fin novembre, c’est donc au tour du deuxième fils Chrisostome de se marier.  Après avoir signé son contrat de mariage devant une trâlée de témoins le 20 du mois[163], il s’unit le lendemain à Domithilde Tremblay (1809-1873).  Domithilde est le quatrième enfant parmi seize de François Tremblay (1778-1864), un résident de l’Isle aux Coudres.  Sa mère, feu Catherine McNicoll (1786-1818) était une voisine du rang sud-ouest de la rivière Murray.    La présence des parents des époux n’est pas confirmée au registre.  Il ne faut pas s’en surprendre, car le curé Duguay a inscrit les noms d’ami(e)s des époux plutôt que leurs parents comme lors de plusieurs mariages cette année-là.  Une nouvelle mode sans doute qui ne prendra pas racine, du moins pas au cours de ce siècle[164].  

Même si l’année 1825 avait été difficile, elle n’a pas affaibli l’ardeur de Pierre.  En janvier 1827, il s’engage à livrer du bois d’œuvre à Louis Bélair (1771-post.1830), marchand de Baie-Saint-Paul et frère d’Amable qui s’est cassé les dents dans le commerce du bois.  Louis Bélair vient tout juste de débuter dans le commerce du bois à Murray Bay.  Depuis 1825, il utilise le moulin de la rivière à la Loutre que son frère possédait avec William Fraser dans la seigneurie voisine, celle de Mount Murray et est peut-être déjà propriétaire du moulin de la concession Saint-Pierre à Murray Bay[165]

 

Le fils Barthelemi se marie un peu après le Jour de l’An 1828.  Le 8 janvier, il s’unit à Marie Turcotte (1808-1885), native de l’Isle aux Coudres et dont les parents se sont établis à Murray Bay depuis peu[166]. Cinq jours auparavant, Barthelemi s’était présenté devant le notaire avec sa promise pour signer son contrat de mariage[167].  Il partira s’établir comme cultivateur sur l’une des terres enclavées dans une pointe formant l’extrémité ouest de la 2e concession du Petit Lac dans la seigneurie de Murray Bay dans un secteur qui deviendra Sainte-Agnès dans deux ans.  Lui et Marie auront treize enfants.   

L’aîné, Pierre, a définitivement pris la relève de son père dans les affaires.  Il multipliera les ventes, acquisitions de terres et emprunts[168].

On ne connaît pas le sort du deuxième moulin de Pierre.  Les minutiers des notaires n’ont rien révélé à son sujet après 1827.  L’histoire non plus n’a rien retenu de ce deuxième moulin parmi la quarantaine ayant existé dans les deux seigneuries voisines.  Il faut dire que le Bas-Canada avait vécu deux crises du bois d’œuvre coup sur coup, celle de 1825 et une seconde en 1827.  Bien qu’elles aient été de moindre nature que cel
le de 1820, Pierre et ses associés ne se sont peut-être pas relevés de cette période et ont choisi d’abandonner le commerce du bois.  Étant donné que la veuve Nairne, contrairement à son mari, ne s’est jamais servi de son droit de seigneur pour détourner les rivières et racheter jusqu’à six arpents carrés pour se bâtir un moulin, il n’y a aucune chance que ce soit le motif pour lequel ce deuxième moulin de Pierre est tombé dans l’oubli.  Il est aussi possible que son moulin ait été transporté sur le lot d’un parent, le neveu Thomas par exemple, qui commence à en opérer un nouveau à la Décharge des lacs en 1828.  Celui de la rivière à la Loutre avait été transporté à Port-au-Persil par Thomas Simard (1796-1862), comme le seront plusieurs moulins au Saguenay dans une vingtaine d’années.  À près de soixante-dix ans, Pierre pouvait sans doute s’offrir le luxe de quitter les durs labeurs de l’industrie forestière et retourner à sa terre. 

Le commerce fluctuant du bois en emporta plus d’un.  Certains négociants accumulaient beaucoup d’argent rapidement, mais bien d’autres multipliaient les revers de fortune et disparaissaient de la région.  Comme on l’a vu, Amable Bélair en fut un.  Il y eut également Isaac Guay (1788-1828), le beau-frère d’Elisabeth, fille de Pierre, dont les affaires périclitaient depuis 1825.  On retrouvera d’ailleurs le corps de ce dernier à Québec «found dead and exposed on the beach of of the river Saint Laurence having no marks of violence» le 28 octobre 1828.  Le coroner ne put déterminer la raison du décès et permit au curé Duguay d’inhumer ce dernier dans le cimetière de la paroisse, chose qu’il n’aurait pu faire s’il avait conclu à un suicide comme ce fut le cas lors du décès de l’épouse du petit-cousin Pierre Lumina Hervé (1796-1858) qui ne fut jamais inhumé en terre dite «chrétienne»[169].

Une vie paisible sur sa terre

Maintenant que les enfants sont grands et qu’ils ont tous quitté la terre familiale, à l’exception de l’aîné qui y vit toujours avec sa femme et ses cinq enfants, Pierre, dégagé des responsabilités du moulin, peut envisager de se départir de quelques acres puisqu’il n’a plus autant de bouche à nourrir ni de bois à couper. C’est ce qu’il fait en mars 1829 alors qu’il se départit de l’une de ses terres au profit de Jean Barette (1802-1892) qui pendant des années tentera de s’établir comme producteur de bois[170].  Barrette ne réussira qu’en février 1837; le seigneur d’alors, John McNicoll Nairne[171], lui accordera un «bail de place de moulin» située à près de cinq kilomètres plus haut que la chute du côté sud-ouest de la rivière[172]

 

Lorsque Pierre s’est marié à Julie Bouchard en 1790, ils étaient trois milles à habiter la région, principalement à Petite-Rivière, à Baie-Saint-Paul, aux Éboulements et à l’Isle aux Coudres.  Les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray avec un peu plus de deux cents habitants ne faisaient qu’entamer leurs expansions.  Aujourd’hui, quarante ans plus tard, la population de la région dépasse les huit mille habitants. Murray Bay a connu une croissance énorme et Mount Murray également; ils sont environ deux mille huit cents à y vivre.  L’occupation de la vallée de la rivière Murray où Pierre s’est établi n’en finit plus de repousser ses limites.   À compter des années 1830, ce sera l’arrière-pays de Murray Bay qui fera l’objet d’une colonisation plus intensive.  Il en sera également ainsi du peuplement au nord-est de la rivière Murray où il s’est largement se poursuivit vers ce qui deviendra Saint-Fidèle et Saint-Siméon[173]

 

Le 6 février 1830, Pierre perd un autre de ses frères, Dominique Romain Hervé, celui que l’on prénommait Joseph et qui est veuf depuis deux ans, s’éteint à l’âge de soixante-deux ans[174].  Joseph est le père d’André (1804-1893) et de Pierre (1807-1872) qui sont déjà d’importants marchands et qui s’imposeront dans la vie économique des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray, comme dans l’ouverture du royaume du Saguenay.  Un an plus tard, c’est au tour d’André de partir.  Il meurt sur son île à l’âge de soixante-six ans le 15 février 1831.  André était le seul des frères de Pierre à être demeuré à l’Isle aux Coudres.  Sans attrait pour le commerce et l’aventure comme ses frères, il avait pris la relève du père comme cultivateur sur sa terre.  Pierre, comme le reste de la fratrie établit à Murray Bay n’apprendra le décès que plus tard[175].  L’année n’est pas terminée lorsqu’à soixante-cinq ans décède sa sœur Marie Jeanne le 4 octobre[176].

 

En 1831 on ouvre enfin une petite école dans le rang au sud-ouest de la rivière Murray.  C’est André Bouchard (1805-post.1855), neveu de Julie Bouchard, par son frère cadet Henri (1777-1841), que l’on choisit comme maître d’école.  Il est possible que ces Bouchard aient tous su lire et écrire, car à l’époque, c’était le cas de Geneviève Desgagnés, la mère de Julie Bouchard, comme de tous les Desgagnés à l’Isle aux Coudres de l’époque[177].  D’ailleurs, ce fut l’un d’eux qui avait été le premier instituteur sur l’île.  Comme les femmes de l’époque occupaient bien peu de places dans l’espace public, on ne retrouve pas de signature de Julie qui pourrait attester de cette hypothèse et les quelques fois où elle aurait pu signer, elle avait peut-être choisi de ne pas le faire pour ne pas porter ombrage à son époux illettré.  Son fils Chrisostome qui n’était plus en âge d’aller à l’école lors de son ouverture en 1824 avait pourtant appris à écrire.  Se pourrait-il que sa mère eût été son institutrice

Pierre à environ soixante-seize ans lorsqu’il voit son cadet Roger s’unir à Zoë Bergeron (1817-1898) le 24 février 1835[178].  Feu Michel David Bergeron (1767-1820), père de Zoé et natif de l’île, était un jeune voisin immédiat de la famille de Pierre quand ce dernier était enfant.  Roger a vingt-six ans et son épouse dix-sept.  Pour une raison qu’on ne connaît pas, Pierre n’assiste pas à la cérémonie.  Le jeune couple s’établit à Sainte-Agnès où il engendrera douze enfants.  Après avoir perdu sa femme en 1898, Roger partira vivre chez l’un de ses enfants à Grande Baie au Saguenay où il décédera deux ans plus tard.  Michel Harvay (1846-1938), l’un de ses fils sera parmi les fondateurs de Mistouk (Saint-Cœur-de-Marie).

 

En 1837, Pierre voit se constituer la Société des Pinières du Saguenay (Société des 21) qui, soutenue par la famille Price, a pour but affiché la colonisation du Saguenay, mais qui dans les faits, s’intéresse davantage à l’abattage des grands pins[179].  Néanmoins, la société et ses acteurs favoriseront la venue d’un grand nombre de jeunes gens de la paroisse Saint-Étienne vers le Saguenay, tout comme Murray Bay avait été un centre d’attraction des gens de l’Isle aux Coudres cinquante ans plus tôt.  Plusieurs parents de Pierre sont impliqués dans la constitution de la société.  Parmi les vingt et un sociétaires principaux, on en retrouve douze.  

 

Cette nouvelle Société des 21 attirera donc au Saguenay plusieurs enfants de Murray Bay au Saguenay.  Pierre verra ainsi partir sa fille Marie et son gendre pour défricher un coin de pays qui deviendra Saint-Fulgence.

 

Après avoir vécu cinquante ans avec Pierre, Julie Bouchard n’ira pas plus loin.  Son chemin s’arrête le 28 septembre 1840.  Elle avait soixante-huit ans.  Pierre, qui a maintenant plus de quatre-vingts ans, ne se remariera pas.  Julie Bouchard ne verra pas naître, en 1841 le premier couple de jumeaux de sa descendance, François et Marie Josephte Harvey enfants de son aîné Pierre[180].

 

Si la dernière décennie avait été un fleuve tranquille pour Pierre, les deux prochaines seront faites de longs silences.  Pierre passera le plus clair de ces années à regarder ses terres revivent chaque printemps entre les mains de son fils aîné. 

Si les registres et minutiers des notaires de Murray Bay ne mentionnent plus le nom de Pierre depuis longtemps, c’est qu’il est probablement malade et incapable de se mouvoir.  Comme pour le mariage de Roger en 1835, le 7 septembre 1841, il est absent lorsque sa cadette Julie épouse Augustin Brassard, un cultivateur de Sainte-Agnès.  C’est son frère « Chrisostome» qui sert de père[181].  La vieille fille de vingt-huit ans qui avait veillé sur ses parents jusqu’au décès de sa mère donnera la vie à dix enfants.  Comme la maison d’Augustin Brassard est située à mi-chemin entre les églises de Sainte-Agnès et celle Saint-Étienne, les enfants du couple seront baptisés dans l’une ou l’autre de ces paroisses, en tenant compte du lieu de résidences des parrains et marraines[182]

 

Pierre perd son partenaire d’aventure quand s’éteint son frère Louis le 9 janvier 1842 ; ce dernier était âgé de près de quatre-vingts ans[183].  Les deux frères étaient venus s’installer le long de la rivière Murray il a déjà de cela cinquante-huit ans.   Maintenant, les terres de la seigneurie de Murray Bay ont presque toutes trouvé preneurs.  Seules quelques-unes, difficilement accessibles, sont toujours disponibles.  L’arrière-pays s’est rempli et les jeunes lorgnent de plus en plus les terres du Saguenay. 

À Sainte-Agnès l’année suivante s’éteint sa fille Angelle.  Veuve depuis six mois, elle n’aura sans doute pas supporté la solitude[184].

Pierre perd un sixième enfant lorsque celle que l’on surnommait souvent «Soulange» décède le 14 novembre 1851[185].  Lorsque Solange avait épousé Grégoire Lavoie vingt-sept ans plus tôt, le couple s’était établi aux confins de la seigneurie de Murray Bay dans le secteur qui allait devenir Sainte-Agnès.  Elle y avait donné naissance à six enfants. 

Le 24 novembre 1853, Pierre, l’aîné de ses fils, décède « accidentellement» sous les yeux de son frère Chrisostome[186].  Le patriarche voyait ainsi partir celui à qui il avait tout donné dans la résidence duquel il finissait tranquillement sa vie.   La veuve Marie Anne Villeneuve continuera de veiller sur Pierre qui allait survivre encore quatre ans.

 

«Pierre Harvay» s’éteindra le 10 novembre 1857.   Dans son registre, le curé de la paroisse Saint-Étienne déclare qu’il était «âgé de cent ans et un mois environ».  Le registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, auquel le curé de La Malbaie n’avait pas accès au décès de Pierre ne confirme pas cette affirmation. Nous connaissons aujourd’hui les circonstances entourant la naissance de Pierre.  Tout de même, vivre plus de quatre-vingt-dix-huit ans était déjà un exploit pour l’époque[187]

Sa descendance

Pierre laisse derrière lui une nombreuse descendance.  À son décès, il comptait déjà plus de cent petits-enfants que lui avaient donnés ses dix enfants.  De ses enfants, seuls Elisabeth, Marie, Scholastique, Chrisostome, Barthelemi, Roger et Julie lui ont survécu.

Pierre avait été parmi les acteurs de la colonisation de Murray Bay et on retrouvera parmi sa descendance de nombreux acteurs de la vie économique, municipale et paroissiale du Saguenay et du lac Saint-Jean; certains d’entre eux furent parmi les premiers colons de Saint-Fulgence de l’Anse aux Foins, de Saint-Coeur-de-Marie (Mistouk), d’Alma et de Mistassini.  Par exemple, ses petits-petits-fils Ubalde (1823-1882) et Protes (1825-1897), fils de son aîné Pierre, étaient déjà propriétaires de lots dans le rang 1 de Jonquière dès 1848 et occupaient ces terres en 1851[188]. Bien qu’Ubalde émigra aux États-Unis, les deux frères furent des précurseurs dans les débuts de la colonisation de Jonquière[189]. Dans sa descendance on trouve aussi de nombreux commerçants et hommes politiques du Saguenay et du lac Saint-Jean.

 

Pierre a une descendance qui remonte à nos jours.  Ayant vécu quatre-vingt-dix-huit ans, Pierre semble avoir transmis ces gènes de longévité à au moins trois Harvey centenaires : Albert Harvay, né en 1904 à Alma et décédé en 2006, ce fils d’hôtelier toucha au domaine de la forêt tout comme Pierre, il fut draveur ; Laurette Harvey, née en 1906, fille de menuisier d’Hébertville à La Tuque morte en 2006; et finalement Jeanne Harvey, fille d’un marchand et d’une institutrice, née en 1914 à Alma et décédée dans cette même ville cent ans plus tard.

On connaît aussi, parmi ses descendants deux québécois illustres du XXe siècle : Pauline Harvey (1950), poète et romancière québécoise ainsi que Léopold Harvey (1924-1996), admis au Temple de la renommée de l’agriculture du Québec.

Pierre Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

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[1] TREMBLAY, Jean-Paul-Médéric. Tout un été de guerre. Baie-Saint-Paul, Société d’histoire de Charlevoix, 1986. 116 pages.

[2] Les insulaires de l’époque auraient appelé le lieu Mouillage des Français en raison du fait que les navires français s’y ancraient.  Les Français pour leur part désignaient l’endroit sous l’appellation de Mouillage de la Prairie en raison de l’existence d’une prairie au haut de l’escarpement vis-à-vis du dit mouillage.

[3] Certaines sources non vérifiables le prénomment Louis Pierre, mais les registres de son mariage, de sa sépulture ainsi
que des baptêmes et mariages de ses enfants mentionnent le prénom de Pierre uniquement.  On ne retrouve aucun document supportant le prénom composé de Louis Pierre.  Comme tous les missionnaires de l’époque écrivaient le patronyme Hervé, c’est ainsi que Pierre, fils sera nommé dans ces textes.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de La Malbaie, 13 novembre 1857.  Le curé déclare au registre de sépulture que Pierre était «âgé de cent ans et un mois environ».  Le Registre de Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres ne supporte pas cette affirmation.  C’est plutôt sa sœur, Marie Madeleine, premier enfant du couple qui est né le 27 août 1757.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres pour l’année 1759.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 17 avril 1762.

[7] Ibid., 21 mars 1775.  Baptême de Jean Hervé.

[8] DOUGHTY, Arthur George.  Rapport concernant les Travaux des Archives publiques pour les années 1914 et 1915. Ottawa, J. de L. Taché, Imprimeur du roi, 1917, page 134.

[9] A.N.Q., GN. Minutier Jean Claude Panet, 3 juillet 1773.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 9 février 1784.

[11] VILLENEUVE, Lynda.  Paysage, mythe et territorialité : Charlevoix au XIXe siècle : pour une nouvelle approche du paysage. Sainte-Foy, Presses Université Laval, 1999, page 55.

[12] DES GAGNIERS, Jean. Charlevoix, pays enchanté. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1994, page 44.

[13] PELLETIER, Louis. La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, pages 46-47.

[14] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801-1820).

[15] BAnQ., Greffe de l’arpenteur Ignace Plamondon père, 19 juin au 8 juillet 1784.  Procès-verbal de chaînage, lignes et bornes de huit terres situées à l’ouest de la rivière de La Malbaie, dans la seigneurie de Murray Bay.  Bien que la description de ces terres est aussi faite à la section relative à la vie de Louis, le frère de Pierre, il apparaît important de la répéter ici pour une meilleure compréhension de l’environnement dans lequel ce dernier évoluera.

[16] Tentative de conquête du Québec, colonie britannique depuis 1663, par l’armée continentale américaine en 1775-1776.

[17] Malcom Fraser prit possession de la seigneurie de Mount Murray en 1762, il quitta les lieux en 1765 pour partir habiter le Beaumont sur la Rive-Sud de Québec chez sa maîtresse Marie Allaire (1739-1822).

[18] MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815.  Québec, les éditions Septentrion, 2006, page 140.

[19] Musée de Charlevoix, P4, Fonds famille Desmeules.

[20] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 31 janvier 1786.

[21] PELLETIER, Louis. La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 79.

[22] MASSÉ, Jean-Claude. Malcom Fraser : De soldat écossais à seigneur canadien 1733-1815.  Québec, les éditions Septentrion, 2006, page 155.

[23] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 17 novembre 1787.

[24] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801 à 1820).

[25] Voir, au sujet de ce curé, la légende gravée sur le monument du père Labrosse au bout du Chemin de L’Islet à L’Isle-aux-Coudres ou le chapitre que lui consacre : MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, page 60.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 19 avril 1782.  Baptême de Marie Elizabeth Nairne.

[27] PORTER, John R., Jacqueline. «Aide-Créquy, Jean Antoine». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1980, 15 volumes, volume IV (Décès de 1771-1800).

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 20 et 21 janvier 1778.  Baptême de Jean Baptiste Nairne le 21.  La veille de curé de Baie-Saint-Paul desservant Murray Bay avait baptisé Magdeleine pour qui il n’avait pas hésité un instant à inscrit l’étiquette de «née de parents inconnus».  

[29] JANSON, Gilles. «Compain, Pierre-Joseph». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801-1820), page 222.

[30] PELLETIER, Louis, op.cit., page, pages 54, 58-59, 74 et 122.

[31] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 novembre 1788.

[32] WRONG, George M., A Canadian manor and its seigneurs. Toronto, The MacMillan Company of Canada, 1908, pages 54 et 55.

[33] BAnQ., CA301, Fonds Cour supérieure. District judiciaire de Québec. Greffes d’arpenteurs (Québec), S43 Ignace Plamondon, père, minutes No 678Plan de l’Isle aux coudres et procès-verbal et plan de chaînage et d’alignement des terres d’Étienne Desbiens fils, Jean Desbiens, Claude Bouchard et Al. Ordres du Séminaire, 26 et 27 août 1771.

[34] A.S.Q., SME, 16-8-1771.

[35] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 5 novembre 1787.

[36] Ibid.

[37]  BAnQ., Registre de la paroisse de l’Isle aux Coudres de 1785 à 1875.

[38]  BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 26 avril 1790.

[39]  BAnQ., Rapport de Hugh Finlay, 16 juillet 1791.  Demande de terres, bobine 4M00-8688A.

[40] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 novembre 1791.

[41] Ibid., 5 novembre 1792.  Mariage de Marie Desbiens et Jean Marie Lavoie.

[42] Ibid., 6 août 1792.

[43] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 14 août 1792.

[44] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 3 mars 1793.

[45] Ibid., 14 décembre 1794.

[46] Ibid., 29 juin 1795.  Baptême de Jean Thomas Erver.

[47] Ibid., 2 septembre 1798.

[48] Ibid., 10 septembre 1797.

[49] Étienne Bilodeau épousera Félicité Brassard deux ans plus tard.

[50] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 10 janvier 1799.  L’orthographe du patronyme de la famille de la marraine variera avec le temps de Gagnier à Gagné.

[51] Ibid., 31 janvier 1799.

[52] Ibid., 17 avril 1799.

[53] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 2 août 1799.

[54] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 10 mars et 4 juillet 1799. 

[55] Ibid., 28 juin 1800.

[56] Archives de l’archevêché de Québec, lettres VI, 1804-1852, 13 septembre 1804.  Lettre de monseigneur Joseph Plessis à l’évêque de Québec. Et : PELLETIER, Louis, op.cit., pages 76 à 79.

[57] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 mars 1802.

[58] Ibid., 21 octobre 1803.

[59] Ibid., du 1er janvier au 7 décembre 1802.

[60] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Dominique de Jonquière, 27 juillet 1886.

[61] BAnQ., Famille Fraser, lettre de Malcom Fraser du 21 mai 1811.

[62] A.N.Q., GN. Minutier François Sasseville, no 751, 8 juin 1802.

[63] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801 à 1820).

[64] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 octobre 1803.

[65] ROY, Jacqueline, op.cit.

[66] A.N.Q., GN. Minutier François Sasseville, no 1053, 8 octobre 1803.

[67] Ibid., no 1172, 18 mai 1804.

[68] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825.  Cet acte permettant la reconstruction d’un moulin mentionne que le moulin possédé par Pierre Hervey et Dominique Lavoie fut détruit par une inondation printanière.

[69] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 novembre 1804.

[70]BABIN, Basile J. «Le Courtois, François-Gabriel». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).  Babin affirme que c’est en 1806 que l’évêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, confia à Le Courtois la cure de Saint-Étienne et que ce dernier entra en fonction le 10 janvier 1807.  L’auteur fait erreur, Le Courtois était déjà sur place le 23 octobre 1806 alors qu’il administre le sacrement de baptême à dix enfants.  Il avance également que Le Courtois fut le premier prêtre résidant dans cette paroisse alors que c’est l’abbé Benjamin Keller qui le fut.

[71] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 288, 8 juillet 1807.

[72] PELLETIER, Louis, op.cit., page 95.

[73] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 décembre 1807.

[74] Ibid., 15 novembre 1808.

[75] A.N.Q., GN. Minutier Barthélémy Faribault fils, 4 août 1798.

[76] PELLETIER, Louis, op.cit., page 76.

[77] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 4 février 1809.

[78] Ibid., 19 septembre 1809.

[79] Ibid., 27 avril 1810 et 13 août 1811.

[80] Ibid., 1 décembre 1810.

[81]  BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France de l’Isle aux Coudres, 27 mai 1811.

[82] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 février 1811.

[83] Ibid., 19 février 1811.

[84] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1035, 10 mars 1811.

[85] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Lévesque, no 1088, 24 juin 1811.

[86] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 29 octobre 1811.

[87] A.N.Q., GN. Minutier Isidore Levesque, no 1331, 24 février 1812.  Vente à Joseph Audet dit Lapointe.

[88] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 9 mai au 26 juillet 1812.

[89] Ibid., 15 juin 1813.

[90] Ibid., 26 juin 1813.

[91] LALANCETTE, Mario. «Les ''assemblées révolutionnaires" de La Malbaie», Revue d’histoire de Charlevoix, Nos 76-77, 2014, pages 10-22.

[92] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 5 octobre 1813.

[93] Ibid., 5 octobre 1813.

[94] Ibid., 8 février 1814.

[95] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 28 décembre 1815.

[96] Ibid. 28 décembre 1815. Échange de terre entre Pierre Hervey et Magloire Gagnon.

[97] TALBOT, Éloi-Gérard, B.A., B.P., mariste. Inventaire des contrats de mariage au greffe de Charlevoix accompagné de documents précieux se rapportant à l’histoire de Charlevoix et du Saguenay. Chicoutimi, Édition de la Société historique du Saguenay, 1943, page 224.

[98] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 29 décembre 1815. Quittances de Benoît Guay et Joseph Boily.  Le minutier du notaire mentionne Pierre Boily et nom Joseph Boily.  Comme il n’existe alors aucun Pierre Boily dans la région à l’époque, j’ai présumé qu’il s’agissait du second gendre de Pierre.

[99] ETHNOTECH. CLAVEAU Pierre et Yves LAFRAMBOISE.  L’exploitation forestière destinée au commerce du bois à Québec au 19 e siècle, 1983, Parcs Canada, page 8.

[100] Pelletier, op.cit., page 98.

[101] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 5 octobre 1819.

[102] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825.

[103] Pelletier, op.cit., page 97.

[104] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 mai 1816.

[105] Ibid., 31 janvier 1817.

[106] Ibid., 2 août 1817.  Baptême de Joseph Verreau.  Le curé inscrit comme patronyme de la conjointe «nibask». Il n’est pas certain qu’elle eut été l’une des deux conjointes connues de Prisque Verreau.

[107] ANICK, Norman.  The fur trade in eastern Canada until 1870.  National Historic Parks and sites Branch.  Parks Canada, Department of Indian and Northern affairs, Manuscript Report number 207, volume II, 1976, 275 pages.

[108] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 11 septembre 1817.

[109] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 11 novembre 1817.

[110] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 10 novembre 1817.

[111] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 3 décembre 1817.  Baptême de François Gagnon.  Il n’y a aucun doute sur l’identité de Pierre puisque le curé mentionne «Pierre fils» lorsque c’est le cas.  Il ne l’a pas fait dans ce cas-ci.

[112] Ibid., 3 juillet 1818.

[113] Ibid., 3 juillet 1818.

[114] Pelletier, op.cit., pages 114-119.

[115] Pelletier, op.cit., page 99.

[116] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 3 décembre 1818. L’endroit exact où se situait le moulin de son frère Louis ne nous est pas connu.  La première mention de ce moulin dans un acte notarié date de 1821.  Il pourrait aussi s’agir d’un moulin en association avec son fils Thomas, car ce dernier a possédé un moulin à compter de 1821 pour lequel les auteurs et les actes notariés n’ont pu préciser sa situation.  Si cela s’avérait, il faudrait croire que le moulin de Pierre (1818) était en service avant celui de Louis et que ce dernier était sans doute d’abord associé dans celui de Pierre.   

[117] Pelletier, op.cit., page 106.

[118] Ibid., page 107.

[119] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 23 novembre 1818.

[120] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 29 octobre 1819.

[121] Ibid., 19 octobre 1819.

[122] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 13 septembre 1817.

[123] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 20 janvier 1820.

[124] Ibid., 21 novembre 1820.

[125] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 21 novembre 1820.

[126] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 août 1821.

[127] Ouellet, Fernand.  Histoire économique et sociale du Québec 1760-1850, structures et conjoncture.  Montréal, Fides, 1966, page 390.

[128] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 9 avril 1821.

[129] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1203, 21 avril 1823.

[130] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 juin 1822.

[131]  Ibid., 28 janvier 1823.

[132] A.A.Q. 7 septembre 1822. Lettre de Mgr Plessis au curé Le Courtois.

[133] LAMBERT. James H. «Plessis, Joseph Octave». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835).

[134] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 octobre — 5 novembre 1822.

[135] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 63, 8 juin 1822. Et : Pelletier, op.cit., page 99.

[136] TALBOT, Éloi-Gérard, op.cit., page 12.

[137] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, nos 1214-1228, 29-30 avril et 1er mai 1823.

[138] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, nos 1248-1814, 16 juillet 1823 au 25 novembre 1824.

[139] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1274, 21 juillet 1823.

[140] A.N.Q., GN. Minutier Charles Pierre Huot, no 1340, 5 septembre 1823.

[141] BAnQ., Registre 15 : Registres de la Voirie du District de Québec, Chevalier Robert d’Estimauville, député Grand-Voyer et Jean-Baptiste d’Estimauville Grand-Voyer du district de Québec (1er janvier 1817 au 31 décembre 1824), f. 263-268.    Liste des inspecteurs et sous-voyers des chemins et ponts pour les années 1823 et 1824.

[142] A.N.Q., GN. Minutier Crespin fils, 24 février 1767. Cession par Dominique Hervé à Pierre Gilbert.  On ne trouve aucune signature des cousins ou cousines de Pierre au cours de leur vie.  Il faut dire que pour ce qui est des cousines, la pratique de laisser les femmes signés les registres attendra encore plusieurs décennies.

[143] Pelletier, op.cit., pages 123-125.

[144] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 7 mai 1818.

[145] A.N.Q., GN. Minutier Charles Chiniquy, 4 mai 1818 et 4 avril 1820 cité dans Pelletier, page 122.

[146] Rapport au parlement de 1835-1836 par le député André Cimon (1776-1853) du comté de Saguenay.

[147] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825.

[148] Pelletier, op.cit., page 97.

[149] Pelletier, op.cit., page 111.

[150] BAnQ., Cour du Banc du Roi du district de Québec, TL18, S2, SS1, 1960-01-353-453, dossier 585 de l’année 1824, requête d’Anne Fraser, demanderesse, à l’encontre d’Amable Bélair, son époux, défendeur.

[151] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 311, 21 juillet 1824.  Dans les documents notariés rédigés par Gauvreau à l’époque, on note les appellations la Décharge du Grand lac et la Décharge des lacs.  Ici il utilise la première des deux expressions.  Il existe déjà un moulin depuis 1815 à la Décharge du Grand lac, celui d’Antoine Guay que ce dernier vendra à Michel Gagné en 1828.  Il faut probablement comprendre ici que la seigneuresse autorise la construction d’un deuxième moulin dans les environs du premier.  L’auteur Louis Pelletier dans «La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860, page 95» parle du moulin à scie de Louis Gauthier à la Décharge des lacs à compter de 1824.  La Décharge des lacs, bien qu’à proximité, est un endroit différent.  La similitude des dates amène à la prudence quant à la détermination de l’endroit du moulin de Gauthier et de celui pour lequel il concède à Pierre Hervé ses droits de construction.  S’il s’avérait que la construction s’est faite comme prescrite à la décharge du Grand lac, rappelons que le neveu Thomas Erver (1795-1832) fils de Louis (1762-1842) deviendra propriétaire d’un moulin à compter de 1828 à ce même endroit.

[152] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 313, 21 juillet 1824.

[153] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, nos 327 et 328, 30 août 1824.

[154] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 31 août 1824.

[155] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 34, 17 février 1825. Cet acte permettant la reconstruction d’un moulin mentionne que le moulin possédé par Pierre Hervey et feu Dominique Lavoie fut détruit par une inondation printanière.

[156] L’orthographe originale a été préservée. 

[157] B.A.C., G., Recensement de 1825, district du Northumberland, sous-district Malbaie.  Le recensement du Bas-Canada de 1825 a eu lieu entre le 20 juin et le 20 septembre 1825.

[158] Pelletier, op.cit., page 97.

[159] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 106, 8 août 1825.

[160] Pelletier, op.cit., page 237.

[161] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 111, 11 août 1825.

[162] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 105, 28 juillet 1826.

[163] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 224, 20 novembre 1826.

[164] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 21 novembre 1826.

[165] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 11, 23 janvier 1827.

[166] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 janvier 1828.

[167] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 2, 3 janvier 1828.

[168] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, nos 73, 74 et 103, 1828. Années 1830 (1)-34 (1)-35 (4)-42 (4)-45 (2).

[169] BAnQ., Enquête du coroner Panet, 29 octobre 1828.  Et : BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2 novembre 1828.

[170] A.N.Q., GN. Minutier Thomas Louis Duberger, no 100, 30 mars 1829.

[171] Né en 1808 ou en 1809 à Murray Bay, John McNicoll Nairne était le fils de Magdalen (Madie) Nairne (1767-1839) et de Peter McNicoll (1776-1834), et le petit-fils du colonel John Nairne, le premier seigneur de Murray Bay. Il était l’héritier de la seigneurie, qui a toutefois appartenu à sa mère jusqu’à la mort de celle-ci. En 1834, à la mort de son père, Peter McNicoll, John est devenu seigneur. Puisqu’il semblait souhaitable que le nom du premier seigneur se perpétue, en 1834, par brevet royal, John McNicoll a adopté le nom et les armoiries des Nairne.

[172] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 37, 2 février 1837.  C’est ce même Jean Barrette qui épousera Madeleine Bouchard (1800-1871), la veuve de Thomas (1795-1832) fils de Louis en 1834.

[173] PERRON, Normand et Serge GAUTHIER.  Histoire de Charlevoix.  Québec, les Presses de l’Université Laval, 2000, page 118.

[174] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 8 février 1830.

[175] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis de l’Isle aux Coudres, 16 février 1831.

[176] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 6 octobre 1831.

[177] MAILLOUX, A. Histoire de l’Ile-aux-Coudres., op. cit., page 70.  Et BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 avril 1835. Et CASGRAIN, Henri Raymond. Opuscules, op.cit., page 161.

[178] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 février 1835.

[179] GAUTHIER, Serge et Norman PERRON.  Charlevoix, histoire en bref.  Québec, les Éditions de l’IQRC, 2002, page 78.

[180] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 janvier 1841.

[181] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 7 septembre 1841.

[182] BAnQ., Registre des paroisses Sainte-Agnès et Saint-Étienne de la Malbaie, 1842-1857.

[183] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 12 janvier 1842.

[184] BAnQ., Registre des paroisses Sainte-Agnès, 3 juillet 1843 et 28 janvier 1843.

[185] BAnQ., Registre des paroisses Sainte-Agnès, 16 novembre 1851.

[186] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 28 novembre 1853.

[187] Ibid., 13 novembre 1857.

[188] BOUCHARD, Russel Aurore. Histoire de Jonquière, cœur industriel du Saguenay-Lac-Saint-Jean : des origines à 1997. À compte d’auteur, Chicoutimi-Nord, 1997, page 70.

[189] BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi, Éditions du patrimoine, 2002, pages 232-238.