7. Marie Magdeleine Hervé

3.3.7 Marie Magdeleine, 3e génération

Le vendredi 23 janvier 1739, Rosalie Tremblay, l’épouse de Sébastien Hervé, met au monde son septième et dernier enfant, une fille à laquelle on donnera le nom de Marie Magdeleine lors de son baptême.  Hiver oblige, le baptême attendra la visite du curé de Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul le 29 juin suivant.  Le curé précise à son registre que la petite Marie Magdeleine est « dela paroisse St-Louis de l’ile aux coudres ».  Le parrain de l’enfant est François Tremblay (1727-1806), un des neveux de la mère, le fils de François Xavier.  La marraine est Marie Élisabeth Tremblay (1715-1799) l’épouse de Bonaventure Dufour[1].

Marie Magdeleine connaîtra peu sa mère.  Lorsque cette dernière décède à l’âge de quarante et un ans en août de l’année suivante, l’enfant n’a que dix-neuf mois.  Pour ses dix prochaines années, ce sera Marie Anne, sa sœur aînée, qui veillera sur elle.  Il y eut bien ce court passage d’une nouvelle mère pendant dix-huit mois alors que son père épousera Agnès Bouchard, mais on se rappellera que la belle-mère Agnès était enceinte à son arrivée dans la famille en novembre 1741 et qu’elle accoucha de deux jumeaux quelques mois plus tard, en février 1742.  Les deux jumeaux décédèrent tour à tour dans les mois suivants.  On peut s’imaginer dans quel état était Agnès par la suite.  Cette mère qu’aurait pu chérir Marie Magdeleine qui n’a que quatre ans à peine ne fera que passer, car elle décédera au printemps 1743. 

Le 28 juillet 1749, on procède à l’inventaire de la communauté que formaient Sébastien Ervé et feu Rosalie Tremblay et de l’élection d’un tuteur et d’un subrogé tuteur, le notaire qui écoute Sébastien lui nommer ses enfants, inscrit Marie et non Marie Magdeleine.  On a ici la confirmation que c’est ainsi qu’elle était appelée dans la famille[2].

Marie a onze ans lorsque celle qui lui avait servi de figure de mère quitte l’Isle en 1750 pour s’installer à Saint-Roch-des-Aulnaies.  L’été suivant, c’est au tour de son père de quitter également son île pour aller vivre chez sa fille aînée à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Tous les repères de Marie quittent son univers depuis sa plus tendre enfance.  C’est son frère Zacharie Sébastien qui est nommé tuteur et qui verra à son éducation comme à celui de ses deux frères Pierre et Sébastien Dominique.  Pour l’instant, Marie veille sûrement sur la maison puisque l’épouse de son frère vient tout juste d’accoucher de son premier enfant et avec trois hommes à nourrir son aide lui est sans doute essentielle.

Dans la maison qui fut celle de Sébastien et qui est maintenant celle de Zacharie, Marie voit partir son frère dont elle était certainement le plus près puisque ce dernier n’avait que trente mois de plus qu’elle.  Sébastien Dominique se marie à la fin de l’été 1754 alors que Marie a quinze ans.  Elle devait déjà espérer suivre sa trace dans peu de temps. 

Marie ne tardera pas, car le 17 novembre 1756, elle épouse Jean Baptiste Debien (1736-1811), le plus jeune fils du voisin.  Dans une île dont la population ne compte que cent quatre-vingts individus répartis dans trente familles Jean Baptiste devait avoir arrêté son choix depuis un certain temps pour ne pas courir le risque de voir partir son insulaire vers la Côte-du-Sud comme deux des sœurs de Marie.  Tout comme pour Marie Magdeleine qui a laissé tomber son deuxième prénom depuis son enfance, nous découvrons que Jean Baptiste a aussi laissé tomber son deuxième prénom qui, à l’époque, n’était pas composé.  Bien que le beau-père de Marie ait été marié à Marie Dorothée Tremblay (1692-1734) sa tante qu’elle n’a pas connue, Jean est le fils issu du second lit de son père.  Les deux mariés ne sont donc pas parents, chose rare à l’Isle du temps de la Nouvelle-France.  C’est Zacharie, son frère aîné, qui lui sert de témoin comme tuteur, car son père n’a pas fait la traversée depuis Saint-Roch-des-Aulnaies en barque en ce milieu de novembre.  Comme à l’époque, les jeunes gens de l’Isle s’épousent vers l’âge de vingt-trois ans en moyenne, Marie est bien jeune à dix-sept ans pour prendre mari.  La petite chapelle Saint-Louis-de-France est pleine.  Les familles sont aux complets, ou presque ; assistent en autres, le père du marié Étienne Debien, son frère Joseph Debien (1722-1769), ses beaux-frères Jacques Godreau (1709-1780) et Jean Baptiste Martel (1714-1775) ; du côté la mariée, son frère Pierre Hervé, l’oncle Joseph Tremblay, Boulianne dit le Suisse et plusieurs autres.  Tous étant évidemment accompagnés de leur épouse[3].

La veille du mariage, le père de Jean, veuf une deuxième fois, s’était occupé d’établir son fils.  Étienne Debien « père âgé » lui donne « un arpent et demi de terre située le long de la grève qui joint des héritiers de feüe Marie Tremblai premiere epouse d’etienne desbiens...[4] ».  Ces héritiers sont les enfants du premier mariage du père de Jean.  Il s’agit d’une donation de valeur, car la situation de la terre dont hérite Jean lui permettra de tendre des pêches à anguilles juste au-devant de celle-ci.  D’ailleurs, dans quelques années surviendra un différend, au sujet des droits d’usage au-devant de la terre, qui nécessitera l’intervention du gouverneur Murray et qui sera réglé par le fermier du Séminaire au nom du seigneur[5].

Marie et Jean sont des plus privilégiés pour un jeune couple, car outre la terre, Étienne Debien donne...

 « sa maison, grange, étables et autres batiments assis sur Sa terre, pour n’y etre touchés par aucun des autres enfants de son vivant.  Faut ason fils de les transportes apres sa mort sur sa terre, s’il arrivais que par le don qu’il luy fais, les batimens n’étaient pas situés sur L’arpent et demi qu’il Luy donne. »  

Évidemment, l’emplacement exact n’étant pas mentionné au contrat, on l’aura tout simplement mesuré à l’œil.  « Plus une charrue garnie de deux bœufs et de deux chevaux, deux vaches a lait, six moutons, un cochon nouveuvé, et deux de l’année, six poules, un coq et quatres oyes. »  Son père, en outre « luy donne son lit tel qu’il sera a sa mort».  En retour, Jean et Marie s’occuperont du père, le soigneront et lui donneront chaque année « douze minots de bon ble, un cochon gras, douze pots d’eau de vie franche, deux paires de mitasses et deux paires de souliers ».  Le père veut également que ses trois filles « qui sont dans sa maison choisissens de cejour chacune une vache qui serons nourries dans la maison tandis quelles y serons, et dont elles pourrons disposer dès maintenans comme elles le jugerons apropos.  Leur done en outre Leur Lis comme il la donne ases autres filles. »  Sentant sa fin proche, comme il le dit au contrat, Étienne Debien désire vivement garder ce fils auprès de lui[6].  La donation est substantielle pour Jean et Marie, mais les conditions du don ne sont pas banales pour de jeunes gens qui n’ont que vingt ans et dix-sept ans respectivement ; outre l’entretien du père, ils doivent assurer également celui des trois sœurs de Jean, qui habitent encore la maison paternelle.  Pour Marie, la tâche de se glisser dans cette maison sera compliquée par le fait que les belles-sœurs en question ont respectivement vingt et un, dix-huit et seize ans.

Le jeune couple vivra deux années de bonheur.  Puis vint ce sombre automne.  Le 21 octobre 1758, la cousine de Marie la fille de l’oncle Guillaume décède.  Marie Françoise Tremblay (1730-1758) est emportée par ce qui a les apparences du grand mal de l’année 1755.  La peur s’installe à l’Isle, le spectre de « la grande picote » l’année 1755 réapparaît.  Cette maladie que l’on connaît dans la colonie pour étant presque toujours mortelle assombrit le quotidien des censitaires.  Plus d’une douzaine d’insulaires y passeront y compris Marie

Le décès de Marie Magdeleine survient probablement en novembre alors qu’elle n’était mariée que depuis vingt-quatre mois et qu’elle n’a que dix-neuf ans.  Ce n’est par contre pas ce que le curé Chaumont de la baie Saint-Paul note dans le registre lors de l’inhumation de « Marie Hervé » (1739-1758).  Ce dernier se trompe probablement de mois et inscrit le 23 janvier 1758 ; l’acte de sépulture est situé dans son registre entre une sépulture du 17 novembre 1758 et une autre du 8 décembre 1758.  Il y a fort à parier que notre petite Marie Magdeleine est décédée le 22 novembre et qu’elle fut inhumée le 23 novembre, mais ce secret continu d’être bien gardé.  Elle qui n’avait pas encore goûté le bonheur d’enfanter laisse bien triste son époux[7].  Comme on évite de traverser à l’Isle depuis des semaines en raison de l’épidémie qui y sévit, les parents de Marie qui habitent à Saint-Roch-des-Aulnaies et aux Éboulements apprendront son décès probablement bien plus tard.

Jean Debien refera sa vie deux ans plus tard en épousant Marie Luce Pedneaud[8].  Ils auront plusieurs enfants nés sur l’Isle.  Jean finira sa vie à Saint-Étienne de la Malbaie où il décède le 22 décembre 1811[9].

 

Généalogie de Marie Magdeleine Hervé (1739-1758)

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 29 juin 1739, Op. cit.

[2] A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 28 juillet 1749, op. cit.  

[3] BAnQ., Registre de Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 17 novembre 1756. 

[4] A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 16 novembre 1756.  

[5] A.S.Q., Séminaire 46, no 8C et no 27. 

[6] BAnQ., Registre de Saint-Louis-de-France de l’Île-aux-Coudres, 30 juillet 1766.  Il vivra encore dix ans puisqu’il décède le 29 juillet 1766.

[7] Ibid., 23 janvier 1758.

[8] Ibid., 6 avril 1761. 

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 décembre 1811.