2 Archange Hervé

5.6.11.2 Marie Hervé dite Archange Hervé (1806-1888), 5e génération 

Le 25 juillet 1806, Marie Hervé, dite Archange tout au long de sa vie, naît à son tour. L’enfant est-elle en danger puisqu’elle est ondoyée dès la naissance ? Peut-être est-ce simplement par pure prudence, car le curé de la paroisse est absent pour l’été.  Les parents choisissent pour parrain et marraine, Loüis Tremblai (1765-1819), le frère aîné de la mère de l’enfant et Marie Euphrosine dite Marie Modeste Hervé la plus âgée des sœurs du père.  C’est un missionnaire de passage, Joseph Gagnon (1763-1840), le curé de la Sainte-Famille à l’île d’Orléans qui baptise l’enfant sous condition le 3 août dans la chapelle Saint-Louis-de-France à l’Isle.  Celle que l’on prénommera Archange est la deuxième enfant et la deuxième fille de Joseph (1782-1867) et Marie Anne (1774-1840).

Archange Harvé épouse Vital Leclere (1807-1878), le fils de Joseph (1774-1842) et de Marie-Élisabeth Desgagnés (1771-1829) en juin 1828 à l’Isle.  Le couple part s’installer du côté de La Baleine dans la maison ancestrale des Leclerc encore debout aujourd’hui.  Le père de Vital hérita de la terre familiale de Basile Leclerc (1747-1816) le premier des Leclerc arrivées à l’Isle et Vital est l’aîné des garçons de la famille[1].

Un an plus tard, le 18 novembre 1829, la belle-mère d’Archange s’éteint.  Elle est inhumée deux jours plus tard.  Archange qui est enceinte prend dorénavant la direction de la maisonnée de Joseph Leclerc, son beau-père.

Trois mois plus tard le 19 février 1830, Archange accouche d’un enfant.  La sage-femme de la paroisse se voit obligée d’ondoyer l’enfant qui ne vit que quelques heures et est inhumé dès le lendemain.  Comme on le verra, Archange aura peu d’enfants pour l’époque.

Le 19 mai 1832, Archange qui avait connu les peines de la perte d’un enfant deux ans plus tôt donne naissance à son premier fils, Pierre Célestin Leclerc.  Les parents peuvent enfin respirer, leur descendance est bel et bien entamée.  Lors du baptême deux jours plus tard, le parrain choisi est Jean Baptiste Michel Desgagnés (1773-1846) le frère de Vital et Marguerite Morin (1804-post.1871) une cousine d’Archange agit comme marraine. 

Celui que l’on connaîtra comme Pierre Leclerc sera cultivateur à l’Isle toute sa vie.  Le 27 juillet 1858, il épouse Henriette Clarisse Desgagnés (1834-1872) à l’Isle.  Le couple aura au moins six enfants connus et ils seront mariés cinquante ans quand Pierre Célestin décède le 14 janvier 1908.  Il est inhumé deux jours plus tard.

Le 24 août 1834 Archange accouche cette fois-ci d’une petite fille que l’on prénommera Marie Élisabeth le lendemain à son baptême.  Son parrain est Éloi Desgagnés (1806-1893) le voisin et sa marraine est Archange Desbiens sa tante l’épouse du frère de la mère.

Marie Élisabeth vient tout juste d’avoir treize ans quand elle décède le 5 septembre 1847.  Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière de la paroisse.

Puis plus rien, Archange chôme.  Cette femme de cultivateur née dans un pays et à une époque où le rôle de l’épouse est de procréer n’enfante plus.  Comme elle avait perdu son premier enfant et que l’on sait que l’accouchement de son deuxième avait été difficile, on peut penser que la naissance de Marie Élisabeth, celle qui ne vivra que treize ans ne fut pas plus facile.  Bien qu’interdit au XIXe siècle, Vital et Archange durent limiter un tout petit peu les grossesses. 

À la fin de l’été 1840, Archange perd sa mère. 

Sept ans se sont passés puis la cigogne est revenue à nouveau ; Archange enceinte accouche le 22 janvier 1842.  L’enfant est baptisé le même jour et est prénommé Didier.  Son oncle Zacharie Leclerc (1811 —) est parrain et sa tante Danie Hervey est la marraine.

Didier qui est navigateur épousera Éléonore Simard le 29 juillet 1873 en l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de la baie Saint-Paul.  Le curé inscrit alors à son registre qu’il se prénomme Louis Didier.  Le couple s’installe à la baie Saint-Paul et aura au moins six enfants.  Didier est toujours vivant en 1891 au décès de son fils George.

C’est à cette période qu’entre dans la maison comme domestique Marguerite Morin la cousine d’Archange, la fille de sa tante Marguerite, sœur de sa mère.  Marguerite est celle qui avait été la marraine de Pierre Célestin en 1832.  Cette vieille fille native des Éboulements semble avoir été servante çà et là dans la famille depuis un certain temps et maintenant qu’elle est entrée chez Archange et Vital, elle y demeurera plus de trente ans, elle y sera encore en 1871[2].

En avril, Vital Leclerc perd son père et se chargera dorénavant de la ferme familiale[3].

Les années se suivent, mais ne se ressemblent pas.  Archange qui avait pris une pause de huit ans entre deux accouchements donne naissance après seulement deux ans à un nouvel enfant, son dernier.  Paul voit le jour le 8 novembre 1844.  Germain Hervé l’oncle de l’enfant agit comme parrain alors que Flavie Tremblai, une cousine du père, est sa marraine.

Paul épousera Christine Desgagnés le 4 février 1873 en l’ancienne chapelle de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres.  Le couple demeurera à l’Isle et y aura au moins dix enfants.  Paul décède en 1910.

Au printemps 1846, la sœur aînée d’Archange décède.  Son époux se remarie à l’automne et quitte l’Isle avec sa nouvelle épouse et les trois enfants qu’ils avaient conçus avec elle.  Il laisse derrière lui à l’Isle les six autres enfants que la sœur d’Archange avait eues d’un premier mariage. Les deux plus jeunes Lajoie, Marie Anne née en 1836 et sa sœur cadette Françoise Olympe née en 1837 trouvent refuge chez leur tante Archange qui les accueillera comme ses filles à partir de ce moment.  Marie Anne Lajoie quittera le domicile d’Archange en 1856 alors qu’elle épouse Thimothé Desgagné.  Sa sœur cadette quant à elle vivra plus de quinze ans chez Archange.  Elle ne partira de sa maison qu’à son mariage en 1865[4].

Ainsi comme on l’a vu, avant que l’été suivant ne finisse le 5 septembre 1847, Archange perd son deuxième enfant, il ne lui reste plus que trois garçons et ses deux filles adoptives.  Marie Élisabeth Leclerc meurt au jeune âge de treize ans. 

En 1861, Pierre Célestin l’aîné qui s’est marié trois ans plus tôt demeure toujours chez son père puisqu’il sera inévitablement l’héritier de la terre.  Le couple a déjà un enfant.  Archange qui a cinquante-cinq ans ne manque plus d’aide, car trois autres femmes l’épaulent maintenant à la maison Clarisse sa bru, Françoise Olympe Lajoie qui a vingt-quatre ans et sa cousine la domestique Marguerite Morin.

Dix ans plus tard, il y a douze personnes sous le toit d’Archange et de Vital.  Pierre Célestin et sa femme y habitent toujours avec leurs quatre enfants.  Didier qui a vingt-neuf ans et Paul qui en a vingt-sept n’ont toujours pas quitté la maison.  La domestique Marguerite Morin y est aussi et Marie Harvay l’Irlandaise de l’Isle y vit maintenant.  Marie Harvay qui a apparemment vingt-quatre ans selon les recenseurs du jour apparus parmi les habitants de l’Isle pour la première fois au décompte de la population de 1851.  À cette époque, elle résidait chez sa belle-sœur Catherine Leclerc (1803-1874) et son mari Vital Boudreault (1783-1866) et avait sept ans[5].  Elle serait donc âgée de vingt-sept ans aujourd’hui et non de vingt-quatre.  L’histoire de Marie qui est prétendument débarquée à l’Isle dans les années quarante est un peu bizarre ; une Harvay irlandaise[6] qui arrive dans l’île du fleuve d’où les Harvey sont originaires, une coïncidence ? S’agirait-il d’un autre secret que les insulaires et leur curé ont toujours su garder pour eux ou tout simplement le sort d’une des centaines d’orphelins de la grande migration irlandaise des années 1840 ? Durant l’été de 1847, plusieurs bateaux transportant les Irlandais qui se rendaient jusqu’à la Grosse-Île avaient perdu la majorité de leurs passagers et de leur équipage en chemin et encore plus moururent sur l’île de quarantaine. La plupart des enfants orphelins, parce qu’étant de religion catholique, furent recueillis par des familles de la vallée du Saint-Laurent, et adoptèrent leur langue et leur culture tout en conservant leur propre patronyme[7].  Quoi qu’il en soit, Marie a maintenant une mère adoptive Archange porteuse du même patronyme qu’elle.

Vital Leclerc cultivateur à l’Isle décède le 16 octobre 1878[8]Archange inhume celui avec qui elle aura passé les cinquante dernières années de sa vie deux jours plus tard.  Archange finira sa vie dans sa maison qui est devenue celle de son aîné, Pierre Célestin.

Dix ans passent puis Marie dite Archange, maintenant âgée de près de quatre-vingt-deux ans décède à son tour le 16 avril 1888 et est inhumée à l’Isle le 18.

Marie Hervé prénommée Archange ou Marie Archange au cours de sa vie qui se sera toujours déroulée à l’Isle-aux-Coudres aura eu cinq enfants de Vital Leclerc.  Un premier qu’elle perdit à la naissance le 19 février 1830, puis Pierre Célestin né le 19 mai 1832, Marie Élisabeth née le 24 août 1834, Didier né le 22 janvier 1842 et Paul né le 8 novembre 1844.  Celle qui n’avait gardé que quatre enfants avait pris dans sa maison et élevé les deux plus jeunes filles de sa sœur Marie Anne à son décès et une orpheline née de parents irlandais dont on ignore les noms[9].

[1] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le comté du Saguenay, sous-district de l’Isle aux Coudres, page 654. 

[2] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté Saguenay, Isle aux Coudres, page 25 ; B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, sous-district de l’Îsle aux Coudres, page 143-6 ; et B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, sous-district de l’Îsle aux Coudres, page 25. 

[3] B.A.C., G., Recensement de 1842, district du Saguenay, sous-district de l’Île aux Coudres, microfilm C-725, page 11. 

[4] B.A.C., G., Recensement de 1851, 1861 et 1871. 

[5] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté Saguenay, Isle aux Coudres, page 15. 

[6] Bien qu’il y ait des porteurs du patronyme Harvey en Irlande, le patronyme n’est pas d’origine irlandaise.  Le premier, Harvey que l’on peut trouver en Irlande serait William Harvey of Dunmore (c.1674-) originaire d’Angleterre.  On sait que les Harvey d’Angleterre et d’Écosse sont d’origine bretonne.  Contrairement à certaines croyances, il n’y a aucun Harvey irlandais, anglais ou écossais qui s’est installé dans ce qui est connu aujourd’hui comme les régions de Charlevoix, du Saguenay et du Lac-Saint-Jean.  Tous les Harvey de ces régions sont d’originaire Française et ont pour ancêtre commun, Sébastien Hervet (1642-1714).  Pour leur part, les Harvey des Îles-de-la-Madeleine ont pour ancêtre commun Guillaume Hervy né à Saint-Malo vers 1756.  Ce dernier a épousé Anne Cormier le 20 mai 1787 à Saint-Pierre-et-Miquelon.  Anne était une réfugiée acadienne partie aux îles Saint-Pierre et Miquelon pendant la déportation acadienne. Leur fils François (1791-1881) eut une nombreuse progéniture qui s’est établie aux Îles-de-la-Madeleine, puis dans les régions de la Basse-Côte-Nord et de Haute-Côte-Nord, surtout en Minganie. 

[7] COLLECTIFS. « Irlando-Canadiens », Wikipédia. [En ligne] http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Irlando-Canadiens&oldid=124176054 (Page consultée le 10 avril 2016). 

[8] BAnQ., Registre de Saint-Louis-de-L’Isle-aux-Coudres, 18 octobre 1878. 

[9] Ibid., 27 janvier 1874.  Mariage de Marie Hervey et Louis Dallaire.