Louise Hervai

6.6.04.05.5 Louise Hervai (1834-1910), 6e génération 

Louise Hervai de la sixième génération, est une sœur puînée de Marie Phébée dont la famille s’était d’abord établie au Maine au début des années 1880, puis dans l’État de New York vers 1895.  Louise quittera Chicoutimi au Saguenay en 1899.  Née le 1er octobre 1834 à La Malbaie[1], elle ira finir sa vie dans les montagnes Adirondacks du nord de l’État de New York.  Louise Hervai est la troisième fille et le cinquième enfant de Joseph François Hervé (1794-1890) à David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812).  Elle n’est pas la Marie Louise Harvé (1827-1905) à Michel Hervé (1791-1841) à André Laurent Hervé (1764-1831) chez Pierre Hervé (1733-1799) avec qui on la méprend souvent.

Son père est l’unique Hervé ayant combattu lors de la guerre de 1812.  Ce détail prendra son importance dans une vingtaine d’années.  

Louise a probablement toujours connu celui qu’elle épousera puisque le père d’Augustin Blackburn (1828-1915), Augustin William (1791-1883) et son oncle Joseph Blackburn (1788-1847) sont des vétérans de la guerre de 1812, tout comme le père de Louise.  Bien qu’ils n’aient pas servi dans le même bataillon, ceux de Murray Bay, qui ont servi sous l’Union Jack, sont dans une confrérie tacite qui s’exprime de plusieurs façons depuis la fin de la guerre, entre autres par des associations économiques temporelles reliées au domaine de l’exploitation forestière[2].  Les liens familiaux ne feront que renforcer ce réseau d’entraide.  De plus, pendant l’adolescence de Louise, la famille d’Augustin Blackburn demeurait dans la concession voisine, celle de Saint-Charles à Murray Bay, alors que Joseph Hervé et sa famille habitaient le fond de la concession adjacente, celle de la rivière Mailloux.  Le prétendant de Louise, Augustin Blackburn dit le Petit Willy, est le petit-fils de Hugh Blackburn arrivé d’Écosse avec le 78e régiment des Highlanders, lequel faisait partie des troupes de la conquête.  Son père fut marié en premières noces à Mary Nairne (1791-1821), la fille de la seigneuresse de Murray Bay. S’étant mariée en secret avec le fils Blackburn, elle ne remettra pas les pieds au manoir seigneurial après ce mariage[3].

La famille de Louise fut l’une des premières à quitter la seigneurie Murray Bay pour aller ouvrir le Saguenay à la colonisation, comme celle d’Augustin dont l’oncle David fut l’un des Vingt-et-unAugustin habite avec son père dans le canton de Laterrière en 1852[4].  À l’âge de vingt ans, Louise Hervai épouse donc le petit Willy Blackburn, le 3 octobre 1854, à l’église Saint-Alexis de sa paroisse de la Grande-Baie[5].

Entre 1854 et 1865, le couple aura six enfants et en perdra trois.  Ils vivent sur une terre du canton de Laterrière, en amont de la rivière Chicoutimi et de la rivière du Moulin, à l’endroit nommé Grand-Brûlé (aujourd’hui La Terrière) au Saguenay[6]Louise engendrera des métis.  En effet, la grand-mère de son mari, Javote dite Geneviève Gagnon (1742-1835), était métisse par sa mère, une Innue nommée Cécile Kaorate. 

Outre le métier de cultivateur, l’époux de Louise sera charretier et cocher, les deux derniers métiers qu’il aura exercés à Chicoutimi où la famille a déménagé après la naissance du dernier enfant de Louise en 1865[7] ; ils resteront à Chicoutimi pendant plus d’une trentaine d’années[8]

Lorsqu’en 1862 l’abbé Dominique Racine (1828-1888) est nommé vicaire forain et curé de Chicoutimi, Augustin ne tardera pas à devenir son charretier (cocher).  Pendant de longues années, Augustin transportera l’abbé Racine qui parcourt en tous sens cette région immense du Saguenay et du lac Saint-Jean.  Quand ce dernier dépêchera dans les divers coins de la région des séminaristes de Chicoutimi, c’est également Augustin qui les conduira. Ainsi, le jeune séminariste Eugène Lapointe (1860-1947), qui deviendra plus tard Monseigneur et qui sera reconnu comme un pionnier du syndicalisme catholique, profite d’un voyage dans la charrette d’Augustin pour monter au lac Saint-Jean en 1879.  En cours de route, ils s’arrêteront chez Joseph Hervey (1838-c.1894), cousin de Louise qui émigrera à Brunswick au Maine tout comme Marie Phébée, sœur de cette dernière. 

Lettre d’Eugène Lapointe datée du mardi 26 août 1879 :

«Beau temps. Chaud toute la journée.»

«[Je suis] parti à neuf heures et demie de l’avant-midi pour Hébertville, mené par [le] charretier Blackburn. [J’ai] monté par le rang à Radin. Rendu à la Rivière-au-Sable, à midi, les chemins mauvais, [j’ai] [170] rencontré le postillon dans le chemin Jean-Dechêne. Rendu à l’hôtel Jean Dechêne à deux heures, [j’ai] dételé là et [j’ai] dîné là. Le vieux scélérat, [il m’a] chargé 1 $ pour deux mauvais repas et [un peu] d’avoine pour mon cheval. Beaucoup de terres de défrichées et de maisons qui étaient sur [le] bord du lac Kénogami [ont été] rétablies sur le bord du chemin.»

«[Je me suis] arrêté chez Éloi Gagné, nouvellement bâti sur le bord du lac Kénogami; [il] tient une maison [de] pension [et détient] une licence pour vendre au verre. Chez Joseph Harvey, [il n’y a] pas de licence. Rendu chez Louis Hudon à six heures et demie. [Il n’y était pas et j’ai] continué jusqu’à l’église [du] village d’Hébertville. [J’ai] logé chez M. Jauvin, près du pont, [j’ai] soupé et [je suis] allé faire une marche. Le village [est] peu considérable, mais très propre. La plupart des maisons [sont] blanchies. Horace Dumais 345 [a] de magnifiques bâtisses : maison, étable, hangar.» [9]

Après que Dominique Racine sera nommé premier évêque du diocèse de Chicoutimi en 1878, Augustin poursuivra sa mission.  Au départ de ses aventures, « le Petit Augustin, célèbre charretier de Monseigneur Racine, partait à jeun et revenait chaud, absorbant au moyen d’une suce à bébé la boisson qu’il portait à l’intérieur de son paletot »[10].  Heureusement, au cours de ces années, Louise ne verra pas son homme très souvent, car il était toujours sur les routes.

Les liens entre les familles élargies d’Hervé persistent toujours en 1861, lorsque Louise accueille sous son toit, le fils du cousin de son père.  En janvier, Adolphe Hervé (1809-1876) à Joseph Sébastien Hervé (1767-1834) chez Dominique Hervé (1736-1812) vit chez Louise avec le cadet de son deuxième lit.  Comme il a perdu sa deuxième épouse à Rivière-du-Loup où il habitait à l’automne 1858, on peut penser qu’il est venu se rapprocher de ses enfants de son premier lit puisque la plupart sont au Saguenay.  Il a déjà quitté la maison de Louise pour la Rive-Sud en septembre lorsque son fils Adolphe se noie dans l’étang du moulin de Chicoutimi où il travaillait.  Comme on le verra, ce ne sera pas la seule fois où Louise ouvrira sa porte pour héberger des parents lointains.

Les États

C’est en 1899 que Louise, son mari Willie et la famille de son fils Eugène quittent Chicoutimi pour aller vivre au village de Glens Falls du comté de Warren, État de New York.  Glens Falls est située à une quinzaine de kilomètres au sud-est du lac Georges dans les montagnes Adirondacks dont on exploite alors les forêts.

Certains ont avancé qu’Augustin, violoneux de talent, avait quitté Chicoutimi parce qu’il avait décroché un emploi de dragman au moulin de Glen Falls.  Il n’en est rien.  Louise et Augustin ont tout simplement suivi leur cadet Eugène qui travaille comme scieur à ce même moulin.  De fait, en juin 1900, le Petit Willy qui à soixante-douze ans, déclare ne pas avoir travaillé une seule journée en 1899 et aucune non plus en 1900.  Il est cependant probable que, comme tant d’autres de sa famille élargie, Augustin soit déjà venu travailler dans la région. Par exemple, quelques années plus tôt Johnny Blackburn, le fils de son cousin Narcisse chez l’oncle Jean Baptiste dit le Rouge (1784-1874), était venu vivre dans cette région de l’État de New YorkSon frère, Albert Blackburn, y était toujours à l’arrivée de Louise et Augustin à Glens Falls.  Guillaume (William), le demi-frère d’Augustin, issu du premier mariage de son père avec Mary (Polly) Nairne (1782-1821), fille du seigneur de Murray Bay, décédera d’ailleurs à Governor dans l’État de New York chez ce même cousin Narcisse.  De fait, les Blackburn pullulent dans le nord de l’État de New York[11]. 

En juin 1900, Eugène n’a travaillé que sept mois, ce qui pourrait suggérer que la famille soit arrivée aux États-Unis à l’automne 1899.  Eugène et son épouse ont déjà trois enfants à leur arrivée à Glens Falls.  Louise, la grand-mère, aura donc de quoi s’amuser[12].

Eugène avait installé sa famille dans un logement de la rue Hudson; Ovide (1863-1917), un petit-cousin de son âge habite la même rue avec sa famille[13].   De leur côté, Louise et Augustin avaient loué un logement de la rue Delaware où leur fils et sa famille les avaient rejoints après quelques mois.  Ils y vivront six ans.

Peu de temps après leur arrivée, la porte de Louise s’ouvre encore à la famille élargie.  Après le décès de l’époux de sa sœur Phébée à Redford plus au nord dans ce même état, deux de ses fils quittent le domicile familial et s’amènent à Glens Falls[14]

Pendant que le retraité Augustin continue d’être à la maison, son fils est toujours à l’emploi du moulin cinq ans plus tard[15].  Lorsqu’Eugène décide de quitter le logement, Louise et Augustin partent s’établir à une dizaine de kilomètres plus au sud, au village de Moreau, comté de Saratoga.  Ils y sont en avril 1910[16]Louise décède dans cette nouvelle demeure le 3 novembre 1910 à l’âge de soixante-seize ans[17] .

Son mari Augustin rentre au pays et se réfugie à Château-Richer chez sa nièce Joséphine Blackburn (1848-1931), veuve Napoléon Cloutier[17a].  Pour sa part, leur filsEugène demeure dans l’État de New York où il finira sa vie[18].

Augustin décède chez sa nièce le 20 avril 1915.  Son fils Eugène qui demeure toujours aux États-Unis est venu pour la célébration funèbre.  Lui et ses cousins, de même que sa cousine Joséphine et les enfants de John Blackburn (1818-1876) le portent en terre trois jours plus tard[19]

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Ceci termine la sous-section des enfants de Joseph François Hervé.

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2 octobre 1834.  Geneviève Gagnon, sa marraine, n’est pas la grand-mère de son futur époux, Javote dite Geneviève Gagnon (1742-1835).  Elle est plutôt la conjointe du parrain. Bélarmin Malteste dit Maltais (1796-1865).

[2] Deux des fils de Hugh Blackburn ont servi sous le drapeau britannique à la guerre de 1812 contre les Américains; il s’agit d’Augustin (Willie) dans le 4e bataillon cantonné à Laprairie à titre de sergent et Joseph dans le 3e bataillon.

[3] ROY, Jacqueline. «Nairne, John». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1966, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1983, 15 volumes, volume V (Décès de 1801-1820).

[4] B.A.C., G., Recensement de 1851, District du comté de Saguenay, canton de Laterrière, microfilm e002316248.  L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Alexis de la Grande Baie, 3 octobre 1854.

[6] B.A.C., G., Recensement de 1861, District du district de Chicoutimi, canton de Laterrière, microfilm 4108689_00399.

[7] B.A.C., G., Recensement de 1871, District du district de Chicoutimi, paroisse de Chicoutimi, microfilm 4395454_00654.

[8] B.A.C., G., Recensement de 1891, District du district de Chicoutimi, ville de Chicoutimi, microfilm 30953_148193-00264. 

[9] BOUCHARD, Russel Aurore. Histoire de Jonquière, cœur industriel du Saguenay–Lac-Saint-Jean : des origines à 1997. À compte d’auteur, Chicoutimi-Nord, 1997, pages 169-170.

[10] Société historique du Saguenay, Mémoires de l’abbé Alexandre Maltais, page 11.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 18 septembre 1894.  Et : CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, page 154.

[12] 1900, Recensement fédéral américain, État de New York, comté de Warren, village de Glens Falls, rue Delaware, pages 5 et 6.  Aux États-Unis, l’époux de Louise est prénommé Auguste.  Le recensement fédéral américain a débuté le 1er juin 1900.

[13] 1899, Glens Falls City Directory, page 77.

[14] 1905-6-1, Recensement de l’État de New York, comté de Warren, ville de Queensbury, village de Glens Falls, page 18. 

[15] 1905-6-1, Recensement de l’État de New York, comté de Warren, ville de Queensbury, village de Glens Falls, page 19.

[16] 1910, Recensement fédéral américain, État de New York, comté de Saratoga, ville de Moreau, page 10 B.  Le recensement fédéral américain a été mené à compter du 15 avril 1910.  Contrairement aux deux précédents, il est mentionné au recensement de 1910 que le couple serait arrivé aux États-Unis en 1889.  Il s’agit d’une erreur.  Augustin et Louise sont toujours au Saguenay en 1889 comme en fait foi le recensement de 1891.  De plus, Louise Hervai est choisie comme marraine de l’un des enfants de son fils William le 18 mars 1894 à Chicoutimi.

[17] 1910 Death Index for the State of New York, 3 novembre 1910, Louise Blackburn.

[17a] CLAVEAU, Jean-Charles. Les pionniers de la Seigneurie de Murray Bay. Québec, Éditions Fleur de lys, 1996, page 147. 

[18] 1930, Recensement fédéral américain, État de New York, comté de Warren, ville de Glens Falls, page 2 B.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse Château-Richer, 23 avril 1915.