5. Joseph Sébastien Hervé

4.6.5 Joseph Sébastien Hervé (1767-1834), 4e génération 


Joseph Sébastien, le troisième fils de la famille voit le jour le 3 avril 1767.  Sept jours plus tard, une fois le plus gros des glaces passées autour de l’Isle, un missionnaire s’arrêtera et l’enfant sera baptisé. Sébastien Dominique et Geneviève Savard choisissent Étienne, le frère de cette dernière comme parrain, et Marie Victoire Dufour comme marraine, une future belle-sœur du père comme nous l’avons vu au présent chapitre[1].

Celui qui, comme son grand-père, sera appelé Sébastien tout au long de sa vie passera son enfance à cultiver la terre familiale avec son frère David, car son père et son frère aîné François sont, la plupart du temps, sur la mer à naviguer.  

À la mi-janvier 1781, sa mère décède alors qu’il n’a que treize ans et, avant que l’année ne finisse, son père aura repris épouse pour s’occuper de la marmaille.  Ainsi allait la vie au XVIIIe siècle.

La jeune belle-mère de Sébastien qui n’a pas dix ans de plus que lui donne naissance en août 1786 à une première petite fille, Marie Euphrosine dite Marie Modeste. C’est Sébastien qui en sera le parrain alors qu’il est maintenant âgé de dix-neuf ans[2]. On ne verra plus traces de Sébastien dans les registres de l’Isle après cet été 1786. 

Les trois frères Hervé sur la Côte-du-Sud

C’est probablement son frère David qui avait quitté l’Isle un peu avant 1788, pour s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies, qui entraîne Sébastien sur la Côte-du-Sud

Son père disposant apparemment de moyens, acquis à force de labeurs, établira ses sept fils comme il l’avait fait avec son aîné[3].  Il semble avoir fait de même pour Sébastien, car ce dernier possède déjà une terre dans la Grande Anse en 1791.  On a peu de détails sur ce bien, mais on connaît les intentions de Sébastien puisque depuis qu’il a rencontré une fille de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, ils projettent de s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies là où vit déjà Sébastien auprès des deux frères.  Ainsi, en juin il se départit d’un demy arpens de cette terre au profit de Joseph Sasseville (1765-1844), originaire de Québec, qui vient tout juste d’épouser une fille de Sainte-Anne et qui cherche à étendre sa terre voisine[4].

Comme l’avait fait son frère trois ans auparavant, Sébastien épouse donc lui aussi une fille de Sainte-Anne le 18 juillet 1791.  Il a vingt-quatre ans lorsqu’il se marie à Marie Catherine Denis dite Quimper (1769-1842), laquelle en aura vingt-deux à l’automne.  Bien que le patronyme de Catherine soit orthographié de deux façons au registre cette journée-là, Quimper et Kimper, elle est bien la fille de Pierre Corentin Denis (1740-1819), originaire de Quimper en Bretagne, l’un des premiers à s’établir à la Grande Anse et de Geneviève Michaud (1742-1809).  Ces Denis dit Quimper en Nouvelle-France[5] ne sont pas des étrangers pour la famille, puisque deux ans auparavant, le père de Marie Catherine avait été choisi comme parrain du premier enfant de David Louis Dominique, le frère de Sébastien.  Le curé Jean-François-Xavier Lefebvre (1745-1794) note au registre du mariage que Sébastien est « natif de l’Isle au Coudres demeurant à St-Roch » probablement chez son frère aîné François qui, on se rappellera, est installé sur la terre qu’il a reçue en héritage de son père.  Sébastien Dominique, le père de la tribu des Hervé à Saint-Roch-des-Aulnaies, a traversé de l’Isle à Sainte-Anne de la Grande Anse du Sud pour la célébration.  Ses fils François et David Louis Dominique assistent également à la cérémonie[6].  Les nouveaux mariés étaient passés deux jours plus tôt à l’étude du notaire Louis Cazes pour y signer leur contrat de mariage devant une myriade de témoins, amis et parents[7].

Bien que les tourtereaux se soient mariés à Sainte-Anne de la Grande Anse, la paroisse de la mariée, comme le voulait la tradition, le couple ne restera pas à Sainte-Anne-de-la-Pocatière puisqu’on les retrouvera installés à Saint-Roch-des-Aulnaies l’été suivant.  À la fin d’octobre l’automne précédent David, le frère de Sébastien, lui avait vendu une portion de sa terre pour qu’il puisse s’établir à Saint-Roch-des-Aulnaies[8].  On le constate le 22 juillet 1792 quand Marie Catherine Kimper accouche d’un premier enfant.  Il s’agit d’une petite fille qui reçoit le prénom de sa grand-mère, Marie Geneviève Hervé, et qui est baptisée le jour même à l’église de leur nouvelle paroisse, Saint-Roch-des-Aulnaies.  L’enfant a pour parrain son oncle David Hervé et pour marraine sa tante Félicité Perpétue l’épouse de François, frère aîné de Sébastien.  Comme on peut le voir, les frères Hervé sont très proches et ils sont de tous les événements familiaux de chacun[9].

Saint-Roch-des-Aulnaies

On ne sait pas où le couple s’installe à son arrivée à Saint-Roch-des-Aulnaies.  En si peu de temps depuis l’acquisition de la parcelle de terre que lui a cédée son frère, il n’a probablement pas pu cumuler le pécule nécessaire et bâtir pour s’installer sur cette terre.  Peut-être a-t-il loué une maison dans le petit hameau du « village des Aulnaies » où se déverse la rivière Ferrée dans le fleuve, localisation du Domaine seigneurial.  Par contre, les vieilles familles y occupent déjà la plupart des terres.  Sébastien a aussi pu se dénicher une maison aux extrémités de la paroisse, dans le bas de Saint-Roch à l’est ou plutôt dans le haut de Saint-Roch à l’ouest où il y a encore des terres de libres.  Comme le Deuxième rang qui occupe le sud de Saint-Roch est ouvert depuis peu et que s’y installent les nouvelles familles issues de celles qui habitent le Chemin du Roy, il aurait pu s’y trouver un lopin de terre également.  Par contre, c’est la coutume que les plus vieux aident les plus jeunes et il y a fort à parier que lui, Marie Catherine et le nouvel enfant vivent chez le frère aîné François au centre de la paroisse, dans le village Saint-Roch où est l’église.  Après tout, depuis son arrivée sur la Côte-du-Sud, c’est là qu’il travaille.

Sébastien et Marie Catherine devaient être arrivés à Saint-Roch-des-Aulnaies pour l’inauguration en 1792 de la chapelle de procession Saint-Louis située en bordure du chemin du Roy, à l’extrémité est du noyau villageois.  La procession de la Fête-Dieu, une pratique de la liturgie catholique héritée de la France médiévale et apportée en Nouvelle-France par les premiers colons, devait être suivie religieusement par le couple en cette époque ou l’église assoyait son autorité avec l’aide du conquérant et des élites[10].

À l’automne 1792, le beau-père de Sébastien rachète une partie des droits de sa fille sur sa part éventuelle du patrimoine familial.  Sébastien est sans doute bien heureux de signer une quittance à Pierre Denis dit Quimper puisque cet apport de liquidités aidera sans doute le nouveau couple dans son établissement[11].  

Sébastien n’est pas seul à Saint-Roch-des-Aulnaies comme on l’a vu.  Outre ses deux tantes, il est entouré de plusieurs jeunes gens natifs de l’Isle-aux-Coudres qui sont venus faire leur vie sur la Côte-du-Sud dans la même période que lui et ses deux frères.

Alors que Marie Catherine est enceinte à nouveau à l’été 1793, Sébastien est choisi comme parrain de Marie Madeleine Hervé.  Cette dernière est la quatrième fille de son frère aîné François et de sa belle-sœur Félicité Perpétue.  La marraine est son autre belle-sœur, Marie Louise LeBreton dite Lalancette, épouse de David Louis Dominique[12]

Catherine Kimper accouche d’une deuxième fille le 19 février 1794.  Le baptême a lieu le jour même et l’enfant reçoit le prénom de sa mère.  Marie Catherine Hervé a comme parrain Charle François Miville (1749-1815) et comme marraine, sa tante Marguerite Kimper (1774-1821).  Alors que l’hiver bat son plein, Sébastien n’assiste pas à la cérémonie[13].  Il n’a qu’une parcelle de terre à Saint-Roch et celle de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est en friche.  Tout comme son frère David Louis Dominique, il travaille chez l’aîné François pendant la belle saison.  L’hiver, il faut bien faire vivre la famille.  Se fait-il alors bûcheron comme la plupart des journaliers à l’époque dans la région ? Jadis, l’industrie forestière faisait vivre bien des familles.  À la fin de l’automne, les hommes montaient aux chantiers où ils se faisaient bûcherons, récoltaient le bois et l’entreposaient sur des cours d’eau pour qu’au printemps, la fonte des glaces le libère afin qu’il flotte vers sa destination.  Les absences de Sébastien se feront à différentes périodes de l’année ce qui suppose que s’il s’est fait bûcheron certains hivers.  Comme fils et frère de marins, il s’est probablement aussi fait matelot en été, lorsque la terre de son frère et plus tard la sienne n’avaient pas besoin de ses bras.  

L’été se pointe et Marie Catherine Kimper dite Denis accouche d’une troisième fille dans des circonstances difficiles le 17 juin 1797.  L’enfant est ondoyé « à la maison à cause du danger pressant de mort par la sage femme ».  Marie Céleste Hervé est amenée rapidement à l’église de Saint-Roch-des-Aulnaies où elle est baptisée sous condition le jour même.  Pierre Kimper dit Denis, le grand-père demeurant à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, devait être à la maison de sa fille avec sa femme, pour cet accouchement que l’on devait prévoir difficile, car il agit comme parrain.  Marie Charlotte Saint Amand dite Lebret, la seconde épouse d’André Couturier, voisin, cousin et ami des trois frères Hervé, est la marraine.   Sébastien déclaré laboureur est encore absent de cette cérémonie[14].  Où pouvait-il être en cette saison ? Les bûcherons sont revenus depuis la fin du printemps et comme il a acquis une terre il ne pouvait être bien loin.  Peut-être était-il en mer avec son frère aîné le pilote, ou même son père Sébastien Dominique qui pilote toujours et qui a probablement de plus en plus besoin d’un second.

L’épouse de Sébastien, Marie Catherine Denis dite Kimper, est choisie pour être la marraine de Marie Geneviève Hervé, le sixième enfant de son beau-frère David Louis Dominique et de son épouse Marie Louise en janvier 1798.

Comme la plupart des femmes de l’époque, Marie Catherine engendre des enfants tous les deux ans environ.  Le 30 janvier 1799, Sébastien est père à nouveau alors que naît Marie Scholastique Hervé.  Le baptême a lieu le même jour et c’est Joseph Kimper (1779-1841), oncle de l’enfant, qui est parrain.  La marraine est Marie Madeleine Ouellet (1757-1841), probablement la même qui fut marraine d’un enfant de David Louis Dominique trois ans plus tôt.  Bien que les Ouellet se retrouvent souvent dans l’entourage des trois frères Hervé à Saint-Roch-des-Aulnaies comme on l’a vu précédemment, il est aussi possible que Marie Madeleine soit une sage-femme du lieu si on tient compte de sa fréquence d’apparitions dans le registre de la paroisse.  Tout comme lors des baptêmes de Marie Catherine et Marie Céleste, Sébastien le laboureur est encore à l’extérieur du village et absent lors de la cérémonie[15].  La terre n’a pas de quoi faire vivre adéquatement une famille, semble-t-il, car comme on l’a vu jusqu’à présent, les trois frères Hervé sont souvent absents pendant les longs hivers.  Dans ce cas-ci par contre, Sébastien ne devait par être monté dans les chantiers pour bien longtemps, car neuf jours plus tard il se présente à l’étude du notaire Augustin Dionne à Sainte-Anne pour en venir à un compromis avec Raphael Miville (1748-1820) au sujet de sa terre de Sainte-Anne de la Pocatière[16].

Dispersion des trois frères Hervé

La proximité qu’avaient connue les trois frères Hervé depuis leur arrivée sur la Côte-du-Sud tire à sa fin.  L’aîné François quitte Saint-Roch-des-Aulnaies pour s’installer dans le deuxième rang de Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Sébastien et David Louis Dominique se retrouvant les seuls à demeurer à Saint-Roch.

Deux ans plus tard, Marie Catherine Denis dite Kimper met au monde une cinquième Marie.  Sébastien Hervé le laboureur devra attendre encore un peu pour espérer avoir un jour de l’aide sur sa terre et quelqu’un pour prendre la relève.  Le dimanche 14 juin 1801 naît celle qui est baptisée le jour de sa naissance sous le nom de Marie Luce Hervé à Saint-Roch-des-Aulnaies.  Elle sera prénommée Marie Lucie, mais plus souvent Lucie au cours de sa vie adulte.  Son oncle paternel François Hervé est son parrain alors que Marie Geneviève Micho, la grand-mère maternelle est sa marraine.  Comme à l’habitude, Sébastien est absent de la cérémonie, sur la mer probablement[17].

Après le décès d’un de ses enfants en février 1802, David Louis Dominique part avec sa famille s’établir sur la rive nord du fleuve à la MalbayeSébastien ne le suivra pas cette fois-ci.  Il sera dorénavant le seul des trois frères Hervé à Saint-Roch-des-Aulnaies pour veiller sur ses tantes Marie Anne Hervé, la veuve Soulard qui a soixante-dix-neuf ans et Rose Hervé qui en a soixante-douze.  Cette dernière est cependant mariée en secondes noces depuis maintenant vingt-trois ans après avoir perdu son premier mari des suites des blessures subies sur les plaines d’Abraham aux mains de l’anglais.

Catherine Denis dite Kimper met au monde son sixième enfant le 19 avril 1803.  Il s’agit du premier garçon de la famille, on le prénommera donc comme son père.  Lors du baptême qui a lieu le lendemain, dans sa formule habituelle, l’abbé Joseph Verreau, le curé de la paroisse à l’époque nous fait connaître l’état de santé du nouveau-né puisqu’il est « ondoyé à la maison par la sage femme à cause du danger pressant de mort ».  Le couple choisit un oncle de l’enfant, François Denis dit Kimper (1781-1841), comme parrain.  La marraine est une certaine Geneviève Paquet ; trop nombreuses dans la paroisse à porter ce nom, on ne peut établir un quelconque lien avec la famille.  Comme souvent, Sébastien est absent de la cérémonie.   « Sébastien Hervé », le fils, ne survit pas à cette sortie pour le baptême et meurt la journée même[18].  Il s’agit du premier enfant que le couple perd. 

Sébastien et Marie Catherine Denis dite Kimper ne se découragent pas puisque cette dernière accouche d’un deuxième garçon l’année suivante.  Lors du baptême qui a lieu le 30 août 1804, jour de la naissance, l’abbé Joseph Verreau, répète sa formule usuelle qui révèle le frêle état de l’enfant comme il l’avait fait l’année précédente.  L’enfant ondoyé à la maison prénommé Pierre comme son grand-oncle Hervé a pour parrain Alexandre Denis dit Kimper (1776-1858) son oncle et comme marraine Marie Paquet (1775-1852), une fille de Saint-Vincent-de-Paul de l’île Jésus qui a épousé Jean Dubé (1761-1830), un natif de Saint-Roch-des-Aulnaies.  Sébastien, encore une fois, est absent de la cérémonie sur la mer probablement[19].  Pierre a la santé fragile et ne survivra pas.  Il décède, à peine âgé de sept mois, le 11 avril de l’année suivante.  Ce sont Michel Parent, le bedeau et Michel Parent fils, ami de Joseph Sébastien, qui agissent comme témoins de la sépulture de l’enfant.

Alexandre Denis dit Quimper (1776-1858), beau-frère de Sébastien et frère aîné de son épouse, devait s’être inquiéter de ce qui arriverait au patrimoine familial de ses parents, après qu’il eut vu un fils naître de l’union de sa sœur et de Sébastien quelques mois plus tôt!  Le 15 juin, moyennant un certain pécule, il obtient de Sébastien une quittance finale des droits successoraux de sa sœur, lui permettant ainsi de disposer des biens de ses parents qui se sont donnés à lui[20].

Lorsque l’été 1806 se pointe, Sébastien voit partir du village Rose Hervé l’une de ses deux tantes de l’Isle qui étaient venues trouver époux sur la Côte-du-Sud.  Elle qui a perdu son deuxième époux au cours de l’hiver part s’installer chez son fils à Yamachiche à l’âge de soixante-seize ans.  Les liens de Sébastien lui rappelant son enfance à l’Isle s’amenuisent. 

Marie Catherine Denis dite Kimper a trente-sept ans lorsqu’elle met au monde sa sixième fille et son septième enfant avec l’aide de la sage-femme.  Pour elle, il est devenu habituel que les accouchements sont soient difficiles et que les enfants ne soient pas très fort à la naissance.  Marie Adelina est elle aussi « baptisée sous condition ayant été ondoyée à la maison par la sage femme à cause du danger pressant de mort » le jour même de sa naissance le 7 octobre 1806[21].  En l’absence habituelle de Sébastien, Marie Catherine choisit Joseph Bourgelas dit Degene (1744-1847) son beau-frère comme parrain.  Joseph est l’époux de sa sœur puînée Marie Ursule (1771-1847).  La marraine est Marie Louise Bono (1777-1810), première épouse de Louis Lebret (1776-1840).  On se souviendra qu’André Couturier, l’ami des frères Hervé qui a quitté Saint-Roch pour la Malbaye avec David Louis Dominique, est marié à une Saint Amand dite Lebret.

Seulement vingt-cinq mois se sont écoulés et Marie Catherine Kimper accouche à nouveau.  Ses plus grandes se sont sûrement occupées de la préparation des repas des fêtes du Nouvel An puisqu’elle met au monde son huitième enfant le 11 janvier 1809 dans les circonstances difficiles habituelles pour elle.  Sébastien a un peu perdu espoir de voir un garçon prendre un jour la relève sur sa terre et la santé du nouveau-né est aussi incertaine que l’avait été celle de Pierre, décédé quatre ans plus tôt.  Le lendemain, ce sera un autre de la longue série de ses enfants à être « baptisé sous condition ayant été ondoyé à la maison à cause du danger pressant de mort par la sage femme (sic) ».  Cette fois-ci, il s’agit d’un garçon nommé Adolphe Maximilien Hervé.  L’écriture du curé Verreau n’est plus ce qu’elle était et ne nous révèle pas le patronyme du parrain.  Par contre, la marraine est connue.  Il s’agit de Marie Catherine, la sœur du nouveau-né.  Sébastien est où il a toujours été l’hiver, probablement dans les chantiers, car il est encore absent de la cérémonie[22].

Le printemps arrivé, quelques mois après la naissance du dernier-né, Sébastien perd Marie Anne Hervé, la veuve Soulard, sa dernière tante vivant à Saint-Roch ; elle décède à l’âge de quatre-vingt-six ans le 19 mai 1809.  Celle qui avait été la protectrice de son père Dominique, alors que ce dernier avait perdu sa mère en bas âge, ne sera plus là pour lui narrer les pêches aux marsoins à l’Isle, l’été où l’anglais avait tout détruit sur la Côte-du-Sud et avait aussi tué l’amour de sa vie sur les Plaines.  Journée funeste s’il en fut une dans la vie du couple, Marie Catherine perd sa mère la même journée dans le village voisin de Sainte-Anne-de-la-Pocatière ; cette dernière n’avait que soixante-sept ans[23].

Marie Catherine Kimper a quarante et un ans quand elle enfante de nouveau le 29 mai 1811.  Comme d’habitude, la sage-femme en arrache avec l’accouchement de Marie Catherine et ondoie le nouveau-né, craignant pour la vie de ce dernier.  Pourtant, des neuf enfants qu’elle a mis au monde à ce jour, seul Pierre n’aura vécu que huit mois, les huit autres auront tous filé jusqu’à leurs majorités et bien au-delà.  Sébastien voit naître un troisième fils et le deuxième qui survivra.  Étienne Hervé est baptisé le lendemain et a pour parrain Étienne Ouellet.  Mais de quel Étienne s’agit-il ?  À l’époque, on compte une quinzaine d’Étienne Ouellet entre Saint-Roch-des-Aulnaies et Sainte-Anne-de-la-Pocatière.  Même en éliminant les trop jeunes et les trop vieux, on ne parvient pas à l’identifier.  La marraine est Marie Geneviève, la sœur aînée de l’enfant née près de vingt ans plus tôt[24].

C’est au cours de cet été 1811 qu’un projet controversé voit le jour au village.  Les autorités coloniales bâtissent et ouvrent une école gratuite dite de l’Institution royale.  L’évêché de Québec n’est pas trop favorable aux idées nouvelles liées à la démocratie et à la liberté et il le fait savoir.  Le curé Verreau, comme tous les autres de la Côte-du-Sud, et cela malgré ses amitiés bien connues avec le pouvoir colonial et les écossais[25], a bien tenté de résister à l’implantation d’une telle école dans son village au cours de la dernière décennie, mais, sous l’impulsion de notable de la paroisse, elle voit le jour malgré tout aux Aulnaies.  L’intention non avouée du projet était de protestantiser et d’angliciser les Canadiens français, mais cela, la population ne l’avait pas encore découvert.  Sébastien et Marie Catherine ont à eux seuls une demi-douzaine d’enfants en âge de fréquenter cette école ; ont-ils défié leur curé ? Peut-être en partie, car seule la moitié de leurs enfants déclareront plus tard ne savoir lire ni écrire[26].

Alors qu’au printemps Sébastien avait perdu son père, le laboureur aura une nouvelle surprise, car Catherine Kimper est encore enceinte à près de quarante-trois ans.  Les britanniques ont beau se battre contre les Américains qui tentent de prendre la colonie anglaise aux abords de Montréal, cela ne l’empêchera pas de mettre au monde, dans les douleurs habituelles, son dernier enfant.  Comme c’est souvent le cas, l’accouchement à lieu huit à neuf mois après les labours, en cette fin d’été 1812.  Le 8 août naît et est baptisée la septième Marie de la famille ;  dans son cas, elle sera simplement nommée Marie Hervé[27].  Les accouchements de la mère ont toujours obligé la sage-femme à ondoyer les enfants.  Celui-ci ne fera pas exception.  Ce qui ne fera pas exception non plus sera l’absence du père encore une fois.  On choisit Antoine Chrétien (1773-1845) comme parrain.  La famille Chrétien est voisine et très près de celle de la mère et du père de l’enfant.  L’an passé, Marie Catherine Denis dite Quimper avait été choisie comme marraine du petit dernier d’Antoine Chrétien, celui qui épousera l’une des filles de Marie Catherine dans dix-sept ans.  C’est Marie Catherine Miville dite Deschenes (1780-1867), la petite cousine de l’enfant qui est marraine.

Départ des enfants et fin de vie pour Joseph Sébastien et Marie Catherine

Avec dix vies derrière eux, il aura fallu huit ans avant que les premiers enfants commencent à partir pour se marier.  Pour l’heure, la maison de Sébastien et de Marie Catherine abrite dix personnes.  Ce sera Marie Céleste qui quittera la maison la première pour épouser Jérôme Petit dit Saint-Pierre en 1819, puis Marie Catherine en 1820.  Sébastien qui a maintenant cinquante-trois ans est toujours agriculteur à Saint-Roch-des-Aulnaies[28].  Après avoir escorté ses deux filles devant l’autel pour recevoir la bénédiction nuptiale il se retrouve déjà à l’époque de voir arriver les petits-enfants.  Il est choisi comme parrain lors du baptême de François Saint-Pierre le premier enfant de Marie Céleste Arvé[29].

Dans les cinq prochaines années, trois des enfants de Sébastien et Marie Catherine quitteront le nid familial, Marie Luce pour se marier en janvier 1825 et les deux garçons de quatorze et seize ans qui se sont faits journaliers et qui n’habitent plus avec la famille en 1825.  Le recenseur qui passe au cours de l’été 1825 pour prendre le compte du district du Devon[30] devait être, comme à l’habitude à cette époque, un envoyé britannique, car Sébastien est appelé CéBastien Arviez[31].

L’année suivante, Sébastien est à nouveau parrain.  Cette fois-ci, il s’agit du baptême de Louis Dion le premier enfant de Marie Luce dite Marie Lucie Arvé[32].  Tout comme dans la terre de l’Isle-aux-Coudres où nos racines se sont ancrées solidement, la tradition sur la Côte-du-Sud suit celle de la Nouvelle-France, elle-même importée de France : les grands-parents sont très souvent les parrains ou marraines du premier enfant d’un couple. 

L’année 1829 allait bien mal commencer pour Sébastien et Marie Catherine alors qu’ils perdent Marie Catherine (1794-1829), mariée seulement depuis huit ans et n’ayant pas encore trente-cinq ans.  Leurs enfants continuent de quitter la maison pour se marier.  Après Marie Scholastique à l’été 1829, c’est au tour de Marie Geneviève de convoler un peu après le Nouvel An de 1830.  À l’été 1830, la grand-mère Marie Catherine est choisie comme marraine lors du baptême de Marie Louise Chrétien, le premier enfant de Marie Scholastique[33].

En 1830, si Sébastien Harvé, maintenant âgé de soixante-trois ans, acquiert une nouvelle terre de Joseph Saint-Pierre dit Dessaint, ce n’est sûrement pas pour la cultiver lui-même.  Il a deux fils à établir, mais ces derniers qui sont journaliers ne semblent pas être prêts à se faire cultivateurs[34].  Lorsqu’il se présente chez le notaire pour la transaction le 25 juillet, c’est chez un parent par alliance qu’il le fait.  En effet, le notaire Rémi Piuze (1787-1867) est marié à Geneviève Couturier (1791-1862), filleule de son frère François et fille aînée du cousin André Couturier.  Ce dernier est celui qui avait migré à Saint-Roch-des-Aulnaies, en même temps que les trois frères Hervé, quarante-cinq ans plus tôt.  Le jeune notaire qui pratique depuis 1808 a déjà enregistré des dizaines de transactions pour les frères François et Sébastien comme il continuera de le faire pour leurs enfants.   

À l’été 1831, on prend toute la mesure de l’état de la famille de Sébastien Harvé.  Les deux garçons partis travailler à l’extérieur sont de retour et Marie Adelina y vit toujours.  Deux autres personnes vivent également avec la famille : une jeune fille de moins de quatorze ans, probablement une domestique et une autre fille ou femme âgée de plus de quatorze et de moins de quarante-cinq ans.  La terre de Sébastien fait cent quarante arpents, mais à soixante-quatre ans il n’en cultive que quarante puisque ses garçons travaillent ailleurs comme journaliers.  Il a tout de même récolté cent minots de blé, six d’avoine, six d’orge et seize de seigle l’année précédente[35].

À la fin de l’hiver en 1832, Sébastien Harvé est encore appelé comme parrain lors du baptême de l’un de ses petits-fils.  Cette fois-ci, il s’agit de Zacharie Chrétien, le premier fils de Marie Scholastique.  Depuis son arrivée à Saint-Roch-des-Aulnaies en 1818, le curé Louis Brodeur dit Lavigne (1776-1839) avait toujours écrit notre patronyme sous la forme Arvé.  Ce jour-là et seulement celui-là, il y ajouta un « H » devant[36].  Allez savoir pourquoi.  Il reprit la forme Arvé par la suite, et cela jusqu’à sa mort en 1839. 

Profitant de sa présence devant le notaire Amable Morin (1793-1877) lors de la signature du contrat de mariage de son premier fils qui prendra épouse le lendemain, Sébastien et sa femme dictent leurs dernières volontés dans des testaments qui protégeront leurs progénitures[37].   

Le lendemain, Adolphe se marie à la Rivière-Ouelle.  Sébastien fera les vingt kilomètres qui séparent les deux villages pour aller donner son consentement au mariage.  Il le fit en longeant la Grande-Anse ou peut-être la traversa-t-il en embarcation ? On peut présumer que Marie Catherine, la mère est présente également, mais comme les femmes n’ont pas beaucoup de place dans les registres civils et religieux de l’époque, on ne peut que le supposer.  Un an plus tard, Adolphe fera baptiser Marie Louise, son premier enfant en mars 1833.  Sébastien et Marie Catherine sont respectivement parrain et marraine[38].  Ce sera la dernière apparition de Sébastien de son vivant dans les registres. 

Depuis qu’il a traversé de l’Isle-aux-Coudres à Saint-Roch-des-Aulnaies, Joseph Sébastien y aura passé sa vie d’abord comme journalier, puis comme bûcheron, navigateur et agriculteur.  Il y décède à l’âge de soixante-sept ans le 20 avril 1834[39]

La famille continue à se disperser après son décès  : Marie Geneviève à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Marie Céleste à Québec, Marie Scholastique à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, Marie Luce à Rimouski, Marie à Saint-Jean-Port-Joly, Adolphe à Sainte-Anne-de-la-Pocatière et Étienne à L’Islet.  Les enfants n’en resteront pas là et s’éloigneront davantage par la suite, certains à Montréal, Québec, Saint-Norbert-du-Cap-Chat, Saint Fabien et Notre-Dame du Lac Témiscouata.  Il y a peu de chance, avec les moyens de communication du temps, que frères et sœurs aient gardés contact après leurs grands dérangements respectifs.

Le 13 décembre 1842, Marie Catherine Denis dite Quimper s’éteint à son tour à Saint-Roch-des-Aulnaies, à soixante-treize ans.  La veuve de Sébastien Harvey aura survécu dix ans à son mari[40].

Joseph Sébastien Hervé, ses enfants, données généalogiques - 5e génération

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 10 avril 1767.

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 21 août 1786.

[3] On ne retrouve que cinq des actes notariés pour des acquisitions de terres faites par le père pour ses fils.  On ne peut que présumer qu’il a agi de la même façon pour les deux autres.

[4] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 3226, 23 juin 1791.

[5] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 241215. DENIS/DENYS/QUIMPER, Pierre Corentin.  Arrivé au pays vers 1721, Pierre Corentin Denis est originaire de la paroisse Saint-Mathieu de la commune de Quimper en Bretagne.  À l’époque qui nous occupe, les curés de la Côte-du-Sud utiliseront le plus souvent l’orthographe erronée de Kimper dans l’inscription du patronyme.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 18 juillet 1791.  Le patronyme de l’épouse est orthographié de deux façons au registre cette journée-là ; dans le texte, on peut lire la bonne orthographe Denis dit Quimper et en marge l’orthographe erronée employée par les curés de la Côte-du-Sud Denis dit Kimper.

[7] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 3246, 16 juillet 1791.

[8] Ibid., no 3344, 29 octobre 1791.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 22 juillet 1792.

[10] La chapelle de procession de Saint-Roch-des-Aulnaies, toujours existante, aurait été érigée en 1792, sous le vocable de Saint Louis en l’honneur du roi de France.  Elle prendra le nom de Notre-Dame-de-Lourdes en 1880.  Dans RÉPERTOIRE DU PATRIMOINE CULTUREL DU QUÉBEC.  Chapelle de procession Notre-Dame-de-Lourdes. [En ligne]. http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=92947&type=bien#.V6uwQEL6s2x [page consultée le 10/08/2016].

[11] A.N.Q., GN. Minutier Louis Cazes, no 3700, 27 octobre 1792.

[12] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 22 juillet 1793.

[13] Ibid., 19 février 1794.

[14] Ibid., 17 juin 1797.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 30 janvier 1799.

[16] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, 8 février 1799.

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 14 juin 1801.

[18] Ibid., 20 et 22 avril 1803.

[19] Ibid., 30 août 1804.

[20] A.N.Q., GN. Minutier Augustin Dionne, no 3031, 15 juin 1805.

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 7 octobre 1806. 

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 12 janvier 1809.

[23] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne-de-la-Pocatière, 21 mai 1809.

[24] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 29 mai 1811.

[25] AUBERT DE GASPÉ, Philippe. Mémoires.  Montréal, Granger Frères limitée, 1930, volume 1, pages 66-68.

[26] HÉBERT, Yves. Le Placoteux Kamouraska/L’Islet. Les premières écoles de la Côte-du-Sud, une guerre de religion ? [En ligne].    https://www.leplacoteux.com/les-premieres-ecoles-de-la-cote-du-sud-une-guerre-de-religion%E2%80%89/ [page consultée le 20/12/2017].

[27] Ibid., 8 août 1812.

[28] Ibid., 10 octobre 1820. Mariage de Marie Catherine.

[29] Ibid., 3 décembre 1820.

[30] Le Bas-Canada avait été divisé en districts par l’envahisseur britannique.  Même si la population était alors à plus de quatre-vingt-dix pour cent français, pour la plupart, ces districts avaient reçu une appellation à consonance anglaise.  Celui du Devon fut ainsi nommé pour rappeler un comté du sud-ouest de l’Angleterre, le Devon.

[31] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada de 1825, district de Devon, sous-district de Saint-Roch, page 125. Ce recensement a eu lieu entre le 20 juin et le 20 septembre 1825. 

[32] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 4 janvier 1826.

[33] Ibid., 17 juillet 1830.

[34] A.N.Q., GN. Minutier Rémi Piuze, no 3270, 25 juillet 1830.

[35] B.A.C., G., Recensement du Bas-Canada 1831, pour le district de L’Islet, sous-district de Saint-Roch-des-Aulnaies, page 191.  Outre le nom des chefs de familles, le recensement n’est pas nominatif et ne permet donc pas d’identifié avec certitude les occupants de la maison.

[36] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 4 mars 1832.

[37] A.N.Q., GN. Minutier Amable Morin, 1er mai 1832.

[38] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 10 mars 1833.

[39] Ibid., 21 avril 1834.

[40] Ibid., 15 décembre 1842.