12. Hercule Harvay

6.6.11.3.12 Joseph Hercule (1856-1924), 6e génération 

C’est le 30 août 1856 que naît le douzième enfant de Germain Hervé et d’Archange Desbiens.  « Joseph Hercule Harvay », le septième fils, est baptisé le lendemain.  On lui choisit Éloi Dufour (1836-1910) comme parrain.  Éloi est le filleul du père d’Hercule ; il est meunier du Cap à Labranche au moulin de son père Augustin Dufour, le cousin, voisin et beau-frère du père.  Olympe Harvay (1838-1921), la marraine, est la fille d’un autre cousin du père, George Hervai (1814-1889) à Louis (1784-1863)[1].

La courte enfance qui était permise aux enfants d’insulaires allait permettre à Hercule de fréquenter l’école et d’en tirer suffisamment profit pour pouvoir lire, écrire et un peu calculer, mais avant tout, dans ce siècle d’une église oppressive, acquérir les connaissances religieuses nécessaires à la survie de son âme.  En janvier 1861, alors qu’il n’a pas encore tout à fait cinq ans, Hercule fréquente la maison d’école du Cap à Labranche.  Marie Phébé qui fréquente toujours l’école elle aussi a maintenant treize ans ; elle devait être celle qui veillait sur Hercule.  Présumons qu’à l’époque, mieux valait commencer tôt sur les bancs d’école pour être plus vite dégagé pour le travail aux champs.  De plus, la mère devait bien se sentir libérée le matin de voir partir « Fébé, Germain, Caroline, Marcel » et le petit Hercule, ce qui lui permettait de voir à son bébé aux couches, à sa maisonnée et aux repas, car ceux qui restaient à travailler la ferme devaient bien manger comme des ogres[2]

Hercule, s’il n’a pas connu sa grand-mère biologique décédée depuis longtemps, aura tout le temps de profiter de la présence de Joseph Hervé son grand-père, car ce dernier passera l’enfance d’Hercule sous le même toit.  Il n’en sera pas de même pour celle qui fait figure de grand-mère ; Élisabeth Simard, la deuxième femme de son grand-père, décède alors qu’Hercule vient à peine de commencer l’école le 9 mars 1861.

Avec ses nombreux frères aînés qui travaillent à la ferme du père, Hercule a pu traîner un peu plus longtemps sur les bancs d’école, mais dès que la fièvre du travail de débardeur dans le port de Montréal aura gagné les plus vieux, l’enfance devait avoir pris fin.  À quatorze ans, Hercule trime toujours sur la ferme du père.  Ils n’y sont plus nombreux : Paul qui a trente-cinq ans, mène bien sûr le bal en tant qu’aîné qui héritera de la terre, Ferdinand vingt-deux ans, Marcel seize-ans et son jeune frère Élie douze ans[3]. 

Hercule, tout comme son frère Germain, apprendra tôt son métier de forgeron, comme apprenti auprès de son frère Joseph Harvé (1842-1887).  On a commencé à construire des goélettes à l’Isle au début des années 1860 et la demande pour des forgerons de métier ne manque pas.  La tradition de travailler les métaux ne date pas d’hier dans la famille.  Le migrant Sébastien Hervet (1642-1714) était potier d’étain et, comme on l’a vu dans les biographies de son fils Sébastien Hervé et son petit-fils Sébastien Dominique Hervé, tous deux faisaient bon usage de leurs étaux et enclumes de forge.

En mars 1877, son frère Joseph le forgeron, choisit Hercule comme parrain de l’un de ses fils prénommés Joseph, mais dit Joseph Diamède[4].  La protection d’Hercule comme parrain ne sera pas suffisante pour protéger le petit, car ce dernier se noiera dans les eaux du fleuve le 7 juin 1882, alors qu’il venait d’avoir cinq ans.  On ne retrouvera son corps qu’au début du mois suivant[5].

Hercule a comme ami « Joseph Théodule Tremblay » (1854-1914).  Bien évidemment, les deux amis sont un peu parents.  Le 31 juillet 1877, Hercule agit comme témoin de son mariage avec Diase Dallaire (1853-1929) à l’Isle[6].  Le nouveau couple, après avoir eu sept enfants à l’Isle, partira avec Hercule et d’autres jeunes gens de l’Isle pour s’établir à Saint-Félicien au lac Saint-Jean dans quelques années.

Hercule avait dû passer pas mal de temps chez Léandre Tremblay (1825-1889) et Émilie Louise Tremblay (1824-1886), les parents de son ami Joseph Théodule, car il semble avoir eu à l’œil l’une des sœurs de ce dernier.  Alors qu’il a vingt-deux ans, notre forgeron et journalier s’unit à « Marie Emilie Tremblay » le 27 août 1878 dans la chapelle Saint-Louis de l’Isle aux Coudres[7].  Marie Emilie, la fille de Léandre et Emilie Louise a vingt et un ans[8]. 

L’année suivante à la fin de l’été naît le premier enfant du nouveau couple lorsqu’Émilie accouche le 4 septembre 1879.  Hercule, « forgeron, amène l’enfant à la chapelle pour le baptême le jour même. Joseph Ovide Harvey a pour parrain son oncle Éli Harvey » et pour marraine sa tante Catherine Tremblay[9]. 

Hercule et Emilie auront six enfants dans la nouvelle décennie qui s’entame en 1880.  Seuls trois d’entre eux survivront.  Il s’agit de Marie Edile née le 2 mai 1882, de Marie Emélie née le 19 juillet 1886 et finalement de Joseph Léandre qui voit le jour le 6 mars 1889[10].  Ce dernier, bien qu’il vivra très longtemps, ne devait pas être très fort à sa naissance lui non plus puisque les parents attendront quatre jours pour le faire baptiser.  Pour ce qui est de Marie Élise qui avait vu le jour le 11 novembre 1880, née à une date prédestinée, la petite ne vivra que quinze mois alors qu’elle décède le 20 février 1882.  Puis Joseph Benoit né le 20 avril 1884 décédera au bout d’un mois le 23 mai.  Enfin dans cette triste suite d’enfants qui ne se rendront pas à l’âge de raison, Marie Mathilda qui était née le 6 avril 1885 décède le 26 octobre de la même année[11].

Selon toute vraisemblance, après son mariage, Hercule aura acquis la petite maison de feu son frère Didier, car on découvrira plus tard que lui et sa famille demeurent dans celle qui lui appartenait sur le lot cinquante-cinq du cadastre d’alors à l’Isle-aux-Coudres.  « Denyse Tremblai » sa belle-sœur de même que les neveux et nièces qui y vivaient, sont maintenant logés dans la grande maison du patriarche Germain.  Son lot n’est pas bien grand, « un demi arpent de front sur environ soixante pieds de profondeur », mais suffisant pour un emplacitaire.  Il est « borné par devant au chemin royal, par derrière au terrain d’Alfred Bouchard, là où habite son frère Ferdinand, au sud au terrain de Germain Hervé son père et au nord au terrain de Alfred Bouchard » également.  Hercule s’y trouve toujours en 1881 avec sa femme et ses deux enfants Ovide et Marie Édile[12].

Après avoir enterré trois enfants dans les cinq dernières années, dont la dernière, vingt-quatre mois plus tôt, Hercule voit partir sa mère qui décède en octobre 1887 alors qu’il a trente et un ans.

La famille a grandi avec maintenant quatre enfants ; Hercule et Emilie ont des projets.  Le 21 décembre 1988, Hercule emprunte « soixante-six piastres courant » à Léandre Tremblay son beau-père.  Il s’engage devant notaire à lui remettre la somme sur demande et à lui verser un intérêt annuel de six pour cent.  Comme Hercule a déjà la somme entre les mains depuis un mois, son beau-père ne se prive pas de faire commencer le calcul des intérêts à compter de novembre.  En garantie hypothécaire pour cet emprunt, Hercule donne son lot « avec toutes les bâtisses dessus érigées »[13].

Pendant toute cette décennie qui s’achève, Hercule et sa famille auront vécu principalement de son métier de forgeron, car dans les nombreux registres religieux et civils de la période, il y sera toujours fait mention de son occupation de forgeron.

Le 22 septembre 1889, Emilie perd son père qui n’était âgé que de soixante-quatre ans[14].  Avec son départ viendront les obligations de partage des biens du défunt.  Comme Hercule devait « soixante-six piastres » à son beau-père, il se présente à la maison de ce dernier en avant-midi le 17 avril 1890 afin de rembourser son dû à la succession dont une partie lui reviendra.  Son ami d’enfance, devenu son beau-frère, Joseph Théodule Tremblay ainsi que deux autres de ses beaux-frères lui signe une quittance[15].

Au cours de la décennie qui s’entame, Hercule et Emilie n’auront que trois enfants, mais ceux-là survivront.  Joseph Wilfrid naît le 28 mars 1891, mais bien qu’il survécut, il est ondoyé à la naissance et ne sera pas en condition pour être amené le jour même pour son baptême ; ce ne sera que six jours plus tard qu’il le sera.  Comme la belle-sœur, Denyse Tremblai est de retour de Lowell au Massachusetts où elle était partie vivre en 1887, ce sera son cadet Louis Dominique (1871-1939) qui sera le parrain du nouveau-né.  Marie Éloïsianne dite Rosianne Harvay, la cadette chez son frère Paul, est choisie comme marraine.  Le parrain et la marraine finiront leur vie dans une région où, dans peu de temps, Hercule s’apprêtera à se diriger ; le parrain à Roberval et la marraine à Saint-Félicien[16].

À l’automne 1889, la maladie s’était installée dans la maison surpeuplée du père d’Hercule, entraînant plusieurs décès.  Voyant croître sa propre famille et aussi pour accommoder ses proches, Hercule agrandit considérablement sa maison.  Avec l’aide de ses frères encore à l’Isle, avant que ces derniers ne partent pour le port de Montréal, c’est au printemps 1890 qu’il commence les rénovations de la maison qu’il avait acquise une douzaine d’années plus tôt.  Les travaux ne seront terminés que l’année suivante, mais ils sont suffisamment avancés pour continuer d’y loger sa famille.  De fait, sa sœur Denyse et son frère Marcel se sont déjà réfugiés chez lui au printemps 1891, alors que l’agrandissement n’est toujours pas complété[17]. 

C’est le « 1er septembre 1891 » qu’Hercule s’entend verbalement avec Éloi Dufour, le fils d’Anicette, pour régulariser son occupation d’un terrain et des bâtiments qu’il utilisait pour sa forge depuis un certain temps.  À l’automne 1892, Hercule loue officiellement ce petit lot de terre et ses bâtiments ayant appartenu à feu son beau-frère Joseph Octave Desgagnés (1824-1877).  Octave était marié en secondes noces à Marie Justine Harvé (1831-1922), la sœur aînée d’Hercule, laquelle s’était remariée.  Le terrain appartenant à la succession de son beau-frère, c’est Éloi Dufour, en tant que tuteur des enfants, qui procède à la location au montant « de cinq piastres courant de rente annuelle ».  La location est pour dix ans et elle est assortie à une clause de vente faisant d’Hercule, à échéance de la location, le propriétaire du lot de sept perches de front par un demi-arpent de profondeur et des bâtiments s’y trouvant[18].

Marie Emilie Tremblay accouche de sa dernière fille le 25 septembre 1893.  Marie Elédie sera tantôt prénommée Marie Élodie, mais aussi à l’occasion Lydia[19].

À l’île, les terres agricoles sont toutes occupées depuis un certain temps et elles n’arrivent plus à faire vivre les familles depuis longtemps malgré l’émigration.  Hercule l’avait compris très jeune et c’est un peu pour cela que, fort de la construction de goélettes, il s’était fait forgeron.  Comme sa famille grandissait et que la construction navale n’était pas stable, Hercule comme ses frères d’ailleurs, travailla au bord de l’eau à Montréal certaines années où la forge ne nourrissait plus son homme.  Les revenus de la forge justement, même doublé de la pitance de débardeur, ne suffisent plus pour faire vivre adéquatement la famille aux yeux d’Hercule.

Tout comme ses deux frères sans terre, ceux qui ont déjà quitté l’Isle et ceux qui s’apprêtent à le faire, Hercule a la bougeotte et une épouse qui peut encore enfanter.  Aussi, lorsque s’organise un groupe de jeunes insulaires qui planifient partir coloniser le lac Saint-Jean, Hercule se dit partant.

À revoir les nombreux actes notariés et les registres religieux du temps, il semble que plusieurs jeunes gens et jeunes familles d’insulaires apparentées soient également partis au printemps 1895 ; on retrouve leur présence à Saint-Félicien et à Roberval à partir de 1895.  Comme on le verra pour Hercule qui n’y sera que de 1895 à 1900, leur passage au lac Saint-Jean a peut-être été éphémère.  Plusieurs s’y enracineront cependant ; ce sera le cas en autres de trois neveux et nièces : Olivine et Dominique Harvay, deux des enfants de Didier son frère décédé et Marie Éloïsianne dite Rosianne Harvay, la cadette chez Paul l’aîné.  Il y en a bien d’autres qui iront rejoindre les trois frères comme Césarine Harvé (1841-1911), la fille de Joseph (1809-1869) chez Louis Hervé (1784-1863) qui décédera à Saint-Félicien, ainsi que François Leclerc (1834-1922) et Louis Guillaume Tremblay (1855 — ) pour ne mentionnez que ceux-là parce qu’ils sont parents.

Dans le cas d’Hercule, sa femme enceinte accouchera de leur dernier enfant né à l’Isle le 16 juin.  Il est impossible de dire si ce dernier était resté pour l’accouchement ou non et s’il a rejoint ses frères plus tard au cours de l’été.  Peut-être était-il parti avec le groupe, car ce ne serait pas le premier insulaire à ne pas avoir assisté au baptême de son enfant alors qu’il était absent de l’Isle.  Son père en fut un parfait exemple, lui qui n’assista pas aux naissances d’hiver.  Le quinzième curé de Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, Jean Alphonse Pelletier, n’emploie pas les formules d’usages dans ses registres.  Ainsi, à l’occasion il mentionnera « le père absent », mais pas toujours, et cela même quand le père n’y est pas.  Dans d’autres cas, il ajoutera à la fin de l’inscription « … qui ainsi que le père n’ont su signer.. » ; encore une fois, il ne le fait pas toujours surtout dans le cas des notables qui, présumons-le, semble vouloir les protéger de la honte d’une telle incapacité.  Hercule savait signer ; s’il était présent, il ne l’a pas fait au baptême de Joseph Hercule le jour de sa naissance[20].

Assumons donc qu’Hercule soit partit avec le groupe quelque part en avril afin de préparer le terrain pour l’arrivée de sa famille qu’il sera revenu chercher une fois installé.  Hercule part en confiance, car son frère Ferdinand de douze ans son aîné part également.  Ils sont accompagnés du frère Marcel le célibataire, de sa nièce Marie Éléonore dite Olivine Harvay, la fille de son frère Didier décédé, son époux et leurs six enfants et d’un bon nombre d’autres jeunes gens de l’Isle[21].

Une fois arrivée à destination, Hercule tâtera le terrain afin de mesurer sa capacité à vivre de son métier de forgeron au lac et aussi un peu à prendre la mesure de ses habiletés à manier la faux pour devenir cultivateur.  Il devait être incertain de l’issue de l’aventure, car il ne semble pas avoir vendu sa maison à l’Isle, à tout le moins on n’en trouve pas de traces[22]. 

Le groupe emprunta une goélette pour se rendre à Québec.  De là, il prit la liaison ferroviaire de la Quebec and Lake St-John Railway qui relie Québec au terminus de la ligne à Roberval.  Hercule et son frère Marcel finiront par travailler tous deux pour ce chemin de fer, mais il ne semble pas que ce soit pour tout de suite, car les deux frères se séparent de Ferdinand leur aîné à l’arrivée à Roberval.  Ils empruntent alors l’un des nombreux vapeurs qui font le transport de passagers sur le lac Saint-Jean.  Peut-être était-ce le Péribonka ou le Mistassini qui les emmena de Roberval à Saint-Félicien.  À l’époque, une vingtaine de navires et cinq compagnies transportent habitants, touristes et produits sur le lac Saint-Jean.  Roberval est alors le pivot de ce trafic en raison de la présence du terminus ferroviaire. 

À Saint-Félicien, Hercule et son frère défrichent et s’installent sur une terre, tout comme Olivine et son mari qui en cultiveront une toute leur vie en ce lieu[23]. 

On en connaît peu de la vie d’Hercule au lac Saint-Jean, mais l’on sait que le 5 juillet 1897, il fit face à la tornade qui s’abattit sur Saint-Félicien et qui causa d’importants dommages matériels à l’église du village ainsi qu’à de nombreuses maisons et granges.  C’est tout le cœur du village qui est détruit.  Les dommages furent si considérables que l’on demanda l’aide du gouvernement, aide qui se fit attendre[24].  Dix jours plus tard, un fléau de chenilles dévaste les forêts de la région. En plus de s’attaquer aux arbres, aux arbustes et à toutes les plantes et cultures dans les champs, les chenilles nuisent au transport ferroviaire.  Les insectes qui sont écrasés sous les roues des trains forment des masses gluantes et rendent le système de freins inopérants, ce qui entraîne l’arrêt du transport vers Roberval pendant un certain temps[25].  Plusieurs cultivateurs, probablement découragés et faute de moyens, décident de quitter la paroisse.  On ne sait pas si Hercule fut parmi les sinistrés, ce qui expliquerait son départ de Saint-Félicien, mais il ne se découragera pas tout de suite puisqu’il y sera jusqu’en 1900 au moins.

Pendant ce temps à l’Isle-aux-Coudres le 19 janvier 1898, Denyse, la sœur célibataire d’Hercule qui demeurait avec sa famille dans sa maison depuis son agrandissement, décède[26].  Il y a peu de chance pour qu’Hercule ait appris la nouvelle avant le printemps.

Hercule et sa famille sont toujours à Saint-Félicien à l’hiver 1898-1899, car le 23 février lors du baptême de « Marie Clara Denise Castonguay », l’une des filles de sa nièce Olivine Harvay, son aîné Ovide agit comme parrain[27]. Olivine Harvey (1866-1933) est celle qui est venue s’établir à Saint-Félicien en même temps que lui, la fille aînée de feu Louis Didier, son frère. 

C’est au cours de ce même hiver qu’Emilie maintenant âgée de quarante-trois ans tombe enceinte à nouveau.  Elle accouche de leur onzième et dernier enfant le 4 août 1899.  On prendra deux jours pour amener à son baptême le poupon à l’église de Saint-Félicien.  Cette dernière a plutôt l’apparence d’une chapelle puisqu’elle est toujours sans son clocher, disparu dans la tornade deux ans plus tôt[28].  C’est l’aîné Ovide qui est choisi comme parrain de «  Joseph Raoul Harvey ».  La marraine, Albertine Tremblay, est une cousine de l’enfant.  Les parents n’auront guère de chance puisque l’enfant ne vivra que cinq mois ; il décède le 8 janvier 1900.  Hercule et Alphonse Castonguay (1856-1933), le mari de sa nièce Olivine Harvay, enterrent le petit le lendemain[29].

Avec ces drames, l’année 1900 marque donc la fin de l’aventure jeannoise pour Hercule et sa famille.  Au début de juin, il se présente avec son fils aîné, qui ne sera majeur qu’en septembre, chez le notaire Flavien Coulombe à Roberval pour liquider et vendre ses acquis à Alfred Tremblay (1848-1914)[30].  La famille de ce Tremblay, aussi résident de Saint-Félicien, est liée à Olivine Harvay, la nièce d’Hercule

Après avoir liquidé ses biens dans la région, Hercule Harvay quitte donc le lac Saint-Jean pour aller s’établir au Saut Montmorency dans la paroisse de Saint-Grégoire de Montmorency.  Il y sera le plus souvent appelé Hercule Hervé.  Peut-être était-ce ainsi qu’il prononçait son patronyme, à l’ancienne.  Sachant parler l’anglais, une fois à Québec, il ne tardera pas à se trouver un emploi pour la compagnie de chemin de fer dont les installations sont à un jet de pierre de chez lui et où les contremaîtres sont tous anglophones.  

En 1884, la Quebec and Levis Electric Light Company avait débuté l’exploitation de la force hydraulique de la chute Montmorency, en transformant en centrale l’ancienne manufacture de seaux et de manches à balai de la famille Hall au pied de la petite chute, la chute de la Dame-Blanche.  La centrale était demeurée en service jusqu’en 1894 et avait été convertie en atelier de réparation de wagons par la Quebec, Railway, Light and Power Company à partir de 1899[31].  C’est dans cet atelier qu’Hercule, dès le mois d’août 1900, trouve un emploi et exerce son métier de forgeron.

À l’arrivée d’Hercule au Bas du Sault, ce lieu est le berceau de la Quebec Railway, Light & Power Company et de la Montmorency Cotton Mills Co.[32]. La Quebec Railway, Light & Power Company, en plus d’alimenter les moulins de la Montmorency Cotton Co., alimente le chemin de fer entre Québec et Saint-Joachim, ainsi que les chemins de fer et les tramways de la ville et ses banlieues.  De plus, la centrale électrique fournit l’électricité aux résidences de Québec qui peuvent se le payer et l’éclairage des rues de Québec[33].  Hercule y voit là une occasion de carrière qu’il semble vouloir poursuivre toute sa vie. Toutefois, les besoins de sa famille et son esprit entrepreneurial l’amèneront ailleurs. 

Le plus important sans doute pour la famille est la présence de la filature de coton Montmorency Cotton Mills Co. Ltd aussi située à Saint-Grégoire de Montmorency au Bas du Sault, car plusieurs des enfants d’Hercule y travailleront.  D’ailleurs, ses trois plus vieux Ovide, Marie Edile et Emélie s’y trouvent un emploi dès leur arrivée.  Il en est de même de ses deux chambreurs, les fils de sa sœur Marie Marthe, Alphonse et Joseph Desgagnés, qui eux aussi travaillent au moulin à coton.  Au printemps 1901, ils sont maintenant onze dans le logement qu’occupe Hercule et sa famille.  Hercule Harvé, et Émilie sa femme, leurs enfants, Ovide, Marie Édile, Emélie, Léandre, Wilfrid, Elédie, Joseph et les deux neveux Alphonse et Joseph[34].

L’année suivante, Hercule ne se rend probablement pas à l’Isle-aux-Coudres pour les funérailles de son père le vendredi 6 juin 1902.  Le trajet par le chemin de fer de la Bonne Sainte-Anne, appartenant à son employeur la Quebec Railway, Light & Power, ne se rendait qu’à Saint-Joachim et il faudra attendre encore plusieurs années avant qu’il se rende à Baie-Saint-Paul.  S’il a été informé du décès deux jours plus tôt, il ne semble pas s’y être présenté.  Il était probablement trop tard pour se rendre à Québec afin d’y dénicher une goélette se rendant à l’Isle.  Son absence n’est pas différente de tous ses frères vivant loin de leur île depuis longtemps, lesquels ne s’y sont pas rendus non plus.  Seul Paul insulaire et son aîné, est mentionné au registre de la cérémonie.  D’ailleurs à l’Isle l’hécatombe dans la famille continue avec le décès de Phébé (1847-1902) en août et celui de Paul (1835-1902) en novembre.  Lorsqu’il retournera à l’Isle, ce qu’il semble avoir fait plusieurs fois, Hercule n’y retrouvera plus que ses trois sœurs : Justine, Marie Marthe et la cadette Caroline.  Par contre, une ribambelle de neveux, nièces et cousins l’accueilleront. 

En 1902, la municipalité du village de Montmorency est créée et les membres du premier conseil sont choisis par le curé de Saint-Grégoire.  Hercule s’accommodera très bien de ce curé qui voit tout autant au développement de son village qu’au salut de l’âme de ses ouvriers. 

À l’été 1903, ce sont les retrouvailles en famille.  Hercule et les siens se rendent à Roberval visiter ses frères Ferdinand et Marcel.   Il se rend aussi voir les enfants de feu son frère Louis Didier, Louis Dominique à Roberval et Olivine à Saint-Félicien.  Lui qui est maintenant forgeron pour les chemins de fer à Québec aura dû bénéficier des rabais consentis aux employés pour revenir au lac.  C’est pendant la période de la visite d’Hercule que la femme de son frère Marcel donne naissance à un troisième fils.  Lors du baptême le 18 juillet, c’est la fille aînée d’Hercule, « Marie Edile Harvey », qui est marraine[35].  On retrouvera Hercule lors de nombreuses réunions de famille.  Il sera toujours un grand voyageur et probablement le lien entre les membres de cette famille dispersée aux quatre vents.

Le village ouvrier du Bas du Sault où la famille vit est formé d’un tracé de rues étroites.  Les terrains qui s’étendaient autrefois jusqu’à la grève sont subdivisés en petits emplacements où sont construites une multitude de petites maisons où logent Hercule et les autres familles des nombreux ouvriers embauchés par la compagnie de chemin de fer et la filature.  Les rues y sont si étroites que les cordes à linge sont installées d’une maison à l’autre au travers des rues. Sauf quelques maisons de notables, la plupart des habitations sont faites de bois sans solage, mais garnies de longues galeries en façade et comportent généralement des logements sur deux ou trois étages. Plusieurs familles s’entassent donc dans ces habitations qui souvent n’ont pas de cour arrière outre un espace pour les bécosses.  On est à l’étroit, à la vue des voisins et coincé dans un espace restreint, entre la falaise, le Saint-Laurent et la filature.  Ces alignements de maisons à logements et les voies ferrées qui traversent le Sault Montmorency sont une cassure dans le paysage rural de la côte de Beauport où au haut de la côte de Courville s’étendent encore les fermes.  Chaque jour, une fois sortie de la graisse et la poussière de l’atelier d’entretien où il travaille, Hercule regarde le haut de cette côte et réfléchit à son avenir.  

Au printemps 1904, l’aîné d’Hercule et d’Émilie se marie.  « Ovide Hervay » sera le premier de leurs enfants à le faire.  Le mardi 17 mai, il épouse Marie Marguerite Péloquin.  Cette dernière est issue d’une famille ouvrière venue gagner sa croûte à la filature du Bas du Sault[36].  Ovide ne semble pas quitter le logement ou la maison où habite son père et sa famille au moment de son mariage comme nous le verrons dans quelques années.   

En 1905, quatre entreprises, dont la Montmorency Cotton Mills Company qui possède la filature du Bas du Sault, se fusionnent pour former la Dominion Textile Company.  Cela ne changera rien au fait que presque tous les membres de la famille y travaillent maintenant et continueront d’y gagner leur vie et cela jusqu’en 1907, l’année d’une crise économique qui obligera la filature mettra à pied plus de cinq cents employés.  Par contre, la Grande Guerre dans quelques années entraînera une cadence infernale à la filature et l’on réembauchera plus de mille travailleurs.

Après vingt-huit ans de vie commune et onze grossesses dont la plupart furent difficiles, Marie Emilie Tremblay décède le 9 avril 1906 à l’âge de quarante-neuf ans.  Joseph Hercule, le plus jeune de ses enfants à dix ans.  Était-elle malade depuis longtemps ? Certains événements qui viendront le laissent penser.  Elle est inhumée deux jours plus tard dans le cimetière paroissial de Saint-Grégoire-de-Montmorency[37]. 

Quatre mois après le décès de sa mère, « Emelie Hervé », toujours mineure, épouse le 14 août François Lavoie, un navigateur de La Malbaie.  Le navigateur n’amènera pas sa belle très loin, car encore une fois, Hercule ne laissera pas partir sa progéniture comme nous le verrons[38].

Les pissenlits n’ont pas le temps de pousser sur la tombe d’Émilie qu’ « Hercule Hervé » se remarie le 8 octobre 1906[39].  Georgiana Tremblay (1863-1953) est veuve de Joseph Rochefort (1857-1897) depuis neuf ans.  Âgée de quarante-trois ans, elle est mère de sept enfants vivants dont le plus jeune a neuf ans.  Un mariage de convenance ou d’amour ? Les deux veufs ont déjà chacun une trollée d’enfants et à cinquante ans Hercule trouve un bon parti en la jeune veuve Rochefort.  L’évêque n’hésite pas à accorder une dispense de deux bans de mariage comme cela se fait dans de telles circonstances.  C’est afin de faire vivre ses enfants sans doute que Georgiana Tremblay avait quitté son village des Éboulements en 1899[40] pour s’établir près de la Montmorency Cotton Manufacturing Company Limited, la compagnie de filature de coton où trois de ses plus vieux travaillent comme fileur, fileuse et tisserand, supportant ainsi la famille[41].  À l’époque, c’est mille cinq cents travailleurs qui étaient employés à la filature de coton.

Avec tous les enfants de Georgiana et les siens, Hercule décide de se faire construire.  Il avait acquis depuis un certain temps un terrain de « quarante-neuf pieds de front sur quatre-vingt-huit pieds de profondeur » dans la Côte de Courville[42] en montant au Haut du Saut.  Selon toute vraisemblance, il acheta ce terrain de l’abbé Jean Baptiste Ruel, le curé-fondateur de Montmorency, qui y avait bâti un presbytère en 1892, l’église en 1897 et qui fonda un couvent en 1903.  D’ailleurs, le terrain d’Hercule est borné au sud et à l’est par des terrains appartenant toujours au curé, alors qu’à l’ouest il a comme voisin les terrains de la Montmorency Cotton Mills.  Considérant que cette dernière compagnie fut fusionnée en 1905 à la Dominion Textile, il y a lieu de croire qu’Hercule avait acheté ce terrain depuis un certain temps[43].

Hercule laissera donc le milieu ouvrier du Bas du Sault pour s’installer dans les hauteurs.  Le 12 août 1907, il donne à forfait la construction de cette maison à Pierre Noël Mathieu qui possède la cour à bois du village.  Mathieu devra avoir terminé la construction dans trois mois, car Hercule veut y habiter dès l’automne, car sa femme attend un autre enfant et que la place commence à manquer dans son logis.  Hercule donne son terrain comme garantie hypothécaire au contrat[44].  Hercule n’est pas le seul à gravir la côte, car bon nombre de travailleurs et d’ouvriers ne trouvent plus à se loger au Bas du Sault.  Certains doivent donc gravir la falaise pour s’établir au Haut du Sault

Georgiana Tremblay, la nouvelle épouse, met au monde au début de l’automne le seul enfant que le couple aura.  « Marie Anna Georgiana Hervé » naît le 29 septembre 1907.  L’aîné Ovide, « le frère paternel » de l’enfant est parrain alors qu’Alida Rochefort, « la sœur maternelle » est marraine[45]. 

C’est aussi au cours de cet automne que s’effectue le grand déménagement de la famille.  Les deux nouveaux mariés et leur famille, son aîné Ovide et sa fille Emélie déménagent également et seront les voisins d’Hercule et de Georgiana pour longtemps.  Ils habitent trois logements différents dans la même maison.  La Côte de Courville et ses maisons aujourd’hui non guère changés.  Pour celles qui n’ont pas été détruites avec le temps, bien qu’ils aient été rénovés, encore plusieurs cachent le style triplex où la famille habita.  Le prochain bâtiment vers le bas de la côte est une « maison d’appartements » appartenant à la Dominion Textile où logent ses employés. 

Hercule ne tardera pas à payer sont entrepreneur une fois les travaux terminer, car dès janvier 1908, ce dernier lui signe une quittance devant notaire.  Hercule ne se présente pas seul avec son entrepreneur devant le notaire ; il y amène également Jean Baptiste Ruel, son curé.  Non satisfait de la dimension de son terrain, il l’agrandit en achetant du curé une nouvelle parcelle de ses terres[46]. 

C’est seulement en 1909 que se marie l’aînée qui a maintenant vingt-sept ans.  Comme le faisaient souvent les aînées, « Marie Edile devait avoir attendu un peu pour s’occuper de sa mère malade et de son père après le décès de cette dernière.  Aujourd’hui, en ce 5 juillet, elle épouse Joseph Morin, journalier et fils de navigateur de Saint-Henri-de-Taillon »[47].  Son père et son oncle Marcel agissent comme témoin.  Après avoir quitté Roberval, ce dernier s’était installé avec et sa famille dans le quartier Limoilou.  On ne sait pas si Hercule aida son frère à trouver du travail à son arrivée dans la région de Québec, mais, quoi qu’il en soit, il est employé comme journalier pour le chemin de fer.  Marie Edile et son mari iront habiter un logement pas très loin de l’oncle Marcel dans le nouveau quartier Limoilou.  Comme le service ferroviaire relie ce quartier au Bas du Sault, Hercule n’aura pas de difficulté à visiter sa fille et son frère ainsi que ses neveux qui habitent les quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur.

Le 4 juillet 1910, Hercule et Georgiana perdent le seul enfant qu’ils eurent ensemble.  « Marie Anna » décède alors qu’elle n’avait pas trois ans[48].

Hercule et Georgiana ont vu plusieurs de leurs enfants quitter la maison ces dernières années.  En ce début de juin 1911, des enfants d’Hercule, seuls Wilfrid, Marie Elédie dite Lydia et le cadet Joseph vivent toujours avec eux.  Georgiana à, quant à elle, trois de ces filles qui sont toujours à la maison, Alida, Julia et Alma.  À l’exception d’Alma qui ne travaille pas, les cinq autres enfants sont employés à la Dominion Textile alors qu’Hercule, pour quelque temps encore, est toujours forgeron pour les chemins de fer.  Ils ne sont donc plus que huit à la maison.  Les familles de l’aîné Ovide et d’Emélie demeurent toujours dans des logements de la maison d’HerculeOvide se débrouille très bien comme menuisier sur la construction et gagne le double de ses frères et sœurs de la Textile, soit presque qu’autant que son père.  Le gendre François, l’époux d’Emélie, a adopté le métier de son père puisqu’il est maintenant navigateur sur un vapeur[49].  À vingt-deux ans, bien qu’il ne soit pas encore marié, Léandre n’est plus à la maison[50] ? 

Hercule, comme on l’a vu, est un voyageur et il n’y a aucun doute qu’il devait rendre visite à ses sœurs et ses parents à l’Isle, comme il visitait la famille de sa femme aux Éboulements.  Il est aussi probable que ses enfants aient pu passer certains étés chez les insulaires apparentés pour y travailler à la ferme.  Son fils Wilfrid par exemple, épousera une fille résidant à l’Isle en octobre 1917 ; il ne devait pas s’être connu par correspondance, mais probablement l’avait-il rencontré au cours de l’été ? S’il l’avait fréquenté l’hiver précédent, le voyage aurait été laborieux, car le train ne se rendait toujours qu’à Saint-Joachim.  Une fois rendu à cet endroit, il aurait fallu qu’il trouve un attelage en partance pour la baie Saint-Paul et alors glisser durant de nombreuses heures pour parcourir les trente-six milles de froidure qui sépare les deux villages pour alors devoir en trouver un nouveau qui l’amènerait à Saint-Joseph-de-la-Rive douze milles plus loin et enfin devoir attendre la prochaine batelée en partance pour l’île ; une aventure de quelques jours pouvant décourager même l’amour.  Le train de Saint-Joachim n’offrant pas une solution intéressante, on peut penser plutôt que l’été, les goélettes de l’Isle appartenant à ces cousins devaient être le moyen de transport d’Hercule ; le quai au Saut n’est pas encore démoli et les quais de Québec sont à moins de huit kilomètres par train.     

Alors qu’il a près de cinquante-sept ans, la vie d’Hercule et de sa famille prend un nouveau tournant.  Depuis des années, le nombre de familles augmente, car avec la filature, la centrale électrique et les ateliers du chemin de fer, le secteur est en plein essor.  La construction qui n’en finit plus au Haut du Sault repousse les fermes et Hercule y voit là une occasion d’ouvrir une épicerie accessible aux travailleurs.  C’est donc avec l’aide de son bon curé Jean Baptiste Ruel qui lui donne un coup de pouce de départ qu’il ouvre une première épicerie rue François-Xavier en juillet 1913.  Le forgeron devenu épicier y emploie la famille[51].  À l’Épicerie Harvey, Wilfrid et Léandre seront commis.  C’est d’ailleurs ces derniers qui prendront en main l’épicerie du père à son décès.      

L’été suivant, à la fin juillet 1914, Marie Elédie dite Marie Élodie quitte le domicile familial pour épouser elle aussi un Lavoie tout comme sa sœur Emelie.  Bien que les deux porteurs du patronyme Lavoie soient tous deux issus de la lignée des De Lavoye dit Lavoye de Petite-Rivière, leurs liens familiaux remontent à deux cents ans.  Alors que l’époux d’Emelie est natif de Saint-Étienne de la Malbaie, Joseph Noël Lavoie, l’époux de Marie Élodie est quant à lui natif de la Petite-Rivière Saint-François[52].   

Les nombreux enfants nés Rochefort de Georgiana et les Hervé d’Hercule semblent s’être accommodés assez bien de la cohabitation des deux familles.  Léandre ira même jusqu’à épouser l’une des filles de Georgiana.  L’histoire ne dit pas si les parents avaient vu venir la chose, mais quoi qu’il en soit, le 6 mars 1916, « Léandre Hervé » épouse Julia Rochefort (1895-1997), celle qui vivra cent deux ans[53].  Hercule favorisera les liens familiaux en aidant probablement ces neveux et nièces à la recherche d’emploi.  À cette époque, le cousin de Léandre, Narcisse Harvay (1874-1956), fils de l’oncle Joseph décédé trente ans plus tôt, s’établit à Saint-Grégoire de Montmorency avec sa famille.  Léandre et sa femme seront parrain et marraine d’un des enfants de ce dernier l’année suivante[54] alors que Wilfrid sera parrain du prochain[55].    

En octobre 1917 c’est au tour de Wilfrid de se marier, mais dans son cas ce sera à l’Isle-aux-Coudres.  On ne sait pas si la famille, pour se rendre à l’île, prit le nouveau prolongement du chemin de fer qui venait d’atteindre Petite-Rivière-Saint-François cet automne-là, mais quoi qu’il en soit, Hercule, le « marchand de St-Grégoire de Montmorency », assiste à la cérémonie en l’église Saint-Louis.  Wilfrid s’est amouraché d’Azilda Bergeron, une parente de tous les côtés.  Azilda est la petite-fille de Marthe Harvé, la sœur d’Hercule et on se souviendra du lien qui unissait la famille de Germain Hervé, le grand-père de l’époux, aux Bergeron[56].  Ce sera d’ailleurs

Hercule et Georgiana que Wilfrid et son épouse choisiront lors de la naissance de leur premier enfant neuf mois plus tard[57].

Après le moment heureux de juillet vient le temps gris d’automne.  Outre ses quatre enfants décédés en bas âge, Hercule avait vu grandir les sept autres jusqu’à l’âge adulte.  Le 10 octobre, il perd son cadet Joseph Hercule alors que ce dernier n’avait que vingt-trois ans[58].  Deux semaines plus tard, Hercule assiste aux funérailles de son gendre Joseph Morin. 

Sa fille Marie Edile quittera le quartier Limoilou pour celui de Saint-Roch[59].         

Après son mariage, Hercule avait offert à son fils Léandre de s’installer chez lui avec son épouse.  On se souviendra que les deux autres logements de la maison d’Hercule étaient occupés à l’époque par les familles d’Ovide et d’Emélie.  En juin 1921, la situation a passablement changé ; Wilfrid et sa famille ont pris le logement d’Ovide qui réside dans le quartier Limoilou depuis 1912[60] et Marie Elédie dite Élodie a pris celui de sa sœur Emelie qui a déménagé également.  Hercule l’« épicier » et sa femme Georgina hébergent encore Léandre et son épouse qui ont maintenant trois enfants[61].  Wilfrid et Léandre sont toujours commis à l’épicerie de leur père avec qui il semble partager les profits.

Le train d’Hercule, forgeron de la compagnie de chemin de fer converti en épicier, s’arrête le jeudi 8 mai 1924 alors qu’il n’a pas encore soixante-huit ans.  Il est inhumé dans le cimetière paroissial de Saint-Grégoire de Montmorency quatre jours plus tard[62].

Joseph Hercule Harvay, ses enfants, données généalogiques — 7e génération

[1] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 31 août 1856. 

[2] B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, pages 137.  Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861.

[3] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, page 1 et 2.

[4] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 26 mars 1877. 

[5] Ibid., 2 juillet 1882.

[6] Ibid., 31 juillet 1877.

[7] Ibid., 27 août 1878.

[8] Ibid., 26 novembre 1856.

[9] Ibid., 4 septembre 1879.

[10] Ibid., 2 mai 1882, 19 juillet 1886 et 10 mars 1889.

[11] Ibid., 21 février 1882, 24 mai 1884 et 27 octobre 1885.

 

[12] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, pages 20 et 21.

 

[13] A.N.Q., GN. Minutier Charles Boivin, 21 décembre 1888.  Obligation du sieur Hercule Harvey au sieur Léandre Tremblay.

[14] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 24 septembre 1889. 

[15] A.N.Q., GN. Minutier Charles Boivin, 17 avril 1890. 

[16] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 3 avril 1891. 

[17] B.A.C., G., Recensement de 1891, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, pages 8 et 9.  Le recensement a débuté officiellement le 6 avril 1891.

[18] A.N.Q., GN. Minutier Charles Boivin, 8 octobre 1892.  Lot faisant partie du numéro deux du cadastre officiel. 

[19] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 26 septembre 1893.

[20] Ibid., 16 juin 1895.

[21] Cette liste de départs établie à partir de divers actes notariés et des registres religieux n’est pas exhaustive.  Il semble que d’autres jeunes gens et jeunes familles apparentées soient également partis avec eux puisque l’on retrouve la présence de certains à Saint-Félicien et Roberval entre 1895 et 1910. 

[22] Je n’ai pu retrouver l’acte notarié de la vente de sa maison au minutier du notaire Charles Boivin de la baie Saint-Paul.  Un parent aura pu l’avoir occupé sans qu’Hercule s’en départisse, car à l’époque il y avait plus de maisons que de famille d’insulaires pour les occuper.

[23] On ne sait pas si Hercule fit venir le reste de sa famille par la suite, mais on le présume.  Une source non vérifiable mentionne qu’il se serait installé à Saint-Félicien ce qui est possible, car en 1899, son fils aîné y sera parrain au baptême de l’une des filles de sa cousine Marie Éléonore dite Olivine Harvay qui y demeure également.  De plus, Hercule se présentera avec ce même fils devant un notaire en juin 1900 à Roberval pour liquider ses biens avant son départ pour Saint-Grégoire de Montmorency où il ira s’établir avec sa famille au cours de l’été. 

[24] CÔTÉ, Pierre L. Saint-Félicien: son histoire religieuse. Saint-Félicien, Fabrique de la paroisse de Saint-Félicien, 1984, pages 72 et 77.

[25] BAnQ., Journal le Progrès du Saguenay, édition du 15 juillet et 5 août 1897.

[26] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 21 janvier 1898.

[27] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Félicien, 23 février 1899.

[28] CÔTÉ, Pierre., op. cit., page 83.

[29] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Félicien, 8 juin 1899 pour le baptême et 9 janvier 1900 pour la sépulture.

[30] A.N.Q., GN. Minutier Flavien Coulombe, 8 juin 1900.

[31] FORTIN, Jean-Pierre. La vie au Bas du Sault Montmorency : paroisse St-Grégoire, 1890-1990.  Beauport, La Paroisse, 1989, page 278.

[32] Cette dernière deviendra la Dominion Textile Company en 1905.

[33] BAnQ., Quebec Railway, Light & Power Company, Montmorency Falls and St. Anne de Beaupré : reached from Quebec by the Quebec Railway Light & Power Co., Quebec, Montmorency and Charlevoix Railway, Montréal, s.n., 1899, page 29.

[34] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Québec, sous-district de la paroisse de Beauport, page 29.  Hercule et sa famille furent recensés le 12 avril 1901.

[35] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame-du-Lac de Roberval, 18 juillet 1903. 

[36] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 17 mai 1904.  Dites Péloquin au registre lors de son mariage et Poliquin partout ailleurs.

[37] Ibid., 11 avril 1906.

[38] Ibid., 14 août 1906.

[39] Ibid., 8 octobre 1906.

[40] TALBOT, Pierre. Site de Généalogique à la mémoire de Julia Rochefort-Harvey [En ligne]. http://www.kebecs.com/talbot/index.html [page consultée le 6/3/2012].

[41] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Québec, sous-district de la paroisse de Beauport, page 10.

[42] Dans la portion de la Côte aujourd’hui nommée Côte Saint-Grégoire près de l’église.

[43] Les informations historiques relatives au Bas du Sault ont été tirées de : LÉGARÉ Denyse et Paul LABRECQUE. Histoire de raconter Montmorency ou le Bas-du-Sault.  Beauport, division de la culture, 2010, 23 pages et dans : FORTIN, Jean-Pierre. La vie au Bas du Sault Montmorency : paroisse St-Grégoire, 1890-1990.  Beauport, La Paroisse, 1989, 435 pages.

[44] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Désiré Marcoux, 12 août 1907.

[45] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 29 septembre 1907.

[46] A.N.Q., GN. Minutier Pierre Joseph Ruel, 16 janvier 1908.  Quittance de Pierre Noël Mathieu et achat à Jean Baptiste Ruel, curé.

[47] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 5 juillet 1909.

[48] Ibid., 5 juillet 1910.

[49] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Québec, sous-district Saint-Grégoire de Montmorency, village de Montmorency, page 11.

[50] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Montréal, sous-district quartier Saint-Jacques, page 30.  Le seul Léandre que j’ai pu trouver en utilisant toutes les formes connues du patronyme est un Léandre Hervé, pensionnaire à Montréal, mais il est âgé de vingt-neuf ans.

[51] A.N.Q., GN. Minutier Aurèle Leclerc, 16 juillet 1913.  Convention entre Jean Baptiste Ruel, curé et Hercule Harvey.

[52] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 27 juillet 1914.

[53] Ibid., 6 mars 1916.

[54] Ibid., 28 octobre 1917.  Baptême de Marie Rose Gratia Harvey.

[55] Ibid., 18 mai 1919.  Baptême de Marie Yvette Harvey.

[56] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 18 octobre 1917.  Le train atteint Petite-Rivière-Saint-François à l’automne 1917 et Baie-Saint-Paul l’année suivante, le 25 juillet 1918.

[57] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 6 juillet 1918.  Baptême de Marie Marguerite Georgiana Harvey.

[58] Ibid., 11 octobre 1918.

[59] BAnQ., Registre des sépultures, cimetière Saint-Charles, Québec, 23 octobre 1918.

[60] BAnQ., Registre de la paroisse  Saint-Charles de Limoilou, 14 juin 1912, baptême de Marie Gratia Émédine Harvay.  Et B.A.C., G., Recensement de 1921, district de Québec-Est, sous-district du quartier de Limoilou, page 8.

[61] B.A.C., G., Recensement de 1921, district de Québec, sous-district Saint-Grégoire de Montmorency, village de Montmorency, page 22.

[62] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Grégoire-de-Montmorency, 12 mai 1924.