3 Geneviève Hervé

5.6.09.3 Geneviève Hervé (1800-1867), 5e génération


Il ne se passe pas seize mois avant que Dominique Isaïe (1775-1851) et Marie Magdeleine Perron (1771-1833) soient parents de nouveau.  Les deux premiers enfants sont probablement encore aux couches lorsque naît Geneviève le 21 juillet 1800 à Saint-Étienne de la Malbaie.  Le baptême n’est célébré que trois jours plus tard lors du passage de Jean Baptiste Antoine Marcheteau (1761-1816), curé des Éboulements desservant la paroisse, déjà orpheline d’un pasteur, après le bref passage de Joseph Benjamin Keller (1797-1799).  Avec le retour d’un curé francophone venant d’ailleurs que de Murray Bay, Geneviève portera le patronyme de Hervé.  Le parrain de l’enfant a été François Tremblay alors que la marraine choisit est la tante par alliance de l’enfant, Marie Imbeault (1775-1855) femme de Antoine Perron (1769-1822).  Ils sont tous illettrés selon le curé[1]

Geneviève Hervé épousera Augustin Lorencelle (1801-1880)[2] le 27 octobre 1834 dans l’église Saint-Étienne de la Malbaie.  Augustin est un journalier qui réside à Saint-André de l’Islet-du-Portage sur la Côte-du-Sud.  À l’époque, un grand nombre de résidents du sud du fleuve s’installe dans la région.  Natif de Saint-Augustin-de-Desmaures à l’ouest de Québec, il est fils du maître d’école de ce village, un Français arrivé en Nouvelle-France en 1755 comme soldat des troupes de Montcalm, du régiment Béarn, compagnie de Montredon[3]Augustin est à la recherche d’un gagne-pain comme tant de jeunes sans-terre de sa génération[4]

Le couple s’installe d’abord dans la paroisse de Saint-Étienne de la Malbaie où Augustin y trouve de l’emploi comme journalier.  Les cinq enfants qu’on leur connaît naissent dans cette paroisse.  Il y eut d’abord Augustin né le 24 décembre 1835 et dont le parrain fut le grand-père Dominique Isaïe Hervé comme la tradition le voulait alors pour un premier fils.  Puis viendront Eustache le 19 septembre 1839, Célestin le 30 mars 1840, lequel décédera trois mois plus tard, Marie Philomène le 8 juillet 1841 qui décédera aussi en 1843 et enfin Marie le 28 août 1843.   

Peu de temps après la naissance de la petite dernière, comme plusieurs autres natifs de Saint-Étienne de la Malbaie, la famille part s’établir sur une terre de la Haute-Côte-Nord dans la seigneurie de Mille-Vaches, alors propriété de la Compagnie de la Baie d’Hudson. 

La côte entre les Escoumins et les Mille-Vaches abrite alors plusieurs petits postes de pêche et certaines baies, comme celle de Mille-Vaches qui produisent d’abondantes récoltes de foin de grève.  Les autochtones y pêchent occasionnellement le saumon «au flambeau, car ils n’ont pas assez de temps pour installer des filets permanents».  

En 1843, un chantier important s’est ouvert «au quatre milles» sur la rivière Portneuf, aux limites de la seigneurie de Mille-Vaches.  Douze cultivateurs de la Malbaie s’y sont engagés pour y faire de la coupe du bois pendant l’hiver[5]Augustin Lorencelle est du nombre et arrive avec Geneviève Hervé et leurs enfants tout comme la famille de sa sœur aînée Marie Madeleine (1797-1875).  Leur sœur cadette Catherine (1814-1886) les accompagne.  L’entrepreneur James Gibb de Québec y fait construire par Alexis Tremblay dit picoté (1787-1859), avec la permission de la Compagnie de la Baie d’Hudson, une très grande scierie entourée d’une douzaine de bâtiments.  Près de cent cinquante personnes y vivent, dont quelque soixante à soixante-dix travailleurs[6].

Geneviève et sa famille sont parmi les premiers colons de la seigneurie de Mille-Vaches.  Augustin deviendra journalier-cultivateur aidé de ses deux fils.    

En 1847 Suzanne (1808-1858), une sœur puînée de Geneviève, s’établit elle aussi aux alentours de Sainte-Anne de Portneuf sur la Haute-Côte-Nord dans la seigneurie de Mille-Vaches avec sa famille.  Quatre des cinq filles de Dominique Isaïe sont maintenant réunies dans cette partie de la Côte-Nord, mais pas pour longtemps, car vers 1850, l’aînée Marie Madeleine repart avec sa famille pour Saint-Étienne de la Malbaie.  Geneviève et sa famille par contre y sont toujours en 1852[7]

Augustin, leur fils aîné, quitte le hameau à l’été 1852 pour trouver du travail de journalier au moulin à scie nouvellement ouvert aux Escoumins à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de la baie de Mille-Vaches.  Il y trouvera également une épouse originaire de Saint-Ferdinand d’Halifax dans la région connue aujourd’hui comme le Centre-du-Québec.  Le couple partira s’installer comme cultivateur à Saint-Ferdinand sur une ferme pour quelques années à plus de quatre cents kilomètres de chez Geneviève.  C’est à son mariage aux Escoumains en 1853 que Geneviève avait vu son fils pour une dernière fois.  À son retour à la baie de Mille-Vaches en 1857, il ramenait à Geneviève deux petits-enfants dont elle ne connaissait sans doute pas l’existence.

Vers 1853, Geneviève et sa famille avaient vu arriver un groupe de colons venus de la région de Charlevoix, de Kamouraska, de Sainte-Françoise, de Saint-Onésime et de Saint-Simon qui s’installait à Mille-Vaches au moment où le village prenait forme à l’embouchure de la rivière du Sault-au-Mouton[8]Augustin et son fils Eustache, maintenant marié, continuent de cultiver la terre et de travailler au chantier. 

En 1854, Alexis Tremblay «le picoté» quitte la scierie «au quatre milles».   Augustin Lorencelle aura un nouveau maître de chantier anglophone puisque le marchand Gibb le remplace par John Peverly.  En 1859, le propriétaire du moulin James Gibb décède.  Bien que l’incertitude s’installe pour quelque temps, John Peverly continue les opérations pour la succession.  Augustin pourra continuer d’y offrir ses bras de journalier, mais pas pour longtemps.  En 1864, le moulin et l’écluse «au quatre milles», devenu Saint-Georges de Portneuf en 1849, sont détruits par le feu.  L’année suivante, les chantiers sont fermés à Saint-Georges.  Peverly quitte et Augustin se retrouve sans emploi.

En 1865 la famille doit se contenter de survivre avec les limites de sa petite production agricole et de la pêche.

Geneviève, pour une raison qui nous est inconnue, quitte Mille-Vaches pour L’Ancienne-Lorette près de Québec où elle décède le 14 septembre 1867 à l'âge de soixante-sept ans.  Elle est inhumée dans le cimetière de cette paroisse.  Son époux, qui n’assiste pas à l’inhumation, demeure toujours à la baie de Mille-Vaches comprise dans «la paroisse des Escoumains»[9]

Que faisait Geneviève seule à cet endroit alors qu’aucun Harvey et qu’aucun Laurencelle n’y réside à l’époque? Elle a bien un beau-frère, Prisque Laurencelle (1798-1874) qui demeure à Cap Santé, mais ce village est à cinquante kilomètres de L’Ancienne-Lorette.  Que s’est-il passé après la fermeture du chantier deux ans plus tôt pour que Geneviève quitte la seigneurie des Mille-Vaches

Son époux Augustin continuera d’habiter les Ecoumins sur la Haute-Côte-Nord par la suite avec son fils Eustache et l’épouse de ce dernier, Lumina Tremblay[10].   Eustache fils de Geneviève décède à son tour le 25 mars 1873 et est inhumé le 28 dans cette même mission Saint-Paul de Mille-Vaches devenue paroisse en 1870. 

Augustin meurt le 5 octobre 1880 à Baie-des-Mille-Vaches[11].

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 24 juillet 1800.

[2] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Augustin, 6 septembre 1801.  Né Augustin Zacharie Lorencel.

[3] Fichier Origine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 242329. LAURENCELLE, Joseph-Germain.

[4] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 27 octobre 1834.

[5] A.N.Q., GN. Édouard Tremblay, 7 août 1843.  

[6] FRENETTE, Pierre. Pionniers et squaters de la Haute-Côte-Nord : les explorations de Duberger. Histoire Québec, (2009), 15 (1), pages 29–33.

[7] B.A.C., G., Recensement de 1851, comté Saguenay, district no quatorze de Bergeronnes, page 3.  L’énumération connue sous le nom du Recensement de 1851 a débuté officiellement le 12 janvier 1852.

[8] Aujourd’hui appelé Longue-Rive et aussi Saint-Paul-du-Nord, Mille-Vaches est située sur la Haute-Côte-Nord, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Tadoussac et à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Baie-Comeau.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse de Notre-Dame-de-l’Annonciation de L’Ancienne-Lorette, 16 septembre 1867.

[10] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Saguenay, sous-district, Escoumains, page 17.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse de Saint-Paul de Mille-Vaches, 8 octobre 1880.