06. Joseph Harvé

6.6.11.3.06 Joseph Harvé (1842-1887), 6e génération

Joseph Harvé est mon ancêtre de sixième génération. Vous me pardonnerez le fait que sa biographie soit un peu plus longue que celles des autres enfants de Germain.

Joseph Harvé est né le 3 août 1842. Il est le troisième fils et sixième enfant de Germain Harvay et d’Archange Desbiens. Contrairement à son père et son grand-père, il n’héritera pas de la terre familiale. C’est Paul, l’aîné, qui se préparera longtemps à remplacer le père. Conséquemment, Joseph sera une paire de bras de plus sur la terre tant qu’il ne trouvera pas un emploi lui offrant l’indépendance suffisante pour voler de ses propres ailes et s’installer.

On donna à Joseph le prénom de son parrain, Joseph Harvé. Les curés de l’Isle dans leurs registres ont toujours eu le « Joseph » et la « Marie » facile. Comme pour d’autres avant lui, le treizième curé, Martin Léon Noël de Tousignan (1808-1855) qui ne fera qu’un bref passage de quatre ans à l’Isle, note simplement le prénom sans préciser un quelconque lien de parenté. Qui est donc ce parrain ? On peut compter deux possibilités de Joseph chez les Harvé à l’Isle : le grand-père de l’enfant (1782-1867) et le cousin de son père, Joseph (1809-1869), le fils de l’oncle Louis (1784-1863), voisin. On peut probablement exclure la possibilité qu’il s’agisse du grand-père, car le couple, sans que l’on ne sache pourquoi, n’a pas suivi l’usage de choisir les grands-parents lors de la naissance de leur premier fils et première fille. Comme le couple semble avoir choisi des gens des alentours pour chacun des baptêmes dont déjà trois des cinq enfants de l’oncle Louis, il va de soi qu’il s’agit de ce quatrième cousin chez l’oncle Louis. On peut exclure Joseph Arvé, l’oncle du nouveau-né, puisqu’il trime déjà sur sa terre de Saint-Irénée depuis un certain temps et que le baptême a lieu le jour même de l’accouchement. La marraine est Adélaïde Tremblay. Il s’agit probablement de la cousine du père, la fille de Marie Josephe Hervé (1788-1854). Il existe une autre possibilité à l’Isle, quoique moins probable, l’épouse de Pierre Savard, native de la baie Saint-Paul. Considérant qu’il faut remonter à trois générations de Savard pour établir un lien de parenté avec la première épouse du grand-père de Germain, on exclura cette possibilité même si rien n’est jamais très clair dans les liens de parenté à l’Isle[1].

Le touche-à-tout

Joseph a près de huit ans et travaille déjà la terre quand le 5 juin 1850, au bout d’en bas de l’Isle, naît une petite fille du nom de Marie Georgie Leclaire tel que l’inscrit au registre le quatorzième curé de Saint-Louis, Jean Baptiste Pelletier. Marie Georgie Leclaire sera dite Georgina Leclerc toute sa vie. Elle est le premier enfant de George Leclaire dit Lebouteleux et de Valère Audet dite Lapointe qui se sont uni douze mois auparavant[2]. Le destin de Marie Georgie rencontrera celui de Joseph dans moins de dix-huit ans. Pour l’instant, ce dernier doit sûrement fréquenter la maison d’école du Cap à Labranche, car il déclarera savoir lire et écrire une fois adulte.

On se souviendra que notre ancêtre français Gabriel Hervet et son fils, le migrant Sébastien Hervet, étaient tous deux potier d’étain. Sébastien Hervé, le fils, a quant à lui défriché la terre ; par contre, lorsqu’il était enfant, à la Basse-Ville de Québec, il a souvent vu son père travailler l’étain et a dû, avec lui, apprendre un peu puisque le 3 novembre 1737, il avait acheté l’étau de forge de Jean Baptiste Otis, son ancien contremaître de Baie-Saint-Paul. Un élément additionnel qui montre que notre ancêtre avait suffisamment appris de son père le métier de ce dernier pour que les générations suivantes continuent de taper l’enclume. Tous les Harvé de notre ascendance par la suite ont « bretté » le fer à l’occasion sur leur terre[3]. Pendant sa jeunesse, Joseph dut jouer fréquemment avec les enfants de son parrain. Ce dernier demeurait voisin du forgeron de Saint-Louis, un nommé Louis Fillion (1831-1901) qui vécut quelque temps à l’Isle pendant l’enfance de Joseph. Les garçons ont dû passer plusieurs heures à admirer son travail et celui de ses fils, aussi forgerons, suffisamment, semble-t-il, pour que Joseph en fasse son métier principal. Mais Joseph n’était pas homme d’un seul métier comme on le verra.

Le 17 octobre 1860, l’Isle tremble à nouveau[4]. Le premier choc, le plus violent, a commencé vers six heures quinze et duré quatre minutes et quarante secondes, très violent pendant dix secondes et s’affaiblissant graduellement ; un choc plus faible à six heures vingt a duré trois ou quatre secondes, et le dernier a commencé vers six heures trente et a duré deux ou trois secondes. Les secousses étaient saccadées et on fait danser les meubles et décrocher les images chez Germain où habitait encore Joseph à l’âge de dix-huit ans. Les maisons de bois sont épargnées et celles en pierres s’en tirent avec des lézardes.

Pour assurer la liaison entre l’île et la terre ferme, dès 1760, quelques chaloupes firent leur apparition. Ces embarcations, pourvues d’une voilure, rendaient la traversée plus facile. Mais, elles ne permettaient pas de contrecarrer les périls inhérents à la configuration du fleuve. Entre la baie Saint-Paul, les Éboulements et l’Isle aux Coudres, les courants des marées sont de cinq nœuds, donc très puissants, et des vents violents se lèvent brusquement.

Je me rappelle lorsque nous possédions un voilier, « L’Islet du Richelieu », de 1995 à 1999, j’aurais dû attendre le baissant pour pouvoir descendre le fleuve. Les résidents de l’Isle, afin de profiter des courants favorables, traversaient à marée descendante, afin d’arriver à l’étale sur le continent. L’équipage était formé de cinq hommes, quatre rameurs et un capitaine. La durée moyenne de l’aller-retour était d’environ deux heures. Par gros temps ou si le fleuve était embarrassé par les glaces, la traversée durait quatre heures. Les bateaux vapeur sont apparus dans les années 1860 et ont fait disparaître le métier de canotier, mais Joseph, comme la plupart des jeunes hommes à l’Isle, avait dû pratiquer ce dur métier avant de se marier.

En 1860, l’Isle ne comptait à peu près que des cultivateurs. Mais ces cultivateurs étaient tout à la fois ; cultivateurs-navigateurs pour la plupart, cultivateurs-pêcheurs ou cultivateurs-bûcherons, car beaucoup s’absentaient de l’Isle au cours des hivers pour aller bûcher dans les forêts du Saguenay ou de la Côte-du-Sud. Et ils n’étaient pas beaucoup plus nombreux à cette époque que leurs aïeux du début du siècle. Les temps étaient durs, d’autant plus que Joseph ne possédait pas de terre à cultiver pour subvenir adéquatement aux besoins d’une famille. Bien sûr, il travaillait la terre de son grand-père, mais cela n’assurait pas son avenir[5]. Joseph, qui travaille le fer depuis toujours, se fera tout de même bûcheron l’hiver et navigateur à bord d’une goélette l’été pour un certain temps, afin d’amasser le capital nécessaire pour fonder une famille et supporter une future progéniture. Un forgeron au « campe » en forêt ou à bord d’une goélette c’est bien pratique surtout que le bois laisse de plus en plus de place au fer dans les chantiers comme sur les voitures d’eau.

Joseph étant dans la vingtaine et pas encore marié, cela en fait un candidat idéal comme parrain de nouveau-nés, surtout en présence de marraines toujours célibataires. On fera appel à ses services à trois reprises avant qu’il ne rencontre l’amour. Il est donc choisi comme parrain pour l’enfant d’un forgeron, probablement son mentor, car il a bien fallu qu’il soit apprenti avant de devenir forgeron. Cette association tombe sous le sens, car Alexis Tremblay (1832-1900), le forgeron en question, est le frère de Denise Tremblay (1837-1898), la toute nouvelle belle-sœur de Joseph, l’épouse de son frère Didier (1840-1871). L’épouse d’Alexis, la mère du nouveau-né, à une jeune sœur célibataire ; Joseph est donc associé dans cette aventure à la marraine Geneviève Gagnon (1844-1913), dont il ne s’amourachera pas puisqu’il lui en préférera une autre[6]. Comme on l’a vu, c’est à compter du printemps 1860 que l’on construit une première goélette à l’Isle. Dès lors, le nombre de forgerons ne cessa de croître. Sans qu’une véritable confrérie existe, les forgerons de l’Isle forment déjà une communauté étanche. Ainsi, Louis Étienne Bouchard (1829-1921), forgeron, fait appel à Joseph comme parrain de l’un de ses enfants en 1864[7]. Finalement, en 1866, son cousin Épiphane Bergeron (1836-post.1881), le parrain de son jeune frère Hercule, fils de sa tante Marthe Desbiens (1794-1836), le choisit comme parrain de l’un de ses fils. Le curé, malade ou à l’extérieur de l’Isle en voyage, se fait remplacer entre le 20 août et le 8 septembre. Le célébrant lors du baptême, François Amable Blanchet (1822-1855), un professeur au collège de Sainte-Anne sur la Côte-du-Sud, natif de Saint-Roch-des-Aulnaies, inscrit le patronyme sous sa forme Harvey, celle qui est en usage dans sa région depuis un certain temps[8].

Le 1er juillet 1867, le Canada voit le jour. Rien dans les annales de l’Isle ne montre que cet événement fut souligné. Les habitants de l’Isle semblent être passés de la colonie anglaise du Bas-Canada au Dominion du Canada avec bien peu d’intérêt et d’enthousiasme. Alors que les registres des paroisses mentionnent les moindres instructions reçues du gouverneur sous le Régime français, plus rien sous le régime de l’anglais. Comme on l’a vu, les historiens qui ont raconté l’Isle sont même entrés dans la maison de l’ancêtre, Germain, mais pas un mot sur la création de cette confédération que l’anglais leur a donné, le Canada...

Georgie Leclaire, l’amour et les enfants

George Leclaire a une grande terre et cinq filles à marier, dont Georgina née Marie Georgie Leclaire qui est l’aînée. Il fournira donc une dote sous forme d’une petite terre à qui la prendra pour épouse. Joseph, qui a vingt-cinq ans, se marie le 26 novembre 1867 dans la chapelle Saint-Louis de l’Isle aux Coudres à Marie Georgina Leclerc. La jeune fille de dix-sept ans de George Leclaire dit Lebouteleux (1823-1893) et de Valère Audet dite Lapointe (1831-1919) apporte donc à son mariage ce bout de terre comme dote qui servira au nouveau couple pour fonder une famille. Il semblerait que notre touche-à-tout n’a rien à lui que du cœur au ventre et ses talents. Le registre du curé Pelletier, qui est toujours en poste après vingt-quatre ans, nous révèle que Joseph est toujours « forgeron en cette paroisse » de Saint-Louis[9]. On se souviendra que sept ans plus tôt, il cultivait la terre de son grand-père.

Tout comme Joseph, Georgina est elle-même une descendante par sa mère de Sébastien Hervé le premier de nos ancêtres à être débarqué à l’Isle.

Cela ne fait qu’une douzaine de jours que Joseph a épousé Georgina que déjà il est imbriqué dans ce nouveau tissu familial. Alors que la fièvre typhoïde s’abattait sur l’Isle depuis l’année précédente, ayant déjà entraîné la mort de dizaines de personnes[10] au début décembre, il agit comme témoin à la sépulture d’un enfant de Marie Angèle de Merici Audet dite Lapointe (1836-1880), la tante de Georgina[11].

Marie Georgina Leclerc, une descendante de Sébastien Hervé

Moins d’un an plus tard, Augustin Harvay, le premier enfant de Joseph, naît le 20 septembre 1868 et est baptisé à la chapelle Saint-Louis le même jour. Le parrain est le père de Georgina, Georges Leclerc, et la marraine, la mère de Joseph, Archange Desbiens. Bien que l’inscription au registre mentionne que le père est forgeron, il n’assiste pas au baptême de son premier fils. Ce dernier est loin de sa forge, car le curé inscrit « le père absent » comme il le fera plusieurs fois au cours de la prochaine décennie[12]. Où est-il ? Peut-être encore à bord d’une goélette sur le grand fleuve, mais plus probablement au port de Montréal, car s’il ne s’est pas converti en débardeur depuis qu’il est marié, il le fera très bientôt.

Émigration saisonnière

C’est à cette époque que débute à l’Isle un mouvement d’émigration saisonnière qui se reproduit chaque année et qui se poursuivra pour près de cent ans, au cours des mois d’été. L’été dont il est question ici, débute avec la disparition des glaces dans le fleuve au printemps et se termine à la fin novembre, même quelques fois au début de décembre. Tenu au courant de l’activité fluviale par son métier de forgeron-navigateur, Joseph, comme beaucoup des siens à l’Isle, a un jour découvert la possibilité de s’engager comme débardeur au port de Montréal durant la saison intense du trafic maritime. Joseph, dont la terre est petite et qui ne gagne pas suffisamment de son métier de forgeron, y participera. Peu à peu le « bord de l’eau »[13] est devenu un débouché normal pour les hommes dont les bras n’étaient pas indispensables à l’île. Rares sont les gens de l’île qui n’y ont pas passé une ou plusieurs saisons. Pour plusieurs, le « bord de l’eau » a constitué l’étape préliminaire à l’exode définitif ; comme d’autres paroisses de Charlevoix, l’Isle a aussi son quartier à Montréal, un peu à l’est du « Courant Sainte-Marie », il s’agit du nouveau village fondé en 1870, le village d’Hochelaga, qui deviendra dans peu de temps dans notre histoire le quartier Hochelaga de Montréal. Travailler au « bord de l’eau » a aussi été, peut-être, un moyen de gagner sa vie, tout en retournant résider avec sa famille à l’Isle l’hiver. Les époux de certaines de mes cousines l’ont fait très longtemps. Ce fut le cas pour Joseph et assurément pour ses frères Ferdinand et Germain ; probablement pour ses autres frères également. L’exode définitif ne surviendra surtout qu’à partir de la deuxième génération d’émigrants saisonniers au « bord de l’eau », la génération de mon grand-père Georges. Deux seules exceptions dans cette lignée de sixième génération de Harvay, Ferdinand émigrera dans le quartier Hochelaga et y finira ses jours alors que Germain y vivra une quinzaine d’années. Ils seront nombreux ceux de la septième génération de Harvey à devenir des « gens du bord de l’eau ».

Chaque printemps, avant de partir pour le bord de l’eau, Joseph se joint probablement à Paul, son frère aîné, pour participer à la grande pêche. Ils sont parmi les derniers à exploiter cette ressource qui a été longtemps si généreuse, mais maintenant que l’électricité a remplacé l’huile à lampes de marsouins à peu près partout, on ne se l’arrache plus guère. Cette pêche n’allumera sans doute que les fanaux de l’Isle où l’électricité se fera attendre pour encore quatre-vingts ans de même que sur les goélettes. La pêche aux marsouins tire à sa fin. On ne réussit plus à en tirer les revenus d’autrefois. Il y aura bien quelques pêches annuelles jusqu’en 1920, mais elles sont devenues tradition et sans véritable rentabilité.

Les enfants de Joseph et Georgina iront tous s’instruire un peu, car en 1869, le nombre d’écoles est maintenant de quatre à l’Isle. Cent soixante-neuf élèves y reçoivent l’instruction élémentaire ; peu d’entre eux cependant pourront se rendre jusqu’à la dernière année.

Ce qui a contribué à conserver le bois sur l’Isle-aux-Coudres, au moins jusqu’à un certain point, ce sont les épaves que le fleuve apporte sur ces rivages. Les eaux poussent sur ses rives une assez grande quantité de bois dans les hautes marées du printemps. À l’époque, le fleuve est le boulevard du transport du bois vers les scieries dont une quantité s’échappe des estacades qui le retiennent. Au printemps de 1869, Joseph et les autres habitants ont pu en ramasser, à travers les glaces, au-delà de cent charges de cheval. Une fois séché ce bois imprégné d’eau salée fournit un très bon combustible pour le feu tout en faisant épargner de l’argent que Joseph n’a pas[14].

Pendant ce temps, le clan de Louis Riel expulse des arpenteurs fédéraux de la terre du Métis André Nault à Saint-Vital au Manitoba et entame le soulèvement de la rivière Rouge débute. Mais cela est peu connu à l’Isle et très loin des préoccupations de Joseph et Georgina.

Joseph et Georgina auront neuf enfants dont, Marie Euticane Harvay qui naît le 11 août 1870. Marie Euticane a pour parrain son oncle, Germain Leclerc (1854-1930), le jeune frère de Georgina qui n’a que seize ans. Marie Malvina Lapointe (1851-1908) est sa marraine. Malvina est la jeune tante de Georgina, la sœur de sa mère, avec qui elle a grandi et qui n’a que dix-neuf ans. Comme lors du baptême de son aîné, Joseph, forgeron, n’est pas à l’Isle pour le baptême de sa première fille comme le souligne le registre du curé Pelletier[15]. Les débardeurs du bord de l’eau avaient l’habitude de revenir à l’Isle pour une courte semaine au milieu de l’été. Si Joseph était du lot comme on peut le penser, il aura manqué l’accouchement de peu.

Commotion à l’Isle. Dix ans après le précédent, le 20 octobre 1870, un autre tremblement de terre ébranle maintenant la maison de Joseph comme le dernier avait ébranlé celle de son père. Le débardeur étant toujours au port de Montréal à cette date, Georgina doit affronter le choc seul avec le jeune Augustin, deux ans et Marie Euticane dans ses bras. Cette fois-ci, l’origine du sinistre est tout près, à Baie-Saint-Paul. Comme la maison de Joseph est à la Baleine où les dommages sont les plus considérables ont peu s’imaginer l’effroi ressenti par la jeune mère devant la destruction de la majorité des anciennes maisons construites avec les techniques françaises de pierre et de maçonnerie. Heureusement, celle du couple est en bois.

Celle de la famille de Georgina, en pierres est encore habitable bien qu’elle ait perdu sa cheminée[16]. Une lettre de cette époque décrit cependant l’imaginaire de gens isolés sur une île et comment Georgina et les autres insulaires ont pu vivre ces quelques secondes de leur vie :

« Quoique le tremblement de terre qui eut lieu dans l’Ile-aux-Coudres, il y a près de quatre-vingt ans, ait été, au rapport des vieillards de l’île, tellement fort qu’après un si long espace de temps, les gens n’en parlent encore qu’avec effroi, il est cependant certain que celui du 20 octobre dernier…, a été pour le moins aussi fort et aussi effrayant par sa longue et forte secousse. Au dire des habitants de l’île, ce tremblement de terre a causé beaucoup plus de dommages que le premier. Aussi les impressions qu’a laissées celui du 20 octobre dernier, dans l’esprit et la mémoire des pères, passeront, j’en suis sûr, à leurs enfants. Le vingt octobre au matin, il faisait un calme parfait. Cependant le ciel était sombre et couvert de gros nuages qui étaient suspendus immobiles à la voûte du ciel. La température était douce pour la saison, mais un peu humide. Aucune goutte de pluie ne tombait des nuages. Tout annonçait donc une de ces journées tranquilles qui se passent sans commotion et sans trouble... Vers onze heures et demie de l’avant-midi…, à ce moment précis, se fit entendre un épouvantable bruit courant du nord-ouest vers le sud — est. Ce bruit, plus fort que celui que font entendre les plus violentes tempêtes, imitait le roulement des grands tonnerres qui traversent l’atmosphère. Lorsque ce courant de bruit, qui venait à pas de géant, arriva sur les bâtisses, il y produisit un effet semblable au choc d’une puissante machine de guerre qui viendrait frapper contre une tour. Le bruit de ce coup imitait absolument la détonation d’un gros canon. Au même instant, les maisons les plus solides furent remuées et secouées d’une manière étrange, pendant au moins une minute longue comme cinq minutes ordinaires, avec une violence telle que des poêles se démontèrent, des meubles furent renversés et brisés dans leur chute, et presque toutes les cheminées plus ou moins démolies. Les maisons en bois purent soutenir ce terrible choc sans être brisées, mais sur six maisons en pierres qui se trouvent dans l’île, quatre furent en partie démolies. Les dommages causés en ce seul jour dans l’Ile-aux-Coudres furent évalués à six cents louis, au moins. Les personnes qui se trouvèrent dehors pendant le temps de la terrible minute, furent grandement effrayées par l’agitation de la terre. Elle ressemblait à une mer secouée par un vent violent ; des rochers se fendirent ; les crans sur les grèves semblaient se rapprocher les uns des autres. On découvrit, plus tard, dans la terre, des fissures mesurant jusqu’à dix-huit pieds de profondeur. D’après l’opinion commune, ici, si cette secousse eût duré une minute de plus, il est certain que pas une maison ne fût restée debout. Ce tremblement de terre ne brisa pas seulement le sol de l’île et ne porta pas l’effroi et la terreur seulement parmi les habitants, mais encore parmi les animaux. Ces pauvres bêtes étaient si épouvantées, qu’elles fuyaient effarées comme des animaux sauvages poursuivis par une meute de chiens. Elles ne s’arrêtèrent que longtemps après que fut terminée la redoutable secousse. Quant aux personnes, elles étaient impressionnées par la peur et troublées jusqu’au point que toutes celles qui voulaient raconter comment les choses s’étaient passées, avouaient qu’elles ne pouvaient le dire au vrai, parce que la terreur les avait tellement saisies, qu’il ne leur était resté qu’une faible connaissance, ne sachant presque plus ni ce qu’elles faisaient ni où elles étaient. Leur système nerveux fut tellement affecté que deux mois après le 20 octobre, elles croyaient encore éprouver les effets du tremblement de terre. Le moindre bruit, le plus léger choc, quelque chose qui tombait sur un plancher, une porte qui s’ouvrait tout d’un coup, les faisait tressaillir ou pousser un cri. Tel fut, en toute vérité, le tremblement de terre du 20 octobre 1870, dans l’Ile-aux-Coudres ; tels furent les effets et les alarmes qu’il y produisit sur les habitants, sur les animaux. Puisse le bon Dieu avoir pitié de nous et ne pas nous frapper encore une fois par une semblable épreuve. D’après des témoins oculaires et auriculaires, ce tremblement de terre se fit sentir encore plus fortement dans le nord sur la terre ferme, y causa de plus grands dommages et y eut des effets beaucoup plus prodigieux. Nous avons donc à rendre à Dieu des actions de grâce pour avoir été moins maltraités que nos voisins de la Baie-Saint-Paul et des Eboulements… » [17]

Comme on ne compte en 1871 que quatre arpents de prairie à l’Isle[18] et sa terre étant petite, pour nourrir ses quelques animaux Joseph utilise le fourrage des basses terres côtières de l’île dont on fauche les francs foins dès la fin de juillet ; s’y ajoute la coupe du foin salé des prairies marines qui commence à la mi-août et se termine au début de septembre, le temps où les animaux peuvent pâturer librement sur les lieux de fauche[19].

En 1871, la population de l’île est de sept cent dix-huit habitants. Le foyer de Joseph ne comprend toujours que quatre personnes, mais la situation changera sous peu. Joseph et sa famille vivent toujours sur leur terre, entre celle de Dosithée Desgagnés (1839-1926) et celle de son beau-père. Dosithée est un petit-cousin, le petit-fils de Marie Modeste Hervé (1786-1813). Notre touche-à-tout est reconnu comme cultivateur au recensement du pays qui vient d’être constitué en 1867. C’est ainsi que Pierre Racine dit Bois, marchand de Baie-Saint-Paul et énumérateur choisi par le gouvernement, qualifie la plupart des gens de l’Isle dès qu’ils ont une terre[20]. Par contre, le curé qui connaît ses ouailles depuis vingt-huit ans, ne cesse de faire de Joseph un forgeron, baptême après baptême. À chacun sa fixation. Le quatorzième curé, en trente-cinq ans à l’Isle, ne se résoudra jamais à qualifier ses ouailles de débardeurs et cela même si les goélettes quittent sa paroisse au printemps avec une centaine d’hommes à leurs bords partant travailler comme débardeurs au port de Montréal. Pour les religieux du temps, le ciel se gagnait à défricher et labourer une terre. Pas autrement.


Joseph est encore à l’Isle lorsque décède son frère Didier le 15 avril 1871 puisque c’est lui qui agit comme témoin de sa sépulture. Didier n’était son aîné que de deux ans et il devait sans doute être celui de qui il était le plus près ; suffisamment pour qu’après la mort de ce dernier, il se fasse prénommé Didier pour le reste de ses jours. À sa mort, sa pierre tombale portera d’ailleurs l’inscription de Didier Harvey.

De plus, l’année suivante, Joseph décidera d’honorer davantage la mémoire de son frère décédé lors de la naissance de l’un de ses enfants. Georgina, l’épouse de notre forgeron-débardeur met au monde un deuxième garçon le 3 juillet 1872. C’est au tour de Joseph Didier Harvay de venir augmenter la famille. Joseph Didier est baptisé le même jour. Son oncle, Ferdinand Harvay est son parrain alors que la marraine est sa jeune tante de quatorze ans, Marie Leclaire. Cette fois-ci, en plein été, le père est présent, ce qui indique qu’il n’a pas participé à la migration saisonnière cette année-là. Entre sa terre, sa forge et quelques voyages comme journalier sur une goélette, le revenu devait être suffisant pour lui permettre de goûter son île pour tout un été[21]. Peut-être aussi, était-il de retour à l’Isle pour cette semaine de congé que les gens du bord de l’eau s’accordaient tous les étés. Ce n’est ici qu’hypothèses.

François Narcisse Harvay, le troisième fils de Joseph et Georgina, naît le 24 avril 1874. Georgina choisit pour marraine leur voisine Darie Tremblay, une cousine par la grand-mère paternelle de Joseph, Marie Anne Tremblay (1774-1840). Darie est l’épouse du petit-cousin Dosithée Desgagnés. Le parrain est Joseph Octave Desgagnés (1832-1915), l’époux de Marie Marthe (1838-1917), une des sœurs du père du nouveau-né. Encore une fois, le forgeron en cette paroisse est absent de l’Isle au moment du baptême[22]. Au « bord de l’eau » à Montréal sans doute. S’il n’y est pas déjà, il doit être en route, car les glaces viennent tout juste de libérer « la mer ».

Georgina devra attendre encore un peu pour compter sur de l’aide féminine dans sa maison. Le 25 mars 1877, le jour de l’Annonciation[23], elle met au monde un quatrième fils qu’elle et Joseph prénommeront Joseph Harvay le lendemain lors de son baptême. Ce Joseph tout court, sera surtout connu comme Diamède au cours de sa courte vie. Les parents choisissent Hercule Harvay, le jeune frère de vingt ans comme parrain. La marraine, une jeune sœur de Georgina, Angéline née Marie Angèle Leclerc a dix-sept ans. Comme on est en mars et que « la mer » est encore gelée, Joseph, le forgeron d’hiver, assiste au baptême.

À la fin de l’été le 8 août 1877, Georgina de même que ses enfants au milieu d’une foule immense participent aux funérailles du grand vicaire Alexis Mailloux[24] qui vient de s’éteindre. L’archevêque Alexandre Taschereau[25] s’est déplacé pour l’occasion. Ces funérailles sont célébrées dans l’ancienne chapelle de Saint-Louis. Joseph n’y assiste pas, car il est au « bord de l’eau »[26].

C’est vers 1878 que Joseph s’installe définitivement comme forgeron à plein temps et par le fait même maréchal-ferrant[27]. L’accroissement du cabotage sur le grand fleuve fera augmenter la demande pour des réparations de toutes sortes qui nécessitent les talents du forgeron[28]. Il finira sa vie en pratiquant un métier bien semblable à ceux de ses ancêtres de France.

Quand vient le temps de nourrir sa marmaille, Georgina ne fait pas différemment de nos autres ancêtres féminines. Il y a sur la table un repas de poisson par jour ; comme la sardine et l’anguille se conservent salées, ces derniers se retrouvent plus souvent dans les assiettes en hiver[29]. Quand un passant ou un parent débarque à l’impromptu, Georgina sert un petit goûter, c’est la tradition. « Le menu de ce goûter est fort simple : deux jattes de lait couvert d’une crème épaisse, un pain de ménage qui s’étale tout frais dans l’oragan, une bouteille de sirop d’érable, et quelques ingots dans une assiette »[30]. Pendant que l’invité et Georgina savourent une tasse de ce laitage riche et succulent que donnent les troupeaux qui broutent les pâturages d’automne après la coupe des foins[31], la conversation ne languit pas, Joseph jase. Comme Germain, son père qui est connu comme fin causeur, Joseph en a les gênes ; la causerie est un trait propre au Harvay. Le forgeron de la paroisse est un peu comme le barbier d’aujourd’hui, on s’y arrête un peu pour les services de son métier et beaucoup pour prendre des nouvelles. Joseph a donc bien choisi son métier.

Au cours de la décennie qui s’achève, outre les messes dominicales, les vêpres et les mille et une obligations que l’église faisait peser sur ses fidèles à l’époque, Joseph et Georgina auront eu leur lot de visites à la chapelle Saint-Louis. Quand l’un des deux n’est pas parrain ou marraine pour l’un des nombreux enfants de parents à la côte de la Baleine, Joseph agit comme témoin à des funérailles familiales plus souvent qu’à son tour. Alors que Georgina est grosse de huit mois, il est encore témoin, cette fois-ci lors de la sépulture d’Arsène Leclerc (1865-1879), le jeune frère de sa femme, qui décède à l’âge de quatorze ans[32].

Georgina mettra au monde quatre autres enfants. Tous ces enfants porteront le patronyme « Harvey », car, comme on l’a vue, c’est ainsi que l’écrira le quinzième et nouveau curé, Jean Alphonse Pelletier. Marie Anne, la prochaine à venir au monde sera la première.

Dans l’extrait du registre de la paroisse apparaissant ci-haut, on remarque dans la marge que le curé a corrigé son « a » pour un « e » dans notre patronyme lors du baptême de Marie Anne. Une erreur pourtant bien légitime après tant d’années d’usage dû « HarvAy ». Joseph quand il signe le registre, à titre de père, continue d’orthographier notre patronyme à l’ancienne « Harvay ». L’usage d’écrire le patronyme « Harvay » perdurera longtemps ; mon père dans la deuxième moitié du XXe siècle s’oubliait à l’écrire ainsi à l’occasion lorsqu’il était pressé[33].

Marie Anne dite Olivine Harvey naît donc le 25 mai 1879[34]. Elle sera prénommée Olivine toute sa vie. Elle sera souvent confondue à sa cousine Marie Éléonore aussi dite Olivine. Cette dernière est née en 1867 et elle est la fille de Louis Didier Harvay, le frère de Joseph. Ceci n’empêchera pas notre Marie Anne d’emprunter ce prénom et d’être unique à l’Isle dès que sa cousine l’aura quitté pour Saint-Félicien en 1895.

En 1896, le nouveau curé lors du mariage de Marie Anne n’y verra aucune supercherie et l’enregistrera comme Olivine, prénom qu’elle utilisera lorsqu’elle signera le registre. François Leclerc (1834-1922) est son parrain. Il est l’oncle de Georgina et l’époux de Césarine Harvé (1841-1911) à Joseph (1809-1869) chez Louis (1784-1863). Césarine et son mari partiront pour le lac Saint-Jean rejoindre trois des frères de Joseph dans quelques années. La marraine de Marie Anne est la belle-sœur, la veuve Denise Tremblay, l’épouse de feu Louis Didier.

Un mois plus tard, les champs devront attendre, car on se traîne une nouvelle fois à la chapelle de l’Isle le vendredi 27 juin. L’évêque de Chicoutimi s’amène à l’Isle et quand il rend visite à ses ouailles, mieux vaut ne pas être absent. Il est venu célébrer les funérailles de Godefroy (né Godfroid) Tremblay (1800-1879), petit-cousin par son père. L’abbé Godefroy « souffrant de l’asthme et retiré à l’Ile-aux-Coudres » depuis 1855 n’avait pas fait acte de présence bien souvent dans les registres de la chapelle Saint-Louis [35]. On le vit bien aider le curé pendant les fêtes de Noël en 1868, mais ce fut à peu près tout. Ou bien Jean-Baptiste Pelletier, le quatorzième curé, ne tolérait pas les étrangers dans sa sacristie pendant les trente-cinq ans qu’il occupa la cure ou notre Godfroid n’avait pas la vocation aussi forte que certains auraient voulu[36]. Lorsque Godefroy était vicaire à Saint-Étienne de la Malbaie, il fut celui qui, pour une première fois en 1832, y avait introduit la forme Harvey du patronyme. Elle lui était probablement devenue plus normale par la fréquentation de la clientèle anglaise du magasin de M. Lagueux, un marchand de Québec où il travaillait pendant son adolescence[37].

En avril 1881, la famille du forgeron vit toujours sur le bout de terre que lui avait cédé son beau-père, Georges Leclerc lequel a maintenant cinquante-six ans. La maison de bois que Joseph avait construite en 1868 et qui se situait entre celle de son beau-père qui est cultivateur et celle de Dosithée Desgagnés, aussi cultivateur, a maintenant un nouveau voisin. Le beau-père a de nouveau partagé sa terre et son fils Germain s’est construit une maison entre celle de son père et celle de Joseph. Ce dernier a maintenant trente-huit ans et Georgina en a trente et un. Pour ce qui est de leurs enfants, Auguste a treize ans, Diamède a quatre ans et Olivin en a deux. Seuls Marie Euticane qui a dix ans, Didier qui en a neuf et Narcis qui a sept ans vont à l’école. Augustin n’y va déjà plus[38].

À la veille du Nouvel An, le jour de la Saint-Sylvestre, alors que tous sont occupés à courir la guignolée[39], Georgina de son côté devait enterrer les cris des «guignoleux » en mettant au monde le 31 décembre 1881 un autre garçon prénommé Joseph comme son père. Lors de son baptême, le 1er janvier 1882, l’enfant sera porté par sa marraine Séverine Saint-Pierre (1852-1883). La marraine n’entourera pas l’enfant de sa protection pour très longtemps puisqu’elle décédera en couches deux ans plus tard[40]. Séverine est l’épouse du petit-fils de Luce Desbiens, la tante de Joseph. Le parrain de l’enfant est son oncle Louis Harvay (1848-1934), l’époux de Caroline (1852-1935), la sœur de Joseph[41]. Cette naissance n’empêchera pas le patriarche Germain, qui a maintenant soixante-douze ans, de donner la bénédiction du Nouvel An comme il le fait chaque année.

Moins de six mois plus tard, le 7 juin 1882, Joseph dit Diamède tombe à l’eau dans des circonstances qui nous sont inconnues. Le jeune enfant qui a à peine cinq ans n’est retrouvé qu’à la fin juin, début juillet. Le 2 juillet, Joseph et Georgina, qui avaient eu la chance d’avoir vu naître sept enfants en santé et qui avaient tous survécu, enterrent leur premier fils[42].

Le 1er avril 1884 naît mon grand-père Georges Diamède. Comme on le voit souvent dans la famille, les parents ont sans doute voulu conjurer le sort en donnant à leur nouvel enfant le prénom de l’enfant noyé. L’enfant ne semble pas avoir partagé les vues de ses parents puisque mon grand-père se fera appeler Georges au cours de toute sa vie adulte. Narcisse Desgagnés (1863-1939) est le parrain. Narcisse, un futur beau frère, est le fils des voisins, Dosithée Desgagnés et Marie Darie Tremblay. Il épousera Léontine Leclerc (1862-1940), la sœur de Georgina dans cinq ans. Marie Claire dite Clarisse Harvay (1866-1933), la fille de Paul, le frère aîné de Joseph, est la marraine[43]. Georges Diamède sera le dernier enfant du couple à être baptisé dans la petite église de bois, car le nouveau curé parle déjà de la remplacer. Le nouveau-né est chanceux, car il survivra malgré les nombreuses mortalités, surtout infantiles, que provoquait la tuberculose au cours de cette période à l’Isle. L’absence d’un médecin ou même d’une infirmière, l’éloignement des centres hospitaliers, le manque de soins, les conditions sanitaires, le manque d’hygiène, la consanguinité[44] et même la proximité du fleuve, tout contribuait à faire de la naissance une loterie. Sur l’île à cette époque plus de vingt enfants par année décédaient comme sa sœur Blanche qui ne vivra que douze jours.

La seconde chapelle de bois de l’Isle qui existait depuis 1771 a vu nos ancêtres y être baptisés, mariés et inhumés. Dès 1885 on commence à construire une église de pierres pour la remplacer. Georgina est enceinte à nouveau alors que les marteaux des ouvriers s’affairent. La construction de la nouvelle église est complétée en 1886[45]. Baptisée dans l’église toute neuve, Marie Blanche Harvey complète la trâlée d’enfants de Joseph et Georgina lorsqu’elle naît le 16 août 1886. Elle a pour parrain et marraine les deuxièmes voisins du couple, Thadée Desmeules (1836-1903) et Louise Duchesne (1848-1921). Thaddée, remarié à Louise, est l’oncle de Georgina qui avait épousé en premières noces Marie Angèle de Merici Lapointe (1836-1880) la sœur de sa mère. Georgina a trente-six ans lorsqu’elle accouche de son dernier enfant. Marie Blanche n’aura survécu que douze jours puisqu’elle décède le 28 août. Le lendemain, Joseph Harvé, le forgeron, inhume sa fille[46].

Si donc l’île a pu retenir une partie de sa population de Harvey croissante, c’est vraisemblablement parce que certaines familles disposaient de ressources plus considérables[47] comme les terres qu’avait héritées le grand-père de Joseph ou parce qu’elles ont pu prendre des initiatives plus heureuses comme le cabotage dans le cas des cousins de ce dernier.

Un peu jeune pour partir

Joseph décède le 10 avril 1887. Son jeune dernier n’a que trois ans et Georgina devra faire vivre la famille avec l’aide de ses plus vieux[48] :


Le service funèbre de Joseph est chanté dans la nouvelle église le 12 avril 1887[49]. À quarante-quatre ans, il part un peu tôt. JosephHarvé, marié Harvay et inhumer Harvey n’est plus. Lui qui avait fait les cent métiers venait à peine de s’établir de façon permanente comme forgeron et avait cessé les nombreux voyages hors de l’Isle. Le touche-à-tout ne verra aucun de ses enfants se marier. La première à le faire est Marie Euticane Harvay.

Marie Euticane Harvay (1870-1950)

Alors qu’elle n’a que dix-huit ans, elle se marie le 12 février 1889 au navigateur Joseph Harvay (1864-1947) à Nérée (1833-1925) chez Joseph (1809-1869) illustrant bien le degré d’endogamie à l’Isle. À de rares exceptions, l’Isle-aux-Coudres n’a toujours connu que des migrations à sens unique depuis bien avant le début du XIXe siècle. Il n’est donc pas surprenant que l’endogamie y soit demeurée très largement la règle. Celle que l’on prénommera souvent Marie puisque personne ne s’entendra sur la façon d’écrire son prénom, Euticane, Eutychès, Eutikes et Eutikès, aura dix enfants. Elle et son mari, membre de l’équipage de la goélette Saint-Louis, passeront leur vie à l’Isle-aux-Coudres[50]. Marie Euticane décédera le 23 octobre 1950. La stèle qui l’honore dans le cimetière Saint-Bernard de l’Isle-aux-Coudres où elle repose porte le nom de Edetuquese Harvey.

Georgina et la suite

On ne sait pas exactement comment Georgina s’est débrouillée pour faire vivre sa famille, mais à la côte de La Baleine elle est entourée de son père et de très nombreux frères et sœurs. Les registres sont très peu loquaces sur les lendemains de drames. On sait cependant que quatre ans après le décès de Joseph, et avec l’aide de ses fils, elle teint toujours en activité la forge que son mari avait travaillée si fort pour établir. En avril 1891, lors du passage du recenseur, la veuve n’est pas déclarée cultivateur comme les autres veuves à l’Isle ayant hérité d’une terre, mais bien de forgeron. Avec quatre grands enfants de plus de douze ans dont certains travaillent sûrement sur la terre, elle a su s’en sortir. Augustin qui travaillait comme apprenti forgeron avec son père depuis de nombreuses années pratiquera le métier pour lequel il a été formé. Narcisse et Joseph qui sont bien jeunes encore seront aussi forgerons. Didier, qui est à l’âge d’être utile sur une terre, s’y affaire probablement déjà sur celle de l’un de ses oncles ou encore sur celle du père ; il ne tardera pas, par contre, à prendre part au mouvement migratoire saisonnier pour le bord de l’eau, car il sera débardeur jusqu’à sa mort. Il restera célibataire sera le bâton de vieillesse de sa mère demeurant avec elle toute sa vie.

Alors que dans Charlevoix les Harvay écrivent Harvey depuis plus de soixante ans, un peu après l’arrivée des Écossais, à l’Isle, outre le curé, on utilise encore Harvay comme patronyme. C’est en 1891 que l’huissier Louis Girard, énumérateur pour l’occasion et venu de Baie-Saint-Paul commence à utiliser Harvey comme forme du patronyme et que la nouvelle génération emboîte le pas. De toute façon, survivre est plus important que d’écrire et personne ne regarde par-dessus son épaule lorsqu’il inscrit les noms au feuillet du recensement. Seuls Augustin, Didier et Olivine prétendent savoir lire et écrire[51]. À son propre mariage en 1896, Olivine, qui prétend savoir écrire, écrira Olivine « Havez » au registre.

Narcisse et Joseph qui sont bien jeunes encore seront aussi forgerons. Didier qui est à l’âge d’être utile sur une terre s’y affaire probablement déjà sur celle de l’un de ses oncles ou encore sur celle du père ; il ne tardera par contre pas à prendre part au mouvement migratoire saisonnier pour le bord de l’eau, car il sera débardeur jusqu’à sa mort. Ce dernier qui restera célibataire sera le bâton de vieillesse de sa mère et demeurera avec elle toute sa vie.

Au début de janvier 1893, Georgina perd son père sur qui elle s’était grandement appuyée depuis la mort de son mari[52].

Augustin Harvay (1868-1949)

Après avoir aidé sa mère pendant près de cinq ans, l’aîné Augustin (1868-1949) s’en sortira différemment.

La forge à l’Isle aurait pu être son gagne-pain, mais il en sera tout autrement. Alors que sa tante Denyse Tremblay, l’épouse de son oncle Didier décédé et ses cousins repartent pour Lowell au Massachusetts où ils avaient vécu quelques années ; il choisit de partir avec eux au printemps 1892. Les manufactures de cotons qui avaient ralenti leur production ont repris de plus belle et embauchent tout le surplus de jeunes gens à qui le Canada-Est ne peut offrir de perspective d’avenir. Alors qu’il travaille dans une briqueterie à Haverhill au Massachusetts, Augustin rencontre une native de la baie Saint-Paul dont la famille a émigré à Haverhill au Massachusetts à la même époque que lui. Les amoureux s’étaient peut-être connus à Baie-Saint-Paul avant d’émigrer. C’est donc le 10 avril 1893 qu’il y épouse Marie Lavoie (1870-1946)[53]. Haverhill est situé sur le fleuve Merrimack à une trentaine de kilomètres de Lowell, en amont sur la même rivière où habitent sa tante et ses cousins. L’endroit est un important centre industriel, où les scieries et les moulins déjà gérés par l’énergie hydraulique sont nombreux. Les tanneries, le transport maritime, la construction navale et une importante industrie de la chaussure fleurissent à Haverhill. Les Québécois qui n’avaient pas de terre y ont émigré en grand nombre pour travailler dans les manufactures depuis le milieu du XIXe siècle. À partir de ce moment, le déplacement vers la Nouvelle-Angleterre de nombreux Québécois à la recherche d’emploi a suscité le rêve d’un deuxième Québec, érigé en sol nord-américain, qui, comme le premier, jouirait d’un épanouissement perpétuel en raison des nombreuses naissances. Ces Franco-Américains, catholiques et français croyaient pouvoir y vivre prospères dans leur langue et leur religion[54]. Les parents de Marie Lavoie qui sont de Baie-Saint-Paul devaient être de ceux-là. Heureusement, dans la famille élargie des Harvey, ils sont peu nombreux à avoir été tentés par ce fléau d’émigration aux États-Unis ; une trentaine de familles tout au plus. Le couple aura un premier enfant à Haverhill en juillet 1894. Puis, dès que la mère fut rétablie, Augustin et sa famille quittent les États-Unis ce même été et reviennent s’établir à l’Ile-aux-Coudres chez la mère d’Augustin pour une courte période. En septembre, le nouveau-né décède[55]. Augustin sera navigateur pour quelques années pendant la saison de navigation et forgeron l’hiver[56]. Dès l’année suivante, la famille s’établit au village de Baie-Saint-Paul. C’est à cet endroit que naîtront leurs quatorze autres enfants. Augustin pratiquera ses deux métiers encore plusieurs années et sera également garde-chasse pendant l’entre-deux-guerres[57] avant de s’éteindre en 1949[58].

Georgina verra partir son prochain enfant en 1896. Malheureusement pour elle, Marie Anne dite Olivine (1879-1950) était la seule aide féminine à la maison. Georgina sera dorénavant seule avec ses quatre garçons.

Marie Anne dite Olivine Harvey (1879-1950)

Olivine épouse Étienne Desmeules (1871-1951) le 28 janvier 1896. Les Desmeules, on s’en souviendra, sont établis à l’Isle depuis bien longtemps. Charles Demeules, l’ancêtre de cette famille à l’Isle était le beau-frère de Sébastien Dominique Hervé, il fut tué par les britanniques lors du débarquement de ces derniers à la baie Saint-Paul pendant la guerre de conquête. Leur premier enfant naît à l’Isle-aux-Coudres en 1898[59].

Olivine et la fondation de Saint-Raphaël d’Albertville

En 1899, Olivine quitte son île avec son époux Étienne Desmeules et son enfant. La famille part s’installer à Saint-Jacques-le-Majeur-de-Causapscal qui vient tout juste d’être érigée en 1897[60]. De fait, bien que l’endroit où il s’installe fasse partie de la municipalité de la paroisse de Saint-Jacques-le-Majeur-de-Causapscal, le couple avec deux autres familles, celle d’Aquilas Lajoie (venu d’abord à Saint-Jacques-le-Majeur-de-Causapscal de Petite-Rivière-Saint-François vers 1896) et d’Émile Potvin (venu de Grande-Baie au Saguenay), s’installent plus précisément dans une clairière naturelle qui se situe en pleine forêt dans le canton de Matalik et qu’ils nomment Le Matalik sur les terres de ce qui deviendra plus tard Saint-Raphaël d’Albertville. Trois petites familles isolées à l’ouest de la rivière à quinze kilomètres du village. Le couple sera rejoint par le frère d’Étienne et sa femme, Joseph Desmeules et Marie Louise Bolduc avant 1901. D’autres insulaires attirés par Étienne et ses promesses d’avenir, de terres et surtout de la forêt et ses possibilités de revenus iront y tenter leur chance bien plus tard à compter de 1910. Ce sera le cas de plusieurs porteurs du patronyme Harvey dont quelques neveux d’Olivine : Joseph Harvey (1894-1968) l’un des fils de Marie Euticane, sa sœur, et les frères Joseph (1917-1978) et Henri (1921-2017) Harvey fils de sa belle-sœur. Ce ne sera qu’en 1912 que l’on fondera la mission Saint-Raphaël et que l’on y ouvrira les registres de la paroisse. Cette même année, grâce à une corvée communautaire, on ouvre une petite école que les enfants d’Olivine fréquenteront. Olivine et son mari auront huit autres enfants dans ce nouveau coin de pays qu’ils sont à bâtir. Olivine s’éteint en 1950 alors que son petit village compte maintenant plus de mille personnes[61].

Narcisse Harvay (1874-1956)

Pour sa part, Narcisse supportera sa mère pour un grand bout. Lui qui avait repris la forge de son père au départ de son frère aîné pour les États-Unis, demeurera avec sa mère jusqu’en 1897, alors qu’il a vingt-trois ans.

En 1897, Narcisse épouse Marie Rose Bouchard (1877-1956) native de l’Isle également[62]. Le couple habite l’Isle-aux-Coudres au début du mariage pour une dizaine d’années. Narcisse et Marie Rose y auront sept enfants. En 1910, la famille part s’installer à la Baie-Saint-Paul où Narcisse pratique toujours son métier de forgeron[63]. Ils y auront cinq autres enfants. Aidé de son oncle Hercule (1856-1924), l’épicier de Saint-Grégoire de Montmorency, Narcisse et sa grande famille déménagent à nouveau pour s’établir au pied de la chute, au Bas du Sault, en 1916. Entre l’atelier du chemin de fer où son oncle avait travaillé et l’immense filature de coton de la Dominion Textile qui emploie des milliers de personnes, Narcisse aura vu des endroits ou le métier de forgeron était fort recherché. La famille y sera quatre ans, le temps d’y avoir deux autres enfants. Narcisse et sa famille auront été pris sous l’aile de son oncle tout le temps qu’il vivra Saint-Grégoire de Montmorency puisque les parrains aux baptêmes de ses enfants qui y sont nés sont deux fils de ce dernier. Marie Rose et son mari auront trouvé les conditions de vie du quartier ouvrier du Bas du Sault passablement différente de celles qu’offrait le village de Baie-Saint-Paul tout près de son frère aîné Augustin ; Narcisse ramène donc sa famille à ce dernier endroit en 1920. Ils y auront un quinzième et dernier enfant. Au village, ils demeureront voisins de Pamphile Harvey (1884-1945) et Marie Louise Bouchard, un couple d’insulaires parents sur tous les côtés qui s’y étaient aussi établis après leur mariage en 1911 et avaient adopté l’un des très nombreux enfants de Narcisse[64]. Ce dernier y reprendra son travail de forgeron qu’il semble avoir pratiqué jusqu’à son décès en 1956[65].

Georgina, agricultrice

Une fois les forgerons de la famille partis de la maison, Georgina se fera agriculteur sur sa terre de la Côte de La Baleine avec l’aide de ses trois fils toujours à la maison quand ils sont-là. À la fin avril, Didier et Joseph, les deux plus vieux, sont déjà au port de Montréal pour la saison de navigation où ils travaillent comme débardeur. Seul Georges est ouvrier de ferme à dix-sept ans[66].

Joseph Harvey (1881-1958)

Georgina voit se marier un autre de ses fils en 1904. Cette fois-ci c’est Joseph (1881-1958) qui se marie à une jeune fille de Saint-André de Kamouraska.

Native de l’Isle-aux-Coudres, Marie Séverine Lapointe (1883-1953), dont la famille avait migré vers cette paroisse de la Côte-du-Sud récemment, est une petite-cousine ; la fille du frère de la grand-mère maternelle de Joseph. Évidemment, les amoureux s’étaient connus avant le départ de Séverine. Georges, le cadet de la famille sert de témoin au mariage[67]. Joseph ramène sa femme à l’Isle, présumément dans la maison familiale, où le couple aura un enfant en 1906. L’année suivante le couple part s’établir à Montréal où il aura dix autres enfants. De débardeur qu’il était, il deviendra électricien un peu après la Grande Guerre et s’établit dans le quartier Rosemont. Il s’éteint en 1958 à l’âge de soixante-seize ans.

Georges Harvey (1884-1958)

Orphelin à trois ans, qu’est-il arrivé de Georges (1884-1958), mon grand-père ?

Bien qu’il soit demeuré avec sa mère, comment a-t-il vécu ? Mon père, qui fuyait les questions difficiles où les sentiments étaient impliqués, ne m’a jamais parlé de ces choses-là et je ne suis pas certain que mon grand-père lui en ait parlé non plus. On sait qu’il continua de travailler à la ferme familiale jusqu’en 1906 et que dès qu’il le put, il fera comme ses frères et se fera débardeur saisonnier. Georges fera comme la plupart des insulaires, il épousera une voisine, Marie Élida Desgagné (1887-1969). Le couple vivra de la ferme quelques années et y aura deux enfants ; le deuxième accouchement sera difficile et ma grand-mère déterminera qu’il en était assez de cette vie éloigné d’un médecin. En 1909, attiré par de la belle-famille vivant à Québec, le couple part pour le quartier ouvrier de Saint-Sauveur. Georges s’y fera employé municipal. Puis en 1916, ils partent vivre à Montréal au bord de l’eauGeorges travaillera un certain temps avant de devenir employé municipal à nouveau. Élida avait mise au monde trois enfants à Québec ; elle en aura six autres dans le quartier Hochelaga à Montréal où la famille est entourée d’insulaires de l’Isle-aux-Coudres. Georges s’éteint en 1958.

Georgina, fermière, vivra sa vie de veuve[68] dans sa maison avec son fils Didier, voisine de ses frères, Germain et Narcisse qui demeurent également sur la terre de leur père qui a été partagée[69].

Encore à l’époque, l’austérité de la tenue vestimentaire imposée par les convenances surprend. La photo ci-contre donne une idée des convenances à cette période ; elle montre deux veuves, Georgina et sa mère, Valère Audet dite Lapointe (1831-1919), ainsi qu’Euticane, la fille de Joseph et Georgina. La photographie a été prise au tournant du siècle dernier alors qu’Euticane n’a pas encore quarante ans.

Mon père connut sa grand-mère, car elle se retrouvait souvent à Montréal. La présence de Georgina au bord de l’eau à Montréal n’est pas surprenante ; ses deux plus jeunes fils y résident maintenant et son bâton de vieillesse, son fils Didier (1872-1949), y passe le plus clair de ses étés.

Didier, qui vit les longs hivers avec sa mère à l’Isle, fait partie des migrants saisonniers qui descendent en goélette au « bord de l’eau » à Montréal pour y travailler comme débardeur ; il loge chez son frère Georges au court des étés. Tout comme son père, il fait les cent métiers ; en 1910 par exemple, il tient la forge du père à l’Isle au cours de l’hiver tout en travaillant à la ferme autant que la saison le permette ; au printemps et à l’automne, il s’est fait navigateur sur une goélette et au cours de l’été il se retrouve au « bord de l’eau » comme à chaque année. Quatre métiers en une année pour gagner sa vie[70].

Georgina profite sûrement des nombreux départs de goélettes appartenant à des parents, peut-être son gendre navigateur Joseph Harvay marié à Euticane, pour aller passer ses étés à Montréal chez ses deux plus jeunes fils, Joseph et Georges. Combien de fois a-t-elle fait le trajet ? Probablement souvent considérant qu’elle n’a personne avec elle à la maison l’été depuis 1897 et que ses deux bébés sont installés à Montréal.

Georgina meurt le 4 juin 1939 à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Elle est inhumée deux jours plus tard. Ses fils, Auguste, Didier, Narcisse et Joseph, ainsi que sa fille Euticane assistent aux funérailles. Seul le cadet Georges est absent. Même Olivine a fait le trajet de sa vallée de la Matapédia pour assister aux funérailles. Les fils et les époux des filles signent le registre paroissial comme témoins[71]. Les femmes n’ont pas encore le droit de signer pour elles-mêmes. La loi leur donnant le droit de vote ne sera promulguée que le 25 avril 1940 et celle leur donnant un statut égal à l’homme devra attendre encore longtemps après.

Georgina ne verra pas la Deuxième Guerre mondiale qui commence le 1er septembre 1939.

Didier Harvay (1872-1949)

Les hivers, Didier continuera de les passés dans la maison familiale. Il poursuivra quelques années encore ses migrations saisonnières vers le « bord de l’eau » à Montréal où il logera toujours dans Hochelaga chez Georges mon grand-père. Le célibataire s'éteint le 18 mai 1949 à l'âge de soixante et seize ans. Il est inhumé trois jours plus tard au côté de sa mère.

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 3 août 1842.

[2] Ibid., 5 juin 1850.

[3] Mon père Adrien a aussi « bretté » le fer, mais dans son cas il le ramassait un peu partout et le revendait au ferrailleur ; un autre de ses cent métiers en plus d’un très bon emploi à la Cité de Montréal.

[4] Dans le fleuve Saint-Laurent au nord de l’embouchure de la Rivière-Ouelle. Le tremblement de terre estimé à une magnitude de 6,5 sur l’échelle de Richter a été ressenti de Hamilton, Ontario, dans l’ouest, vers le Nouveau-Brunswick dans l’est, et au sud aux États-Unis jusqu’à Newark, New Jersey donnant une superficie de 700 000 milles carrés.

[5] B.A.C., G., Recensement de 1861, district de Charlevoix, Île-aux-Coudres, pages 137. Le recensement a débuté officiellement le 14 janvier 1861 et Joseph qui a dix-huit ans y est qualifié de cultivateur.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 12 juin 1863. Baptême de Joseph Epiphane Tremblay.

[7] Ibid., 8 mars 1864. Baptême de Marie Rose Bouchard.

[8] Ibid., 20 août 1866. Baptême de Joseph Mauril Bergeron.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 26 novembre 1867.

[10] ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, op.cit.

[11] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 9 décembre 1867. Sépulture de Marie Catherine Demeulles.

[12] Ibid., 20 septembre 1868.

[13] C’est ainsi que les insulaires désignent le port de Montréal et aussi un peu, le quartier adjacent que plusieurs d’entre eux, dont les nôtres, adopteront comme terre d’exil plus tard. Dans « DES GAGNIERS, Jean. L’Île-aux-Coudres. Montréal, Leméac, 1969. P. 41-42. ». On peut lire, « Depuis la fin du dix-neuvième siècle, plus d’une centaine d’hommes quittent leur île au début de chaque printemps pour aller travailler comme débardeurs à Montréal ; on les appelle les « gens du bord de l’eau ». Ils reviennent presque tous à l’automne, mais beaucoup d’entre eux finissent par s’installer à Montréal où s’est constitué un véritable quartier des « gens de l’île ».

[14] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, page 7.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 11 août 1870.

[16] RESSOURCES NATURELLES CANADA. Séismes canadiens importants, op.cit.

[17] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, pages 28-30.

[18] BAnQ., Aveux et dénombrements C 3 ; Domination anglaise 1, 1777-1782 : fol. 530-535.

[19] LE QUERREC, Jacques. « L’île aux Coudres, Vers un divorce ethno-écologique », Anthropologie et Sociétés, vol. 5, no 1, (1981), pp. 165-189. Numéro intitulé : « Les sociétés de pêcheurs ». Québec : Département d’anthropologie, Université Laval.

[20] B.A.C., G., Recensement de 1871, district de Charlevoix, sous-district de l’Îsle aux Coudres, page 30.

[21] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 3 juillet 1872.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 24 avril 1874.

[23] Dans les religions chrétiennes, l’Annonciation est l’annonce faite à la Vierge Marie de sa maternité divine par l’archange Gabriel. Cet événement biblique est célébré par les catholiques et les orthodoxes.

[24] Alexis Mailloux (1801-1877) est un historien du XIXe siècle natif de l’Isle-aux-Coudres. Prêtre québécois connu pour avoir été le premier à écrire l’histoire de l’Isle-aux-Coudres.

[25] Elzéar-Alexandre Taschereau (1820-1898) était l’archevêque de Québec et le premier cardinal né au Canada.

[26] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 8 août 1877. Et : COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 2, mars et avril 2008.

[27] Le maréchal-ferrant est un artisan dont le métier consiste à ferrer les pieds des chevaux et autres équidés et à s’occuper de leurs parages. Le ferrage des bovins de trait, très pratiqué à l’Isle depuis le tout début de la colonisation, comme en France d’ailleurs, est encore pratiqué au temps de Joseph.

[28] B.A.C., G., Recensement de 1881, District de Charlevoix, sous-district de l’Isle-aux-Coudres, page 10.

[29] LE QUERREC, Jacques. « L’île aux Coudres, Vers un divorce ethno-écologique », Anthropologie et Sociétés, vol. 5, no 1, (1981), pp. 165-189. Numéro intitulé : « Les sociétés de pêcheurs ». Québec : Département d’anthropologie, Université Laval.

[30] On nomme à l’Isle ingots, des cornets de sucre du pays. Sans doute une corruption du français lingot ?

On appelle oragan en langue, autrefois dite sauvage, un petit panier en écorce de bouleau qui sert ordinairement de corbeille au pain.

[31] CASGRAIN, Henri Raymond. Légendes canadiennes et variétés. Une excursion à l’île aux Coudres. Montréal, Éditions Beauchemin & Valois, Tome I, 1884, page 65.

[32] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 1er avril 1879.

[33] Dans les registres de l’association des Campeurs de Montréal-Nord qu’il a fondée, on retrouve sa signature où le « a » remplace clairement le « e » à la fin de son nom. Adrien, et tous ses ancêtres à l’Isle de la deuxième moitié du XIXe siècle avant lui ont toujours prononcé et écrit, quand ils le pouvaient, le patronyme « Harvay », soit « arvé » en phonétique.

[34] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 25 mai 1879.

[35] ALLAIRE Jean-Baptiste-Arthur. Dictionnaire biographique du clergé canadien-français ; Les anciens. Montréal, Imprimerie de l’école catholique des Sourds-Muets, 1910, page 520-521.

[36] BAnQ., Registre de Saint Louis de l’Isle aux Coudres, 27 juin 1879.

[37] COLLECTIF. « Chronique de l’Isle-aux-Coudres », Le phare, Isle-aux-Coudres, volume 8, numéro 3, mai et juin 2008 et BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie pour 1832.

[38] B.A.C., G., Recensement de 1881, district de Charlevoix, sous district de l’Isle aux Coudres, page 10.

[39] Parvenue en Nouvelle-France avec les premiers arrivants, la guignolée s’est propagée aux quatre coins de l’Amérique française. La guignolée était pratiquée autrefois tout au long du mois de décembre, mais plus particulièrement la journée de la Saint-Sylvestre. Cette coutume a toujours été animée par la même intention : fournir aux plus pauvres ce dont ils ont besoin pour bien terminer l’année et pour commencer la nouvelle avec optimisme. La quête se passe dans un esprit joyeux et en cette période de l’année, les gens sont souvent plus généreux et enclins à penser aux autres. « Courir la guignolée » se faisait rarement avec discrétion ; cette quête était une sorte de mascarade où l’on entendait d’avance arriver les guignoleux, précédés par des bruits, par le son de leurs clochettes caractéristiques, par de la musique et bien entendu leur chanson de circonstance. Dans : RDAQ, Le réseau de diffusion des archives du Québec. Remonter aux sources, La guignolée. [En ligne]. http://rdaq.banq.qc.ca/expositions_virtuelles/coutumes_culture/decembre/saint-sylvestre/remonter_sources.html [page consultée le 11/02/2014].

[40] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 12 septembre 1883.

[41] Ibid., 1er janvier 1882.

[42] Ibid., 2 juillet 1882.

[43] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 1 avril 1884.

[44] BOISVERT, Mireille, et Francine M.MAYER. Mortalité infantile et consanguinité dans une population endogame du Québec. In: Population, 49e année, n° 3, 1994 pp. 685-724.

[45] FALARDEAU, Denis. Un peu d’histoire… L’église Saint-Louis de l’Isle-aux-Coudres. [En ligne]. http://montsetrives.com/Historique-Saint-Louis.pdf [page consultée le 13/02/2014].

[46] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 16 et 29 août 1886.

[47] SUTTER, J. et TABAH, L. « Les notions d’isolat et de population minimum ». Population, 1951, 3, pp. 481-498.

[48] Les prénoms soulignés sont ceux communément employés. Certains prénoms ne se retrouvent même pas au baptistère de l’enfant. La famille avait trois Joseph. Probablement une préférence du curé puisqu’un seul fut appelé Joseph au quotidien.

[49] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 12 avril 1887.

[50] FALARDEAU, Denis. Op.cit.

[51] B.A.C., G., Recensement de 1891, District de Charlevoix, sous-district de l’Isle-aux-Coudres. Page 31-32. Le recensement a débuté officiellement le 6 avril 1891.

[52] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 19 janvier 1893.

[53] Massachusetts Archives, Marriages registered in the City of Haverhill for the Year eighteen hundred and ninety-three, 10 avril 1893.

[54] AUNGER, Edmund A. Espérance de vie : diagnostics et pronostics concernant l’avenir des communautés francophones en Amérique », Francophonies d’Amérique, Numéro 26, Automne 2008, pp. 269-273.

[55] Massachusetts Archives, Haverhill Massachusetts City Directory for 1894. Et: BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 3 septembre 1894. Sépulture de Napoléon Harvey, deux mois. Parents résidents de l’Isle-aux-Coudres. Père déclaré forgeron lors du baptême.

[56] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 19 juillet 1895. Baptême de Joseph Hercule Harvey. Parents résidents de l’Isle-aux-Coudres. Père absent lors du baptême.

[57] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Urbain, 24 octobre 1928. Mariage de Joseph Philippe Harvey.

[58] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 28 mai 1949.

[59] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 7 octobre 1898. Baptême de Joseph Antoine Hilaire.

[60] MAGNAN, Hormisdas. Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la Province de Québec. Arthabaska, Imprimerie d’’Arthabaska inc., 1925, page 453.

[61] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Raphaël d’Albertville, 12 octobre 1950.

[62] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-l’Isle-aux-Coudres, 14 février 1897.

[63] B.A.C., G., Recensement de 1911, District de Charlevoix, sous-district du village de Baie-Saint-Paul, page 24.

[64] B.A.C., G., Recensement de 1911, District de Charlevoix, sous-district du village de Baie-Saint-Paul, page 31.

[65] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul de Baie-Saint-Paul, 13 juillet 1956.

[66] B.A.C., G., Recensement de 1901, district de Charlevoix, sous-district de l’Isle aux Coudres, page 19. Le recensement a débuté officiellement le 31 mars 1901, mais alors qu’il avait eu lieu le 4 avril au Cap à Labranche, à la Côte de La Baleine, il n’est effectué que le 25 avril par Ovide Dufour.

[67] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-André de Kamouraska, 16 août 1904.

[68] ANCTIL-TREMBLAY, Alain et Chantal GRAVEL. Les grandes familles. Ile-aux-Coudres, 1741-2011. Baie-Saint-Paul, Imprimerie Saint-Paul, « Les grandes familles de Charlevoix », volume 9, 2011, page 200i.

[69] B.A.C., G., Recensements de 1891, 1901, 1911, 1921 District de Charlevoix, sous-district de l’Isle-aux-Coudres.

[70] B.A.C., G., Recensement de 1911, district de Charlevoix, sous-district de l’Ile aux Coudres, page 2.

[71] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Bernard de l’Isle-aux-Coudres , 6 juin 1939.