03 Marie Céleste Hervé

5.6.05.03 Marie Céleste Hervé (1797-1878), 5e génération


L’été se pointe et « Marie Catherine Kimper dite Denis» accouche d’une troisième fille dans des circonstances difficiles le 17 juin 1797.  L’enfant est ondoyé «à la maison à cause du danger pressant de mort par la sage femme»«Marie Céleste Hervé» est amenée rapidement à l’église de Saint-Roch-des-Aulnaies où elle est baptisée sous condition le jour même.  On choisit comme parrain « Pierre Kimper dit Denis», le grand-père demeurant à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, qui était probablement à la maison de sa fille avec sa femme, en attente de cet accouchement que l’on devait prévoir difficile.  La marraine est «Marie Charlotte Saint Amand dite Lebret», la seconde épouse d’André Couturier, voisin, cousin et ami des trois frères Hervé.  Le père Joseph Sébastien Hervé (1767-1834) déclaré «laboureur» est encore absent de cette cérémonie[1]

Marie Céleste épouse Jérôme Petit dit Saint Pierre (1797-1864) le 26 janvier 1819 en l’église de Saint-Roch-des-Aulnaies[2] ; elle est enceinte de trois mois.  Jérôme, de son nom véritable Joseph Élie Petit, est né la même année que Marie Céleste; ils ont donc tous deux vingt et un ans au moment du mariage.  Il est le fils de Pierre Petit dit Saint Pierre (1865-1830) et de Marie Angélique Pelletier (1766-1853) [3]

Le 24 juillet, après la naissance de Marie Emerentiane Petit leur premier enfant[4], le couple en aura au moins dix autres connus, tous nés à Saint-Roch-des-Aulnaies : François le 3 décembre 1820, Jean Damasse le 9 avril 1822, Marie Gracilie le 13 mai 1824, Joseph Godedroy le 22 mars 1826, Thomas le 22 octobre 1827, Joseph le 23 mai 1829, Jean Guillaume le 16 octobre 1831, Marie Vitaline le 7 novembre 1833, Arthemise le 2 août 1836 et enfin Victoire le 22 octobre 1839.  Certains porteront le patronyme de Petit, d’autres de Saint-Pierre tout court ou de Petit dit Saint-Pierre.  Un seul ne survivra pas à son enfance; Jean Damasse Petit dit Saint-Pierre meurt douze mois après sa naissance[5].

La famille, composée de douze personnes, est donc au complet en 1839.  Le travail se fait rare pour le père qui est maçon de profession, mais il offre aussi ses bras au plus offrant comme journalier.  En conséquence, après la naissance de Victoire, leur dernier enfant, la famille part s’installer dans le faubourg Saint-Roch de Québec où cinq des enfants se marieront.  La ville de Québec de divise alors en six faubourgs : Saint-Louis, du Palais, Saint-Pierre, Champlain, Saint-Roch et Saint-Jean.  Ils sont probablement déjà partis de Saint-Roch-des-Aulnaies au printemps 1842, car Céleste, Jérôme et leurs enfants assistent au mariage de leur aînée «Emérance Saint-Pierre» à la fin de l’été 1842; le curé lors de la cérémonie inscrit d’ailleurs à son registre «Jérôme St.Pierre et Marie Céleste Harvé de cette paroisse» [6]

La famille vivra plus de quinze ans dans ce quartier ouvrier de Québec.  Le 28 mai 1845, elle y vivra sans doute ses heures les plus difficiles.  Vers onze heures le matin, les flammes font rage aux grandes tanneries Osborne et Richardson, sur la rue Arago, près de la rue Saint-Vallier.  En raison des vents forts venant de l’ouest, l'incendie se propage sur la falaise jusqu'aux rues Saint-Olivier et des Glacis; presque tout Saint-Roch, à l'est de la rue de la Couronne, est consumé par le feu, à l'exception de ce qui était au nord de la rue Saint-François.  La famille se retrouve au milieu du terrible incendie qui détruit plus de mille six cents maisons.  L’église de la paroisse est emportée par les flammes.  Au lendemain du tragique évènement, seuls deux édifices du quartier restent encore debout, le couvent et la chapelle des Morts.  On dénombre cinquante morts.  Marie Céleste et sa famille ont survécu bien qu’ils font partie des douze mille personnes qui se retrouvent sans logis.  Comme les autres, ils vivront un certain temps des collectes de vêtements et de nourritures organisées aux quatre coins de la colonie pour venir en aide à la population éprouvée du faubourg Saint-Roch de Québec[7].

En 1858, ils y vivent leur dernier moment joyeux quand leur fils de vingt-six ans, Jean Guillaume Petit dit Saint-Pierre, se marie à Marie Zélia Pageot[8], car par la suite la calamité s’installe à demeure.  Ils perdront deux de leurs fils en 1859.  Le célibataire et aîné François Saint-Pierre qui s’était fait maçon comme son père décède en mars à l’âge de trente-huit ans alors que son frère, Joseph Petit, aussi célibataire et âgé de trente ans, part à son tour la veille de Noël[9]

À la suite de ces drames, Marie Céleste et son mari reviennent habiter un certain temps à Saint-Roch-des-Aulnaies alors que leurs enfants mariés, Emérance, Gracilie, Jean Guillaume, Arthémise et Victoire, demeurent à Québec. 

Femme d’un agriculteur devenu maçon et journalier par besoins, Marie Céleste perd son mari le 15 décembre 1864 à Saint-Roch-des-Aulnaies[10].

Depuis son retour Marie Céleste ne devait plus reconnaître cet endroit qu’il l’a vu grandir.  Rien n’est comme avant.  La petite chapelle qu’elle et sa famille fréquentaient a disparu pour faire place à une église monumentale de style néogothique qui trône sur le bord du fleuve depuis 1853 et lui rappelle un peu trop les grandes églises de Québec où elle vécut le malheur. 

Comme à la ville, les plus riches du village se font dorénavant inhumés dans le cimetière ad sanctos situé sous l’église, croyant qu’à cet endroit ils seraient plus près de Dieu.  Marie Céleste avec son peu de moyens, avait dû enterrer son mari dans le cimetière des gens ordinaires malgré la croyance populaire de l’époque.  De plus, elle n’a que très peu d’attaches familiales dans son village natal, car ses frères et ses sœurs sont décédés ou partis faire leur vie à l’extérieur.  Ses uniques cousins et cousines, enfants de son oncle François qui demeuraient au village voisin de Sainte-Anne-de-la-Pocatière sont, dans les années quarante, partis s’établir aux portes de la Gaspésie. 

Après le décès de son époux, Marie Céleste part donc s’installer chez sa fille Arthémise dans le quartier Saint-Jean-Baptiste de Québec[11].  Elle suivra la famille de sa fille qui migrera à Montréal tout comme la cadette Victoire qui a perdu son mari en 1868[12]

Marie Céleste à tout juste le temps de voir sa cadette convoler en secondes noces en novembre 1877 dans sa nouvelle paroisse de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal[13]

Son destin achevé, le 5 juin de l’année suivante, Marie Céleste, la « veuve St. Pierre», décède dans le Faubourg Québec à Montréal[14]

[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 17 juin 1797.

[2] Ibid., 28 janvier 1819.

[3] Ibid., 14 mars 1797.

[4] Ibid., 24 juillet 1819.

[5] Ibid., 9 avril 1822 et 24 avril 1823.  Baptême et sépulture de Jean Damasse.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch de Québec, 6 septembre 1842. Mariage d’Emérence Saint Pierre et Louis Gagnon.  La famille n’est pas inscrite pour le quartier Saint-Roch de Québec au recensement de 1842 tenu entre la fin septembre 1841 et le 1er février 1842, période du recensement.  Comme les données du recensement pour Saint-Roch-des-Aulnaies ont été détruites, on peut conclure qu’elle y était toujours.

[7] DROLET, Antonio. La ville de Québec : histoire municipale. Vol. III. Cahiers d’histoire, 19. Québec, La Société historique de Québec, 1967. Page 86.

[8] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch de Québec, 2 août 1858.

[9] Ibid., 9 mars et 26 décembre 1859. Décès de François et Joseph.  Bien que né avec des patronymes différents, ils sont tous les deux inhumés avec le patronyme Petit dit Saint-Pierre.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch-des-Aulnaies, 18 décembre 1864.

[11] B.A.C., G., Recensement de 1871, Québec, quartier Saint-Jean, page 4.

[12] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Roch de Québec, 24 janvier 1868.  Sépulture de Louis Genest dit Labarre époux de Victoire Saint-Pierre.

[13] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Vincent de Paul de Montréal, 26 novembre 1877.

[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Vincent de Paul de Montréal, 7 juin 1878.