01. La Nouvelle-France

Comme on l’a vu, Sébastien Hervet avait émigré en Nouvelle-France, de la commune de Blois en la province de l’Orléanais, entre 1668 et 1671 après sa sœur Renée qui était arrivée en 1662 avec son époux Hypolite Thibierge et deux de leurs enfants.  Son frère Gabriel était aussi arrivé dans la colonie peu de temps après sa sœur. 

En 1667, la population de Nouvelle-France ne compte pas encore quatre mille habitants selon le recensement de l’intendant Jean Talon.  Bien que nos ancêtres arrivent de presque partout en France, déjà à cette époque, les immigrants viennent majoritairement de quelques-unes des trente-huit provinces de France[1] du temps, soit la Normandie, Paris et l’Île-de-France, l’Aunis, le Poitou, la Perche, la Saintonge et, dans une moindre mesure, la Bretagne, l’Anjou, le Maine et la Touraine[i].

Les Hervet sont parmi les rares Orléanais[2] à émigrer en Nouvelle-France.  Moins de deux pour cent des arrivants français en seront originaires trente ans après l’arrivée de Sébastien dans la colonie.  

Si tant est que ce soit en 1670 qu’il arrive à Québec, Sébastien a déjà vingt-huit ans.  À cette époque, Québec et ses environs, en incluant l’île d’Orléans, comptent un peu plus de deux mille âmes, soit plus de la moitié de la population de la Nouvelle-France.  Même si, aux yeux de Sébastien, Québec est un bourg dix fois moins populeux que Blois[3] à la même période, c’est une terre de liberté et possiblement d’une prospérité perdue en France.  La Nouvelle-France n’avait pas ses châteaux comme au pays blésois de Sébastien, mais elle avait le mérite d’offrir à tous la possibilité de s’en bâtir un.  La France de notre ancêtre était riche, mais seule une poignée de gens accaparaient cette richesse.  Le pays où il débarquait était tout jeune, trente ans plus tôt, ils n’étaient que deux cents migrants dans la vallée du Saint-Laurent.  

L’ancêtre Hervet n’arrivait pas seul en 1670, car six compagnies du Régiment Carignan-Salières, qui étaient passées en Europe, reviennent en Nouvelle-France. En plus de ces trois cent cinquante soldats, cinq cents nouveaux colons français viennent s’établir en Nouvelle-France. 

À l’époque de l’arrivée de Sébastien dans la colonie, les engagés forment l’essentiel de l’émigration.  On sait que ceux qui n’ont pas le moyen de payer leur traversée «s’engagent» à demeurer plusieurs années au service d’un colon ou d’un marchand qui avancent les frais de leur voyage; or Sébastien a les moyens de s’offrir le passage.  Son nom n’apparaît dans aucun acte d’engagement pour le Canada, aujourd’hui retrouvés au greffe de l’Amirauté d’Aunis ou ailleurs[4].

À son arrivée à Québec, Sébastien a pu pratiquer le métier de potier d’étain, mais on n’en trouve pas trace. 

Comme le mentionnait Mme Sylvie Tremblay, la généalogiste en chef de Bibliothèques et Archives Canada[5] après avoir effectué des recherches sommaires sur notre ancêtre Sébastien Hervet à la demande de mon épouse Céline, la seule chose dont on est certain, c’est de sa première signature en Nouvelle-France en octobre 1671.   

En effet, Sébastien est cité en Nouvelle-France pour la première fois, le 26 octobre 1671, alors qu’il est témoin au mariage d’Antoine Tison (1649 — ) et de Marie Anne de La Porte (1658 —) à l’église Notre-Dame de Québec[6].  Antoine Tison est débarqué dans la colonie l’année précédente alors que son épouse est arrivée avec sa mère et une sœur en 1665, deux ans après la mort de son père[7].  Ces nouveaux époux ne demeureront pas à Québec toute leur vie; ils partiront s’installer à deux mille cinq cents kilomètres plus à l’ouest, au confluent de la rivière Missouri et du fleuve Mississippi pour y fonder un poste français nommé Florissant[8] en Haute-Louisiane.  L’endroit était situé non loin du Fort de Chartres, le centre d’où les gouverneurs français dirigeaient la région du Pays des Illinois et de la Haute-Louisiane en Nouvelle-France.

Dans un bourg de la taille de Québec, au début de la décennie débutant en 1670, peu nombreux sont les nobles, bourgeois et religieux pouvant s’offrir le travail d’un potier d’étain. «Sébastien chercha sa voie pendant de nombreuses années.  Son métier de potier d’étain ne faisait pas vivre son homme.» [9] 

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[1] L’origine des arrivants français en Nouvelle-France (1608 à 1700)

 

Source : «L’origine des immigrants français de 1608 à 1700» Stanislas A. Lortie, citée par Philippe Barbaud, Le choc des patois en Nouvelle-France, Sillery (Québec), Les Presses de l’Université du Québec, 1984, p. 20-21.

[1] D’après le Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal, cité par Leslie Choquette dans De Français à paysans «Modernité et tradition dans le peuplement du Canada français», Québec-Paris, Éditions du Septentrion et Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1997, p. 26.

[2] L’Orléanais est une des anciennes provinces françaises, dont la capitale est Orléans.  Elle correspond aux actuels départements du Loiret et de Loir-et-Cher ainsi qu’à une partie de ceux d’Eure-et-Loir et de l’Yonne.  Elle couvre aussi l’est de la région Centre ainsi que le nord-ouest de la Bourgogne.  L’Orléanais est l’une des trois principales provinces historiques de l’actuelle région Centre.  Au moment de la conquête en 1759, la fin du régime français, seulement cent trente-sept émigrants, 1,8 % des émigrants venus en Nouvelle-France étaient de cette province.

[3] BENEDICT, Philip, La population réformée française de 1600 à 1685, Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1987, Volume 42, Numéro 6, pp. 1433-1465.

[4] DEBIEN, G. «Engagés pour le Canada au XVIIe siècles vus de La Rochelle», La Revue d’histoire de l’Amérique française, Volume 6, numéro 2, (septembre 1952), Institut d’histoire de l’Amérique française, pages 177-233.

[5] Sylvie Tremblay détient un baccalauréat ès arts avec spécialisation en histoire canadienne et un certificat en archivistique de l’Université Laval.  Elle fait de la recherche généalogique depuis 1976 et a été agréé maître généalogiste en 1993.  Elle a travaillé pour de nombreux organismes dont les Archives nationales du Québec, Archiv-Histo et Parcs Canada et a siégé au conseil d’administration de la Société de généalogie de Québec et de la Fédération québécoise des sociétés de généalogie.  Mme Tremblay a publié de nombreux ouvrages généalogiques — répertoires de mariages et de sépultures, greffes de notaires, articles sur diverses familles, relevés de pierres tombales.  En novembre 2001, elle est entrée à Bibliothèque et Archives Canada, lieu de travail de mon épouse.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Québec, 26 octobre 1671.

[7] FichierOrigine, Fédération québécoise des sociétés de généalogie et Fédération française de généalogie.  Fiche 242300, Marie Anne de Laporte.

[8] Aujourd’hui une banlieue de la ville de Saint-Louis au Missouri.

[9] Lebel, Gérard. Nos ancêtres. Biographies d’ancêtres. «Sébastien Hervé». Sainte-Anne de Beaupré, Les éditions de La Revue Sainte-Anne de Beaupré, Volume 18, 1983, page 86.