En 1762, Marie Madeleine Tremblay accouche d’un deuxième fils. C’est au tour de « Louis Hervé » de naître le 23 mars. Comme les gens de l’Isle sont sans curé et à la merci du passage aléatoire d’un missionnaire, le petit ne sera baptisé qu’un mois plus tard. Était-ce pour le protéger pendant cette période qu’il fut ondoyé ou était-il fragile ? En avril, le couple choisit comme parrain Michel Tremblay (1748-1742), le frère cadet de Marie Madeleine. La marraine est Marie Angélique Debiens (1738-1821), une voisine et cousine de Pierre[1].
Pendant ce temps, Pierre continue de travailler sur sa terre. À vingt-neuf ans, on ne peut pas dire que ce dernier soit un cultivateur encore bien établi, ce qui porte à croire qu’il y est installé depuis peu. Il peut bien avoir une terre faisant le double de celle que son père possédait, le sol des terres à la Coste de la Baleine est moins productif que celui du Cap à Labranche et c’est pour cela que ces messieurs du Séminaire les avaient faites beaucoup plus grandes, cinq et six arpents, lors des distributions initiales. Pour être prospère, il faut avoir les liquidités nécessaires pour acquérir du bétail et comme on l’a vu, Pierre ne paraît pas avoir d’autres revenus d’appoint que la culture de sa terre qui en est une de subsistance seulement. Lui qui n’a ni bœuf ni cheval, comment cultive-t-il sa terre ? Il a bien deux taurailles sur lesquelles il pourra compter plus tard, mais pour l’instant, sa richesse se résume à trois vaches, huit moutons, deux cochons et sa paire de bras. Il est évident que, si peu équipé, il n’ensemence pas autant que la majorité de ces voisins de la Coste de la Baleine. En 1762, il n’a fait que sept différentes semences[2]. Parmi elles, bien évidemment, le lin qui servira, tout comme la laine des brebis d’ailleurs, à produire les vêtements pour la famille. Le lin et la laine seront ainsi utilisés encore pour une bonne centaine d’années, ce qui permettra aux hommes de porter leur capot en étoffe du pays et aux femmes le jupon de droguet comme le mantelet d’Indienne avec le petit châle les jours de grandes occasions. Pour l’heure et comme habits de tous les jours, Pierre porte une veste et un pantalon d’étoffe alors que Marie Madeleine se contente d’une robe, d’une blouse d’un jupon de laine, des vêtements que cette dernière a fabriqués.
Le recensement de 1762 nous révèle que Pierre et Marie Madeleine bénéficient d’une domestique. Marie Madeleine est enceinte et elle a probablement besoin d’aide. Ce type de main-d’œuvre ne manque pas à l’Isle ces dernières années, car il s’agit fort probablement d’une des nombreuses orphelines que les épidémies de 1755 et 1758 ont laissées derrière elles. Alors que la population à l’Isle a maintenant atteint deux cent trente-sept âmes reparties sous quarante toits, on compte vingt-neuf domestiques chez ce peuple d’agriculteurs-pêcheurs. Ces deux événements peuvent expliquer que cette pratique ait pris racine chez les insulaires ; en l’espace de trois ans, l’Isle avait connu deux épidémies dévastatrices pour sa population, laissant derrière elles des douzaines d’orphelins. Si certains s’en sont sortis par des mariages hâtifs, les veufs et les veuves n’ayant trouvés preneurs, n’ont eu d’autres choix que de placer certains de leurs nombreux enfants dans la famille ou chez des amis. Lorsque l’on examine les recensements des XVIIIe et XIXe siècles de ce coin de pays, on remarque rapidement que le nombre de domestiques chez les familles de l’Isle-aux-Coudres est plus élevé que sur la côte charlevoisienne. Comme aucun insulaire n’est fortuné, seules les épidémies peuvent expliquer cette situation.
Après la conquête, les voisins de Pierre et Marie Madeleine sont les suivants : vers l’est du côté du bout d’en bas, Jean Louis Savard (1746-1803) marié à une des filles d’Ignace Brisson, ses beaux-frères François Bouchard et Pierre Savard, nouvellement remariés à une autre fille d’Ignace Brisson, tandis que vers l’ouest du côté du Cap-à-Labranche, ce sont André Bergeron (1727-1801), le navigateur Baptiste Martel (1714-1775) marié à l’une des filles d’Étienne Desbiens, Étienne Desbiens, fils (1746-1776), Ignace Brisson (1702-1770) puis sa belle-mère, la veuve Tremblé. On en sait peu de la maison qui abrite Pierre et Marie Madeleine. Par contre, on sait que plusieurs maisons faisant face à la mer, de leur voisinage à la Coste de la Baleine, ont été construites par les premiers arrivants en pierre et maçonnerie avec les techniques amenées de leurs ancêtres français[3]. Ce sera le cas, dans quelques années, de la maison de Jean et Basile Leclerc à une demi-lieue plus à l’ouest, mais c’est aussi le cas de la maison de leur voisin André Bergeron qui l’a ainsi construite[4]. Les Leclerc sont de l’île d’Orléans et les Bergeron de Saint-Antoine-de-Tilly, deux endroits où l’on construit encore les maisons en pierre et maçonnerie. Il ne fait aucun doute, avec l’approche de corvées qu’avaient les premiers habitants à l’Isle, que Pierre devait avoir aidé son voisin André Bergeron à construire cette maison à l’origine[5]. Peut-être que la sienne était également construite ainsi, mais on ne peut le savoir.
Pierre et Marie Madeleine assisteront à de nombreuses noces dans les prochaines années puisque Marie Jeanne Glinel s’affaire à marier ses autres enfants. En novembre 1762, c’est Thècle Tremblay (1742-1817) qui quitte la maison pour s’installer avec son époux Joseph Desgagnés[6]. L’été suivant, c’est au tour de Marie Anne Tremblay (1744-1789) d’épouser Michel Pedneau (1738-1810)[7].
Le 3 juillet 1763, Pierre et son frère Zacharie ratifient pour un montant de cent livres la vente qu’il fait à son frère de l’héritage qu’il avait reçu de sa mère[8].
C’est en 1764 que Marie Madeleine Tremblay donne à Pierre un troisième fils. À une époque où les bras d’un homme étaient si valorisés, le père devait en être fier. Le 12 août, « André Laurent Hervé » qui portera le prénom d’André toute sa vie est baptisé dix jours après sa naissance[9]. Bien qu’il ne soit ni l’aîné ni le plus jeune, c’est André qui agira comme poteau de vieillesse de ses parents puisqu’il sera le seul fils de Pierre à demeurer à l’Isle et qu’il prendra la relève sur la terre paternelle.
Jusqu’à maintenant, à l’île, le nom de Pierre n’a pas été souvent associé à « la pêche à marsoin », mais il y prend part en 1764[10]. Les archives du séminaire de Québec regorgent de ces baux de pêches accordés aux insulaires. Bien que ses frères y soient mentionnés régulièrement, Pierre ne l’est en 1764 et le sera à nouveau pour la pêche de 1768 :
« je soussigné procureur du Seminaire de quebec permets par les presentes aux habitants nomé dans le bail a ferme fait par devant Crepin notaire le vingt deux juillet mil sept cent soixante quatre de tendre en mil sept cent soixante huit la peche a marsoin dite de la Cote de la baleine et ce au meme lieu et aux memes conditions portees au dit bail cest a dire que le Seminaire prendra le tiers des huiles provenant de la dite peche sans que les dits habitants puissent prendre leur provision avant le partage des dites huiles. les autres conditions du dit bail seront toutes suivies... fait a lisle au coudres le 9 juin 1767. »[11]
À l’automne 1764, la matriarche du clan, Marie Jeanne Glinel, réussit un autre coup double. Elle marie le même jour deux autres beaux-frères de Pierre, ses fils Joseph Marie (1740-1800) et Louis André (1741-1829)[12].
Au recensement de 1765, on compte un ménage de plus à l’Isle. Ils sont maintenant quarante et une familles à être toujours réparties dans les quarante mêmes maisons avec une moyenne de 4,4 arpents pour chaque famille. La population ne s’élève qu’à deux cent treize habitants dont cent douze sont des femmes. Dans les bâtiments associés à chacune de ces maisons, on compte en moyenne un cheval, un bœuf, plus de deux vaches, six moutons et deux cochons. Quand on y regarde de plus près, le cheptel que possédait Pierre trois ans plus tôt et qui était alors constitué de trois vaches, huit moutons et deux cochons, on constate qu’il n’est guère moins riche que la moyenne des insulaires.
Comme à son habitude, deux ans plus tard en 1766, Marie Madeleine Tremblay accouche d’un autre enfant. « Marie Jeanne Hervé » née le 17 mai sera baptisée en juin. Son parrain Louis Marie De Bien (1749-1810) est un petit-cousin du père, alors que la marraine est Marie Charlotte Tremblay la sœur cadette de Marie Madeleine[13].
Le quatrième fils de Pierre ne tarde pas à se présenter. En janvier 1768 ou vers cette époque naît celui que l’on appellera toute sa vie « Joseph ». Lors du baptême, le curé Louis Chaumont de la Jannière de Baie-Saint-Paul qui assure la déserte de l’Isle, ne mentionne que l’année de naissance. Il fit de même pour toutes ses inscriptions de l’année 1768[14]. La dernière inscription datée est celle du baptême d’Alexis Savard le 24 janvier 1768. Cinq autres baptêmes non datés sont enregistrés avant celui de « Dominique Romain ». Bien que le registre de baptême ne mentionne aucunement le prénom Joseph, il sera nommé « Joseph Erver » lors de son mariage et « Joseph Hervai » à sa sépulture. Il sera ainsi prénommé lors de tous les baptêmes et mariages de ses enfants. Celui qui est baptisé en ce début d’année porte au registre deux prénoms différents de celui qu’il utilisera toute sa vie. Les parents choisissent l’oncle Dominique comme parrain et la tante de l’enfant Marie Thèque Tremblay (1742-1817). Comme l’État n’avait pas encore commencé à gérer la vie quotidienne de ces cultivateurs, chacun pouvait encore s’offrir le caprice de modifier son prénom, ce que fera « Dominique Romain » en débarquant à Murray Bay dans une vingtaine d’années.
À l’été 1769, Marie Jeanne Glinel fait appel aux services de l’arpenteur Ignace Plamondon père (1735-1793) pour dresser le procès-verbal et le plan des terres des héritiers de Guillaume Tremblé. La matriarche qui a maintenant soixante-trois ans a décidé de se donner et pour se faire elle doit d’abord partager entre ses enfants la part qui revenait à son époux de la communauté qu’elle formait avec lui[15]. L’arpenteur Plamondon connaît bien les terres en question puisque c’est lui qui, en 1746, avait dressé le procès-verbal de chaînage de la profondeur des terres des habitants de la Coste de la Baleine à partir de la rivière Rouge, à l’endroit où elle se décharge dans le fleuve Saint-Laurent, et de chaînage, lignes et bornes de treize terres situées à l’île aux Coudres, dans la seigneurie de l’Île-aux-Coudres dont celle de Guillaume Tremblé[16].
De tous ses enfants, Marie Jeanne Glinel n’aura vu que son fils Guillaume (1738-1795) quitter l’Isle pour s’installer aux Éboulements lors de son mariage en 1768 alors qu’il épousa Thérèse Lavoie (1751-post.1792). Ses onze autres enfants sont demeurés des insulaires toute leur vie. Bien que le détail des ventes entre les enfants après le partage ne nous soit pas parvenu, on sait qu’il n’affectera pas la terre de quatre arpents de Pierre, puisque c’est cette même terre qui passera aux mains de son fils André Laurent vers la fin du siècle. On se souviendra qu’en plus de la pointe du bout d’en bas, la terre de Guillaume Tremblé, faisait cinq arpents sur toute la largeur de l’Isle de son côté sud jusqu’à la côte faisant face aux Éboulements du côté nord. Cet ensemble de terres aura été suffisant pour la survie de tout le clan de la veuve Tremblé restant, y compris Marie Madeleine et Pierre puisque c’est là qu’ils y élèveront tous leurs enfants.
Après une disette de curé de plus de vingt-ans, dans la première quinzaine du mois d’octobre de l’année 1770, Jean Jacques Berthiaume (1739-1807), ordonné prêtre le 19 août précédent, venait prendre possession de la cure de l’Isle‐aux‐Coudres. Avec l’arrivée d’un curé, venait l’obligation de payer la dîme annuelle dite « dîme à grain ». Tradition séculaire provenant du système féodal français et apporter par les premiers colons, comme ailleurs dans la colonie, la dîme à grain correspond au vingt-sixième minot de grain récolté. L’ennui à l’Isle, c’est que le grain n’est pas légion. Plusieurs vivent de la mer et cultivent uniquement pour leurs besoins alimentaires. De plus, le moulin, faute de vent, peine à fournir les grains essentiels. Comme plusieurs censitaires seront dans l’impossibilité de prélever sur leurs récoltes le grain nécessaire à la dîme, les insulaires, pour prévenir le coup, avaient demandés au représentant du séminaire que soient autorisé que la dîme le soit en huile de marsouin. L’évêché acquiesce à la demande des insulaires le 7 octobre 1770[17]. Le curé sera donc payé en pot d’huile à marsouin, mais aussi en bois de chauffage pour ceux qui peuvent se le permettre. Bien plus tard, avec l’introduction de la culture de la pomme de terre à l’Isle au XIXe siècle, on parlera aussi de la « dîme à patates » [18]. Pierre, s’il a continué à pratiquer « la pêche à marsoin », pourra donc s’acquitter de ses obligations envers son curé autrement qu’en grain ou bois.
L’année 1771 apportera son lot de réjouissances pour Pierre et Marie Madeleine. Le 13 mars, elle accouche d’un cinquième garçon que les parents prénommeront « Michel » dix jours plus tard. Aujourd’hui, on s’explique mal ce retard entre la naissance de l’enfant et son baptême puisque depuis l’année précédente les gens de l’Isle profitent de la présence permanente de leur deuxième curé Jean Jacques Berthiaume. Pouvait-il être parti en mission en mars alors que le fleuve est à peu près impraticable ? Déjà, un certain Joseph Bona rode autour de la famille puisqu’il est choisi comme parrain. Le curé ne prend pas le soin d’inscrire son patronyme au registre, mais nous le rencontrerons sous peu. Marie Anne Tremblay, la sœur de Marie Madeleine est la marraine[19]. Pierre avec ce qu’il possède de terre commence certainement à réaliser qu’il ne pourra établir tous ses fils à l’Isle et que certains devront s’expatrier.
À la fin de l’été, la matriarche Marie Jeanne Glinel procédera au mariage de ses derniers enfants toujours célibataires. Marie Charlotte épouse Joseph dit Bona Dufour, un cultivateur qui deviendra sous peu un des plus importants censitaires de l’Isle-aux-Coudres, un homme politique et un officier de milice[20]. Cette union profitera sans aucun doute au clan Tremblay auquel Pierre s’est joint en 1756. Le même jour, comme c’est l’habitude dans cette famille, Pierre verra également se marier le plus jeune de ses beaux-frères. Le cadet Michel David (1748-1842) épouse Marie Demeules (1749-1821). La veuve Tremblé venait de réussir son dernier coup double ; tous ses enfants étaient maintenant casés[21].
Le nouveau curé voyant l’état de pauvreté de certains de ses ouailles intercède auprès de l’évêque de Québec pour que la vente des bancs d’église, une autre source de financement, fût payable en blé. Le 1er janvier 1772, à une assemblée de tous les paroissiens convoqués au prône de la grand-messe, il annonce donc cette mesure « pour la commodité des habitants qui manqueraient d’argent ». L’assemblée accepte que le paiement soit établi à un minot de blé par année [21a].
Marie Madeleine continue à jouer le rôle que la société du temps lui a confié. Le 4 mai 1773, elle accouche d’une troisième et dernière fille. Curiosité de l’époque, l’enfant sera prénommée exactement comme sa sœur aînée, « Marie Magdeleine ». Pour cette raison, elle sera prénommée Marie sa vie durant. Le parrain et la marraine sont des voisins, Joseph Bergeron (1754-1842) et Sophie Martel (1747-1797)[22].
En 1773, les habitants de la Coste de la Baleine, sous la gouverne du curé de Notre-Dame de Bons Secours des Éboulements Jean Jacques Berthiaume qui assure la desserte de l’Isle-aux-Coudres, commencent la construction d’un moulin à vent bien à eux sur le côté sud de l’île[23]. Les censitaires de la Baleine ne devaient pas s’être fait prier pour participer à la corvée, car du temps de Pierre, se rendre à l’église ou au moulin n’était pas une mince affaire selon les saisons. Sur l’île, aucune route digne de ce nom ne prendra forme avant 1802. Pour lui et la famille, il fallait donc emprunter des sentiers raboutés et longer la grève souvent couverte par la marée qui servait alors de voie de communication entre eux. En 1798, Pierre signera d’ailleurs une requête avec les autres habitants de l’île pour réclamer l’aménagement d’un chemin. Ce ne sera cependant que la prochaine génération qui en profitera puisque le grand voyer[24] du district de Québec n’interviendra qu’en 1801 et une route conforme aux prescriptions de la loi remplaça progressivement les sentiers tout autour de l’île l’année suivante[25]. Ce sera cependant comme de coutume, à la sueur des insulaires, puisqu’ils fourniront bras et matériaux[26]. Le gouvernement colonial n’était donc pas bien différent des seigneurs de l’île, ces messieurs du Séminaire, quand venait le temps des grands travaux.
Il se passera deux autres années avant que Marie Madeleine, le 19 mars 1775, accouche à quarante et un ans de son dernier enfant, un sixième garçon, le 19 mars 1775 qui sera prénommé « Jean François » à son baptême. Le parrain choisit est Jean Tremblay (1756-1784) un petit-cousin de Pierre et la marraine, une nièce de Pierre, Marie Des anges dite Angélique Gagnon (1753-1836), fille de sa sœur Marguerite Rosalie. Angélique a vingt-deux ans et se cherche un époux[27].
Si le mariage des cousins Pierre et Marie Madeleine avait pu laisser craindre pour la qualité de leur progéniture, les registres de la paroisse Saint Louis de France confirment que Marie Madeleine n’a apparemment perdu aucun enfant et qu’elle a accouché de neuf enfants en santé. Cinq d’entre eux passeront le cap de la soixantaine et Pierre fils sera presque centenaire. Deux de leurs filles n’auront pas la chance de vivre aussi vieilles alors qu’elles décèdent des suites d’un accouchement.
À la naissance du dernier enfant de Pierre et Marie Madeleine, la situation de la famille est la suivante :
Pierre est avant tout et probablement essentiellement cultivateur. Contrairement à ses deux frères, on ne retrouve le nom de Pierre qu’à deux occasions parmi les insulaires participants à « la pêche à marsoin ». Par contre, pour subsister, la famille compte également sur l’abondance du poisson dans les pêches à la fascine. La mer est généreuse pour les insulaires. Une fois l’hiver passé, Pierre et ses garçons profitent de la courte manne du printemps qui amène le capelan dans les eaux froides de l’Isle. L’éperlan est également arrivé, mais la famille s’en régalera toute la saison alors que le capelan est reparti. Au cours de l’été, Marie Madeleine servira l’éperlan qui préfère les chaleurs. Puis l’anguille, le poulamon et la plie fermeront la saison avant que les glaces ne gèlent à nouveau cet immense pourvoyeur qu’est le fleuve.
Bien que demeurant à l’autre bout de l’Isle, à la Coste de la Baleine, Pierre dû sûrement avoir des contacts courants avec sa famille du Cap à Labranche, ses frères Zacharie et Dominique ainsi que sa sœur Marguerite Rosalie. Dans les registres de la paroisse, on s’aperçoit que les frères sont souvent présents aux mêmes cérémonies religieuses. Il faut dire que les habitants de La Baleine se rendent régulièrement à la seule chapelle de l’Isle qui est située sur la côte du Cap à Labranche. De plus, jusqu’en 1773, ils n’étaient pas encore autosuffisants et ils devaient faire moudre leur grain au seul moulin de l’Islet ce qui les amenait régulièrement au bout d’en haut.
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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 17 avril 1762.
[2] BAnQ., « Recensement du gouvernement de Québec en 1762 par Jean-Claude Panet », 5 avril 1721. Rapport de l’Archiviste de la province de Québec pour 1925-26, 310 pages, page 140.
[3] Les maisons Leclerc et Bouchard ainsi que les fondations de la maison Bergeron et sa laiterie sont les uniques témoins de ce type de construction résidentielle en pierres et maçonnerie à l’Isle-aux-Coudres aujourd’hui. Sur les six maisons de pierres qui se trouvaient toujours à l’Isle lors du tremblement de terre de 1870, la plupart subiront de gros dommages. Toutes perdront leur cheminée, trois seront en partie démolies et celle de la famille du voisin André Bergeron s’effondrera. Seule la fondation restera debout. Seules deux maisons de pierres seront encore habitables, bien qu’elles aient perdu leurs cheminées, celle des Bouchard près des moulins et celle des Leclerc plus à l’ouest.
[4] RÉPERTOIRE DU PATRIMOINE CULTUREL DU QUÉBEC. Maison Bergeron. [En ligne]. http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=200643&type=bien#.Wtx5z4gbM2w [page consultée le 24/04/2018] et BAnQ., Ministère de la Culture et des Communications du Québec, 2014 : La fiche relative à cette maison mentionne erronément une destruction par un tremblement de terre qui serait survenu vers 1863. Or il n’y a pas eu de tremblement de terre cette année-là et celui de 1860 n’avait pas été suffisamment puissant pour détruire la maison. La terre sur laquelle est située cette maison a été concédée par le seigneur de Québec à André Bergeron et depuis, elle a toujours appartenu à cette famille. La première résidence en pierre a été construite par lui sur ce site et a plutôt été détruite par le tremblement de terre de 1870. De forme carrée, ses fondations en pierre sont toujours visibles au sous-sol de la maison actuelle. Cette dernière, construite vers 1870, a été habitée par six à sept générations de Bergeron.
[5] RESSOURCES NATURELLES CANADA. Séismes canadiens importants. [En ligne]. http://www.seismescanada.rncan.gc.ca/historic-historique/map-carte-fra.php [page consultée le 18/12/2013]. Le séisme de Charlevoix survenu le 20 octobre 1870 fut évalué sur l'échelle Mercalli (1931) d’intensité de IX et d’une magnitude de 6,5 sur l’échelle de Richter, ce qui en fait le plus gros tremblement de terre au Québec depuis le séisme de 1663 dans Charlevoix. L’intensité de IX sur Mercalli signifie que tous les immeubles subissent de gros dommages. Les maisons sans fondations se déplacent. La terre se fissure.
[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 4 octobre 1762.
[7] Ibid., 4 juillet 1763.
[8] A.N.Q., GN. Minutier Antoine Crespin père (1713-1782), 3 juillet 1763. Vente de Pierre à Zacharie, cent livres, héritage de la mère.
[9] Ibid., 12 août 1764.
[10] A.N.Q., GN. Minutier Michel Lavoye, 22 juillet 1764. Bail de pêche.
[11] A.S.Q., Seigneuries, 46, no 26F.
[12] Ibid., 8 octobre 1764. Joseph Marie Tremblay épouse Madeleine Boulianne (1745-1783) et Louis André Tremblay épouse Judith Dufour (1747-1818).
[13] Ibid., 7 juin 1766.
[14] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 1768. Le registre de la paroisse Saint-Louis-de-France ne mentionne que l’année.
[15] BAnQ., Greffe de l’arpenteur Ignace Plamondon, père, 24 juin 1769. Procès-verbal et plan figuratif du chaînage de la superficie d’une terre, de son partage entre les héritiers de feu Guillaume Tremblé, de son vivant pilote de navire, et de chaînage, lignes et bornes des portions, laquelle terre étant située à l’île aux Coudres, à l’extrémité est de ladite île, dans la seigneurie de l’Île-aux-Coudres.
[16] BAnQ., Greffe de l’arpenteur Ignace Plamondon père, 20-23 juin 1746. Il ne faut pas confondre ici cette rivière Rouge, le nom donné à ce petit ruisseau, situé à l’extrémité est de l’Isle aux Coudres par l’arpenteur Plamondon et qui est aujourd’hui appelé ruisseau Rouge avec celle portant le nom de rivière Rouge située au bout d’en haut de l’Isle à l’extrémité ouest. L’anse du ruisseau rouge située à son embouchure a pris le nom du cours d’eau. Il y a de quoi en perdre son latin, car le générique « Ruisseau » est aujourd’hui davantage utilisé pour aussi désigner le cours d’eau situé à l’extrémité ouest. La rivière et le ruisseau du même nom prennent leur source dans la tourbière du centre de l’île, d’où leur couleur. La rivière appelée ruisseau Rouge encore aujourd’hui, coule vers l’ouest alors que le ruisseau Rouge, autrefois nommé rivière Rouge par l’arpenteur Plamondon dans ses textes et sur ses cartes, coule vers l’est dans le secteur de La Baleine.
[17] A.S.Q., Manuscrit, 7 octobre 1770.
[18] MAILLOUX, Alexis. Histoire de l’Île-aux-Coudres depuis son établissement jusqu’à nos jours. Avec ses traditions, ses légendes, ses coutumes. Montréal, La Compagnie de lithographie Burland-Desbarats, 1879, Page 49 et 59.
[19] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 23 mars 1771.
[20] DUFOUR, Pierre. « Dufour, Bona, Joseph ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1987, 15 volumes, volume VI (Décès de 1821-1835). Dès 1781, Joseph dit Bona Dufour détenait à l’Isle une superficie de terre de trois cent soixante-six arpents.
[21] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 2 septembre 1771.
[21a] HARVEY, Francine. Hier… un siècle. Sherbrooke, Comité du centenaire de l’église Saint-Louis, H.L.N. inc.,1985, page 20.
[22] Ibid., 5 mai 1773.
[23] A.S.Q., Séminaire, 24 janvier 1773.
[24] Fonctionnaire responsable de la construction et de l’entretien des routes sous le Régime français. Le poste est toujours a été réinstauré sous le régime britannique.
[25] MARTIN, op. cit, page 178. Selon Martin, sauf pour quelques altérations mineures, le dessin de la route de ceinture est demeuré le même jusqu’à nos jours.
[26] BAnQ., Bureau du Grand Voyer du District de Québec, Procès-Verbaux de l’honorable Gabriel Elzéar Taschereau Écuyer Grand-Voyer et de Jean Thomas Taschereau Écuyer son Député (1er janvier 1801 au 31 décembre 1803), 8 août 1801. 16 mars 1798 pour la requête des habitants.
[27] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, 21 mars 1775.