La foresterie fut, pour un grand nombre de Québécois, un secteur où on allait chercher un revenu d’appoint quand ce n’était le domaine fournissant la majeure partie des gains familiaux puisque pères et fils montaient dans les chantiers. Les Harvey n’ont pas fait exception. Une grande majorité de nos ancêtres principalement au XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle, a fait de la foresterie leur univers pendant les longs hivers. Tôt en automne, ils quittaient leur famille pour pénétrer dans la forêt et n’en revenir souvent, que tard au printemps. Plus tard, ils travailleront dans les scieries ou pour le compte de papetières.
C’est sur l’île de Montréal que le migrant Sébastien Hervet (1642-1714) fut le premier des nôtres à exploiter la forêt pour en tirer un revenu. En 1683, ce commerçant fit couper trois cents pieds de bois sur la concession de la contrée Saint-Joseph, bois qui fut glissé sur la neige jusqu’à la rive du lac aux Loutres, qu’on nommera plus tard lac Saint-Pierre ; il les marchanda par la suite. Une quarantaine d’années plus tard sur l’Île aux Coudres, son fils Sébastien Hervé (1695-1759) abattait lui-même la forêt, mais dans son cas il s’agissait de faire de l’espace pour cultiver sa terre. Comme cette petite île fut bientôt dénudée de sa forêt, il faudra attendre la migration des enfants de la quatrième génération pour trouver des Hervé impliqués dans la ressource forestière. Ces derniers étaient partis s’établir dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray, le Charlevoix d’alors.
C’est Napoléon Bonaparte qui leur donnera cette opportunité. Son blocus continental sur les routes commerciales des Britanniques qui débuta en 1806 et prendra fin qu’en 1814 forcera le Royaume-Uni à s’approvisionner dans ses colonies de l’Amérique puisque les routes vers l’Europe leur sont coupées. Si chez nous quelques rares seigneurs exploitaient déjà la forêt en ces temps-là, ils étaient peu nombreux et leur production servait essentiellement aux besoins de la colonie ; c’est sur le défrichage des terres de leurs censitaires, les cultivateurs des seigneuries qu’ils comptent pour leur approvisionnement. C’est par le stratagème de Napoléon que l’augmentation de la demande en bois d’œuvre permit aux colons d’ici de se lancer dans le bois d’abattage pour approvisionner les moulins existants qui ne fournissaient plus à la demande croissante de l’empire. Au début de ce siècle, la plupart des Hervé/Harvey se contenteront de fournir les moulins à même le bois abattu sur leur terre et même sur des terres à bois acquises avec les profits. La production ne suffisant pas à la demande, certains cultivateurs-bûcherons audacieux qui ont la chance d’avoir un cours d’eau approprié traversant leur concession se lanceront dans l’exploitation de leur propre moulin. Chez les Hervé, les frères Pierre (c.1759-1857) et Louis Hervé (1763-1842) seront les premiers à posséder un moulin à scie digne de ce nom ; certains de leurs frères s’associeront d’ailleurs à eux dans leur aventure respective.
On aurait pu croire qu’une fois cette nouvelle guerre entre la France et la Grande-Bretagne passée, la demande aurait chuté, mais il n’en fut rien. Les Britanniques ayant habilement développé les routes maritimes pour le transport du bois d’œuvre et s’étant habitués à importer celui de chez nous à un prix moindre que celui d’Europe, la demande ne s’essouffla pas, même si elle subit à l’occasion quelques soubresauts en raison du cours sur les marchés européens. Pour les Harvey, les étés à cultiver la terre sont bien courts ; femmes et enfants veilleront aux grains. Dès que la fraîcheur d’automne se pointe le nez, ils entrent dans la forêt en bois debout avec les plus vieux de leurs fils et des associés pour abattre le bois de leurs terres que l’on achemine à un moulin en profitant du couvert de neige hivernal. Les greffes des notaires nous révèlent de nombreuses ententes entre cultivateurs et propriétaires de moulins relatifs à l’abattage. David Hervé (1764-1837) est un bon exemple de ces cultivateurs-bûcherons entreprenants qui alimentent les moulins de l’époque.
Profitant de cette demande soutenue pour le bois d’œuvre de la colonie, quelques Harvey de la cinquième génération exploitèrent alors des moulins comme Thomas Erver (1795-1832) fils de Louis Hervé. Il prendra les chaussures du père à Murray Bay en devenant marchand et propriétaire d’un moulin à scie dès 1821. Il sera propriétaire de deux moulins, dont un, très imposant, à la décharge du Grand lac (lac Nairne) à compter de 1828, le premier de la seigneurie à pouvoir produire du bardeau de cèdres. À moins de trente ans, Thomas s’était déjà glissé dans la classe des marchands de Murray Bay. Son succès sera cependant de courte durée puisqu’il s’éteindra quatre ans plus tard. Son épouse et ses fils poursuivront son œuvre quelque temps.
Les forêts charlevoisiennes à proximité des côtes s’épuisèrent rapidement, si bien que les Harvey cultivateurs-bûcherons, comme les autres censitaires, n’avaient plus de bois à fournir aux moulins. On dut alors pénétrer plus avant dans la forêt franchissant par exemple plusieurs kilomètres dans les hautes gorges de la rivière Murray (Rivière-Malbaie). Seuls les riches marchands pouvaient s’offrir ces forêts éloignées. Le temps des revenus convenables tirés de leur forêt pour les cultivateurs-bûcherons était révolu. Les nôtres, comme bien d’autres habitants de la colonie, se firent alors bûcherons ou draveurs pour les riches commerçants de bois et propriétaires de moulins. Parmi eux, les frères André Hervé (1804-1893) et Pierre Hervey (1807-1872), fils de Dominique Romain Hervé dit Joseph (1768-1830), tirèrent leur épingle du jeu en devenant rapidement de riches marchands à Murray Bay, possédèrent de nombreux moulins, exploitant aussi ceux d’autres propriétaires en difficultés financières. Ils possédèrent également plusieurs goélettes pour s’assurer de livrer la ressource à Québec où le bois d’œuvre était chargé sur les transatlantiques. L’histoire régionale se souviendra de ces deux frères qui participèrent à l’ouverture du Saguenay pour la croissance de leurs entreprises.
L’épuisement des forêts facilement accessibles dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray avait réduit les colons aux rôles de bûcheron et de draveur pour de riches marchands. Les censitaires cherchèrent alors un accès à la forêt pour retrouver les revenus que connurent leurs pères comme scieurs-cultivateurs dans le premier quart du siècle et qui procuraient le revenu additionnel nécessaire au support de la famille que la culture de la terre à elle seule ne pouvait assurer. L’ouverture du Domaine des Postes du roi dont faisait partie le Saguenay allait devenir leur bataille. À compter de 1838, dans l’illégalité, quelques Harvey de la cinquième génération commencèrent à squatter des terres adjacentes aux nombreux moulins à scie qu’ils contribuaient à construire au Saguenay. Parmi eux, les frères Joseph François (1794-1890) et Pierre Lumina Hervé (1796-1858) qui reprirent les habitudes de leur père David, en défrichant leur terre et en fournissant en bois les moulins de la région. Une fois au Saguenay, l’agriculture qu’ils pratiquaient était uniquement destinée à diminuer leur dépendance aux produits provenant de la côte et non pas dans le but d’y établir leurs fils. C’est surtout la foresterie qu’ils avaient l’intention de tirer leur épingle du jeu.
Au cours de la deuxième moitié de ce siècle, jusque vers les années 1950, où les forêts du Québec ont progressivement subi l’assaut des bûcherons. Les Harvey seront par centaines à monter dans les chantiers l’hiver pour gagner leur vie. Ce fut en autres le cas de la grande majorité des Harvey qui prirent les chemins de la vallée de la Matapédia au Bas-Saint-Laurent, de la Mauricie et de l’Abitibi. Plusieurs des nôtres, de la sixième et de la septième génération ont goûté au dur labeur du travail en forêt et de la vie dans les « camps ». La mention « père absent » dans les registres de baptême pour les descendants de Sébastien Hervet s’y retrouve pour la plupart des familles et témoigne des longs hivers dans les bois.
Sans être nécessairement en forêt, d’autres Harvey travailleront pour de gros entrepreneurs forestiers comme les Price, ou pour des compagnies canadiennes ou américaines. En voici quelques exemples :
Alfred Harvey (1866-1952). Natif de Tadoussac, il y était charretier. Marié à Marie Délima Marquis (1771-1918) en 1890, après une vingtaine d’années passées à cet endroit, il va tenter sa chance comme journalier dans le secteur de la baie des Mille-Vaches. Habitant l’ouest du village de Saint-Paul-de-Mille-Vaches, aux abords de la rivière Sault-au-Mouton, Alfred vit comme journalier dans l’exploitation du bois, la rivière servant à la drave jusqu’au moulin construit au pied de la chute. La famille n’y sera pas longtemps. En 1912, Alfred et Délima, avec leurs neuf enfants, quittent la Côte-Nord pour le Saguenay et s’installent à Jonquière. Alfred sera dorénavant gardien d’écluse à Kénogami pour la Compagnie Price. Délima, après avoir accouché d’un dernier enfant en 1913, décède de la grippe espagnole en octobre 1918. Sept mois plus tard, Alfred convole en secondes noces avec Alice Tremblay. Le couple aura trois enfants. Alfred décède à Jonquière en 1952.
Il a comme généalogie patrilinéaire François Hervai (1834-1893), Moyse Hervey (1809-1874), Jean Hervé (1775-1813), Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Plusieurs des fils et petit-fils d’Alfred feront de l’industrie forestière leur gagne-pain :
Charles (1895-1959) fut entrepreneur forestier et jobber pour la compagnie Price. Marié à Marie Cécile Ida Girard (1902-1983) en 1919, le couple eut dix-huit enfants, ce qui en fait l’une des grandes familles de Jonquière dont plusieurs occuperont des postes importants dans la région. L’un d’entre eux, Gérald (1928 — ), qui deviendra ministre du Travail et de la Main-d’œuvre dans les années 1970, avait d’abord fait ses classes dans l’industrie forestière à la Compagnie Price tout comme son grand-père, à titre de commis-comptable. Son frère, André (1939 — ) avait lui aussi travaillé dans le domaine de la foresterie comme représentant commercial d’une papetière québécoise, la Domtar, avant de devenir député à l’Assemblée nationale.
François (1897-1960) fut bûcheron pour son frère Charles, l’entrepreneur forestier. Marié à Marie Ange Morissette, le couple eut treize enfants.
Léon (1899-1974). Marié à Laurette Gravel, ce père de sept enfants, dont quatre de ses filles se sont faites religieuses, fut travailleur au moulin Price à Kénogami.
Timothé Harvey (1843-1939), surnommé « le Gros Mothé », travailla au nouveau moulin des Price alors qu’il est âgé de quatorze ans. Natif de Murray Bay, il n’a qu’un an lorsque son père déménage la famille aux Petites Isles sur le Saguenay pour ensuite revenir à La Malbaie et finalement s’établir à Chicoutimi alors que Timothé a quatre ans. Ce père absent du début de l’enfance de Timothé, est occupé dans les travaux d’exploitations forestières du Saguenay où il est commis. Orphelin de mère depuis deux ans, il travailla à ce moulin du bassin de la rivière Chicoutimi qui « faisait un arpent de long ». C’est pour une vingtaine de cent par jour « payé en pitons » qu’il s’y fit embaucher en 1857. Il économisera suffisamment pour quitter cet emploi et s’établir à Saint-Fulgence en 1861. Il épousera Julie Duchesne (1849-1929), une fille de Sainte-Anne de Chicoutimi, le 16 février 1874. Ils auront dix enfants dont sept survivront à leur enfance. Timothé s’éteindra 25 juillet 1939 à Saint-Fulgence.
Timothé a comme généalogie patrilinéaire Célestin Hervey (1812-1887), Dominique Romain Hervé dit Joseph, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Neveu du précédent, Thomas Harvé (1870-1948) est né à Chicoutimi. Il épouse Émélie Simard en 1892 ; ils auront treize enfants. Thomas fut charretier pour la Compagnie de pulpe de Chicoutimi.
Thomas a comme généalogie patrilinéaire le cordonnier André Harvey (1841-1917), Célestin Hervey (1812-1887), Dominique Romain Hervé dit Joseph, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Le fils de Thomas, Léonce Harvey (1902-1982), fut mesureur de bois.
Joseph Harvey (1889-1965) a veillé pendant un certain temps sur les terres publiques. À titre de garde forestier, il s’assurait de leur conservation et de l’utilisation que l’on faisait de la forêt ainsi qu’à la transformation des bois abattus en contrôlant le mesurage des volumes de bois prélevés. Natif de Saint-Hilarion dans les hauteurs charlevoisiennes, il épousa Éva Perron en 1922 ; ils eurent neuf enfants. Joseph s’éteindra en 1965 à Normandin au Lac-Saint-Jean.
Il a comme généalogie patrilinéaire le maître de poste et commerçant de Saint-Hilarion Zéphirin Harvey (1862-1905), le marguillier de de Saint-Hilarion-de-Settrington Élie Harvé (1838-1892), les cultivateurs Michel Hervé (1791-1841), André Laurent Hervé (1764-1831), Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Edgar Harvey (1879-1958) fut contremaître général à l’usine Saint-Georges de la Compagnie de Pulpe de Chicoutimi, au pied de la chute Ouiatchouan à Val-Jalbert de 1911 à la fermeture du site en 1927. Cette année-là l’American Pulp and Paper Company, qui était devenue propriétaire de l’entreprise, déclara faillite. Deuxième garçon d’une famille de douze enfants, il a trente-deux ans lors qu’il entre en poste à Val-Jalbert en 1911. L’année suivante, il épouse Cédée Fortin (1893-1940) dans la jeune église Saint-Georges d’Ouiatchouan de Val-Jalbert. Ils auront neuf enfants ; huit survivront dont la dernière Marie Alma Marthe (1919-2021), qui deviendra centenaire. Edgar, « general foreman », était aussi violoneux et donnait des soirées.
Edgar a comme généalogie patrilinéaire, le cultivateur Jean Harvey (1843-1894), le juge de paix de Chicoutimi, Jean Hervey (1808-1880), Louis Hervé, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Adélard Harvey (1894-1978) est aussi l’un de ceux qui participèrent à la courte vie du village forestier de Val-Jalbert au Lac-Saint-Jean. Cadet d’une famille de six enfants, les parents d’Adélard avaient été en mesure de le faire éduquer. Après ses études, il épousa Azilda Girard en 1916. Leurs sept premiers enfants étaient nés à Val-Jalbert alors que les trois derniers virent le jour à Chicoutimi. Il fut commis et comptable au moulin de pâte de bois de Val-Jalbert tout le temps que le moulin fut détenu par la Compagnie de pulpe de Chicoutimi et même au-delà jusqu’à ce que le moulin cesse toute activité en raison de la baisse de la demande de pâte mécanique non transformée. C’est alors que le village d’Adélard deviendra fantôme et que ce dernier prendra le chemin de Chicoutimi. Il s’est éteint le 4 septembre 1978 à Chicoutimi où il s’était établi après la fermeture du village.
Adélard a comme généalogie patrilinéaire, le cultivateur de la paroisse de Saint-Jérôme au lac Saint-Jean, Joseph Harvé (1851-1902), le cultivateur du Grand Brûlé, Côme Hervey (1820-1886), le négociant, marchand, aubergiste, huissier, enseignant et propriétaire de moulin cité plus haut Thomas Erver (1795-1832), Louis Hervé, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Arthur Harvey (1905-2002) est natif de la mission Saint-Émérentienne de Grand-Fonds à La Malbaie. Enfant unique d’Émélie Desbiens, son père est décédé exactement cinq mois avant sa naissance. En 1927, il s’unit à Berthe Dufour à La Malbaie. Le couple part vivre au Saguenay où ils auront dix enfants. Arthur se trouve un emploi à la papetière Port Alfred Pulp & Paper Corporation comme épaississeur de pâte (decker). Son fils Charles Henri Harvey (1928-2016) fut à l’emploi de la même papetière pendant plus de cinquante ans. La Port Alfred Pulp & Paper Corporation avait alors été englobée par la Consolidated Bathurst.
Arthur a comme généalogie patrilinéaire les cultivateurs Arthur (1880-1905) et Edmond Harvey (1843-1925), le journalier Moyse Hervey (1809-1874), le travailleur forestier Jean Hervé (1775-1813), Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Patrice Harvey (1912-1946), après son mariage à Georgiana Bouchard en 1932, prendra la direction de la Mauricie pour continuer d’exercer le métier de bûcheron qui avait été le sien depuis la fin de son adolescence. Né en 1912 à Péribonka au lac Saint-Jean, c’est à Doheny, un village aujourd’hui disparu, situé à environ quatre-vingts kilomètres au nord de Trois-Rivières, que lui et sa femme étaient débarqués du train pour poursuivre son métier en forêt. Ils y auront huit enfants. En 1942, ils quittent la Mauricie pour s’établir à Chicoutimi. Ils y auront quatre autres enfants. Patrice et trois autres personnes, dont le mari de sa sœur Jeanne (1916-1962), se noient dans la rivière Saguenay le 26 mai 1946.
Patrice a comme généalogie patrilinéaire les journaliers, Joseph Harvey (1890-1950), Augustin Harvey (1849-1920), Louis Hervai (1828-1917), Pierre Hervez (1799-1867), Dominique Isaïe Hervé (1775-1851), le pilote Sébastien Dominique Hervé (1736-1812), Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Il ne faudra pas oublier les dizaines de Harvey du XIXe siècle qui ont possédé des goélettes et qui ont contribué au transport du bois d’œuvre vers Québec, pour qu’il soit embarqué sur les transatlantiques ou, plus tard, vers les moulins de pâte et papier de chez nous. Nous les retrouverons dans une section future qui sera consacrée aux Harvey en mer.
D’autres Harvey s’en sortiront en exploitant leurs propres moulins. Outre ceux déjà mentionnés, ce fut le cas de :
Les frères Ubalde (1823-1882) et Protes Hervai (1825-1897) de la 6e génération. À la fin de 1851, Ubalde, son frère Protes et François Morin établissent une copropriété avec Johnny Guay, fils du marchand François Caye Guay, pour la scierie de la Rivière à Morin au Saguenay. Ils exploiteront d’ailleurs un autre moulin à scie avec Johnny Guay dans le canton Harvey. Pour en savoir un peu plus sur ces moulins, voir le texte suivant : Ubalde Hervai.
En 1853, Didié Harvé (1828-1868) construit un moulin à scie sur la terre de son père Joseph François Hervé, terre qui est bordée par la rivière Ha ! Ha ! Contrairement à d’autres moulins qui sont en service principalement pendant les crues annuelles, celui qu’il construit profite du fort débit de la rivière, car une chute sur cette dernière se trouve en bordure du terrain, ce qui permet d’actionner le mécanisme du moulin à longueur d’année. Voir le texte lui étant consacré : Didié Harvé, 6e génération.
Jean dit Johnny Hervai (1828-1910), un fils de charpentier demeurant à la Mission Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds, marié à Émilie Tremblay (1827-1919), possédera un moulin à scie sur la rivière Comporté dans Charlevoix. Cultivateur pour les besoins de subsistances de la famille l’été, il passera ses hivers en forêt. Menuisier à ses heures, Jean acquiert un moulin et le terrain de trois arpents sur trois sur lequel il est construit, par un bail emphytéotique pour soixante ans, le 22 avril 1859, de son beau-père de Pierre Tremblay. Avec le moulin à scie, il obtient également ses tournants, mouvements, dalles, écluse et autres bâtisses attenantes. Il opérera ce moulin une quarantaine d’années avec l’aide de ses fils, surtout Alfred (1857-1904). Le menuisier produit donc son propre bois dans sa petite scierie qu’il opère toutes ces années sur la rivière Comporté.
Jean a comme généalogie patrilinéaire Pierre Hervé (1806-1859), Jean Hervé (1775-1813), Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Alphège Harvey (1867-1928), fils du précédent, apprendra le métier de charpentier par ses oncles du côté maternel. Orphelin de père à un an et cadet de la famille, il quittera le Saguenay en 1892 pour aller faire un coup d’argent en Nouvelle-Angleterre pendant une dizaine d’années. À son retour au Lac-Saint-Jean, il créera deux sociétés qui auront pour objet d’opérer des moulins à scie. Voir le texte lui étant consacré : Alphège Harvey, 7e génération.
Timothée Hervey (1806-1880), 5e génération en association avec ses fils Michel Hervey (1841-1908) et Timothée Harvey (1847-1924). Voir le texte lui étant consacré : Timothée Hervey, 5e génération.
Au début des années 1890, Timothée Harvey (1847-1924), un fils du précédent, était criblé de dettes. Il s’expatriera alors aux États-Unis tout en demeurant propriétaire du moulin. La tradition orale veut qu’il soit allé en Nouvelle-Angleterre pour y bâtir et exploiter un moulin, mais en 1894, lors du baptême de l’un de ses enfants, on le dit journalier. Une fois le plus gros de ses dettes remboursées, il revint au pays où il achète un deuxième moulin à scie à la Rivière-du-Moulin. Voir le texte lui étant consacré : Timothée Harvey, 6e génération.
En 1895, l’entrepreneur en construction Jos (Joseph) Harvey (1875-1958) d’Hébertville fait l’acquisition du moulin des Fleury, le premier moulin à scie de la paroisse Saint-Cœur-de-Marie au Lac-Saint-Jean. Il en devient le troisième propriétaire pour la somme de trois cents dollars. Jos exploite donc ce moulin à scie existant sur une petite chute de la rivière Mistouk, un peu plus bas que la chute des Dionne, sur le lot 19-C du Rang 3 dans le canton De l’Isle. Il s’agit de celui que Joseph Fleury (1821-1891) avait construit avec les membres de sa famille élargie en 1884. Ce dernier était le beau-père de Michel Harvay (1846-1938), un cousin du père de Joseph, qui avait participé à la construction du moulin. Il s’agit d’un moulin à chasses avec deux scies droites et parallèles, actionnées par l’eau de la chute et produisant de la planche, un produit commode pour l’entrepreneur en construction. Joseph, qui est toujours célibataire, ne s’amènera pas à Mistouk (Saint-Cœur-de-Marie) et confiera plutôt l’exploitation de son moulin à des employés lui permettant ainsi de poursuivre son métier. Il se départira du moulin au profit de son père qui le revendra en 1902. Une fois marié, Joseph vivra là où il obtiendra des contrats. Il s’exilera un peu après 1925 pour travailler à l’agrandissement de la papetière de la Brown Corporation restant donc liée à la foresterie. Comme la papetière poursuivra son expansion jusqu’en 1954, Joseph continuera à œuvrer pour cette compagnie. Il était marié à Mélanie Hudon (1884-1990).
Joseph a comme généalogie patrilinéaire Boniface Harvey (1836-1912), Chrysostome Hervé (1803-1886), Pierre Hervé, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Les frères Adélard Harvez (1889-1960) et Thomas Harvay (1894-1981) de la 7e génération. Dans les années 1910, Adélard construit une scierie sur la rivière à La Loutre. Après son mariage, Adélard deviendra marchand à Sainte Anne de Chicoutimi et passera la main à son frère Thomas qui assumera l’exploitation du moulin.
Ils ont comme généalogie patrilinéaire « le Gros Mothé », Timothé Harvey (1843-1939), Célestin Hervey (1812-1887), Dominique Romain Hervé dit Joseph, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Les frères Charles Eugène (1894-1987) et George Harvey (1897-1972) de la 8e génération. Charles Eugène épouse Marie Blanche Boudreault en 1919. Le couple aura quinze enfants dont dix survivront à leur enfance. George sera conscrit pour la Grande Guerre dans le deuxième régiment de Québec. Ce célibataire de cinq pieds quatre pouces sera démobilisé au bout d’un an sans avoir à se rendre sur le théâtre des opérations, l’armistice ayant été signé. Dès son retour à la vie civile, le 25 octobre 1920, il épouse Gérardine Lavoie avec laquelle il eut dix-sept enfants. Élevés sur une ferme à Alma, les deux frères seront eux-mêmes cultivateurs dans l’île d’Alma en plus d’être papetiers et copropriétaires d’un moulin portatif. Ils ont comme généalogie patrilinéaire le cultivateur, hôtelier et conseiller d’Alma Pierre dit Pitre Harvey (1854-1934), l’un des défricheurs du township de Jonquière et commissaire d’école Protes Hervai (1825-1897), l’entrepreneur forestier Pierre Hervez (1799-1853), Pierre Hervé, Pierre Hervé, Sébastien Hervé et le migrant Sébastien Hervet.
Posséder un moulin, si petit soit-il, ne fut jamais une mince affaire dans ce monde où les gros exploitants raflaient toujours la mise. Le monopole des Price au Saguenay en fut un bon exemple. Pour réussir, on s’associait d’abord à un frère, un beau-frère, un cousin, un voisin ou tous ceux-là à la fois pour réunir la mise de fonds nécessaire à la construction de l’ouvrage. Si les profits n’étaient pas à la hauteur certaines années, on achetait les billots des scieurs-cultivateurs en leur offrant une part dans le moulin. Afin de réduire les coûts, on offrait aux nouveaux colons de défricher leur terre moyennant la récupération du bois, une façon pour les petits moulins familiaux de contourner les gros joueurs de l’industrie. Puis, si la demande tombait, il fallait souvent se résoudre à tout vendre à un plus gros industriel ou à un autre intrépide qui croirait pouvoir faire mieux.
Dès le début des années 1900, les grandes compagnies forestières font pression sur le gouvernement pour qu’il cède à bail les territoires forestiers. Lorsque le gouvernement cesse de vendre des terres à bois aux particuliers pour plutôt donner à bail des droits de coupes aux compagnies, c’est le coup de grâce. Les scieries familiales agonisent.
Si les années d’or des petits exploitants étaient passées, certains intrépides parmi les Harvey du Lac-Saint-Jean posséderont tout de même un moulin au 20e siècle. Le récit suivant relate la vie difficile de ceux qui s’y sont frottés. Il est l’histoire de l’un d’eux qui possédera trois moulins. Les recherches ayant permis sa rédaction sont pour une large part le fruit des efforts de Frances Harvey de Sainte-Jeanne-d’Arc, un arrière-petit-fils de Louis Alfred Hervé. Merci également à Diane Thibeault, une petite-fille d’Alfred, Marie-Michèle Lapointe, ainsi qu’au chercheur Donald Maltais pour son expertise habituelle sur les moulins.
Cadet chez les garçons d’une famille de quatorze enfants, dont treize survécurent à leur enfance, « Louis Alfred Hervé » est né le 21 mars 1872 au Grand-Brûlé (Laterrière), du mariage de François Harvay (1832-1901) et Cézarine Tremblay dit Romaine (1835-1910)[1]. Ce couple de cultivateurs s’était établi au Grand-Brûlé tout juste après que fut chassé le père Jean-Baptiste Honorat, lequel en avait mené large avec sa colonie libre qu’il avait implantée[2].
Alfred, qui deviendra un industriel fort actif dans les années 1910, a passé une partie de son enfance sur une terre qui se situe sur un plateau fertile que l’on dit propice à l’agriculture, à une quinzaine de kilomètres au sud de Chicoutimi. Un feu de forêt majeur, survenu une dizaine d’années auparavant, avait permis à la famille d’éviter le gros du défrichement puisque les terres de l’endroit étaient en partie brûlées.
En septembre 1880, les parents de Louis Alfred se donnent à l’aîné qui s’apprête à se marier[3]. Cet évènement chamboulera la vie d’Alfred qui n’a que neuf ans. Cette donation entre vifs, qui sera en partie résiliée dans quelques années, n’empêchera pas le père de vendre la terre cet automne-là. La famille quitte alors le Grand-Brûlé quand le père acquiert une autre terre dans la municipalité de la paroisse de Saint-Jérôme au sud du lac Saint-Jean, municipalité qui compte alors un peu plus de mille huit cents personnes[4]. Seules les sœurs d’Alfred, Marie Louise dite Marie (1855-1896) et Marie Arthémise (1862-1932) ont déjà quitté la maison située non loin du village ; la première s’est mariée, alors que la seconde est entrée chez les Ursulines à Québec. Didier (1854-1920), son frère aîné, habite la maison du père avec son épouse Malvina Bédard (1858-1927) qu’il vient tout juste d’épouser en février 1881. Parmi leurs nouveaux voisins on compte des Lapointe en grand-nombre, parmi lesquels certains s’uniront au Harvey. Le petit-cousin du père d’Alfred, Joseph Harvey (1837-1905) à Louis Dominique Hervé (1806-1890) chez Dominique Isaïe Hervé (1775-1851) et sa famille sont aussi du nombre. Ce dernier est sur le point de quitter le pays pour Lowell au Massachusetts. La voisine immédiate est aussi une Harvey, Phébée Hervé (1828-1902) à Chrysostome Hervé (1803-1886) chez Pierre Hervé (1759-1857). Elle est de la lignée de Pierre Hervé (1733-1799). Elle n’est donc pas une cousine issue de germain mais plutôt une arrière-petite-cousine. Le quatrième voisin est également de la même lignée, Augustin Harvai (1833-1896) à Pierre Hervé (1806-1859) chez Jean Hervé (1775-1813) [5].
Alors que la famille vient tout juste de s’établir dans la municipalité de paroisse de Saint-Jérôme, à une époque où les femmes risquent leur vie à chaque naissance, sa mère met au monde son quatorzième et dernier enfant en juillet 1881[6].
Si le fait d’avoir deux enfants religieuses signifie qu’une famille est pieuse on peut dire que d’Alfred l’était. Cependant, ses deux sœurs, Arthémise et Georgina (1878-1906), étaient des ursulines converses au monastère de Québec. Ceci qui pouvait aussi signifier qu’en raison d’une famille nombreuse comprenant huit filles, elles y avaient été placées pour subvenir à leurs besoins et dégager un peu le fardeau qu’un grand nombre d’enfants faisait porter sur les maigres ressources familiales. En effet, les sœurs converses s’occupaient des services ménagers comme la cuisine, le jardinage et la couture, par opposition aux sœurs de cœur assumant les tâches spirituelles et venant généralement de milieux plus aisés.
La décennie 1880 qui vient de prendre fin a légèrement changé la situation familiale. De la fratrie d’Alfred, ils ne sont plus que six à la maison : Nérée dit Henri (1864-1924), qui a probablement commencé à faire la navette entre le Lac-Saint-Jean et la Pennsylvanie où il travaille dans les champs pétrolifères, comme son cousin Thomas dit Pierre (1858-1956), son frère Thomas (1870-1907), qui s’est marié en 1890, demeure toujours à la maison avec son épouse Marie Anne dite Annabelle Lapointe (1874-1917) de même que ses sœurs Adèle (1876-1933), Georgina (1878-1906) et la cadette Diana (1881-1958). Au printemps 1891, la famille est toujours au village de Saint Jérôme et leurs voisins, pour la plupart, n’ont pas changé. Joseph, le petit-cousin du père d’Alfred qui vivait à cinq arpents, est parti pour les États et il a laissé la maison à Joseph Harvey (1861-1936), son fils aîné[7].
En 1890, le gouvernement d’Honoré Mercier vote la loi qui accorde gratuitement cent acres de terres publiques, aux parents qui ont douze enfants vivants. Le père d’Alfred en a fait la demande et reçoit le lot numéro 2 du Rang III dans le canton de Métabetchouan[8] ; un rang de « l’épouvante », connu aujourd’hui sous l’appellation de « Petit Rang ». C’est en 1892 que François Harvay reçoit les lettres patentes pour son lot du chemin du Petit Rang dans le secteur qui deviendra dans quelques années Saint-André de l’Épouvante[9]. La famille d’Alfred ne s’établira pas sur ce lot donné par le gouvernement, car on y trouve peu de terre cultivable ; le lot demeurera donc une terre à bois. On les retrouve plutôt sur le lot 3 du rang IV[10].
Alfred a vingt-cinq ans lorsqu’il s’unit à Mathilde Tremblay (1877-1943) le 10 août 1897. Mathilde et sa famille sont au lac Saint-Jean depuis moins de dix ans. Native de Saint-Irénée dans Charlevoix, elle avait habité Sainte-Anne-de-Chicoutimi durant son enfance. Elle est la fille d’Ubald Tremblay (1852-1903) et de Lumina dite Mina Gauthier (1878-1936). Ses parents possèdent les lots C1 du rang III et C1 du rang IV au bout du Petit Rang, mais demeurent au village de Saint-Jérôme. Il est certain que la famille d’Alfred a déjà pris possession de la terre sur le lot 3 du rang IV. La mission de Saint-André de l’épouvante ne sera ouverte qu’à l’automne[11]. Le mariage a donc lieu dans l’église de Saint-Jérôme, paroisse de la mariée et d’Alfred[12]. Le couple demeurera dans la maison du père, car c’est Alfred qui veille au grain avec le père sur la terre familiale.
Mathilde accouchera de seize enfants dont onze décéderont avant d’atteindre l’adolescence : Léonard (1898-1902), Marie Mathilda (1899-1899), Marie Blanche (1900-1904), Marie Émilia (1902-1909), François (1904-1977), Marie Blanche (1906-1910), Alcide (1908-1964), Joseph Émile (1909-1909), Marie Alice (1910-1910), Joseph Antoine Léopold (1911-1915), Émilia (1912-2008), Arthémise (1913-1995), Gratia (1915-1920), Marie Jeanne (1916-1918), Joseph Élie (1917-1917) et Gérard (1923-2010).
À l’époque du mariage d’Alfred, le travail ne manque pas dans le secteur. Dès 1898, le département de la Colonisation et des Mines entreprend de construire la route dite « de l’Épouvante » dans les rangs IV, V et VI du canton de Métabetchouan et de faire la réfection de la route dite « de Lamartine », entre les rangs V, VI et VII. On reconstruit également le pont de l’Épouvante sur la rivière Métabetchouane[13]. On allait également débuter les travaux de construction d’un important moulin de pulpe. Tous les hommes valides qui n’étaient pas déjà engagés dans le défrichage de leur concession, dans la culture de leur terre ou dans un des nombreux moulins de la région, pouvaient se trouver un emploi.
Un an après son mariage à Alfred, le 9 juin 1898, Mathilde accouche de son premier enfant. Joseph Léonard ne vivra pas suffisamment longtemps pour fréquenter l’école ; tout comme les deux prochains d’ailleurs. Bien que le premier curé, Marie Pierre Abraham Bouchard (1898-1903), réside maintenant à l’Épouvante, le lendemain, Alfred choisit de descendre au village de Saint-Jérôme pour faire baptiser l’enfant[14]. On ne s’était probablement pas encore habitué à avoir un prêtre sous la main. Il faut dire que pour descendre à l’église de Saint-Jérôme il n’y avait qu’une dizaine de kilomètres alors que pour monter à la chapelle Saint-André construite en 1887, il fallait faire tout un grand détour, car pour s’y rendre, on venait tout juste d’entreprendre la construction du chemin dans les rangs 4, 5 et 6 du canton de Métabetchouan. Une fois la route terminée, il ne faudrait plus que huit kilomètres pour atteindre la chapelle. De plus, Alfred ne paiera sa dîme à Saint-André qu’à compter du 1er octobre. Pour le moment il est toujours paroissien de Saint-Jérôme.
Après cette première naissance, treize mois plus tard, Mathilde accouche d’une première fille. Tout comme son frère, c’est au lendemain de sa naissance, le 2 juillet 1899, que Marie Mathilda est conduite à l’église de Saint-Jérôme pour son baptême[15]. Quatre jours plus tard, l’enfant décède et est inhumée au cimetière de Saint-André de l’Épouvante[16] .
À l’automne 1899, comme ils l’avaient fait avec son aîné près de vingt ans plus tôt au Grand-Brûlé, son père et sa mère se donnent maintenant à leur cadet Alfred, lequel hérite ainsi de l’usufruit d’une terre et du toit familial[17]. Conséquemment, c’est lui qui veillera sur sa sœur cadette Diana ainsi que sur ses vieux parents, mais plus pour très longtemps, du moins dans le cas de son père qui décédera dans dix-sept mois. C’est aussi en 1899 que le père d’Alfred lui lègue quatre lots du canton de Métabetchouan, les lots 2, 13 et 14 du Rang III et le lot 3 du Rang IV. Il faut donc conclure que, depuis son arrivée dans le canton de Métabetchouan, François Harvay avait fait l’acquisition de plusieurs terres. Il est probable que la résidence d’Alfred et Mathilde ait été sur le lot 3 du Rang IV. C’est sur le lot 2 du Rang III qu’Alfred aura un moulin artisanal près du petit ruisseau[18]. À l’époque de son établissement dans le secteur, plusieurs colons faisaient du bois, mais outre le premier colon, Théodule Vandal (1843-1903), sur la rivière Métabetchouan, aucun ne possédait encore de scierie[19].
En novembre 1899, un mois après la donation de son père, Alfred a déjà des projets puisqu’il emprunte une certaine somme à Marie Louise Morand (1859-1933), une financière de Québec qui n’en est pas à son premier prêt dans la région[20]. Au minutier du notaire, on trouve régulièrement le nom de cette épouse d’un médecin et professeur à l’Université Laval, Laurent Justinien Catellier (1839-1917)[21]. Le notaire Dumais d’Alma agit sans doute comme entremetteur-prêteur, car les Morand-Catellier habitent la ville de Québec[22]. Cet emprunt sera le premier d’une série qui conduira Alfred au rôle d’industriel dans la région.
En trois ans, Mathilde Tremblay aura donné naissance à un enfant chaque été. Le 14 août 1900 naît sa deuxième fille. Comme Saint-André a maintenant sa nouvelle église depuis le début juin et que l’on peut maintenant s’y rendre plus facilement, c’est le même jour qu’Alfred conduit Marie Blanche à son baptême[23].
À l’automne 1901, les habitants du secteur allaient voir l’effondrement des perspectives de grand avenir qu’ils nourrissaient pour Saint-André de l’Épouvante. Mais en janvier, c’est l’avenir de la progéniture d’Alfred qui vit un jour sombre lorsque décède son unique fils le 16 janvier 1902. Léonard n’avait pas encore trois ans. Avec les froids et la neige qui sévissent, on attendra quatre jours avant de le porter en terre[24].
Alors que le printemps 1901 vient tout juste de débuter, après le décès du père le 22 mars[25], la maison est devenue celle d’Alfred et n’y demeure plus que lui, son épouse, leur dernière-née Marie Blanche, sa sœur cadette Diana, l’institutrice du rang et sa mère. Plusieurs familles sont maintenant établies dans le chemin du Petit Rang de Saint-André, soit les rangs III et IV du canton Métabetchouan. Parmi elles, plusieurs membres de sa fratrie : l’aîné Didier marié à Malvina Bédard (1858-1927), Marie dite Adélaïde (1860-1934) mariée à Antoine Michaud (1860-1919), Louise (1868-1942) mariée à Élie Desbiens (1863-1943), Thomas (1870-1907) marié à Marie Anne dite Annabelle Lapointe (1874-1917). On compte également le lointain cousin Joseph Harvey (1861-1936) marié à Marie Anaïs dite Mary Lapointe (1859-1903), qui était voisin au village de Saint-Jérôme dix ans plus tôt et qui est également monté se défricher un lot du Petit Rang[26].
Certains occupants du Petit Rang sont des scieurs-cultivateurs qui œuvrent dans le commerce du bois ; ils ne cultivent la terre que pour les besoins de leur famille. Puisque l’on connaît la suite de la vie d’Alfred, considérant le nombre de lots qui sont maintenant entre ses mains, on sait qu’il est probablement scieur-cultivateur lui aussi. Alfred aurait pu préférer la plaine et les bancs de sable du lac Saint-Jean, il préféra les montagnes et la forêt parce qu’il en jaugeait le potentiel forestier.
L’univers du jeune marié en est un d’exploitation forestière. Un vaste projet de construction d’une usine de la Compagnie de pulpe Métabetchouan et du nécessaire prolongement du chemin de fer jusqu’à Saint-André de l’Épouvante est en cours depuis le début de l’année. On compte près de cent cinquante hommes affectés à la ligne de chemin de fer et quatre-vingt-cinq aux travaux de la chute. Une fois complétée, l’usine se classera au même rang que celle de Val-Jalbert quant à sa production. Un voisin d’Alfred, Jules Gagné (1853-1922), accueille d’ailleurs une quinzaine de pensionnaires en raison des travaux[27]. Ubald Tremblay, le père de Mathilde est du lot des pensionnaires de Gagné qui travaillent aux chantiers de construction. Même si son père possède des terres dans le Petit Rang, lui et sa famille ne s’y établiront jamais puisque l’endroit est une véritable montagne non propice à l’agriculture.
Les travaux de construction de l’usine de la Metabetchouan Pulp Company comprennent également une chaussée, une écluse et un canal d’amenée sur la rivière Métabetchouane. Ils sont complétés en août 1901.
En raison des travaux, la population de l’Épouvante avait suffisamment progressé pour devenir, le 1er août 1901, une municipalité indépendante de celle de la paroisse de Saint-Jérôme. Alfred est impliqué dans l’organisation territoriale du secteur qu’il habite. Il participe à la première assemblée le 5 septembre 1898 et est élu au premier conseil municipal de Saint-André dit de l’Épouvante en 1901. Il sera d’ailleurs réélu chaque année jusqu’en 1904[28]. Facilitant l’exploitation de la scierie qu’il est sur le point de construire, Alfred conservera ses entrées au Conseil municipal, car son beau-frère, Antoine Michaud marié à Adélaïde, sera secrétaire-trésorier de la municipalité de 1902 à 1913. Élie Desbiens, un autre de ses beaux-frères, celui-là marié à Louise, occupera un poste de conseiller entre 1910 et 1915.
La sécheresse qui avait sévi durant une bonne partie de l’été favorisa un incendie de forêt poussé par de forts vents. Le 28 septembre 1901, l’usine, les magasins de la compagnie et une trentaine de maisons du village sont rasés. L’incendie fait deux victimes.
On tergiversera un certain temps sur une possible reconstruction des installations, ce qui n’arrivera pas. C’est la fin du rêve industriel de la Compagnie de pulpe Métabetchouan à l’Épouvante mais probablement le début de celui d’Alfred. Avec toute cette désolation, tout est à reconstruire et il a du bois à vendre.
Alfred a beau être conseiller de la nouvelle municipalité de Saint-André, cela n’en fera pas pour autant un fidèle assidu de son église. Des quinze enfants qui naquirent dans le troisième rang, neuf seront baptisés à Saint-Jérôme[29]. Ce ne sera pas le cas de la prochaine qui naît le 1er décembre 1902. Marie Émilia est amenée à l’église de l’Épouvante le lendemain pour son baptême[30].
En 1903, tout comme leur père, son frère aîné Didier qui a plus de douze enfants obtient lui aussi une terre gratuite dans le Rang III de Saint-André de l’Épouvante[31].
Tôt au printemps, Mathilde perd son père qui s’éteint au jeune âge de cinquante ans[32]. Son jeune frère Patrick, qui a six ans, vient habiter sous le toit d’Alfred.
C’est aussi cette même année que sa sœur cadette Diana se marie à Charles Tremblay (1875-1942)[33]. Diana quitte la maison d’Alfred pour s’établir avec son mari dans le Petit Rang.
Comme à son habitude, Mathilde est enceinte à l’été 1904. Le 29 août, elle accouche de son deuxième fils. Joseph François est conduit à l’église Saint-André le lendemain pour son baptême qui sera administré par Thomas Dufour, le deuxième curé arrivé l’année précédente. Le parrain choisi est Charles Potvin (1842-1932), un petit cousin par alliance puisque sa femme est la fille de Sara Hervai (1824 — Post.1901) chez Pierre Lumina Hervé (1796-1858). La marraine Wilhelmine Tremblay est du village de Saint-Jérôme[34].
Alors qu’Alfred est monté à l’église avec le parrain et la marraine pour le baptême de son fils, un autre drame se joue dans sa maison. Sa fille Marie Blanche décède alors qu’elle venait tout juste d’avoir quatre ans. Le lendemain, Alfred devra remonter à Saint-André pour l’inhumation de l’enfant au cimetière de la paroisse[35].
Joseph François Harvey
François épousera Germaine Boulianne (1910-1961) le 23 juin 1930 dans l’église Saint-Cyrille de Normandin, au nord du lac. Il sera cultivateur et journalier. Le couple aura treize enfants. Après le décès de Germaine, François convolera en secondes noces avec Léontine Claveau, le 26 décembre 1962, dans l’église Saint-Joseph d’Alma. François décédera le 31 juillet 1977 à Sainte-Jeanne-d’Arc au nord du Lac-Saint-Jean.
À Saint-André de l’Épouvante, Alfred est toujours considéré comme cultivateur ; c’est à ce titre qu’il apparaît encore dans les registres civils et religieux. Il n’est pas encore devenu celui que l’on qualifiera sous peu d’« industriel », mais il y travaille activement. C’est en 1905 qu’il entame une première longue série de petits emprunts auprès de la Banque Nationale, emprunts qu’il tarde à rembourser tant le commerce dans lequel il s’investit tarde à devenir rentable. Si les emprunts sont à courte échéance, généralement quatre mois, la réponse d’Alfred après ce délai est souvent la même : « pas de fonds »[36]. Comme il a toujours un endosseur, c’est ce dernier qui acquitte la somme le plus souvent. En contrepartie, on présume que c’est en nature, soit du bois, qu’Alfred s’acquitte de ses dettes.
Deux Alfred Harvey
Il y avait deux adultes nommés Alfred Harvey dans la région entre 1905 et 1916, tous deux clients de la Banque Nationale de Roberval. Outre celui dont il est question ici, il avait également Alfred Harvey (1884-1939) à Ferdinand Harvay (1845-1928) chez Germain Hervé (1808-1902). À la banque, les employés, tout comme le notaire de l’institution, avaient l’habitude de les départager en qualifiant ce dernier par sa profession de barbier-perruquier. Tous les efforts ont été faits pour ne pas confondre les deux Alfred. En cas de doute, dans la documentation trouvée, celle-ci a été ignorée.
Le 15 avril 1906, Mathilde Tremblay met au monde son sixième enfant qui, contrairement aux cinq premiers, n’arrive pas en été. C’est une quatrième fille. Le printemps a été hâtif et les chemins sont en bonne condition. Alfred conduit donc l’enfant à son baptême le même jour. Les parents ont choisi de défier le sort qui s’acharne sur leurs enfants en la prénommant Marie Blanche comme celle qui est décédée deux ans plus tôt[37].
En 1906, Alfred emprunte « mille quatre cent quatre vingt seize piastres » auprès de la compagnie The Trust Loan Company of Canada par l’entremise de l’agent de cette dernière, le notaire André Damase Jobin (1843-1926) de Montréal, fils du patriote de même nom[38]. C’est probablement dans cette période qu’Alfred commence à s’installer sur les lots quarante-cinq et quarante-six dans le Rang VII du canton Caron. Il a certainement commencé à délaisser l’agriculture pour se concentrer sur la production de bois d’œuvre.
À cette époque, Alfred commence à être considéré par ses pairs comme un industriel. Avec son emprunt de la fin du siècle dernier, ses démarches auprès de la banque et ce dernier emprunt substantiel, on peut présumer qu’il a déjà construit son moulin à scie sur la rivière Couchepaganiche, à environ 7,8 km de sa source vers le nord-ouest, près du coude de la rivière, aux environs du croisement du chemin du Petit rang et de la route Saint-André actuelle. Si le moulin n’est pas encore debout, il est assurément en construction.
Mathilde sera enceinte durant l’hiver 1907-1908. Elle ne devait pas danser trop fort aux fêtes du Nouvel An puisqu’elle accouche le 12 janvier 1908. De toute façon, le nouveau curé de Saint-André avait complètement interdit la danse sous peine de « refus du sacrement de pénitence et de l’eucharistie »[39]. Alfred choisit plutôt de descendre le jour même au village de Saint-Jérôme pour faire baptiser celui que l’on nommera Alcide dans la vie courante, mais qui pour l’heure est baptisé « Joseph François Alexis Harvey ». Le parrain est un certain Jean Baptiste Cauchon alors que la marraine, Marie Louise Desbiens, est la fille de Louise, la sœur d’Alfred, celui que le curé qualifie cette journée-là d’« industriel »[40].
Alcide Harvey
Alexis, alias Alcide, épousera la cousine Marie Jeanne Harvey (1910-1973) à Thomas Louis Harvez (1882-1938) chez Didier, le frère aîné d’Alfred. La cérémonie se déroulera le 29 septembre 1932 dans l’église de Saint-André de l’Épouvante. Établi à Dolbeau, le couple y aura six enfants. Alcide décédera à Arvida au Saguenay le 13 novembre 1964.
En 1908, les affaires continuent d’être florissantes pour Alfred. En février, il est sans doute en mesure de rembourser quelques dettes qu’il aurait pu contracter puisqu’Alfred Boily (1871-1918), un membre du conseil municipal de l’Épouvante[41] lui paie la somme de « deux cent cinquante piastres en paiement de tout le bois fourni » pour la construction de sa grange. Boily est un voisin d’Alfred l’« industriel », comme le qualifie le notaire. Alfred Boily n’a pas la somme entière demandée par Alfred pour les planches qu’il a produites, mais, en compensation, le conseiller lui donne droit à « deux places de chevaux dans ladite grange tant qu’elle sera en sa possession »[42]. La tradition orale familiale veut que le moulin d’Alfred ait été localisé à l’Épouvante. On sait qu’il en a érigé un important dans le Canton Caron de la paroisse de Saint-Jérôme. C’est sans doute avec ce dernier qu’il a produit le bois vendu à Alfred Boily plutôt qu’avec le moulin artisanal qu’il possédait sur le lot 2 du Rang III près du petit ruisseau. Ce dernier n’est probablement plus exploité. Si par cette transaction, Alfred se garantit des places pour ses chevaux c’est qu’il a l’intention de se départir de sa grange du lot 3 dans le Rang IV. C’est d’ailleurs ce qu’il fera sous peu.
Cet été-là des nuages de sauterelles s’abattent sur les champs des cultivateurs de l’Épouvante, si bien qu’un dimanche après la messe, le curé Dufour récite une prière sur le parvis de l’église, pour demander à Dieu d’arrêter le fléau[43]. L’histoire ne dit pas si les incantations ont effectivement chassé les sauterelles, mais ainsi allait la vie dans ce début de siècle où les croyances religieuses étaient omniprésentes. Pour Alfred qui vit presque exclusivement de la production de son moulin sur la rivière Couchepaganiche, les torts causés par les insectes sont de moindre importance.
À la veille de la période des fêtes 1908, Alfred se lance dans une nouvelle série de petits emprunts qui s’étendront jusqu’en 1911. Même si une importante entrée d’argent est sur le point de le rendre suffisamment à l’aise pour rembourser ses créanciers, Alfred a toujours des projets et, tout comme pour cinq de ses emprunts antérieurs, il tardera encore à en rembourser sept autres. Quand ses endosseurs le feront pour lui il s’acquittera auprès d’eux en leur fournissant le bois d’œuvre sortant des portes de son moulin. Il faut noter que ses emprunts ne dépasseront jamais plus de trois cents dollars chacun et ne totaliseront pas mille huit cents dollars. La première série d’emprunts n’avait d’ailleurs totalisé qu’environ sept cents dollars[44].
Cela dit, pour Alfred les affaires sont bonnes, suffisamment pour que vers la fin de 1908, il se paie une photo familiale au village de Saint-Jérôme.
Le 8 février 1909, la petite Émilia dite Mélia décède à l’âge de six ans. Elle avait sans doute été la première enfant du couple à fréquenter l’école, les trois précédents étant décédés bien avant d’atteindre l’âge de raison. Lors de la sépulture qui se déroule à Saint-Jérôme, Alfred est encore qualifié d’« industriel »[45]. La vie du jeune couple sera régulièrement ponctuée par la perte d’un enfant, Mélia étant la quatrième, il y en aura encore sept ; un en 1909, deux en 1910, puis d’autres en 1915, 1917, 1918 et 1920. Comment s’habituer à de si fréquentes pertes ! Selon la tradition orale ayant cours dans la famille, c’est l’épilepsie qui décimait la famille d’Alfred[46].
Puis, au début du printemps 1909, Cézarine Tremblay sa mère, lui fait une donation entre vifs. Le 25 avril, Alfred acquière ainsi « le lot deux-A du troisième rang du canton de Métabetchouan d’une superficie de cent cinquante acres et ses bâtiments, les lots treize et quatorze du même rang et de la même superficie et le lot trois du quatrième rang » du même canton et aussi de la même superficie. Cézarine complète sa donation de tous les biens meubles qu’elle possède et qui sont actuellement dans la maison où habite Alfred. Ce dernier avait l’usufruit de ces biens depuis que ses parents s’étaient donnés à lui en 1899[47]. Maintenant il en est le propriétaire, mais ce n’est plus pour longtemps.
Ce même 25 avril 1909, profitant du fait qu’il est au village de Saint-Jérôme avec sa mère de soixante-quatorze ans, et toujours devant le notaire Lauréat Pelletier, il vend pour « trois mille piastres… …le lot deux-A du troisième rang du canton de Métabetchouan d’une superficie de cent cinquante acres et ses bâtiments, ainsi que le lot trois du quatrième rang » et ses bâtiments à deux journaliers de Saint-Jérôme, les frères Joseph fils et Philippe Desbiens. Il écoule également ses droits sur la « demie-Ouest du lot quatre du cinquième rang » du même canton. Finalement, il liquide « un moulin à battre double, une moissonneuse lieuse, un rateau, une herse à ressorts, une faucheuse, un cheval, quatre moutons, et trois poules[48]. » Alfred aurait voulu faire disparaître l’étiquette de cultivateur qui lui collait encore dessus à l’occasion qu’il ne s’en serait pas pris autrement. Par cette vente il a assurément mis fin à ses activités d’agriculteur.
Finalement, Joseph Desbiens père lui cède, pour la somme de « mille cinquante piastres », un terrain de vingt-cinq perches et la maison sur ledit terrain situé au village de Saint-Jérôme, entre ceux de Pierre Lessard au nord et celui du marchand Pierre Côté au sud[49]. On ne sait pas ce qu’entend faire Alfred avec ce pied à terre au village après ces ventes et son achat.
Une partie des « trois milles piastres » dues pour la vente sera acquitté en remboursement par les frères Desbiens de la dette qu’Alfred avait contractée trois ans plus tôt auprès la compagnie The Trust Loan Company of Canada. La seconde partie est payée sous la forme du terrain du village qu’il a acquis du père Desbiens et, finalement, les frères Desbiens lui rembourseront les « sept-cent cinquante piastres » qui lui reviennent en sept versements répartis sur sept ans[50]
Cézarine Tremblay vient donc de sortir son fils d’un certain bourbier financier.
Mathilde a-t-elle repris ses habitudes ? Le 28 juillet 1909, elle accouche de son quatrième fils. Comme la famille habite maintenant légèrement plus près de l’église de Saint-Jérôme, paroisse à laquelle elle appartient maintenant d’ailleurs, Joseph Émile est conduit à cette église le lendemain pour son baptême. L’enfant n’atteindra pas l’âge de trois mois ; il décédera le 14 octobre[51].
Quatre mois après le décès du petit dernier, le 22 mars 1910, c’est maintenant au tour de Marie Blanche d’être emportée par la maladie. En 1906, en la baptisant du même prénom que sa sœur décédée, les parents avaient voulu déjouer le sort, mais la fatalité venait de les rattraper ; l’enfant n’avait pas atteint son quatrième anniversaire[52].
La maladie s’était-elle introduite dans la maison d’Alfred à la mi-août 1910 ? La mère d’Alfred qui vivait toujours avec eux décède le 13 août à l’âge de soixante-quinze ans. Cézarine Tremblay aura survécu neuf ans à son mari.
Alors que Cézarine est toujours « sur les planches », le 15, Mathilde Tremblay accouche de son neuvième enfant, prénommé Marie Alice Cécile Yvonne. Le lendemain, Alfred, sa sœur Adélaïde choisie comme marraine et le parrain Élie Desbiens, époux de sa sœur Louise, descendent à Saint-Jérôme avec l’enfant pour la faire baptiser[53]. La même journée, ils remontent tous par la suite à l’église de Saint-André pour la sépulture de la matriarche du clan Harvey de l’Épouvante, car elle avait demandé d’être inhumée au cimetière du lieu. Alfred signe le registre au nom de la famille[54].
Neuf jours plus tard, Alfred redescendra à Saint-Jérôme avec un autre Desbiens, Baptiste cette fois-ci, pour inhumer Marie Alice qui n’aura vécu qu’une dizaine de jours[55]. Rappelons qu’en mars, le couple avait perdu Marie Blanche[56].
Dans la famille on avait la fibre de commerçant tout comme l’ancêtre Sébastien Hervet (1642-1714). Si Alfred est un industriel, il n’est pas le seul de la famille à faire commerce dans le secteur. À l’époque, il y avait deux petits magasins à Saint-André et l’un d’eux, une épicerie, appartenait à sa sœur Adélaïde et à son mari Antoine Michaud. On y vendait aussi des petites bagatelles, entre autres du gaz et de l’huile de charbon. C’était Antoine qui, quand il partait chercher le courrier à Saint-Jérôme, ramenait les commissions demandées par ses clients. Il y avait aussi la première fromagerie de l’Épouvante, « le Ruisseau de la fromagerie » du rang Dequen, appartenant à son frère Ernest[57].
En juin 1911, de la famille d’Alfred et Mathilde il ne reste que deux enfants toujours vivants : François et Alcide. Avec si peu d’enfants et des revenus somme toute au-dessus de la moyenne des gens habitants le secteur, ils avaient eu les moyens d’adopter trois autres enfants. Du moins, c’est ainsi que ces derniers sont qualifiés par Mathilde à l’énumérateur qui passe dans le rang, en cette fin de printemps. Outre Patrick, le jeune frère de Mathilde arrivé dans la famille en 1903, on trouve la toute jeune Marie Adèle Célina Fortin, âgé de huit ans[58]. Elle est l’une des filles de Joseph Fortin (1859-post.1929) qui sera marié cinq fois et aura vingt et un enfants. Pour l’instant il en a déjà quatorze et vient de perdre deux épouses : la mère de Célina en 1904, et en 1907, la sœur de cette dernière que son père avait mariée en troisièmes noces. C’est également joint à la famille, depuis 1909 probablement, un autre frère de Mathilde aussi prénommé Alfred[59]. Ce dernier qui a vingt-quatre ans épaule sans doute Alfred au moulin, car il a grandement besoin d’aide[60].
En 1909, après la vente aux frères Desbiens de sa maison du lot 3 dans le Rang IV de Métabetchouan, Alfred et sa famille étaient venus s’établir pas très loin de là sur les lots quarante-cinq et quarante-six du Rang VII dans le canton voisin, le canton Caron. Au fil des ans, il avait défriché ces lots et avait construit un moulin à vapeur de bonne dimension avec une bouilloire, engin, outils et accessoires de toutes sortes[61].
L’utilisation de la vapeur permettait à Alfred d’opérer son moulin à l’année, car avec les moulins de type hydraulique, au printemps on a souvent trop d’eau alors qu’en juillet on en manque et en hiver on cesse les opérations pour privilégier l’abattage. La Price Brothers & Cie avait de grosses installations à vapeur à cette période, mais ce type de moulin était plutôt rare parmi les plus petits producteurs en raison des frais d’exploitation qui étaient élevés et en faisait le talon d’Achille. Ne pouvant chauffer la bouilloire avec du bois vert sans encrasser les tubes, on devait utiliser du charbon, importé et coûteux, ce qui augmentait les coûts de production et diminuait la rentabilité[62].
Le 27 octobre 1911 lorsqu’est baptisé Joseph Antoine Léopold, né la veille, Alfred n’est pas présent. Il s’agit de sa première absence lors du baptême de l’un de ses enfants. Est-il à Alma ou à Chicoutimi pour ses affaires ou simplement besogne-t-il à son moulin à vapeur ? Quoi qu’il en soit, c’est le beau-frère Antoine Michaud et sa femme Adélaïde Harvey, sœur d’Alfred, qui apportent l’enfant pour son baptême à Saint-Jérôme. En l’absence du père, Mathilde Tremblay les aura choisis comme parrain et marraine[63].
Les affaires d’Alfred devaient être assez bonnes à cette période de sa vie puisqu’il ne sera en retard de paiement auprès de la Banque Nationale de Roberval que deux fois en quatre ans. Ce sera le cas en mai 1912 et ce sera son beau-frère l’épicier Antoine Michaud qui lui servira d’endosseur[64]. Après toutes ces années, Antoine est toujours secrétaire-trésorier de la municipalité de Saint-André.
À l’automne de la même année, Mathilde Tremblay accouche de son onzième enfant. Cette sixième fille est à l’évidence en bonne santé. Les travaux de construction et de mise en activité du moulin à vapeur accaparent Alfred, puisque « le père est encore absent » lors de la cérémonie du baptême, laquelle se déroule à l’église de Saint-André le 9 octobre, jour même de la naissance. Le troisième curé, Edmour Côté arrivé depuis deux ans, connaît bien ses paroissiens et s’assure de noter à son registre que les parents sont de « Saint-Jérôme ». Mathilde aura choisi des voisins sous la main pour agir comme parrain et marraine de Marie Émilia, Philias Côté marié à Marie Louise Potvin et Laure Potvin mariée à Georges Bergeron[65].
Émilia Harvey
Émilia partira vivre à Montréal où elle épousera Armand Thibeault (1910-1979) le 26 juin 1948. Le couple aura trois enfants. Émilia qui demeurait à Saint-Tite décédera à Shawinigan à l’âge de quatre-vingt-quinze ans le 27 mai 2008.
L’année suivante, le 14 décembre 1913, naît une autre fille, Marie Rose Arthémise. Alfred et Mathilde choisissent comme parrain et marraine Thomas Louis (1882-1938) à Didier (1854-1920), un cousin de l’enfant et son épouse Arthémise Tremblay[66].
Arthémise Harvey
Une fois la famille déménagée à Sainte-Jeanne-d’Arc, de l’autre côté du lac Saint-Jean, Arthémise épousera Jean Baptiste Tremblay (1918-1999) le 27 août 1941. Jean Baptiste est de Saint-Augustin, un village voisin de celui où habite Arthémise. Le couple aura sept enfants. Arthémise fera sa vie au Lac. Elle décédera le 2 janvier 1995 à Dolbeau-Mistassini à l’âge de quatre-vingt-un ans deux ans avant que ces deux villes ne fassent plus qu’une.
Le 5 août 1914, le gouverneur général du Canada déclare le pays en guerre contre l’Allemagne sans aucune consultation au préalable avec comme conséquence que les neveux Élie (1896-1973) et son frère Cyrias Harvey (1897-1972) seront tous deux conscrits sous peu. Ils sont les fils de Didier, frère aîné d’Alfred. Les deux neveux sont les seuls petits-fils de feu le patriarche François Harvay entraîné dans la Grande Guerre.
Deux mois après que le Canada fut entré en guerre, Alfred se départit du terrain au village de Saint-Jérôme que lui avait vendu Joseph Desbiens père en 1909. Il le vend à perte pour la somme de « mille piastres » au marchand Pierre Côté (1870-1919). On se souviendra qu’il en avait payé « mille cinquante piastres » cinq ans plus tôt. Le marché s’était-il effondré ou Alfred avait-il fait une mauvaise affaire ? Quoi qu’il en soit, ce ne sont que « deux cents piastres » qu’il reçoit le 3 octobre. Les huit cents autres lui seront versés annuellement sur une période de huit ans et cela sans intérêt[67].
Alors que l’année 1914 a tourné le dos, le 25 février 1915 Mathilde donne le jour à Gratia, une huitième fille et son treizième accouchement. Marie Jeannette Gratia est portée à son baptême à Saint-Jérôme le lendemain[68]. Chez Alfred, les joies sont généralement suivies de peines; Joseph Antoine Léopold qui avait trois ans et six mois décède le 8 avril[69].
Un peu après le Nouvel An 1916, le « commerçant de bois et propriétaire de scierie de la paroisse de Saint-Jérôme » se lance dans des négociations avec la Compagnie de Métabetchouan (autrefois connue comme la Compagnie de pulpe de Métabetchouan), celle qui, en 1901, avait voulu construire un moulin sur la rivière Métabetchouan à Saint-André. L’entente est conclue le 18 janvier et ratifiée le 24 à Québec à une assemblée des actionnaires. La compagnie vend à Alfred les locations forestières qu’elle possède dans les cantons Caron et Métabetchouan, en vertu de licences qu’elle a obtenues du ministre des Terres et forêts[70]. Pour Alfred, l’heure n’est pas à s’offusquer de conflit d’intérêts, même si le secrétaire-trésorier de la compagnie n’est nul autre que le ministre de l’Agriculture lui-même, l’honorable Joseph Édouard Caron. Les concessions qui sont maintenant accessibles à Alfred pour deux ans font au total environ trente-neuf kilomètres carrés[71]. La vente est faite pour un montant total de six mille dollars. Alfred est en mesure d’avancer la moitié de cette somme le jour de la transaction, ce qui en dit un peu plus sur l’état de ses finances. Il versera le solde du montant en quatre versements répartis sur quinze mois, ce qu’il a déjà financé en janvier par un emprunt auprès d’agriculteurs de Saint-Jérôme[72]. Les endosseurs sont Jean Baptiste Hudon et François Potvin, deux beaux-frères, Zéphirin Girard et le beau-frère Pierre Gagnon marié à Olivine Tremblay, sœur de Mathilde.
Avec trente-neuf kilomètres carrés, la superficie des concessions maintenant accessibles à Alfred est beaucoup trop grande pour sa capacité à abattre ou faire abattre et à transformer le bois dans son moulin. Conséquemment le 18 février, un mois après avoir ratifié l’entente de la Compagnie, il en vend une partie à Ernest Larouche (1861-1938). Ce dernier est aussi un commerçant de bois, propriétaire d’une scierie de Sainte-Croix, à une dizaine de kilomètres de Saint-Jérôme. Bonne affaire pour Alfred. Si on doutait de ses talents de commerçant, on a ici une évidence qui écarte ce doute ; il vend treize kilomètres carrés pour la somme de « trois mille six cents piastres » et cela sans compter qu’outre les « six cents piastres » que lui remet l’acheteur le jour même, il recevra sept pour cent d’intérêt sur les quatre versements suivants dont les dates sont coordonnées avec ses propres paiements à la Compagnie[73].
Le 25 décembre 1916, Mathilde Tremblay n’assistera pas à la traditionnelle messe de minuit puisque dans la journée elle venait tout juste d’accoucher de son quatorzième enfant. On attendra au lendemain pour descendre au village de Saint-Jérôme et faire baptiser Marie Jeanne Anna[74].
Avec tous ces lots en bois debout accessibles à Alfred depuis un an, son moulin ne fournit plus à transformer les abattages en bois d’œuvre qui s’accumulent dans sa cour. En janvier 1917, Alfred « Harvez », comme le nomme toujours son notaire, passe un contrat avec la Price Brothers & Co. Ltd de Jonquière « pour la coupe, le charroyage et le chargement sur les chars à Saint-Jérôme, de soixante-quinze chars de bois de pulpe de huit pieds de longueur ». Alfred qui en a déjà une certaine quantité de disponible y voit là une opportunité de faire des profits avec ses surplus. Le 15 janvier, afin de livrer ses obligations à la Price Brothers, il créer une société temporaire avec Charles François Baillargeon, sous le nom de « Harvez et Baillargeon ». Tout le bois produit par la Société sera prélevé sur les locations forestières qu’il a acquises l’année précédente. Baillargeon paiera à Alfred « six piastres la corde en bois de pulpe » le bois déjà coupé. Comme pour toute sa production de bois non transformée, c’est par la rivière Couchepaganiche que les billots seront acheminés à la gare de Saint-Jérôme pour être chargés sur les chars. La Société terminera ses activités à la fin de l’été[75].
Alors qu’Alfred bénéficie de la coupe de bois sur les locations forestières acquises en 1916, il semble montrer sa désinvolture habituelle envers la banque. Il passera trois années à ignorer les requêtes des fonctionnaires de Québec qui exigent le paiement de droits de transfert, de rentes foncières, de frais de renouvellement annuel des licences et d’intérêts pour officialiser la démarche. Si bien qu’en juillet 1918, Joseph Édouard Caron, le secrétaire-trésorier de la Compagnie de Métabetchouan et toujours ministre de l’Agriculture (1909-1929), écrira au sous-ministre des Terres « … je ne crois pas que tout ce que vous pourrez écrire à M. Harvey y portera remède ». Après que la compagnie se sera dessaisie sur les pledge de ses droits de locations forestières en 1918, la correspondance venant des fonctionnaires se poursuivra en 1919. Les gens de Québec en plus de réclamer les droits, rentes et intérêts, voudront savoir si des coupes ont bien eu lieu sur les locations forestières pendant toutes ces années. Finalement, il s’acquittera des sommes dues le 21 août 1919[76].
Au cours de l’année, pour faire avancer ses affaires, l’industriel continuera d’emprunter, à l’occasion, de petites sommes auprès de la Banque Nationale. Comme par le passé, il ratera à deux reprises l’échéance et la réponse d’Alfred après les délais sera toujours la même : « pas de fonds »[77]. Aux yeux d’aujourd’hui, on pourrait penser qu’Alfred était un mauvais payeur. Cependant, il ne faudrait pas voir l’attitude d’Alfred envers la banque comme sortant de la norme. Côme L.A. Morisset, le notaire de la Banque Nationale de Roberval, a déjà signifié plus de vingt mille protêts depuis le début de sa carrière il y a vingt ans[78].
Son cousin Alphège Harvey (1867-1928) avait vécu au Massachusetts où il avait amassé un certain pécule. Depuis son retour en 1902, il avait exploité des moulins et formé la Société Gagné et Harvey à Mistouk. Alphège est le fils de feu l’oncle Didié Harvé (1828-1868). Il fut pour cinq ans l’associé du marchand Alfred Gagné (1857-1929). Lorsque son partenariat prit fin en 1907, il avait poursuivi seul dans le domaine et avait cessé d’exploiter sa scierie en 1916. Alphège, en bon commerçant, s’impatientait de reprendre les rênes d’une entreprise. Le 15 avril 1917, lui et Alfred s’associent pour faire conjointement le commerce de bois et exploiter les locations forestières qu’ils possèdent. Pour ce faire et comme investissement personnel dans la société qu’ils entendent mettre sur pied, Alfred vend à son cousin pour la somme de « trois mille sept cent piastres » la moitié indivise de sa scierie à vapeur et tous ses équipements y compris les lots quarante-cinq et quarante-six sur lesquels le moulin et ses annexes sont établis dans le septième rang du canton Caron. Font aussi partie de la vente, les droits d’Alfred sur ses locations forestières acquises de la Compagnie de Métabetchouan en 1916. Comme Alfred ajoute à cette vente « trois vaches, une taure, deux truies et leurs portées », il faut peut-être s’interroger sur ses intentions d’alors pour son avenir à Saint-Jérôme. Le contrat de vente stipule clairement qu’Alphège aura à sa charge de payer sa part des taxes et cotisations municipales, scolaires et les conditions des licences forestières, notamment les rentes foncières, les droits de coupe et le bonus de transfert afin de maintenir les licences. Comme nous le verrons, on peut douter qu’Alphège ait pleinement rempli cette part du contrat[79]. C’est en juillet que, devant notaire, les cousins officialisent la Société Harvez & Cie qu’ils ont formée[80].
Mathilde a quarante ans moins des virgules lorsqu’elle accouche de son sixième garçon le 8 novembre 1917. Alfred aura tout juste le temps d’amenée Joseph Élie pour son baptême à l’église de Saint-Jérôme que l’enfant décède la journée même à son retour à la maison[81]. Un an plus tard, le 3 novembre 1918, c’est au tour de la petite Marie Jeanne qui n’a pas encore deux ans de décéder également[82]. Alfred et Mathilde n’ont toujours que quatre enfants.
Au printemps 1918, la Harvez & Cie prend de l’expansion. Elle acquiert de Joseph Boudreau et Edgard Girard, cultivateur de Saint-Jérôme, un terrain adjacent au moulin, le long de la ligne de chemin de fer au sud et à l’ouest « au bord du haut de l’écart de la rivière Kouspeganish »[83]. Alfred et son partenaire, viennent d’acquérir un bord de la rivière ce qui leur facilitera le transport du bois pour la somme de « cinq cent cinquante piastres » comptant[84].
Pour leur société, les aspirations d’Alfred et d’Alphège sont élevées. En 1918, la compagnie se dote même d’une voiture de fonction, une Maxwell Special[85].
À l’été 1918, la Grande Guerre n’est toujours pas terminée et un coup dur frappe La Harvez & Cie ; l’un des fils d’Alphège, Edmond (1896-1956), est conscrit en juillet. Le fils œuvrait au moulin[86]. En appui aux opérations de la société, Alphège pouvait compter sur deux fils alors qu’Alfred n’avait à offrir que les bras de son aîné François, lequel n’a pas encore quatorze ans. Ils viennent donc de perdre le tiers de leur main-d’œuvre familiale.
Selon la tradition orale, l’année 1919 fut catastrophique pour la Harvez & Cie. Alfred va tout perdre. De son vivant il affirmait qu’il avait vendu un chargement de bois de plusieurs milliers de dollars aux États-Unis, mais qu’il n’avait jamais été payé. Selon lui, la personne qui accompagnait le chargement pour finaliser la transaction avait disparu.
C’est par Marie Louise Boivin (1859-1940) veuve d’Edmond Langevin (1854-1917) qui est sur le point de se remarier, que le 24 mars 1919 on entend parler de la Société Harvez & Cie une dernière fois. La veuve, légataire universel de son mari, est devenue propriétaire du moulin à farine de Saint-Jérôme deux ans plus tôt et met en demeure la Société de construire une estacade afin de protéger l’écluse du moulin à farine lors de la descente du bois d’Alfred et d’Alphège. La Harvey & Cie est avisée qu’elle devra payer tous les dommages qui pourraient être causés par le bois lors de sa descente par la rivière[87].
La sommation aura peu d’effet sur Alfred, car le 11 juin 1919, il vend sa moitié de la Société Harvez & Cie comprenant le moulin, les lots de la société, les licences de locations forestières, le matériel forestier et le bois déjà coupé. Cette vente est faite à Honorius Gagné pour la somme de « treize milles piastres » qu’il paie le jour même. Par la même transaction, Alphège accepte donc Honorius comme nouvel associé dans la société qui continuera de porter la raison sociale de la Société Harvez & Cie. Le nouveau partenaire n’est pas un inconnu pour Alphège Harvey. Il est le fils du marchand Alfred Gagné, son partenaire dans la Société Gagné et Harvey qui opéra pendant cinq ans. C’est d’ailleurs le père qui bâille les fonds lors de la transaction. La cession des parts d’Alfred dans la société ne dégage cependant pas Alphège de la dette qu’il a toujours envers lui. En effet, lors de la création de la société deux ans plus tôt, il s’était engagé à rembourser le reste de la somme qu’il devait pour l’acquisition de sa part, soit « deux mille piastres » réparties en huit paiements annuels. Il doit toujours « mille sept cent cinquante piastres » à Alfred[88].
On sait qu’Alfred possédait, en plus d’un moulin à scie, une partie des lots quatre-vingt-onze-A et quatre-vingt-quinze au village de Saint-Jérôme. La rivière Couchepaganiche lui permettait de draver les billots jusqu’au village afin de les débiter sur place avant le chargement sur les wagons. Le contrat de création de la Harvez & Cie de 1917 n’en fait pas mention, non plus que celui de la cession des parts d’Alfred dans la société, ce qui laisse supposer qu’il en est demeuré propriétaire[89]. Il se départira officiellement d’un de ces lots dans deux ans[90].
La carrière de commerçant de bois d’Alfred s’achève à l’âge de quarante-sept ans.
Alfred Gagné, cultivateur et marchand de Saint-Cœur-de-Marie, celui qui vient de financer le rachat par son fils de la moitié des parts de la Harvez & Cie, vend à Alfred, une de ses propriétés. Il s’agit de la terre numéro vingt-quatre du cinquième rang de Saint-Cœur de Marie (Mistouk), dans le canton Delisle. La terre fait cent acres et est vendue avec une résidence, les bâtiments et les instruments agricoles ainsi que les animaux. Comme la vente est faite au montant de « treize mille piastres », il faut conclure qu’Alfred ne tire aucun bénéfice net de son aventure dans la Société Harvez & Cie[91].
Alfred retourne donc au métier de cultivateur avec comme seule aide Mathilde, quarante et un ans, ainsi que ses fils François, quatorze ans et Alcide onze. Ses filles étant encore trop jeunes pour être utiles sur la ferme, elles pourront mettre l’épaule à la roue dans quelques années.
Juin 1919 on tourne définitivement la page sur la vie d’Alfred à Saint-André de l’Épouvante[92] et à Saint-Jérôme de Métabetchouan. La veille de la fête de la Saint-Jean, le 23 juin, il vend les lots qui lui restaient dans le Petit Rang, soit les numéros treize et quatorze du troisième rang du canton de Métabetchouan. C’est Adélard Laforge (1879-1967) qui remporte la mise pour la somme de « mille huit cents piastres »[93].
L’air de l’est du lac Saint-Jean n’aura rien changé à la santé des enfants. Dans les froids de l’hiver 1919-1920, le 10 janvier, Gratia décède alors qu’elle n’avait pas encore cinq ans[94].
Bien qu’Alfred ait liquidé ses affaires à Saint-Jérôme, cela ne l’empêche pas de continuer à recevoir de nombreux remboursements que ses débiteurs s’étaient engagés à lui verser, au fil des nombreux contrats de toutes ces années à marchander du bois. Par exemple, il était demeuré créancier de feu Pierre Côté pour le remboursement d’une partie de la somme qu’il avait demandé pour son terrain au village de Saint-Jérôme en 1914. Aujourd’hui sa veuve, Oliva Fortin (1872-1945), lui rembourse le solde dû « trois cents piastres » pour lequel Alfred lui donne quittance le 9 mars 1920[95].
Alfred n’est plus industriel et demeure maintenant à Saint-Cœur-de-Marie. Cela ne l’empêche pas de supporter d’anciennes connaissances qui ont assurément œuvré avec lui dans le commerce du bois autrefois. Le 14 août 1920, dans un emprunt à la Banque Nationale, succursale de Métabetchouan, il se fait endosseur d’Adélard Lavoie, fromager de Saint-Jérôme, pour une somme de cent trente-six dollars. À l’échéance, l’emprunteur et l’endosseur, répondront « pas de fonds » à la demande de remboursement de la banque. Alfred avait beau avoir épousé les habits de cultivateur, il avait tout de même gardé ses habitudes de commerçant[96]. Adélard Lavoie est un lointain parent par alliance. Sa première épouse (il en est à sa troisième) était Jessée Harvez (1871-1903) à Côme Hervai (1831-1891) chez Denis Hervé (1803-1887). Ce dernier était le frère du grand-père d’Alfred.
Au printemps 1921, Alfred officialise le transfert du lot quatre-vingt-quinze du Rang Sud du canton Caron qu’il avait cédé à René Harvez (1892-1980) à Joseph (1870-1941) chez Fortunat Harvey (1840-1936) en 1919 dans la période où il s’était retiré des affaires de la Harvez & Cie. René était alors forgeron au village de Saint-Jérôme. On présume qu’il avait travaillé aux constructions du moulin et qu’Alfred avait troqué le terrain pour s’acquitter de sa dette envers lui[97].
Quand Édouard Fleury, l’énumérateur d’Ottawa, cogne à la porte de chez Alfred, le jeudi 9 juin 1921 dans le Rang V de Saint-Cœur de Marie, Mathilde déclare que ses hommes sont au champ puisque son mari et ses deux fils François, seize ans et Alcide, treize ans sont agriculteurs et que ses deux filles, Mélia, huit ans et Arthémise, sept ans sont à l’école au village[98].
Six ans après son dernier accouchement, le 13 février 1923, Mathilde qui a maintenant quarante-cinq ans met au monde son seizième et dernier enfant. On prendra deux jours avant d’amener le petit-dernier pour son baptême. Si ce délai peut laisser croire que l’on craint pour la vie de l’enfant comme pour bien d’autres dans la famille, il n’en est rien puisque Joseph Gérard vivra quatre-vingt-sept ans. Son frère Alcide est choisi comme parrain alors que Julie Anna Gagnon est la marraine[99].
Joseph Gérard Harvey
Gérard épousera Marie Rose Lapointe (1929-2016), une fille de Sainte-Jeanne-d’Arc le 20 juin 1951. Le couple aura trois enfants. Gérard et Marie Rose partiront habiter Saint-Jean-sur-Richelieu où Gérard décédera le 12 mai 2010.
La tradition orale dans la famille avance qu’Alfred et son fils François, en plus de cultiver la terre de Mistouk de 1919 à 1926, auraient travaillé dans un moulin pour le compte du cousin Alphège ou dans un autre moulin[100].
Pendant ce temps, au nord du lac sur la rivière Mistassini, on construit la papeterie de la Leaside Engineering Company, dans le secteur qui deviendra sous peu la municipalité de Dolbeau. La construction avait débuté quelques mois après l’achat de concessions forestières par des capitaux britanniques. L’usine projetée, unique au lac, sera considérable et annonce un important besoin de main-d’œuvre.
Alfred vend ses avoirs à Saint-Cœur-de-Marie le 21 mai 1926 pour aller s’établir sur la rue des Pins de Dolbeau. À cinquante-quatre ans, s’il choisit de tout laisser derrière lui, c’est d’abord pour offrir un avenir à ses fils François et Alcide qui, effectivement, travailleront à la construction de la papetière.
Alfred rejoint ainsi son frère Ernest (1866-1944), autrefois fromager de L’Épouvante qui, lui aussi, s’est amené à Dolbeau.
Quand il se départit de sa terre de Saint-Cœur de Marie au profit de Rodolphe Bolduc, Alfred n’est pas certain de son avenir à Dolbeau. Il vend donc le tout à réméré, conservant ainsi la possibilité de racheter son bien pendant une durée de quatre ans[101]. La vente était faite en échange d’une quittance d’obligation au montant de 1 216 $ qu’il avait contracté auprès de Rodolphe Bolduc le 5 juillet 1921. Après quatre ans passés à Dolbeau, Alfred ne sera toujours pas confiant du futur que lui et sa famille peuvent avoir à cet endroit. Quand sa vente à réméré viendra à échéance en septembre 1930, il la renouvellera pour quatre années additionnelles. Il en cédera finalement la propriété à Rodolphe Bolduc le 21 mai 1932 contre le paiement par ce dernier de l’hypothèque qu’avait prise Alfred sur sa terre pour acquérir sa maison de Dolbeau[102].
C’est la veille de la Saint-Jean, en 1930, qu’Alfred et Mathilde voient leur premier enfant se marier. François épouse Germaine Boulianne, une jeune fille de Normandin où toute la famille se rend pour l’occasion[103].
L’endroit où s’installe la famille d’Alfred se développe rapidement à partir des années 1930, grâce à l’exploitation de l’immense forêt qui ceinture le Lac-Saint-Jean.
En juin 1931, tous les enfants d’Alfred et Mathilde sont encore à la maison. Même François et sa femme qui attend un enfant, demeure toujours dans la maison familiale du 517 de la rue des Pins à Dolbeau. François est un employé du moulin à papier et a gagné un salaire de mille dollars au cours de la dernière année, alors qu’Alfred, qui gagne maintenant sa vie comme employé d’une épicerie, en a récolté trois cents. Avec la présence de toutes ces maisons de riches, Alcide travaille dans une maison privée du quartier des Anglais. Les trois autres n’ont pas d’emploi[104].
Alfred, Mathilde et leurs enfants ne sont pas les seuls Harvey à habiter la rue des Pins à Dolbeau. Il y a également Joseph Harvey (1876-1949) à Napoléon (1851-1937) chez Louis (1828-1917), un opérateur de moulin à la papeterie de Dolbeau avec son fils Alfred (1903-1933) et sa famille qui réside au numéro 504. Bien qu’Alfred à François chez Joseph François et lui soit de la même lignée de Harvey (Dominique Hervé), Alfred appartient à la septième génération alors que Joseph appartient à la huitième ; leur généalogie n’est commune qu’à partir de la quatrième génération[105].
Avec toutes les affaires qu’a brassées Alfred au cours de sa vie jusque là, il a sans doute accumulé un certain pécule malgré ses déveines, car en 1935, alors qu’il a soixante-trois ans, il est déjà rentier[106]. À Dolbeau, la famille vit alors ses années de confort, jouissant déjà de l’eau courante et d’un raccordement à l’égout municipal. De plus, elle bénéficie du revenu procuré par la location d’un loyer à l’étage de la maison.
Quand il avait décidé de quitter le métier de cultivateur à Saint-Coeur-de-Marie Alfred, avec l’expérience d’un industriel qui l’avait eu à la dure, était incertain de l’avenir qui attendait sa famille à Dolbeau. Ses hésitations devaient être motivées puisqu’en 1938, la famille quittera cette ville pour s’établir à nouveau sur une terre à une vingtaine de kilomètres plus à l’est, dans la municipalité de paroisse de Sainte-Jeanne-d’Arc[107]. Il existe cependant un autre motif pour lequel Alfred, maintenant âgé de soixante-six ans, quitte le confort de la Rue des Pins de Dolbeau, pour s’installer dans le rang 7 du canton Dalmas à Sainte-Jeanne-d’Arc. C’est que la femme de son aîné n’aime pas la ville. Germaine Boulianne est la fille d’un très gros agriculteur de Normandin. Si elle avait quitté la terre pour épouser le fils de celui qui aimait le bois, l’agriculture lui manquait toujours. Après les années tumultueuses dans l’industrie du bois à Saint-Jérôme, le passage de la famille sur une terre de Saint-Coeur de Marie avait été comme un baume après cette période difficile. C’est donc d’un commun accord, avec l’insistance de son fils, que la famille d’Alfred s’amène à Sainte-Jeanne-d’Arc.
Ils acquièrent la terre de Paul Lapointe dans le rang 7 du canton Dalmas. Ce dernier et sa femme n’ont eu qu’une seule fille. Son avenir comme agriculteur devenant trop ardu étant seul à la tâche, il est heureux d’échanger sa ferme et sa maison pour celle de Dolbeau qu’habitaient Alfred et son aîné.
Alexis alias Alcide, marié en 1932, était resté à Dolbeau[108] tout comme Émilia qui n’a pas encore pris le train pour Montréal. Alfred, Mathilde, leur fille Arthémise et leur cadet Gérard vivent maintenant tous sur la terre de l’aîné François à Sainte-Jeanne-d’Arc[109].
Ils sont plusieurs à pratiquer l’agriculture en ce nouvel endroit. Si François assume le plus gros du boulot avec sa femme Germaine, le cadet Gérard qui a maintenant quinze ans, ne donne pas sa place. Évidemment, Alfred donne un coup de main.
En 1941, c’est au tour d’Arthémise de quitter la maison et d’épouser un cultivateur de Saint-Augustin, un village voisin où elle partira vivre[110].
Mathilde Tremblay, après avoir accouché de seize enfants qui lui donnèrent dix-sept petits enfants, tire sa révérence le 21 mars 1943, à l’âge de soixante-cinq ans, dans son nouveau village d’adoption.
Le 13 mai 1937, le sous-ministre des Terres et forêt avait soumis au premier ministre de la province une proposition d’arrêté ministériel pourvoyant à la révocation des concessions forestières affermées à Alfred, à l’annulation des arrérages et à l’érection de ces terrains en réserve cantonale. Dans les registres du ministère, ces concessions apparaissaient encore au nom d’Alfred. Bien qu’il ait transféré la demi de ses droits de locations forestières à son cousin Alphège Harvey en 1917 puis l’autre moitié à Honorius Gagné en 1919 et que Gagné les ait lui-même transférés à Joseph Artur Tremblay l’année suivante. Le transfert ne fut jamais officialisé, car Alfred et les trois autres locateurs étaient toujours en solde débiteur envers le département au montant de 2 784,43 $, et ce, sans compter les intérêts. Comme le député Duguay du comté avait confirmé que les intéressés étaient insolvables et que jamais le gouvernement ne serait payé pour ces arrérages, le premier ministre approuva alors l’arrêté. Ainsi allait la vie parmi les petits commerçants de bois qui percevait la forêt autour d’eux comme appartenant à tous et non à la couronne. Gardons en tête que les ancêtres non lointains de ces commerçants, comme Joseph François (1794-1890), le grand-père d’Alfred, étaient venus squatter les terres du Saguenay puisque la Hudson’s Bay Company avait obtenu le monopole de la couronne britannique sans que la population ne pût dire mot.
Venait-on de clore alors la longue saga d’Alfred dans le domaine de l’exploitation forestière[111] ? Probablement pas. Les fonctionnaires du ministère prendront sept ans avant d’annuler officiellement les permis (licences) de coupe détenue par Alfred sur la foi d’un mémoire présenté au sous-ministre à l’été 1944 alléguant qu’Alfred était décédé depuis six ou sept ans. Le 14 décembre 1945, sans doute animé par les perspectives de ses fils et ignorant ce qui s’était tramé à Québec, Alfred, âgé maintenant de soixante-treize ans, demande au sous-ministre des Terres et Forêts de racheter les concessions forestières qu’il détenait dans les cantons Caron et Métabetchouan. Le 30 août 1946, le sous-ministre refusait la demande d’Alfred.
Trois ans plus tard, à l’âge de soixante-dix-sept ans, celui qui était né Louis Alfred Hervé et que son notaire nommait Alfred Harvez, comme la compagnie qu’il fonda en 1917, décède le 10 novembre 1949 sous le nom d’Alfred Harvey, sans avoir pu reprendre ses activités de commerçant de bois. Tout comme son épouse six ans plus tôt, c’est dans la maison de son fils François du Rang 7 d’Alma (aujourd’hui Chemin Lapointe) à Sainte Jeanne d’Arc que s’était éteint Alfred l’industriel. Comme le voulait l’usage de l’époque, il sera exposé dans la maison du Rang 7 pour être inhumé deux jours plus tard auprès de Mathilde dans le cimetière de Sainte-Jeanne-d’Arc[112].
[1] Tremblay dit Romaine ou Tremblay-Romaine : À l’époque, pour distinguer les Tremblay, on leur attribuait un surnom. On eut entre autres recours aux prénoms ou patronymes des femmes pour distinguer l’homme. Ce fut le cas du grand-père de Cézarine, la femme d’André Sauveur Tremblay dit Romaine (1760-1811) se nommait Romaine Mercier (1770-1830), elle avait plus que sa part de conduite dans la maison et ailleurs, si bien qu’elle finit par effacer son mari.
[2] BAnQ, Registre de la paroisse Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception de Laterrière, 21 mars 1872.
[3] A.N.Q., GN. Minutier Ovide Bossé, no 4830, 3 septembre 1880.
[4] Il n’est pas certain que cette terre de Saint-Jérôme où vit la famille ait été la propriété de François. Je n’ai pu trouver l’acte d’acquisition. Il pourrait l’avoir loué.
[5] B.A.C., G., Recensement de 1881, district Chicoutimi et Saguenay, sous-district Saint-Jérôme, microfilms e008153039 et e008153040.
[6] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 23 juillet 1881.
[7] B.A.C., G., Recensement de 1891, district Chicoutimi et Saguenay, sous-district Saint-Hilaire, Dequen, Dablon, partie de Métabetchouan, microfilms 30953_148193-00714 et 30 953_148193-00716.
[8] BAnQ., Registre des demandes d’octrois gratuits de terre aux familles de 12 enfants et plus vivants, 1890-1905. Centre d’archives de Québec, numéro d’enregistrement 785, François Harvey, Saint-Jérôme, rang 3, lot 2.
[9] Saint-André fut jadis (de 1887 à 1897) reconnu par le nom « l’épouvante ». Le nom de Saint-André fut donné quelques années plus tard, quand on y établit une mission en 1897. On disait alors « Saint-André de l’épouvante ». Ce n’est qu’en 1940 qu’apparût Saint-André-du-Lac-Saint-Jean. Tiré de : Saint-André-du-Lac-Saint-Jean. Histoire de la Municipalité : Un peu d’histoire... La légende de « L’épouvante ». [En ligne]. https://municipalites-du-quebec.com/st-andre-du-lac-st-jean/historique.php [page consultée le 9/9/2024].
[10] A.N.Q., GN. Minutier Lauréat Pelletier, no 801, 25 avril 1909.
[11] MAGNAN, Hormisdas. Dictionnaire historique et géographique des paroisses, missions et municipalités de la Province de Québec. Arthabaska, Imprimerie d’’Arthabaska inc., 1925, pages 202.
[12] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 10 août 1897.
[13] COLLECTIF. Les ponts couverts au Québec — Le pont de l’Épouvante [En ligne]. https://pontscouverts.com/blogue/wp-content/uploads/2019/02/Epouvante.pdf [page consultée le 12/08/2024].
[14] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 10 juin 1898.
[15] Ibid., 2 juillet 1899.
[16] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 6 juillet 1899.
[17] A.N.Q., GN. Minutier Séverin Dumais, no 6122, 25 octobre 1899.
[18] Cette hypothèse a été corroborée à Frances Harvey par des résidents actuels du secteur qui ont confirmé qu’il y avait eu un moulin sur ce lot au siècle dernier.
[19] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André. Saint-André, municipalité Saint-André, Lac Saint-Jean, 1990, page 137. Les éléments d’histoire de Saint-André de l’Épouvante rapportée dans ce texte ont été largement tirés de ce livre.
[20] A.N.Q., GN. Minutier Séverin Dumais, no 6163, 24 novembre 1899.
[21] LECLERC-LAROCHELLE, Monique. « Cattellier, Laurent ». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1998, 15 volumes, volume XIV (Décès de 1911-1920).
[22] B.A.C., G., Recensement de 1901, district Québec centre, sous-district Saint-Louis, microfilm z000163551.
[23] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 14 août 1900.
[24] Ibid., 20 janvier 1901.
[25] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 25 mars 1901.
[26] B.A.C., G., Recensement de 1901, district lac Saint-Jean, sous-district Saint-André, microfilms z000133637 et z000133638. Le recensement s’est tenu le 31 mars.
[27] Ibid.
[28] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André, op.cit., pages 97-99.
[29] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante et Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 1898-1917.
[30] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 2 décembre 1902.
[31] BAnQ., Registre des demandes d’octrois gratuits de terre aux familles de 12 enfants et plus vivants, 1890-1905. Centre d’archives de Québec, numéro d’enregistrement 2963, Didier Harvey, Saint-André, rang 3, lot 9.
[32] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 7 avril 1903.
[33] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 12 octobre 1903.
[34] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 30 août 1904.
[35] Ibid., 31 août 1904.
[36] A.N.Q., GN. Minutier Côme L.A. Morisset, no 3516, 24 juillet 1905 ; no 3824, 10 novembre 1905 ; no 5631, 25 février 1907 ; no 7030, 2 novembre 1907 ; no 8645, 27 juillet 1908.
[37] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 15 avril 1906.
[38] L’acte notarié du notaire Jobin reste introuvable. Le notaire Lauréat Pelletier de Saint-Jérôme au Lac Saint-Jean le mentionne dans son acte no 802 du 25 avril 1909.
[39] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André, op.cit., page 39.
[40] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 12 janvier 1908.
[41] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André, op.cit., page 100.
[42] A.N.Q., GN. Minutier Lauréat Pelletier, no 430, 9 février 1908.
[43] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André, op.cit., page 36.
[44] A.N.Q., GN. Minutier Côme L.A. Morisset, no 9692, 19 décembre 1908 ; no 11259, 25 août 1909 ; no 12361, 28 décembre 1909 ; no 13149, 2 mai 1910 ; no 13526, 13 juillet 1910 ; no 13773, 15 août 1910 ; no 14628, 7 janvier 1911.
[45] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 10 février 1909.
[46] C’est Émilia Harvey (1912-2008) qui confia à sa fille Diane, l’omniprésence de l’épilepsie dans la famille.
[47] A.N.Q., GN. Minutier Lauréat Pelletier, no 801, 25 avril 1909.
[48] A.N.Q., GN. Minutier Lauréat Pelletier, no 803, 25 avril 1909.
[49] A.N.Q., GN. Minutier Lauréat Pelletier, no 802, 25 avril 1909 et no 6938, 9 mars 1920.
[50] Ibid.
[51] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 29 juillet et 16 octobre 1909.
[52] Ibid., 24 mars 1910.
[53] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 16 août 1910.
[54] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 16 août 1910.
[55] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 25 août 1910.
[56] Ibid., 24 mars 1910.
[57] CHAMBERLAND, Rita et Candide BRASSARD. L’histoire de notre municipalité Saint-André, op.cit., pages 184 et 189.
[58] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 2 juillet 1902.
[59] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Anne de Chicoutimi, 21 janvier 1887.
[60] B.A.C., G., Recensement de 1911, district Chicoutimi & Saguenay, sous-district Saint-Jérôme, microfilm e082_e002049515. Le recensement a débuté le 11 juin.
[61] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6133, 22 juillet 1917.
[62] Explications reçues de Donald Maltais, auteur qui a publié plusieurs ouvrages sur l’opération des moulins.
[63] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 27 octobre 1911.
[64] A.N.Q., GN. Minutier Côme L.A. Morisset, no 17361, 19 mai 1912 (169,97 $) et Minutier Richard Joseph, no 456, 4 juin 1915 (15,00 $).
[65] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-André de l’épouvante, 9 octobre 1912.
[66] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 15 décembre 1913.
[67] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 5432, 3 octobre 1914.
[68] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 26 février 1915.
[69] Ibid., 10 avril 1915.
[70] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Édouard Boily, no 12269, 2 février 1916.
[71] Le contrat mentionne de 15 milles carrés, plus ou moins.
[72] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 5713, 30 janvier 1916.
[73] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 5720, 18 février 1916. Le contrat mentionne de 5 milles carrés, plus ou moins.
[74] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 26 décembre 1916.
[75] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 5996, 15 janvier 1916.
[76] BAnQ, Correspondances du Département des Terres et forêts, 16 mars 1916, 24 mars 1916, 13 juillet 1916, 18 octobre 1916, 3 mars 1917, 29 mars 1917, 2 avril 1917, 7 mars 1918, 19 mars 1918, 9 juillet 1918, 11 juillet 1918, 4 avril 1919.
[77] A.N.Q., GN. Minutier Côme L.A. Morisset, no 23553, 10 avril 1917 (235,56 $) ; no 23800, 13 juillet 1917 (191,78 $).
[78] BAnQ, Greffe de Come-L.-A. Morisset, 1897-1920,
[79] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6133, 22 juillet 1917.
[80] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6134, 22 juillet 1917.
[81] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Jérôme de Métabetchouan, 8 et 9 novembre 1917.
[82] Ibid., 4 novembre 1918.
[83] Ou Kouchepaganish (petite rivière pour apprendre à faire du Canot). Nom de la rivière Couchepaganiche en langue montagnaise et courant dans l’usage à l’époque (à tire d’exemple, voir : Gazette Officielle de Québec, samedi 20 avril 1929, page 1276 et Le Progrès du Saguenay du 11 juillet 1912, page 6, noyade sur la rivière Kouspéganish)
[84] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6352, 12 avril 1918.
[85] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6817, 7 septembre 1919. L’année de la voiture automobile a été déterminée par son numéro de série.
[86] B.A.C., G., Dossier militaire d’Edmond Harvey, 16 juillet 1918.
[87] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6654, 24 mars 1919. Sommation de Marie Louise Boivin qui confirme que le transport du bois depuis les concessions d’Alfred était acheminé jusqu’au moulin et jusqu’au chemin de fer par la rivière Couchepaganiche.
[88] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6738, 11 juin 1919.
[89] En présumant que l’un de ces lots ne soit pas celui acquis de Joseph Desbiens père en 1909 et revendu en 1914 qui ne porte pas le même numéro, je n’ai pu trouver les actes d’achat ou de vente de ces lots. Seul le registre foncier des immeubles du canton des documents de première division d’enregistrement du comté du lac Saint-Jean en fait mention.
[90] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 7461, 29 avril 1921.
[91] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6737, 11 juin 1919.
[92] L’endroit prit le nom de Saint-André en 1897, mais les gens ont toutefois continué de nommer le lieu l’Épouvante ou Saint-André-de-l’Épouvante. Ce dernier nom se retrouve dans les journaux, les publications gouvernementales et sur plusieurs cartes de l’époque. Le nom actuel de Saint-André-du-Lac-Saint-Jean n’est apparu qu’en 1940.
[93] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6761, 23 juin 1919.
[94] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Cœur de Marie, 12 janvier 1920.
[95] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 6937, 9 mars 1920.
[96] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 7247, 18 novembre 1920.
[97] A.N.Q., GN. Minutier Joseph Pierre Gagnon, no 7461, 29 avril 1921.
[98] B.A.C., G., Recensement de 1921, district Chicoutimi & Saguenay, sous-district Saint-Cœur de Marie, microfilm e003066609.
[99] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Cœur de Marie, 12 janvier 1923.
[100] Selon Frances Harvey, l’information quant au moulin où aurait travaillé Alfred et son fils s’est perdue dans la famille au fil des ans.
[101] La vente à réméré, considérée comme une vente avec option de rachat, est une transaction immobilière où le vendeur d’un bien le cède temporairement, mais conserve une faculté de rachat pendant une durée déterminée, pouvant aller jusqu’à 5 ans.
[102] Registre foncier pour le bureau de la Division d’enregistrement de Lac Saint-Jean Est, no. 24, Rang 5.
[103] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Cyrille de Normandin, 23 juin 1930.
[104] B.A.C., G., Recensement de 1931, district Lac Saint-Jean, sous-district Ville de Dolbeau, microfilm e011582848.
[105] Ibid.
[106] B.A.C., G., Liste des électeurs de 1935, district électoral du Lac-Saint-Jean, arrondissement de la ville de Dolbeau, page 1.
[107] B.A.C., G., Liste des électeurs de 1938, district électoral du Lac-Saint-Jean, arrondissement rural de Sainte-Jeanne-d’Arc, page 1. Et : BAnQ, Registre de la paroisse Sainte-Jeanne-d’Arc, 25 octobre 1939. Baptême de Marie Claire Harvey, fille de François.
[108] BAnQ, Registre de la paroisse Sainte-Thérèse d’Avila, 14 avril 1940. Baptême de Joseph Paul Émile Harvey, fils d’Alcide.
[109] B.A.C., G., Liste des électeurs de 1940, district électoral du Lac-Saint-Jean, arrondissement rural de Sainte-Jeanne-d’Arc, page 1.
[110] BAnQ, Registre de la paroisse Sainte-Jeanne-d’Arc, 27 août 1941.
[111] BAnQ, Correspondance du ministère des Terres et forêts, 13 mai 1937.
[112] BAnQ, Registre de la paroisse Saint-Joseph d’Alma, 12 novembre 1949.