Ubalde Hervai 

 (1823-1882)

Ubalde de la sixième génération et père du précédent, partira rejoindre son fils à Westbrook dans l’État du Maine à l’été 1881.  Né le 1er juillet 1823 à Murray Bay[1], il est parmi les premiers Harvey de souche française à s’exiler aux États-Unis.  Ubalde Hervai est le second enfant de Pierre Hervez (1799-1853) à Pierre Hervé (1759-1857) chez Pierre Hervé (1733-1799).

Il est le fils aîné de Pierre et Marie-Anne Villeneuve (1802-1860).  La famille de son père comptait treize enfants.  Le 20 septembre 1848, Ubalde épouse Félicité Maltais (1829-1882) à La Malbaie[2].  Le couple aura quatorze enfants, tous nés au Saguenay, à l’exception du premier qui est né en 1849 à La Malbaie avant le départ de la famille[3]

Ubalde, bien que toujours établit à La Malbaie, n’y est pratiquement plus, passant le plus clair de son temps dans le canton de Jonquière.  Il y acquière une terre de cinquante acres dès 1848, le lot quarante-trois, dans le Rang Un du comté Jonquière.  Avec l’intention d’y construire un moulin en copropriété, il fait également l’acquisition d’un terrain sur le ruisseau nommé la Rivière à Morin (aujourd’hui le ruisseau Saint-Martin, affluent de la Rivière-aux-Sables) qui fait trois acres de chaque côté de la rivière.  Peter McLeod fils, fondateur de Chicoutimi, lui fait des misères comme à tant d’autres, à propos des droits de propriétés du site.  Les parties en viendront à une entente devant le notaire John Chaperon à la fin de l’année[4]

Peu de temps après la naissance de leur premier enfant, on retrouve la famille établie sur cette terre du comté Jonquière[5] là où, en 1851, Ubalde brasse déjà de grosses affaires.  Dès son arrivée au Saguenay, Ubalde s’était joint à l’Association des défricheurs du comté Jonquière pour participer à la colonisation du canton[6]

En 1851 donc, trois ans après avoir fait l’acquisition du site du moulin et dans le but d’en financer la construction entamée, de même que son opération, Ubalde et ses associés vendent à un résidant de L’Islet le terrain sur lequel le moulin est en construction, tout en conservant les droits de propriétés sur la scierie[7].  À la fin de cette même année, Ubalde, son frère  Protes Hervai (1825-1897) et François Morin établissent une copropriété avec Johnny Guay, fils du marchand François Caye Guay, pour la scierie de la Rivière à Morin[8]Ubalde exploitera d’ailleurs un autre moulin à scie avec son frère et  Johnny Guay dans le canton Harvey[9].  La scierie opère au maximum de sa capacité.  En 1853, le moulin d’Ubalde fournira mille deux cents madriers à la William Price & Company par l’entremise du fils aîné David Edward Price (1826-1883)[10].

On ne sait pas pendant combien d’années il exploita ces moulins mais en 1861 il est toujours résidents du township de Jonquière[11].  C’est en 1868 qu’il se voit octroyer une terre dans le rang Saint-Ignace[12].  En 1871, il a définitivement abandonné la scierie et, avec sa famille, cultive cette terre de soixante acres, celle du lot quatre du dixième rang, le rang Saint-Ignace qui longeait la rivière Saguenay à Chicoutimi[13].

Bien qu’à l’automne 1876, Ubalde ait emprunté certaines sommes à deux financiers, dans la même année il est en mesure de rembourser au moins l’un de ces prêts d’une valeur de cent onze piastres[14], mais pas celui de trois cents trente piastres à John Guay, le marchand de Chicoutimi pour lequel il avait donné sa terre en garantie.  Contrairement à la plupart des nôtres qui prendront le chemin des États, Ubalde n’est donc pas un sans-terre ni un sans le sous ; loin de là.  À cet égard, il fait bande à part parmi ceux qui s’exileront vers les États-Unis.  Il est tout de même difficile de comprendre les raisons de son départ.  Entrepreneur actif pendant les vingt premières années de son mariage, il s’était rangé comme cultivateur à la fin des années 1860.  Se pourrait-il que ses emprunts effectués dans les années 1870 aient engendré des problèmes financiers ?  Les sommes empruntés, du moins celles que nous connaissons, soit l’équivalent de onze mille trois cents dollars d’aujourd’hui (2021), sont-elles si énormes pour l’époque ?

Ubalde est toujours à Chicoutimi en novembre 1879 alors qu’il est choisi comme parrain du premier enfant de son aîné Bénoni[15].  Il ne fera pas des allers-retours aux États-Unis comme d’autres.  Quand il partira, ce sera pour ne plus revenir.  Avant son départ pour la Nouvelle-Angleterre, en avril 1881, lui et sa famille y sont toujours dans le rang Saint-Ignace à Chicoutimi[16].

Ubalde a près de cinquante-huit ans quand il quitte le Saguenay avec sa famille pour aller rejoindre son fils George à Westbrook au Maine au début de l’été 1881[17].  Ses fils Bénoni (1849-1884)[18] et Thomas (1855-1896) [19], mariés récemment de même que le célibataire Louis (1857-1923)[20], ne le suivent pas.  Bien qu’absente des registres civils et religieux pour quelques années, il n’est pas certain que les célibataires Emilie (1859-1917), Calixte (1861-1887) et même Louise (1863-1941), tous en âge de travailler, aient été parties prenantes de l’aventure américaine de leur père.  Par contre, les enfants suivants : Adelaïde (1867-post.1903), Caroline (1871-1917) et Félicité (1873-1927) sont certainement du voyage. 

On présume qu’Ubalde a une certaine aisance lorsqu’il établit sa famille à Westbrook.  Il ne survivra cependant pas très longtemps à son aventure américaine puisqu’il décède peu de temps après son arrivée le 18 août 1882[21], ce qui laissera de lourdes responsabilités à son fils George puisque ce dernier devra voir au bien-être de ceux que son père avait laissés derrière lui. 

Le passage d’une petite partie de la famille d’Ubalde Hervai en Nouvelle-Angleterre aura été bien éphémère.  Après avoir mise en terre son mari, Félicité Maltais ne tardera pas à revenir au pays où la famille avait conservé ses lots.  Elle y est déjà cinq ans plus tard lors du décès de sa fille Calixte le 20 décembre 1887[22].  Elle y est toujours lors du mariage de son fils « Louis Harvey, cultivateur de Chicoutimi » à Amanda Dufour, en avril 1888, Félicité Maltais et la famille sont définitivement de retour au Saguenay puisqu’elle assiste à la cérémonie et qu’elle est inscrite au registre comme étant « aussi de Chicoutimi »[23].  Ce sera d’ailleurs Emilie qui agira comme marraine du premier fils de son frère Louis l’année suivante[24]

Au retour de la famille au Saguenay, certaines des filles d’Ubalde, qui avaient gouté à l’argent du travail en Nouvelle-Angleterre, partiront tenter leur chance dans les manufactures de l’est à Montréal.  Ce sera certainement le cas de Flavie qui partira vivre et travailler dans la paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Montréal.  Elle y trouvera un premier mari en 1896[25] avec lequel elle reviendra à Chicoutimi quatre ans plus tard, un enfant dans les bras. 

Seul George et sa sœur Adelaïde demeureront à Westbrook pour quelques temps encore.  Après avoir épousé le veuf Pierre Poirier natif de l’île du Prince Édouard en l’église St.Hyactinth de Westbrook le 13 octobre 1890[26], Adelaïde sera de retour à Chicoutimi avant le tournant du siècle[27].  Son époux décèdera d’ailleurs dans cette ville en 1903[28].  Il est fort probable que les familles de George et de sa sœur puînée Adelaïde soient revenues au pays ensemble en 1893.  On ne retrouve aucune trace d’Adelaïde par la suite.  Est-elle retournée aux États ?  Ou peut-être est-elle l’une de la douzaine de Marie Harvey, veuves ou célibataires, décédées seules dans la première moitié du XXe siècle dans une grande ville où elles n’étaient pas connus et pour lesquels les célébrants n’ont rien trouvé d’autre que de les affublées du prénom de Marie ? 

Félicité Maltais, l’épouse d’Ubalde, qui demeurait chez sa fille Caroline depuis quelques années, décède à Jonquière le 11 juin 1903 à l’âge de soixante-quatorze ans[29].

Aucun des enfants d’Ubalde Hervai ne demeurera en Nouvelle-Angleterre après le bref passage qu’y fit une partie de la famille. 

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de la Malbaie, 2juillet 1823.

[2] Ibid., 20 septembre 1848.

[3] Ibid., 6 août 1849.

[4] A.N.Q., GN. Minutier John Chaperon, no 76, 25 novembre 1848.

[5] BOUCHARD, Russel Aurore. Histoire de Jonquière, cœur industriel du Saguenay-Lac-St-Jean : des origines à 1997. À compte d’auteur, Chicoutimi-Nord, 1997, page 70.

[6] BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi, Éditions du patrimoine, 2002, pages 234-235.

[7] A.N.Q., GN. Minutier Ovide Bossé, no 64, janvier 1851.

[8] A.N.Q., GN. Minutier Ovide Bossé, no 85, 19 novembre 1851. Document obtenu de Donald Maltais le 12 mars 2020.  Ce dernier, spécialiste de l’histoire des moulins dans Charlevoix et au Saguenay, a beaucoup écrit et publié sur le sujet.

[9] A.N.Q., GN. Minutier Ovide Bossé, no 84, 15 novembre 1851. Document obtenu de Donald Maltais le 12 mars 2020.

[10] A.N.Q., GN. Minutier Ovide Bossé, no 176, 11 avril 1853.

[11] B.A.C., G., Recensement de 1861, Township de Jonquière du comté de Chicoutimi, microfilm 4108689_00334.

[12] BAnQ. Crown Lands Office, (1868), livre H, page 193.

[13] B.A.C., G., Recensement de 1871, district Chicoutimi et Saguenay, sous-district de la paroisse de Chicoutimi, rang St-Ignace, microfilm 4395491_00052.

[14] A.N.Q., GN. Minutier Jean Gagné, no 4405, 14 janvier 1876 et no 4536, 29 novembre 1876.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 22 novembre 1879.

[16] B.A.C., G., Recensement de 1881, district Chicoutimi et Saguenay, sous-district de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 2e division, microfilm e008152841.  Le recensement introduit une erreur quant aux membres de la famille.  On voit apparaître un garçon prénommé Ubald âgé de dix ans.  Il s’agit plutôt de Caroline du même âge, omise au recensement.  Le couple n’a pas eu d’enfant prénommé Ubald.

[17] La période de départ est estimée.  Il était toujours au Saguenay en avril 1881 lors du recensement mais n’y était plus le 25 décembre de la même année lors du baptême de son petit-fils Pierre à son aîné Bénoni.  La tradition aurait voulu qu’il en soit le parrain, ce qui ne fut pas le cas.  Comme il est décédé au Maine en août 1882, il y a tout lieu de croire qu’il avait quitté le Québec en 1881.

[18] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 25 décembre 1881 et 9 mars 1883.

[19] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Anne de Chicoutimi, 31 décembre 1882.  Le fils Thomas est journalier à Sainte-Anne de Chicoutimi lorsque son épouse Angéline Tremblay y décède.

[20] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 11 septembre 1884.  Lors du décès de son frère Bénoni c’est Louis qui le mettra en terre.

[21] St. Hyacinth Parish Record, Westbrook, Maine, 18 août 1882.

[22] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 23 décembre 1887.

[23] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 9 avril 1888.

[24] Ibid. 2 juillet 1889. Un bref récit de l’aventure américaine de l’ancêtre Ubalde fut publié en 2016 dans un ouvrage où on présente sa migration comme particulière s’étant échelonné sur plusieurs décennies alors qu’il n’en est rienÉvidemment la recherche de l’auteur fut fort limitée car cette biographie est truffée d’imprécisions et d’erreurs concernant la vie d’Ubalde et de ses enfants.

[25] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, 24 août 1896.

[26] St. Hyacinth Parish Record, Westbrook, Maine, 13 octobre 1890.

[27] B.A.C., G., Recensement de 1901, district Chicoutimi et Saguenay, sous-district de la ville de Chicoutimi, microfilm z000132947. 

[28] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François-Xavier de Chicoutimi, 8 janvier 1903. 

[29] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Dominique de Jonquière, 13 juin 1903.