Le Saguenay 

La contribution des Harvey et de leur entourage à l'ouverture du Saguenay

Plusieurs initiatives des habitants des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray contribueront à l’abolition du monopole de la Hudson’s Bay Company sur ce qui était alors nommé le «Domaine du roi»[1].  Ce domaine était, sous le Régime français, loué et affermé à des particuliers pour la pêche et la traite des fourrures.  Le territoire du Domaine du roi s’étendait alors le long du fleuve « du bas de la seigneurie des Éboulements qui est vis-à-vis la pointe nord-est de l’île aux Coudres jusqu’à la pointe ou cap des Cormorans » (une dizaine de kilomètres à l’est de la rivière Moisie) et à l’intérieur des terres, il rejoignait les terres du bassin de la baie d’Hudson.  Les conquérants, en prenant possession de la Nouvelle-France, ont poursuivi ce que les Français avaient mis en place avant eux.  Devenu britannique, le Domaine du Roi fut simplement tronqué légèrement, ses frontières étant repoussées à l’est de la seigneurie de Mount Murray.  Tadoussac, les îlets Jérémie, Sept-Îles, Chicoutimi figuraient alors parmi les Postes du Domaine du Roi.  Les initiatives des gens de Murray Bay et de Mount Murray permettront entre autres l’établissement de colons au Saguenay, au lac Saint-Jean et sur la Côte-Nord.

Les Harvey auront été parmi les premiers à prendre le bâton de pèlerin pour faire tomber les barrières protectionnistes imposées par les autorités coloniales à l’avantage de la seule Hudson’s Bay Company[2].

1829, une première démarche

Dès le début de la décennie 1820, les bonnes terres du littoral de la seigneurie de Murray Bay, tout de même moins productives que celles des autres régions de la vallée du Saint-Laurent, avaient toutes déjà été concédées.  La superficie de ces terres, une fois subdivisées entre les héritiers, avait fondu comme peau de chagrin, les lots devenant de plus en plus petits.  Les nombreuses familles se retrouvaient donc à l’étroit dans cette vallée resserrée de la Rivière-Malbaie.  Conséquemment, les nouvelles familles, fils et filles des premiers colons de la seigneurie, gagnaient déjà les plateaux intermédiaires.  C’est ainsi qu’en 1827, on avait constitué la paroisse de Sainte-Agnès habité depuis un certain temps.  D’autres gagnaient déjà le canton de Settrington ou les extrémités de la seigneurie de Mount Murray dans les secteurs qui deviendront Saint-Fidèle et Saint-Siméon[3].  Malgré tout le développement dans la seigneurie de Murray Bay et sa voisine la seigneurie de Mount Murray, cela ne suffisait plus, car faute de bonnes terres agricoles, les censitaires cherchaient avant tout un accès à la forêt.  Cette dernière procurait le revenu additionnel nécessaire au support de la famille que la culture de la terre à elle seule ne pouvait assurer.  C’est ainsi qu’en 1829, les censitaires des seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray, présentèrent aux autorités coloniales une pétition demandant l’obtention de terres dans le Domaine du roi (le Saguenay ici) pour y faire de la « pinière » et prendre pied dans la terre réservée jusque-là à la très britannique Compagnie de la Baie d’Hudson.  Si ce ne fut pas la totalité des censitaires qui signèrent la pétition, treize Hervé/Hervey le feront[4].

Pétition demandant l’obtention de terre dans les Postes du Roi


Province du Bas Canada, District de Québec, Comté du Saguenay

Son Excellence Sir James Kent, Chevalier Grande Croix du très Honorable Ordre Militaire du Bain. Lieutenant Général et Commandant de toutes les Forces de Sa Majesté dans les Provinces du Bas Canada et du Haut Canada et Administrateur du Gouvernement de la dite Province du Bas Canada.

Qu’il plaise à Votre Excellence

Nous les Soussignés les Fidèles cl Loyaux Sujets de Sa Majesté George IV par la grâce de Dieu.

Roi, du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande Défenseur de la Foi. Convoqués en Assemblée Paroissiale, et tous Cultivateurs et Censitaires de terres dans les Seigneuries Murray Bay et Mount Murray., dans les Comtés et District susdits.

Représentons très respectueusement

Qu’il nous a paru que le Gouvernement de cette Province, dans sa sagesse, a en contemplation

L’Établissement des Postes du Roi dans le dit Comté.

Que la Majorité d’entre nous connaît parfaitement bien le local pour en avoir fait plusieurs fois la visite.

Que les terres que nous habitons actuellement sont presque toutes incultes, par les Mornes, les Buttes, Montagnes et autres inconvénients à peu près équivalents et conséquemment insuffisantes pour y élever les nombreuses familles qui les habitent et qui se multiplient avec rapidité de sorte que ces terres subdivisées d’après le principe des Lois Françaises en force en cette Province, au lieu d’enchérir les propriétaires d’icelles, les empauvrissent à ne jamais en résoudre.

Qu’étant les plus à proximité des dits Postes, Nous pourrions les établir plus facilement et plus promptement que des personnes éloignées d’iceux.

Qu’en outre des présents pétitionnaires, les quatre autres paroisses qui nous avoisinent, sont en général disposés à se joindre à Nous pour les dits établissements, dans le dit Comté.

C’est pourquoi nous supplions très humblement Votre Excellence de vouloir bien prendre la présente en sa considération et nous accorder la préférence des dits établissements si toute fois le Gouvernement se décide à faire établir le dit Comité, de même que nous en sommes informés qui sera certainement avantageux au Gouvernement, et à ceux qui s’y établissent.

Et nous ne cesserons de Prier.

MALBAIE 4 avril 1829.


Des signataires on retrouve : 


Louis Hervey (1762-1842), capitaine de milice, fils de Pierre

Thomas Harvay (1795-1832), enseigne de milice, fils de Louis chez Pierre

 

Dominique Romain dit Joseph Hervey, fils de Pierre

André Hervey (1804-1893), fils de Dominique Romain dit Joseph chez Pierre

 

François Hervey (1810-1884), fils de Jean chez Pierre

Pierre Hervey (1806-1859), fils de Jean chez Pierre

Moïse Hervey (1809-1874), fils de Jean chez Pierre 

 

François Harvey (1800-c.1871), fils de David chez Dominique et deux garçons

Pierre Hervey (1796-1858), fils de David chez Dominique


Zacharie Hervey (1803-1837), fils de Dominique Isaïe chez Dominique



Joseph Hervey (non identifiable).  Il s’agit de Joseph (1802-1852), fils de Dominique Romain dit Joseph chez Pierre ou de Joseph (1794-1890), fils de David chez Dominique.  Difficiles de dire lequel des Joseph il s’agit puisque les deux Joseph seront parmi les premiers à s’établir au Saguenay.

Les autorités coloniales font la sourde oreille

Les autorités coloniales donnent peu de suites concrètes aux demandes des habitants, cultivateurs et censitaires de terres des Seigneuries Murray Bay et Mount Murray.

Pendant ce temps, ailleurs dans la colonie, le mouvement patriote (1834-1837) se radicalise.  Louis-Joseph Papineau (1786-1871) et son groupe se font critique des monopoles qui empêchent la colonisation du territoire comme celui du «Domaine du roi» sur le territoire de la région du Saguenay.  Afin de mobiliser la population contre les autorités coloniales, des réunions, assemblées et pétitions se multiplient.  Dans le comté de Saguenay en particulier, quelque seize activités seront organisées par des patriotes de la région durant cette période[5]

En 1835, une nouvelle pétition circule dans le comté demandant l’ouverture du Saguenay à la colonisation.  Cette fois-ci les intérêts de marchands et d’entrepreneurs forestiers de Murray Bay motivent la démarche.  Les frères André Hervé (1804-1893) et Pierre Hervé (1807-1872) à Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799), Thomas Simard (1796-1862) et Alexis Tremblay dit Picoté (1787-1859) désirent tirer parti de l’ouverture du Saguenay afin de voir fleurir leurs affaires.  Ce sont ces derniers qui font circuler la pétition.  Le Saguenay et ses forêts attisent, chez les gens d’affaires de Murray Bay et de Baie-Saint-Paul, un grand espoir de développement pour l’industrie forestière.  Alexis Tremblay dit Picoté a déjà tissé des liens avec le marchand de bois et manufacturier de madriers anglais William Price (1789-1867), lequel est déjà un entrepreneur forestier important en aval de Québec.  Ceci permet à Alexis d’avoir accès à un important marché d’exportation vers l’Angleterre pour vendre le bois produit sur ses chantiers dans la seigneurie de Mount Murray.  Par l’entremise du Picoté, Price encourage et soutient financièrement un groupe d’habitants de Murray Bay qui veulent profiter de la manne forestière qu’est le Saguenay, car les forêts comprises dans les seigneuries de Murray Bay et de Mount Murray sont largement entamées[6].

Alexis Tremblay dit Picoté

Natif de l’Isle aux Coudres, il est marié à Marie Modeste Boulianne (1796-1841), fille de Marie Jeanne Hervé (1766-1831), sœur de Dominique Romain dit Joseph Hervé, l’un des signataires de la pétition de 1829.  Elle est la cousine des marchands André et Pierre Hervé. 

À la mi-mars 1836 Archibald Acheson, 2 comte de Gosford (1776-1849), lieutenant-gouverneur du Bas-Canada et gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique depuis l’année précédente, rejette le plan de colonisation proposé dans la pétition de 1835.

Une assemblée patriote à La Malbaie en 1837

En avril 1837, le ministre britannique de l’Intérieur soumet à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada la réponse britannique aux résolutions des Patriotes soumises en 1834.  La réponse provoque la colère.  De nombreuses assemblées d’opposition sont organisées.  Devant l’ampleur du mouvement, le 15 juin, le gouverneur Gosford interdit la tenue d’assemblées publiques.   Qu’à cela ne tienne! À Murray Bay, après la messe dominicale du 25 juin, on tient une assemblée patriote où on nomme comme président Louis Tremblay (1793-1862), frère d’Alexis Tremblay dit Picoté.  Thomas Simard (1796-1862), marchand de bois de Murray Bay et bras droit d’Alexis Tremblay dit Picoté, est nommé vice-président alors que le notaire Charles-Herménégilde Gauvreau (1787-1839) en est le secrétaire[7].

Louis Tremblay dit Picoté

Également natif de l’Isle aux Coudres, il est le gendre de Marie Jeanne Hervé (1766-1831); il fut marié en premières noces à Théotiste Boulianne (1796-1820), jumelle de Marie Modeste, mariée à Alexis Tremblay, frère de Louis Tremblay.  L’arrière-grand-père des frères Louis et Alexis Tremblay, François Xavier Tremblay (1695-1755), était frère de Rosalie Tremblay (1699-1740), la première épouse de Sébastien Hervé (1695-1759).  Il était également le demi-frère de Guillaume Tremblay (1707-1755), père de Madeleine Tremblay (1733-1811), grand-mère des marchands André et Pierre Hervé.

Le marchand André Hervé (1804-1893), fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) ainsi que Pierre Hervez (1799-1853), fils de Pierre (c.1759-1857) font parti du comité patriote.  Outre ces cinq individus, parmi les vingt et un autres participants, on compte des proches des Hervé/Harvey comme :

Une série de résolutions sont alors adoptées par l’assemblée et soumises aux journaux du temps « pour protéger leurs justes droits et leurs libertés contre l’agression de tout pouvoir tyrannique » du Ministère de la Grande-Bretagne et de la Chambre des Communes.  Parmi ces résolutions, certaines sont proposées ou secondées par des Hervé/Hervey[8].

Nous regrettons sincèrement que les ministres de Sa Majesté, méprisant les vœux du peuple Canadien, si énergiquement exprimés par ses représentants et soumis au Parlement impérial l’an dernier, mais qu’ils aient pris pour base de leur conduite envers cette Province les rapports partiaux et incorrects de ladite Commission et refusent de mettre un terme aux maux que nous souffrons depuis si longtemps, en changeant la Constitution du Conseil Législatif, cause première et féconde des dissentions qui déchirent cette Province.

Qu’il est urgent d’organiser des associations patriotiques par toute la Province afin de faciliter l’adoption des moyens plus efficaces de revendiquer nos droits constitutionnels.

Nombreux furent les participants à cette assemblée que nous retrouverons dans les mois qui viennent lors d’actions qui amèneront l’ouverture du Saguenay aux gens du pays.  Le rejet en 1836 par le gouverneur de la pétition et du plan de colonisation du Saguenay de l’année précédente entraînera ainsi la marche vers la colonisation[9] alors que plus à l’ouest dans la province la contestation prend une forme plus violente qui conduit aux Rébellions de 1837-1838.

La Société des Vingt-et-un

L’exploitation forestière dans les quelques chantiers de la région immédiate de Murray Bay est l’affaire de quelques individus.  Alexis Tremblay Picoté est de ceux-là, mais il ne possède pas les capitaux ni les relations d’affaires nécessaires à son entreprise et s’associe rapidement aux quelques marchands de bois de Murray Bay comme Thomas Simard, André et Pierre Hervé.  Son allié principal est cependant William Price de la ville de Québec dont Picoté devient l’agent régulier dans la région.  Toutefois, c’est davantage le riche potentiel de l’arrière-pays de Charlevoix qui intéresse alors les commerçants de bois.  La Compagnie de la Baie d’Hudson, détentrice du monopole sur les forêts, avait été le principal obstacle à l’exploitation et au peuplement du Saguenay.  Pendant des années des personnages à l’emploi de la compagnie avaient occupé le Saguenay; les plus connus sont les frères Thomas et Michel Simard, Peter McLeod père et fils, Cyriac Buckell, Alexandre Murdock, Simon Ross et la famille Verreau.  Après avoir tenté elle-même d’exploiter la ressource et d’avoir failli, la Hudson’s Bay Company se résigne finalement, en 1837, à vendre sa licence à un groupe d’habitants de Murray Bay et de Mount Murray, groupe derrière lequel rôde le Britannique William Price.   

Le 23 septembre 1837, soutenue par la famille Price, est constitué la «Société des Pinières du Saguenay» qui a pour but affiché la colonisation du Saguenay.  En réalité cependant, l’organisation s’intéresse davantage à l’abattage des grands pins[10].  Néanmoins la société et ses acteurs amèneront l’établissement d’un grand nombre de jeunes gens de la paroisse Saint-Étienne de Murray Bay et de la paroisse de Baie-Saint-Paul dans une moindre mesure, vers le Saguenay.  À l’origine, ils ne sont pas vingt et un a cautionner Alexis Tremblay dit Picoté et Thomas Simard dans l’établissement de la Société des Pinières.  Seuls Michel Gagné, « Jean Hervé », Joseph Audet Lapointe, François Raphaël Maltais, Louis Tremblay dit Picoté et Louis « Pitou » Villeneuve participent au contrat original qui crée la société[11].

Plus tard en automne, la Société des Pinières passe à vingt et un sociétaires, d’où son nom populaire de Société des Vingt-et-un[12]

Au printemps 1838, peu avant le départ pour le Saguenay, les fondateurs se donnent, devant notaire, le droit de s’adjoindre des associés, ce qui permettra à dix-huit autres sociétaires de se joindre au groupe afin de partager le risque de l’aventure[13].

Plusieurs Hervé/Harvey sont impliqués dans la constitution de la société dont le coût de l’action est établi à cent livres (quatre cents dollars).  Trois actionnaires principaux et quatre actionnaires associés sont des descendants de Sébastien Hervet le migrant.  Les frères Joseph et André Hervé fils de Dominique Romain dit Joseph Hervé et leur cousin Jean Hervé fils de Louis Hervé sont parmi les vingt et un actionnaires principaux.  Les frères Pierre Hervé et Célestin Hervey fils de Dominique Romain dit Joseph Hervé ainsi que les frères, François Arvé et Denis Hervé fils de David Louis Dominique Hervé sont actionnaires associés, car plusieurs des vingt et un actionnaires principaux, s’adjoignent un, deux ou même trois coassociés pour aider à défrayer le coût de l’action.  De fait, ce sont trente-neuf personnes qui feront partie de la société.

Au moins dix-neuf des vingt et un sociétaires principaux sont des Hervé/Harvey ou gravitent autour de la famille [14]:

1.  Alexis Tremblay Picoté (1787-1859), instigateur de la Société et gendre de Marie Jeanne Hervé (1766-1831), fille de Pierre Hervé (1733-1799) chez Sébastien Hervé (1695-1759); il est marié à Marie Modeste Boulianne (1796-1841).


2.  Thomas Simard (1796-1862) dont la mère est la belle-sœur de Dominique Isaïe Hervé (1775-1851), fils de Dominique Hervé (1736-1812) chez Sébastien Hervé (1695-1759);


3.  Louis Tremblay Picoté (1793-1862), frère d’Alexis et également gendre de Marie Jeanne Hervé (1766-1831), fille de Pierre Hervé (1733-1799) chez Sébastien Hervé (1695-1759); il était marié à Théotiste Boulianne (1796-1820), jumelle de Marie Modeste. 

o   François Boulianne (1802-1877), son beau-frère, fils de Marie Jeanne Hervé, est son coassocié.


4.  Joseph Tremblay Picoté (1780-1862), frère d’Alexis, beau-frère de Marie Jeanne Hervé (1766-1831) et de Dominique Romain dit JosephHervé (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799). 

o   Louis Boulianne (1788-1856), fils de Marie Jeanne Hervé, est son coassocié.


5.   Georges Tremblay (1799-1865) marié à Marguerite Tremblay.  Antoine Tremblay (1734-1809), son grand-père maternel, était l’un des beaux-frères de Zacharie Hervet (1726-c.1813), oncle de tous les Hervé de quatrième génération mentionnés dans ce texte. 

o   Mars Tremblay (1802-1842) son frère, est son coassocié.


6.  Jérôme Tremblay (1799-1874) marié à Marie Duchesne (1813-1899).  La mère de cette dernière est l’une des belles-sœurs de David Hervé (1764-1837), père de François (1800-1871) et Denis Hervé (1802-1887), coassociés d’Ignace Murray (1794-1854). 


7.   Alexis Simard, frère de Thomas, dont la mère est la belle-sœur de Dominique Isaïe Hervé (1775-1851),     fils de Dominique Hervé (1736-1812) chez Sébastien Hervé (1695-1759);


8.  Joseph Audet dit Lapointe (1791-1868), fils du meunier du moulin de La Baleine à l’Isle aux Coudres et d’Esther Boudreault (1772-1865), mariée en secondes noces à LouisHervé (1762-1842) chez Pierre Hervé (1733-1799); Joseph Audet dit Lapointe est également le beau-frère d’Anasthasie Hervé (1805-1886) fille de Michel Hervé (1771-1810) chez Pierre Hervé (1733-1799).   

o   Ignace Couturier (1793-1866), gendre d’Esther Boudreault (1772-1865), mariée en secondes noces à LouisHervé (1762-1842) est son coassocié.  Ignace Couturier est également cousin de Modeste Couturier (1798-1868) et témoin à son mariage à Pierre Lumina Hervé (1796-1858) fils de David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812).  Pierre Hervé est le frère des deux coassociés d’Ignace Murray.


9.   Benjamin Gaudreault (1795-1871); natif de l’Isle aux Coudres il deviendra constructeur de moulins[15].

o   Pierre Boulianne (1800-1867), fils de Marie Jeanne Hervé, est son coassocié. 


10. Joseph Hervé (1802-1852), fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799).  

o    Son frère Pierre Hervey (1807-1872), célibataire, est son coassocié.


11. Louis Desgagnés (1795-1841), fils de Charlotte Boudreault (1774-1856), belle-sœur de Louis Hervé (1762-1842) et Dominique Romain dit JosephHervé (1768-1830) et parrain au baptême de Julienne (1794-1827), la fille de ce dernier; marié à Olive Gagné (1795-post.1881), il est le gendre de Suzanne Desbiens (1770-1856), la cousine de tous les Hervé de la quatrième génération.  Olive est la sœur de Michel Gagné (1790-1870), un autre membre de la Société des Vingt-et-un, elle épousera en secondes noces Alexis Tremblay Picoté (1787-1859), le fondateur allégué de la Société.  

o  Élisée Bélanger (1815-1857), Jean Boudreault et Paul Lavoie sont ses coassociés. Le père d’Élisée Bélanger était le gendre de Geneviève Hamon (1750-1824), belle fille de Rose Hervé (1730-1816).  Paul Lavoie (1803-1880), tout comme son père avant lui, était associé dans le moulin de Pierre Hervé (c.1759-1857), il est le filleul de Julie Bouchard, l’épouse de ce dernier.


12. Louis Villeneuve (1794-1875), frère de Basile Villeneuve (1800-1870), l’un des Vingt-et-unSa sœur Marie Anne Villeneuve (1802-1860) est mariée à Pierre Hervez (1799-1853), fils de Pierre Hervé (c.1759-1857) chez Pierre Hervé(1733-1799).  Fils de Félicité Côté, il est le neveu de Madeleine Côté (1774-1857) et de son époux Michel Hervé (1771-1810).      

o   Alexis Tremblay est son coassocié.


13. Basile Villeneuve (1800-1870), frère de Louis Villeneuve (1794-1875), l’un des Vingt-et-unSa sœur Marie Anne Villeneuve (1802-1860) est mariée à Pierre Hervez (1799-1853), fils de Pierre Hervé (c.1759-1857) chez Pierre Hervé(1733-1799).  Fils de Félicité Côté, il est le neveu de Madeleine Côté (1774-1857) et de son époux Michel Hervé (1771-1810).       

14. Ignace Murray (1794-1854), fils naturel de Geneviève Hamon (1750-1824), belle fille de Rose Hervé (1730-1816) — (voir 11-1.1, La belle-fille de Rose Hervé). 

o   François (1800-1871) et Denis Hervé (1802-1887) fils de David Hervé (1764-1837) chez Dominique Hervé (1736-1812) sont ses coassociés.  Geneviève Hammond était non seulement la belle-fille de Rose Hervé, la sœur de Dominique Hervé (1736-1812), le grand-père des deux coassociés, mais elle était également devenue la cousine de leur père David Hervé (1764-1837) par son premier mariage et cela après avoir été pendant nombre d’années la bonne d’une de leur grand-tante.  François est marié à Antoinette Audet dite Lapointe (1806-1892) alors que Denis est marié à Geneviève Audet dite Lapointe (1810-1894), la sœur de cette dernière.  Les deux frères ne s’installeront jamais au Saguenay, mais ils y obtiendront des lots de défrichement considérables[16].


15. David Blackburn, beau-frère d’Angele Hervez (1799-1825) et Thomas Erver (1795-1832), tous deux enfants de LouisHervé (1762-1842) chez Pierre Hervé (1733-1799);


16. François Maltais (1791-1882), gendre de Michel Hervé (1771-1810) chez Pierre Hervé (1733-1799), marié en premières noces à Marguerite Herver (1797-1828) ;


17. Michel Gagné (1790-1870), marié à Béatrice Boulianne (1807 — ), nièce de Marie Jeanne Hervé (1766-1831) et de Dominique Romain dit JosephHervé (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799).  Il est le petit-cousin de tous les Hervé de la quatrième génération par sa mère Suzanne Desbiens (1770-1856).  Parrain au baptême de Jean Hervey (1808-1880), un autre membre de la Société des Vingt-et-un, il fut en affaires dans le domaine forestier avec les frères Pierre (c.1759-1857), Louis (1762-1842) et Dominique Romain dit JosephHervé (1768-1830). 


18. Pierre Boudreault (1790-1871), gendre de Pierre Hervé (c.1759-1857) chez Pierre Hervé (1733-1799), marié à Marie Herver (1794-1879).

o   Thomas Savard (1805-1872), Luc Martel (1810-1876) et son beau-frère André Bouchard (1805-1881) sont ses coassociés.  André Bouchard est le neveu de Julie Bouchard l’épouse de Pierre Hervé (c.1759-1857). 


19. Jean Hervey (1808-1880), fils de Louis Hervé (1762-1842) chez Pierre Hervé (1733-1799).  Il est marié à Marie Tremblay (1808-1847), sœur de Anastasie Tremblay (1812-1855) mariée à André Hervé (1804-1893), l’un des Vingt-et-un

o  Abraham Audet dit Lapointe (1799-1890) est son coassocié. Abraham est marié à Anasthasie Hervé (1805-1886), fille de Michel Hervé (1771-1810) chez Pierre Hervé (1733-1799), cousine de Jean; il est le fils d’Esther Boudreault (1772-1865), marié en secondes noces à LouisHervé (1762-1842) chez Pierre Hervé (1733-1799).


20. André Hervé (1804-1893), fils de Dominique Romain dit Joseph (1768-1830) chez Pierre Hervé (1733-1799) et de Marie Boulianne.  Il est marié à Anastasie Tremblay (1812-1855), sœur de Marie (1808-1847) mariée à Jean Hervey (1808-1880), l’un des Vingt-et-un.  

o   Son frère Célestin (1812-1887), célibataire, est son coassocié.  Ce dernier est aussi frère de Joseph (1802-1852), l’un des Vingt-et-un et de Pierre (1807-1872) son coassocié.


21. François Boulianne (1778-1869), beau-frère de Marie Jeanne Hervé et de Dominique Romain dit JosephHervé.

o   Charles Dufour est son coassocié.

Plusieurs de ces liens peuvent sembler ténus, mais si on fouille plus à fond, on remarque qu’il n’en est rien et qu’ils sont plutôt le fruit d’amalgames familiaux solides, ceux d’une grande famille de l’Isle aux Coudres qui s’était étendue à La Malbaie et qui maintenant gagnera le Saguenay.  La lecture de la vie de chacun des ancêtres des troisième, quatrième et cinquième générations de Hervé en apporte des preuves abondantes.  Si certains des membres de la Société n’étaient pas reliés par des liens familiaux quelconques, ils étaient ou avaient été voisins ou associés dans des entreprises forestières.

On a souvent dit que pour beaucoup d’actionnaires de la Société, l’intérêt premier pour le Saguenay concernait les grands pins de ses forêts.  C’était le cas pour certains d’entre eux qui étaient bien établis dans le secteur de Murray Bay où y avaient leurs affaires et n’avaient pas encore de fils à établir pour lesquels ils n’avaient pas de terre.  André Hervé (1804-1893), l’un des vingt et un sociétaires principaux était de ceux-là, comme les coassociés Pierre Hervey (1807-1872), François Arvé (1800-1871) et Denis Hervé (1802-1887).  S’ils ne sont pas partis pour le «Domaine du roi», ils ont cependant ouvert la voie aux Charlevoisiens puisque ces derniers représenteront quatre-vingts pour cent des immigrants de la région avant 1870.  Les acteurs principaux de la Société des Vingt-et-un ont favorisé la colonisation du Saguenay, bien que seule une poignée de ses membres sont partis pour y faire leur vie.  S’il est vrai que seulement six des actionnaires principaux partiront pour le Saguenay, bon nombre des coassociés le feront.

 

Il en sera tout autrement pour d’autres qui voyaient dans la bataille engagée par la Société des Vingt-et-unune possibilité de pénétrer l’arrière-pays afin d’établir leur famille tout en faisant le commerce du bois.  On sous-estime également souvent le fait que plusieurs avaient investi dans cette société pour permettre à leurs enfants de jouir d’un accès à la forêt rémunératrice et à des terres, ce qu’on ne trouvait plus dans le Charlevoix du temps.  Lorsqu’au printemps 1838 les premiers partirent, seuls sont du voyage Jean Hervey (1808-1880) sociétaire principal et son cousin Célestin Hervey (1812-1887), coassocié.  Sans être membre de la Société, Joseph Hervé (1794-1890), frère aîné des coassociés François et Denis Hervé, fait également partie de ce premier voyage.  Un hiver passa, puis se sera au tour de Pierre Lumina Hervé (1796-1858), frère des trois derniers de s’établir au Saguenay.  Pour sa part, Joseph Hervé (1802-1852) sera le seul autre sociétaire principal chez les Hervé à partir vivre au Saguenay; cependant, il n’y établira sa famille qu’en 1847. 

Des onze Hervé de la quatrième génération, encore vivants en 1838, une seule s’établira dans le Domaine du roi à Saint-Alexis-de-Grande-Baie.  Cependant, Marie Margueritte Arvé (1792-1857) chez Dominique Hervé (1736-1812) et sa famille n’y feront qu’un bref passage de deux ans entre 1851 et 1854.  En revanche, plusieurs des enfants de la prochaine génération se joindront à l’aventure.   Les Hervé de Murray Bay et de Mount Murray verront partir vingt-trois de leurs enfants, ceux de la cinquième génération, vers ces terres autrefois défendues à la colonisation.  Ce sont :

o   En 1838, Joseph et sa famille avaient pris pied dans le fond de la baie des Ha! Ha! à l’endroit qui allait devenir Saint-Alexis. 

o   Pierre Lumina choisit plutôt le secteur de la Rivière-à-Mars, second foyer de peuplement dans la baie.  On le retrouvera associé aux entreprises du métis Peter McLeod (1807-1852), sur la rivière du Moulin d’abord, et sur la rivière Chicoutimi plus tard.  Pierre Lumina deviendra ainsi l’un des premiers colons de Chicoutimi puisqu’en 1842, il s’y trouve déjà.

o   Dominique s’installera d’abord à la Mission Sainte-Marguerite vers 1845.  Journalier et chasseur, il transportera sa famille à Saint-Alexis de Grande Baie, Chicoutimi et à Sainte-Anne de Chicoutimi pour terminer sa vie à Roberval.

o   Ce n’est que vers 1863, après avoir vu grandir ses treize enfants à la Malbaie, que Chrisostome partira s’établir à Jonquière.

o   Le cadet Roger fera sa vie à Sainte-Agnès.  Après le décès de son épouse en 1898, il ira mourir deux ans plus tard chez l’une de ses filles à Saint-Alexis de la Grande Baie.

o   Le cadet Jean Hervey, l’un des Vingt-et-un, est du premier voyage en 1838 pour partir bâtir une des scieries au Saguenay.  Il s’installera sur le versant nord de la rivière Saguenay vis-à-vis du lieu-dit «les Petites-Îles», près de la rivière Sainte-Marguerite où il cultivera une terre appartenant à William Price de Québec.  Pendant ce temps sa famille semble demeurer à Murray Bay.  Ce n’est que vers la fin des années 1840 que Jean et sa famille se retrouvent dans le rang Saint-Paul à Chicoutimi[17].

o   Louis était allé vivre à Saint-André de Kamouraska en 1826.  Il s’y était marié et après un neuvième enfant, il déménagea à Chicoutimi vers 1845.

o   François, établit dans la seigneurie de Murray Bay, choisira également de s’établir à Chicoutimi vers 1845 avec sa femme et ses cinq enfants.

o   Joseph, l'un des Vingt-et-un, s’établira à Chicoutimi en 1847 après l’accouchement de sa femme à Murray Bay l’automne précédent.

o   Le cadet Célestin travailla aux «Petites-Îles» sur le Saguenay dès le début de la colonisation.  Après son mariage en 1840, il établira sa famille aux «Petites-Îles» pour la transporter à Chicoutimi en 1847 où il finira sa vie dans une maison en face du vieux couvent[18].

Des vingt-trois Hervé à prendre la mer vers le Domaine des Postes du roi, vingt s’établiront d’abord au Saguenay et les trois autres choisiront la Côte-Nord.

Dans les écrits du siècle dernier, on a souvent présenté ceux qui partirent vers le Saguenay en 1838 comme un seul et même groupe qui avait levé l’ancre à Murray Bay le 25 avril 1838 à bord de la goélette de Thomas Simard.  Ce n’est cependant pas le cas.  Il est vrai qu’un groupe de journaliers-bûcherons composé de Hervé/Hervey, Desbiens, Martel, Boudreau, Belley sont alors partis avec Alexis Tremblay Picoté.  D’autres cependant étaient partis à pied de la baie Saint-Paul et plusieurs s’ajouteront au cours de l’été et de l’automne de cette même année.  

 

Le Domaine des Postes du roi dont faisait partie le Saguenay avait été réservé aux marchands de fourrures depuis les tout premiers débuts de la Nouvelle-France.  Grâce à la crise politique entretenue par le mouvement Patriote au Bas-Canada, il s’ouvrait enfin à l’exploitation forestière et par ricochet à la colonisation.  La Hudson’s Bay Company avait tenté de restreindre les activités de la Société à l’exploitation de la forêt, mais une fois que les Charlevoisiens eurent mis les pieds au Saguenay, la marche de la colonisation ne s’arrêta plus.  Des actionnaires, coassociés et engagés de la Société, avaient fait venir leur famille et s’étaient mis à défricher des terres et à les squatter.  C’est donc dans l’illégalité que les Hervé/Hervey avaient commencé à élever des bâtiments et à ouvrir des terres pour la culture.  La compagnie tentât de déloger les colons, mais rien n’y fit.  Des centaines de familles squattaient sur les rives du Saguenay au renouvellement du bail de la compagnie en 1842 et le gouvernement, mis devant le fait accompli, a cassé le monopole de la compagnie, permettant aux colons d’acquérir leurs terres et de sortir enfin de la clandestinité.  Le processus d’acquisition sera long; à l’automne 1845, ils étaient trois mille familles sans titre de propriété le long du Saguenay[19].

 

William Price, l’acheteur exclusif du bois de la société depuis le début, déterminait les prix.  Les colons avaient fait le gros du travail en défrichant et en bâtissant de multiples scieries et leurs infrastructures le long du Saguenay et de ses affluents.  Price en récoltait cependant les fruits, laissant la Société des Vingt-et-un glisser vers la faillite.  Il récupéra même le contrat qui liait les sociétaires à la compagnie de Baie d’Hudson en 1842.  La Société des Vingt-et-un sera dissoute en 1843, après que les actifs auront été tous été vendus à William Price and Company.  Si les profits espérés par les Hervé/Hervey investisseurs ne furent pas à la mesure de leurs attentes, aucun ne perdit au change et certains, comme les marchands André et Pierre Hervé de Murray Bay, avaient ainsi renforcés leurs positions commerciales dans Charlevoix.  Plus important encore, la société avait réussi à éroder la résistance des autorités à la colonisation et ce fut le début des établissements permanents dans le Saguenay[20]

Les frères marchands, André et Pierre Hervé demeurèrent donc à Murray Bay; ils s’associèrent en 1844 à Alexis Tremblay Picoté dans diverses entreprises liées à la foresterie.  Pour sa part, André Hervé qui œuvrait tant à Murray Bay qu’au Saguenay possédait une maison à Chicoutimi sur une terre de cent acres[21] ; il n’y vivra pas très longtemps et retournera dans sa grande maison de Mount Murray au bout de la rivière Comporté[22].

 

Près de l’église Saint-Alexis de La Baie, une municipalité devenue depuis un arrondissement de la ville de Saguenay, on peut voir, depuis 1924 le monument, aujourd’hui surmonté d’un semeur jetant les grains à la volée et consacré aux Vingt-et-un.  La saga de la Société des Vingt-et-un, à la création de laquelle les Hervé ont contribué de façon importante, est entrée dans la légende historique du Québec.  S’ils ne sont pas tous débarqués au Saguenay la hache sur l’épaule, prêt à abattre le premier peuplier, les pins et épinettes qui se dresseraient sur leur chemin, tous, à leur façon, ont fait reculer la forêt et ont participé à cette histoire de courage et de persévérance qui a inspiré des êtres passionnés par ce sol où ils ont pris racine depuis des générations[23].


Cliquez sur le lien suivant pour voir une capsule vidéo traitant de la Société des Vingt-et-un :

https://www.youtube.com/watch?v=iYXi66JcqT0

La « Société de défricheurs et de cultivateurs du Saguenay »

En 1842, quelques années après l’ouverture du Saguenay à la colonisation, un autre Hervé s’intéresse au développement de la région.  Le Dr Louis Didier Hervey (1819-1854) à Joseph Hervé (1782-1867) chez Dominique Hervé (1736-1812) fut sans doute stimulé par les récentes percées réussies à travers l’obstruction systématique de Peter McLeod (1807-1852).  Ce dernier et sa clique font barrage à la colonisation du Saguenay depuis nombre d’années. En 1847, le docteur Hervey, avec quelques chefs de famille de Murray Bay, s’en va explorer les terres non arpentées situées le long de la rivière au Sable[24].  Ils empruntent le lac Kénogami jusqu’à la pointe au Sable, descendent la rivière, choisissent des lopins de terre, bâtissent des habitations rudimentaires.   On sait que «les défrichements furent commencés dès 1847, sous la conduite du docteur Harvey, et l’on vit bientôt une série d’établissements ébauchés le long de la rivière»[25]Louis Didier profite d’un allier de taille dans la région, le trappeur Cyriac Buckell (1800-1882), premier colon à s’établir au lac Kénogami à la tête de la rivière vers 1828, bien avant McLeod.  Buckell était marié en premières noces à une cousine de Louis Didier.  De plus, les Maltais de l’expédition étaient aussi cousins de cette première femme de Buckell[26].  Louis Didier et quelques autres avaient déjà demandé au gouvernement de leur vendre de grande étendue sur les deux côtés de la rivière au Sable[27]

Louis Didier Hervey s’investit donc dans la défense des siens et dans la promotion du Saguenay tout comme ses cousins et petits-cousins l’avaient fait à leur façon, dix ans auparavant, lors de la création de la Société des Vingt-et-un.  C’est au printemps 1848 à Murray Bay qu’est fondée la « Société de défricheurs et de cultivateurs du Saguenay », laquelle obtiendra le territoire qui deviendra plus tard le village de Jonquière.  Tôt au printemps, de nombreux membres de la Société sont de retour à la rivière au Sable, à trois lieues environ au-dessus de Chicoutimi, et continuent le défrichement et les travaux entamés l’automne précédent.



Bien que, dans ses statuts, la société soit nommée « Société de défricheurs et de cultivateurs du Saguenay », dans les faits elle opérera sous le nom de « Société des Défricheurs de la Rivière aux Sables », comme le démontre le bon daté du 19 juin 1848 attribué par la société[28].

 Si le Dr Hervey fut à la tête de l’expédition de 1847, il ne se portera cependant, jamais acquéreur d’un quelconque lot sur la rivière au Sable.  Médecin célibataire, peu enclin à défricher pour lui-même et à cultiver la terre, son implication relèvera plutôt de l’action sociale en support aux siens.  Pour plusieurs chefs de famille, la société allait permettre d’établir leur fils, une tradition séculaire datant de la Nouvelle-France. 

Outre Louis Didier Hervey, d’autres habitants de Saint-Étienne de la Malbaie étaient mêlés également à la Société des Défricheurs de la Rivière aux Sables. C’était le cas d’un ancien actionnaire principal de la défunte Société des Vingt-et-un, André Hervé (1804-1893), petit-cousin de Louis Didier[29]

Le gouvernement fit des difficultés pour consentir à la vente d’une grande étendue de terre d’un seul coup.  Mais la Société des Défricheurs de la Rivière aux Sables pouvait compter sur le curé de Saint-Étienne de la Malbaie et sur le docteur Hervey.  Ces derniers, délégués auprès du gouverneur Elgin en juillet 1848, obtinrent la concession d’une grande partie du futur canton Jonquière[30].  La Société se mit tout de suite à l’œuvre.  Dès l’été 1848, on assiste partout aux abatis le long de la rivière au Sable. 

Cependant, les autorités du Canada-Uni ne sont guère pressées à mettre de l’ordre dans le Haut-Saguenay pour ne pas nuire aux intérêts personnels de plusieurs de leurs compatriotes anglo-saxons : par exemple William Price qui a envahi le Saguenay sous le couvert de la Société des Vingt-et-un et qui protège ses intérêts avec l’aide de McLeod et ses fiers-à-bras.  Les mouvements de colonisation utiliseront si bien les principaux journaux francophones, que les autorités finiront par céder. 

Louis Didier remplit les pages des journaux d’articles en faveur de la colonisation et de l’abandon des privilèges accordés à la Compagnie de la Baie d’Hudson.  Ainsi, en février 1849 par exemple, il se porte à la défense des intérêts de ceux qui voudraient s’établir dans un autre secteur du Domaine du roi, sur la Côte-Nord, à « la baie des Milles-Vaches »[31].

En 1851, la société est scindée en deux, « … la “Grande Société” et la “Petite Société” ».    La «Grande» se vit bientôt dans l’impossibilité de poursuivre ses opérations, et la «Petite» continua de coloniser le long de la rivière[32].  Les noms véritables des sociétés sont pour la Grande Société, la « Société des Défricheurs et Cultivateurs du Saguenay » communément nommée Société des Défricheurs de la Rivière aux Sables et, pour la Petite Société, la « Société de la Rivière au Sable » aussi souvent nommée dans les documents de l’époque l’« Association Harvey » ou encore « Société des Harvey ».

Si on ne connaît pas toutes les actions du Dr Hervey à cette époque, on sait qu’il continua à jouer un rôle certain dans les efforts de colonisation, car c’est lui qui reprit les choses en main et finalisa la distribution des lots sous le couvert de la Société des Harvey[33].

Les Hervé/Hervey contributeurs de l’ouverture du Saguenay

Si le nom d’Alexis Tremblay Picoté est souvent associé à l’ouverture du Saguenay pour la colonisation, il ne faudra donc plus dorénavant oublier de mentionner la contribution des Hervé/Hervey et de leur réseau familial qui ont, au-delà de leurs affaires, fait fleurir le développement de cette région et des autres secteurs du Domaine du roi.


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Ceci termine la section des Harvey colonisateurs au Saguenay pour l'instant.

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[1] L’expression «domaine du Roi» est couramment employée par les historiens pour désigner cette délimitation administrative, créée durant le Régime français sous le nom de Traite de Tadoussac et maintenue sous la Couronne britannique sous celui des King’s Posts, qui correspondait grossièrement aux bassins versants du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Haute-Côte-Nord.

[2] Comme à l’habitude sur ce site, les noms des Hervé/Harvey sont tels qu’inscrits au registre de leur baptême.

[3] BOILARD Louise.  La mobilité interne dans Charlevoix : La première moitié du XIXe siècle.  Chicoutimi, les presses de l’Université du Québec, 1991, page 11.

[4] BAnQ., COLLECTIF. «Un document historique : Pétition présentée par les citoyens de la Malbaie au sujet des terres du Saguenay en 1829», Journal Le Progrès du Saguenay. Chicoutimi, volume 40, N0. 24 (4 février 1926), page 3.  L’orthographe des noms des Hervé/Harvey est celle publiée dans le journal.

[5] Compilation réalisée par l’historien Gilles Laporte dénombrant, pour la période du 1er janvier 1834 au 23 novembre 1837, quelques 16 activités (réunions, assemblées, pétitions) organisées par des patriotes dans le comté de Saguenay (aujourd’hui Charlevoix) comparativement à des comtés beaucoup plus populeux comme Bellechasse (5), Portneuf (4), Québec rural (4), Lotbinière (2), Beauce (2) et Dorchester (0).

[6] HARVEY, Christian. «Le mouvement patriote et la région de Charlevoix», Revue d’histoire de Charlevoix. Numéro 53-54, (Octobre 2006), pages 6-8.

[7] HARVEY, Christian. «Le mouvement patriote et la région de Charlevoix», Revue d’histoire de Charlevoix. Numéro 53-54, (Octobre 2006), pages 6-8.

[8] BAnQ., DROLET, Charles. « Résolutions adoptées à la Malbaie», Journal Le Libéral. Québec, volume 1, N0. 40 (31 octobre 1837), page 2 et N0. 43 (11 novembre 1837), page 2.

[9] LALANCETTE, Mario.  «TREMBLAY, Picoté, ALEXIS». Dictionnaire biographique du Canada. 1re édition 1969, Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 1985, 15 volumes, volume VIII (Décès de 1851-1860).

[10] GAUTHIER, Serge et Norman PERRON.  Charlevoix, histoire en bref.  Québec, les Éditions de l’IQRC, 2002, page 78.

[11] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 149, 19 octobre 1837.

[12] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 149, 27 novembre 1837.

[13] A.N.Q., GN. Minutier Charles Herménégilde Gauvreau, no 68, 21 avril 1838.

[14] L’ordre des noms est celui que l’on retrouve dans : PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, 398 pages.  L’identité des Hervé/Harvey a été vérifier par les contrats du 9 octobre 1837 et 21 avril 1838 rédigés par le notaire Charles Herménégilde Gauvreau.  Celle des autres membres de la société a été présumée sur la base des relations familiales; comme les homonymes étaient fréquents, des erreurs peuvent être comprises dans la liste.

[15] PELLETIER, Louis, La seigneurie de Mount Murray : Autour de La Malbaie 1761-1860. Sillery, Septentrion, 2008, page 228.

[16] BEAULIEU, Carl. Les Harvey, entrepreneurs polyvalents et citoyens engagés. Chicoutimi, Éditions du patrimoine, 2002, page 359.

[17] BAnQ., DESBIENS, Danny. «Et les autres Vingt et Un dans tout ca!», Journal Le Courrier du Fjord. Le courrier du Saguenay, Saguenay, volume 01, N0. 20 (12 juin 2013), page 2.

[18] BAnQC., Fonds Mgr Victor Tremblay. Notes de l’abbé Alexandre Maltais écrites en 1938, H6, Célestin Harvey.

[19] Archives Montréal, Pièce P0161 — 5 novembre 1845.  Extraits d’un rapport du Conseil exécutif approuvant un compte-rendu de Denis-Benjamin Papineau, commissaire des terres de la couronne, daté du 27 septembre 1845.

[20] Les éléments historiques relatifs à la Société des Vingt-et-un ont été tirés de :

[21] BAnQ. Crown Lands Office, livre H.  Chicoutimi Township, 100 acres, André Harvey, 5 mai 1851. 

[22] BAnQC., Fonds Mgr Victor Tremblay. Notes de l’abbé Alexandre Maltais écrites en 1938, H218, André Harvey.

[23] OUELLET, Yves. Le jour du débarquement des 21. Une nuit à l’Auberge des 21, projet collectif de création littéraire, Saguenay, mars 2022.

[24] BOUCHARD, Russel Aurore. Histoire de Jonquière, cœur industriel du Saguenay-Lac-St-Jean : des origines à 1997. À compte d’auteur, Chicoutimi-Nord, 1997, page 59-88.  Une large partie des textes relatifs à l’implication de Louis Didier dans la Société des défricheurs sont inspirés de l’Histoire de Jonquière de Russel Aurore Bouchard.

[25] TREMBLAY, Victor. Histoire du Saguenay — Depuis les origines jusqu’à 1870. Chicoutimi, La librairie régionale inc., 1968, pages 330 et 331.  L’auteur se méprend sur le prénom composé de Louis Didier, mais il s’agit bien du même individu. 

[26] Des documents obtenus du chercheur Donald Maltais établissent clairement les liens d’affaires privilégiés entre Cyriac Buckell et les Maltais de la rivière aux Sables.

[27] BAnQ., Service de l’Arpentage, «Rapport de M. George Duberger sur la ligne d’exploration entre Chicoutimi et le lac St. Jean, 1850», page 6.

[28] C’est sous son nom commun et d’usage que la société est nommée dans le texte : «Société des Défricheurs de la Rivière aux Sables».

[29] COLLECTIF. «Rivière au Sable», Journal de Québec. Québec, volume VI, N0. 78 (10 juin 1848), page 2.  Dans son Histoire de Jonquière, Russel-Aurore Bouchard dresse une liste différente des onze membres qui forment le premier bureau de direction.  Elle en retranche les noms de Joseph Collard, Louis Maltais et Louis Larouche pour ajouter le notaire Héli Hudon dit Beaulieu, Alexis Tremblay Picoté, Joseph Allard (sans doute une méprise, car à l’époque, il n’y a pas de Joseph Allard la Malbaie, mais bien un Joseph Collard), et Didier Tremblay.  Les noms qu’elle avance, bien que compris dans les 200 actionnaires, ne sont pas du comité de direction et sont sans doute erronés puisque contraires à ceux qu’a fait publier le vicaire Antoine Racine dans le Journal de Québec du 10 juin 1848.

[30] Ce canton ne fut érigé que le 1er mai 1850, mais il était ainsi désigné depuis un certain temps. 

[31] COLLECTIF. «Saguenay», Journal Le Canadien. Québec, volume XVIII, No 120 (21 février 1849), page 2.

[32] BUIES, Arthur. Le Saguenay et le bassin du Lac Saint-Jean. Ouvrage historique et descriptif. Québec, Léger Brousseau, Imprimeur-Éditeur, 1896, 3e édition, pages 173.

[33] BAnQ., Fonds SHS, dossier 687, pièce 18 (ancienne cote).  Dans son Histoire de Jonquière, Russel Aurore Bouchard cite une lettre du commissaire des Terres de la Couronne, A.-N. Morin, à John Kane, datée du 28 septembre 1854 — donc deux ans et demi après le partage des lots de la «Société des Défricheurs et Cultivateurs du Saguenay» —, il y serait spécifiquement question des «colons de l’association Harvey et autres (dite de la Rivière au Sable)».