L'Abitibi

Note

La colonisation de l’Abitibi s’est réalisée d’abord par l’arrivée massive de travailleurs forestiers et de mineurs qui se sont progressivement établis de façon permanente dans le milieu.  Les registres des compagnies, pour la plupart aujourd’hui disparus, et les recensements de bûcherons en pleine forêt ou de mineurs au fond des puits sont également peu révélateurs.  Les données de la présente section présentent l’histoire des Harvey qui ont laissé une trace dans les registres religieux et civils.  Plusieurs autres y sont passé le temps de quelques saisons, mais ne s’y sont pas établis.

L’identité des porteurs du patronyme, Hervet/Hervé/Harvey et leurs variantes est connu, et cela depuis les débuts de la Nouvelle-France.  Cependant, les données relatives aux naissances et aux décès de ces porteurs du patronyme sont incomplètes après 1940.  Les textes suivants offrent néanmoins un inventaire assez complet des Harvey descendants du migrant Sébastien Hervet qui ont choisi l’Abitibi et le Témiscamingue comme terre d’accueil avant 1940 et pour lesquels l’information est disponible.

Pour les descendants de François Hervy des îles de la Madeleine on se référera au texte, Les Harvey des îles de la Madeleine pour connaître leurs migrations en Abitibi.  Comme ailleurs sur le site, l’orthographe des patronymes est celle utilisée aux registres paroissiaux lors des baptêmes.

Il n’est guère surprenant qu’aucun Harvey n’ait pris la direction de l’Abitibi avant le début du XXe siècle.  Ce que l’on appelle aujourd’hui l’Abitibi avait appartenu à la Compagnie de la Baie d’Hudson sous le nom de la Terre de Rupert et n’avait été rattaché au Québec qu’en 1898.  La région de l’Abitibi accueille ses premiers colons une trentaine d’années après celle du Témiscamingue, soit dans les années 1910.

En 1910, des employés du ministère des Terres et Forêts font la classification des lots et divisent la région en cinquante cantons portant les noms d’officiers et de régiments français impliqués dans la bataille des Plaines d’Abraham.  Les Harvey s’établiront dans une dizaine de ces cantons.

Il faudra attendre une dizaine d’années avant que les premiers Harvey viennent s’y établir; il s’agit sans doute des frères Alexandre (1888-1976) et Patrice (1896-1968) Harvey, suivis de Charles Harvey (1885-post.1931) et d’Alfred Harvey (1883-1945).  Ils seront une douzaine de familles Harvey et quelques célibataires à faire leurs bagages pour venir vivre en Abitibi avant 1940.  Nous y reviendrons.

L’Abitibi est traversée par un redoutable obstacle géographique : la ligne de partage des eaux.  Les collines et massifs rocheux la délimitant entravent la libre circulation, tant des gens que des billes de bois.  L’Abitibi devra attendre l’arrivée du chemin de fer National Transcontinental, en 1911, pour voir son territoire s’animer. 

Bien que l’industrie minière soit une des grandes responsables de l’occupation territoriale de l’Abitibi, à l’exception de Lionel Harvey (1878-1963), il semble bien que les premiers Harvey à y mettre les pieds n’y soient pas d’abord venus pour cette raison.

Le National Transcontinental 

Le chemin de fer National Transcontinental appartient au Grand Tronc. Il relie Moncton à Winnipeg en traversant le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de Québec et le Saint-Maurice vis-à-vis La Tuque.  De La Tuque, il se dirige vers l’ouest pour traverser l’Abitibi et le nord de l’Ontario.  Bien que les travaux de construction du National Transcontinental s’amorcent dès 1906 en Haute-Mauricie, ce n’est qu’en 1909 qu’ils débutent en Abitibi-Témiscamingue.  Le 17 novembre 1913, les travaux sont terminés.  De la gare du Palais à Québec, la voie se dirige vers Cap-Rouge, La Chevrotière, Saint-Marc-des-Carrières, Hervey Station (où elle y croise le Quebec and Lake St John Railway), La Tuque, Parent, Clova, Senneterre, Cochrane, Kapuskasing, Armstrong et Sioux Lookout jusqu’à Winnipeg[1].  Plusieurs Harvey travailleront à l’entretien de ce long réseau ferroviaire ce qui amènera certains, comme Horace Harvey (1919-1977), à finir leur vie en Abitibi.

Jusque dans les années 1930, la colonisation de l’Abitibi se fait avec peu d’intervention de l’État.  Les gares qui ponctuent le tracé du chemin de fer déterminent l’emplacement des futures localités.  Des scieries s’installent également dans le sillon de la voie ferrée, au confluent des rivières.  L’Abitibi voit naître plusieurs dizaines de paroisses et accueille, entre 1910 et 1930, tout près de vingt mille personnes.  Au sud, on vend l’Abitibi aux colons, en prônant les valeurs du retour à la terre et en propageant le rêve de créer une grande région francophone dans le nord du Québec.  L’agriculture s’inscrit dans l’ombre d’une industrie forestière vigoureuse et lucrative, qui constitue la véritable assise économique du territoire.  Lente à démarrer, l’agriculture se développera néanmoins assez rapidement au cours des années 1920 et 1930 bien que, comme au Témiscamingue, la forêt garantisse aux agriculteurs les revenus complémentaires nécessaires à leur survie et à celle de leur famille.

Entre les années 1930 et 1950 s’amorce une période de grandes perturbations.  L’Abitibi n’échappe pas à la crise économique mondiale, laquelle provoque la mise en place de plans de colonisation structurés par les gouvernements et encensés par l’élite religieuse.  Le premier plan vise à endiguer la misère et le chômage qui sévissent dans les grandes villes du sud de la province et à contenir les départs vers la Nouvelle-Angleterre.  Cependant, ce sera lors de la mise en place d’un autre plan que des Harvey de Charlevoix, du Saguenay et du lac Saint-Jean s’amèneront au début de la colonisation.  Ces plans gouvernementaux permettent de peupler les terres inoccupées plus au nord mais surtout de fournir aux grands exploitants forestiers et miniers, une main-d’œuvre locale.  Plusieurs nouvelles agglomérations sont créées à proximité de celles qui sont déjà là alors que d’autres jouxtent les villes minières en essor.  Didace Harvey (1870-1940), Trefflé Harvay (1871-1954), Elzéar Harvay (1894-1970), Dewey Harvey (1899-c.1950) et Eli Harvez (1912-1985) seront du nombre de ces colons recrutés par le ministère de la Colonisation pour venir ouvrir de nouveaux villages en Abitibi dans le cadre du Plan Vautrin.  Cette migration massive n’est guère différente de celle survenue une centaine d’années plus tôt au Saguenay ou plus tard au lac Saint-Jean; la plupart du temps, ce sont des clans familiaux qui investissent les nouvelles terres ou à tout le moins, des gens des mêmes patelins.  Il en sera ainsi des Harvey qui partent pour l’Abitibi.


En 1941, l’expiration des plans de colonisation et des fonds qui les accompagnaient entraîna, sur une décennie, plus de dix mille départs de la région, sans toutefois provoquer la fermeture d’une seule paroisse.  Plusieurs Harvey qui, à l’époque, s’y étaient établis pour cultiver la terre, s’ils n’abandonnèrent pas tout simplement leur lot, cesseront tout de même leur production agricole pour aller travailler à plein temps dans un chantier forestier ou une exploitation minière à proximité.  Pour bien d’autres, comme Trefflé Harvay (1871-1954) dont l’adaptation fut difficile, voire impossible, ils reprendront le chemin de leur racine et aboutiront dans leur village d’origine, où la reprise économique d’après-guerre offre des conditions de vie moins difficiles.  Certains, comme François Harvez (1881-1968), poursuivront leur route et s’établiront du côté ontarien, comme à Cochrane, Timmins ou Sudbury par exemple; à l’époque pour ces gens, cette région ne fait qu’une, l’Abitibi appartient d’ailleurs à l’évêché d’Haileybury en Ontario.


Bien que l’on ne sache pas s’il a joué un rôle quelconque pour attirer des porteurs du patronyme en Abitibi, un certain Michel Harvey était employé de la Colonisation à Québec et effectuait des tournées en Abitibi avant les années 1950[2].

Qui sont les Harvey qui se sont embarqués dans l’un des trains du National Transcontinental en direction de l’Abitibi et où se sont-ils établis ? Pour le savoir, il suffit de cliquer sur un nom de la liste suivante pour atteindre le texte concernant cet ancêtre :

Les Harvey à Amos

Amos a été le premier point de colonisation en Abitibi en raison de sa situation privilégiée le long de la rivière Harricana.  La colonisation débuta en 1910 par l’arrivée d’Ernest Turcotte.  Berceau de l’Abitibi à juste titre, c’est en avril 1914 qu’y débarqueront les premiers convois transportant vingt-deux familles de colons.  Il faudra attendre huit ans avant que le premier Harvey se joigne aux forces de colonisation de l’endroit. 

Les Harvey à Barraute

L’avancée du chemin de fer Transcontinental, venant directement de Cochrane en Ontario, permit la fondation de la municipalité des Cantons unis de Fiedmont et Barraute.  C’était en 1918, sur les rives de la rivière Natagan, appelée aujourd’hui rivière Laflamme.  La fin de la Grande Guerre avait marqué le début d’une migration plus importante vers l’Abitibi suite aux investissements du gouvernement dans le développement de la région.  Alors que tout y était encore en bois vert, une douzaine de premiers colons avaient commencé à défricher en 1916, mais une seule famille y passa l’hiver 1916-1917.  Il y en eut une vingtaine de famille qui s’y établit à demeure en 1917.  Leur installation fut facilitée par l’existence des camps de constructeurs de la ligne de voie ferrée, près de la rivière et du petit lac, aujourd’hui lac Audet.  Ils s’en servirent comme habitations temporaires.   Grâce à l’aide apportée par les autorités, une trentaine d’autres familles, poussées par le clergé, rejoignent Barraute en 1918.  Vers 1917 probablement, deux Harvey venus des États-Unis et un autre venu de Mistouk (Saint-Cœur-de-Marie) au lac Saint-Jean furent du nombre[3].  Ces trois Harvey furent d’abord discordants au sein des nouveaux colons qui, pour la plupart, venaient de municipalités de la même région près de Québec, soit de Saint-Basile, Saint-Alban, de Portneuf, Sainte-Thècle et Saint-Narcisse de Champlain.

Les Harvey à Beaucanton


Comme pour bien d’autres villages de l’Abitibi, Beaucanton est fondé dans le contexte de la grande dépression des années 1930.  À l’époque Irénée Vautrin, ministre de la Colonisation, lance un plan de développement pour l’Abitibi et le Témiscamingue.  Le Plan Vautrin encourage alors les familles du sud du Québec à peupler cette région éloignée et à se lancer dans l’agriculture.  Les premiers colons arrivent dès 1935.  Ils viennent principalement de la région Charlevoix avec l’intention de vivre en cultivant la terre.  Beaucanton (Saint-Joachim-de-Beaucanton), tout comme Val-Paradis (Saint-Éphrem-de-Val-Paradis) et Villebois (Sainte-Camille-de-Villebois), est l’un des villages-paroisses qui naîtra de cette tentative d’amener des journaliers sans emploi pour la plupart, à cultiver la terre pour sortir une partie de la population des misères engendrées par la grande dépression.  Beaucanton, Saint-Joachim du canton Rousseau, ou Canton Rousseau selon l’époque, est situé à deux kilomètres à l’ouest de la rivière Turgeon, à moins de dix kilomètres de Villebois et à trente-six kilomètres au nord de la ville de La Sarre.  Cette première vague de colons comprendra une demi-douzaine de familles de Harvey.


Les Harvey à Bourlamaque

Val-d’Or naît grâce à de premières découvertes d’or faites au début du XXe siècle.  Avant 1935, l’endroit ne connaît que peu d’organisation.  Lorsqu’arrive une famille Harvey, la seule connue dans ce secteur avant 1940, tout passe par l’eau pour fournir les camps miniers dans la région de Val-d’Or, c’est à dire par la rivière Harricana vers le lac Blouin, en partance d’Amos.  De fait, les Harvey s’établissent à deux kilomètres de Val-d’Or, au village minier de Bourlamaque, dans le canton du même nom.  Le site avait accueilli ses premiers prospecteurs dès 1923, après la découverte d’un filon d’or.  En 1934, après une décennie d’exploration, la mine Lamaque entre en phase d’extraction du minerai.  Bourlamaque est fondée le 20 avril de cette année-là, à l’initiative de la Lamaque Gold Mines Limited.  Le village minier en est un de compagnie; c’est elle qui a développé le site et a construit des logements pour ses employés. 

Les Harvey à Villebois

Comme pour bien d’autres villages de l’Abitibi, Sainte-Camille-de-Villebois est fondée par l’arrivée d’une horde de colons venus du Saguenay et du lac Saint-Jean sous la direction du curé colonisateur Arthur Fortier.    Du village de La Sarre, ils feront la trentaine de kilomètres qui les séparent de la forêt où ils bâtiront leur chez-soi sur le chaland La Rosanna qui descend la rivière Turgeon.  C’est dans le cadre du Plan Vautrin mis en œuvre à la suite de la grande dépression des années 1930 qu’au moins deux familles de Harvey se feront colons de ce hameau.  Villebois est situé sur le versant sud du bassin de la baie James à une centaine de kilomètres au nord de Rouyn-Noranda et aux limites du 49e parallèle.

D'autres Harvey sont venus en Abitibi

D'autres Hervet/Harvey ont quitté leur région d’origine pour venir coloniser l'Abitibi.  Des Hervy/Harvey des îles de la Madeleine ont également rejoint le groupe :

[1]LINTEAU, Paul-André, DUROCHER, René et ROBERT, Jean-Claude Robert.  Histoire du Québec contemporain : de la Confédération à la crise (1867-1929).  Montréal, Boréal Express, 1979, pages 391-395.

[2] BAnQ., COLLECTIF. «La Sarre - Déplacements», Journal La Gazette du Nord. Val-d’Or, volume 30, N0. 49 (3 novembre 1949) page 10. 

[3] Le rôle que jouera Charles Harvey dans cette petite société naissante et l’initiative que prendra Patrick Harvey dans l’ouverture de Lamorandière tant à supporter l’hypothèse de leur arrivée dès 1918.  Il est bien possible que Charles Harvey y ai été dès 1917.