Les Harvey à Beaucanton

Trefflé Harvay (1871-1954)

Denis Trefflé Harvay, né le 14 juin 1871 à La Malbaie[1], a déjà soixante-quatre ans lorsqu’il se lance dans l’aventure de partir coloniser l’Abitibi.  Mariés depuis quarante-deux ans à Laure Murray[2], ils ont eu neuf enfants sur la terre du père de Trefflé à la Mission Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds au nord-est de la Rivière-Malbaie, en plein territoire montagneux; Trefflé y a été d’abord scieur au moulin voisin puis cultivateur[3].  Il avait abandonné l’agriculture improductive en 1910[4] pour devenir journalier à La Malbaie et Sainte-Agnès où le couple a eu cinq autres enfants.

Lorsqu’en 1931, ils perdirent une de leur fille âgée de seulement treize ans, victime de l’excès de vitesse d’un chauffard, un événement plutôt rare à l’époque, la famille perdit un peu ses repères[5].  Le prêche du missionnaire-colonisateur, venu vanter les mérites du retour à la terre à la fin de la messe dominicale réussit à convaincre le sexagénaire de partir coloniser l’Abitibi avec la générosité du gouvernement.

En 1935, cinq enfants vivent toujours avec eux et cinq ont moins de dix-neuf ans.  Comme Trefflé ne trouve plus de travail en raison de la grande dépression, c’est pour faire vivre sa famille et leur assurer un avenir qu’il décide de quitter Charlevoix pour un pays inconnu. 

Quand il débarque du train à La Sarre au printemps 1935 avec d’autres familles de Charlevoix, dont plusieurs étaient parents, le groupe doit continuer trente-six kilomètres plus au nord pour atteindre le secteur de Beaucanton où tout est à bâtir.  Chacun tente tant bien que mal de s’adonner à l’agriculture.  Comme la plupart étaient journaliers, Trefflé à l’avantage d’être l’un des rares à posséder une certaine expérience du métier d’agriculteur.  La plupart s’efforce à devenir des cultivateurs.  S’ils réussissent ainsi à nourrir leur famille, leur surplus de production ne trouve pas d’acheteurs.  Ils essaient tous de vivre de la production laitière, mais il l’abandonne par la suite pour les mêmes raisons.  Ce sera donc l’exploitation forestière, les moulins à scie et les mines qui feront vivre ces nouvelles familles. 

Trefflé, Laure et leurs cinq enfants célibataires ne seront pas seuls en Abitibi.  Leur fille Alma (1898-post.1944) et sa famille de neuf enfants viennent les rejoindre l’année suivante.  D’ailleurs, son mari se tuera à la tâche et Alma convolera en secondes noces à Beaucanton en 1944[6].

Leur fils Alphonse (1902-post.1951) et sa famille de cinq enfants viendront les rejoindre à Beaucanton en 1937.  Leur fils Adélard (1908-1963), sa femme et leurs deux enfants s’établissent également en Abitibi en 1937 ou 1938.

Deux de leurs filles, Anne Marie (1915-1976) et Gertrude (1920-post.1967) épouseront des colons de l’endroit en 1939. 

En 1940, on fait la proclamation du canton de Rousseau.  C’est cette même année que la population entame la construction de l’église Saint-Joachim-de-Rousseau, construction à laquelle la famille de Trefflé participe.

Rapidement les premiers résidants de Beaucanton délaisseront l’agriculture pour profiter des salaires élevés offerts par la mine de Normétal et des activités liées à la forêt.  De fait, le plan gouvernemental de colonisation avait fourni des travailleurs locaux aux géants des industries minières et de la forêt qui devaient compter jusque-là sur une main-d’œuvre instable et souvent saisonnière venant d’ailleurs.    


Entre 1945 et 1950, Trefflé et Laure n’auront pas le choix que de revenir mourir dans Charlevoix.  L’économie d’après-guerre permet un retour au sud à ceux qui ne se sont pas adaptés au dur labeur de se défricher un pays.  Comme le couple de septuagénaires est maintenant dépendant de leurs enfants, ils reviennent s’établir à Cap-à-l’Aigle avec l’un d’eux. 

Ils s’éloigneront alors de biens des membres de leur famille, car plusieurs resteront en Abitibi : Alma à Beaucanton, Adélard et sa nombreuse famille à Amos, Anne Marie (1915-1976) à Normétal et Gertrude, pour un certain temps, à Beaucanton, avant de prendre le chemin du nord de l’Ontario dans les années 1960.  Comme dans la plupart des familles, les enfants qui prendront racine en Abitibi sont ceux qui ont trouvé un conjoint venu d’ailleurs que de leur région d’origine.  L’Abitibi est ainsi devenue leur chez-soi commun.

Laure Murray s’éteint le 8 juin 1952 et Trefflé décède le 16 décembre 1954.  Tous deux reposent au cimetière Saint-Raphaël du Cap-à-l’Aigle dans Charlevoix le village qui les avait accueillis à leur retour dans Charlevoix.

Trefflé Harvay a comme généalogie patrilinéaire son père Jean Harvey (1845-1924), son grand-père Jean Marie Hervey (1808-1852), Jean Hervé (1775-1813), l’insulaire Pierre Hervé (1733-1799), le colonisateur à l’Isle aux Coudres Sébastien Hervé (1695-1759) et le migrant Sébastien Hervet (1642-1714).

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Étienne de La Malbaie, 15 juin 1871.

[2] Ibid., 1er août 1893.

[3] B.A.C., G., Recensement de 1901, La Malbaie, microfilm z000131847 et BAnQ., Registre de la Mission Sainte-Émérentienne de Grand-Fonds de la paroisse Saint-Étienne de La Malbaie de 1894 à 1910.

[4] B.A.C., G., Recensement de 1911, Grand Fond, La Malbaie, microfilm e002048286.

[5] BAnQ., Centre d’archives de Québec, Enquêtes des coroners du district judiciaire de Charlevoix, 1862-1944, TL222, S26, SS1, Numéro d’enregistrement 26214, 3 — juillet 1931, Thérèse Harvey.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Joachim de Beaucanton, 11 octobre 1944.