Les Harvey à Amos

Alfred Harvey (1883-1945) 

Joseph Alfred Harvey est natif de Saint-Gédéon au lac Saint-Jean.  Il a huit ans quand décède sa mère.  Son père, avec sa famille d’une dizaine d’enfants, décide alors d’être parmi les premiers à tenter l’aventure proposée d’aller, à l’autre bout du lac, coloniser la mission de MistassiniAlfred a treize ans quand meurt son père, peu après leur arrivée.  Né le 8 novembre 1883, il est le neuvième enfant d’une famille qui en compte douze[1].

Au tournant du siècle, il prend la direction de Montréal avec son frère Philippe (1876-1957).  Alors que ce dernier trouve une conjointe en 1903 et repart pour le lac, Alfred adopte la cité de Saint-Henri, sur l’île de Montréal, et y travaille comme « briquetier »[2]Il y trouve son « Bonheur d’occasion »[3] au lendemain de l’annexion de cette ville à Montréal en 1905, lorsqu’il épouse Rose Anna Boily (1889-1973) en l’église Sainte-Élisabeth du Portugal, quartier Saint-Henri, le 13 septembre 1906.  La jeune Rosa Anna, seize ans, est également native de Saint-Gédéon.  Ses parents viennent tout juste de s’établir à Montréal.  Le couple s’installe au 108 de la rue Bourbonnière, un logement du quartier Maisonneuve.  Rosa Anna accouchera de ses deux premiers enfants dans la paroisse Très-Saint-Nom-de-Jésus[4].  Ces enfants décéderont dans les premiers mois après leur naissance[5].  Au début de juillet 1913, Alfred se déplace vers un secteur plus à l’est, là où son métier de « briqueteur » est en demande, et s’installe dans l’ancien village de Longue-Pointe qui vient tout juste d’être annexé à la ville de Montréal.   Longue-Pointe était devenue un haut lieu de villégiature pour les familles bourgeoises qui se font construire de superbes villas « à la campagne ».  Leur troisième enfant y verra le jour[6].

Les contreforts des Appalaches

À la fin de l’été 1914, sans que l’on ne sache trop pourquoi, la famille quitte Montréal pour la région de Saint-Jean-Port-Joli.  La guerre a peut-être à réduit la demande pour des briqueteurs.  En débarquant du train Alfred, Rosa Anna et le nouveau-né du printemps prennent la route Elgin (aujourd’hui la route 204), celle qui relie alors Saint-Jean-Port-Joli à la frontière américaine.  Il y trouve une résidence, quelque part entre Saint-Aubert, qui est à un peu plus de deux kilomètres de la gare et Sainte-Perpétue, qui en est à trente-trois.  C’est là que Rose Anna mettra au monde trois autres enfants[7].  On ne sait pas ce qui amène la famille dans cette région.  Aucun parent n’y habite.  Les parrains et marraines des trois enfants sont de purs étrangers natifs de cette région.  Quoi qu’il en soit, Alfred y sera journalier pour six ans.




En 1920, Alfred part vivre avec sa famille à La Tuque.  Il y rejoint son frère François (1881-1968) qui y demeure avec sa famille, travaillant dans l’industrie forestière depuis trois ans, après avoir bûché dans les chantiers de Saint-Amédée de Péribonka, puis au moulin de pulpe à Val-Jalbert.  Rose Anna y mettra au monde deux enfants.  Alfred semble avoir repris son métier de briqueteur; c’est du moins ce que Rose Anna déclare à l’énumérateur lors de son passage en juin 1921[8]

La terre promise de la famille, Amos en Abitibi

La famille ne fera qu’un bref passage en Mauricie, car à l’ouest, on recrute des briqueteurs pour la construction d’une église énorme et, à la même époque, son frère François choisit aussi de quitter La Tuque et amène sa famille à Parent, un lieu situé à cent cinquante kilomètres au nord-ouest de La Tuque où la compagnie E.B. Eddy vient tout juste d’ouvrir un dépôt pour le bois. 

À l’été 1922, Alfred et son épouse ainsi que leurs cinq enfants (ils en avaient perdu un à leur arrivée à La Tuque)[9] reprennent une nouvelle fois le chemin de fer National Transcontinental pour se diriger vers leur dernière destination, l’Abitibi. 

L’enfant que Rose Anna avait mise au monde en avril décède peu de temps après leur arrivée à Amos à la fin août[10].



L’édifice qu’Alfred contribuera à construire pendant les années 1922 et 1923 remplace la chapelle originale devenue beaucoup trop petite; elle avait été construite en 1913 à l’initiative de Joseph Dudemaine (1879-1966), premier curé de la paroisse Sainte-Thérèse-d’Avila desservant de toutes les missions de l’Abitibi.  Comme Amos est en milieu forestier, Dudemaine qui est toujours curé[11] veut la nouvelle église à l’épreuve du feu; elle sera donc construite en briques et pierres, de là l’utilité des briqueteurs comme Alfred.  La famille de ce dernier dut se rapprocher suffisamment de celle de l’abbé puisque dans quelques années, l’une de ses filles épousera un neveu du curé.  Ce dernier avait alors été promu à la dignité de prélat domestique[12].

Rose Anna mettra au monde ses six derniers enfants dans cette ville d’Amos qui les a accueillies; ville est un bien grand mot, car Amos n’est de fait qu’un village qui sort à peine de terre à l’époque.  La population est seulement de deux mille cinq cents habitants.  De fait, l’endroit n’aura son statut de ville qu’en 1925. 

Comme tout y est à construire dans cette ville naissante, le travail ne manque pas pour Alfred : le palais de justice, un hôpital (Sainte-Thérèse d’Amos), des écoles, le petit et le grand Séminaire, des banques et de nombreux commerces.

Les enfants d’Alfred vont à l’école et réussissent.  En janvier 1927 Lucien (1914-1996), alors en troisième année, sera au tableau d’honneur de l’école des garçons d’Amos[13].

En fin de compte, ce seront neuf enfants des quatorze enfants d’Alfred et de Rose Anna qui auront survécu à tous ces chambardements[14].



L’expérience de son frère François et de sa belle-sœur Clara Duchesne (1879-1958) à Saint-Thomas de Parent n’aura pas été concluante puisqu’il s’amène à Amos à la fin des années 1920 avec une partie de sa famille[15].  Il n’y sera pas longtemps, un coup de vent et sera déjà parti, après quelques années, à plus de quatre cents kilomètres au nord-ouest dans la région de Cochrane en Ontario.  Il finira d’ailleurs sa vie dans la région d’Ottawa.

Alfred ne verra que deux de ses enfants se marier à Amos.  Une troisième l’a bien fait avant qu’il ne décède, mais son mariage eut lieu à La Tuque et la famille n’y assista pas.  Alfred s’éteint le 10 mai 1945 dans sa ville d’adoption, à l’âge de soixante et un ans[16].

La maisonnée se réorganise après la mort d’Alfred.  Deux de ses filles se marient l’année suivante.  Quatre des enfants d’Alfred et de Rose Anna vivront en Abitibi, dont trois à Amos même.  Deux s’établiront dans la région de Montréal et un à Lac-Saint-Charles, un quartier du nord de la ville de Québec aujourd’hui.  Deux autres prendront la direction de la Mauricie.  Rose Anna semble être demeurée à Amos jusque dans les années cinquante, après quoi elle partira vivre chez sa cadette à Grand-Mère où elle s’éteint le 11 décembre 1973.  Elle avait presque quatre-vingt-quatre ans[17]

Alfred Harvey a comme généalogie patrilinéaire son père Augustin Harvai (1833-1896), son grand-père Pierre Hervé (1806-1859) et les autres générations qui ont précédé Jean Hervé (1775-1813), l’insulaire Pierre Hervé (1733-1799), le colonisateur à l’Isle aux Coudres Sébastien Hervé (1695-1759) et le migrant Sébastien Hervet (1642-1714).

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[1] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Antoine-de-Padoue de Saint-Gédéon au lac Saint-Jean, 8 novembre 1883.

[2] Bien que dans trois registres civils et religieux il est qualifié de briquetier, l’avenir confirmera qu’il a pour métier celui de briqueteur.  Un briquetier est une personne qui fabrique, qui vend des briques, des tuiles alors qu’un briqueteur est une personne qui construit des ouvrages en brique.

[3] Le quartier Saint-Henri est au cœur du roman Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy.

[4] B.A.C., G., Recensement de 1911, Montréal, quartier Maisonneuve, microfilm e083_e002064560.

[5] BAnQ., Registre de la paroisse Notre-Dame de Montréal, 26 mai 1909 et 26 juillet 1913.

[6] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-François d’Assise de la Longue Pointe, 16 juin 1914.

[7] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Perpétue, 3 juillet 1915 et 9 août 1916 et Registre de la paroisse Saint-Aubert, 15 août 1917.

[8] B.A.C., G., Recensement de 1921, La Tuque, 105 rue Saint-Benoît, microfilm e083_e003092046.

[9] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Zéphirin de LA Tuque, 8 février 1921. Inhumation de Marie Liliane Lodianna Hervé dite Louisiana.

[10] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Thérèse-d’Avila, 2 septembre 1922.  Inhumation de Fernand Hervé.

[11] ALLAIRE, Jean-Baptiste-Arthur. Dictionnaire biographique du clergé canadien-français. Vol. VI. Saint-Hyacinthe, Imprimerie du Courrier de Saint-Hyacinthe, 1934. 597 pages.

[12] Dignitaire ecclésiastique attaché à la maison pontificale ou à la Curie romaine, portant la couleur violette et ayant droit au titre de Monseigneur.

[13] BAnQ., VEILLET, B. «Tableau d’honneur — École des garçons d’Amos», Journal La Gazette du Nord. Lévis, volume VII, N0. 24 (11 février 1927), page 8. 

[14] B.A.C., G., Recensement de 1931, Amos, 4e rue Ouest, microfilm e011590848.

[15] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Thérèse-d’Avila, 9 janvier 1929.  Mariage d’Arthur Harvey et Adrienne Demeules.

[16] BAnQ., Registre de la paroisse Sainte-Thérèse-d’Avila d’Amos, 12 mai 1945.

[17] BAnQ., Registre de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grand-Mère, 14 décembre 1973.