LE guide touristique du Médoc – Patrimoine du Médoc
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LE guide touristique du Médoc – Patrimoine du Médoc
⬆️ photo : Loïc Siri
Le port figure sur la carte de Belleyme, vers 1760, sous le nom de Port de Cantenac. L'abbé Baurein mentionne vers 1784-1786, le port d'Issan et Port-Aubin, "un ancien port de Cantenac, qui n´est plus praticable". Le port d'Issan est signalé sur le plan cadastral de 1826, à l'extrémité nord de l'île de la Maqueline et dans l'axe du château d'Issan.
Sur un plan dressé en 1823, le port voisin de Margaux apparaît bloqué par l'atterrissement de l'île d'Issan ; il en est de même pour le port de Cantenac envasé. Dès 1825, un avant-projet est réalisé pour un nouveau port à aménager sur les rives de l'île. Cette dernière est achetée en janvier 1837 à Charles Auguste Pierlot, par ailleurs détenteur de l'île Cazeau, par Alexandre Aguado, propriétaire de Château Margaux. Il cède gratuitement aux deux communes de Margaux et Cantenac le terrain nécessaire pour pratiquer sur cette île un chemin et un nouveau port.
Par ordonnance du roi du 14 mai 1838, l'adjudication pour la construction d'un débarcadère en charpente est lancée ; le cahier des charges daté du 4 février 1838 indique que le débarcadère en charpente aura 30m de longueur et 6m de largeur. Un "plan du port d'Issan et de ses abords après l'exécution" est dressé par l'ingénieur des Ponts et Chaussées Pairier le 23 juillet 1847.
Dès 1840, le port est décrit comme étant déjà envasé et inutilisable. Toutefois, il est mis en concession avec un péage pour l'entretien. Le concessionnaire loge dans une habitation sur place.
Un plan du port dressé en 1867 par l'ingénieur des Ponts et Chaussées indique une cale inclinée en charpente encadrée de deux cales pavées. La place semi-circulaire est délimitée par d'anciens bras de l'estuaire et reliée au chemin menant à Issan d'une part, à celui menant à Margaux d'autre part.
Source : Inventaire Nouvelle Aquitaine
Si le port d’Issan, proche de Margaux, n’est pas en Médoc le plus emblématique par rapport à ceux de Goulée, de By ou de la Maréchale, son histoire vient pourtant se lier à celle du majestueux château du même nom, siège d’une baronnie dont les droits s'exercent entre Cantenac et Labarde. C'est l'objet du document que nous décryptons aujourd'hui.
En juin 1644, la terre d’Issan est dirigée par une maîtresse femme, dont la personnalité a profondément marqué les lieux : Marguerite de Lalanne, veuve de Pierre d’Essenault, qui tient fermement les rênes pendant 28 ans. Elle choisit d’affermer pour 5 ans « suivant les us, fors et coustumes de Bourdeaux » l’hostellerie qu’elle possède au port, où logent et se restaurent équipages, passagers ou bouviers. La maison est confiée à un jeune batelier, Jean Gachet, que nous connaissons bien par ailleurs : il est marié à Cantenac, depuis 1636, avec Philippe Arnaud, et père de deux petites filles (car Philippe est un prénom autant féminin que masculin à cette époque, la forme « Philippine » n’étant pas employée).
Le confort de l’hostellerie d’Issan est rudimentaire et il n’est pas question d’y loger une cohorte de voyageurs ou une compagnie distinguée, puisqu’elle ne propose, d’après les éléments fournis par les actes, que quelques couchettes en bois de sapin. Mais le trafic de marchandises y est important, ce qui justifie la somme que Gachet, aux termes du contrat, doit annuellement à la baronne d’Issan : 100 livres, augmentées de deux paires de chapons. Comme tout fermier, il doit promettre d’entretenir la bâtisse et son jardin « en bon mesnager et père de famille, et laisser ladite maison close et estanque (étanche) lorsqu’il quittera icelle » : l'orthographe du mot "étanche" étant à rapprocher ici de sa forme dans les langues ibéro-romanes, "estanco" en espagnol / "estanque" en portugais, sans aucune analogie avec sa signification dans le parler occitan.
L’accord se complète d’une disposition importante pour le jeune batelier : Madame d’Essenault lui fait vente d’une embarcation du port de 3 à 4 tonneaux « avec les atirailhes d’icelle comme ancre, cordaiges, voilles... ». Ce bateau, dans les archives de l’année 1644, est indifféremment appelé gabarre ou filadière, ce qui témoigne de l’emploi simultané de ces deux termes en Médoc au XVIIe siècle. Il lui en coûte 26 écus (78 livres en monnaie de compte), qu’il s’engage à acquitter en 5 versements successifs « à chaque jour et feste de St Martin d’hyver », c’est-à-dire le 11 novembre (car il existe également dans le calendrier ecclésiastique une St Martin d’été, au début du mois de juillet).
A peine six semaines plus tard, Gachet tombe gravement malade et prend la précaution de dresser l’inventaire de son patrimoine mobilier, ce qui nous vaut d’apprendre le nom du bateau qu’il a acheté à la dame d’Issan : « La Françoise ». Le temps où elle s’amarrait au port d’Issan est bien lointain, mais il faut retenir que les fonds d’archives contiennent pour ces périodes anciennes une infinité de documents inexploités, permettant l’étude de la batellerie sur la rivière et des dynasties de mariniers médocains.
Source : A2PL - Société d'Art & d'Histoire des Pays Médocains