LE guide touristique du Médoc – Patrimoine du Médoc

Extraits de

l’histoire et la vie d’une entreprise

par Thérèse Zanettin, céramiste

(mémoire de 27 pages pour le diplôme de Céramique Artisanale | juin 2004
NDLR : les images ont été supprimées)


Depuis plus de 30 ans, pour s’éloigner de Bordeaux dès les premiers week-ends de beau temps, notre destination de prédilection était Carcans-plage-Maubuisson. Sur notre route, peu avant d’arriver à Brach, un panneau « BRIC de BRACH » avec la silhouette d’un pot indiquait une poterie vers la droite.

Lorsque j’ai enfin pris le temps de m’y intéresser j’ai trouvé, en direction de Castelnau sur la commune de Listrac-Médoc, les « Grès Médocains » : une poterie certes, mais surtout une fabrique de briques, en grès, d’où le nom.

Dans cette partie du Médoc il y a bien sûr le vin mondialement connu, mais aussi des forêts de pins dont on récoltait la résine il n’y a pas encore longtemps, des fermes, des moutons, des marécages, des carrières d’argile, de la brande (végétation des sous-bois constituée de bruyère, ajoncs, genêts,…) et, tout près, la côte atlantique longée de dunes de sable fin…qui attire de nombreux vacanciers.

La briqueterie date de 1880. A cette époque il y en a une vingtaine dans les environs, installées près de leurs carrières d’argile, abondantes dans la région.

Monsieur Fourcan, le grand-père de l’actuel patron, Claude Barraud, en a fait l’acquisition en 1908.

La fabrique produit à la presse des briques de construction et des pots à résine (on en trouve encore quelques exemplaires de-ci, de-là sur des étagères ).

L’argile utilisée pour façonner les briques provient d’une carrière située à peu près à 300 mètres de la briqueterie. Deux couches différentes sont extraites et amenées au fond du hangar. On les met dans une « bardière », fosse de 3 mètres sur 4 et de 1,50 mètres de profondeur. Dûment mélangée et mouillée, elle y restait 4 ou 5 jours. La terre est ensuite sortie de là à la pelle.

A cette époque il n’y a pas les machines auxquelles nous sommes habitués de nos jours et la manutention est essentiellement manuelle. La presse pour filer les briques marche à la vapeur qui elle est obtenue avec un feu au bois !

Les pièces façonnées sont posées sur des planches, les planches sur des étagères (comme à la poterie). Elles sèchent à l’air libre, avant la cuisson.

Le four est le cœur de la briqueterie. Il est à ciel ouvert (comme les fours à chaux à la même époque). Il est chauffé à la brande ! Je n’arrive pas à imaginer les quantités qu’il faut couper, transporter, stocker, puis charger dans les deux alandiers (foyers) du four…et 70 heures de chauffe sont nécessaires pour amener le four à la température de cuisson de l’argile, environ 900°C. A cette température on obtient des briques ordinaires, c’est-à-dire en terre cuite, poreuse et fragile.

Au-dessus des briques à cuire on dispose plusieurs couches de briques défectueuses qui protègeront et isoleront celles qui sont dessous. A la fin de la cuisson toutes les ouvertures sont murées pour éviter un refroidissement trop rapide, ce qui provoquerait des fissures dans les briques. Et là-haut, au-dessus des briques incandescentes, c’est la fournaise !

En 1928, Monsieur Fourcan, usé par ce travail éreintant, abandonne la briqueterie pour se retirer dans sa ferme de Brach. Il a trois enfants, deux filles et un garçon. Simone la deuxième fille a alors 9 ans.

Pendant la guerre la plupart des briqueteries sont abandonnées. Les allemands ont construit des « blockhaus » pour surveiller la côte et sillonnent le pays. Ils occupent les maisons, dont celle de la famille Barraud.

Les deux filles de Monsieur Fourcan se sont mariées à des agriculteurs et vivent dans leur belle-famille selon les usages de l’époque. Le garçon reste à la ferme avec lui.

Simone et son mari, Jean Nathaniel Barraud, ne s’entendent pas bien avec sa belle-mère. A la mort de son beau-père la mésentente est telle qu’ils quittent la ferme et se réfugient dans le cabanon attenant à la fabrique de Monsieur Fourcan. Ils vont s’y installer avec des moyens de fortune.

On est le 2 décembre 1946. Simone et Jean ont deux enfants tout petits : une fille, 4 ans et un garçon, Claude Guillaume, 2 ans et demi. Dans un premier temps, Jean va s’employer dans les exploitations forestières. On récolte encore la résine.

Après quelques mois, l’idée de remettre la briqueterie en activité est étudiée : la guerre est passée par là et la fabrique est en ruine. Qui plus est, Jean, agriculteur, ne connaît rien à ce métier, il va sans dire. Il va relever le défi avec Simone ( et quelques ouvriers ), initié par Monsieur Fourcan qui sera à leur côté pendant quelques mois.

Grâce à leur opiniâtreté c’est la seule briqueterie qui survivra, toutes les autres ont fermé. Il va sans dire que leur dur labeur n’aurait pas suffi à assurer la prospérité de l’entreprise s’ils n’avaient aussi apporté des améliorations aux méthodes de production.

Anecdote : leur première brique n’a jamais été payée. Elle faisait partie d’une livraison à un garage de la région que nous ne nommerons pas.

Dans un premier temps la brande est abandonnée au profit du bois de pin : branches provenant de l’élagage et têtes de pins. Cependant leur manipulation reste laborieuse et difficile, par exemple les branches peuvent se mettre en travers dans les alandiers et empêcher un chargement correct.

Par ailleurs on commence à diversifier la production : en plus des briques on va faire des carreaux et les pots à résine sont peu à peu abandonnés (les produits pétroliers remplacent la résine et ses dérivés).


lire la suite du mémoire

Listrac Medoc
Brach